La troisième catégorie de domaine est appelée meqom ptor, « lieu d’exemption ». Y sont inclus les champs, les déserts, les mers et les lacs, ainsi que les autres lieux qui, d’une part, ne sont pas entourés de cloisons qui les définiraient comme domaines particuliers, mais qui, d’autre part, ne servent pas au public de manière régulière. Puisqu’il s’agit d’un lieu indéfini, le meqom ptor n’a pas l’importance, halakhiquement parlant, d’un véritable lieu, et l’on ne considère pas, en ce cas, que l’endroit où l’objet est placé relie ce dernier à lui. Aussi la Torah permet-elle de transférer un objet d’un meqom ptor vers un domaine particulier ou vers le domaine public, ou encore, inversement, de l’un de ces domaines vers un meqom ptor. De même, il est permis par la Torah de porter des objets à l’intérieur d’un meqom ptor, sur quelque distance que ce soit.
Cependant, il existe une ressemblance entre meqom ptor et domaine public, car le public est autorisé à utiliser l’un et l’autre de ces lieux. Pour cette raison, les sages ont dressé une haie protectrice autour de la Torah, en décrétant que tous les lieux ouverts n’appartenant pas au domaine particulier seraient appelés karmelit, et que leur statut serait semblable à celui du domaine public : il est interdit d’y porter un objet sur plus de quatre coudées ; il est également interdit de transférer un objet d’un karmelit vers un domaine particulier ou vers un domaine public, ou encore de l’un de ces deux domaines vers un karmelit.
Seuls les endroits qui ne sont pas appropriés à un usage important, tels que les rochers hauts de plus de 3 téfa’h (environ 23 cm) et dont la largeur est inférieure à 4 téfa’h (environ 30 cm) conservent le statut de meqom ptor, et il est permis de transférer un objet vers eux, depuis un domaine particulier ou public, ou inversement de transférer l’objet depuis le meqom ptor jusqu’au domaine particulier ou public. La raison pour laquelle nos sages n’ont pas décrété d’interdit sur un semblable meqom ptor est que ce lieu diffère entièrement des autres domaines : du fait qu’il est haut d’au moins 3 téfa’h, il est considéré comme séparé de la surface du sol ; et du fait que sa largeur est inférieure à 4 téfa’h, il n’a pas la superficie d’un lieu important, et l’on ne risque pas de se tromper, et de penser que, puisqu’il est permis d’y porter, il est également permis de porter en d’autres lieux dont la superficie est celle de lieux importants[2].
En revanche, tout le monde s’accorde à dire qu’il ne saurait y avoir de meqom ptor inclus dans un domaine particulier, car la clôture qui entoure ce dernier confère à tout ce qui s’y trouve le statut de domaine particulier (Rama 345, 19, Béour Halakha ad loc. ד »ה ר »ן et יש חולקים).
Le domaine public s’étend, en hauteur, jusqu’à 10 téfa’h seulement. Un homme qui prendrait un objet en main, et qui marcherait sur une corde ou sur une poutre suspendue au-dessus du domaine public, ne transgresserait pas l’interdit de porter, car l’air qui se situe au-dessus de 10 téfa’h est considéré comme meqom ptor. En revanche, les avis sont partagés s’agissant d’une table de plus de 10 téfa’h de hauteur, de plus de 4 téfa’h de largeur, et qui se tiendrait dans le domaine public ou dans un karmelit. Selon le Choul’han ‘Aroukh 345, 16, puisque cette table n’a pas de cloisons qui en feraient un domaine particulier, son statut est celui de karmelit ; selon le Michna Beroura 345, 66 et le Gaon de Vilna, se basant sur plusieurs Richonim, il s’agit d’un meqom ptor, car il n’y a pas de karmelit ni de domaine public au-delà de 10 téfa’h. Selon le Cha’ar Hatsioun 68, le Choul’han ‘Aroukh lui-même est revenu sur son avis (Hilkhot ‘Erouvin du Rav Lange, p. 20).