Pniné Halakha

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05. L’interdit de porter, des points de vue toranique et rabbinique

Nous avons vu que l’interdit de hotsaa s’applique au fait de transférer des objets d’un domaine à un autre, c’est-à-dire du domaine particulier vers le domaine public ou vers celui de karmelit (qui est un « domaine public » de rang rabbinique), ou l’inverse, du domaine public ou de karmelit vers le domaine particulier. De même, l’interdit s’applique au fait de porter un objet sur plus de quatre coudées dans le domaine public ou dans un karmelit. À présent, tentons d’examiner de façon plus précise en quoi consiste la mélakha interdite, du point de vue toranique.

La mélakha de « porter » (hotsaa) se compose de trois étapes : a) prendre l’objet du domaine où il se trouve ; b) le transférer dans un autre domaine ; c) le déposer dans ce second domaine. Même si l’on a opéré ces trois étapes en une seule et même action, on n’en reste pas moins passible de sanction. C’est le cas, par exemple, quand on jette un objet du domaine particulier vers le domaine public, ou bien que l’on jette l’objet à une distance de quatre coudées dans le domaine public. De même, si l’on tient un objet en main, ou que l’on porte un objet dans sa poche, et que l’on aille du domaine particulier au domaine public, on enfreint l’interdit de porter. En effet, au début de sa marche, on accomplit un déplacement d’objet ; puis, durant son passage du domaine particulier au domaine public, on réalise un transfert d’objet ; enfin, quand on se tient dans le domaine public, on accomplit le « dépôt » de l’objet[3].

Tant que les trois étapes n’ont pas été effectuées par la même personne, l’interdit toranique n’est pas réalisé. Par exemple, si une personne prend un ustensile dans un domaine particulier, et tend la main tenant l’ustensile en direction du domaine public, elle n’a pas enfreint l’interdit toranique, puisqu’elle n’a pas posé l’ustensile dans le domaine public. Si une seconde personne, qui se trouve dans le domaine public, prend l’ustensile de la main de la première, l’ustensile sera transféré d’un domaine à l’autre, sans que personne n’ait exécuté la mélakha complète, telle que l’interdit la Torah : la première personne aura réalisé l’enlèvement et le transfert, la seconde le dépôt.

Cependant, les sages ont interdit de réaliser le travail de hotsaa à deux personnes associées. Ils ont craint en effet que, en raison de cette possibilité de contourner l’interdit, celui-ci ne perde sa valeur aux yeux des gens, et que l’on n’en vienne à réaliser seul toute la hotsaa, transgressant ainsi un interdit toranique (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 347, 1).

Il faut encore savoir que, si l’on s’en tient à la Torah, l’interdit de porter un objet ne s’applique que lorsqu’on le porte de manière habituelle. Par exemple, si l’on prend l’objet en main, ou qu’on le mette dans sa poche, ou dans un sac, on considérera que l’objet est porté de manière habituelle, et que l’interdit toranique est enfreint. Mais si l’on porte l’objet de manière inhabituelle, par exemple en plaçant son mouchoir dans sa chaussure, ou sur sa tête, on ne transgresse pas l’interdit toranique. Cependant, les sages interdisent d’exécuter une hotsaa affectée d’un changement, de crainte que l’on n’en vienne par-là à porter quelque objet sans changement.

En résumé, l’interdit toranique consiste seulement dans la réalisation même de la mélakha : le fait qu’un seul homme l’accomplisse comme il en a l’habitude les jours de semaine. Nos maîtres, quant à eux, ont de plus interdit tout acte permettant d’atteindre le but de la mélakha : l’accomplir avec un changement, ou à deux personnes ; dans ces cas, on enfreint un interdit rabbinique par le fait même que l’on atteint son but en transférant un objet dans le domaine souhaité. Il importe aussi de préciser que l’interdit rabbinique de transférer (ou de porter) un objet en apportant un changement à l’acte, ou en l’accomplissant à deux, s’applique également au domaine de karmelit[4].


[3]. Il est interdit de porter continument d’un domaine particulier à un autre domaine particulier, en passant par un domaine public. Certains auteurs estiment qu’il s’agit d’un interdit toranique (Tossephot, ‘Erouvin 33a ד »ה דהא). Toutefois, de l’avis de beaucoup, tant que l’on ne cesse pas sa marche dans le domaine public, l’interdit n’est que rabbinique car, tant que l’on continue de marcher, on n’a pas encore accompli le « dépôt » de l’objet dans le domaine public (Rachba, Ritva sur ‘Erouvin 33a, Taz 346, 2). C’est en ce second sens que l’on enseigne la halakha (Choul’han ‘Aroukh Harav 347, 9, Rav Chelomo Zalman Auerbach cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 30, note 134). Aussi, en un lieu où existe un doute quant à la validité de l’érouv [dispositif de jonction des domaines, cf. chap. 29], on peut marcher continument d’un domaine particulier à un autre domaine particulier en passant par le domaine public. En effet, tant que l’on ne se tient pas debout en cessant sa marche, on se trouve, selon la majorité des décisionnaires, en présence d’un doute, en un cas où deux éléments d’abstention rabbinique sont rassemblés. En effet, pour une majorité de décisionnaires, les domaines publics de notre temps ont en réalité valeur de karmelit [parce qu’il n’y passe pas quotidiennement 600 000 personnes].

[4]. La différence entre l’interdit de la Torah et l’interdit rabbinique tient à la gravité de la sanction. Si l’on a commis l’interdit toranique, et que la faute fût intentionnelle (mézid), la peine est le retranchement (karet) – ou, dans le cas où sont présents des témoins et où l’on a été mis en garde, la lapidation (seqila). Si la faute n’était pas intentionnelle (chogueg) [par exemple, si l’on avait oublié que c’était Chabbat, ou si l’on ne savait pas que l’acte était interdit], on doit apporter un sacrifice expiatoire (‘hatat). Si l’on a accompli la mélakha en y apportant un changement (chinouï), c’est un interdit rabbinique que l’on a transgressé ; si la transgression était intentionnelle, la sanction est la flagellation de rang rabbinique (malqout midivré ‘Hakhamim) ; si la transgression n’était pas intentionnelle, il n’y a pas de sanction.

 

Autre différence : à l’égard des interdits toraniques, il n’y a pas lieu d’être indulgent, sauf en cas de danger pour l’intégrité des personnes. Concernant les interdits rabbiniques, en revanche, on peut, dans des cas déterminés de nécessité pressante, être indulgent, même quand il n’y a pas de danger pour l’intégrité des personnes. Par exemple, pour les besoins d’un malade, on est indulgent en matière d’interdits rabbiniques (cf. ci-après, chap. 28 § 2). Quand on risque une perte financière importante, les sages permettent de passer outre à leur propre interdit afin de préserver son argent, en transférant celui-ci du domaine public au domaine particulier de façon inhabituelle (Rama 301, 33, Michna Beroura 266, 17). De même, on est indulgent dans le cas où il s’agit de préserver des téphilines, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 301, 42. Cf. paragraphe suivant.

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