La coutume répandue est conforme à l’opinion de la majorité des sages de la Michna (ceux que l’on appelle ‘Hakhamim, c’est-à-dire la communauté des sages), selon lesquels le temps de Min’ha s’étend jusqu’à la fin de la journée ; selon cette vue, lorsqu’apparaissent trois étoiles dans le ciel, commence le temps de l’office d’Arvit, la prière du soir (Berakhot 26a). Cependant, selon Rabbi Yehouda (lui aussi l’un des sages de la Michna), le temps de Min’ha s’achève plus tôt, à l’expiration de ce que l’on appelle le plag hamin’ha. Plag signifie moitié ; c’est-à-dire que l’on partage la période de Min’ha qétana en deux moitiés égales. Or nous avons déjà vu (§ 5) que la période de Min’ha qétana s’étendait de la neuvième heure solaire et demie jusqu’à la fin de la douzième heure ; cette période dure donc deux heures et demie, si bien que chaque moitié est d’une heure et quart. Selon Rabbi Yehouda, la première heure et quart est donc le temps de Min’ha, tandis que la seconde période d’une heure et quart est déjà l’heure de l’office du soir, Arvit.
Cette opinion se fonde sur la considération suivante : en pratique, les Cohanim se hâtaient de sacrifier et d’asperger le sang du sacrifice journalier pendant la première moitié de la période de Min’ha qétana, si bien que cette première moitié constitue le temps de Min’ha. Durant la seconde moitié de cette même période, les Cohanim élevaient déjà les membres du sacrifice journalier sur l’autel. Or l’office d’Arvit a précisément été institué par référence à l’oblation des membres ; par conséquent, c’est à ce moment que débute le temps d’Arvit. Tandis que, pour les ‘Hakhamim, le raisonnement est le suivant : puisque, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de procéder à l’aspersion du sang du sacrifice quotidien jusqu’à la fin de la journée, le temps de Min’ha s’étend lui-même jusqu’à la fin de la journée. L’horaire d’Arvit correspond, quant à lui, à celui de la lecture du Chéma du soir, qui commence à l’apparition des étoiles.
En pratique, cette controverse n’est pas tranchée, et le Talmud (Berakhot 27b) conclut que l’on est autorisé à choisir de se conformer à l’avis des ‘Hakhamim ou à celui de Rabbi Yehouda. Les Richonim ajoutent que cette faculté de choix suppose encore que l’on s’en tienne à une conduite unique : si l’on se conforme à l’opinion de Rabbi Yehouda, on doit avoir soin de ne pas dire Min’ha après le plag hamin’ha ; et si l’on suit l’opinion des ‘Hakhamim, on doit avoir soin de dire Arvit après l’apparition des étoiles, et pas avant. En revanche, dire Min’ha après le plag comme le permettent les ‘Hakhamim, puis Arvit avant l’apparition des étoiles comme le permet Rabbi Yehouda, est interdit (nous développerons le propos dans les lois d’Arvit, chapitre 25 § 6-7)[9].