Le jugement prononcé à l’égard de l’homme, à Roch Hachana vise son existence dans ce monde-ci (ha‘olam hazé) et son existence dans le monde futur (ha’olam haba). Nous avons, dans les paragraphes précédents, abordé la question du jugement applicable à ce monde-ci – et nous verrons d’autres notions à ce sujet dans de prochains paragraphes. À présent, examinons la question du jugement applicable au monde futur. Il faut d’abord expliquer que la vie éternelle se compose de deux étapes. La première commence après la mort de l’homme ; alors, son âme monte dans le monde des âmes, lequel se compose du Gan ‘Eden pour les justes et du Guéhinom pour les méchants. La seconde étape adviendra après que sera achevé l’amendement (tiqoun) du monde par la résurrection des morts. Alors, les âmes reviendront s’unir aux corps. Avec eux, les âmes s’élèveront sans fin (Na’hmanide, Cha’ar Hagmoul ; Rabbi H. D. Luzzato, Dérekh Hachem I, chap. 3 ; cf. Chné Lou’hot Habrit, Toledot Adam beit David).
Le monde futur, dans ses deux étapes, est également appelé monde de vérité (‘olam ha-émet), parce que, en regard de ce bas monde, où le mensonge a l’avantage, et où l’apparence extérieure cache l’essence intérieure, dans le monde futur se révèle la stature véritable de l’homme, et la vraie valeur de ses actes.
Or le monde futur est incomparablement plus important que ce monde-ci ; nos sages disent : « Ce monde-ci ressemble à un vestibule devant le monde futur » (Maximes des pères 4, 16). Par conséquent, la partie essentielle du jugement de Roch Hachana vise le monde futur. Ce jugement est divisé en deux parties : l’une consiste, chaque année, à estimer tous les actes que l’homme a accomplis durant l’année. La récompense de ses bonnes actions lui est réservée pour le monde futur, et la punition de ses mauvaises actions lui est également réservée pour le monde futur. Cependant, le jugement fixé à Roch Hachana n’est pas définitif ; en effet, si l’homme, le long des années suivantes, fait téchouva, il se soustraira à la peine du Guéhinom, et sa récompense dans le monde futur sera grande. À l’inverse, si, à Dieu ne plaise, il se ravise et regrette les bonnes actions qu’il a accomplies, il héritera du Guéhinom et perdra la récompense qui lui était gardée dans le monde futur.
La deuxième partie du jugement porte sur la possibilité de se rapprocher de l’Eternel durant l’année nouvelle. Quand, à Roch Hachana, l’homme a obtenu une sentence de vie, des événements se présenteront à lui au cours de l’année, qui l’aideront à continuer de s’élever dans la Torah et dans la pratique des mitsvot, par lesquelles il méritera la vie éternelle. Au moment où il s’adonnera à l’étude de la Torah, il jouira d’un supplément d’illumination et de compréhension ; et quand il se livrera à la pratique des mitsvot et des bonnes œuvres, il bénéficiera d’un supplément de joie et de bénédiction, qui seront comme un avant-goût du monde futur. Mais si, ce qu’à Dieu ne plaise, on le condamne à mort, des circonstances et des événements se présenteront à lui dans le cours de l’année nouvelle, qui seront susceptibles de l’éloigner de l’Eternel et de lui faire perdre son monde futur. Même quand il étudiera la Torah, il lui sera difficile d’intégrer la lumière divine qui s’y trouve ; et même quand il s’adonnera à la pratique des mitsvot, il ne pourra ressentir convenablement la sainteté et le délice dont ces mitsvot sont porteuses. C’est là ce que signifie la parole de nos sages (Maximes des pères 4, 2) : « La mitsva entraîne la mitsva, et la transgression entraîne la transgression ; car le salaire de la mitsva est la mitsva, et le salaire de la transgression est la transgression » (Néfech Ha’haïm 1, 12).
La récompense est, dans sa généralité, appelée vie ; la punition est, dans sa généralité, appelée mort. Le mot vie (‘haïm) signifie la proximité de Dieu, le fait de se lier à Dieu, source de la vie. Par cela, l’homme bénéficie de tous les bienfaits que l’Eternel dispense dans ce monde-ci, dans le monde des âmes et dans le monde futur. Et dès lors que la racine de tous les bienfaits et de toutes les délices existant en ce monde émane de la vie que l’Eternel dispense au monde, la récompense prévue dans le monde futur est incommensurablement plus grande que toutes les délices de ce monde-ci, qui ne sont qu’un pâle reflet de la racine des délices. Nos sages enseignent, à cet égard : « Une seule heure de satisfaction dans le monde futur surpasse toute la vie de ce monde-ci » (Maximes des pères 4 ,17). En effet, dans le monde futur, chacun peut mériter de jouir de la splendeur de la Présence divine (la Chékhina), et se délecter en l’Eternel ; la vie dont on est animé croît et se renforce à un degré inestimable. Dans ce monde-ci, par contre, la lumière divine nous parvient par le biais d’écrans, de manière très réduite. Malgré cela, par l’attachement à Dieu (deveqout), auquel on parvient par l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvot, l’homme peut obtenir, même dans ce monde-ci, un avant-goût du monde futur, et se délecter de l’attachement à Dieu.
En regard de la récompense, appelée vie, le nom générique de la punition est mort (mavet), qui signifie l’éloignement d’avec la source de vie, cet éloignement causant le renforcement des souffrances, jusqu’à la mort du corps dans ce monde-ci et les tourments de l’âme dans le Guéhinom[4].