Pniné Halakha

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Chapitre 02- Préparatifs du Chabbat

01. Les préparatifs du Chabbat

Comme nous l’avons vu au précédent chapitre, les six jours ouvrables et le Chabbat sont liés : de même que l’homme est doté d’un corps et d’une âme, de même la semaine possède un corps et une âme. Les jours travaillés en sont le corps et le Chabbat en est l’âme. Et de même que l’homme accompli est celui dont l’âme et le corps fonctionnent en harmonie, le corps recevant l’influx spirituel de l’âme et donnant à celle-ci la possibilité de s’exprimer, ainsi la semaine accomplie est celle où le lien entre Chabbat et jours ouvrables est un lien étroit. Les jours ouvrables, nous préparons tout le nécessaire du Chabbat ; grâce à cela, ces jours s’élèvent, se sanctifient, et puisent du Chabbat leur valeur.

Nos sages enseignent (Beitsa 16a) que, tous les jours de sa vie, « Chamaï l’Ancien mangeait en l’honneur de Chabbat » : s’il trouvait une belle bête, il disait : « Celle-ci est pour Chabbat. » S’il en trouvait ensuite une autre, plus belle que la première, il mangeait la première et gardait la seconde, prisée davantage, pour Chabbat. En d’autres termes, les jours ouvrables, Chamaï mangeait des mets moins délectables, car il gardait les plus délectables pour Chabbat. Par conséquent, il mangeait chaque jour de sa vie en l’honneur du Chabbat, et se demandait toujours comment honorer celui-ci et le sanctifier. Hillel l’Ancien, en revanche, adoptait une autre conduite : tous ses actes étaient faits au nom du Ciel, et il honorait et sanctifiait même les jours profanes, comme il est dit : « Béni soit l’Eternel au jour le jour. » Aussi, quand se présentait à lui un bon mets durant la semaine, il le mangeait, assuré qu’il était que Dieu, qui l’avait mis en présence d’un bon mets durant la semaine, lui en présenterait un plus délectable en l’honneur du saint Chabbat. Ainsi, Hillel donnait à chaque jour l’honneur et la valeur qui lui revenait (Rachi ad loc. ; Na’hmanide sur Ex 20, 8).

Les décisionnaires écrivent toutefois que, de l’avis d’Hillel l’ancien lui-même, il est préférable, en général, d’adopter la conduite de Chamaï, et de conserver les mets les plus délectables pour Chabbat ; simplement, Hillel était doté d’une confiance en Dieu toute particulière, et était certain que Dieu le mettrait en présence de mets plus délicieux encore pour Chabbat. Tandis qu’un homme qui n’est pas animé d’une telle certitude doit, quant à lui, avoir à cœur d’honorer chaque jour le Chabbat, et conserver pour celui-ci les mets les meilleurs (Michna Beroura 250, 2).

De nos jours, cette règle n’a presque plus d’implication pratique car, dans les magasins alimentaires, on trouve une profusion de produits durant toute la semaine, et il n’y aurait pas de raison de craindre que, en mangeant un certain mets de choix les jours ouvrables, on ne puisse plus le trouver en magasin à l’approche du Chabbat. Par conséquent, le principe, de nos jours, est de programmer nos achats de manière telle que les aliments destinés au Chabbat soient les plus délectables.

Il est bon de déclarer, au moment de faire ses courses, que tel achat est « en l’honneur du saint Chabbat » (likhvod Chabbat qodech) : cette coutume relève de la mitsva de zakhor (« souviens-toi du jour de Chabbat ») (Na’hmanide ad loc.). Il est bon, également, de goûter les mets que l’on prépare pour le Chabbat, afin de les accommoder comme il convient, et de faire ainsi du Chabbat un délice (Maguen  Avraham 250, 1 au nom de Rabbi Isaac Louria ; Michna Beroura 2).

02. Le vendredi

Bien que, d’une certaine manière, il faille se préparer chaque jour au Chabbat, le principal de cette préparation doit se faire le vendredi, comme il est dit : « Le sixième jour, ils prépareront ce qu’ils auront apporté » (Ex 16, 5). Et de même que les enfants d’Israël dans le désert se nourrissaient de la manne, qui tombait pendant la nuit, et que, dès le matin du sixième jour, ils sortaient la recueillir, de même est-ce une mitsva que de s’empresser de préparer le nécessaire du Chabbat, le vendredi matin (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 250, 1). C’est une bonne coutume pour la femme que de se lever tôt, le vendredi, de cuire des pains (‘halot) en l’honneur de Chabbat, et de procéder au prélèvement sur la pâte (‘hala)a (Rama 242, 1).

Malgré l’obligation de se hâter de procéder aux achats du Chabbat de bon matin, il ne faut pas faire passer cela avant la prière de Cha’harit (prière du matin). De même, si l’on a l’habitude d’étudier après la prière, on étudiera comme de coutume, puis on se hâtera d’acheter et de préparer ce qui est nécessaire au Chabbat. Ce n’est que s’il est à craindre que, après la prière, il ne reste plus dans les magasins de produits alimentaires destinés au Chabbat, qu’il sera permis d’acheter les produits nécessaires avant la prière (Michna Beroura 250, 1).

Les A’haronimb ont enseigné qu’il est préférable d’acheter les aliments destinés au Chabbat le vendredi, plutôt que le jeudi, car il est alors plus manifeste que les achats sont faits en l’honneur du Chabbat. Il existe une seconde raison à cela : autrefois, quand il n’y avait pas de réfrigérateurs, il n’y avait pas de moyen de conserver les aliments frais, et pour que les aliments du Chabbat fussent de bonne qualité, il fallait les acheter et les cuisiner le vendredi. Toutefois – même à l’époque, et à plus forte raison aujourd’hui –, si certains aliments risquent de ne plus être sur le marché le vendredi, ou si leur préparation est très longue, il est préférable de les acheter le jeudi (Michna Beroura 250, 2).

Si l’on se trouve devant deux possibilités : cuisiner le vendredi et être fatigué le soir de Chabbat, ou cuisiner le jeudi et conserver les plats au réfrigérateur, de manière à accueillir sereinement le Chabbat, il est préférable d’achever la cuisine le jeudi ; simplement, on réservera au vendredi une petite partie des préparatifs. En effet, la mitsva essentielle est d’honorer le Chabbat et d’en faire un objet de délice ; pour cela, il importe d’être alerte et serein.

Dans certaines familles, la tension qu’on éprouve à vouloir achever tous les préparatifs avant l’entrée de Chabbat est telle que le vendredi devient un jour de nervosité et de disputes. L’Accusateur et le penchant au mal sont partie prenante en cela, car, avant l’entrée du Chabbat de paix, s’éveille la force antagoniste dans le but de susciter la colère et la controverse, et d’empêcher Israël d’accueillir le Chabbat convenablement. Dans le même sens,  le Talmud rapporte qu’un certain couple, chaque semaine à l’approche du Chabbat, se disputait de façon terrible. Rabbi Méïr eut l’occasion de séjourner dans leur ville pendant trois semaines. Chaque soir de Chabbat, il demeurait chez eux, jusqu’à ce qu’il rétablît la paix entre eux. Il entendit une voix émanant de l’Accusateur : « Malheur à moi, car Rabbi Méïr m’a chassé de cette maison » (Guitin 52a). Afin de ne pas laisser place à l’Accusateur, il faut bien programmer les préparatifs de Chabbat, de manière à pouvoir accueillir celui-ci dans la sérénité et la joie (c’est également ce qui ressort du décret d’Ezra, cf. § 4).

Il existe une coutume sainte, consistant à achever tous les préparatifs de Chabbat avant le milieu du jour (le midi solaire), après quoi on se repose et l’on se livre à l’étude de la Torah, à l’approche de Chabbat. Quiconque se conduit ainsi a le mérite d’accueillir Chabbat dans la sérénité et la joie, et parvient à ressentir l’âme supplémentaire (néchama yétéra) qui lui est octroyée pendant Chabbat.


[1]. Le mot ‘hala, plur. ‘halot, a deux sens : a) les pains généralement tressés, traditionnellement préparés en l’honneur du Chabbat et des fêtes ; b) dans une acception halakhique, la ‘hala est le nom de la portion que l’on prélève sur la pâte pétrie. À l’époque du Temple, cette portion devait être offerte aux prêtres (Nb 15, 18-21) ; aujourd’hui, on la brûle.[2]. Décisionnaires modernes, du 16ème siècle à l’époque contemporaine.

Pniné Halakha Les lois de Chabbat I + II
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03. Achat des aliments de Chabbat

C’est une mitsva que de se délecter, le Chabbat, par des mets et des plats de choix, et par des boissons savoureuses, selon les moyens propres à chacun ; quiconque fait des dépenses importantes en l’honneur du Chabbat et prépare de bons et nombreux plats, est digne de louange (Maïmonide, Chabbat 30, 7). Il est dit, à ce propos : « Tu appelleras le Chabbat délice » (Is 58, 13). Nos sages ont enseigné : « Quiconque fait du Chabbat un objet de délice mérite de grandes choses : on lui octroie un héritage sans limite, on réalise les désirs de son cœur, il est préservé des souffrances précédant la venue du Messie, de la guerre de Gog et Magog et de la peine de la géhenne (Guéhinom) ; il mérite même la richesse » (Chabbat 118a-119a). Cela, parce que la vie et la bénédiction dépendent du lien qui unit le monde de la matière à celui de l’esprit. L’homme vivant est l’homme dont l’âme siège dans le corps, tandis que, dans la mort, l’âme est séparée du corps. Quand le monde de la matière est attaché à celui qui est au-dessus de lui, il est vivifié et béni par la racine dont il émane ; mais quand il s’éloigne de la racine de sa vitalité, de la foi et des valeurs de l’esprit, sa vie s’amoindrit, il s’atrophie progressivement, et la malédiction le poursuit. La particularité du Chabbat est d’être doté d’un supplément de sainteté, qui se révèle dans l’âme et dans le corps tout ensemble, par la Torah, par la prière, mais aussi par les repas de Chabbat. De cette manière, une grande unité s’opère entre l’esprit et la matière, entre l’âme et le corps ; la vitalité se renforce et la bénédiction abonde dans le monde. C’est pourquoi nos sages ont enseigné que celui qui se délecte du Chabbat comme il convient mérite de nombreuses bénédictions et est préservé du malheur (cf. encore ci-après chap. 7 § 1).

Il faut dépenser, pour les mets de Chabbat, selon ses possibilités et en fonction de ses habitudes de semaine. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire d’acheter, en l’honneur du Chabbat, les aliments les plus chers du marché ; mais il faut acheter des aliments qui soient meilleurs que ceux que l’on a l’habitude de manger en semaine, chaque famille selon son usage. On peut dire qu’il est bon que le prix des aliments destinés au Chabbat soit au moins double de celui des aliments de semaine. Quant à ceux qui apportent à leur pratique un supplément de perfection, ils investissent davantage encore dans leurs dépenses de Chabbat ; en récompense, une grande rétribution leur est destinée.

Si l’on est dans la gêne et que l’on ne puisse pas acheter des aliments excellents pour Chabbat, on restreindra ses dépenses alimentaires de semaine afin de pouvoir, à tout le moins, ajouter à son ordinaire de petits poissons en l’honneur du jour (Chabbat 118b). Certaines personnes ont l’habitude de gaspiller de l’argent en dépenses superflues, et ce n’est que lorsqu’ils en viennent aux dépenses afférentes aux besoins d’une mitsva qu’ils commencent à économiser et à se restreindre. En réalité, il faut économiser sur les superfluités et, en revanche, savoir dépenser et embellir son ordinaire pour les besoins d’une mitsva. Nos sages ont enseigné que les moyens de subsistance de l’homme lui sont fixés d’un Roch Hachana (jour de l’an) à l’autre (Beitsa 16a) ; c’est à lui d’avoir soin de ne pas faire de dépenses superflues, de crainte de sortir du cadre qu’on lui a fixé et de se retrouver dépourvu. Font exception les dépenses de Chabbat, de fêtes (Yom tov), ainsi que l’argent dépensé pour que ses enfants étudient la Torah (talmud Torah) : si l’homme dépense moins pour de tels besoins, on lui réduit d’en haut son budget, et s’il dépense davantage, on ajoute à son budget (Touré Zahav 242, 1).

Quand on n’a pas d’argent disponible pour les courses alimentaires du Chabbat, on emprunte de l’argent afin de pouvoir faire du Chabbat un objet de délice. On ne s’inquiétera pas de ne pas être en mesure de rendre la somme prêtée, en raison de quelque empêchement, car « le Saint béni soit-Il a dit à Israël : “Mes enfants, empruntez sur mon compte et conférez à ce jour sa sainteté ; ayez foi en Moi : Je rembourserai” » (Beitsa 15b). Tout cela, à condition de ne pas compter sur un miracle : quand nous parlons d’emprunter, nous visons le cas où l’on possède un commerce sûr, ou un salaire régulier, ou encore des économies sur lesquelles on peut s’appuyer. C’est dans un tel cas que nos sages ont dit qu’il ne fallait pas craindre de n’être pas en mesure de rembourser sa dette car, si l’on procède comme il convient, que l’on travaille assidument et que l’on ne dilapide pas son argent, l’Eternel accordera son assistance afin de pouvoir payer sa dette.

Mais si l’on ne sait pas comment on remboursera sa dette, on n’empruntera pas au prétexte de se délecter du Chabbat, afin de ne pas être, à Dieu ne plaise, un impie qui ne rembourse pas ses dettes1. On ne tendra pas non plus la main pour demander la charité (tsédaqa), mais on mangera, le Chabbat, des aliments simples, comme l’a dit Rabbi Aqiba : « Fais de ton Chabbat un “jour profane”, mais ne dépends pas des créatures » (Pessa’him 112a). Grâce au fait de ne pas être dépendant d’autrui, on s’enrichira (Péa 8, 9). Mais un pauvre qui est déjà contraint de tendre la main et de recevoir la tsédaqa pour différents besoins recevra également de la tsédaqa afin de pouvoir se délecter du Chabbat (Michna Beroura 242, 1).


[3]. C’est ce qui ressort de Tossephot sur Beitsa 15b, et c’est ce qu’écrit explicitement le Echel Avraham, de Rabbi Avraham Botchatch 242, deuxième édition. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 242, 44, on n’emprunte que dans le cas où l’on a un métier qui permette de rendre l’emprunt. Le Hagahot Achré écrit que l’on empruntera sur gage. De cette manière, on n’aura pas à craindre d’être « un impie qui emprunte et ne rembourse pas » ; car si l’on ne rembourse pas, c’est le gage qui servira de remboursement. C’est aussi l’avis du Elya Rabba et du Choul’han ‘Aroukh Harav 242, 3. Toutefois, selon le Gaon de Vilna, quand on emprunte pour les besoins de Chabbat, on peut compter sur un miracle. Peut-être est-ce l’objet de la controverse entre Rabbi Ichmaël et Rabbi Chimon bar Yo’haï dans Berakhot 35b, quant au fait de savoir s’il faut se conduire d’après les communs usages de la société des hommes (dérekh erets) ou si l’on peut se fier au miracle. Cf. Har’havot.
Pniné Halakha Les lois de Chabbat I + II
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04. Honorer le Chabbat par ses vêtements

C’est une mitsva que de faire honneur au Chabbat, comme il est dit : « Tu appelleras le Chabbat “délice”, le jour saint de l’Eternel “honoré” » (Is 58, 13). Parmi les éléments qui concourent à l’honneur du Chabbat, il y a le fait de ne pas être habillé, ce jour-là, comme en semaine (Chabbat 113a) ; les vêtements de Chabbat seront plus beaux, et devront être propres. Les décisionnaires ont écrit au nom de Rabbi Isaac Louria, de mémoire bénie, qu’il est bon de ne rien porter, le Chabbat, de ce que l’on a porté durant les jours profanes (Maguen Avraham 262, 2). En d’autres termes, que les vêtements soient spécifiques au Chabbat et aux fêtes, et que l’on change de sous-vêtements à l’approche de Chabbat, pour des sous-vêtements propres et lessivés. Certains sont rigoureux et achètent même des souliers particuliers pour Chabbat (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, note 206). Même si l’on se trouve seul pendant Chabbat, c’est une mitsva que d’honorer ce jour par de beaux vêtements, car ces vêtements ne sont pas portés pour faire honneur à ceux qui nous voient, mais pour faire honneur au Chabbat (Michna Beroura 262, 6).

Si l’on se trouve, par l’effet des circonstances, en un endroit où l’on ne dispose pas de vêtements spécifiques pour Chabbat, ou si l’on est un pauvre qui ne dispose que d’un seul habit, on s’efforcera d’embellir son habit autant que possible à l’approche du saint jour. C’est ainsi que le Talmud de Jérusalem raconte : un jour, Rabbi Simlaï fit un exposé public, dans lequel il dit que chacun devait disposer de deux vêtements, l’un pour les jours de semaine, l’autre pour le Chabbat. Les élèves pleurèrent devant lui et lui dirent : « Nous sommes pauvres, et nous n’avons qu’un habit. » Il leur répondit : « Malgré tout, vous devez embellir votre habit à l’approche de Chabbat » (Péa 8, 7). De même, les soldats doivent porter durant Chabbat un uniforme de catégorie alephc ; faute d’autre possibilité, ils arrangeront et nettoieront leurs vêtements comme il leur sera possible.

L’un des dix règlements que prit Ezra le scribe prescrit de laver son linge le jeudi (Baba Qama 82a). Cette disposition a deux objets : 1) on ne doit pas porter, le Chabbat, de vêtements qui ne soient propres ; c’est pourquoi Ezra a ordonné de nettoyer son linge en l’honneur de Chabbat ; 2) dans la mesure où la lessive était un travail pénible, Ezra a prescrit de la faire le jeudi, afin que le vendredi restât disponible pour y préparer les plats de Chabbat et la maison. Cependant, de nos jours, où la lessive est faite par une machine, il est permis de faire de la lessive le vendredi, car cela n’entraîne pas de grande fatigue ni ne gêne les préparatifs de Chabbat. Toutefois, en ce qui concerne les vêtements de Chabbat eux-mêmes, il est bon de les laver dès le jeudi, conformément au règlement d’Ezra.

En règle générale, on peut apprendre de la décision d’Ezra qu’il faut prendre soin de ne pas transformer le vendredi en journée chargée de travaux pénibles et de tracas, mais de garder ce jour relativement libre, afin de pouvoir se préparer au Chabbat dans la sérénité et le calme (comme nous l’avons vu au paragraphe 2).


[4]. Catégorie « A » : uniforme ordinaire, soigné, que l’on porte quand on rentre chez soi. On n’exige pas, le Chabbat, un uniforme de cérémonie. En revanche, on veut éviter la catégorie beit (« B »), réservée aux classes, à l’entraînement et aux opérations de terrain.

05. Honorer le Chabbat par la préparation du corps et de la maison

De même qu’il faut, à l’approche de Chabbat, préparer des vêtements beaux et propres, de même faut-il se préparer corporellement, et cela aussi fait partie de la mitsva d’honorer le Chabbat. Aussi nos maîtres ont-ils enseigné qu’il est obligatoire de se laver à l’approche de Chabbat. La toilette doit se faire à l’eau chaude, car cela nettoie bien le corps ; tandis que, si l’on se lave à l’eau froide ou tiède, on n’aura pas accompli la mitsva (Choul’han ‘Aroukh 260, 1). Autrefois, quand il était difficile d’apporter de l’eau pour se laver, la mitsva consistait à se laver le visage, les mains et les pieds, et à se shampooiner la tête, tandis que ceux qui apportaient à leur pratique un supplément de perfection se lavaient tous le corps à l’eau chaude. Mais de nos jours où nous disposons de douches et de cumulus (chauffe-eau électriques), la mitsva consiste à se laver tout le corps à l’eau chaude. Puisqu’on a l’habitude de se laver tout le corps quand on s’apprête à une sortie en société, à plus forte raison faut-il se laver de la façon la plus parfaite quand on se dispose à rencontrer la reine Chabbat.

Il ne faut pas se laver trop peu de temps avant le Chabbat, afin de ne pas en venir à le profaner en allumant la lumière et le cumulus : on perdrait d’un côté ce que l’on aurait gagné de l’autre.

Si l’on a besoin de se faire couper les cheveux, c’est une mitsva que de le faire le vendredi, à l’approche de Chabbat. Si l’on a l’habitude de se raser, on devra le faire à l’approche de Chabbat. De même, c’est une mitsva que de se couper les ongles en l’honneur du Chabbat. Il est préférable de se raser et de se couper les ongles la veille de Chabbat après le milieu du jour (‘hatsot hayom), car alors il est plus manifeste que l’on se livre à des préparatifs de Chabbat ; mais le vendredi avant le milieu du jour est aussi un bon moment pour les préparatifs. Si l’on sait que l’on sera affairé le vendredi, on se coupera les cheveux et les ongles le jeudi (Choul’han ‘Aroukh 260, 1 ; ‘Aroukh Hachoul’han 260, 6).

Il faut également préparer la maison en l’honneur du Chabbat : la nettoyer, dresser la table, en y mettant une belle nappe, disposer les chaises autour. Il faut aussi veiller avec soin, tout au long du Chabbat, même entre les repas, à ce que la maison et la table soient ordonnées comme il convient (Choul’han ‘Aroukh 262, 1). De même, il convient de dresser la table du Chabbat, avant chacun des repas, avec de jolies assiettes, de jolis couverts, de beaux verres.

En général, les gens pensent que la sainteté se manifeste uniquement dans les choses de l’esprit, telles que l’étude et la prière, tandis que les besoins du corps, comme la nourriture, le sommeil, les soins de beauté ou l’entretien corporel, seraient opposés à l’élévation spirituelle et la contrarieraient. Aux yeux de certains, il serait préférable de mortifier son corps, puisque c’est dans le corps qu’est la racine du penchant au mal. Or voici que vient le Chabbat, qui nous apprend qu’il est possible de sanctifier aussi la matérialité. La sainteté peut se révéler aussi par une nourriture délectable, de beaux vêtements et une maison ordonnée. Mieux : la perfection vient précisément quand la sainteté se dévoile dans toutes les composantes de la réalité, la spirituelle et la matérielle. Aussi nous saluons-nous par les mots Chabbat chalom (Chabbat de paix), car le Chabbat établit la paix entre l’esprit et la matière ; et ainsi s’établit la paix entre l’homme et sa femme, entre l’homme et son prochain (cf. ci-dessus chap. 1 § 16).

C’est à ce propos que nos sages disent : « Deux anges de service accompagnent l’homme le soir de Chabbat, de la synagogue à chez lui ; l’un est bon, l’autre mauvais. Quand, de retour chez lui, l’homme trouve les lampes allumées, la table dressée, son lit fait, le bon ange dit : “Que telle soit la volonté divine qu’il en soit ainsi le prochain Chabbat.” Et le mauvais ange répond, malgré lui, amen. Dans le cas contraire, le mauvais ange dit : “Que telle soit la volonté divine qu’il en soit ainsi le prochain Chabbat.” Et le bon ange répond, malgré lui, amen » (Chabbat 119b). Le Chabbat, il est possible de révéler avec perfection les valeurs de la sainteté, dans l’esprit et dans la matière tout ensemble. Aussi, quand la maison et la table sont préparées comme il convient, le mauvais ange lui-même est contraint de répondre amen.

Toutefois, même quand la maison et la table n’ont pas été correctement ordonnés, quand les plats du Chabbat sont abîmés, il faut prendre grand soin de ne pas se mettre en colère ni de se disputer, car c’est un honneur dû au Chabbat que les membres de la famille soient en paix les uns avec les autres. Comme il est dit : « Mieux vaut un plat de légume là où règne l’amour qu’un bœuf engraissé où règne la haine » (Pr 15, 17) ; « Mieux vaut du pain sec, dans la tranquillité, qu’une maison remplie de viandes de querelle » (ibid. 17, 1). L’auteur du Séfer ‘Hassidim (863) commente :

« Mieux vaut un plat de légume » – le Chabbat ; « là où règne l’amour » – entre l’homme et son épouse, ainsi qu’avec les autres membres de sa famille ; « qu’un bœuf engraissé où règne la haine » : que l’homme ne dise pas : “J’achèterai de délicieux mets sabbatiques”, alors qu’il sait qu’il se disputera avec sa femme, ou son père et sa mère, ou quelque autre membre de la famille… C’est à ce propos qu’il est dit : « Tu l’honoreras » – on honorera le Chabbat en ne s’y disputant point.

06. La mitsva de participer aux préparatifs de Chabbat

Il est dit : « Le sixième jour, ils prépareront ce qu’ils auront apporté » (Ex 16, 5). De là, nous apprenons que c’est une mitsva que de préparer, le vendredi, le nécessaire du Chabbat. Or même un homme riche et honoré, qui a des serviteurs pour lui préparer tout ce dont il a besoin, et qui, dans la semaine, « ne remue pas le petit doigt » chez lui, doit s’efforcer de faire quelque chose par lui-même en l’honneur du Chabbat. Il ne dira pas : « Comment pourrais-je me fatiguer à des travaux ordinaires, et porter ainsi atteinte à mon honneur ? » Qu’il sache que c’est précisément son honneur que de se préparer au saint Chabbat et de l’honorer. Même celui qui est assidu à l’étude de la Torah, et dont le Chabbat est préparé par d’autres, a l’obligation de participer personnellement à quelque préparatif, à l’approche de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 250, 1 ; Rama 251, 2).

Le Talmud raconte que les grands maîtres d’Israël, les plus hautes figures de toutes les générations, participaient personnellement aux préparatifs du Chabbat : Rava salait les poissons ; Rav ‘Hisda coupait finement les légumes ; Rabba et Rav Yossef fendaient du bois pour alimenter le feu du fourneau ; Rabbi Abahou et Rabbi Zeira allumaient le feu pour les besoins de la cuisine ; Rav Houna et Rav Papa préparaient les lumières de Chabbat ; et Rav Na’hman nettoyait la maison, installait les meubles nécessaires au Chabbat et rangeait les meubles dont il n’avait l’usage qu’en semaine (Chabbat 119a).

Ce n’est pas le lieu de rapporter en détail quelle était la stature de chacun des grands maîtres d’Israël que nous venons de mentionner. Signalons simplement qu’il s’agissait de personnalités on ne peut plus éminentes, qui n’avaient pas leur pareil en leurs générations. C’étaient de grands sages de la Torah et des chefs du peuple. Rabba et Rav Yossef, par exemple, assumaient la charge de directeurs spirituels (roch yéchiva, plur. raché yéchivot), des deux principales académies de Babylonie ; en ces temps, les directeurs spirituels des deux grandes yéchivot babyloniennes qu’étaient Soura et Poumbedita gouvernaient, concurremment avec l’exilarque (rech galouta), tout le monde juif. Dans la région qui était placée sous la responsabilité du directeur spirituel de telle yéchiva, nul ne pouvait être nommé à un emploi public sans son accord, nul règlement, nulle décision sur la perception d’impôt n’était prise sans son autorisation. Et ce sont ces mêmes hommes, parés de tout leur honneur et de toute leur grandeur, qui coupaient du bois, personnellement, en l’honneur du Chabbat. Rav Houna, lui aussi, ainsi que Rav ‘Hisda, Rav Papa et Rava, servirent comme raché yéchivot en Babylonie, tandis que Rabbi Abahou était à la tête du judaïsme de la terre d’Israël.

Nos sages ont enseigné : « Il y a trois choses que l’homme doit dire en sa maison, à la veille de Chabbat, à l’approche du coucher du soleil : 1) demander si l’on a prélevé les dîmes (ma’asserot) des fruits ; si les gens de sa famille ne l’ont pas fait, on le fera soi-même ; 2) demander si l’on a procédé à la jonction des cours que l’on veut rendre communes pendant Chabbat (‘érouv ‘hatsérot)d ; si les membres de sa famille ne l’ont pas fait, on le fera soi-même ; 3) rappeler que l’on doit allumer les lumières au temps prescrit. De nos jours, en général, les fruits que nous achetons ont déjà fait l’objet des prélèvements requis ; quant à la jonction des domaines, ce sont en principe les administrateurs de la communauté (gabbaïm) qui se chargent d’y procéder ; aussi n’est-il pas nécessaire d’interroger sa famille là-dessus. En revanche, chacun doit vérifier que sa maison est bien agencée pour Chabbat : que les minuteries de Chabbat, qui commandent à la lumière électrique, au climatiseur et au chauffage, sont bien programmées, que les plats mijotent bien sur le chauffe-plats électrique (plata)e, que l’ampoule du réfrigérateur est éteinte, et, pour les nouveaux réfrigérateurs, qu’on les a réglés sur position « Chabbat » (cf. ci-après chap. 17 § 8-9). De même, il est juste, la veille de Chabbat, de séparer les pots de plastique sécables des produits laitiers (cf. chap. 15 § 14) et d’ouvrir les bouteilles qui ont un bouchon métallique (15 § 13).  Il est bon, également, d’ouvrir, avant Chabbat, les boîtes de conserve et les paquets alimentaires qui servent à conserver pendant plusieurs jours la nourriture qu’ils contiennent (15 § 11-12).


[5]. Cf. chapitre 30.

[6]. Ou, pour des feux allumés au gaz, sur la plaque de tôle dont on les recouvre (cf. chap. 10).

07. L’interdit de faire un grand repas, la veille de Chabbat

Le vendredi est un jour durant lequel on doit se préparer au Chabbat. Aussi nos sages ont-ils interdit d’y faire un repas (sé’ouda) ou un festin (michté) qui soit plus copieux que l’ordinaire des jours ouvrables. En effet, si l’on mangeait un grand repas le vendredi, on n’aurait plus d’appétit pour le repas du soir de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 249, 2). De plus, cela porterait atteinte à l’honneur du Chabbat, car on semblerait vouer un égal honneur au Chabbat et aux jours de la semaine (Peri Mégadim). Par ailleurs, il est à craindre que le fait de se livrer à un grand repas ne contrarie les préparatifs de Chabbat (Maguen Avraham au nom de Rabbénou ‘Hananel). S’agissant même d’un repas fait à l’occasion d’une mitsva (sé’oudat mitsva) – si l’on veut, par exemple, préparer un grand repas en l’honneur de la clôture de l’étude d’un traité talmudique (siyoum massékhet) –, cela reste interdit le vendredi. Toutefois, il est permis de faire un repas normal, avant le milieu du jour (‘hatsot hayom, midi solaire), en l’honneur de la clôture du traité.

Le Talmud raconte qu’une certaine famille de Jérusalem avait l’habitude d’organiser d’importants repas le vendredi. Pour cette faute, cette famille déchut et s’éteignit (Guitin 38b).

Toutefois, quand la mitsva à laquelle est dédié le repas est assortie d’un temps fixe, comme c’est le cas, par exemple, pour un repas donné à l’occasion d’une berit mila (circoncision), qui a lieu le huitième jour de la vie du nourrisson, ou pour un repas de pidyon haben (rachat du premier-né), qui a lieu le trentième jour, il est permis d’organiser ce repas le vendredi. En effet, puisque le temps fixé pour de telles cérémonies est établi par la Torah elle-même, et qu’il est obligatoire de donner, en leur honneur, un grand repas, l’organisation dudit repas ne porte pas atteinte à l’honneur du Chabbat. Il est juste, cependant, de fixer un tel repas avant le milieu du jour (‘hatsot), afin de ne pas gêner les préparatifs du Chabbat, et afin que les participants aient de l’appétit lors du repas du soir de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 249, 3 ; Michna Beroura 13 et 695, 10 ; Béour Halakha, passage commençant par Moutar)2.

Quand nous disons que nos sages interdisent de fixer un repas le vendredi, nous ne parlons là que d’un grand repas (sé’ouda guedola). En revanche, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de prendre un repas simple (arou’ha reguila) tout au long de la journée de vendredi ; simplement, nos sages enseignent que nous devons nous abstenir de prendre un repas accompagné de pain durant les trois heures qui précèdent immédiatement le Chabbat, afin d’avoir de l’appétit pendant le repas du soir de Chabbat. En revanche, on peut manger un peu de gâteau, un peu de fruits, jusqu’à l’heure d’entrée de Chabbat, à condition que leur consommation ne nuise pas à l’appétit que l’on doit avoir lors du repas sabbatique du soir.

Certaines personnes pieuses, autrefois, avaient adopté l’usage rigoureux consistant à ne rien manger de toute la journée de vendredi ; en effet, elles sentaient en elles-mêmes que, si elles mangeaient, leur appétit au moment du repas de Chabbat en serait affecté. Si l’on souffre de jeûner, il ne convient pas d’adopter un tel usage, afin de ne pas entrer en Chabbat en état de souffrance (Choul’han ‘Aroukh 249, 2-3 ; Michna Beroura 18). En tout état de cause, il convient à chacun de programmer ses ingestions du vendredi de façon à entrer en Chabbat armé d’un bon appétit, pour que l’on puisse se délecter du repas sabbatique du soir.


[7]. Selon le Maguen Avraham 249, 3, il est permis d’épouser une femme (en lui conférant les qidouchin [anneau nuptial ou autre objet d’une valeur déterminée]), le vendredi, afin de ne pas s’exposer au risque qu’un autre homme ne l’épouse à sa place. D’après cet auteur, il est même permis d’organiser le vendredi les nissouïn (comprenant l’entrée de l’épousée sous le dais nuptial et dans la vie commune), afin de se hâter d’accomplir la mitsva de procréation. [À l’époque talmudique, le mariage se célébrait en deux temps, qui pouvaient être séparés d’un an : les eroussin, au cours desquels l’épousée était consacrée à son mari par la remise de la bague, puis les nissouïn, cérémonie marquant le début de la vie commune. De nos jours, les deux parties se succèdent immédiatement.] Il ressort de cela qu’il est permis d’organiser, le vendredi, un mariage comprenant à la fois les eroussin et les nissouïn. C’est aussi ce qu’écrivent d’autres décisionnaires, parmi lesquels le Gaon de Vilna et le Ben Ich ‘Haï (deuxième série, Lekh Lekha 21).

À l’inverse, de nombreux autres décisionnaires estiment qu’il est interdit d’organiser un repas de mariage le vendredi, et ce n’est que lorsqu’il est impossible de repousser le repas à un autre jour qu’il devient permis de procéder au mariage le vendredi (Elya Rabba, Even Ha’ezer 64, 3, ‘Aroukh Hachoul’han). Si bien que, de nos jours où l’on détermine la date d’un mariage longtemps à l’avance, et où l’on peut choisir un jour autre que le vendredi, il est clair qu’il n’y a pas lieu de fixer au vendredi un mariage ni le repas qui le suit. C’est la position du ‘Hazon ‘Ovadia pp. 32-34. D’après le Michna Beroura 249, 9, si l’on s’en tient à la stricte règle de droit, il est permis de se marier le vendredi, mais il est bon et juste, a priori, de repousser le mariage à un autre jour, si cela est possible.

 

Il faut signaler que ce débat n’a pas de rapport avec la coutume qui était observée jadis, principalement parmi les pauvres, de se marier le vendredi après-midi. En effet, à l’époque, on ne fixait pas le repas de mariage le vendredi après-midi, mais bien le vendredi soir, conjointement avec le repas de Chabbat, de manière à ne pas faire doubles dépenses.

08. L’interdit de faire des travaux, la veille de Chabbat

Nos sages ont interdit de se livrer à des travaux, la veille de Chabbat, depuis l’heure de la prière de Min’ha ; et celui qui ferait alors des travaux n’y verrait pas de bénédictionf. Le temps où s’applique l’interdit court à partir de l’heure de Min’ha qétana, c’est-à-dire deux heures solaires et demie avant le coucher du soleil (Rachi). Certains décisionnaires, il est vrai, sont rigoureux, et estiment que l’interdit commence dès le moment de Min’ha guédola, c’est-à-dire une demie heure solaire après le milieu du jour (Maharam). Toutefois, dans la mesure où cette règle est de rang rabbinique, on peut s’appuyer sur l’opinion indulgente, et travailler jusqu’à deux heures et demie avant Chabbat (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 251, 1 ; Michna Beroura 3). Même si l’on a terminé tous ses préparatifs de Chabbat, il reste interdit de travailler durant ce laps de temps, car, de la part d’un Juif, ce ne serait pas faire honneur au Chabbat que de se livrer, au seuil du saint jour, à des travaux qui ne sont pas liés aux préparatifs sabbatiques (cf. Har’havot).

Le travail qu’ont interdit nos sages, durant ces heures, est un travail de type dit « régulier » (mélekhet qéva’) ; en revanche, il est permis d’accomplir un travail dit « contingent », « occasionnel » (mélakha ara’it). Par conséquent, il est interdit de s’adonner, durant ces heures, à un travail de menuiserie, de couture, d’électricité, à de grands travaux dans son jardin, à un travail informatique, à l’écriture d’un rouleau de la Torah, de téphilinesg, d’une mézouzah, de corriger des manuscrits de façon rémunérée, car toutes ces activités sont considérées comme régulières. En revanche, il est permis à un spécialiste de se livrer à une activité courte, telle que de poser un piège pour attraper des bêtes, de tremper des végétaux pour fabriquer des couleurs, de donner pour instruction à un ordinateur d’exécuter un travail élaboré, car ces travaux sont considérés comme contingents. De même, il est permis d’exécuter, durant ces heures, des travaux qui ne requièrent pas de spécialisation, tels que l’arrosage de son jardin, le ménage des chambres, une lessive en machine, recoudre des boutons, ou encore l’écriture de commentaires originaux (‘hidouchim) sur la Torah, que ce soit sous forme manuscrite ou sur ordinateur. Il est aussi permis de recevoir, pour de tels travaux non spécialisés, un paiement. Mais si le commanditaire paie afin que ces travaux soient exécutés chaque vendredi, et bien qu’ils ne requièrent pas de connaissances spécialisées, il redevient interdit de les accomplir, car le salaire et la régularité font de ces activités des travaux réguliers (cf. Rama 251, 1, Béour Halakha, passage commençant par « Iguéret », Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, 38-39 et note 133).

Pour les besoins du Chabbat, il est permis d’effectuer un travail régulier, et même de percevoir pour cela un salaire, à la condition qu’il soit reconnaissable (nikar) que le travail est fait pour les besoins de Chabbat. Par exemple, il est permis de coiffer de façon rémunérée, car il est clair aux yeux de tous que les gens viennent se faire coiffer en l’honneur de Chabbat. De même, il est permis à un chauffeur de conduire des personnes avant Chabbat, car cela aussi fait partie des préparatifs du saint jour. Dans le même sens, il est permis à un électricien de procéder à des réparations rémunérées, pour les besoins du Chabbat. En revanche, il est interdit à un tailleur de coudre un vêtement neuf contre argent, durant ces heures, même pour les besoins du Chabbat, parce qu’il n’est pas reconnaissable qu’il se livre à ce travail pour les besoins du saint jour ; en effet, il se peut que ce vêtement soit destiné à être porté un autre jour. Mais s’il travaille gratuitement, il lui est permis de faire un travail de couture, pour lui-même ou pour autrui, à l’approche de Chabbat. À plus forte raison est-il permis à un homme qui n’est pas un tailleur professionnel de coudre ou de retoucher des vêtements gratuitement, en l’honneur de Chabbat, durant ces heures (Choul’han ‘Aroukh 251, 2 ; Michna Beroura 7 ; Béour Halakha, passage commençant par « Létaqen »).

Nos sages ont été indulgents dans deux cas supplémentaires en permettant d’effectuer un travail régulier durant ces heures : a) il est permis à un pauvre qui n’a pas à sa suffisance pour le Chabbat de continuer de travailler pendant ces heures (Michna Beroura 251, 5) ; b) afin d’éviter un dommage ou une perte. Il est ainsi permis à un artisan de terminer son ouvrage, lorsqu’il est à craindre que, s’il ne le termine pas, il perde ses clients (Béour Halakha 251, 2, passage commençant par « Véeino ». De même, tout ce qu’il est permis de faire à ‘Hol hamo’edi, il est permis de le faire durant ces heures ; Michna Beroura 5).

Le commerce, de l’avis de nombreux décisionnaires, n’est pas inclus dans l’interdit de travailler, et il est donc permis aux magasins et boutiques de vendre durant ces heures. Quoi qu’il en soit, il faut fermer une demi-heure au moins avant l’entrée de Chabbat, afin d’avoir le temps de se laver et de s’habiller à l’approche de Chabbat. De nos jours, on a coutume d’être rigoureux et de fermer les boutiques plusieurs heures avant Chabbat ; seules les boutiques qui vendent des articles nécessaires au Chabbat restent ouvertes peu de temps avant celui-ci (Michna Beroura 251, 1, 4 ; Béour Halakha, passages commençant par « Ha’ossé » et « Véeino »).

Si l’on doit voyager avant Chabbat, il faut programmer son voyage de manière à pouvoir arriver à destination au moins une demi-heure avant l’entrée de Chabbat, afin de pouvoir s’organiser sur place en faisant ses derniers préparatifs. Si le voyage doit être long, il faut prendre en compte les éventuels contretemps qui peuvent survenir en chemin. Le Rav Mordekhaï Elyahou – que la mémoire du juste soit bénie – conseillait de prévoir un temps double de la durée générale du trajet. Si le trajet est habituellement de deux heures, on prendra la route quatre heures avant l’entrée de Chabbat.


[8]. C’est-à-dire qu’il ne verrait pas de réussite dans l’ouvrage effectué, ou dans son produit financier, durant la période où court l’interdit.

[9]. Téphilines : boîtiers contenant des fragments bibliques écrits sur parchemin, que les hommes s’attachent au bras et à la tête durant la prière du matin.

 

[10]. Mézouza : étui contenant un parchemin où sont écrits deux paragraphes bibliques, que l’on attache au montant de sa maison et de ses chambres.

[11]. ‘Hol hamo’ed : jours intermédiaires de Pessa’h et de Soukot. Ces jours possèdent un caractère festif mais ne sont que partiellement chômés. Pour les travaux permis à ‘Hol Hamo’ed, cf. Pniné Halakha, Mo’adim (encore inédit en version française), volume où sont exposées les règles de Yom tov et de ‘Hol hamo’ed.

09. Travaux qui commencent avant Chabbat et se poursuivent pendant Chabbat

Il est permis, le vendredi, d’exécuter des travaux qui se termineront d’eux-mêmes au cours du Chabbat. Par exemple, il est permis de poser sur une plaque électrique brûlante (plata) une marmite contenant des aliments qui ne sont pas encore cuits, afin qu’ils continuent de cuire au cours du Chabbat, à la condition que, depuis l’entrée de Chabbat et jusqu’à ce que le plat soit suffisamment cuit, on ne remue pas le contenu de la marmite et l’on n’augmente pas sa chaleur (cf. ci-après chap. 10 § 16). De même, il est permis de placer des étoffes à l’intérieur de récipients contenant une substance colorante, afin qu’elles en absorbent la couleur au cours du Chabbat. En effet, les interdits du Chabbat ne s’appliquent qu’aux actes que l’homme accomplit, pendant le Chabbat, par lui-même, et non aux processus qui se font d’eux-mêmes au cours du Chabbat. Certes, selon la maison d’étude de Chamaï, de même qu’il est prescrit à l’homme de faire cesser à sa bête tout travail pendant Chabbat, ainsi lui est-il ordonné que ses outils cessent, eux aussi, tout travail ce même jour. Mais la halakha est tranchée conformément à l’opinion de la maison d’étude de Hillel, selon laquelle les interdits de Chabbat ne s’appliquent pas aux outils de l’homme. Aussi est-il permis d’utiliser ses outils pour entamer des travaux, le vendredi, travaux qui s’achèveront d’eux-mêmes pendant Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 252, 1).

Par conséquent, il est permis, le vendredi, de programmer une minuterie qui éteindra et allumera la lumière, suivant ses besoins, durant le Chabbat (cf. chap. 17 § 6). De même, il est permis d’actionner, avant l’entrée de Chabbat, des robinets et des tuyaux d’arrosage ; car bien que l’arrosage soit interdit pendant Chabbat (cf. 19 § 4), il n’y a plus d’interdit quand l’arrosage est mis en marche avant Chabbat. La règle est semblable pour les machines industrielles, qui fonctionnent continument durant de nombreux jours : tant qu’il n’est pas à craindre qu’un Juif ait besoin de les actionner ou de les réparer durant Chabbat, il n’est pas obligatoire d’en interrompre le fonctionnement avant Chabbat (Heikhal Yits’haq 19).

En revanche, s’agissant d’un travail très bruyant, comme celui des moulins à blé, les décisionnaires sont partagés : certains sont rigoureux et pensent que la poursuite d’un tel travail est interdite pendant Chabbat, en raison de l’honneur dû au jour. D’autres estiment que, dans la mesure où la mise en marche elle-même a eu lieu avant Chabbat, tandis que, pendant Chabbat, aucun travail humain n’est fait, la chose n’est pas interdite. C’est en ce dernier sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh (252, 5). Selon le Rama, il faut être a priorij rigoureux, et ne pas enclencher un travail qui sera bruyant pendant Chabbat ; toutefois, dans le cas où cette abstention entraînerait une perte, ou en cas de grande nécessité, on peut être indulgent3 (cf. ci-après, chap. 22 § 19, où l’on voit qu’il est interdit d’écouter la radio ou de regarder la télévision, le Chabbat).


[12]. Lékhat’hila : a priori, par opposition à bédi’avad, a posteriori. Nous retrouverons ces notions, dans leur sens halakhique, tout au long du livre. Dans le cas présent, ces termes caractérisent une situation : la situation a priori est simple, elle permet l’application de tous les termes de la loi ; c’est le cas, par exemple, quand l’arrêt d’une machine bruyante n’entraînerait pas de perte financière, ou quand son fonctionnement ne répond pas à une grande nécessité. Dans une situation a posteriori, les circonstances peuvent gêner l’application de la loi dans toute sa rigueur, ce qui peut amener les décisionnaires à modifier leurs exigences ; c’est le cas, ici, quand l’arrêt de la machine entraînerait une perte ou quand son fonctionnement répond à une grande nécessité : le Rama est indulgent dans la situation a posteriori, mais rigoureux a priori.

 

[13]. Au traité Chabbat 18a, nous apprenons que, selon Rabba, un travail bruyant, comme celui des moulins, est interdit en raison de l’honneur dû au Chabbat. C’est en ce sens qu’ont tranché Rabbénou ‘Hananel, Tossephot, le Roch, le Séfer Mitsvot Gadol (Smag). Selon Rav Yossef, en revanche, ce travail est permis, et c’est en ce sens que se prononcent le Rif, Maïmonide, Rabbénou Tam et le Choul’han ‘Aroukh 252, 5. Le Rama est rigoureux a priori, et indulgent dans un cas qui entraînerait une perte. D’après cela, les A’haronim ont écrit que, dans l’optique du Choul’han ‘Aroukh, il est permis de mettre en marche les anciens lave-linge peu de temps avant l’entrée du Chabbat, bien qu’ils soient bruyants, tandis que la chose est interdite dans la perspective du Rama. Mais en cas de nécessité – par exemple pour un soldat qui rentre de l’armée le vendredi, dont les vêtements ont besoin d’être lavés et qui doit immédiatement retourner à sa base le samedi soir – il devient permis, même de l’avis du Rama, de mettre en marche ces machines à la veille de Chabbat (cf. Ye’havé Da’at III 18, Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, 43). Quant aux nouveaux lave-linge, qui ne font presque pas de bruit, il se peut qu’il soit permis de les mettre en marche a priori, même du point de vue du Rama.

10. Embarquer dans un bateau dont le voyage doit se poursuivre pendant Chabbat

Les interdits de Chabbat s’appliquent seulement pendant le Chabbat lui-même ; aussi, de prime abord, il semblerait permis de partir, le vendredi, en excursion dans un endroit où il serait dangereux de rester, de poursuivre sa route jusqu’à la dernière minute précédant Chabbat, puis, lorsque commence le Chabbat, d’arguer que l’on se trouve en un lieu dangereux, que la protection de la vie a priorité sur le Chabbat, et que, pour se préserver du danger, on est contraint de poursuivre son voyage jusqu’au lieu habité le plus proche. Toutefois, en pratique, si l’on se trouve déjà dans un lieu dangereux durant Chabbat, il sera certes permis et même obligatoire de profaner le Chabbat afin de se préserver ; mais il est interdit au Juif de se mettre a priori dans une situation où il sera obligé, après coup, de profaner le Chabbat. Les sages ont enseigné, à ce sujet, que les activités auxquelles on projette de se livrer à partir du mercredi doivent être programmées, de façon telle que l’on ne se mettra pas soi-même en situation de profaner le Chabbat.

Par conséquent, à partir du mercredi, nos sages ont interdit de prendre la mer pour les besoins d’une activité facultative, telle qu’un voyage d’agrément ; l’interdit vaut également quand l’équipage est composé de non-Juifs (Chabbat 19a). Il y a plusieurs raisons à cela : il est à craindre que l’on ne se trouve, au cours du voyage, dans une situation de danger pour l’intégrité des personnes, et que le Juif doive accomplir des travaux interdits par la Torah elle-même afin d’aider à la remise à flot du navire (Rabbi Zera’hia Halévi). Dans le cas même où il n’y a aucun risque que l’équipage demande de l’aide au Juif, et dès lors que la moitié des passagers sont Juifs, il se trouve que l’équipage travaillera pour eux pendant Chabbat ; or il y a un interdit de rang rabbinique à ce qu’un Juif profite du travail que fait un non-Juif à son intention pendant Chabbat (Na’hmanide). Même lorsque les passagers du bateau sont non-Juifs dans leur majorité, il reste que, dans le cas où le bateau navigue en eaux peu profondes – quand il y a moins de dix tefa’him (c’est-à-dire moins de 80 cm) entre le bateau et le fond de la mer, on enfreindrait l’interdit de sortir de la zone de déplacement autorisé pendant Chabbat (te’houm Chabbat) (Rabbénou ‘Hananel). Et quand bien même le bateau naviguerait en eaux profondes, ou jetterait l’ancre, le Chabbat, en pleine mer, il resterait un interdit : nombre des passagers d’un bateau souffrent du mal de mer, durant les premiers jours ; un tel voyage empêcherait donc le voyageur Juif de réaliser la mitsva de se délecter du Chabbat (‘oneg Chabbat) (Rif).

Mais quand aucun de ces motifs n’est à craindre – si l’équipage et la majorité des passagers sont non-Juifs, qu’il n’y ait aucun risque que l’on demande de l’aide au Juif, que l’on voyage en eaux profondes, que le navire soit grand et stable, de façon que l’on n’aura vraisemblablement pas le mal de mer et que l’on pourra accomplir la mitsva de se délecter du Chabbat –  il sera permis de prendre la mer, même une minute avant l’entrée de Chabbat, et même si le voyage se fait dans un but d’agrément4.

Les trois premiers jours de la semaine, il est permis de prendre la mer pour les besoins d’une activité facultative ou pour un voyage d’agrément, même s’il y a lieu de craindre d’en venir à transgresser le Chabbat ; en effet, ces jours-là, il n’est pas besoin de limiter ses activités de crainte que celles-ci n’entraînent, par la suite, une profanation du Chabbat ou un empêchement aux délices sabbatiques. (Dans le cas où il est certain que l’on en viendra à profaner le Chabbat, les avis sont partagés : selon Rabbi Zera’hia Halévi, le Rivach et le Choul’han ‘Aroukh 248, 4, il est permis d’embarquer durant les trois premiers jours, mais selon le Maharival et le Radbaz, c’est interdit. Cf. note 7.)


[14]. Comme exemple de voyage en bateau qui n’empêche pas la réalisation du délice sabbatique, les décisionnaires citent le voyage fluvial, car il n’y a pas de vagues sur un fleuve. Toutefois, de nos jours, dans les bateaux vastes et modernes, il n’est presque pas à craindre de souffrir du mal de mer ; c’est un fait que l’on y voyage pour l’agrément, et seuls les plus sensibles risquent d’y être malades.

 

Il faut encore signaler que les Richonim discutent quant au fait de savoir si l’interdit s’applique trois jours avant Chabbat, c’est-à-dire à partir du mercredi (ou, plus précisément, à partir de la nuit de mardi à mercredi, qui constitue le début de la journée de mercredi), ou bien s’il s’applique seulement à partir du jeudi, car on considèrerait que le Chabbat fait partie du compte des trois jours. Cf. Beit Yossef 248, Michna Beroura 4. À ce qu’il semble, il faut distinguer selon les motifs de l’interdit : dans le cas où il est à craindre d’avoir à transgresser un interdit de Chabbat – en devant exécuter par soi-même un travail, ou parce que l’équipage non-juif l’exécutera pour les passagers juifs, ou encore parce qu’il est à craindre que l’on dépassera le te’houm Chabbat – l’interdit s’applique dès le mercredi, car les trois jours qui précèdent Chabbat sont appelés qamé chabta (jours qui précèdent le Chabbat, Guitin 77a), si bien qu’il faut prendre garde d’y faire quoique ce soit qui puisse conduire à une profanation du Chabbat. Mais si la crainte est d’empêcher la délectation du Chabbat, l’interdit ne s’applique qu’à partir du jeudi, car plusieurs des Richonim qui ont mentionné cette crainte (parmi lesquels le Roch) ont aussi écrit que l’interdit courait à partir du jeudi ; la raison en est que, le troisième jour, le voyageur s’habitue déjà à la mer, et peut donc se délecter du Chabbat. Cf. Menou’hat Ahava I 1, 2.

 

Il importe aussi de signaler que l’exigence selon laquelle la majorité des passagers doit se composer de non-Juifs s’applique seulement dans le cas où le bateau prend la mer après qu’un certain nombre de places ont été réservées ; mais si le bateau prend la mer selon des horaires fixes, qu’il y monte de nombreux passagers ou qu’il en monte peu, et même s’il apparaît que la majorité des passagers sont juifs, il n’y a pas d’interdit (du point de vue de ladite exigence) à embarquer dans les trois jours qui précèdent Chabbat, puisque, indépendamment même des Juifs qui s’y trouvent, les matelots non-juifs auraient fait leur travail (Chemirat Chabbat Kehilkhata 30, 66).

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