Pniné Halakha

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Chapitre 15 – Construire, détruire, un immeuble ou un objet

05. Quelques règles relatives aux tentes

Comme nous l’avons vu, faire une tente est interdit ; même quand la tente est provisoire, cela reste interdit rabbiniquement. À ce titre, il est interdit de monter sur poteaux une large planche, ou d’y étendre une tenture pour se protéger du soleil ou de la pluie. Toutefois, quand les poteaux ne sont pas permanents, il existe une manière de permettre cela, par le biais d’une modification substantielle dans l’ordre du montage de la tente. En effet, les sages ont interdit de monter une tente provisoire dans le cas où l’on suit l’ordre habituel du montage, où l’on dresse en premier lieu les cloisons ou les poteaux, puis le toit au-dessus. En revanche, ils permettent de monter une tente provisoire en changeant la procédure, c’est-à-dire en faisant en sorte de placer d’abord le toit dans l’air, puis en introduisant les cloisons ou les poteaux en-dessous. Pour réaliser cela, il faut en général s’aider d’une personne supplémentaire (Chabbat 43b, Choul’han ‘Aroukh 311, 6, commentaire du Gaon de Vilna ad loc.).

La règle est la même en ce qui concerne les jeux d’enfants. Il est interdit aux enfants parvenus à l’âge de l’éducation[c] d’étendre une couverture sur des chaises afin d’y créer une tente où s’abriter. Mais il leur permis d’étendre d’abord la couverture en l’air, puis d’introduire les chaises sous elle. De même, il est interdit de construire une maison ou un abri de stationnement en briques emboîtables (de type Lego™), dès lors que l’espace intérieur est d’un téfa’h sur un téfa’h. Mais si l’on tient d’abord le toit, sous lequel on attache ensuite les murs, c’est permis.

De même qu’il est interdit de dresser une tente provisoire, de même est-il interdit de la démonter ; et de même qu’il est permis de dresser une tente provisoire en modifiant l’ordre du montage, de même est-il permis de la démonter, en changeant, là encore, l’ordre du démontage, c’est-à-dire d’une manière telle que l’on extraira en premier lieu les parois, puis le toit (Chemirat Chabbat Kehilkhata, 24, 22).

Même si l’intention n’est pas de dresser une tente pour s’y abriter, l’interdit ne disparaît pas : dès lors qu’en pratique la forme d’une tente se crée, et qu’il existe une utilité dans l’espace compris en-dessous, il reste interdit de dresser ce dispositif suivant une telle forme. Par exemple, il est interdit d’installer deux tonneaux de vin et de placer au-dessus d’eux un troisième tonneau : puisque l’on a besoin de laisser de l’air entre les tonneaux afin qu’ils ne chauffent ni n’aigrissent, c’est faire là une « tente » provisoire, dont les deux tonneaux inférieurs constituent les parois, et le tonneau supérieur le toit. En revanche, les sages permettent de dresser ce dispositif en modifiant l’ordre habituel : une personne tient le tonneau supérieur en l’air, puis une autre place les deux tonneaux inférieurs sous le premier.

Quand on veut faire tenir le plateau d’une table démontable sur ses pieds, ces derniers n’ont pas le statut de parois[d], dès lors que le diamètre de chaque pied[e] n’atteint pas un téfa’h (7,6 cm), et il est donc permis de les placer en premier, puis d’installer sur eux le plateau. S’il y a une largeur d’un téfa’h, les pieds sont considérés comme autant de parois, et il faut donc tenir en premier lieu le plateau en l’air, puis introduire sous lui les pieds qui le soutiendront[4].

Quand on ouvre un berceau pliable, il est permis de placer la planche puis le matelas, de la façon habituelle, car il n’y a pas de cloisons sous eux ; de plus, l’air qui se trouve en-dessous n’a pas d’usage spécifique.

Il est permis d’ouvrir une poussette, une table pliante, une chaise pliante, un lit pliant, un parc de bébés, car tous les éléments en sont construits et attachés avant l’entrée de Chabbat ; ce que l’on fait pendant Chabbat se limite à les ouvrir (Choul’han ‘Aroukh 315, 5).

Il est interdit de recouvrir un tonneau de très grandes dimensions (dont le diamètre est de près d’un mètre), car cela ressemblerait à la création d’une tente. Cet interdit ne s’applique que s’il reste un espace d’un téfa’h au moins entre le contenu du tonneau et la chape dont on le recouvre (Chabbat 139b, Choul’han ‘Aroukh 315, 13). Si la chape du tonneau est dotée d’une poignée, il n’y a plus de ressemblance avec une tente, mais avec le couvercle d’un ustensile : il est alors permis d’en refermer le tonneau (Chemirat Chabbat Kehilkhata 24, note 72).

Il est permis de renverser un grand ustensile et de le placer sur des aliments afin de les protéger du soleil ou des mouches, car renverser un ustensile n’est pas considéré comme le fait de dresser une tente. De même, il est permis de renverser un fauteuil ou un canapé, bien qu’une sorte de tente se dessine en-dessous, car le fait de renverser un objet ou un meuble n’est pas considéré comme la construction d’une tente (Béour Halakha 315, 5, passage commençant par kissé).

De nombreux décisionnaires estiment qu’il est rabbiniquement interdit de porter un chapeau dont le bord soit rigide et large d’un téfa’h, car mettre un tel chapeau est, selon eux, considéré comme la formation d’une tente provisoire. Bien qu’il soit permis de tenir un éventail pour se protéger du soleil[f], ou encore d’étendre un talith au-dessus d’un nouveau marié appelé à la Torah, notre cas est différent, car le chapeau est appuyé sur la tête sans bouger, ce qui ressemble au fait de dresser une tente provisoire (Chabbat 138b, Rabbénou ‘Hananel, Maïmonide, Choul’han ‘Aroukh 301, 40). On a toutefois l’usage d’être indulgent, et de permettre de porter un chapeau noir, car celui-ci a principalement pour but de participer d’une mise honorable, et non de faire de l’ombre. De plus, il se peut que les bords ne soient pas tellement rigides (Michna Beroura 301, 151 ; peut-être s’appuie-t-on ici sur Rachi, qui estime que l’interdit de faire une tente ne s’applique pas à un chapeau : c’est seulement quand celui-ci risque de s’envoler que les sages craignent que l’on n’en vienne à le transporter dans le domaine public).

Le peuple juif a adopté la coutume interdisant l’usage d’un parapluie, pour sa similitude avec une tente (cf. Béour Halakha 315, 8, passage commençant par Téfa’h, Chemirat Chabbat Kehilkhata 24, 15).


[c]. Âge de l’éducation (guil ‘hinoukh) : environ six ans (cf. ci-dessus, chap. 4, note a).

[d]. Comme on le verra dans la note 4, un pied ou poteau (‘amoud) d’une largeur d’un téfa’h est considéré comme une cloison ou paroi (mé’hitsa).

 

[e]. Dans le cas où le pied a une section ronde ; sinon, on vise ici le côté le plus long.

 

[4]. Selon Rabbénou Tam, le Roch, le Séfer Mitsvot Qatan, le Hagahot Maïmoniot, dès lors que l’on n’installe pas les parois durant le Chabbat (des pieds d’une largeur d’un téfa’h sont considérés comme des parois), il n’y a pas d’interdit à placer le plateau au-dessus. Si l’on a installé les parois pendant Chabbat, l’interdit s’applique, même quand il n’y a pas d’usage spécifique à l’air qui se trouve en-dessous. En revanche, selon le Rachba, le Ran et le Maguid Michné, même si la largeur des pieds n’atteint pas un téfa’h, l’interdit s’applique, dès lors que l’on a l’usage de l’air qui se trouve en-dessous. Pour Tossephot (rapporté par Rachba) et le Tour, l’interdit ne s’applique que quand les deux éléments sont réunis : a) si l’on a placé d’abord les parois pendant Chabbat ; b) si l’on a l’usage de l’espace qui est en-dessous. Puisque cette règle est rabbinique, c’est en ce dernier sens que le Choul’han ‘Aroukh 315, 3 a tranché. Aussi, quand les pieds de la table n’atteignent pas une largeur d’un téfa’h, même dans le cas où l’on a besoin de l’espace qui est en-dessous – par exemple de l’espace où l’on place ses jambes –, il n’est pas interdit de monter la table de la façon habituelle. Certains apportent toutefois un supplément de perfection à leur pratique en modifiant, dans ce cas aussi, l’ordre de l’opération, comme nous l’expliquons dans les Har’havot.

[f]. Un éventail peut servir à faire du vent, par le mouvement qu’on y imprime, mais il peut aussi servir simplement à protéger son visage des rayons du soleil, quand on le place devant soi.

01. Construire, détruire, porter le dernier coup de marteau : principes généraux

La mélakha de construire (boné), c’est le travail par lequel on érigea le Tabernacle. Parmi les aspects de ce travail, nous trouvons l’aplanissement du terrain afin d’y faire tenir le Tabernacle, et afin qu’il soit confortable pour les personnes de marcher sur le parvis du Sanctuaire ; de même, la pose des murs du Tabernacle, son recouvrement par le toit, ainsi que la fixation de la cloison du parvis.

Le Chabbat, quiconque exécute une construction, sur le sol ou sur un immeuble, ou qui y ajoute un quelconque élément, enfreint un interdit toranique. Par conséquent, si l’on bouche un petit trou qui se trouvait dans un mur, ou si l’on remplit un petit creux qui se trouvait dans une cour, ou encore si l’on ajoute à un mur du ciment ou du plâtre, ou bien encore si l’on hydrate une coulée de béton pour la consolider, on transgresse un interdit de la Torah (Chabbat 102b, 73b).

Toute chose dont l’exécution est interdite au titre de la mélakha de construire, la Torah interdit également de la détruire, au titre de la mélakha de démolir (soter) ; cela, pour peu qu’il y ait une utilité à entreprendre cette démolition. En revanche, une démolition entreprise dans le seul but de détruire n’est interdite que rabbiniquement. Qu’appelle-t-on démolition présentant une utilité ? C’est le fait de démolir afin de reconstruire de meilleure façon, ou de creuser une fosse dans la terre afin d’y poser des fondations, ou encore de percer un trou dans un mur afin d’y fixer une vis (Chabbat 31b, Maïmonide 10, 15).

Parfois, c’est la démolition même qui présente une utilité directe ; dans un tel cas, bien que cette démolition ne soit pas entreprise afin de permettre une construction, on enfreint par elle l’interdit de construire ; par exemple, si l’on enlève un surplus de ciment qui est collé au sol ou au mur, ou si l’on creuse une fosse afin d’y cacher des affaires, ou encore si l’on fait un trou dans un mur afin d’y enfouir des objets (Chabbat 102b).

On trouve encore une autre mélakha liée à la construction d’immeubles et d’ustensiles : c’est celle qui est appelée maké bépatich, littéralement « frapper avec un marteau », c’est-à-dire exécuter dans un ouvrage le travail de finition. Par exemple, une fois achevée la construction d’une maison, il arrive qu’il reste dans le mur des pierres saillantes ; on frappe alors sur elles à l’aide d’un marteau, afin d’égaliser le mur. De même, quand on fabriquait un ustensile de métal, il arrivait qu’il y restât des aspérités ; on frappait le métal avec un marteau pour l’aplanir. Parmi les dérivés de cette mélakha, on trouve la réparation d’ustensiles abîmés, ou le fait d’apporter des améliorations à des ustensiles dont la fabrication est terminée ; de même, pratiquer une fenêtre dans un mur afin que l’air et la lumière y pénètrent (Maïmonide 10, 16). Dans le Talmud (Chabbat 102b), il arrive que les sages soient partagés quant au fait de savoir si tel ou tel acte est interdit au titre de boné (construire) ou au titre de maké bépatich (exécuter un travail de finition). Nous ne nous étendrons pas à ce sujet, car notre propos essentiel, dans ce livre, est d’étudier ce qui est permis et ce qui est interdit, par la Torah et par les sages.

La Torah interdit de faire du fromage, le Chabbat, parce qu’au cours de l’opération, les fragments de fromage s’agrègent et s’unissent les aux autres, ce qui est caractéristique d’une construction (Maïmonide 7, 6). De même, il est interdit de faire, le Chabbat, une boule de neige ou un bonhomme de neige ; toutefois, puisque ces ouvrages de neige ne sont pas destinés à se maintenir, l’interdit est de rang rabbinique.

02. Construction sur le sol (boné ba-qarqa) et mesures de précaution

Comme nous l’avons vu, au titre de l’interdit de construire, on inclut également l’interdit d’aplanir un terrain afin qu’il soit facile d’y marcher, ou afin que l’on puisse y poser des chaises et des bancs, ou encore afin que l’on puisse y faire un travail de construction. Par conséquent, si l’on enlève un monticule de terre d’un terrain, ou que l’on y bouche un trou, on enfreint l’interdit toranique de construire.

Quand une cour a été inondée par la pluie, il est interdit d’y répandre du sable ou du gravier pour recouvrir la boue : puisque l’on a l’usage de laisser durablement ce sable ou ce gravier sur place, cela reviendrait à égaliser la surface du terrain, ce qui est interdit au titre de construire. En revanche, il est permis de répandre, sur ce terrain, de la paille destinée à l’alimentation des animaux, car on n’a pas l’intention de l’y laisser. Cela, à la condition d’apporter une modification (chinouï) à l’acte, par exemple en plaçant la paille avec le  dos de l’outil, faute de quoi répandre la paille ressemblerait à une activité de la semaine (‘Erouvin 104a, Choul’han ‘Aroukh 313, 10).

Il est permis de recouvrir de sable un excrément ou un crachat, puisque l’on n’a pas l’intention, par cela, d’aménager la cour, mais seulement de recouvrir la saleté (Beitsa 8b, Michna Beroura 313, 55). De même, si de l’huile est tombée sur le trottoir ou sur le sol de la maison, il est permis de la recouvrir de sable afin d’éviter d’y glisser ; cela, à condition que le sable ait été préparé à cette fin, car alors il ne sera pas mouqtsé (cf. chap. 23 § 3). Dans le même sens, il est permis de répandre du sel sur la glace afin d’éviter que l’on y glisse (Chemirat Chabbat Kehilkhata 25, 10).

Il est interdit de balayer le sol d’une cour : il est à craindre que, ce faisant, on n’égalise les creux, transgressant ainsi un interdit toranique. En revanche, si une partie de cette cour est carrelée, il est permis de balayer la partie carrelée[1].

Si de la boue s’est collée à ses chaussures, on ne les essuiera pas sur le sol, de crainte d’en aplanir les creux (Choul’han ‘Aroukh 302, 6). Certains auteurs n’ont pas cette crainte, et permettent cet acte (Rama, Touré Zahav). Si l’on veut être indulgent, on y est autorisé, mais il est bon d’être rigoureux. Sur un paillasson métallique, des pavés, des pierres, il est permis a priori d’essuyer ses chaussures (Michna Beroura 302, 28).

On ne frottera pas du pied un crachat qui se trouve sur le sol, de crainte d’aplanir les creux du sol. Si l’on veut atténuer son sentiment de dégoût, on est autorisé à écraser le crachat simplement, en allant son chemin, à condition de ne pas avoir pour intention de l’étaler ni d’aplanir les creux du sol (Choul’han ‘Aroukh 316, 11).

Il est interdit de jouer aux billes sur le sol, car il est à craindre que l’on n’aplanisse les creux afin que les billes puissent rouler bien droit. De même, il est interdit de jouer sur le sol à quelque autre jeu où le sol doit être bien plan, de crainte d’en venir à aplanir les creux. Même si le sol est revêtu, il est interdit d’y jouer à de tels jeux, de crainte d’en venir à jouer sur un terrain non revêtu (Choul’han ‘Aroukh 338, 5, Michna Beroura 20 et 308, 158). Mais il est permis de jouer sur le sol qui est à l’intérieur de la maison : puisque toutes les maisons, de nos jours, ont leurs sols revêtus, il n’est pas à craindre, en jouant à l’intérieur, d’en venir à jouer également à l’extérieur sur un terrain non carrelé (Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 5).

Il est permis aux enfants de jouer dans du sable fin et sec, versé dans un bac à sable à l’intention des jeux d’enfants ; en effet, tant que le sable est sec, on ne peut y faire de véritables creux, car du sable est constamment reversé dans les creux. Par contre, si le sable est mouillé, il est interdit d’y jouer, car il est possible d’y faire des creux (Michna Beroura 308, 143). Il est interdit de mouiller le sable, au titre de l’interdit de pétrir (Michna Beroura 321, 50). Si le sable n’est pas destiné spécifiquement au jeu, il est mouqtsé, et il est donc interdit d’y jouer (Choul’han ‘Aroukh 308, 38, Michna Beroura 144).


[1]. Selon le Rif, il est permis de balayer un sol qui n’est pas revêtu (pavé, carrelé, dallé), car on n’aplanit pas nécessairement les creux, et quand bien même on le ferait, cet aplanissement ne serait pas intentionnel (davar ché-eino mitkaven). Pour Maïmonide, il est permis de balayer, dès lors que le sol est revêtu ; quand il ne l’est pas, il est à craindre que l’on ne forme l’intention d’aplanir les creux. D’après le Roch, il est interdit de balayer même un sol revêtu, de crainte que l’on n’en vienne à balayer également un sol qui, lui, n’est pas revêtu, et d’en aplanir les creux. Le Choul’han ‘Aroukh 337, 2 tranche conformément à l’avis de Maïmonide, tandis que le Rama suit l’opinion du Roch ; toutefois, le Béour Halakha ד »ה ויש note que, en un endroit où toutes les maisons sont carrelées, il n’y a pas lieu d’imposer cette rigueur. Le Rav Chelomo Zalman Auerbach ajoute que ce qui est pavé à l’extérieur de la maison – même si ce n’est pas recouvert d’un toit – est annexé à la maison elle-même, et qu’il est donc permis de le balayer, même de l’avis du Rama (Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, note 10). Cf. ci-après chap. 23 § 14, note 14, et Har’havot 23, 14, 6 sur la raison pour laquelle il n’y a pas d’interdit de mouqtsé quand on balaye la poussière du sol.

03. Attacher des objets à un immeuble ou au sol

Si l’on fixe à une maison ou au sol, de façon permanente, des objets qui présentent une utilité, on enfreint l’interdit toranique de construire (boné) ; si l’on démonte ces mêmes objets, on enfreint l’interdit toranique de démolir (soter). Même si l’assemblage n’est pas étroitement ajusté, et que l’on puisse facilement le fixer et le défaire, comme dans le cas de fenêtres ou de portes que l’on monte sur des gonds ou sur des rails coulissants, quiconque monte ou démonte cet assemblage enfreint un interdit de la Torah. En effet, la jonction de ces éléments à la maison est permanente, si bien qu’ils deviennent une partie de la maison. Par conséquent, s’il fait chaud dans la pièce, il est interdit d’en démonter les fenêtres (Chabbat 122b, Choul’han ‘Aroukh 308, 9, Michna Beroura 39). De même, il est interdit de monter ou de démonter un filtre vissé à un robinet, un tube de caoutchouc fixé à un robinet, une ampoule électrique vissée à un culot ; en effet, ces éléments se fixent à leurs supports de façon permanente[a]. Dans le même sens, enfoncer un clou dans un mur ou y attacher un crochet, c’est enfreindre un interdit toranique, puisque le raccordement est permanent (Chabbat 103a, Michna Beroura 314, 8).

De même, il est interdit de fixer les agrafes d’un rideau sur le rail de celui-ci, ainsi que d’attacher le rideau aux agrafes fixées au rail. Il est également interdit de fixer la tringle d’un rideau sur les crochets adossés à un mur. Bien que tous ces assemblages soient lâches, ils sont interdits toraniquement, parce que c’est à un immeuble que les éléments sont attachés. En revanche, quand la tringle n’est pas attachée au crochet, mais seulement posée sur lui ou mise à l’intérieur de façon qu’elle soit mobile et déplaçable facilement, il est permis de poser la tringle sur le crochet. Il est également permis d’enfiler les anneaux d’un rideau sur une telle tringle.

Si la chose que l’on fixe à l’immeuble ou au sol n’est pas de nature à se maintenir longtemps, l’interdit est rabbinique. Par exemple, il est rabbiniquement interdit de fixer un crochet qui tient au mur par une ventouse, et qui ne se maintient pas longtemps.

Tout ce qu’il est interdit de fixer, il est également interdit de le resserrer quand le vissage s’est relâché. Il est donc interdit de resserrer la vis d’un robinet, la poignée d’une porte, celle d’une armoire, dont le maintien se serait détendu.

En revanche, il n’est pas interdit de joindre ou d’ôter des choses qui ne s’attachent pas à l’immeuble, ni ne sont annexées à lui. Il est permis, par exemple, de suspendre un tableau à un clou, car le tableau n’est pas considéré comme partie du mur. Si une fenêtre est cassée, laissant passer un vent froid, il est permis d’y étendre un tissu afin de faire barrage au vent, car le tissu n’est pas annexé au mur, mais bien posé là temporairement (Michna Beroura 313, 3 et 315, 7, Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, 41 et 44). De même, il est permis de faire adhérer des papiers à son réfrigérateur par le biais d’un badge aimanté, car la pièce aimantée n’est pas annexée au réfrigérateur. Il est également permis de placer un filtre sur le trou d’écoulement d’un évier. L’introduction d’une prise mâle dans une prise murale n’est pas considérée comme relevant du fait de construire ou de démolir, car la prise mâle n’est pas annexée à la maison[2].

Il va de soi qu’il est permis d’ouvrir et de fermer des portes, des fenêtres, des robinets. C’est le cas, même s’il s’agit de portes que l’on n’a pas l’usage d’ouvrir, ou d’un robinet principal, que l’on n’a pas l’habitude de fermer : puisqu’ils restent attachés à l’immeuble et que tel est leur usage normal, les utiliser ne tombe pas sous l’interdit de construire ni de détruire. De même, il est permis d’ouvrir et de fermer l’auvent d’une terrasse, fixé par des gonds ou se déplaçant sur rails : son statut est semblable à celui d’une fenêtre (Rama 626, 3).

Quand la poignée d’une porte est tombée, la Torah interdit de la rattacher à la porte par un clou. Si on la remet en place sans clou, mais de façon que la poignée du côté extérieur de la porte et la poignée du côté intérieur entrent l’une dans l’autre, l’interdit est rabbinique, puisqu’il s’agit d’une jonction temporaire. En revanche, il est permis de remettre sur la porte la poignée d’un seul des deux côtés, car cela n’est même pas considéré comme une jonction temporaire ; en effet, la poignée est seulement posée là, sans que rien ne la maintienne. Toutefois, il est à craindre que, par oubli, on n’en vienne à attacher la poignée avec des clous ; par conséquent, on devra la placer de façon différente, orientée vers le haut ou le bas : de cette manière, il n’est pas à craindre d’en venir à renforcer le lien entre porte et poignée. Quand une poignée a commencé à se désolidariser de la poignée opposée, il est interdit de la remettre en place[3].


[a]. La réunion de l’ampoule et de son culot est considérée comme permanente, bien que l’ampoule soit appelée à s’user et à être changée. En effet, de notre point de vue, nous souhaiterions que ce dispositif tienne le plus longtemps possible.
[2]. Certains sont rigoureux à l’égard d’une prise mâle que l’on n’a pas l’habitude de débrancher ou de brancher régulièrement, par exemple la prise d’un réfrigérateur (‘Hout Hachani 36, 1). Toutefois, il semble que toutes les prises mâles doivent être considérées comme formant une seule et même catégorie, car on a généralement l’usage de les introduire et de les extraire de façon régulière. De plus, si on les branche, c’est essentiellement en vue de l’engin électrique auxquelles elles se rattachent, si bien que ces prises ne sont pas considérées comme annexes du mur (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 13, 33, note 112 ; Or’hot Chabbat 8, 17, Menou’hat Ahava I 24, 20). Néanmoins, en tant qu’elles sont mouqtsé, il y a lieu de tenir ces prises de manière « incidente » (kil-a’har yad) [c’est-à-dire en accomplissant le geste de façon inhabituelle, littéralement « du dos de la main »].

[3]. Si la poignée est déjà tombée plusieurs fois avant Chabbat, et que l’on se soit habitué à l’utiliser alors qu’un seul de ses côtés est introduit dans la porte, il est permis de remettre sur la porte ce côté de la poignée, sans qu’il soit besoin d’en changer l’orientation (Menou’hat Ahava III 23, note 71). L’autorisation de replacer la poignée en introduisant un changement est apportée par ‘Hout Hachani 36, 4, 7. Quand il est impossible d’introduire l’un des côtés de la poignée dans la porte, il est permis d’ouvrir la porte à l’aide d’un tournevis ou d’un instrument semblable (Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, 37).

 

Une citerne à eau, une canalisation d’égout, des croisements de canalisations électriques ou téléphoniques sont considérés comme des constructions ; il est rabbiniquement interdit d’y placer un couvercle fixe (regard) ou de l’ouvrir. Si le couvercle de la citerne est pourvu d’une poignée, il est permis de l’ouvrir et de la refermer pendant Chabbat (Chabbat 126b, Choul’han ‘Aroukh 308, 10, Michna Beroura 42, Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, note 146).

04. « Faire une tente » (ohel), selon la Torah et selon la loi rabbinique

La mélakha dite de « faire une tente » (ohel) est un dérivé de la mélakha de construire (boné). À la différence de la mélakha de construire, dans laquelle on assemble différentes composantes, telles que des pierres, du bois, du ciment ou du fer, afin de construire une maison ou un ustensile, la mélakha de faire une tente ne consiste pas à assembler différentes parties, mais à établir un élément qui délimite différents espaces. Le toit d’une tente sépare du ciel ceux qui y sont installés, et les protège du soleil, de la pluie. Les parois de la tente, elles aussi, séparent des espaces différents, et protègent du vent. Par conséquent, si l’on construit, le Chabbat, une tente à partir de draps – ou à partir d’autres éléments qui ne conviendraient pas à la construction immobilière –, et quoique l’on n’attache rien, que l’on ne plante ni clous ni vis, et que l’on se contente de faire tenir la tente à l’aide de nœuds ou de crochets, on considère que l’on monte une tente permanente, transgressant ainsi un interdit toranique, dès lors que la tente est dressée de façon stable, de manière à tenir longtemps (au moins huit jours). Même si l’on s’est contenté de faire un toit, ou une cloison, ou même encore si l’on se contente d’y ajouter la longueur d’un téfa’h (7,6 cm), on aura enfreint l’interdit de la Torah (Peri Mégadim, Michbetsot Zahav 8, Michna Beroura 315, 1, Cha’ar Hatsioun 6).

Ce que vise l’interdit toranique, c’est le fait de monter une tente « permanente », capable de se maintenir longtemps ; nos sages y ont ajouté l’interdit de monter une tente provisoire. Il est donc interdit d’étendre un voile au-dessus d’un lit, que ce soit par pudeur ou pour se protéger des insectes.

Puisque la partie essentielle de la tente consiste dans le toit, il est interdit de faire un quelconque toit temporaire destiné à abriter ceux qui se trouvent en-dessous, même si ce toit n’a qu’un téfa’h de largeur. En revanche, il est permis de dresser une cloison temporaire : par exemple, il est permis d’installer une cloison (mé’hitsa) entre hommes et femmes qui viennent écouter le discours du Chabbat (dracha). Ce n’est que dans le cas où la cloison a pour fonction d’autoriser une utilisation (mé’hitsa hamatéret) qu’il sera interdit de l’installer, même de façon temporaire. Par exemple, si l’on a une souka[b] dotée de deux parois, il est interdit d’y installer une troisième paroi, même de façon provisoire, car cette paroi constituerait une cloison ayant pour effet de permettre l’utilisation  de la souka : en effet, grâce à cette troisième paroi, la souka deviendrait conforme à la halakha. De même, il est interdit d’installer une cloison temporaire afin de combler une brèche qui se serait creusée dans un érouv : en effet, cette cloison rendrait valide l’érouv (Choul’han ‘Aroukh 315, 1 ; cf. ci-après, chap. 29 § 8).

Lorsque les sages interdisent de faire une tente provisoire, leur interdit vise le cas où l’on crée une tente nouvelle. En revanche, s’il s’agit d’ajouter à une tente existante un supplément lui-même temporaire, la chose est permise. Par conséquent, si l’on veut étendre une tenture qui fasse de l’ombre sur soi dans son jardin, on commencera par en étendre la largeur d’un téfa’h à la veille de Chabbat ; de cette manière, il sera permis, le Chabbat, de continuer d’étendre la tenture. De même, si l’on est en présence d’un commencement de toit permanent, mis en place avant Chabbat, il sera permis de continuer d’étendre, comme suite donnée au toit, une tenture provisoire. Il est également permis de défaire ce que l’on a ajouté pendant Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 315, 2, Michna Beroura 38).

Si l’on n’a pas commencé à étendre la tenture avant Chabbat, mais qu’un fil y ait été attaché, destiné à l’étendre, ce fil est considéré comme l’amorce du processus d’extension, et il sera permis de continuer à étendre la tenture pendant Chabbat (Michna Beroura 315, 37).

Il est permis d’ouvrir et de fermer l’auvent d’une terrasse fixé sur gonds ou sur rail : cela n’est pas considéré comme l’établissement d’une tente, mais comme l’ouverture et la fermeture d’une porte (Rama 626, 3). Il est de même permis d’ouvrir un parasol dès lors qu’il est fixé dans une cour.

Il est permis d’ouvrir et de fermer, le Chabbat, la capote ou le canopy d’une poussette, fixé à elle par des tiges. Puisqu’il est permis de l’ouvrir, ce toit est considéré comme l’amorce d’une tente, et il donc permis de le prolonger en étendant au-dessus de lui un lange ou une pièce de plastique afin de protéger l’ensemble de la poussette (Chemirat Chabbat Kehilkhata 24, 13).


[b]. Souka : cabane, habitation temporaire construite pour la fête de Soukot. Elle doit comprendre au moins trois côtés pour être valide.

06. Ce qui est permis et interdit en matière d’ustensiles

De même que, en matière d’immeuble, de terrain ou de tente, il est interdit de construire et de détruire, de même est-il interdit de construire et de détruire un objet[5]. Par conséquent, il est interdit d’enfoncer le manche dans la tête du marteau, ou le manche d’un balai dans sa brosse. Si l’on enfonce une pièce dans l’autre de façon que cet assemblage reste permanent, l’interdit est toranique. Si l’assemblage est provisoire, l’interdit est rabbinique (Chabbat 102b, Choul’han ‘Aroukh 313, 9 ; 313, 6). Il est de même interdit par la Torah de monter un lit ou une table à l’aide de clous, de vis ou de colle, puisqu’il s’agit d’un assemblage parfait et permanent. De même, il est interdit de fixer le pied d’une chaise ou d’une table qui se serait déboîté. Il est également interdit de fixer un embout de caoutchouc-mousse au pied d’une chaise ou d’une table, ainsi que de l’ôter.

Ce n’est pas tout : tant qu’il est à craindre que l’on n’oublie que c’est Chabbat, et que l’on n’en vienne à réparer l’ustensile, nos sages interdisent de déplacer celui-ci. Par exemple, déplacer, le Chabbat, un banc dont l’un des pieds s’est échappé, dans le but d’appuyer sur un autre banc le côté dépourvu de pied, est interdit : on craint d’en venir à réparer le pied manquant. Toutefois, si la réparation est complexe, ou que l’on se soit déjà servi, avant Chabbat, de l’objet cassé, il n’est pas à craindre que l’on soit oublieux et que l’on répare l’objet pendant Chabbat, et il devient donc permis de le déplacer (Choul’han ‘Aroukh 313, 8, Rama 308, 16, Michna Beroura 69, Chemirat Chabbat Kehilkhata 20, 44).

Il est permis d’utiliser, le Chabbat, des ustensiles que l’on  a l’usage de visser, comme le couvercle d’un bocal, d’une cocotte, le bouchon d’une salière, une chaîne décorative qui s’attache en se vissant, ou bien encore des jumelles que l’on règle par rotation : puisque tel est leur usage habituel, le fait de visser ou de dévisser n’est pas considéré comme une mélakha. En revanche, il est interdit de dévisser un élément vissé de façon permanente, élément que l’on n’a pas l’usage de dévisser ni de visser quand on l’utilise, tel que la poignée vissée du couvercle d’une marmite (Cha’ar Hatsioun 313, 32 ; selon le Maguen Avraham, l’interdit est toranique ; selon le Touré Zahav, il est rabbinique).

Selon la majorité des décisionnaires, il est permis de hausser ou d’abaisser un pupitre dont on doit, à cette fin, desserrer ou resserrer la vis selon la hauteur voulue. En effet, tel est l’usage normal, et, à chaque nouveau réglage, le pupitre reste utilisable (Or’hot Chabbat 8, 9 au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach et du Rav Yossef Chalom Elyachiv, Yalqout Yossef 314, 2).

Il est permis de modifier la position d’une poussette, à l’aide de ses tiges ou crochets, de la position assise à la position couchée, et inversement. Mais si, pour cela, il faut dévisser les vis qui maintiennent la nacelle où le bébé est couché, extraire celle-ci puis visser le siège où on l’assiéra, ou inversement, c’est interdit ; en effet, il s’agirait d’un assemblage fort, que l’on ne modifie pas fréquemment (Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 50).


[5]. Beitsa 22a : « La maison d’étude de Chamaï estime que les notions de construction et de destruction s’appliquent aux ustensiles ; la maison d’étude d’Hillel estime que les notions de construction et de destruction ne s’appliquent pas aux ustensiles. » La halakha est conforme à l’opinion de la maison d’étude d’Hillel, comme l’explique le traité Chabbat 122b au nom de Rava. Cependant, nous apprenons dans Chabbat 102b que, de l’avis de Rav, enfoncer le manche dans le fer d’une bêche est interdit au titre de la mélakha de construire (boné). C’est pourquoi les tossaphistes (ד »ה האי) expliquent que, lorsqu’il est question d’une construction complète, les interdits de construire et de détruire s’appliquent aux ustensiles. Quand nos maîtres disent qu’il n’y a pas d’interdit, leur intention porte sur une jonction faible, comme nous le mentionnons dans le corps de texte. Telle est l’opinion du Séfer Mitsvot Gadol, du Roch et du Tour. Na’hmanide, le Rachba et le Ritva (sur Chabbat 102b) estiment, pour leur part, que la fabrication d’un ustensile dans son intégralité est interdite au titre de la mélakha de construire ; mais quand il s’agit de construire ou de réparer une partie de l’ustensile (boné bakli), l’interdit relève, selon eux, du fait de frapper avec un marteau (maké bépatich), c’est-à-dire exécuter un travail de finition. Pour Rachi (sur Chabbat 74b) et Rabbi Eliézer de Metz, la fabrication d’un objet, non seulement dans l’achèvement de ses parties mais dès le début de son exécution, est interdite au titre de maké bépatich et non de boné.

 

La conséquence halakhique de cette controverse touche au fait de détruire (soter). Si fabriquer un ustensile est interdit au titre de maké bépatich, le fait de détruire l’ustensile n’est pas interdit par la Torah, car l’interdit de détruire (soter) n’existe que lorsqu’il existe aussi un interdit de construire (boné). Dans ces conditions, pour les besoins de Chabbat, il sera permis, aux yeux de Na’hmanide et de ceux qui partagent son avis, de détruire une partie de l’objet (listor bakli). Quant à Rachi et à ceux qui partagent son avis, il sera même permis de détruire tout l’objet. En revanche, pour Tossephot et le Roch, cela sera interdit, même pour les besoins du Chabbat ; il ne sera permis de détruire, pour les besoins de Chabbat, qu’un ustensile branlant (que le Talmud appelle moustaqi, instrument fait de morceaux sommairement collés), comme nous le verrons ci-après, § 11.

 

Le Choul’han ‘Aroukh 314, 1 tranche conformément à Tossephot et au Roch. Toutefois, au paragraphe 7, le Choul’han ‘Aroukh est indulgent – conformément à la position de Rachi et de ceux qui partagent son avis – dans un autre cas : celui où l’on demande à un non-Juif de casser un ustensile pour les besoins de Chabbat. En effet, puisque demander à un non-Juif d’accomplir une mélakha est un interdit rabbinique, le Choul’han ‘Aroukh est indulgent, comme l’est Rachi, dans le cas où l’on ne peut sortir des fruits autrement qu’en brisant leur emballage ou contenant. Cf. Menou’hat Ahava III 23, 32. Selon Maïmonide (10, 13), l’interdit de construire s’applique aux objets, semblablement à Tossephot. À l’inverse, Maïmonide autorise à briser un tonneau pour un besoin alimentaire, sans exiger que ce tonneau soit branlant (23, 2). Cf. Kaf Ha’haïm 314, 5.

07. Quel montage et quel démontage sont permis en matière d’ustensiles

La question de l’assemblage d’éléments se présente différemment, selon que l’on se place dans le domaine immobilier ou dans le domaine mobilier. S’agissant d’une maison, puisqu’elle est fixe, il est interdit de lui attacher un élément, même si la jonction est lâche. De même est-il interdit d’en détruire un élément. Par exemple, il est interdit d’assembler une fenêtre sur son cadre ou de l’en ôter ; même si la jonction de la fenêtre sur son cadre est lâche, et que son installation s’opère facilement, la chose demeure interdite, puisque la fenêtre s’attache à la maison. Il faut aussi savoir qu’une armoire, dès lors que sa capacité est de 40 séa (= 1 ama sur 1 sur 3, l’ama – coudée – étant de 45,6 cm), a le statut d’une maison ; dès lors, lui assembler un élément, même de façon lâche, est interdit (Rama 314, 1).

Les ustensiles ont, en revanche, un caractère moins permanent, si bien qu’il est permis de les assembler d’une façon provisoire, ne requérant pas de compétence artisanale ni de force particulière. Il est donc permis de monter et de démonter ce que le Talmud appelle mita chel praqim, un lit démontable de voyage, que l’on montait et démontait chaque jour, et dont les éléments s’assemblaient de façon lâche (Chabbat 47a-b, Choul’han ‘Aroukh 313, 6). De même, il est permis d’ôter la portière d’un ustensile, dès lors qu’elle se monte et se démonte facilement, par exemple dans le cas où elle tourne sur des gonds, et où l’on peut facilement l’enlever. Dans l’absolu, il serait même permis de monter une telle porte sur ses gonds ; mais si les gonds sont fixés à l’ustensile par des clous (ou ce qui y ressemble), nos sages l’interdisent, de crainte que l’on n’en vienne à renforcer la préhension des clous, de manière à rendre l’assemblage permanent, ce par quoi l’on transgresserait un interdit toranique. Ce n’est que dans le cas où l’assemblage ne comporte aucun élément susceptible d’être renforcé ou resserré, par exemple dans le cas où le gond fait partie intégrante de l’ustensile, qu’il devient permis de monter la porte sur l’ustensile (Chabbat 122b, Choul’han ‘Aroukh 308, 9).

Le principe est le suivant : un ustensile que l’on a l’habitude d’assembler de façon ferme, les sages interdisent de l’assembler, même par un lien lâche, de crainte que, par inadvertance, on n’en vienne à l’assembler de façon ferme, enfreignant ainsi un interdit toranique. En revanche, il est permis de monter et de démonter un ustensile qui s’assemble de façon provisoire et facile, et qu’il n’est pas à craindre d’assembler de façon permanente – ce par quoi l’on enfreindrait un interdit toranique. Par conséquent, il est permis d’allonger une table à l’aide d’une rallonge de bois prévue pour cela ; de même, il est permis de raccourcir cette même table en rentrant les rallonges, puisque ces dernières y sont déployées de façon provisoire. Même chose concernant le plateau d’une chaise d’enfant, que l’on a l’habitude de monter et de démonter : puisque l’assemblage n’est pas fort, il est permis de le monter et de le démonter le Chabbat.

D’après cela, selon de nombreux décisionnaires, les interdits de construire et de détruire ne s’appliquent pas à l’assemblage et au démontage de briques emboîtables (Lego™ ou semblables jouets), puisque leur jonction n’est pas forte et que, dès l’abord, ils sont destinés à être démontés (Tsits Eliézer XIII 31, Ye’havé Da’at II 55 ; par contre, le Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 19 est rigoureux).

Plusieurs A’haronim écrivent qu’il est rabbiniquement interdit de modeler du papier selon des formes, telles qu’un bateau ou un avion ; de même, il est interdit de donner des formes particulières à des serviettes de table, car cela ressemble à la mélakha de construire (Rav Chelomo Zalman Auerbach, Chemirat Chabbat Kehilkhata 11, 41 ; 16, 21). D’autres le permettent car, selon eux, l’interdit de construire ne s’applique pas à une chose provisoire, qui sera défaite dans peu de temps (Rivevot Ephraïm t. 1 au nom du Rav Moché Feinstein). En cette matière, si l’on veut être indulgent, on y est autorisé, et celui qui veut être rigoureux sera béni pour cela. Quant aux enfants, ils sont autorisés à être indulgents a priori (cf. Har’havot). Toutefois, le pliage artistique du papier (origami) est interdit.

08. Dans quelles conditions on peut réparer des objets endommagés

Il arrive que des ustensiles soient, a priori, assemblés de façon étroite, mais que leur assemblage se relâche au cours du temps. En un lieu où les gens se sont habitués à se servir de tels ustensiles aux attaches relâchées, il n’est pas interdit de les monter et de les démonter. En effet, il n’est pas à craindre que l’on n’en vienne à les renforcer par des clous ou de la colle, puisqu’on est déjà habitué à les utiliser de cette façon ; et leur assemblage, en soi, n’est pas interdit : comme nous l’avons vu, assembler des ustensiles de façon lâche n’est pas visé par la défense de construire (cf. Rama 308, 16, Choul’han ‘Aroukh 313, 6).

Par conséquent, quand une roue s’est échappée du berceau d’un bébé, et dès lors que l’on a l’habitude de la replacer sans la serrer, il est permis de la replacer. De même pour des embouts de caoutchouc-mousse qui se fixent sous les pieds d’une chaise ou d’une table : s’ils sont attachés de façon lâche, il est permis de les remettre. Même chose pour une poupée d’enfant, dont la jambe se serait déboîtée : si l’attache était étroite, il est interdit de la remettre, mais si l’attache était faible, cela est permis.

Quand une branche de lunette est tombée, il est interdit de la remettre en place en la vissant, puisqu’on a l’habitude, en pareil cas, de bien serrer la vis. Même si l’on se propose de rattacher la branche de façon lâche, cela reste interdit, de crainte que, par manque de vigilance, on ne resserre le lien, transgressant ainsi un interdit de la Torah. Si la vis s’est perdue, en revanche, il n’est plus à craindre d’en venir à renforcer le vissage, et il devient donc permis de fixer la branche au moyen d’une épingle à nourrice, car un tel assemblage est considéré comme lâche : il est donc permis, quand il s’agit d’ustensiles (Choul’han Chelomo 314, 11, 2).

Quand un verre de lunette est tombé de sa monture, il faut distinguer : si, pour le remettre en place, il faut se servir d’une vis, que l’on pourrait serrer de façon étroite, il est interdit de remettre le verre à sa place, même de façon lâche, car on craint d’en venir à serrer la vis fermement. Mais s’il n’y a pas de vis et que, simplement, le verre s’échappe parfois de la monture parce que celle-ci se détend, il devient permis de l’y remettre. Il n’est pas à craindre d’en venir à installer le verre de façon parfaite et permanente, car seuls les gens de métier savent faire cela (Menou’hat Ahava III 23, 35, Or’hot Chabbat 8, 49-50).

Une cuiller, un couteau, la branche d’une paire de lunettes qui se seraient légèrement tordus, il est interdit de les redresser manuellement, au titre de l’interdit de maké bépatich (« frapper de son marteau », c’est-à-dire exécuter un travail de finition) (Maguen Avraham 340, 11, Michna Beroura 509, 1 et 7 ; cf. Har’havot).

L’interdit de construire ne s’applique pas au fait de tendre le ressort d’une voiture jouet afin qu’elle roule quelque peu, à condition qu’elle ne klaxonne pas, ni ne s’allume (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 14).

Il est permis de gonfler un matelas pneumatique, un oreiller pneumatique ou une bouée, dès lors qu’ils ont déjà été gonflés au moins une fois. Puisqu’il est permis de les gonfler, on pourra le faire de la manière habituelle, avec une pompe manuelle. En revanche, il est interdit de les gonfler pour la première fois car, de l’avis de nombreux décisionnaires, le premier gonflage leur donne leur plein statut d’ustensile. Quant à un ballon, il est interdit de le gonfler, même si ce n’est pas pour la première fois, de crainte d’en venir à le nouer. Toutefois, s’il s’agit d’un ballon que l’on a l’usage de fermer au moyen d’un bouchon, sans réaliser de nœud, et qu’on l’ait déjà gonflé une première fois, il devient permis de le gonfler (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 89 ; 16, 7 ; 34, 24).

09. Nettoyage du sol et réparations domestiques

Quand le sol est sale, et qu’il ne serait pas conforme au respect dû au Chabbat de le laisser dans cet état, il est permis de balayer le sol à l’aide d’un balai. Mais il est interdit de balayer une cour qui n’est pas carrelée, de crainte d’en venir à aplanir les creux, et d’enfreindre ainsi l’interdit de construire (cf. ci-dessus § 2, note 1).

Il est interdit de nettoyer à l’eau un sol carrelé : puisque ce n’est pas tellement nécessaire à l’honneur du Chabbat, nos maîtres craignent que les gens n’en viennent, après avoir nettoyé un sol carrelé, à nettoyer un sol non carrelé et à en égaliser les creux, enfreignant en cela l’interdit de construire (Choul’han ‘Aroukh 337, 3, Michna Beroura 3). Si beaucoup d’eau s’est renversée sur le sol, il est permis de la drainer à l’aide d’une raclette lave-sols (Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, 7).

Quand un endroit déterminé du sol s’est grandement sali – par exemple dans le cas où du jus de fruit s’y est renversé –, il est permis d’y verser un peu d’eau et de drainer celle-ci, ensuite, à l’aide d’une raclette lave-sols, ou de l’éponger avec une chose qu’il n’est pas à craindre d’essorer (Rav Chelomo Zalman Auerbach, Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, note 30, Yalqout Yossef 337, 2). Quand tout un sol s’est grandement sali, si l’on souhaite être indulgent et verser de l’eau sur tout le sol, puis drainer cette eau avec une raclette, on a sur qui s’appuyer (Or lé-Tsion 43, 8).

Quand un tuyau destiné au drainage des eaux d’un toit est bouché par des herbes, empêchant l’écoulement de l’eau et conduisant celle-ci à se répandre sur le toit et à dégoutter dans la maison, nos maîtres permettent de piétiner ces herbes afin de les écraser. Certes, les réparations, même quand on modifie la procédure habituelle, restent interdites rabbiniquement ; mais dans notre cas, où l’on risque une grande perte financière, nos maîtres permettent d’opérer cette réparation, en y apportant une modification (Ketoubot 60a, Choul’han ‘Aroukh 336, 9).

D’après cela, certains décisionnaires interdisent de déboucher un évier bouché à l’aide d’une pompe domestique en caoutchouc (ventouse), car nos sages n’ont permis d’agir que dans le cas où l’on apporte un changement à la méthode habituelle ; or il n’y a aucun changement dans le fait de déboucher un évier avec une pompe domestique. Par conséquent, selon ces auteurs, la Torah l’interdit, et il n’y a pas lieu d’être indulgent en la matière, même en cas de nécessité pressante (Yabia’ Omer V 33, Rav Yossef Chalom Elyachiv). D’autres décisionnaires, en revanche, le permettent, car l’obturation d’un évier que l’on résout au moyen d’une pompe n’est pas une obturation totale, si bien que l’interdit de réparer n’est pas applicable au fait de le déboucher. De plus, la réparation ne porte pas sur le tuyau lui-même, mais consiste uniquement dans le déplacement des saletés qui le bouchent (Min’hat Yits’haq V 75, Rav Chelomo Zalman Auerbach, Chemirat Chabbat Kehilkhata 12, 18, Menou’hat Ahava III 24, 29). En pratique, en cas de nécessité pressante, il est juste que deux personnes tiennent ensemble la pompe en caoutchouc, et débouchent ensemble l’évier : de cette façon, l’interdit, même aux yeux des décisionnaires rigoureux, n’est que rabbinique ; or, en cas de doute portant sur une règle rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente (cf. ci-dessus chap. 9 § 3, note 1).

Tous les avis s’accordent à interdire de déboucher une obturation à l’aide d’instruments professionnels, tels qu’un déboucheur à ressort de plombier. De même, il est interdit par la Torah de démonter la canalisation qui se trouve en-dessous de l’évier afin de la vider de ses déchets, puis de la remonter.

Il est permis de vider la saleté qui s’est accumulée sur le filtre d’un évier, et il n’est pas nécessaire d’opérer un changement à cette fin, car il n’y a là aucune réparation : il s’agit seulement d’ôter la souillure (Choul’han ‘Aroukh 308, 34, Chemirat Chabbat Kehilkhata 12, 17 ; cf. ci-après chap. 22 § 12).

Il est interdit de mettre de l’huile sur les gonds d’une porte qui grince, ou sur les roues d’une poussette car, ce faisant, on apporterait une forme de réparation à l’ustensile (Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, 43 ; 28, 53).

Quand un collant a commencé à se démailler (à « filer »), il est interdit de mettre du vernis ou du savon à l’endroit démaillé, afin de faire cesser le processus de démaillage, car ce serait renforcer ce collant (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 77).

10. Découper (me’hatekh)

La mélakha de découper (me’hatekh) est un travail permettant, à partir de différents matériaux, de créer des maisons, des ustensiles, des vêtements ou autres choses approchantes. Car si l’on veut fabriquer un vêtement de cuir, il faut d’abord découper la peau suivant la taille qui convient ; si l’on veut construire une maison, il faut d’abord découper des pierres, du fer, des planches à la taille convenable ; et si l’on veut construire une fenêtre, il faut tailler le verre à la taille adéquate. Tel est le principe : quiconque découpe une chose, le Chabbat, suivant une taille déterminée, enfreint l’interdit toranique de découper. De même, la Torah interdit de découper la partie tendre d’une plume afin d’en faire un oreiller ou un édredon, puisqu’il faudrait couper précisément entre la partie tendre et la partie rigide (Chabbat 74b). Ici se situe la différence entre la mélakha de découper et celle de déchirer (qoréa’) : dans cette dernière, l’essentiel est de séparer deux parties, tandis que dans me’hatekh, l’essentiel est de découper avec précision, afin de créer, par la découpe, quelque objet.

La mélakha de découper ne s’applique pas aux aliments. Il est donc permis de trancher un gâteau afin de le partager également. De même, il est permis de tracer des sections sur la peau d’une orange afin de la peler. Une pilule, un suppositoire que prend un malade, sont considérés comme ayant même statut que la nourriture ; il est donc permis de les couper en deux à l’endroit prévu pour cela (Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 4).

Même une chose qui est propre à la consommation des animaux est considérée comme nourriture, et il n’est donc pas interdit de la découper. Par conséquent, il est permis de couper au couteau de la paille ou du foin afin de se faire un cure-dent. En revanche, il est interdit de se faire un cure-dent avec une branche dure : puisqu’elle est dure et n’est pas comestible par un animal, l’interdit de découper s’y applique. Si l’on fait ce découpage à l’aide d’un ustensile, on transgresse un interdit toranique ; si on le fait à la main, dans la mesure où cela constitue une modification apportée à la méthode habituelle, c’est un interdit rabbinique que l’on transgresse (Beitsa 33a-b, Maïmonide 11, 7, Choul’han ‘Aroukh 322, 4, Michna Beroura 13, 18).

Il est permis de prendre des rameaux odoriférants rigides, qui ont été cueillis avant Chabbat, pour les sectionner et les effriter afin que leur parfum se répande ; de même, il est permis de les découper afin que d’autres personnes les sentent. Bien qu’ils soient rigides et ne conviennent pas à la consommation animale, ce n’est pas interdit, car la mesure exacte n’importe pas dans un tel découpage. Simplement, il faut faire cette opération à la main car, si l’on coupait ces rameaux à l’aide d’un instrument, il serait à craindre que, par mégarde, on n’en fasse un cure-dent ou quelque autre bâtonnet utilitaire, enfreignant en cela un interdit toranique (Beitsa ibid., Choul’han ‘Aroukh 322, 5, Michna Beroura 17, 18, Rama 336, 8).

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