Pniné Halakha

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Chapitre 30 – Zones d’habitation (te’houmin)

11. Quand on sort du périmètre sabbatique ; objets provenant de l’extérieur du périmètre

Si l’on est sorti du périmètre sabbatique, que cela soit intentionnellement ou par mégarde, on a « perdu son te’houm », et l’on n’a plus que ses quatre coudées (Choul’han ‘Aroukh 405, 1, cf. ci-dessus, note 1). Si l’on a un besoin naturel, nos sages permettent de se rendre à un endroit où l’on pourra faire ses besoins discrètement ; après cela, on pourra s’éloigner quelque peu de l’endroit où l’on aura fait ses besoins, jusqu’à ce qu’aucune mauvaise odeur ne se fasse plus sentir, de manière à pouvoir prononcer des paroles à caractère sacré. À partir de là, on ne marchera pas plus de quatre amot (Choul’han ‘Aroukh 406, 1).

Si l’on est sorti du périmètre sabbatique, et que l’on soit arrivé en un lieu entouré de cloisons, ou d’un érouv, il faut distinguer selon l’intention : dans le cas où c’est en toute connaissance de cause que l’on est sorti du te’houm, on ne dispose que de ses quatre coudées ; même si l’on se trouve dans une maison, on ne quittera pas ses quatre coudées. Si c’est par erreur, ou sous la contrainte, que l’on est sorti, on sera autorisé à marcher dans tout le territoire ainsi entouré (Choul’han ‘Aroukh 405, 6 ; Béour Halakha, passage commençant par Aval).

Mais dans le cas où l’on sort de son périmètre sabbatique afin de sauver des vies, nos sages décrètent que, lorsqu’on termine l’opération de sauvetage, on dispose de deux mille ama dans chaque direction. Si son nouveau te’houm se rencontre avec son te’houm initial, on sera autorisé à revenir à son point de départ : on disposera de son périmètre domestique, comme si l’on n’était pas sorti (‘Erouvin 44b ; dans certains cas, les sages autorisent à revenir à l’endroit d’où l’on était parti – même sans une telle intersection de zones –, comme on le voit ci-dessus, chap. 27, 10, note 12).

Si, par mécompte, un voyageur a atterri à l’aéroport après l’entrée de Chabbat, ce n’est qu’au moment de l’atterrissage que sera fixé son périmètre sabbatique ; il lui sera interdit de dépasser son endroit de plus de deux mille ama en chaque direction[11]. Or, puisqu’en général l’aéroport est entouré d’une clôture entourant les pistes, et qu’une salle y est aménagée pour dormir, l’ensemble de l’édifice est considéré comme « quatre amot », et il sera donc permis de marcher deux mille ama en-dehors de lui. Mais si l’aéroport n’est pas entouré d’une clôture, le « lieu » du voyageur sera fixé en fonction du moment où les roues de l’avion touchent le sol ; et si l’avion continue de rouler, sur la piste, deux mille ama, il s’ensuit que le voyageur sera sorti de son périmètre sabbatique : il lui sera interdit de marcher plus de quatre amot à l’intérieur de l’avion. Par conséquent, il lui faudra rester dans l’avion jusqu’à l’issue de Chabbat. Toutefois, si l’on exige de lui de sortir, ou s’il doit sortir pour faire ses besoins, il lui sera permis de sortir. Et s’il atteint un lieu entouré d’une clôture, il pourra marcher dans toute la zone entourée, puisque c’est malgré lui qu’il sera sorti de son périmètre (Choul’han ‘Aroukh 405, 6). Si ce vol était motivé par les nécessités d’une mitsva – et quoique l’avion ait roulé sur la piste un kilomètre entier, et que ce terrain ne soit pas entouré d’une clôture –, il sera permis de marcher deux mille ama à partir de la porte de l’avion (Choul’han ‘Aroukh 248, 4, Michna Beroura 32).

Si l’on voyage en bateau, et que le bateau arrive au port pendant Chabbat, il sera permis de descendre du bateau et de marcher deux mille ama dans chaque direction. En effet, tant que l’on n’était pas arrivé au port, on se trouvait à plus de dix téfa’him au-dessus du fond de la mer, or les lois du te’houm sabbatique ne s’appliquent pas en ce cas. Ce n’est que lorsqu’on descend sur la terre ferme qu’est fixé le te’houm. Si le port est entouré d’une cloison, on compte les deux mille ama à partir de la cloison (Choul’han ‘Aroukh 404, 1 ; cf. ci-dessus, note 3).

Si l’on est sorti du périmètre et que l’on soit retourné, par erreur ou par contrainte, à l’intérieur de celui-ci, on sera autorisé à marcher sur toute l’étendue dudit périmètre (Choul’han ‘Aroukh 406, 1). Mais si l’on en est sorti de propos délibéré, on a perdu son périmètre, même si l’on y est revenu ensuite par erreur ; toutefois, il sera permis de marcher dans toute l’étendue de sa ville (Choul’han ‘Aroukh 405, 8).

De même qu’il est interdit de sortir de son périmètre, de même est-il interdit d’en faire sortir ses affaires. Si l’on a fait sortir ses fruits par erreur, bien qu’il soit interdit de les porter en dehors de ses quatre amot, il sera permis de les manger. Mais si c’est en toute connaissance de cause qu’on les a fait sortir, il sera interdit de les manger (Choul’han ‘Aroukh 405, 9, Michna Beroura 52 ; cf. ci-dessus, chap. 26, note 6).

Quand un non-Juif a apporté des fruits d’au-delà du périmètre sabbatique : s’il les apportés pour lui-même, ou pour un autre non-Juif, il sera permis à tout Juif d’en manger, mais il sera interdit de les porter au-delà de quatre amot ; s’il les a apportés jusqu’à l’intérieur d’une maison, ou d’un lieu entouré d’une clôture ou d’un érouv, il sera permis de les déplacer sur tout le territoire entouré. Si le non-Juif a apporté ces fruits à l’intention d’un Juif, il sera interdit à ce Juif d’en manger, ainsi qu’à tous les membres de sa maisonnée, jusqu’à l’issue de Chabbat, à laquelle on ajoute le temps qui eût été nécessaire au non-Juif pour les apporter (Choul’han ‘Aroukh 325, 8)[12].


[11]. Cf. note 3, où l’on voit que nos sages ont émis des doutes quant au fait de savoir si l’interdit de te’houmin s’applique, sur la terre ferme, au-dessus de dix téfa’him. Or, puisque l’avion, durant son vol, a franchi plus de douze milles pendant Chabbat, Maïmonide et ceux qui partagent son avis (d’après lequel le périmètre sabbatique, selon la Torah, est de douze milles) estimeraient qu’il faut être rigoureux, et que quiconque a atterri durant Chabbat ne dispose que de ses quatre amot. Toutefois, pour la majorité des décisionnaires, la Torah ne prescrit elle-même aucun périmètre sabbatique, si bien qu’en cas de doute on est indulgent, et l’on admet qu’il n’y a pas de notion de te’houm au-delà de dix téfa’him. Ce n’est qu’au moment de l’atterrissage que le périmètre est établi. Aussi dispose-t-on de deux mille ama dans chaque direction. C’est en ce sens que nous nous prononçons dans le corps de texte. De toute manière, pour Maïmonide lui-même, si le lieu est entouré d’une cloison, et puisque l’on est arrivé là le Chabbat sans en avoir l’intention, il sera permis de marcher dans toute la zone cloisonnée (cf. Rama 248, 4, Michna Beroura 32, Yaskil ‘Avdi VIII 20, 62, Yalqout Yossef 248, 4).

[12]. Il y a deux règles à savoir, concernant les objets qui ont été apportés d’au-delà du te’houm. La première est liée aux lois de te’houmin elles-mêmes : on considère toujours les objets qui sont sortis de leur te’houm comme on le ferait de personnes l’ayant quitté par erreur ou par contrainte ; en effet, les objets n’ont pas de conscience. Aussi, si ces objets sont arrivés dans un lieu entouré d’une cloison, il sera permis de les déplacer dans toute l’étendue du territoire entouré. Par contre, s’ils ont été apportés jusque dans un endroit qui n’est pas entouré d’une cloison, ils n’ont que leurs quatre coudées. Et s’ils ont été rapportés à leur endroit initial, ils disposent de leur périmètre initial.

 

La seconde règle est celle qui se rapporte à la jouissance tirée d’un acte accompli pendant Chabbat. En ce domaine, c’est l’intention de celui qui transfère les fruits qui est déterminante : s’il les a fait sortir de leur te’houm intentionnellement (bé-mézid), il sera interdit de tirer profit de ses actes, et la consommation des fruits sera interdite ; s’il les a fait sortir par erreur (bé-chogueg), il sera permis de les manger, puisque nous sommes là dans le champ d’un interdit rabbinique (Béour Halakha 318, 1 ד »ה המבשל ; cf. Har’havot 26, 4, 1). Si c’est un non-Juif qui a fait venir les fruits d’au-delà du te’houm, il sera permis à un Juif de les manger dans le cas où il les a apportés pour lui-même ou pour un autre non-Juif. S’il les a apportés pour un Juif, il sera interdit à ce Juif et à sa famille de les manger, jusqu’à l’expiration du temps nécessaire pour apporter de semblables fruits de façon permise à l’issue de Chabbat.

Nos sages ont décrété que les objets appartenant à un non-Juif ont, eux aussi, un périmètre sabbatique, et qu’ils ont, comme les hommes, « élu domicile », pendant Chabbat, à leur propre emplacement. En effet, s’il était permis de les déplacer sans limite, on pourrait se tromper, et croire que les objets des Juifs n’ont, eux non plus, pas de périmètre sabbatique. En revanche, les objets sans propriétaire (hefqer) n’ont pas de te’houm sabbatique (Choul’han ‘Aroukh 401, 1).

12. Jonction des zones (érouv te’houmin)

Si je veux me rendre, le Chabbat, en un lieu qui se trouve en dehors de mon périmètre sabbatique, je peux faire en sorte que cette marche me soit permise, en procédant à une jonction des périmètres (érouv te’houmin) ; en d’autres termes, en établissant mon lieu d’habitation à l’emplacement de la jonction. Par cela, j’agrège le périmètre dans lequel je ne pouvais me rendre auparavant à celui dans lequel je pouvais marcher ; c’est pourquoi cette opération s’appelle jonction des périmètres. Simplement, tout ce que l’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre : si je fixe l’emplacement de l’érouv te’houmin à deux mille ama du côté de l’orient, il me sera permis de marcher quatre mille ama, à partir de mon domicile, en direction de l’orient ; mais il me sera interdit de marcher en direction de l’ouest, même pour parcourir une seule ama.

La fixation de l’érouv[d] se fait de l’une ou l’autre des deux manières suivantes : la première consiste à rester à l’endroit choisi pour la jonction pendant l’entrée de Chabbat. En effet, dès lors que je m’y trouve pendant toute la période du crépuscule[e], au début du Chabbat, c’est là que se trouve mon « lieu », et c’est de là que l’on mesure mon périmètre sabbatique. Il n’est pas nécessaire de dire un quelconque texte à cette fin : il suffit de former l’intention de fixer son périmètre à partir de cet emplacement. En revanche, si je me promène dans les champs, à l’entrée de Chabbat, sans avoir l’intention de fixer à cet endroit le lieu de mon Chabbat, celui-ci demeurera inchangé : ma maison (Choul’han ‘Aroukh 409, 7, Michna Beroura 29)[13].

La seconde méthode consiste à placer la nourriture nécessaire à deux repas à cet endroit, et à prononcer la formule de jonction des périmètres ainsi que la bénédiction correspondante, comme nous le verrons au prochain paragraphe. Précisons cependant que l’on ne dépose de nourriture au titre de la jonction des périmètres que pour les nécessités d’une mitsva : par exemple pour aller écouter un cours de Torah, ou pour participer aux festivités relatives à une mitsva. Si l’on a placé de la nourriture au titre de la jonction des périmètres sans que cela soit pour les besoins d’une mitsva, la jonction opérée est néanmoins efficace a posteriori (Choul’han ‘Aroukh 415, 1).

Si je veux déposer de la nourriture afin d’opérer une jonction de périmètres, je dois la placer à l’intérieur des deux mille ama entourant ma maison, afin que celle-ci fasse partie du périmètre de cet érouv, et que je puisse me rendre, de chez moi, à l’emplacement de l’érouv. Si ma maison se trouve à l’extérieur du périmètre sabbatique défini à partir de l’érouv, ce dernier est considéré comme nul : mon périmètre sabbatique sera mesuré à partir de mon domicile[14].

Ce ne sont pas seulement quatre mille ama que l’on peut gagner par le biais de la jonction des périmètres, mais cinq mille six cents ama. En effet, puisque l’on a fixé le lieu de son Chabbat en un endroit où a été déposé un érouv provisoire, on pourra très bien décider (à la différence du cas d’une ville, cf. ci-dessus, § 6) que le carré dont on dispose, à partir du lieu de l’érouv, sera placé en diagonale, en direction du lieu que l’on se propose d’atteindre, et de manière à gagner les angles.


[d]. Le mot érouv ne vise pas ici le dispositif physique permettant l’accession d’un domaine public au rang de domaine particulier (clôture, ou poteaux et fils, cf. chap. 29), mais la procédure permettant d’étendre le périmètre sabbatique.

[e]. Du coucher du soleil à la tombée de la nuit.

[13]. Si je suis en chemin, et que je veuille fixer le lieu de mon Chabbat à un endroit qui se trouve plus loin sur mon chemin, nos sages sont indulgents, et me permettent de fixer le lieu de mon Chabbat par une simple déclaration verbale, pour peu que deux conditions soient réunies (Choul’han ‘Aroukh 409, 11) : a) que je puisse, en me pressant au besoin beaucoup, atteindre cet endroit avant le coucher du soleil ; b) que cet endroit se trouve, à l’entrée de Chabbat, à l’intérieur de mes deux mille ama. Par contre, si j’ai formé l’intention de fixer le lieu de mon Chabbat à l’extérieur de mes deux mille ama, je n’ai point de te’houm sabbatique, et je ne pourrai sortir de mes quatre coudées. En effet, le lieu que j’avais l’intention de me donner pour emplacement sabbatique, je ne me le suis point acquis, puisque ce lieu se trouve en dehors de mon périmètre initial ; quant au lieu où je me trouvais au moment où je formais cette vaine intention, je ne me le suis pas davantage acquis, puisque j’en ai détourné mon intention. Telle est l’opinion du Rachba, du Roch (‘Erouvin 4, 13) et du Tour (409, 11). Toutefois, Maïmonide estime que, dès lors que l’on ne s’est pas efficacement donné, pour lieu de son Chabbat, le lieu où l’on projetait d’établir son érouv, on s’est acquis celui où l’on se trouve. Le Choul’han ‘Aroukh ad loc. mentionne l’opinion de Maïmonide en tant que position alternative.

Si, en chemin, on fixe son lieu par une déclaration verbale, il faut spécifier quelles sont les quatre amot que l’on entend se désigner comme lieu de son Chabbat ; par exemple : « les quatre amot qui entourent tel tronc d’arbre ». Dans le cas où l’on n’aurait pas défini précisément ce lieu, la majorité des décisionnaires estiment qu’on s’est acquis tout le lieu prêtant au doute. Si l’on déclare [à distance du lieu que l’on vise] : « Mon lieu sera sous tel arbre », et que la moitié dudit arbre se trouve en dehors de ses deux mille ama, on ne se sera pas acquis de lieu pour le Chabbat, et l’on ne disposera donc que de ses quatre coudées, à l’endroit où l’on se trouve. Comme nous l’avons vu, selon Maïmonide, dès lors que l’on ne s’est pas désigné de lieu pour son Chabbat, on ne s’est pas donné d’érouv, mais on dispose de deux mille ama à partir du lieu où l’on se trouve. En cas de nécessité pressante, on pourra s’appuyer sur l’opinion de Maïmonide.

[14]. De prime abord, dans les grandes villes, le dépôt d’un érouv alimentaire ne peut, dans la majorité des cas, être efficace. En effet, nous avons vu (§ 4) que, si je passe le Chabbat en dehors de la ville, on ne saurait considérer l’ensemble de la ville, à mon égard, comme quatre amot : je ne dispose, à l’intérieur de cette ville, que de deux mille ama que l’on compte depuis le lieu où je passe Chabbat. Par conséquent, si je dépose un érouv alimentaire, et que mon domicile soit éloigné de cet érouv de deux mille ama, l’érouv est nul, et la règle qui m’est applicable sera semblable à celle qui régit les autres habitants de ma ville. Telle est l’opinion du Beit Méïr, du Ma’hatsit Hashéqel, du ‘Olat Chabbat interprétant le Choul’han ‘Aroukh 408, 1 ; c’est aussi ce qu’écrit Elya Rabba 408, 8.

Pour le Maguen Avraham et le Michna Beroura (408, 3, 7 et 10), en revanche, le Choul’han ‘Aroukh lui-même admet que le lieu déterminé pour mon Chabbat est bien celui où j’ai déposé l’érouv ; simplement, dès lors qu’à l’entrée de Chabbat je me trouve chez moi, il m’est permis de marcher, dans la ville, en direction de l’érouv ; et après que je serai sorti de la ville, il me sera interdit de revenir chez moi.

Selon le Rama, puisque ma maison est dans la ville, et bien que j’aie déposé l’érouv en dehors de la ville, je garde un lien avec les deux lieux, la maison et l’érouv. Aussi, en plus des deux mille ama dont je dispose à partir de l’érouv, toute la ville est considérée, à mon égard, comme quatre amot, et je suis autorisé à me déplacer sur son entier territoire. Même après être sorti de la ville, il me sera permis d’y revenir et de me déplacer sur toute sa surface.

Le Béour Halakha, 408, 1 סוף ד »ה רחוק se prononce comme le Maguen Avraham dans son commentaire du Choul’han ‘Aroukh. Cependant, certains tranchent conformément à l’opinion du Rama. Parmi eux : le Baït ‘Hadach, le Noda’ Biyehouda (deuxième édition, 49) et le ‘Aroukh Hachoul’han. Le Cha’ar Hatsioun 11 précise qu’il n’y a pas lieu de protester quand on constate que son prochain, conformément au Rama, est indulgent. Puisque le statut des périmètres est rabbinique, on peut, en cas de nécessité, s’appuyer sur l’opinion du Rama.

13. Comment on opère la jonction des zones ; bénédiction

Si l’on veut établir son érouv en déposant de la nourriture, il faut déposer, avant le coucher du soleil, une nourriture suffisante pour deux repas. S’il s’agit de pain, il doit y avoir le volume de huit kabeitsa[f], ce qui équivaut à 400 cm³ (certains disent six kabeitsa). Si l’on veut déposer un aliment dont on tartine le pain, il suffit de prévoir la quantité dont on a coutume d’user pour tartiner un volume de huit kabeitsa de pain (Choul’han ‘Aroukh 409, 7). Si l’on veut déposer un érouv suffisant pour plusieurs personnes, il faut prévoir, pour chaque personne, la nourriture correspondant à deux repas. S’il s’agit de nombreuses personnes, et que l’on veuille limiter la quantité de l’érouv, on peut faire un dépôt d’huile d’olive ou de pâte de chocolat ; en effet, on peut, avec une quantité relativement petite, y tremper – ou tartiner – beaucoup de pain. On peut encore déposer 75 ml de vinaigre, mesure suffisante pour assaisonner deux repas de légumes (Michna Beroura 386, 35 ; 409, 36). On peut également opérer la jonction de périmètres par le biais d’une boisson : on prévoira 150 ml par personne (Choul’han ‘Aroukh 386, 6), ce qui correspond à deux fois la mesure d’un revi’it. Mais on ne peut déposer, comme érouv, de l’eau, ni du sel (‘Erouvin 26a)[15].

Il faut que la nourriture appartienne à celui qui aura l’usage de l’érouv, car ce n’est qu’ainsi qu’il pourra établir le « lieu » de son Chabbat à l’endroit de l’érouv. Lorsqu’on dépose un érouv à l’intention de plusieurs personnes, le propriétaire de la nourriture doit leur faire acquérir celle-ci, afin qu’elles y soient associées. On accomplit cela par le biais d’un tiers, qui soulève la nourriture, avec l’intention de l’acquérir pour le compte de ceux qui ont besoin de cet érouv (Choul’han ‘Aroukh 413, 1).

Si la nourriture déposée en tant qu’érouv est consommée le vendredi avant le crépuscule, l’érouv est annulé. Il est en revanche permis de la consommer après le crépuscule : puisque l’on a déjà fixé le « lieu » de son Chabbat au crépuscule, l’érouv restera efficace durant tout le Chabbat (Rama 394, 2). Si l’on a déposé la nourriture de l’érouv en un lieu tel qu’un interdit toranique empêcherait de le prendre durant le crépuscule – par exemple s’il fallait déblayer un tas de pierres pour l’en extraire – cette nourriture ne constitue pas un érouv (Choul’han ‘Aroukh 394, 3 ; 409, 3-4).

En plaçant l’érouv, on récitera la bénédiction : « Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements, et nous as prescrit la mitsva de la jonction » (Baroukh Ata, Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bemitsvotav, vétsivanou ‘al mitsvat ‘érouv). Puis on déclarera : « Par cet érouv, il me sera permis de marcher, depuis cet endroit, deux mille ama dans chaque direction » (Bezé ha’érouv, yihyé moutar li leilekh mimaqom zé alpayim ama lekhol roua’h). A posteriori, si l’on s’est contenté de dire : « Ce sera l’érouv », la jonction reste valable. Mais si l’on n’a rien dit, on n’a point établi d’érouv (Choul’han ‘Aroukh 415, 4 ; Michna Beroura 15).

Quand l’érouv est destiné à plusieurs personnes, on mentionnera explicitement à qui il est destiné. On veillera bien à ce que l’érouv contienne une quantité de nourriture qui suffit à deux repas, pour chacune des personnes qui en ont besoin (Choul’han ‘Aroukh 415, 4). Si l’on veut que l’érouv serve de nombreux Chabbats, on dira : « pour tous les Chabbats de l’année » (lekhol chabbetot hachana) ; alors, tant que l’érouv existera, il sera efficace (Michna Beroura 16).

On peut établir l’érouv par le biais d’un mandataire (chalia’h). Mais un mineur, un non-Juif, ou un Juif majeur qui n’a pas foi dans la mitsva de l’érouv, ne peuvent être mandataires. Le mandataire doit prononcer la bénédiction et le texte traditionnel ; s’il ne dit rien, l’érouv n’est pas valide (Choul’han ‘Aroukh 409, 8). Si l’initiateur de l’érouv déclare : « Par cet érouv, que place mon mandataire, il me sera permis de marcher, depuis l’emplacement de l’érouv, deux mille ama dans chaque direction », l’érouv est valide (Béour Halakha, passage commençant par Vayomer).

On ne peut établir un érouv à l’intention de son prochain à son insu. Pour les membres mineurs de sa famille, on est autorisé à établir un érouv ; celui-ci les engagera. De même, on peut établir un érouv à l’intention des membres de sa famille qui sont parvenus à l’âge des mitsvot ; simplement, si ceux-ci déclarent, après avoir pris connaissance de l’existence de cet érouv, ne pas vouloir en tenir compte, l’érouv ne les engagera pas. Un mineur de moins de six ans est considéré comme assimilé à sa mère ; l’érouv qui a effet sur elle aura donc également effet sur lui (Choul’han ‘Aroukh 414, 1-2).


[f]. Kabeitsa : « volume d’un œuf ».

[15]. Au traité ‘Erouvin du Talmud (26a), il est dit que l’on peut faire l’érouv avec un mélange d’eau et de sel ; Maïmonide tranche en ce sens (‘Erouvin 1, 8). Selon Tossephot (ד »ה אבל), en revanche, se fondant sur la suite de la Guémara, ce mélange ne peut valablement servir d’érouv que lorsqu’on a mêlé de l’huile à l’eau et au sel. Le Choul’han ‘Aroukh (386, 5) tranche, sans autre mention, en reprenant l’avis de Maïmonide, mais cite la position de Tossephot comme opinion alternative. Le Michna Beroura (29) écrit que la règle est d’être indulgent, conformément au premier avis.

14. Dépôt d’un érouv conditionnel à l’intention de tous les habitants du lieu

Il est permis de déposer un érouv « conditionnel » (‘al tenaï). Prenons un cas où l’on a entendu dire que, le prochain Chabbat, deux sages viendront dans la région pour faire une homélie toranique (dracha), chacun dans un village des environs. Il se peut que l’on n’ait pas encore décidé lequel des deux discours on ira écouter, celui qui se dira dans le village sis à l’est, ou celui qui se dira dans le village sis à l’ouest, ou bien encore si l’on préférera finalement rester chez soi. En ce cas, on déposera un érouv du côté de l’orient, et un autre du côté de l’occident, et l’on émettra intérieurement la condition suivante : « Pendant Chabbat, je déciderai quel est mon périmètre ; s’il dépend de l’érouv placé à l’ouest ou de celui placé à l’est, ou bien encore s’il est défini par mon domicile. » Une fois que l’on aura décidé de son périmètre, on ne pourra plus en sortir. Si l’on n’a toujours pas décidé, mais que l’on ait commencé de marcher en fonction d’un certain périmètre, c’est également une manière de se fixer celui-ci : on ne pourra plus en changer en marchant selon un autre périmètre (‘Erouvin 82a, Choul’han ‘Aroukh 413, 1, Michna Beroura 8)[16].

On peut se porter volontaire en plaçant un érouv à l’intention de tous les habitants du lieu. On dira alors : « Par cet érouv, qu’il soit permis à tous les habitants du lieu et à leurs invités de marcher, depuis cet endroit, deux mille ama dans chaque direction » (Bezé ha’érouv, yihyé moutar lekhol benei hamaqom véor’heihem leilekh mimaqom zé alpayim ama lekhol roua’h). Quiconque connaît l’existence de cet érouv tant qu’il fait encore jour, c’est-à-dire avant l’entrée de Chabbat, pourra en profiter – bien que l’on n’ait pas encore décidé d’établir son « lieu sabbatique » à l’endroit de l’érouv –, pour peu que l’on décide, au cours du Chabbat, de marcher en cette direction. En revanche, si l’on ne connaissait pas l’existence de cette jonction des périmètres à la veille de Chabbat, on ne pourra en profiter (Choul’han ‘Aroukh 413, 1).

Si les habitants du lieu sont nombreux, et qu’il soit impossible au volontaire de déposer une nourriture qui suffise à deux repas pour chacun d’entre eux, mais que, par ailleurs, on sache que seules vingt personnes, au plus, souhaiteraient s’adjoindre à cet érouv, on pourra déposer un érouv suffisant à deux repas pour vingt personnes, et l’on dira : « Par cet érouv, qu’il soit permis à quiconque le souhaitera de marcher, depuis ce lieu, deux mille ama dans chaque direction, durant tous les Chabbats de l’année » (Bezé ha’érouv, yihyé moutar lekhol mi chéyirtsé leilekh mimaqom zé alpayim ama lekhol roua’h, bemechekh kol chabbetot hachana). Grâce à cela, les personnes qui souhaiteront s’appuyer sur l’érouv du volontaire pourront le faire, à condition d’en connaître l’existence à la veille de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 413, 1, Béour Halakha, passage commençant par Lékhol é’had). Il semble que, lorsqu’il est certain qu’une personne au moins s’appuiera sur cet érouv, on doive réciter la bénédiction, mais que, lorsqu’il est douteux que personne en ait besoin, on ne doive pas la réciter.

Mais si l’on a établi un érouv sans émettre de condition, le périmètre est fixé suivant ledit érouv : il sera interdit de changer de périmètre, et de se rattacher à celui défini par son domicile.

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Dieu veuille que nous méritions d’accueillir nos Chabbats dans la joie, de les garder selon leurs lois et de nous sanctifier en eux au souvenir de la foi, en y étudiant la Torah et en nous en délectant, par les repas, et par le sommeil. Alors, l’âme qui est en notre sein luira d’une double lumière, qui rayonnera sur tous les jours de la semaine. Et du domaine sabbatique, s’épandra la bénédiction sur toutes les œuvres de nos mains. Et nous mériterons la pleine Délivrance, bientôt et de nos jours.


[16]. Les Tannaïm controversent à ce sujet. Selon la collectivité des sages (‘Hakhamim) et Rabbi Yehouda dans la michna ‘Erouvin 36b, émettre une condition est juridiquement efficace en matière d’érouv, car on considère que l’on peut révéler rétroactivement son intention (« yech breira ») : quand on décidera sur quel érouv on veut finalement s’appuyer, il apparaîtra rétroactivement que tel était l’érouv que l’on s’était établi le vendredi. À l’inverse, une baraïtha (‘Erouvin 36b, 37b) rapporte que, selon d’autres Tannaïm, cette intention ne peut se révéler rétroactivement (« ein breira »). Au traité Beitsa 38a, l’opinion de Rabbi Ocha’ya est citée, qui estime que, pour une règle de rang toranique, l’intention ne se révèle pas rétroactivement, mais que, s’agissant d’une règle rabbinique, l’intention se révèle rétroactivement. Telle est l’opinion de la majorité des décisionnaires, parmi lesquels Maïmonide, Rabbénou Tam, le Roch, Na’hmanide, le Ran, le Rachba et le Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 331, 11. En matière d’érouv, c’est aussi la position du Choul’han ‘Aroukh 413, 1 et du Michna Beroura 7 ; aussi peut-on décider, le Chabbat, par quel érouv on déterminera son périmètre. (Toutefois, certains pensent différemment : selon Rabbénou Yits’haq, l’intention peut se révéler rétroactivement, même en matière de règles toraniques ; pour le Maharam, cité par le Mordekhi, l’intention ne se révèle pas rétroactivement, même quand il s’agit d’une règle rabbinique).

 

Le Choul’han ‘Aroukh 413, 1 décide : « Tout dépend de la condition émise. » D’après cela, si l’on établit un érouv conditionnel, par exemple en déclarant : « Si le sage vient à l’est, mon érouv sera à l’est », on ne pourra plus changer dès lors que le sage vient effectivement à l’est.

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