Pniné Halakha

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Chapitre 12 – La ‘Amida

01. Avancer de trois pas avant de prier

Durant la ‘Amida, nous nous tenons devant le Roi des rois, le Saint béni soit-Il, à la différence des temps où nous récitons de simples bénédictions ou d’autres prières. Certes, nous devons réciter ces dernières avec gravité, en y appliquant notre pensée (kavana) ; mais ces textes ne relèvent pas du même rang, consistant à « se tenir devant le Roi »[a]. Aussi, les sages ont prévu des règles spécifiques, exclusivement relatives à la ‘Amida.

Afin de signifier sa volonté de se rapprocher de Dieu et de se tenir en prière devant Lui, on a l’usage, avant de réciter la ‘Amida, d’avancer de trois pas (Rama 95, 1). Il faut avoir terminé ces trois pas, et se tenir à l’endroit que l’on s’est désigné pour prier, avant de réciter le verset introductif Ado-naï, sefataï tifta’h (« Eternel, ouvre mes lèvres… », Ps 51, 17), car ce verset est considéré comme partie intégrante de la ‘Amida.

Si l’on se rend à la synagogue pour y prier, ou à quelque autre endroit que l’on s’est choisi à cette fin chez soi, il n’est pas nécessaire de marquer trois pas supplémentaires à l’approche du début de la ‘Amida, puisque l’on a déjà parcouru plus de trois pas pour se rendre au lieu désigné de sa prière (Elya Rabba).  Selon certains avis, même si l’on s’est rendu au lieu de sa prière, il convient d’avancer à nouveau de trois pas au moment de commencer la ‘Amida, si du temps a passé entre le moment où l’on est arrivée sur les lieux et le moment où l’on commence à réciter la ‘Amida (Ben Ich ‘Haï, Bechala’h 3 ; Kaf Ha’haïm 95, 7). Toutefois, il ne convient pas de reculer puis d’avancer de trois pas immédiatement après[b] ; aussi, celle qui veut apporter en la matière un supplément de perfection anticipera, et reculera de trois pas quelques instants avant le commencement de la ‘Amida, puis, après avoir attendu quelque peu, fera ses trois pas en avant à l’approche de cette prière (Minhag Maharil, Michna Beroura 95, 3).


[a]. Nous sommes constamment en présence de Dieu, comme le dit le verset « Je place l’Eternel face à moi, toujours » (Ps 16, 8). L’expression « se tenir devant le Roi » doit ici être comprise comme une catégorie halakhique, juridique : à l’approche de la ‘Amida, nous signifions par le geste et l’attitude que nous nous rapprochons de Dieu et demandons audience. La conscience de la Présence divine et de notre propre sujétion à l’égard de Dieu en est accrue.

[b]. Beaucoup ont l’usage de reculer de trois pas, avant d’avancer des trois pas introductifs à la ‘Amida. Cela est particulièrement nécessaire quand, à la synagogue, on veut prier à sa place désignée et que l’on s’y trouve déjà.

02. Se tourner vers Jérusalem

Durant la récitation des diverses bénédictions et prières autres que la ‘Amida, la fidèle peut s’orienter en quelque direction qu’elle souhaite. Mais dès lors qu’elle se tient devant le Roi de l’univers durant la ‘Amida, elle doit se tourner vers Jérusalem, vers le lieu que Dieu a choisi pour y faire résider Sa Présence dans le monde.

Si  l’on prie en-dehors de la terre d’Israël, on se tournera en direction de la terre d’Israël, et l’on orientera son cœur vers Jérusalem, vers le site du Temple et vers le Saint des Saints (Qodech haqodachim). Si l’on prie en Israël, on se tournera en direction de Jérusalem, et l’on orientera son cœur vers le site du Temple et vers le Saint des Saints. Si l’on prie à Jérusalem, on se tournera vers le site du Temple et l’on orientera son cœur vers le Saint des Saints (Berakhot 30a ; Choul’han ‘Aroukh 94, 1).

Par conséquent, celles qui prient sur l’esplanade du Mur occidental (le Kotel), sur le parvis des femmes, doivent s’orienter, durant la ‘Amida, en diagonale gauche, en direction du lieu du Sanctuaire.

On a l’usage, dans les synagogues, de fixer l’arche sainte sur le mur orienté vers Jérusalem, de façon que les fidèles récitant la ‘Amida soient également tournés vers l’arche sainte. Cependant, l’essentiel est de prier en direction de Jérusalem. Par conséquent, si en raison d’une erreur ou d’une contrainte, l’arche sainte n’est pas véritablement orientée en direction de Jérusalem, on se tournera, au moment de la ‘Amida, dans la direction de Jérusalem (Michna Beroura 94, 9). De même pour celle qui se tient dans la galerie féminine : il n’est pas nécessaire qu’elle s’oriente, durant la ‘Amida, dans la direction de l’arche sainte, mais bien dans celle de Jérusalem.

Si l’on ne sait pas quel côté de la pièce est orienté vers Jérusalem, on priera dans quelque direction que l’on voudra, et l’on orientera son cœur vers son Père qui est au ciel (Choul’han ‘Aroukh 94, 3). Même s’il apparaît après coup que l’on s’est trompé, on n’a pas besoin de répéter sa prière en se tournant vers Jérusalem[1].


[1]. Si, au milieu de la ‘Amida, il apparaît que l’on s’est trompé et que l’on prie dans une autre direction, on ne changera pas de direction, selon le Michna Beroura (94, 10), afin de ne pas s’interrompre par un déplacement en pleine prière. Ce n’est que si l’on est gêné à l’égard de ses camarades et qu’il soit difficile de se concentrer dans ces conditions, que l’on se tournera dans la direction de Jérusalem (cf. Kaf Ha’haïm 94, 7).

03. Se tenir debout, pieds joints

Il existe une règle particulière à la ‘Amida : celle-ci doit se dire debout. En se tenant debout, on manifeste sa disponibilité totale, de la tête aux pieds, à l’égard de la prière. De plus, le fait d’être debout est une expression de révérence et de crainte à l’égard du Roi de l’univers. Aussi, il ne faut s’appuyer sur aucun support durant la ‘Amida, car celui qui appuie un tant soi peu sa personne ne se tient pas d’une façon empreinte de crainte. En cas de contrainte, par exemple si l’on est faible et obligé de s’appuyer, on s’efforcera de ne s’appuyer que légèrement, de sorte que, si l’appui était ôté subitement, on ne tomberait pas pour autant. Par cela, et bien que cette façon ne dénote pas la crainte, on est néanmoins considéré comme priant debout (Choul’han ‘Aroukh 94, 8 ; Michna Beroura 22).

On joint les jambes, durant la ‘Amida, de manière qu’elles paraissent former une jambe unique. La raison en est que l’écartement des jambes reflète le côté matériel de l’être humain ; il représente également la course, à la poursuite des affaires de ce monde. Aussi, les prêtres, lorsqu’ils montaient à l’autel, marchaient de façon à accoler le talon du pied droit au gros orteil gauche, et inversement ; de la même façon, pendant la ‘Amida, nous nous abstenons d’écarter les jambes. De plus, la jonction des jambes – au point que celles-ci semblent être une jambe unique – représente le rassemblement de nos forces réalisatrices, pour mettre ces forces au service exclusif de Dieu, et manifester que nous n’avons qu’une volonté, celle de nous tenir en prière devant Lui. Nos sages ont appris cela de l’exemple des anges, au sujet desquels il est dit : « Leurs jambes sont une jambe rectiligne » (Ez 1, 7), c’est-à-dire que leurs jambes sont accolées l’une à l’autre, au point qu’elles semblent n’en constituer qu’une seule (Berakhot 10b ; Talmud de Jérusalem I, 1 ; cf. Maharal, Netiv Haavoda 6).

Il faut joindre les pieds l’un à l’autre dans toute leur longueur, afin qu’ils paraissent être autant que possible un seul et même pied, non comme ceux qui ne joignent que leurs talons (Choul’han ‘Aroukh 95, 1, élèves de Rabbénou Yona). A posteriori, si l’on a prié jambes disjointes, on est quitte (Michna Beroura 1, Kaf Ha’haïm 2). Celle à qui il est difficile de joindre les jambes les joindra dans la mesure de ses possibilités.

Une malade qui ne peut se tenir debout priera assise. Si même s’asseoir lui est impossible, elle priera couchée (Michna Beroura 94, 27, Kaf Ha’haïm 34).

Celle-là même qui est contrainte de prier assise ou couchée doit s’efforcer de joindre les pieds et de fléchir la tête aux moments de prosternation. Si l’on est assis dans un fauteuil roulant, on reculera quelque peu son fauteuil à la fin de sa ‘Amida, dans la mesure des trois pas par lesquels on achève sa prière (d’après Rama 94, 5).

04. Position du corps et des mains

La fidèle en prière doit incliner quelque peu la tête, de manière que ses yeux soient orientés vers le bas en signe de modestie ; elle doit imaginer qu’elle se trouve au Temple, et orienter son cœur en haut vers le Ciel (Yevamot 105b ; Choul’han ‘Aroukh 95, 2).

Les kabbalistes font l’éloge de celle qui prie les yeux fermés. Cependant, celle qui lit dans son rituel (sidour) se conduit elle aussi selon la règle fixée a priori. De nombreux A’haronim conseillent de prier en suivant le texte dans son sidour car, de cette façon, il est plus facile de se concentrer (Michna Beroura 95, 5 ; Kaf Ha’haïm 9-10 ; cf. Béour Halakha au sujet du Maamar Mordekhaï).

En ce qui concerne les mains, selon Maïmonide, il est bon de les poser sur son cœur, serrées l’une sur l’autre, la droite sur la gauche. De cette façon, on se tient comme un serviteur devant son maître, avec crainte et révérence (Hilkhot Téphila 5, 4). C’est aussi ce qu’écrit le Choul’han ‘Aroukh (95, 3) et ce qu’expliquent les Kavanot de Rabbi Isaac Louria (Kaf Ha’haïm 95, 12). Mais de nombreux décisionnaires pensent que tout dépend de la coutume locale : dans la ville où vivait Maïmonide, on avait en effet l’usage de se tenir devant les  monarques et les ministres de la façon ci-dessus décrite ; mais dans d’autres lieux, la coutume était différente. Par exemple, dans les pays d’Europe, on avait l’usage de se tenir mains jointes et, dans les pays ismaélites, on se tenait mains derrière le dos, comme pour exprimer son absence de mains – de pouvoir – en dehors de la permission octroyée par son vis-à-vis (Mahari Abouhav, cité par le Beit Yossef ; Michna Beroura 95, 6). D’après cela, de nos jours, en plus de la manière décrite par Maïmonide, on peut se tenir bras le long du corps, ou son sidour en mains, ou mains posées sur la table, car ces différentes situations sont, elles aussi, considérées comme des manières honorables de se tenir. En revanche, il ne faut pas mettre les mains dans les poches, ou sur les hanches, car il ne convient pas de se tenir ainsi devant des personnalités dignes d’égards.

Nombreux sont ceux qui ont l’habitude de se balancer durant la ‘Amida ; le Rama écrit (Ora’h ‘Haïm 48, cf. Michna Beroura 95, 7) qu’il convient de se conduire ainsi a priori, afin d’exprimer l’émotion et le frémissement qui doivent saisir la fidèle, et afin d’associer tout le corps au service de la prière, conformément au verset : « Tous mes os diront : “Eternel, qui est comme toi ?” » (Ps 35, 10). Face à cela, le Chla[c] écrit qu’il ne faut pas se balancer durant la prière, et qu’au contraire, c’est précisément le fait de se tenir debout sans mouvement qui amplifie la kavana. De plus, ce n’est pas une marque de respect que de se balancer, et si un homme se présentait devant un roi de chair et de sang et commençait à se balancer de tout son corps, le roi le chasserait immédiatement ; par conséquent, dit-il, il est évident qu’il ne faut pas se conduire ainsi durant la prière. Dans cette perspective, lorsque certains des sages disent qu’il est bon de se balancer, ils ne parlent que de moments où l’on étudie la Torah, ou de moments où l’on dit des cantiques et des louanges ; en revanche, pour la ‘Amida, durant laquelle on se tient devant le Roi, prière profonde et intérieure, il ne convient pas du tout de se balancer : seules les lèvres remuent (Chla, traité Tamid, Ner Mitsva). Dans la mesure où chaque coutume peut s’appuyer sur une source attestée, chacune se conduira de la façon qui contribuera le plus à sa kavana (Maguen Avraham, Michna Beroura 48, 5 ; cf. Kaf Ha’haïm 48, 7-9).


[c]. Rabbi Yechaya Halévi Horowitz (1560-1630), auteur du ChLou’hot Habrit, et couramment appelé, d’après l’acronyme de cet ouvrage, le Chla haqadoch(« le saint Chla»).

05. Les prosternations durant la ‘Amida

En cinq endroits de la ‘Amida, les sages prescrivent de se prosterner : au début et à la fin de la bénédiction des patriarches (Birkat avot, première des bénédictions),  au début et à la fin de la bénédiction de la reconnaissance (Modim, dix-huitième bénédiction), ainsi qu’à la fin de la ‘Amida, quand on recule de trois pas. Les sages ont prescrit de se prosterner lors de ces deux bénédictions, Birkat avot et Modim, car ce sont les plus importantes, et il faut s’efforcer de se concentrer davantage quand on les récite (cf. Choul’han ‘Aroukh 101, 1 ; Michna Beroura 3). Si une personne se prosterne au début ou à la fin de quelque autre bénédiction, on lui enseigne qu’il ne faut pas le faire, afin qu’elle ne se détourne pas du décret des sages, et afin qu’elle ne paraisse pas s’enorgueillir en se prenant pour plus juste que les autres. En revanche, au milieu des bénédictions, il est permis de se prosterner (Choul’han ‘Aroukh 113, 1 ; Michna Beroura 2 ; cf. La Prière d’Israël 17, note 3).

On se prosterne sur les mots Baroukh Ata (« Béni sois-Tu »), et l’on se redresse en disant Ado-naï (« Eternel »). Dans Modim, on se prosterne sur les mots Modim ana’hnou lakh (« Nous reconnaissons devant Toi »), et l’on se redresse en disant Ado-naï (Choul’han ‘Aroukh 113, 7 ; Michna Beroura 12. Sur la prosternation à la fin de la ‘Amida, voir ci-après § 11).

On se prosterne « jusqu’à ce que toutes les vertèbres de la colonne soient saillantes », c’est-à-dire que les vertèbres fassent relief sur le dos. On incline la tête, jusqu’à ce que la face arrive à une hauteur intermédiaire entre le cœur et les hanches ; mais on n’incline pas la tête davantage, car cela paraîtrait présomptueux. On doit se pencher rapidement, afin de montrer son profond désir de se prosterner devant l’Eternel béni soit-Il ; quand on se redresse, on doit le faire lentement, comme une personne qui souhaiterait prolonger sa prosternation devant Dieu (Choul’han ‘Aroukh 113, 6). Une personne âgée, une malade, à qui il est difficile de se pencher, incline la tête selon ses possibilités (Choul’han ‘Aroukh 113, 5).

Il y a deux coutumes quant à la façon de se prosterner : selon la coutume ashkénaze, au moment où l’on dit Baroukh, on plie les genoux ; lorsqu’on dit Ata, on se courbe jusqu’à ce que les vertèbres fassent saillie[d]. Dans la formule initiale de Modim, où l’on ne dit pas Baroukh, on se courbe immédiatement, sans plier préalablement les genoux (Michna Beroura 113, 12 ; cf. Qitsour Choul’han ‘Aroukh 18, 1). Les Séfarades, se fondant sur Rabbi Isaac Louria, ont l’usage de se prosterner en deux temps : on courbe d’abord le corps (sans plier les genoux), puis la tête ; de même, quand on se redresse : on redresse d’abord le corps, puis la tête (Kaf Ha’haïm 113, 21).


[d]. Et l’on se redresse en prononçant le nom divin.

06. Prier à voix basse

Nous apprenons de la prière de Hanna (I S 1-2) de très nombreuses et grandes règles. Hanna se tenait debout, demandant à Dieu de l’exaucer en lui donnant un fils. Sa prière fut agréée : elle eut le mérite de mettre au monde le prophète Samuel, le plus grand des prophètes d’Israël après Moïse notre maître, que la paix repose sur lui. Or il est dit dans le premier livre de Samuel (1, 13) : « Hanna parlait en son cœur, seules ses lèvres bougeaient, mais sa voix ne se faisait pas entendre. » Nos sages disent à ce sujet : « “Elle parlait en son cœur” – cela nous apprend que celui qui prie doit se concentrer (prier avec kavana) ; “seules ses lèvres bougeaient” – cela nous apprend que celui qui prie doit articuler les mots ; “mais sa voix ne se faisait pas entendre” – cela nous apprend qu’il est interdit de hausser la voix durant la ‘Amida » (Berakhot 31a).

Le propos de la ‘Amida est d’exprimer devant Dieu les aspirations profondes de l’âme. Aussi ne convient-il pas de dire cette prière à voix haute et de l’exposer à l’extérieur. D’un autre côté, on ne s’acquitte pas de son obligation par la seule pensée, car toute idée doit être l’objet d’une certaine expression concrète en ce monde. Notre volonté intérieure est bonne ; les corruptions sont extérieures ; aussi notre effort doit-il consister à donner à notre bonne volonté une expression effective, contribuant ainsi à la Rédemption du monde. C’est pourquoi la mitsva la plus subtile a besoin elle-même d’une certaine traduction matérielle, par le biais de l’articulation des mots par les lèvres.

Les usages divergent quant à la façon convenable de prier à voix basse. Selon la majorité des décisionnaires et une partie des kabbalistes, il est préférable que la fidèle fasse entendre sa voix chuchotante à sa propre oreille, de telle manière qu’elle seule puisse s’entendre, à l’exclusion des voisines se trouvant à ses côtés (Choul’han ‘Aroukh 101, 2 ; Michna Beroura 5-6). Selon la majorité des kabbalistes, la ‘Amida est une prière si profonde et intérieure que la fidèle ne doit même pas faire entendre sa voix à sa propre oreille, mais doit se contenter d’articuler les lettres avec ses lèvres (Kaf Ha’haïm 101, 8). Chaque fidèle peut choisir la coutume par laquelle elle sera en mesure de se concentrer le mieux.

A posteriori, même si l’on a fait entendre sa voix durant la ‘Amida, on est quitte de son obligation. Aussi, celle à qui il est difficile de se concentrer en priant à voix basse est autorisée à prier en extériorisant le son de sa voix afin de se mieux concentrer, dès lors qu’elle se trouve seule, en un lieu où elle ne risque pas de gêner d’autres fidèles (Choul’han ‘Aroukh 101, 2). Mais même alors, elle ne portera pas haut la voix, car quiconque élève la voix dans sa prière est comparable aux prophètes de mensonge, qui pensent que leurs dieux sont durs d’oreille et qu’il faut crier pour se faire entendre d’eux (Berakhot 24b)[e].

Dans certains endroits, on a coutume d’élever un peu la voix durant la ‘Amida des jours redoutables (Roch Hachana, Kipour), et il n’est pas à craindre que telle fidèle dérangera sa camarade, car, ces jours-là, tout le monde prie dans un livre de prière (ma’hzor) (Choul’han ‘Aroukh 101, 3). Mais quoi qu’il en soit, même en ces endroits, il est meilleur de prier à voix basse.

Dans les autres parties de la prière, telles que les bénédictions du Chéma et les Pessouqé dezimra, qui ne sont pas aussi intérieurs et profonds que la ‘Amida, tous les avis s’accordent à dire qu’il faut faire entendre sa voix à son oreille ; et il est permis de porter quelque peu la voix. A posteriori, si l’on s’est contenté d’articuler les mots en ses lèvres sans faire entendre sa voix à son oreille, on est quitte. Mais si l’on s’est borné à lire des yeux sans prononcer les mots, on n’est pas quitte.


[e]. Allusion à l’épisode des prophètes de Baal (I R 18).

07. Prier en toute langue

Il est permis de prier et de lire le Chéma dans une traduction en langue étrangère (Sota 32a) ; toutefois, le meilleur mode d’accomplissement de la mitsva consiste à prier et à lire le Chéma en hébreu, langue dans laquelle les membres de la Grande Assemblée ont rédigé le texte de la prière, langue de la sainteté, par laquelle le monde fut créé.

Certes, selon le Rif, ce n’est que si l’on prie au sein d’un minyan que l’on est autorisé à dire la ‘Amida dans une langue étrangère, car alors la Présence divine réside sur le lieu, et la prière sera agréée bien qu’elle ne soit pas dite dans la langue sainte ; tandis que, si l’on prie seul dans une langue étrangère, la prière n’est pas agréée. Néanmoins, l’opinion de la majorité des décisionnaires est conforme à celle du Roch, selon lequel on peut prier, même seul, dans une langue étrangère, à l’exception de la langue araméenne dans laquelle il ne faut pas prier seul. C’est en ce dernier sens qu’est fixée la halakha (le Choul’han ‘Aroukh 101, 4 présente cette opinion en dernière position, introduite par l’expression yech omrim – « certains disent » –, après avoir introduit l’opinion opposée par la même expression ; or le principe veut que, dans un tel cas, la halakha soit conforme au dernier yech omrim ; Michna Beroura 18).

Autre avantage de la prière dite en hébreu : la personne qui prie dans cette langue, même si elle ne la comprend pas, est quitte de son obligation, à condition de comprendre au moins le premier verset du Chéma et la première bénédiction de la ‘Amida. Ce n’est pas le cas pour une autre langue : on ne se rend quitte que si on la comprend (Michna Beroura 101, 14 ; 124, 2).

En pratique, celle qui ne comprend pas l’hébreu est autorisée à choisir sa façon de prier : d’un côté, il y a un avantage à prier dans la langue que l’on connaît, car on peut alors davantage appliquer sa pensée ; d’un autre côté, si l’on prie en hébreu, on a l’avantage de prier dans la langue sainte (cf. Béour Halakha 101, 4 ; Kaf Ha’haïm 16).

L’autorisation de prier dans des langues autres que l’hébreu ne vaut qu’en cas de besoin individuel circonstanciel, pour ceux et celles qui ne comprennent pas l’hébreu. En revanche, il est interdit de mettre sur pied un minyan qui prierait de façon régulière dans une langue étrangère. Ce fut l’une des fautes des réformistes que de traduire la prière en allemand pour l’usage public, et de faire ainsi oublier à leurs enfants la langue sainte, ménageant ainsi une large brèche vers l’abandon du judaïsme et l’assimilation (‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 84, 86 ; Michna Beroura 101, 13).

08. La kavana (concentration)

Quand on récite la ‘Amida, on doit prier avec kavana, c’est-à-dire prêter attention à ce que l’on dit, et s’efforcer de ne pas laisser vaguer son esprit vers des préoccupations étrangères pendant la prière. Si des pensées étrangères viennent à l’esprit, on les écarte de sa conscience et l’on revient à sa prière. Même si l’on ne parvient pas à se concentrer sur tous les mots de la prière, on essaie à tout le moins de se concentrer sur la récitation de la formule finale de chaque bénédiction (les mots Baroukh ata Ado-naï, suivis de leur conclusion). Si l’on ne peut pas se concentrer à chaque bénédiction, on s’efforcera de se concentrer durant la première (Birkat avot, bénédiction des patriarches) et durant la dix-huitième, Modim (bénédiction de la reconnaissance), au début et à la fin desquelles on se prosterne. À tout le moins, on doit se concentrer durant la bénédiction des patriarches, par laquelle débute la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 101, 1, Michna Beroura 1-3).

Si l’on prie, et que l’on ne se soit pas concentré durant la bénédiction des patriarches (Birkat avot), la règle stricte voudrait que l’on reprît sa ‘Amida au début, car la kavana durant la première bénédiction est une condition de validité de la ‘Amida. Toutefois, en raison de la chute des générations, et en raison des soucis de l’esprit, notre capacité de concentration s’est affaiblie. Aussi, les décisionnaires modernes ont donné pour instruction de ne pas revenir au début de la ‘Amida dans un tel cas, car il est à craindre que l’on n’oublie, même la deuxième fois, de se concentrer durant la Birkat avot, et que cette répétition ne soit vaine (Rama 101, 1, Kaf Ha’haïm 4). Cependant, si l’on sait, en son for intérieur, que l’on ne pourra se concentrer, même durant la Birkat avot, il vaudra mieux ne pas commencer la ‘Amida, et l’on s’acquittera de son obligation de prier par les bénédictions matinales (Birkot hacha’har)[2].

Si l’on est sur le point de conclure la récitation de la Birkat avot, et que l’on s’aperçoive que l’on ne s’est pas concentré sur le sens des mots, on devra, tout le temps que l’on n’aura pas prononcé le nom divin (Ado-naï) concluant la bénédiction, reprendre sa récitation à partir de Elo-hé Avraham (« Dieu d’Abraham »), en se concentrant cette fois (Michna Beroura 101, 4 au nom du ‘Hayé Adam). Si l’on a déjà prononcé le nom divin, on conclura la bénédiction avec kavana ; et il sera bon de repasser en pensée sur les mots de la bénédiction des patriarches. En effet, selon Maïmonide, la pensée peut être considérée comme ayant valeur de parole. Mais si l’on a déjà commencé à réciter la bénédiction suivante – en disant Ata guibor – « Tu es puissant » –, on continuera sa ‘Amida, et l’on s’efforcera de se concentrer ensuite en récitant toutes les bénédictions, en particulier durant Modim car, de l’avis de certains auteurs, se concentrer durant Modim a pour effet de corriger le manque de concentration qui affectait la Birkat avot.


[2]. De même, les hommes qui seraient certains de ne pouvoir se concentrer durant la Birkat avot ne commenceront pas à réciter la ‘Amida, comme nous l’expliquons dans La Prière d’Israël, 17 note 5. Cela est vrai à plus forte raison pour les femmes, qui sont a posteriori autorisées à s’acquitter de leur obligation par les bénédictions matinales, comme nous l’avons vu au chap. 2 § 4-5. Cf. également op. cit. 17, note 6.

Les A’haronim expliquent qu’a posteriori, la personne qui aurait récité la ‘Amida sans aucune concentration se serait acquittée de son obligation, puisqu’elle avait formé l’intention d’accomplir la mitsva de prier. C’est ce qu’écrit le Chibolé Haléqet 17 au nom des Richonim. De même, selon le Kaf Ha’haïm 101, 4 au nom du ‘Hessed Laalafim, les bénédictions de la personne qui prierait sans kavana ne sont pas considérées comme dites en vain. En d’autres termes, il semble que nous soyons là en présence d’une prière halakhiquement digne de ce nom, mais que cette prière soit affectée d’un manque d’intention ; c’est ce manque de kavana, et non quelque disqualification de la prière en soi, qui a conduit les sages à exiger de reprendre la ‘Amida au début. La preuve en est que, si l’on s’aperçoit au milieu de la ‘Amida que l’on ne s’est pas concentré sur les mots de la première bénédiction, on ne reprend pas sa récitation au début, ce qui laisse bien entendre que ce qui a été prononcé, même sans intention, n’était pas dépourvu de valeur ; le cas diffère de celui où l’on s’est trompé en mentionnant les pluies en été (cf. chap. suivant, § 7 et 8), cas dans lequel on doit reprendre immédiatement au début.

Si l’on a l’habitude de se concentrer toujours et que, pour une fois, on ne soit pas concentré, on est autorisé à reprendre sa prière au début pour prier en pleine kavana, à la condition d’être certain en son for intérieur que, lors de cette reprise, on priera de façon concentrée du début à la fin de la ‘Amida. Dans un tel cas, il est bon de stipuler en soi-même que, dans le cas où l’on ne serait pas tenu à une telle reprise – en raison de l’usage, dans nos générations, de ne point reprendre –, la ‘Amida que l’on s’apprête à redire aurait valeur de prière additionnelle volontaire (nédava).

09. Ordre des bénédictions au sein de la ‘Amida

La ‘Amida se compose de trois parties : des louanges (cheva’him), des requêtes (baqachot) et des bénédictions de reconnaissance (hodaa). Dans les trois premières bénédictions, nous sommes comparables au serviteur qui compose une louange à l’adresse de son maître ; dans les bénédictions médianes, nous ressemblons au serviteur qui adresse ses requêtes à son maître ; dans les trois dernières, nous sommes comparables au serviteur qui a reçu une récompense de son maître, en prend congé et s’en va (Berakhot 34a).

Cela, nous l’apprenons de la prière de Moïse, qui commençait par des louanges et se poursuivait par des supplications et des requêtes (Berakhot 32a ; cf. ci-après, chap. 15 § 3). Si nous ne faisions précéder la prière par des louanges, il serait à craindre que notre prière ne ressemblât au culte des idolâtres, dont toute la démarche consiste à  manœuvrer les forces supérieures de façon magique, dans leur intérêt. Nous souhaitons, quant à nous, servir l’Eternel et nous attacher à Lui par notre prière ; et la raison pour laquelle nous Lui demandons d’influer sur nous pour le bien et la bénédiction n’est autre que de pouvoir révéler Son nom dans le monde. Aussi, il nous faut d’abord savoir devant qui nous nous tenons en prière : devant Dieu, grand, puissant et redoutable, qui nourrit les vivants dans sa bonté et ressuscite les morts dans son abondante miséricorde, le Dieu saint ; de cette façon, nous pouvons présenter nos requêtes d’un cœur pur, en faveur de l’assemblée d’Israël et en notre faveur (cf. Rav Kook, Olat Reïya I, p. 14).

En effet, dans la partie médiane de la ‘Amida, celle des demandes, qui comprend treize bénédictions, s’expriment l’ensemble des aspirations du peuple d’Israël, qui ne visent pas particulièrement le progrès des affaires personnelles du fidèle, mais visent essentiellement le dévoilement de la gloire de Dieu dans le monde. De cette façon, on comprend que les requêtes personnelles elles-mêmes, pour la santé, pour la subsistance, ont pour but de nous permettre, nous aussi, de nous associer à la Réparation (tiqoun) du monde. Voici les treize sujets à propos desquels nous présentons nos requêtes : la sagesse, le repentir, le pardon, la délivrance, la guérison, la subsistance, le rassemblement des exilés, le rétablissement de la justice, l’anéantissement des ennemis et, en regard, la bénédiction des justes, la construction de Jérusalem, la restauration de la royauté de David ; et finalement, l’exaucement de notre prière.

Après les requêtes, nous terminons la ‘Amida par trois bénédictions générales, au centre desquelles se trouve la bénédiction de la reconnaissance pour notre vie et pour tous les bienfaits que l’Eternel nous dispense en tout temps (Birkat hahodaa ou Modim). Deux bénédictions l’encadrent : avant Modim, nous prions pour le retour du service au Temple ; enfin, nous prions pour la paix, car la paix est le réceptacle de toutes les bénédictions. Il faut savoir que les membres de la Grande Assemblée ont été très précis dans l’ordonnancement des bénédictions ; celui qui en modifierait l’ordre ne se rendrait pas quitte de son obligation (cf. chap. suivant, § 1).

C’est le lieu de signaler que la ‘Amida, communément appelée Chemoné ‘esré (« les dix-huit »), contient en réalité dix-neuf bénédictions. À l’origine, lorsque les membres de la Grande Assemblée ont institué la ‘Amida, celle-ci contenait dix-huit bénédictions. Mais en raison de la multiplication des calomniateurs et des dénonciateurs, suite à l’ascension du christianisme, qui prêchait la haine d’Israël, les sages ont institué une bénédiction supplémentaire, pour que la nation soit sauvée des mains des hérétiques et des calomniateurs[3].


[3]. On a continué d’appeler la ‘Amida Chemoné ‘esré (« les dix-huit »), car cette appellation s’était imposée dès le début. Notre maître Rav Tsvi Yehouda Kook, de mémoire bénie, expliquait encore que la partie essentielle de la prière consiste bien en dix-huit bénédictions, car chacune d’entre elles possède une valeur intrinsèque de louange et de requête. Seule la bénédiction concernant les hérétiques vise le déracinement de la méchanceté ; puisque l’institution de cette bénédiction n’est que temporaire – en effet, elle ne sera plus nécessaire après que la méchanceté sera détruite – l’appellation Chemoné ‘esré se maintient (cité dans Netiv Bina I p. 261).

10. Requêtes personnelles dans le cadre de la ‘Amida

Dans leur sagesse et par la sainteté de leur esprit, les membres de la Grande Assemblée ont inclus dans le texte de la ‘Amida toutes les aspirations idéales du peuple d’Israël. Ils ont de plus pesé chaque mot avec la plus grande précision, jusqu’à l’établissement d’une version parfaite, par laquelle l’âme juive peut s’épancher devant son Créateur de la façon la plus élevée (cf. chap. 1 § 6).

Malgré cela, si la fidèle désire ajouter des requêtes personnelles dans la section centrale de la ‘Amida, elle y est autorisée. En revanche, il est interdit de mêler des requêtes particulières aux trois premières bénédictions, lesquelles sont destinées à louer Dieu, ou aux trois dernières, destinées à exprimer notre reconnaissance envers Dieu ; cela, afin de ne pas brouiller le caractère propre, général, de ces bénédictions (Choul’han ‘Aroukh 112, 1 ; 119, 1).

Les requêtes personnelles qu’il est permis d’ajouter au sein de la partie centrale doivent aborder des sujets semblables aux bénédictions dans lesquelles elles s’insèrent. Par exemple, si l’on a un malade chez soi, on peut demander sa guérison au sein de la bénédiction Refaénou, où l’on prie pour la guérison des malades. Si l’on doit prier pour sa subsistance, on inclura sa demande dans la bénédiction des années (Birkat hachanim)[f]. Si l’on souhaite que de proches parents viennent s’installer en terre d’Israël, on insèrera une prière à leur propos dans la bénédiction Méqabets nid’hé ‘amo Israël (« qui rassembles les exilés de Son peuple Israël »). La bénédiction Choméa’ téphila (« qui écoutes la prière ») a ceci de particulier que l’on peut y insérer toutes sortes de demandes, car elle conclut les bénédictions de requête et résume l’ensemble d’entre elles. Lorsque l’on ajoute une requête particulière, on commence par la récitation du texte général fixé par le rituel, puis on inclut la demande particulière avant la formule Baroukh Ata… concluant la bénédiction.

Il est non seulement permis d’inclure des demandes personnelles au sein de la prière, mais, selon de nombreux avis, il est même souhaitable que la personne en prière joigne ses propres requêtes, car les prières personnelles, que l’on prononce dans sa langue, viennent du plus profond du cœur et éveillent la kavana. Il est simplement souhaitable de ne pas s’étendre longuement en requêtes particulières au sein de la ‘Amida, même durant la bénédiction Choméa’ téphila, car le texte vise essentiellement les besoins de la collectivité ; or si l’on multipliait les demandes particulières au sein de la ‘Amida, ce caractère essentiellement collectif se perdrait. Celle que son cœur porte à multiplier les demandes particulières fera mieux de les présenter après avoir récité la dernière des bénédictions et dit la première mention du verset Yihiou lératson imré fi… (« Que les paroles de ma bouche et les pensées de mon cœur soient agréées devant Toi… »). En effet, tout ce qui se dit après cela ne relève déjà plus de la partie essentielle de la ‘Amida ; or, tant que l’on n’a pas reculé de trois pas, on est encore considéré comme se trouvant en prière devant Dieu, béni soit-Il, si bien que les requêtes personnelles s’adjoignent à la partie essentielle de la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 119, 2, Michna Beroura 119, 12).

On doit expliciter ses requêtes de façon claire. Aussi, quand on prie pour un malade, il convient de mentionner son nom. A priori, il est bon de mentionner le nom du malade ainsi que celui de sa mère ou de son père[g]. Toutefois, si le malade est près de soi, il n’est pas nécessaire de mentionner son nom, car il est clair que c’est à son sujet que l’on prie (Michna Beroura 119, 2).


[f]. Dans cette bénédiction, nous prions pour que Dieu bénisse l’année en cours par ses récoltes, la pluie ou la rosée en leur temps et l’abondance matérielle.

[g]. Par exemple : Reuven ben Léa, ou Sarah bat Ra’hel.

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