Pniné Halakha

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Chapitre 11 – ‘Hanouka

01. Les jours de ‘Hanouka au fil des générations

À l’époque du deuxième Temple, « lorsque les Grecs pénétrèrent dans le sanctuaire, ils rendirent impures toutes les huiles qui s’y trouvaient. Lorsque la dynastie hasmonéenne reprit l’avantage et vainquit les Grecs, les Hasmonéens, après des recherches, ne trouvèrent qu’une fiole d’huile, frappée du sceau du Grand-prêtre. Cette fiole contenait une quantité d’huile suffisante pour allumer le chandelier d’or (la ménora) un jour seulement. Un miracle eut lieu, et l’on put allumer la ménora avec cette huile pendant huit jours. L’année suivante, on institua ces jours comme jours de fête (yamim tovim), marqués par des chants de louange et de reconnaissance. » Pendant ces huit jours, il est interdit de jeûner, ou de prononcer un éloge funèbre (Chabbat 21b, Méguilat Ta’anit 9, 2).

Les sages fixèrent de nombreux autres jours de fête à l’intention du peuple juif, à l’époque du deuxième Temple, en signe de reconnaissance et de joie pour le salut dont bénéficia le  peuple. Tous ces jours sont mentionnés dans la Méguilat Ta’anit[a]. Nombre de ces jours de fête furent fixés à l’occasion des victoires hasmonéennes. Ainsi du jour de Nicanor, le 13 adar, où les Hasmonéens vainquirent une grande armée grecque et tuèrent Nicanor, son commandant ; du 14 nissan, où ils conquirent Césarée ; du 22 éloul, où les Hasmonéens tuèrent les apostats qui ne s’étaient pas repentis ; du 23 ‘hechvan, où ils détruisirent le lieu de prostitution que les Grecs avaient bâti près du Temple ; du 25 ‘hechvan, où ils conquirent la Samarie et commencèrent à la peupler et à l’édifier[1].

Toutefois, la halakha a été tranchée : après la destruction du deuxième Temple, la Méguilat Ta’anit n’est plus applicable (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 573, 1). En effet, après la destruction, tous les effets bénéfiques des événements qui eurent lieu à cette époque ont disparu, et il n’y a plus lieu de s’en réjouir. Il est même permis de jeûner, ces jours-là, ou de prononcer un éloge funèbre. Seuls les jours de ‘Hanouka sont restés, d’entre tous ces jours de fête. Nos sages ont expliqué que les jours de ‘Hanouka se sont maintenus, pour toutes les générations, en raison du miracle particulier de la fiole d’huile et de la mitsva, qu’ils instituèrent, d’allumer des veilleuses afin de publier ce miracle. Et puisque, à ‘Hanouka, on accomplit déjà la mitsva d’allumer des veilleuses, on a également maintenu les autres aspects de cette fête. Aussi exprimons-nous, à ‘Hanouka, notre reconnaissance envers Dieu, en récitant le passage ‘Al hanissim (« Pour les miracles ») au sein de la prière, et louons-nous l’Eternel, en récitant le Hallel, pour le salut qu’Il apporta à son peuple. De même, nous ne jeûnons pas, ni ne prononçons d’éloge funèbre à ‘Hanouka (cf. Roch Hachana 18b, Rachi et Ritva ad loc.).

Pour mieux comprendre la signification des jours de ‘Hanouka et du miracle de la fiole – qui, seuls, nous sont restés d’entre tous les jours de fête fixés à l’époque du deuxième Temple –, nous devons expliquer d’un peu plus près les événements survenus en ce temps, et leur sens.


[a]. Texte contemporain du deuxième Temple, recensant une liste de dates où eurent lieu des événements heureux pour Israël.

[1]. On peut également citer le 22 chvat : à la suite de la révolte hasmonéenne, Antiochus l’impie fit mouvement vers Jérusalem pour la détruire et y tuer les Juifs, quand lui parvint la mauvaise nouvelle des révoltes contre sa personne à l’est de son territoire ; or le 22 chvat (en l’an 167 avant l’ère civile), il fut contraint d’interrompre le siège de Jérusalem, et mourut au cours de ces révoltes. Citons encore le 3 kislev : les Hasmonéens supprimèrent du Temple les symboles des bataillons grecs. Le 24 av, où les Hasmonéens rétablirent le droit de la Torah, au lieu du droit grec, pour s’appliquer aux jugements des tribunaux ; le 23 iyar, où Simon, fils de Mattathias conquit la forteresse d’Acra ; en effet, après la libération de Jérusalem, il y restait une garnison grecque ; le 27 iyar, où les Hasmonéens supprimèrent (à ce qu’il semble, sous la direction de Jonathan, fils de Mattathias) les symboles idolâtres qui étaient suspendus aux portes des maisons et des échoppes ; les 15 et 16 sivan, où fut conquis Beit Shéan, et où furent expulsés les étrangers qui oppressaient Israël. On fixa également un jour de fête le jour où moururent les rois impies qui avaient persécuté les sages : le roi Alexandre Jannée le 2 chvat, et Hérode le 7 kislev. De nombreux autres jours sont cités par la Méguilat Ta’anit.

02. Le règne grec

Durant des siècles, s’est développée en Grèce une culture qui produisit de grandes avancées en science, en philosophie, en littérature, dans les arts, l’architecture, la stratégie militaire et les institutions de pouvoir. La puissance grecque s’accrut avec le temps. À la suite de ses victoires sur ses rivaux, Philippe II de Macédoine réussit à unifier les Etats grecs sous son autorité. Il invita le plus grand des philosophes et scientifiques grecs, Aristote, à être le précepteur de son fils Alexandre. Quand Alexandre accéda au pouvoir, il entreprit une campagne de conquêtes. En trois ans (de 3426 à 3429, ou de 334 à 331 avant l’ère civile), les Grecs conquirent de prodigieux territoires, l’Asie mineure, la terre d’Israël, l’Egypte, et tout le vaste territoire de l’empire perse, jusqu’à l’Inde.

Après la mort d’Alexandre de Macédoine, les commandants de l’armée grecque commencèrent à se combattre mutuellement pour l’exercice du pouvoir, jusqu’à ce que les immenses territoires sous souveraineté grecque se divisassent en plusieurs royaumes grecs.

En conséquence de la conquête territoriale, la culture grecque se répandit dans tous ces pays. Elle assimila toutes les cultures environnantes, et créa une culture hellénistique unitaire. Le type de régime, la langue, la culture, les compétitions sportives de toutes ces contrées devinrent hellénistiques. Les riches et les notables de chacun de ces peuples s’assimilèrent aux Grecs et imitèrent leur mode de vie.

La Judée, elle aussi, fut gouvernée par les Grecs, et, là encore, l’hellénisation se répandit. Toutefois les Juifs étaient différents des autres peuples ; aussi le processus d’hellénisation en Judée fut relativement lent. Mais durant les cent soixante années de leur règne, les Grecs virent croître leur influence, principalement sur la classe aisée. À un certain stade de cette influence, les Grands-prêtres Jason et Ménélas furent eux-mêmes les fers de lance de l’hellénisation, et œuvrèrent en faveur de l’influence grecque sur la Judée. Ils édifièrent, à côté du Temple, un stade pour les concours de lutte, et préféraient regarder les combats plutôt que de faire le service des sacrifices au Temple[2].


[2]. Alexandre de Macédoine est mort en 3437 (323 avant l’ère civile). Ptolémée et Séleucos luttèrent contre Antigone, le vainquirent devant Gaza en l’an 3448 (-312), et partagèrent entre eux le territoire : l’Egypte à Ptolémée, la Syrie et la Babylonie à Séleucos. Après cela, ils se firent la guerre l’un à l’autre pour la terre d’Israël. Dès 3459 (-301), c’est la maison de Ptolémée qui en prit le contrôle pour plus de cent années. En 3562 (-198), Antiochus III, de la dynastie séleucide, conquit la terre d’Israël. Vers la fin de sa vie, son pouvoir déclina.

Quand il tenta la conquête du royaume de Pergame en Asie mineure, les Romains vinrent au secours de Pergame et l’emportèrent sur lui : il fut contraint de leur payer de lourds tributs. Après lui, Antiochus Epiphane régna (de 3584 à 3598, ou de -176 à -164). C’est lui, Antiochus l’impie, qui persécuta religieusement le peuple juif. (L’essentiel de la présente note et des suivantes est emprunté à l’ouvrage du Dr Mordekhaï Breuer, Divré Hayamim Lé-Israël Oul’oumot Ha’olam, éd. Mossad Harav Kook.)

03. Les décrets de persécution et la révolte

En l’an 3591 de notre calendrier (-169), environ cent soixante ans après la conquête de la terre d’Israël par les Grecs, Antiochus IV (Epiphane) commença à alourdir son joug sur le peuple juif. Les Grecs, sous sa conduite, pillèrent les objets du sanctuaire, firent brèche dans les murailles de Jérusalem, tuèrent des milliers de Juifs, et en vendirent de nombreux autres comme esclaves. En 3593 (-167), Antiochus décréta que les Juifs devaient abandonner la Torah et ses commandements, et faire le culte des idoles, condamnant à la peine de mort quiconque observerait les mitsvot. Il annula le service des sacrifices au Temple, et transforma celui-ci en lieu de culte idolâtre. Les rouleaux de la Torah furent déchirés et brûlés. Les soldats grecs passèrent de village en village et contraignirent les Juifs à élever un autel idolâtre et à manger du porc. La circoncision fut interdite, et les femmes qui exposaient leur vie pour circoncire leurs fils furent exécutées. À la suite de ces décrets de persécution, nombre de personnes pieuses s’enfuirent vers les déserts, les cavernes, et vers d’autres pays, et beaucoup furent tués pour la sanctification du nom divin.

La terrible pression qui s’exerçait contre le judaïsme réveilla l’étincelle de l’âme ; et quand les Grecs arrivèrent au village de Modiin, et voulurent contraindre Mattathias fils de Yo’hanan, le Grand-prêtre, à servir les idoles, Mattathias se leva et tua l’envoyé grec, ainsi que le Juif hellénisé qui l’accompagnait. Ce qui était nouveau, dans cet acte, c’était qu’au lieu d’accepter de mourir pour la sanctification du nom divin, comme les autres Juifs pieux, Mattathias choisit de tuer le persécuteur ; et, avec ses fils, il hissa l’étendard de la révolte contre les Grecs et contre l’hellénisation.

La guerre fut dure. Judas Macchabée, qui était le plus audacieux de ses fils, prit la tête des combattants. Avec héroïsme et habileté, les Hasmonéens eurent le dessus sur les armées grecques ; après deux ans environ, ils réussirent à reconquérir Jérusalem et, le 25 kislev 3596 (-165), ils commencèrent à purifier le sanctuaire, et à rétablir le service des sacrifices. C’est alors qu’eut lieu le miracle de la fiole d’huile.

Après cela, les Grecs revinrent en terre d’Israël avec de plus grandes forces armées, conquirent de nouveau Jérusalem, et installèrent les prêtres hellénisés à la tête du Temple. Cependant, pour ne pas aggraver la tension avec les Juifs, ils annulèrent les décrets de persécution, et autorisèrent les Juifs à observer la Torah et ses mitsvot. Pour autant, la révolte ne cessa pas encore : les Hasmonéens continuèrent de combattre les Grecs et l’hellénisation. La guerre connut des succès et des revers, les frères hasmonéens mêlèrent l’héroïsme, la diplomatie et la ruse, jusqu’à ce qu’enfin, après des décennies, les Juifs parviennent à l’autonomie politique ; certes, sous une certaine autorité des grands royaumes d’alors, le monde grec au début, puis Rome ; mais le gouvernement, en terre d’Israël, était tout de même exercé par des Juifs et pour les Juifs[3].

Il semble, de prime abord, que, si les Grecs s’étaient armés de patience, la Judée se serait elle aussi, finalement, hellénisée, comme les autres peuples. Mais la main de l’Eternel, cachée dans le mouvement des générations, créa les conditions de la confrontation. De même qu’Il endurcit le cœur de Pharaon en son temps, de même Il endurcit le cœur d’Antiochus : par cela, se révélèrent la foi, l’abnégation et l’héroïsme juifs.


[3]. Le 13 adar 3599 (-161), l’armée de Judas Macchabée vainquit l’armée de Nicanor. Nicanor fut tué, les survivants de son armée battirent en retraite, et ce jour fut institué comme jour de fête perpétuel. Immédiatement après, les Grecs dépêchèrent Bacchidès, à la tête d’une grande armée. Judas Macchabée ne réussit pas à engager de nombreux combattants, et c’est seulement avec huit cents hommes qu’il fit face. Lors de ce combat, Judas Macchabée fut tué (en 3600/-160). Bacchidès conquit toute la terre d’Israël, nomma comme Grand-prêtre l’hellénisant Alkime, qui fit exécuter soixante anciens parmi les sages. Jonathan, frère de Judas, prit la direction des survivants du camp hasmonéen, qui s’étaient cachés et avaient fui. Avec le temps, les Hasmonéens se renforcèrent et réussirent à attaquer les arrières des troupes grecques, mais ne parvinrent pas à reconquérir Jérusalem.

Quand le pouvoir du roi Démétrios fut menacé, celui-ci rechercha un accord avec les Hasmonéens, en échange de quoi il leur octroya Jérusalem et l’autonomie politique. Jonathan profita de la lutte pour le pouvoir que connaissait la dynastie séleucide, et obtint du rival de Démétrios des avantages supplémentaires, de sorte que, en 3608 (-152), les hellénisants furent écartés de la direction du Temple, et Jonathan commença de servir en tant que Grand-prêtre. Un des occupants, Tryphon, qui n’avait pas accepté que fussent confiés à Jonathan des pouvoirs accrus sur Jérusalem, lui tendit un piège : il l’invita à venir discuter avec lui, et l’assassina (3618/-142).

Simon, frère de Jonathan, prit sa suite, et passa un accord avec le parti opposé à Tryphon, obtenant que la Judée n’eût plus à payer le tribut au pouvoir grec. Tandis que les monarques grecs en Syrie se livraient à des guerres intestines, Simon purifia le pays des restes de l’influence hellénistique, conquit la forteresse d’Acra (le 23 iyar 3619/-141 ; cette date fut fixée comme jour de fête), ainsi que d’autres villes voisines de la Judée, et consolida la liberté politique judéenne. Lorsqu’Antiochus Sidêtês triompha de ses ennemis et n’eut plus besoin de l’aide de Simon, il encouragea une conspiration contre lui, et c’est le propre gendre de Simon, Ptolémée, qui assassina celui-ci ainsi que deux de ses fils (3625/-135). Avec l’aide d’Antiochus Sidêtês, Ptolémée tenta de prendre le pouvoir en Judée, mais Jean Hyrcan, digne fils de Simon, le combattit. Alors, Antiochus Sidêtês vint au secours de l’assassin Ptolémée, causa des dévastations en Judée et imposa un dur siège à Jérusalem. Mais en raison de révoltes qui éclatèrent contre sa personne, il fut contrait de se retirer, et accepta la proposition de paix de Jean ; celui-ci convint de payer un lourd tribut aux Grecs, en échange de quoi il obtint une certaine autonomie, et fut nommé Grand-prêtre et président du Sanhédrin (nassi, litt. prince).

Peu de temps après, l’armée d’Antiochus Sidêtês fut mise en déroute, et lui-même fut tué lors de la guerre contre les Parthes. Jean conquit alors des territoires supplémentaires en terre d’Israël, afin d’élargir le peuplement juif, au désavantage du peuplement non-juif, et de purifier le pays des pratiques idolâtres. Les conquêtes supplémentaires permirent à la population juive de s’enrichir et de prospérer. Jean dirigea la Judée pendant trente-et-un ans, de 3625 à 3656 (de -135 à -104). Durant la plus grande partie de cette période, il régna avec piété et renforça le Sanhédrin, mais à la fin de sa vie, il fut attiré par la doctrine sadducéenne.

04. Crises au sein de la dynastie hasmonéenne

Après que la guerre contre les Grecs se fut achevée par la victoire militaire et politique, une guerre d’une autre nature, culturelle, se déclara. Les Juifs durent encore se défendre, face au vaste et impétueux courant de l’hellénisme, qui submergeait toutes les cultures environnantes. La culture grecque était très puissante, la méthode d’investigation scientifique perfectionnée, la stratégie militaire remarquable et le mode de gouvernance efficace. L’art de la sculpture et de l’architecture impressionnait tous ceux qui en voyaient les productions, les spectacles fascinaient le public et les compétitions sportives emportaient les cœurs. Aussi la culture grecque parvint-elle à se répandre avec un tel dynamisme dans tout le monde connu. Des siècles plus tard, quand Rome devint la plus grande puissance mondiale, la culture grecque continuait de régner en maître.

Bien que la révolte juive fût parvenue à repousser le processus d’hellénisation, celui-ci ne s’arrêta pas : après quelques décennies, l’hellénisation reprit profondément racine parmi la classe riche, et parmi les Juifs qui entraient en contact étroit avec les autres nations. Les hellénisants, durant le règne hasmonéen, furent appelés Sadducéens (Tsédouqim). Ils ne prêchaient pas l’assimilation totale, mais défendaient l’idée qu’il était possible d’associer, dans un cadre national juif, la fidélité à la Torah écrite et la culture grecque.

L’une des tragédies auxquelles l’histoire juive fut confrontée fut que les petits-fils et arrière-petits-fils de Mattathias, qui avait sacrifié sa vie pour combattre l’hellénisation, furent eux-mêmes attirés par les hellénisants, et portèrent atteinte aux sages d’Israël, gardiens de la tradition. L’arrière-petit-fils de Mattathias fut le roi Alexandre Jannée, qui servit également comme Grand-prêtre. Il fut un roi impie, et se figurait lui-même que sa mort réjouirait les sages d’Israël et ceux qui les soutenaient. Afin d’empêcher une telle joie, il ordonna que soient tués, immédiatement après sa mort, de nombreux sages d’Israël. Mais après sa mort, ses héritiers, et au premier chef sa veuve Salomé Alexandra (Chlomtsion), annulèrent ce décret. Le jour de la mort d’Alexandre Jannée fut fixé comme jour de joie et de reconnaissance, pour la disparition de l’impie et le salut des sages d’Israël.

Finalement, les serviteurs des rois hasmonéens, à la tête desquels se trouvait Hérode, l’emportèrent sur la famille hasmonéenne, anéantirent leur descendance et régnèrent à leur place, au point que nos sages déclarèrent : « Quiconque prétend descendre de la dynastie hasmonéenne est soit un esclave, soit un menteur » (Baba Batra 3b)[4].

On peut comprendre, d’après cela, la critique des sages d’Israël envers la dynastie hasmonéenne : ses chefs ne se sont pas efforcés, dès l’abord, de désigner un roi de la maison de Juda, comme l’ordonne la Torah : « Le sceptre ne sera pas retiré de Juda » (Gn 49, 10 ; cf. Na’hmanide ad loc.). Les chefs de la maison hasmonéenne furent d’abord appelés princes (nessiim) ; après cela, ils se couronnèrent eux-mêmes comme rois. De plus, ils recueillirent la fonction de Grand-prêtre ; or il est certain que se livrer aux manœuvres du pouvoir politique a nui à leur service sacerdotal. Ainsi, le service sacré, qui aurait dû être accompli dans la sainteté et la pureté, fut atteint, et l’influence de l’hellénisme s’accrut. À l’inverse, sur le plan politique lui-même, la monarchie hasmonéenne ne fut pas parfaite, car elle se maintint dans l’ombre des empires forts, et généralement sous leur autorité. La faiblesse politique permit, elle aussi, le renforcement de l’hellénisme en Judée.


[4]. Après la mort de Jean Hyrcan en 3656 (-104), les crises commencèrent. Son testament ne fut pas respecté. Son fils aîné Judas Aristobule, allié des Sadducéens se conduisit en souverain hellénistique, fit jeter en prison sa mère et ses frères, et se proclama roi et Grand-prêtre. Après environ un an, il mourut ; son frère Alexandre Jannée régna à sa place pendant vingt-sept ans. Celui-ci était sadducéen, inclinait en faveur de l’hellénisation, et combattit les sages. Cependant, il continua d’élargir les frontières d’Israël. À la fin de sa vie, il revint sur sa position et comprit que son penchant pour les Sadducéens avait porté atteinte au caractère national juif du royaume. Il ordonna alors de transmettre l’héritage de la royauté à son épouse, la pieuse Salomé Alexandra, sœur du Tanna Chimon ben Chata’h.

La reine Salomé Alexandra régna neuf années, de 3684 à 3693 (de -76 à -67). Après sa mort, une rude guerre fratricide éclata entre ses deux fils (qui avaient été éduqués par leur père, Alexandre Jannée le Sadducéen), Hyrcan II et Aristobule II. En 3695 (-65), les deux frères se tournèrent vers Pompée, représentant de Rome, afin qu’il les départage. Celui-ci marcha contre la Judée avec son armée, mit fin en 3697 (-63) à la monarchie hasmonéenne, réduisit les frontières de la Judée, et maintint Hyrcan II dans sa fonction de Grand-prêtre et de chef des Juifs en Judée. Il transféra les autres parties de la terre d’Israël sous l’autorité d’un gouvernement autonome soumis aux représentants de Rome.

Par la suite, Antipater d’Idumée, conseiller d’Hyrcan II, se rapprocha des Romains et devint leur homme de confiance, puis, grâce à leur appui, le véritable gouverneur de la Judée. Après lui, Hérode, son fils, poursuivit sa voie. Quand Hérode aida Hyrcan à vaincre son neveu, fils de son frère, Hyrcan lui donna en retour Myriam, sa petite-fille, comme épouse. C’est ainsi qu’Hérode put, plus tard, se réclamer de la dynastie hasmonéenne, dont il se disait le continuateur.

En l’an 3720 (-40), les Parthes conquirent la terre d’Israël ; avec eux, le fils d’Aristobule II revint gouverner la Judée, se vengeant de son oncle Hyrcan II.  Hérode s’enfuit à Rome, où il fut nommé roi de Judée ; il s’en revint à la tête de troupes romaines, et reconquit la terre d’Israël. Commencèrent alors les trente-six années de son règne. Il fit tuer ses opposants et tous ceux qui auraient pu menacer son trône ; parmi eux, les descendants de la dynastie hasmonéenne, et même plusieurs de ses propres fils. Lorsqu’il mourut, en 3756 (-4), les sages instituèrent le jour de sa mort, 7 kislev, comme jour de fête. Malgré cela, Maïmonide considère la période de son règne comme relevant de la royauté d’Israël. Dans ses lois (‘Hanouka, 3, 1), il écrit en effet que, grâce à la victoire hasmonéenne, la royauté revint au peuple d’Israël pour plus de deux cents ans. Par là-même, Maïmonide nous apprend que la période d’Hérode elle-même était meilleure que la servitude qui avait précédé la révolte, et que la servitude qui suivit la destruction du deuxième Temple.

05. Résultats spirituels pour la postérité

Malgré tous ces défauts, la victoire de la maison hasmonéenne eut une très haute valeur. L’autonomie politique, bien qu’elle fût partielle, contribua au développement de la population juive en terre d’Israël, à tous égards. Jusqu’alors, 40% des récoltes et de la production étaient captées par les Grecs, comme impôt, tandis que, désormais, toutes les récoltes demeuraient dans le pays, et concouraient au développement économique de la Judée. Grâce aux victoires militaires, le peuplement juif se répandit dans l’ensemble de la terre d’Israël, les Juifs revinrent de leurs diasporas, la natalité juive se renforça, et le peuple juif, qui avait vécu la destruction du premier Temple et l’exil, se restaura largement. Sous l’effet de l’autonomie politique, la terre d’Israël redevint le centre national et spirituel du peuple juif. Les maisons d’étude prospérèrent et s’étendirent. La directive des membres de la Grande Assemblée, « Formez un grand nombre de disciples, et élevez une barrière protectrice autour de la Torah » (Maximes des Pères 1, 1), s’accomplit pleinement. Durant cette période, les fondements spirituels de la Torah orale furent posés, grâce à quoi le peuple d’Israël garda sa foi et sa loi durant deux mille ans de dur exil.

C’est pourquoi le miracle de la fiole d’huile exprime, plus qu’aucun autre, le caractère de la période de ‘Hanouka. Certes, le deuxième Temple fut détruit, et tous les résultats politiques de la dynastie hasmonéenne furent réduits à néant ; mais l’étude de la Torah orale, qui se développa à cette époque, se maintient à jamais. Par le miracle de la fiole d’huile, se révélèrent les vertus éternelles de la Torah, qui a pour particularité d’éclairer l’obscurité, par-delà les lois de la nature, et grâce à laquelle nous avons perduré, dans les ténèbres du long exil. Le miracle de la fiole d’huile dévoila également les vertus du peuple d’Israël, qui ne se confond point avec les autres peuples : ce peuple-là ne peut être soumis, et sa foi ne se peut annuler.

Grâce à l’esprit de sacrifice de Mattathias et de ses fils, furent révélés le fondement profond de la Torah et l’élection d’Israël. Mais la dynastie hasmonéenne, avec ses complications et ses problèmes, ne régna que temporairement, et nous ne la commémorons pas de façon particulièrement solennelle.

On comprend donc les paroles de nos maîtres (Roch Hachana 18b), quand ils expliquent que c’est grâce au miracle de la fiole d’huile, et grâce à la mitsva instituée par les sages et consistant à allumer des lumières, que les jours de ‘Hanouka se sont maintenus perpétuellement. Par le miracle de la fiole d’huile, il fut manifeste que les fruits de la victoire militaire sur les Grecs ne sont pas seulement temporaires, mais perpétuels. Nos maîtres ont donc décidé que les jours de ‘Hanouka continueraient d’être célébrés, bien que les autres jours de fête mentionnés dans la Méguilat Ta’anit fussent annulés après la destruction du deuxième Temple. Aussi, à côté de la mitsva d’allumer des veilleuses, que nous accomplissons pendant les huit jours de ‘Hanouka, nous exprimons également notre reconnaissance et louons l’Eternel en récitant le passage ‘Al hanissim ainsi que le Hallel, pour le salut, la victoire et le secours divin[5].

Au fil des ans, il apparut que le miracle était encore bien plus grand : non seulement nous réussîmes à survivre au milieu de l’océan hellénistique qui submergeait le monde, mais, par l’effet d’un processus complexe, le judaïsme brisa la majorité des principes idolâtres de l’hellénisme. La foi abstraite dans un Dieu unique, les valeurs morales, l’aspiration à l’amendement du monde, principes de la Torah, allèrent en se répandant parmi les nations, jusqu’à ce que, par des voies droites ou tortueuses (le christianisme et l’islam), ces valeurs devinssent la base de tout le bien et de toute la beauté portés par la culture humaine.

Quelle que soit la longueur de notre exil, la lumière d’Israël et de la Torah porte plus loin encore, et éclaire plus encore. Elle continue d’éclairer, jusqu’à ce que nous méritions d’apporter une huile nouvelle et pure, produit des olives de la terre d’Israël, par laquelle nous allumerons le chandelier de notre Temple ; alors la terre se remplira de la connaissance de l’Eternel, bientôt et de nos jours, amen.


[5]. L’expression de la reconnaissance s’accomplit par la récitation de ‘Al hanissim, que nous insérons dans la ‘Amida et dans le Birkat hamazon. Dans ce texte, l’accent est mis sur la victoire militaire sur les Grecs, qui voulurent faire oublier la Torah et les mitsvot au peuple juif ; or l’Eternel nous secourut, et livra les impies, puissants, entre les mains des justes, en petit nombre ; puis on purifia le sanctuaire et l’on y alluma le chandelier. Mais ce texte ne mentionne pas le miracle de la fiole d’huile.

Maïmonide (3, 1) met plus encore l’accent sur la victoire nationale et politique : « Sous le deuxième Temple, quand la Grèce régnait, les autorités grecques prirent des décrets contre Israël et entreprirent de révoquer leur religion. Ils ne les laissaient plus étudier la Torah ni pratiquer les mitsvot. Ils s’emparèrent de leur argent, de leurs filles, entrèrent dans le Temple, s’y livrèrent à la débauche, rendirent impur ce qui était pur. Les Israélites en souffrirent beaucoup, et furent l’objet d’une grande pression, jusqu’au jour où le Dieu de nos pères prit pitié d’eux et les délivra de leurs mains. Les Hasmonéens, de la famille des Grands-prêtres, l’emportèrent, tuèrent leurs oppresseurs, et délivrèrent Israël de leur emprise. Ils nommèrent un roi, issu de la dynastie sacerdotale, et la royauté d’Israël fut restaurée pendant plus de deux cents ans, jusqu’à la destruction du deuxième Temple. »

Le miracle de la fiole d’huile, quant à lui, exprime la victoire de la foi et de la Torah. Ce miracle est le socle grâce auquel les jours de ‘Hanouka sont passés à la postérité. Toutefois, nous n’aurions pas mérité d’allumer ces lumières, ni de connaître la victoire de la foi, par-delà les générations, si n’avait pas eu lieu le miracle que fut la victoire des justes sur les impies, et si les résultats atteints sur le plan national ne s’étaient pas produits, comme il apparaît dans le texte ‘Al hanissim. C’est de cela que nous louons l’Eternel dans le Hallel. En effet, la partie principale du Hallel fut instituée pour célébrer le secours divin à l’égard d’Israël, tel que le sauvetage du peuple juif quand il passa de l’esclavage à la liberté, et de la mort à la vie, ainsi que le laisse entendre Maïmonide, quand il met l’accent sur l’aspect national. On peut mieux comprendre ainsi pourquoi Maïmonide insiste sur la joie des jours de ‘Hanouka, comme il l’écrit au paragraphe 3 : « C’est en vertu de cela que les sages de la génération décidèrent que ces huit jours, débutant le soir du 25 kislev, seraient des jours de joie et de louange, pendant lesquels on allumerait des lumières. » (Il se peut que, pour Maïmonide, le miracle principal soit la victoire militaire, contrairement à ce que nous écrivions ci-dessus, § 1, en nous fondant sur plusieurs Richonim.)

Pour approfondir cette question et celle qui suit, voir encore Rav Kook, Orot, chap. Lemahalakh haïdéot, où il est dit que l’époque du deuxième Temple constitua une préparation à l’exil, permettant de puiser une vitalité sainte dans le Temple, et de l’intégrer à l’élaboration de la Torah orale, qui accompagna les Juifs durant leur exil ; cf. aussi le chapitre ‘Hakham ‘adif minavi, ainsi que Orot Hatorah, chap. 1.

06. La lumière qui éclaire les ténèbres : la Torah orale

Ce n’est pas un hasard si la fête de ‘Hanouka tombe pendant la période où l’obscurité de la nuit est au plus fort. Dans cette période, ont lieu les nuits les plus longues de l’année, et le froid de l’hiver se répand sur le pays. Bien plus, la lune elle-même n’éclaire point, car ‘Hanouka commence durant les jours qui précèdent Roch ‘hodech, où la lune va en diminuant.

À cette heure, quand le soleil se couche, que l’obscurité se répand sur la terre et que la longue nuit dépose son ombre inquiétante et froide, les Juifs sortent, leurs bougies en main, et allument les veilleuses de ‘Hanouka. Cela symbolise la foi juive, puissante, qui brise toutes les ténèbres. Même dans les périodes les plus sombres, quand les empires immenses gouvernaient cruellement le monde, nous n’avons pas désespéré de la lumière de la Torah et de la foi, et nous avons continué d’apprendre et d’enseigner. Un peu de notre lumière repousse beaucoup de leur obscurité.

Les jours de ‘Hanouka sont les jours de la joie de la Torah orale ; d’abord, parce qu’ils ont été institués par les sages. La mitsva d’allumer les veilleuses figure elle-même parmi les premières mitsvot instituées par nos sages. Mais au-delà, ces jours donnent expression à la thématique de la Torah orale, prise généralement. Sous le premier Temple, la prophétie était répandue parmi le peuple israélite ; on se consacrait donc principalement à la Torah écrite (Torah chébikhtav). Mais après la destruction du premier Temple et la fin de la prophétie, sonna l’heure de la Torah orale (Torah chébe’al peh). La Torah orale révèle la grandeur du peuple d’Israël, qui est associé au dévoilement de la lumière toranique. Les principes sont fixés dans la Torah écrite, mais la voie permettant de les mettre en pratique est tracée par les maîtres de la loi orale. Certes, la lumière de la Torah écrite brille davantage : elle ressemble au soleil en plein midi, tandis que la lumière de la loi orale ressemble à la lune et aux étoiles. Mais la loi orale a la faculté de pénétrer les secrets de l’âme humaine, et d’éclairer les recoins les plus obscurs de l’univers. Durant la période du deuxième Temple, ont été posées les bases de l’étude systématique de la Torah orale, selon ses directives, ses mesures préventives et ses coutumes. Par la lumière particulière de la Torah orale, semblable aux lumières de ‘Hanouka, qui illuminent les ténèbres, nous avons également réussi à nous mesurer à toutes les difficultés de l’exil.

Ces idées, enfouies au sein de ‘Hanouka, sont à ce qu’il semble la raison profonde pour laquelle cette fête jouit d’un tel amour, d’une telle affection, au point qu’il n’est presque aucun Juif, même éloigné de la pratique de nombreuses mitsvot, qui n’ait coutume d’allumer les lumières de ‘Hanouka. De plus, tous les Juifs ont coutume d’accomplir cette mitsva en y apportant un supplément de perfection (cf. ci-après, chap. 12 § 2), suivant l’usage dit mehadrin min hamehadrin (« de la manière la plus accomplie »).

07. On allume un nombre croissant de veilleuses, jusqu’à ce qu’on atteigne le nombre de huit

Toute chose, en ce monde, passe et disparaît. C’est aussi le lot des idées, des souvenirs : avec le temps, ils perdent de leur force, de leur vitalité. Or par l’allumage des veilleuses de ‘Hanouka, il apparaît que la foi en Dieu ne faiblit pas : au contraire, malgré les misères et l’obscurité environnantes, elle continue d’exister avec plus d’intensité, et s’accroît plus encore. La spiritualité pure qui se révèle dans la Torah est éternelle, aussi continue-t-elle de se développer. Les autres doctrines, en revanche, qui ne sont pas éternelles, passent et disparaissent.

C’est animé de cette merveilleuse idée, idée affectionnée, que tout le peuple juif a pris l’usage d’accomplir la mitsva de la manière la plus parfaite (mehadrin min hamehadrin), en ajoutant une lumière par jour, jusqu’au huitième jour, où huit veilleuses sont allumées.

Comme on sait, le chiffre huit fait allusion à ce qui se situe au-delà de la nature matérielle. En effet, le monde entier a été conçu en sept jours ; de même, les jours de la semaine sont au nombre de sept. Le chiffre huit, en revanche, fait allusion à ce qui s’élève au-dessus de la nature : ainsi de la circoncision, qui a pour rôle de parachever et d’élever la nature à un plus haut degré d’élévation, de sorte qu’elle a lieu le huitième jour. La Torah elle-même, qui vient élever la nature à un niveau divin, relève de la dimension du huit. C’est pourquoi elle fut donnée après le compte de sept semaines (débutant à la fête de Pessa’h) – compte qui exprime la plénitude de la nature – ; après cela, on s’élève à une dimension surpassant la nature : la fête de Chavou’ot, jour du don de la Torah, qui a lieu le cinquantième jour. De même, nous avons coutume d’achever la lecture publique de la Torah le jour de Chemini ‘atséret (huitième jour de fête, clôturant la semaine de Soukot), qui est le jour de Sim’hat Torah, la joie de la Torah.

Les jours de ‘Hanouka, qui expriment l’élévation de la Torah orale, appartiennent eux aussi à la dimension supranaturelle ; c’est pourquoi nous allumons des veilleuses pendant huit jours, et en nombre croissant, jusqu’à atteindre le nombre de huit veilleuses[6].


[6]. Cf. Maharal, Tiféret Israël, chap. 2 et fin du chap. 25, ainsi que Ner Mitsva p. 23 [traduit en français par Benjamin Gross sous le titre Que la lumière soit]. La conception grecque émanait de la nature : puisque la nature contient différentes forces, les Grecs croyaient en une multiplicité de dieux. Et puisque la nature n’est pas le lieu de valeurs, mais seulement de puissance, de beauté et de sagesse extérieure, telles étaient leurs aspirations.

Face à cela, le fondement du judaïsme réside en un Dieu unique, qui créa la nature mais qui, Lui-même, se situe au-delà et en dehors de la nature. Le but est alors de révéler l’unité divine au sein du monde, de dévoiler l’image divine inscrite en l’homme, par le biais de la morale, de la Torah et des commandements. Les Grecs ne peuvent s’entendre avec nous, car la foi dans le Dieu un et les principes de la morale anéantissent leur vision du monde ; en revanche, le judaïsme peut se concilier avec l’hellénisme, en l’utilisant comme instrument de recherche, de définition, et comme mode d’expression des concepts juifs. Sur toutes ces questions et sur d’autres, cf. Bina Le’itim I, chap. 25-27.

08. ‘Al hanissim, Hallel et lecture de la Torah

Nos sages ont institué la fête de ‘Hanouka afin d’exprimer notre reconnaissance et notre louange envers l’Eternel pour le salut dont Il a gratifié le peuple juif. Ils ont rédigé, à cet effet, le texte ‘Al hanissim (« Pour les miracles »), que l’on insère dans la bénédiction de la reconnaissance (Modim), avant-dernière bénédiction de la ‘Amida. On a également coutume de réciter ce texte au sein du Birkat hamazon, en l’insérant dans la deuxième bénédiction, Nodé lekha (« Nous te sommes reconnaissants »). En revanche, dans la bénédiction Mé’ein chaloch[b], on ne mentionne pas ‘Hanouka. Si l’on n’a pas récité ‘Al hanissim au sein de la ‘Amida, ou dans le Birkat hamazon, on ne se reprend pas. Si l’on s’aperçoit de son oubli avant d’avoir achevé la bénédiction où cette louange est insérée, on retournera à ‘Al hanissim. Mais si l’on a déjà prononcé le nom divin, dans la formule finale de la bénédiction, on ne se reprendra pas (Choul’han ‘Aroukh 682, 1). Toutefois, il sera bon, en ce cas, de réciter ‘Al hanissim dans la conclusion de la ‘Amida (Elo-haï, netsor), après avoir terminé toutes les bénédictions ; en effet, dans ce passage final, on peut ajouter des supplications ou des louanges à volonté.

De même, si l’on a oublié de réciter ‘Al hanissim dans le Birkat hamazon, il sera bon de le réciter dans la conclusion du Birkat hamazon, au sein du passage Hara’haman…, car alors on peut ajouter des louanges à volonté (Rama 682, 1, Michna Beroura 4)[7].

De même, c’est une mitsva que de réciter, chacun des huit jours de ‘Hanouka, le Hallel complet, accompagné de ses bénédictions (‘Arakhin 10a). La halakha veut en effet que, en toute circonstance où le peuple juif, après s’être trouvé en proie à une grande détresse – comme l’esclavage, ou un décret d’extermination – s’en est vu délivré, on récite le Hallel (Pessa’him 117a, Méguilat Ta’anit 9, 2).

De la mitsva de réciter le Hallel complet, chaque jour de ‘Hanouka, on peut apprendre la grandeur de cette fête : pendant la fête de Pessa’h elle-même, on ne récite le Hallel complet que le premier jour ; tandis qu’on le récite chacun des huit jours de ‘Hanouka[8].

Les femmes sont exemptées de la récitation du Hallel, car il s’agit d’une obligation de faire (mitsva « positive ») dépendant du temps. Celle qui souhaiterait, de son propre mouvement, réciter le Hallel, accomplirait en cela une mitsva. Suivant la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades, elle dira même les bénédictions entourant le Hallel. Selon de nombreux décisionnaires séfarades, elle ne dira pas ces bénédictions (cf. La Prière juive au féminin 2, 9, note 10).

Nos sages ont fixé une lecture publique de la Torah, à ‘Hanouka : celle des sacrifices offerts par les phylarques, les jours d’inauguration du tabernacle. Chaque jour, on lit un passage se rapportant à un des phylarques ; le huitième jour, on commence la lecture par la mention du huitième phylarque, et l’on poursuit jusqu’au paragraphe des lumières du chandelier d’or (la ménora), au début de la paracha Beha’alotekha (Méguila 30b, Choul’han ‘Aroukh 684, 1).


[b]. Actions de grâce abrégées, que l’on récite après avoir consommé une certaine quantité de pâtisserie, de vin ou de fruits par lesquels se distingue la terre d’Israël.

[7]. Il est vrai que, selon Rabbénou Tam, tant que l’on n’a pas reculé de trois pas à la fin de sa ‘Amida, on doit se reprendre en cas d’oubli : on revient à la bénédiction Modim, afin d’y insérer ‘Al hanissim. Mais en la matière, la halakha n’est pas tranchée conformément à ses vues ; et dès lors que l’on a prononcé le nom divin dans la formule finale de cette bénédiction, on ne se reprend plus. On ne devra même pas dire, après avoir prononcé le nom divin, lamdéni ‘houqéra [« enseigne-moi tes lois » ; il y a en effet un verset des psaumes (119, 12) dont le texte est ברוך אתה ה’ למדני חוקיך, que l’on utilise dans certains cas, au sein de la prière, afin de corriger un oubli sans pour autant prononcer une bénédiction vaine] (Michna Beroura 294, 7 ; cf. Torat Hamo’adim 10, 3).

S’agissant du Birkat hamazon, il ressort de la Guémara Chabbat 24a que l’on a coutume d’y inclure ‘Al hanissim ; toutefois, les sages n’ont pas institué cela en tant qu’obligation, selon le Rachba et le Ritva. Des propos de Maïmonide, en revanche, il ressort que c’est une obligation que de le réciter ; et le Or Zaroua’ écrit que cette coutume a force obligatoire. Pour le Raavia, c’est une obligation que de faire un repas avec du pain, à ‘Hanouka ; par conséquent, si l’on a omis de réciter ‘Al hanissim, on devra se reprendre. Mais en pratique, on ne se reprendra pas en cas d’oubli. Cf. Yemé Hallel Véhodaa 40, 2-3.

[8]. Il y a deux motifs de récitation du Hallel : pour marquer une fête, ou pour un sauvetage miraculeux. À Soukot, on le récite en l’honneur de la fête, et le traité ‘Arakhin 10b explique que l’on récite le Hallel complet chacun des sept jours de la fête, parce que chaque jour est distinct des six autres quant à ses sacrifices, de sorte que chaque jour possède sa particularité, pour laquelle il convient de dire le Hallel. En revanche, à Pessa’h, on offre chaque jour les mêmes sacrifices.

À ‘Hanouka, on récite le Hallel complet pour le miracle de notre sauvetage. Ce Hallel complet se dit chacun des huit jours, car le miracle est allé croissant, chaque jour ; c’est pour cette même raison que l’on allume chaque jour une lumière supplémentaire (Chibolé Haléqet 174, Beit Yossef 683). Certes, la raison principale de la récitation du Hallel, à ‘Hanouka, est clairement la victoire militaire, comme le déclarent les traités ‘Arakhin et Pessa’him, et comme l’écrit Rabbénou Guerchom. Toutefois, le miracle de la fiole d’huile, qui accompagna la victoire, donne expression à la grandeur de celle-ci. Cf. encore Yemé Hallel Véhodaa 41, 3 et notes 22-25. Quant au fait de savoir si cette récitation est d’obligation toranique ou rabbinique, cf. ci-dessus, chap. 4, note 6.

09. Interdit de jeûner, de prononcer un éloge funèbre et de se rendre au cimetière

Les jours de ‘Hanouka sont des jours de joie, de louange et de reconnaissance. Par conséquent, il est interdit d’y jeûner, ou d’y prononcer un éloge funèbre. Même le jour anniversaire de la mort (jahrzeit ou azkara) d’un père ou d’une mère, jour où de nombreuses personnes ont coutume de jeûner, on ne jeûnera pas, dès lors que cette date tombe pendant ‘Hanouka. De même, le jour de leur mariage – jour où la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades prévoit de jeûner – les futurs époux ne jeûneront pas si les noces ont lieu à ‘Hanouka[9].

Il est de même interdit de faire, à ‘Hanouka, un éloge funèbre, que ce soit pendant un enterrement ou à l’occasion d’une azkara (réunion en souvenir du défunt), au terme des sept jours ou des trente jours de deuil. Ce n’est que si le défunt était un érudit (talmid ‘hakham) qu’il sera permis de prononcer un éloge funèbre, en présence de son corps, durant la cérémonie d’enterrement (Chabbat 21b, Choul’han ‘Aroukh et Rama 670, 1). Les lois du deuil s’appliquent à ‘Hanouka, comme les autres jours de l’année (Choul’han ‘Aroukh 696, 4).

Nombreux sont ceux qui ont coutume de ne point visiter le cimetière pendant ‘Hanouka, que ce soit le jour anniversaire d’un décès ou au terme des sept jours, ou des trente jours de deuil. En effet, cette visite risque d’entraîner des larmes ou des lamentations, ce qui est interdit à ‘Hanouka. On fait donc cette visite avant ‘Hanouka, ou on la reporte après ‘Hanouka. Certains ont l’usage d’aller au cimetière ces jours-là, même s’ils tombent à ‘Hanouka. Cet usage est attesté chez des Juifs de diverses origines ; tel est notamment l’usage des Juifs originaires du Maroc. Selon toutes les coutumes, il est permis de visiter les tombes des tsadiqim (saints) à ‘Hanouka (Ben Ich ‘Haï, Vayéchev 22 ; cf. Guécher Ha’haïm 29, 6).

Les Séfarades ont coutumes de réciter le Tsidouq hadin (justification de l’arrêt divin, qui se lit lors d’un enterrement) à ‘Hanouka (Choul’han ‘Aroukh 420, 2) ; les Ashkénazes n’ont pas coutume de le réciter (Rama ad loc. et 683, 1). Selon toutes les coutumes, on s’abstient, à ‘Hanouka, de réciter les Ta’hanounim (supplications qui suivent la ‘Amida), ainsi que le psaume 20, Lamnatséa’h (qui se dit ordinairement avant Ouva lé-Tsion). Il est d’usage que les endeuillés ne soient pas officiants à ‘Hanouka[10].


[9]. À l’époque où l’on observait toutes les solennités mentionnées dans la Méguilat Ta’anit, on avait également coutume d’interdire le jeûne et l’éloge funèbre le jour qui précédait la fête de ‘Hanouka, et le jour qui la suivait. Mais dès lors que la Méguilat Ta’anit n’est plus en vigueur, et quoique les jours de ‘Hanouka soient passés à la postérité, il n’y a pas lieu d’étendre cette rigueur avant et après la fête. C’est ce qu’écrivent le Tour et le Choul’han ‘Aroukh 686, 1. Certains sont cependant rigoureux à l’égard du jour précédant ‘Hanouka, et interdisent d’y jeûner (Rabbi Zera’hia Halévi, Peri ‘Hadach, Baït ‘Hadach). Selon le Michna Beroura, il y a lieu, a priori, de tenir compte de leur avis. Cf. Kaf Ha’haïm 686, 3-7.

[10]. Selon le Michna Beroura 683, 1 et le Kaf Ha’haïm 5, à ‘Hanouka et à Roch ‘hodech, un endeuillé n’officiera pas à Cha’harit, mais il peut le faire à Min’ha et à Arvit. Toutefois, dans le Béour Halakha 132, l’auteur écrit que les endeuillés n’officient aucun des jours où ne se récite pas Lamnatséa’h ; il s’appuie en cela sur le Maharil 22. Selon la coutume la plus courante, les endeuillés n’officient aucun des jours de ‘Hanouka, ni à Roch ‘hodech. Cf. Pisqé Techouvot 132, 31.

10. Les repas de ‘Hanouka

Les jours de ‘Hanouka ont été institués en tant que jours de louange et de reconnaissance ; mais à la différence de Pourim, où prendre part à un festin est l’une des mitsvot du jour, il n’est pas obligatoire de faire un repas de fête à ‘Hanouka. La raison en est que, à l’époque à laquelle se réfère la fête de Pourim, un décret d’extermination avait été pris contre le peuple juif, visé dans son existence physique, de sorte que la mitsva consiste à réjouir le corps par le biais de la nourriture et de la boisson. En revanche, à ‘Hanouka, la victoire fut spirituelle, car le décret des Grecs visait seulement à remettre en cause le maintien de la Torah : quiconque était prêt à se conduire comme un Grec pouvait se préserver. Aussi, le propos essentiel de la fête de ‘Hanouka est-il spirituel : il consiste à exprimer sa reconnaissance et sa louange à l’Eternel, qui nous aida à conserver la Torah et les mitsvot (Levouch).

Bien qu’il ne soit pas obligatoire de faire un repas festif à ‘Hanouka, faire un tel repas, afin de se réjouir du secours dont l’Eternel gratifia Israël en ce temps-là, à pareille époque, est aux yeux de nombreux décisionnaires constitutif d’une mitsva. Selon certains, les sages ont certes institué la récitation du Hallel et de paroles de reconnaissance pour le miracle de notre sauvetage spirituel ; mais en souvenir de l’inauguration du Temple, il convient de prendre un repas festif.

En pratique, on a coutume de faire de copieux repas à ‘Hanouka, au cours desquels on dit de nombreux propos de Torah, et l’on chante des cantiques et des louanges. De cette façon, tous les décisionnaires s’accordent à dire que ces repas ont le caractère de repas associés à une mitsva (sé’oudat mitsva). De plus, grâce aux paroles de Torah que l’on y prononcera, ces repas prendront le caractère particulier à ‘Hanouka, où la joie est essentiellement spirituelle ; ainsi, la joie s’étendra également à la sé’ouda[11].

On a coutume, à ‘Hanouka, de manger des aliments lactés et du fromage, en souvenir d’un miracle où ces aliments ont joué un rôle : Judith, fille du Grand-prêtre Yo’hanan, avait servi des produits laitiers à l’ennemi ; après que celui-ci se fut endormi, elle le tua, et Israël fut ainsi secouru.

Bien que cet épisode ait eu lieu avant l’époque de ‘Hanouka, le souvenir de l’acte héroïque de Judith inspira plus tard les Hasmonéens, qui eurent l’audace de se révolter contre les Grecs, de sorte que l’héroïsme de Judith ressortit également au miracle de ‘Hanouka. On a aussi l’usage, durant cette fête, de manger des mets frits dans l’huile, tels que des beignets (soufganiot) et des galettes de pomme de terre (levivot ou latkes)[12].


[11]. Maïmonide (3, 3) qualifie les jours de ‘Hanouka de jours de « joie et de louange » ; c’est également ce qu’écrivent Rabbi Yits’haq ibn Ghiat et d’autres Richonim. Or le moyen d’exprimer la joie, c’est le repas festif associé à une mitsva (sé’oudat mitsva). Tel est l’avis du Maharchal, du Baït ‘Hadach et de nombreux autres auteurs. Le Raavia est plus exigeant : selon lui, si l’on oublie de réciter ‘Al hanissim dans le Birkat hamazon, on doit se reprendre, ce qui laisse bien entendre que, à ses yeux, faire un repas avec du pain est, à ‘Hanouka, une obligation (toutefois, la halakha ne suit pas son avis). Face à cela, le Maharam de Rothenburg (605) estime qu’il n’est pas obligatoire de faire un repas festif à ‘Hanouka. Le Choul’han ‘Aroukh 670, 2 le cite.

Plusieurs Richonim tranchent – et le Rama se prononce, en pratique, dans le même sens –, en recommandant de prononcer des paroles de Torah, au cours des repas de ‘Hanouka. De cette façon, ces repas prendront, de l’avis de tous, le caractère de sé’oudat mitsva. Cf. Yemé Hallel Véhodaa 1, 1, Torat Hamo’adim 9, 10, Yemé Ha’hanouka 16, 8.

[12]. La coutume consistant à manger des produits laitiers est rapportée par le Ran, dans son commentaire sur Chabbat 21b, par le Rama 670, 2 et par d’autres décisionnaires, Richonim et A’haronim. De nombreux auteurs signalent que l’acte de Judith n’eut pas lieu à l’époque de la révolte des Macchabées. Selon le Ben Ich ‘Haï, Vayéchev 24, puisque l’ennemi que visait cet acte était aussi l’un des monarques grecs, qui cherchait à réprimer la religion des Juifs, on associa cette coutume à ‘Hanouka, en souvenir de ce miracle.

Une autre coutume, mineure, que mentionnent un petit nombre d’ouvrages, consiste à manger des aliments frits dans l’huile. Dans son commentaire sur ‘Hanouka, Rabbénou Maïmon, père de Maïmonide, écrit qu’il ne faut renoncer à aucune coutume, même mineure, telle que la consommation de beignets, coutume très ancienne, et qu’il ne faut pas prendre à la légère les coutumes du peuple. Cf. Yemé Hallel Véhodaa 1, 2.

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