Les membres de la Grande Assemblée ont institué les prières et les bénédictions (Berakhot 33a). Ce sont eux qui ont rédigé le texte de la ‘Amida (prière par excellence, récitée debout, à voix basse, cf. chap. 17), ainsi que le texte de toutes les bénédictions, parmi lesquelles celles qui précèdent et suivent la lecture du Chéma Israël (profession de foi récitée matin et soir, cf. chap. 15 et 16) et les bénédictions de jouissance (récitées sur la consommation d’aliments, le port de nouveaux vêtements, etc.). Ce sont encore eux qui ont institué les trois offices quotidiens, Cha’harit, Min’ha et Arvit, les deux premiers en tant que services obligatoires, le troisième comme office facultative.
Les membres de la Grande Assemblée n’étaient autres que les membres du tribunal d’Ezra le scribe, juridiction instituée au début de la période du Deuxième Temple. C’était la juridiction rabbinique la plus grande qui ait jamais été mise sur pied en Israël ; elle comptait cent vingt anciens, parmi lesquels les prophètes et les sages Aggée, Zacharie, Malachie, Daniel, ‘Hanania, Mishaël, Azaria, Néhémie fils de ‘Hakhalia, Mardochée, Bilchan, Zeroubavel, et bien d’autres sages encore, dont le dernier était Simon le juste (cf. Maïmonide, Introduction au Michné Torah).
Durant la période du Premier Temple, le peuple juif put atteindre les plus hauts sommets spirituels : la Présence divine résidait dans le Temple, les grands maîtres d’Israël parvenaient à la prophétie. Malgré cela, des fautes graves se répandirent parmi les masses, telles que l’idolâtrie, les unions interdites et le meurtre, fautes qui entraînèrent finalement la destruction du Temple et l’exil d’Israël. Aussi, lorsqu’ils eurent le mérite de restaurer le Temple, les membres de la Grande Assemblée s’avisèrent de mettre sur pied un grand tribunal, placèrent des bornes protectrices autour de la Torah, prirent des décrets, rédigèrent les prières et les bénédictions, les disposèrent selon un ordre précis et dotèrent la vie juive d’un cadre complet, lequel traduisait les valeurs de la Torah de façon ordonnée et systématisée au sein de la vie quotidienne. Par cela, ils éloignèrent le peuple des transgressions, et le rapprochèrent du service de Dieu.
Bien sûr, le peuple d’Israël priait également l’Eternel à l’époque du Premier Temple ; alors également, il disait des bénédictions et rendait grâce pour les bienfaits dont il jouissait. Mais il n’y avait pas pour cela de texte ordonné, et dès lors, les justes et les dévots priaient et bénissaient Dieu avec ferveur, tandis que les masses du peuple se libéraient de leur devoir par de faibles prières. Sans doute serait-ce un grand idéal que chacun formule, dans ses propres mots, une prière ressentie, sortant du cœur ; mais en pratique, les soucis du quotidien nous érodent, et s’il ne disposait pas d’un rituel de prières fixes, le public se détacherait progressivement du service de la prière et du Maître du monde. Grâce à l’institutionnalisation des prières et à leur rédaction, tout Israël a commencé à prier et, grâce à cela, la foi en Dieu s’est grandement renforcée. Ainsi, au fil des années, s’est créé un attachement des cœurs à l’égard de Dieu, tel que des milliers d’années d’exil elles-mêmes n’ont pu le faire disparaître.
De plus, à l’époque du Premier Temple, nombreux étaient ceux qui se trompaient, et pensaient que même sans purification du cœur ni réparation des mauvaises actions, leurs fautes seraient pardonnées et eux-mêmes mériteraient abondance de biens grâce à l’offrande des sacrifices. Or à la vérité, l’essentiel est la foi en Dieu, la purification du cœur et l’amélioration des actes, comme il est dit (Dt 10, 12) : « Que te demande l’Eternel ton Dieu, si ce n’est de craindre l’Eternel ton Dieu, de marcher dans toutes Ses voies, de L’aimer, et de servir l’Eternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme ? » Ainsi les prophètes se sont-ils élevés avec vigueur contre ceux qui pensaient que l’essentiel résidait dans les sacrifices et n’exigeaient pas d’eux-mêmes un attachement véritable à Dieu, comme il est dit (Isaïe 1, 11-13) : « Que M’importe la multitude de vos sacrifices, dit l’Eternel, Je suis saturé des holocaustes de béliers, de la graisse des bêtes gavées, et le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, Je n’en ai point le désir. Vous qui venez vous présenter devant Ma face, qui vous a demandé de fouler Mes parvis ? N’apportez plus d’offrande vaine, l’encens M’est abominable… » Par l’institution des prières, les membres de la Grande Assemblée ont restauré l’ordre authentique du service divin, selon lequel la foi, l’intention et l’attachement à Dieu constituent le fondement du service. Or ces dispositions intérieures trouvent une expression plus claire dans les prières que dans les sacrifices, comme l’a enseigné Rabbi Eléazar : « La prière est plus grande que les sacrifices » (Berakhot, 32b). Dès lors, nous prions pour mériter d’exprimer notre attachement à Dieu de façon complète, par la prière et par les sacrifices.