Pniné Halakha

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05 – La fixation de la prière par les membres de la Grande Assemblée

Les membres de la Grande Assemblée ont institué les prières et les bénédictions (Berakhot 33a). Ce sont eux qui ont rédigé le texte de la ‘Amida (prière par excellence, récitée debout, à voix basse, cf. chap. 17), ainsi que le texte de toutes les bénédictions, parmi lesquelles celles qui précèdent et suivent la lecture du Chéma Israël (profession de foi récitée matin et soir, cf. chap. 15 et 16) et les bénédictions de jouissance (récitées sur la consommation d’aliments, le port de nouveaux vêtements, etc.). Ce sont encore eux qui ont institué les trois offices quotidiens, Cha’harit, Min’ha et Arvit, les deux premiers en tant que services obligatoires, le troisième comme office facultative1.

Les membres de la Grande Assemblée n’étaient autres que les membres du tribunal d’Ezra le scribe, juridiction instituée au début de la période du Deuxième Temple. C’était la juridiction rabbinique la plus grande qui ait jamais été mise sur pied en Israël ; elle comptait cent vingt anciens, parmi lesquels les prophètes et les sages Aggée, Zacharie, Malachie, Daniel, ‘Hanania, Mishaël, Azaria, Néhémie fils de ‘Hakhalia, Mardochée, Bilchan, Zeroubavel, et bien d’autres sages encore, dont le dernier était Simon le juste (cf. Maïmonide, Introduction au Michné Torah).

Durant la période du Premier Temple, le peuple juif put atteindre les plus hauts sommets spirituels : la Présence divine résidait dans le Temple, les grands maîtres d’Israël parvenaient à la prophétie. Malgré cela, des fautes graves se répandirent parmi les masses, telles que l’idolâtrie, les unions interdites et le meurtre, fautes qui entraînèrent finalement la destruction du Temple et l’exil d’Israël. Aussi, lorsqu’ils eurent le mérite de restaurer le Temple, les membres de la Grande Assemblée s’avisèrent de mettre sur pied un grand tribunal, placèrent des bornes protectrices autour de la Torah2, prirent des décrets, rédigèrent les prières et les bénédictions, les disposèrent selon un ordre précis et dotèrent la vie juive d’un cadre complet, lequel traduisait les valeurs de la Torah de façon ordonnée et systématisée au sein de la vie quotidienne. Par cela, ils éloignèrent le peuple des transgressions, et le rapprochèrent du service de Dieu.

Bien sûr, le peuple d’Israël priait également l’Eternel à l’époque du Premier Temple ; alors également, il disait des bénédictions et rendait grâce pour les bienfaits dont il jouissait. Mais il n’y avait pas pour cela de texte ordonné, et dès lors, les justes et les dévots priaient et bénissaient Dieu avec ferveur, tandis que les masses du peuple se libéraient de leur devoir par de faibles prières. Sans doute serait-ce un grand idéal que chacun  formule, dans ses propres mots, une prière ressentie, sortant du cœur ; mais en pratique, les soucis du quotidien nous érodent, et s’il ne disposait pas d’un rituel de prières fixes, le public se détacherait progressivement du service de la prière et du Maître du monde. Grâce à l’institutionnalisation des prières et à leur rédaction, tout Israël a commencé à prier et, grâce à cela, la foi en Dieu s’est grandement renforcée. Ainsi, au fil des années, s’est créé un attachement des cœurs à l’égard de Dieu, tel que des milliers d’années d’exil elles-mêmes n’ont pu le faire disparaître.

De plus, à l’époque du Premier Temple, nombreux étaient ceux qui se trompaient, et pensaient que même sans purification du cœur ni réparation des mauvaises actions, leurs fautes seraient pardonnées et eux-mêmes mériteraient abondance de biens grâce à l’offrande des sacrifices. Or à la vérité, l’essentiel est la foi en Dieu, la purification du cœur et l’amélioration des actes, comme il est dit (Dt 10, 12) : « Que te demande l’Eternel ton Dieu, si ce n’est de craindre l’Eternel ton Dieu, de marcher dans toutes Ses voies, de L’aimer, et de servir l’Eternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme ? » Ainsi les prophètes se sont-ils élevés avec vigueur contre ceux qui pensaient que l’essentiel résidait dans les sacrifices et n’exigeaient pas d’eux-mêmes un attachement véritable à Dieu, comme il est dit (Isaïe 1, 11-13) : « Que M’importe la multitude de vos sacrifices, dit l’Eternel, Je suis saturé des holocaustes de béliers, de la graisse des bêtes gavées, et le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, Je n’en ai point le désir. Vous qui venez vous présenter devant Ma face, qui vous a demandé de fouler Mes parvis ? N’apportez plus d’offrande vaine, l’encens M’est abominable… » Par l’institution des prières, les membres de la Grande Assemblée ont restauré l’ordre authentique du service divin, selon lequel la foi, l’intention et l’attachement à Dieu constituent le fondement du service. Or ces dispositions intérieures trouvent une expression plus claire dans les prières que dans les sacrifices, comme l’a enseigné Rabbi Eléazar : « La prière est plus grande que les sacrifices » (Berakhot, 32b). Dès lors, nous prions pour mériter d’exprimer notre attachement à Dieu de façon complète, par la prière et par les sacrifices.

  1. Le traité Méguila (17b) rapporte que le sage Chim’on Hapaqouli a agencé dix-huit bénédictions (constitutives de la ‘Amida) en présence de Rabban Gamliel, suivant un ordre précis ; cette source talmudique cite une baraïtha (texte tanaïque extérieur à la Michna) qui explique que l’ordre des bénédictions se fonde sur des versets. À la page suivante (18a), on demande : « Puisque la prière des dix-huit bénédictions a été instituée par les membres de la Grande Assemblée, que resta-t-il à faire à Chimon Hapaqouli ? » Et l’on répond : « Les bénédictions ont été oubliées, puis elles ont été restaurées ». Or il y a lieu de s’interroger : comment est-il possible que l’on ait oublié le texte d’une prière que l’on était tenu de réciter chaque jour ? Le commentaire Chita Meqoubetset sur le traité Berakhot (28b), avance l’hypothèse que seul l’ordre des bénédictions avait été oublié, et non leur contenu ; et c’est là ce que Chimon Hapaqouli aurait « agencé ». Cependant, dans la version du Talmud dont disposaient Rabbénou ‘Hananel et le Méïri, il n’est pas fait mention de l’agencement des dix-huit bénédictions par Chimon Hapaqouli, et dès lors que l’on suit cette version, la question comme la réponse disparaissent (cf. Hataqanot bé-Israël I, p. 232).

    Voir au chap. 18 § 10, ce que nous disons de l’ajout d’une dix-neuvième bénédiction, consacrée aux apostats. Voir aussi chap. 2 note 1 sur l’institution de la prière publique par les membres de la Grande Assemblée, où sont rapportés les propos du Mabit selon lesquels, après la destruction du Temple et la suspension du culte sacrificiel, le dévoilement de la Présence divine est rendu possible par la prière publique, et c’est la raison de l’institution du minyan (quorum de dix personnes).

  2. Voir Maximes des Pères I, 1 : « Les membres de la Grande Assemblée ont dit : “(…) Faites une haie autour de la Torah” », c’est-à-dire : imposez des normes rabbiniques protectrices autour des normes toraniques, afin de prévenir la transgression de ces dernières.
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