Pniné Halakha

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Chapitre 20 – Animaux

01. Chômage des animaux

De même que les Juifs ont l’obligation de chômer pendant Chabbat, de même ont-ils l’obligation de laisser leurs animaux se reposer de tout travail. On distingue à cet égard deux mitsvot : une mitsva « positive » (obligation de faire), comme il est dit : « Six jours durant, tu feras tes travaux, mais le septième jour tu chômeras, afin que se reposent ton bœuf et ton âne, et que se raniment le fils de ta servante et l’étranger » (Ex 23, 12) ; une mitsva « négative » (obligation de ne pas  faire), comme il est dit : « Mais le septième jour est le Chabbat en l’honneur de l’Eternel ton Dieu. Tu ne feras aucun travail, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, ton animal domestique, ni l’étranger qui est en tes portes » (Ex 20, 10). L’obligation du chômage des bêtes ne fait pas partie du compte des trente-neuf travaux ; c’est une mitsva en elle-même, et celui qui la transgresse n’est pas passible de mort ni de flagellation (Chabbat 154a, Maïmonide, Chabbat 20, 1-2).

Bien que la Torah ne mentionne que l’animal domestique (behema), le bœuf (chor) et l’âne (‘hamor), l’interdit concerne tous les animaux, y compris les oiseaux et les poissons (Michna Beroura 305, 1). Par conséquent, il est interdit d’envoyer des pigeons voyageurs le Chabbat, ou de faire tirer une embarcation par des dauphins domestiqués. Si la Torah mentionne le bœuf et l’âne, c’est que l’on a l’habitude de les faire travailler, notamment au labour et au port de charges.

De quelque manière que l’on fasse marcher une bête avec la charge qu’elle porte, en la battant, en la tirant, et même par la seule parole, on transgresse un interdit toranique en le faisant. Cet interdit s’appelle « faire avancer » (mé’hamer). Même si l’animal appartient à un non-Juif, ou qu’il n’appartienne à personne, il est interdit de faire en sorte qu’il marche en portant une charge. Simplement, si l’animal appartient au Juif, celui-ci, en plus d’enfreindre une mitsva « négative », n’accomplit pas non plus la mitsva « positive » de faire chômer sa bête (Choul’han ‘Aroukh 266, 1-2, Michna Beroura 7-8). La mitsva de faire chômer sa bête s’applique également le jour de Kippour (les décisionnaires discutent si cette mitsva s’applique les jours de fête ; cf. Michna Beroura 246, 19).

Au titre de cette mitsva, il est interdit à un Juif de louer sa bête à un non-Juif afin qu’il la fasse travailler pendant Chabbat, par exemple en labourant avec elle, ou en la faisant porter des charges dans le domaine public. Si l’on a loué sa bête en semaine, en stipulant que le locataire la rendra avant Chabbat, mais que celui-ci ne l’ait pas rendue, on décidera, avant Chabbat, de renoncer à en être le propriétaire, afin de ne pas enfreindre un interdit de la Torah (Choul’han ‘Aroukh 246, 3). Si le Juif et le non-Juif sont copropriétaires de l’animal, il est interdit au Juif de laisser le non-Juif la faire travailler pendant Chabbat. Toutefois, si dès l’achat, il avait été spécifié que l’animal serait la propriété exclusive du non-Juif les jours de Chabbat, et qu’en revanche elle serait la propriété exclusive du Juif un autre jour de la semaine, il sera permis au non-Juif de la faire travailler le Chabbat car, ce jour-là, elle appartient à lui seul (Choul’han ‘Aroukh 246, 5).

Il vous est permis d’autoriser un non-Juif à monter sur votre bête ou sur votre cheval pendant Chabbat, car nous avons pour principe qu’un être vivant se porte lui-même[a]. Aussi, le fait pour un non-Juif de monter sur une bête n’est pas considéré comme une charge pesant sur la bête ; même les vêtements qu’il porte ne sont pas considérés comme une charge, car ils sont accessoires à son corps. Toutefois, s’agissant d’un Juif, nos sages ont décrété de ne faire aucun usage d’un animal, c’est-à-dire de ne point la monter, ni de s’appuyer sur elle, ni de déposer quelque objet sur elle, ni de s’asseoir dans une charrette à laquelle un animal est attelé, même si un non-Juif conduit la charrette pour ses propres besoins (Choul’han ‘Aroukh 305, 18). Le motif de ce décret est de ne pas causer de fatigue à la bête (Talmud de Jérusalem, Beitsa 5, 2). De plus, on risque, tout en chevauchant la bête, d’en venir à arracher une branche à un arbre afin de la mieux guider, transgressant ainsi l’interdit de « moissonner » (Beitsa 36b).

Il est interdit à un Juif de faire sortir de la zone d’habitation de Chabbat (te’houm Chabbat)[b] une bête appartenant à un Juif, étant précisé qu’en ce cas, la zone de Chabbat est fixée selon celle du propriétaire de la bête (cf. chap. 30 § 3). Si le propriétaire de la bête a transmis celle-ci à un berger, Juif ou non, la zone de Chabbat est définie selon le berger (Choul’han ‘Aroukh 397, 3-5). L’interdit porte sur le fait que la bête sorte, à l’initiative de son propriétaire, de sa zone de Chabbat ; mais il n’y a pas d’interdit à ce que la bête sorte de la zone sabbatique de sa propre initiative, ou qu’un berger non-Juif la fasse sortir de la zone de lui-même (Rama 305, 23, Michna Beroura 79).


[a]. Celui qui porte un être vivant ne le porte pas complètement, car l’être porté participe lui-même au port de sa propre masse, facilitant la tâche du porteur.

[b]. Sur cette notion, cf. chap. 30.

02. Cas dans lesquels un animal peut ou non sortir

Comme nous l’avons vu, il faut faire reposer son animal de tout travail le Chabbat ; à ce titre, l’animal ne se rendra pas dans le domaine public, ni dans le domaine dit karmelit[c], avec une charge sur le dos. De même qu’il est permis à un homme de sortir vêtu de ses vêtements, puisque ceux-ci sont accessoires à son corps, de même est-il permis de faire sortir un âne, qui souffre du froid, sanglé d’un coussinet destiné à le réchauffer. Mais que les autres animaux, qui ne souffrent pas du froid, sortent avec leur selle ou leur bât est interdit (Choul’han ‘Aroukh 305, 7). De même, il est interdit de faire sortir un chien portant un vêtement qui enveloppe son corps : puisqu’il n’a pas véritablement besoin de cela, le vêtement est considéré à son égard comme une charge. Toutefois, quand on ne le fait pas sortir, il est permis de lui mettre un vêtement, car l’interdit de porter ne s’applique pas à l’intérieur du domaine privé.

Il est permis de faire sortir un animal avec un bandage destiné à protéger un membre blessé, afin que la plaie ne s’aggrave pas, ou avec un manteau destiné à protéger sa laine de toute salissure. Cela, à condition que l’accessoire soit bien serré sur l’animal, afin qu’il ne risque pas de tomber, et que l’on n’en vienne pas à déplacer ledit accessoire dans le domaine public ou dans le domaine de karmelit (Choul’han ‘Aroukh 305, 6). Il est interdit de faire sortir une bête avec une muselière, destinée à l’empêcher de manger dans les champs d’autrui, puisque cette protection n’est pas prévue pour les besoins mêmes de l’animal, mais pour ceux d’autrui (Choul’han ‘Aroukh 305, 11).

Il est interdit de conduire un animal quand une cloche est attachée à son cou, car cette cloche produit un tintement, or les sages ont interdit les activités produisant des sons semblables à ceux que font les instruments de musique. Mais si la cloche est bouchée et ne produit pas de son, il est permis de conduire l’animal dans le domaine privé (rechout haya’hid) ; en revanche, il est interdit de le conduire dans le domaine public, même quand la cloche est bouchée, car cela ressemblerait au fait de conduire une bête au marché pour la vendre. C’est en effet de cette façon que l’on avait coutume de conduire les bêtes au marché pour les vendre (Chabbat 53a, 54b, Michna Beroura 305, 42-43. Toutefois, la cloche en tant que telle n’est pas considérée comme une charge, car elle est accessoire au licol).

Il est permis de mener un cheval par ses rênes (reliés au harnais), un âne par sa longe, car on a l’habitude de se servir de tels accessoires pour garder les animaux, afin qu’ils marchent droit et ne s’enfuient pas. Par contre, il est interdit de mener un âne par des rênes, car tenir les rênes d’un âne excède de beaucoup la simple garde, nécessaire à l’âne. Le principe est le suivant : une chose par laquelle on a l’habitude de garder l’animal n’est pas considérée comme une charge, mais une chose qui excède les nécessités de la garde est considérée comme une charge (Choul’han ‘Aroukh 305, 1 ; Michna Beroura 8).

Il est permis de laisser un chien aller dans le domaine public avec son collier attaché au cou. C’est en effet sa manière habituelle de sortir, afin que l’on puisse le mener quand c’est nécessaire, en saisissant le collier ou en l’attachant (Choul’han ‘Aroukh 305, 5, Michna Beroura 12). Celui qui saisit la laisse fixée au collier du chien n’est pas considéré comme portant celui-ci, car la laisse est accessoire au corps du chien. Simplement, il faut avoir soin de saisir la laisse à son extrémité, et de n’en point laisser dépasser la longueur d’un téfa’h (7,6 cm) ; de même, le maître doit veiller à ce que la laisse qui sépare le chien de sa main ne descende pas au niveau d’un téfa’h au-dessus du sol. En effet, de l’une ou l’autre de ces deux manières, on aurait l’air de déplacer la laisse. Et si la laisse est trop longue, on pourra l’enrouler autour du cou du chien ; de cette façon, la laisse ne descendra pas trop bas par rapport à la main du maître (Choul’han ‘Aroukh 305, 16).

Il est permis à un aveugle de sortir dans le domaine public avec un chien guide. Bien que la personne aveugle tienne la laisse attachée au cou du chien, cela n’est pas interdit : puisque la laisse est attachée en permanence au cou du chien, elle est auxiliaire à son corps, et l’on ne considère pas qu’elle est portée par l’aveugle. (Certes, le Or’hot Chabbat 31, 17 est rigoureux ; mais il semble juste d’être indulgent, comme nous l’expliquons dans les Har’havot. C’est la position du Miqvé Hamaïm 4, 39, du Menou’hat Ahava III 27, 49 et du Yalqout Yossef 305, 59).

Il est permis de mener dans le domaine public un chien au cou ou à l’oreille duquel est attaché, de façon permanente, un badge de renseignements, où est indiqué le nom du propriétaire du chien, afin que les gens sachent que le chien a un maître et qu’on ne lui fasse pas de mal[1].


[c]. Sur cette notion, cf. chap. 21 § 3 ; cf. aussi chap. 9, note n.

[1]. Le ‘Aroukh Hachoul’han 305, 5 interdit de laisser sortir dans le domaine public un chien portant un signe destiné à ce qu’on ne le tue pas, et fonde sa position sur l’interdit de laisser sortir des coqs auxquels un fil est attaché pour servir de signe (Choul’han ‘Aroukh 305, 17). Le Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, note 34 cite en revanche le raisonnement du Rav Chelomo Zalman Auerbach, tendant à l’indulgence : ce signe est dans l’intérêt du chien, puisqu’il vise à ce qu’on ne le tue pas ; en revanche, si le but est seulement de ne pas avoir à payer d’amende, c’est interdit. Il semble également que, si le signe est fixé de manière permanente sur le collier que le chien porte autour du cou, le signe est accessoire au collier, et n’est pas considéré comme un fardeau, comme l’expliquent Tosséfet Chabbat 54, 2 ד »ה משום, Maguen Avraham 305, 6 et Elya Rabba.

 

Selon Rachi et le Ran, il est permis de faire sortir une bête ou un chien portant un collier destiné exclusivement à l’ornement, à condition que tout le monde ait l’usage d’embellir ainsi sa bête ou son chien. Selon Tossephot et Rabbénou Yerou’ham, si cet accessoire ne présente pas d’utilité pour la sauvegarde de l’animal, il est interdit. Le Baït ‘Hadach tranche dans le sens de la rigueur (Maguen Avraham 305, 1, Michna Beroura 12).

03. Nourrir les animaux domestiques et sauvages

Il est permis de placer un animal aux côtés d’herbages encore attachés au sol afin qu’il en mange : cela ne contrevient pas à l’interdit de « moissonner ». En effet, l’animal mange pour lui-même, et il ne nous a pas été prescrit de veiller à ce qu’il observe lui-même le Chabbat, mais uniquement qu’il n’exécute pas de travail pour nous (Chabbat 122a, Choul’han ‘Aroukh 324, 13).

Il m’est permis de donner de la nourriture et de l’eau à des animaux qui se trouvent dans mon propre domaine et dépendent de moi ; c’est le cas de mes vaches, poules ou chats. Même quand ils appartiennent à un autre Juif, il m’est permis de les nourrir et de les abreuver. Par contre, il m’est interdit de nourrir ou d’abreuver des animaux qui sont capables de se débrouiller par eux-mêmes, comme les abeilles, ou les pigeons appartenant à un pigeonnier. Bien qu’il n’y ait aucune mélakha dans le fait de leur présenter de la nourriture, nos sages l’ont interdit en raison du dérangement excessif que cela constitue (Choul’han ‘Aroukh 324, 11, Béour Halakha, passage commençant par Véyoné).

Il est permis de placer de la nourriture devant des animaux sauvages affamés, tels que des chiens ou des chats sans maître ; nous apprenons en effet que le Saint béni soit-Il est miséricordieux envers toutes ses créatures, comme il est dit « Sa miséricorde s’étend sur toutes ses œuvres » (Ps 145, 9). Or il convient que l’homme s’attache aux voies de Dieu (‘Aroukh Hachoul’han 324, 2-3 ; cf. Michna Beroura 31).

Les animaux sont mouqtsé. Il est donc interdit de les soulever, ou de soulever l’un de leurs membres (patte, cou, aile…). Mais quand le besoin est grand pour l’animal, par exemple pour l’amener vers sa nourriture, les sages ont permis de le saisir et d’en déplacer les membres, pour éviter à l’animal de souffrir ; cela, à condition de ne pas soulever l’animal du sol (Choul’han ‘Aroukh 308, 39-40, Michna Beroura 151).

Pour ceux des animaux qui ont du mal à manger sans qu’on mette la nourriture dans leur gueule, il est permis de les nourrir ainsi. Cela, à condition de ne pas les nourrir de force, c’est-à-dire de ne pas enfoncer la nourriture au-delà de leur pharynx, en un endroit dont ils ne pourraient plus l’extraire, car ce serait se donner une peine excessive (Chabbat 155b, Choul’han ‘Aroukh 324, 9-10).

Des oies que l’on gave de force, au point qu’elles ne peuvent plus manger sans qu’on enfonce leur nourriture au-delà du pharynx, et qui, si l’on ne les gave pas ainsi le Chabbat, seront affamées et souffriront, il est permis de demander à un non-Juif de les gaver une fois par Chabbat. S’il n’y a pas de non-Juif, les décisionnaires discutent s’il est permis à un Juif de gaver les oies pour leur éviter de souffrir (Michna Beroura 324, 27). Cependant, il est préférable de ne pas gaver les oies du tout, car le gavage en soi leur cause de la souffrance, et il y a là plusieurs interdits (cf. Béour Halakha ad loc., Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 26).

Il est permis de couper leur nourriture aux animaux qui ont du mal à manger de la nourriture non coupée, par exemple les citrouilles utilisées pour nourrir les bêtes, ou la viande non cachère rigide, que les chiens ont du mal à manger. Mais il est interdit de leur couper des aliments qu’ils peuvent manger non coupés, même si le fait de les leur couper rendrait plus facile leur consommation, car ce serait se donner une peine excessive, interdite le Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 324, 3-8).

04. Traire

La Torah interdit, pendant Chabbat, de traire une vache ou quelque autre animal car, par cet acte, on sépare le lait du corps de l’animal, ce qui s’appelle « démonter » (méfareq), et constitue un travail dérivé de la mélakha de « battre les céréales » (dach). En effet, de même qu’il est interdit d’extraire les grains de leurs épis, de même est-il interdit d’extraire le lait du corps de la vache (Chabbat 95a).

Le problème est que, si l’on ne trait pas les vaches pendant Chabbat, elles en souffriront grandement. En effet, les pis de toute vache laitière produisent une grande quantité de lait, de sorte que, si pendant une journée entière on ne la libère pas du lait que portent ses pis, sa douleur sera grande. Aussi nos sages permettent-ils de demander à un non-Juif de traire la vache pendant Chabbat. Bien que les sages aient interdit de demander à un non-Juif d’accomplir une mélakha pour des Juifs pendant Chabbat, ils ont levé leur interdit dans ce cas précis, où il est question de souffrance animale. Ce lait sera mouqtsé durant tout le Chabbat où il a été trait ; après Chabbat, le Juif aura le droit de le boire ou de le vendre (Choul’han ‘Aroukh 305, 20).

Quand il n’y a pas de non-Juif, un Juif peut traire la vache à perte : que le lait se déverse sur le sol, ou dans un récipient contenant une matière qui dénature le lait. En effet, seule la traite accomplie parce qu’on a besoin du lait est interdite par la Torah, tandis que, lorsque le lait part en pure perte, la traite n’est interdite que rabbiniquement ; or, pour épargner à l’animal une souffrance, les sages lèvent leur interdit. Par contre, on ne peut lever un interdit toranique pour épargner une souffrance à un animal[2].

De nos jours, l’exploitation du lait s’est perfectionnée, et tout le travail de traite est accompli par des machines à traire, d’où partent des tuyaux, à l’extrémité desquels se trouvent des gobelets trayeurs appliqués sur les pis de la vache et qui « tètent » le lait. Là encore, quand un non-Juif est présent, on peut lui demander de mettre en marche la machine et d’appliquer les gobelets trayeurs aux pis, le Chabbat, car sans cela, la vache souffrirait. S’il n’y a pas de non-Juif, on a l’usage d’activer la machine la veille de Chabbat, par le biais d’une minuterie sabbatique ou d’autres mécanismes de retardement. Le Chabbat, avant que la machine ne se mette en marche, on applique les gobelets trayeurs aux pis de la vache, après quoi la machine commence son office et puise le lait d’elle-même. Il se trouve donc que le Juif n’accomplit lui-même aucune mélakha, puisque, au moment où il applique les gobelets aux pis, la machine n’a pas commencé à extraire le lait. Et bien que, en appliquant les gobelets, on entraîne la réalisation de la mélakha, cela n’est pas interdit par la Torah ; car la Torah n’interdit que l’exécution directe de la mélakha, comme il est dit : « Tu n’accompliras aucun travail » (Ex 20, 10). Quant aux sages, ils ont interdit d’entraîner la réalisation d’un travail. Mais dans notre cas, où s’abstenir de la traite occasionnerait une souffrance aux vaches, les sages ont permis de réaliser un acte indirect – ordinairement interdit par eux –, afin de décharger les vaches du lait que portent en grande quantité leurs mamelles. Après Chabbat, le Juif pourra profiter du lait.

Dans le cas où il est nécessaire d’appliquer les gobelets trayeurs aux pis pendant le fonctionnement de la machine : si l’on réalisait la traite dans le but de conserver le lait, on enfreindrait un interdit toranique. On pratiquera donc la traite à terre afin de perdre le lait. De cette façon, la mélakha de la traite n’est interdite que rabbiniquement, et dans le cas où elle est réalisée dans le but d’épargner une souffrance aux bêtes, il est permis de la réaliser (Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 50. Concernant le fait de tirer le lait d’une femme qui souffre de congestion, cf. ci-dessus, chap. 11 § 17).


[2]. Certes, selon Na’hmanide, traire est un interdit rabbinique. Mais la halakha suit l’opinion du Rif, de Maïmonide et de Rachi, selon lesquels traire est un interdit toranique ; cependant, pour éviter à l’animal de souffrir, les sages ont permis de demander à un non-Juif de traire pendant Chabbat. (Selon la majorité des décisionnaires, l’interdit de faire souffrir des animaux est toranique ; cf. Pniné Halakha, Liqoutim 3, chap. 10 § 6). Quand il n’y a pas de non-Juif, on pratiquera la traite en pure perte. En effet, selon Rabbénou Tam, cité par Tossephot sur Ketoubot 6a, traire en pure perte est permis le Chabbat ; et bien que, de l’avis de Rabbénou Yits’haq, traire en pure perte est interdit rabbiniquement, on le permet quand il s’agit d’épargner une souffrance à la vache (Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 49, ‘Hazon Ich 56, 4).

05. Déplacer des animaux de compagnie ou des animaux malades

Comme nous le verrons par la suite (chap. 23 § 5), toute chose qui n’est pas utilisable pendant Chabbat a le statut de mouqtsé (« objet mis à l’écart »), et il est interdit de le déplacer le Chabbat. À ce titre, les animaux sont, eux aussi, considérés comme mouqtsé, et il est interdit de les déplacer pendant Chabbat. Dans le cas où il faut leur faire quitter l’endroit qu’ils occupent afin de leur éviter une souffrance, les sages autorisent à les saisir et à les tirer sur leurs pattes, mais non à les soulever (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 308, 39-40).

De prime abord, telle est également la règle pour les animaux de compagnie, tels que les chats et les chiens : il est interdit de les déplacer, et ce n’est que pour leur épargner une souffrance qu’il est permis de les pousser ou de les tirer, mais non de les soulever (c’est ce qu’écrivent le Yalqout Yossef II p. 383 et Or’hot Chabbat 19, 124). Toutefois, il semble plus vraisemblable que le statut de mouqtsé ne s’applique qu’aux animaux avec lesquels on n’a pas l’habitude de jouer, tandis que les animaux de compagnie, que leurs maîtres ont l’habitude de soulever, et avec lesquels ils se divertissent tout au long de la semaine, ne sont pas mouqtsé, de sorte que leurs maîtres sont autorisés à les toucher et à les soulever. De même, les chiens guides ne sont pas mouqtsé le Chabbat. C’est en ce sens que tranchent le Rav Moché Feinstein (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm V 22, 21) et le Rav Chelomo Zalman Auerbach (Choul’han Chelomo 308, 74). Bien que certains soient rigoureux, la halakha est conforme à l’opinion indulgente, puisque le statut de mouqtsé est rabbinique[3].

Si un poisson a sauté de son aquarium, et que l’on puisse supposer qu’il survivra si on l’y remet, il est permis de l’y remettre, bien qu’il soit mouqtsé. En effet, en cas de nécessité pressante, quand il n’y a pas d’autre solution, il est permis de déplacer du mouqtsé pour épargner une souffrance à un animal. Bien que certains auteurs soient en cela rigoureux, on peut s’appuyer sur les auteurs indulgents (cf. Choul’han ‘Aroukh 305, 19, Michna Beroura 70, Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 28).

Quand l’un des poissons qui peuplent l’aquarium est mort, et qu’il est à craindre que sa présence ne contamine les autres poissons dans le cas où on le laisserait là, de sorte que les autres poissons mourraient eux aussi, il est permis de sortir le poisson mort de l’aquarium pour sauver les autres, bien qu’il soit mouqtsé. Si un chat ou un chien se trouve là, il est bon de placer le poisson mort devant eux (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 29).


[3]. Le Or Zaroua’ de Rabbi ‘Haïm (chap. 81) autorise à déplacer des oiseaux qui gazouillent dans leur cage car, selon lui, ils ne sont pas mouqtsé. L’auteur cite les propos du Roch, qui s’oppose à lui et estime que tous les animaux sont mouqtsé. C’est aussi l’avis d’une majorité de décisionnaires, comme l’écrivent le Michna Beroura 308, 146 et le Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 27. (Pour le Yabia’ Omer V 26, en cas de souffrance, par exemple dans le cas où ils sont exposés à un fort soleil, on peut s’appuyer sur le Or Zaroua’). Toutefois, leurs propos visent le cas des oiseaux, que l’on n’a pas coutume de déplacer beaucoup, et non le cas des animaux de compagnie, que les gens ont l’habitude, de nos jours, d’élever pour s’en distraire, et qu’ils soulèvent tous les jours de la semaine. Ainsi, le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV, fin du chap. 16, écrit que les oiseaux sont mouqtsé ; mais s’agissant des animaux de compagnie, le même auteur écrit brièvement en Ora’h ‘Haïm V 22, 21 qu’ils ne sont pas mouqtsé. Tel est aussi l’avis du Rav Chelomo Zalman Auerbach, Choul’han Chelomo 308, 74. D’autres sont rigoureux (Yalqout Yossef II p. 383, Or’hot Chabbat 19, 124).

 

Comme nous l’écrivons dans le corps de texte, la halakha suit l’opinion des décisionnaires indulgents. Une cage à oiseaux, un aquarium à poissons, que l’on n’a guère l’habitude de déplacer, sont mouqtsé. Mais si l’on a l’habitude de les déplacer les jours de semaine pour les besoins de l’agrément visuel, le Rav Auerbach estime qu’ils ne sont pas mouqtsé (Choul’han Chelomo 308, 74, 2).

06. Chasser (tsad)

Chasser des animaux est l’un des travaux que l’on exécutait à l’époque du tabernacle : on chassait le ta’hach[d] pour faire de sa peau des tentures destinées au Tabernacle, et le mollusque appelé ‘hilazon pour en faire la teinture bleue avec laquelle on colorait les fils des tentures (Chabbat 73a, Rachi ad loc., Chabbat 75a).

Ce que la Torah interdit est d’attraper des espèces qu’il est courant d’attraper – bovins et ovins, animaux sauvages, oiseaux et poissons – afin d’en manger la chair ou d’utiliser leur peau ; ou encore les perroquets, pour profiter de leur beauté. Celui qui attrape des espèces qu’il n’est pas d’usage d’attraper, telles que des mouches ou des insectes, enfreint seulement un interdit rabbinique (Chabbat 106b, Choul’han ‘Aroukh 316, 3).

L’interdit de chasser ne s’applique pas aux animaux domestiques qui ne s’enfuient pas devant leur maître – tels que les vaches, les ânes, les chiens – puisqu’ils sont déjà la propriété d’une personne humaine (Rama 316, 12, Michna Beroura 59). Toutefois, il est interdit de les prendre en mains, car ils sont mouqtsé ; en cas de besoin, il est possible de les tenir et de les tirer vers leur enclos ou leur niche[e], à condition de ne pas les soulever (Choul’han ‘Aroukh 308, 40 ; cf. ci-dessus § 3).

S’agissant d’un animal partiellement domestiqué, qui a l’habitude de se dérober à la main de l’homme qui veut le saisir, et qui, le soir, a l’habitude de retourner dans sa cage, il est interdit rabbiniquement de l’attraper (Rama 316, 12, Michna Beroura 57 et 59). En cas de nécessité pressante, afin d’éviter une perte, ou que l’animal ne souffre, on peut s’appuyer sur les décisionnaires indulgents et l’attraper (cf. Choul’han ‘Aroukh ad loc. ; Chemirat Chabbat Kehilkhata 27, 36).

L’interdit toranique réside dans le fait de chasser l’animal entièrement, c’est-à-dire de le tenir en mains, ou dans un filet, ou encore dans une cage, de façon que l’homme puisse en faire ce qu’il veut. De même, si l’on fait fuir l’animal vers un lieu où l’on pourra l’attraper facilement, en un seul mouvement de course, et en ne se penchant qu’une fois, on transgresse l’interdit de la Torah. Mais si l’on fait fuir l’animal vers un lieu plus grand, de façon que, si l’on voulait l’attraper, on devrait courir après lui plusieurs fois ou s’aider d’un piège, on ne transgresse pas d’interdit toranique, puisque l’animal n’est pas véritablement attrapé ; par contre, il y a là un interdit rabbinique, car à présent, on pourra plus facilement chasser l’animal. Et si l’on chasse finalement l’animal à ce stade, bien que la chasse soit plus facile qu’au-dehors, on enfreindra cette fois l’interdit toranique, car la capture complète de l’animal est précisément le type de chasse que la Torah interdit (Chabbat 106b, Choul’han ‘Aroukh 316, 1).

Chasser avec le concours d’un chien est également interdit. Si l’on se contente d’exciter le chien par des paroles sans rien faire soi-même, physiquement, on transgresse un interdit rabbinique. Et si l’on fait soi-même un acte quelconque pour aider à la chasse, on transgresse l’interdit toranique (Rama 316, 2, Michna Beroura 10).

Il est permis, la veille de Chabbat, de poser un piège à animal, puisque l’on ne fait rien pendant Chabbat pour attraper l’animal. Par contre, le sages interdisent de poser un piège pendant Chabbat ; cela n’est pas un interdit toranique, car il n’est pas certain que le piège capturera effectivement l’animal (Michna Beroura 316, 18). Il est permis de libérer une bête prise dans un piège car, s’il y a un interdit à chasser, il n’y a pas d’interdit à libérer un animal de son piège (Michna Beroura 316, 25).

Si l’on veut nourrir un perroquet ou quelque autre animal en cage, qui, par nature, veut s’échapper, il faut prendre soin de ne pas ouvrir la cage, même un bref moment. Si, par erreur, on a ouvert la porte de la cage, et que celle-ci soit petite, de sorte qu’y enfermer l’animal serait considéré toraniquement comme un acte de capture, il sera interdit, même a posteriori, de fermer la cage. Si la cage est très grande, et qu’y enfermer l’animal n’est interdit que rabbiniquement, il sera permis, a posteriori, de fermer la porte, puisque l’animal y était déjà enfermé à la veille de Chabbat (Peri Mégadim, Béour Halakha 316, 6, passage commençant par Véhalakh)[f].


[d]. Cf. chap. 14, note a.

[e]. En les faisant marcher, et, si nécessaire, en les traînant.

[f]. On parle de cas où l’animal n’est pas sorti de sa cage pendant qu’elle était ouverte. Ouvrir la cage est assimilé au fait de libérer cet animal, puisque, par nature, il veut s’échapper. Fermer la cage peut s’assimiler au fait de le capturer de nouveau.

07. Capture non intentionnelle

De même qu’il est interdit de poursuivre un animal pour le capturer, de même est-il interdit de profiter de l’occasion où un animal se trouve pris dans un endroit étroit, pour l’attraper. Par conséquent, si un cerf est entré dans une maison, il est interdit de refermer la porte sur lui. Si un oiseau est entré par la fenêtre de la maison, il est interdit de refermer la fenêtre sur lui (Chabbat 106b, Choul’han ‘Aroukh 316, 5). Et si l’on veut fermer la porte et la fenêtre afin que la maison ne soit pas exposée aux voleurs, ou pour que le froid n’entre pas, il faut d’abord renvoyer l’animal de la maison.

Si les membres de la maisonnée ont du mal à renvoyer l’animal, parce qu’il se cache ou fuit dans différents endroits, on pourra être indulgent en cas de nécessité, et fermer la porte ou la fenêtre ; en effet, l’intention n’est pas ici de capturer l’animal, mais seulement de protéger la maison des voleurs ou du froid. De plus, même après la fermeture de la porte ou de la fenêtre, l’animal n’est pas considéré comme capturé, puisqu’il faudrait encore se donner de la peine pour en faire la capture.

De même, dans le cas d’une fenêtre à laquelle une moustiquaire est installée : si des mouches sont sur la moustiquaire, du côté intérieur, et que l’on souhaite fermer la fenêtre pour empêcher le froid ou la chaleur d’entrer, il faut d’abord faire fuir les mouches, afin qu’elles ne soient pas prises au piège entre la fenêtre et la moustiquaire. S’il est difficile de les faire fuir, il est permis de fermer la fenêtre alors que les mouches sont encore là, car l’intention n’est pas de les capturer, mais seulement de se protéger du froid ou de la chaleur. De plus, les mouches ne sont pas entièrement capturées dans un tel cas : si l’on voulait les attraper, elles pourraient s’enfuir au moment de l’ouverture de la fenêtre.

Dans le même sens, si l’on veut refermer une petite boîte et que des mouches s’y trouvent, on les fera fuir avant de refermer la boîte. S’il est difficile de les faire toutes fuir, on calera un objet entre le couvercle et la boîte, afin qu’il reste aux mouches la place de sortir. En cas de nécessité pressante, il sera permis de fermer la boîte, bien qu’une mouche y soit prise au piège, car en fermant, l’intention n’est pas de capturer la mouche, mais bien de fermer la boîte. De plus, la mouche n’est pas entièrement capturée, car si l’on voulait l’attraper, elle pourrait encore s’enfuir au moment de l’ouverture de la boîte[4].


[4]. Pour comprendre cette halakha, on doit d’abord expliquer que, dans tous les cas mentionnés ci-dessus, la crainte de transgression ne porte que sur l’interdit rabbinique de chasser. a) Dans le cas où le lieu est large, les animaux ne sont pas entièrement capturés (s’il s’agit d’une très petite boîte, l’auteur de la Terouma estime que les mouches y sont capturées, mais le Tour pense qu’elles ne le sont pas car, quand on ouvrira la boîte, elles pourront fuir). b) Les mouches et autres insectes ne sont pas considérés comme objets de chasse, et l’interdit de les chasser est de rang rabbinique. c) Puisque le but est de fermer la maison ou la boîte, et non de capturer, il s’agit d’un travail dont la nécessité ne réside pas en lui-même (mélakha ché-eina tsrikha légoufa), ce qui n’est interdit, selon la majorité des décisionnaires, que rabbiniquement.

 

Dans tous les cas que nous mentionnons ci-dessus, l’intention n’est pas de capturer mais seulement de fermer la fenêtre. Nous sommes donc en présence de cas de psiq reicha dans lesquels la conséquence engendrée par l’acte n’apporte pas de bénéfice à son auteur (psiq reicha dela ni’ha leh), et qui comporte deux éléments d’abstention rabbinique. Or il est convenu d’être indulgent dans un tel cas ; et en cas de nécessité pressante, on est même indulgent face à un psiq reicha dela ni’ha leh comportant un seul élément d’abstention rabbinique (comme nous l’avons vu, supra chap. 9, note 2 ; cf. Michna Beroura 316, 15, Cha’ar Hatsioun 18, ainsi que la note 5 ci-après). Le ‘Hazon Ich 30, 2 et le Michna Beroura 316, 5 écrivent ainsi que, si un oiseau est entré dans la maison, en un endroit où l’interdit de la capture ne s’applique que rabbiniquement, il est permis de fermer la fenêtre et la porte pour éviter le froid.

 

De plus, on peut associer à ces facteurs d’indulgence l’opinion du Rachba (Chabbat 107a). S’appuyant sur le Talmud de Jérusalem, celui-ci écrit que, bien que nos sages aient dit (Chabbat 106b) : « Si un cerf entre dans la maison et que l’on referme la porte à clé sur lui, on est passible de sanction », cela n’est pourtant pas interdit si l’intention, en fermant la porte, est seulement de protéger la maison. Certes, les décisionnaires ne tranchent pas en cela comme le Rachba ; mais on peut associer son raisonnement aux autres facteurs d’indulgence dans la question qui nous occupe. Cf. Har’havot.

08. Egorger un animal (cho’het)

La mélakha d’égorger (cho’het) est celle par laquelle on prend la vie à un animal. Au temps de la construction du Tabernacle, on égorgeait des ta’hach et des chèvres pour faire de leurs peaux des tentures qui lui étaient destinées (Chabbat 73a, 75a).

Ce n’est pas seulement l’abattage rituel (che’hita) qui est interdit : tout procédé par lequel on ôte la vie à un animal, que ce soit en le frappant, en l’étranglant, ou quelque autre moyen de le tuer, est interdit par la Torah. Celui-là même qui tue une petite fourmi transgresse un interdit toranique. De même, tirer un poisson de l’eau – puisqu’on le tue par cela –, c’est enfreindre l’interdit de la Torah. Tendre la main dans les entrailles d’un animal et arracher sa portée, c’est encore enfreindre l’interdit de la Torah (Chabbat 107b).

L’interdit de la Torah s’applique lorsque l’abattage est réalisé parce qu’on a besoin du corps même de l’animal, c’est-à-dire qu’on l’abat pour les besoins de sa chair, de sa peau ou de son sang. Mais si l’on tue un animal sur le mode de la détérioration (qilqoul) et de la destruction (hach’hata), c’est un interdit rabbinique que l’on transgresse. Par exemple, si l’on écrase des fourmis dans le seul but de les tuer, c’est un interdit rabbinique que l’on enfreint.

Si l’on est en train de marcher, et que des fourmis se trouvent sur son chemin, on passera par-dessus pour ne point les tuer car, si on les tuait, on enfreindrait un interdit rabbinique. Si l’on a sur son chemin un nid de fourmis, par lequel il est impossible de passer sans en tuer, on le contournera. Si l’on se trouve dans un endroit tel qu’il n’y a pas d’issue autrement qu’en marchant sur les fourmis, il est permis d’aller son chemin, puisque l’on n’a pas l’intention de les tuer ; il est toutefois recommandé, en un tel cas, de marcher sur les bords de ses chaussures, et de s’efforcer de ne pas tuer de fourmis.

De même, lorsqu’on trouve des insectes dans la cuvette des toilettes, et qu’il est raisonnable de penser que, si l’on tire la chasse d’eau, les insectes mourront, il est préférable, quand c’est possible, d’attendre qu’ils quittent la cuvette – en s’envolant ou en rampant. S’ils ne s’en vont pas, ou s’il est nécessaire de tirer la chasse d’eau pour l’honneur dû aux personnes, il sera permis de le faire.

De même, quand il y a des fourmis dans l’évier : s’il est possible de les faire partir en soufflant, c’est préférable. Si c’est difficile, il sera permis de rincer de la vaisselle ou de se laver les mains, bien que cela ait pour effet de submerger les fourmis, et qu’il soit probable que cela les tue. En effet, puisque l’on n’a pas d’intérêt qu’elles périssent, et que l’on a besoin d’eau, il n’y a pas d’interdit[5].


[5]. S’il est certain que des fourmis ou autres insectes seront tués, c’est un cas de psiq reicha dans lequel la conséquence engendrée par l’acte n’apporte aucun bénéfice à son auteur (psiq reicha dela ni’ha leh), assorti de deux éléments d’abstention rabbiniques : a) la mort des insectes est provoquée « sur le mode de la détérioration » (qilqoul) [et non pour profiter du produit des insectes] ; b) c’est de manière involontaire qu’on les tue, et d’une façon qui diffère de celle par laquelle on détruit ordinairement des nuisibles (c’est-à-dire avec un « changement », chinouï). Or nous avons vu, au chap. 9, note 2, qu’en cas de nécessité, on est indulgent en cela. Même si l’on soutient, dans notre cas, qu’il n’y a pas de réel changement dans le mode de destruction, il reste qu’il s’agit d’un cas de psiq reicha dela ni’ha leh dans lequel la conséquence interdite de l’acte est de rang rabbinique ; en cas de nécessité pressante, on est indulgent (Michna Beroura 316, 5, Cha’ar Hatsioun 321, 68 et 337, 10) ; certains disent même que l’on peut être indulgent a priori (Ye’havé Da’at II 46).

 

Si l’on marche sur les bords de ses chaussures, il y a lieu de dire que les insectes sont tués de façon inhabituelle ; de plus, il est possible qu’ils ne soient pas tués. Et bien que le Menou’hat Ahava III 18, 10 et le Or’hot Chabbat 14, 27 soient rigoureux en cela, la position principale, parmi les décisionnaires, est indulgente, comme le note le Min’hat Ich 19, 9. Le Min’hat Yits’haq X 27 autorise à tirer la chasse d’eau sur des trombidions (sorte d’acariens) pour des motifs supplémentaires : respect des personnes, procédé indirect (grama), mélakha dont la nécessité ne réside pas en elle-même, et peut-être même mélakha exécutée sans y prêter garde (mit’asseq). Le Chévet Halévi 6, 94 partage son avis.

 

Tuer des poux : au traité Chabbat 12a, les Tannaïm controversent à ce sujet ; la halakha a tranché qu’il n’y a pas d’interdit à les tuer. Toutefois, depuis que l’on sait que les poux se multiplient, il est interdit de les tuer, car la règle est fixée en fonction de l’état de nos connaissances. Cf. Har’havot.

09. Blesser (‘hovel)

De même que la Torah interdit d’ôter la vie à un animal, de même interdit-elle de le faire saigner, car « le sang, c’est la vitalité » (Dt 12, 23), et même en ne faisant couler qu’un peu de sang, il y a une perte de vitalité à l’endroit du saignement. L’interdit vaut également quand le sang ne s’épanche pas à l’extérieur du corps mais que, suite au coup reçu, il sort des vaisseaux sanguins et forme un hématome sous la peau (hémorragie interne) : là encore, c’est provoquer une perte de vitalité à l’endroit du choc (Choul’han ‘Aroukh 316, 8, Béour Halakha, passage commençant par Véha’hovel)[6].

Par conséquent, quiconque frappe son prochain pour le blesser et lui cause un écoulement sanguin, en plus de violer l’interdit général de porter la main sur son prochain, profane également le Chabbat en transgressant l’interdit de blesser (‘hovel). De même, quiconque frappe, dans sa colère, un animal et le fait saigner, en plus de violer l’interdit général de faire souffrir les animaux, profane l’interdit sabbatique de ‘hovel.

Il est également interdit de faire un examen sanguin : puisque l’on a besoin de ce sang, il est toraniquement interdit de le faire couler. En revanche, la chose est permise pour sauver une vie humaine. Il est de même interdit de gratter une plaie de manière à la faire saigner, ou de se brosser les dents d’une manière propre à se faire saigner (comme nous l’avons vu plus haut, chap. 14 § 2).

Quand un malade, qui n’est pas en danger, a besoin d’une injection intramusculaire, il est permis à un Juif de la lui administrer, puisqu’il n’est pas certain que du sang coulera. Mais s’il s’agit d’une injection ou d’une transfusion intraveineuse, puisqu’il est certain qu’un peu de sang coulera, il est interdit à un Juif d’y procéder pour les besoins d’un malade autre qu’en état de danger. En revanche, il est permis de demander à un non-Juif d’y procéder pour les besoins du malade. Et quand un malade est en danger, il est permis à un Juif d’y procéder lui-même (cf. ci-après, chap. 28 § 7).


[6]. Selon Rachi, blesser (‘hovel) est un dérivé de la mélakha d’égorger (cho’het). Si l’on se rapporte aux propos de plusieurs Richonim (Ran et d’autres), il est difficile de savoir si blesser est le dérivé d’égorger, ou plutôt une partie de cette même mélakha principale. Selon Maïmonide, celui qui blesse est passible de sanction au titre d’extraire (méfareq).

10. Serpents, scorpions, insectes rampants, moustiques

Sauver une vie humaine a priorité sur le Chabbat. Aussi, on tue, le Chabbat, des animaux qui risquent de mettre en danger la vie d’êtres humains, tels que les serpents et scorpions venimeux. De même, on tue un chien dangereux, ou un animal malade de la rage. On tue aussi les serpents et les scorpions lorsqu’il existe un doute quant à leur venimosité.

Il est interdit de tuer des animaux dont la morsure est très douloureuse mais ne met pas en danger la vie, comme ceux des serpents et des scorpions connus pour n’être pas venimeux. L’interdit porte sur le fait de les tuer de la manière ordinaire, employée les jours de semaine. Mais il est permis de les tuer tout en marchant, c’est-à-dire de marcher en leur direction et, ce faisant, de les fouler au pied, provoquant ainsi leur mort. La raison de cette autorisation est que le fait de tuer un animal, non pour utiliser son corps, mais sur le mode de la simple destruction (qilqoul), n’est interdit que rabbiniquement. Or pour éviter une grande souffrance, nos sages ont permis de tuer, tout en marchant, de tels animaux. Mais il est interdit de les tuer directement, de crainte que l’on ne s’habitue à tuer des animaux dans des cas où aucun dommage n’est à craindre. Dans le cas où ces animaux sont en train de poursuivre une personne, il est permis de les tuer, sans changement de procédé par rapport à la semaine.

Même s’ils ne sont en train de poursuivre personne, il est permis de renverser un récipient sur eux, afin de les empêcher de nuire. Il n’est pas nécessaire d’apporter un changement à la manière habituelle de procéder, car en les enfermant sous ce récipient, on n’a pas l’intention de les capturer, mais seulement de les éloigner de soi afin qu’ils ne piquent pas (Choul’han ‘Aroukh 316, 7, Michna Beroura 27).

Par contre, s’il s’agit de bêtes dont la piqûre n’est pas si douloureuse, telles que les moustiques ou les puces, les sages n’ont en aucune manière permis de les tuer. Si l’on voit sur sa peau un moustique ou une puce, et qu’il soit impossible de l’en faire partir sans l’attraper, les sages permettent de l’attraper pour l’écarter, à condition de ne pas le tuer, ni même de l’écraser, de crainte de le tuer. Bien qu’attraper un animal pour une raison autre que de s’en servir soit un interdit rabbinique, les sages sont indulgents dans le cas présent, car le but est d’écarter de soi une source de douleur (Choul’han ‘Aroukh 316, 9). Si quelqu’un veut attraper une puce et la faire partir alors qu’elle se trouve sous un vêtement qui n’est pas en contact direct avec la peau, il n’y a pas lieu de protester contre cela (Michna Beroura 316, 37, Cha’ar Hatsioun 63).

S’il y a des moustiques ou des insectes dans la chambre, il est permis de vaporiser un produit insecticide afin de les faire fuir, à condition de ne pas projeter le produit sur eux, et de laisser une fenêtre ouverte par laquelle ils pourront s’enfuir. De cette façon, il n’est pas certain que l’on aura provoqué leur mort. Il est par contre interdit de projeter le produit sur eux, ou d’appliquer le produit dans une pièce où il n’y a aucune ouverture par laquelle ils pourraient s’échapper, car alors il est certain qu’on provoquerait leur mort, et que l’on enfreindrait un interdit (Yabia’ Omer III 20 ; cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 25, 6).

Il est permis de s’appliquer sur le corps un liquide qui éloigne les moustiques, mais non une crème (cf. ci-dessus, chap. 14 § 5).

Il est permis d’installer, dans un appareil électrique doté d’un élément chauffant, des pastilles qui, en chauffant, produisent une odeur qui repousse les moustiques. Mais il convient d’installer la pastille à quelque distance de la source chauffante, afin que la pastille ne parvienne pas à la température de yad solédet bo, car il serait à craindre d’enfreindre alors l’interdit de cuire (Ha’hachmal Bahalakha II p. 364). Toutefois, quand il est douteux de savoir si la pastille arrivera à la température de yad solédet bo, il est permis de l’installer[g].


[g]. Cf. chap. 10 § 4.

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