Pniné Halakha

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Chapitre 14 – Soins corporels

01. Tondre (gozez)

La mélakha de la tonte consiste à détacher des productions qui poussent sur le corps, telles que des poils, des ongles, des callosités ou de la peau morte. En revanche, si l’on coupe dans le corps lui-même, en faisant couler du sang, on accomplit la mélakha de « causer une lésion » (‘hovel ; cf. chap. 20 § 9). Pour les besoins de la construction du Tabernacle, on tondait la laine des moutons, pour faire de cette laine des fils destinés au tissage des tentures. De même, on tondait le poil des peaux de ta’hach[a], pour que les peaux fussent lisses et propres à servir de tentures au Tabernacle. On voit donc que la tonte (ou les actes assimilés à la tonte) se fait parfois pour obtenir le produit que l’on détache du corps – ainsi de la laine, dont on veut faire des fils – et, d’autres fois, pour l’embellissement de la peau, où l’on ne veut pas qu’il reste de poils (Rivach, Béour Halakha 340, 1, passage commençant par Vé’hayav).

À la différence de la mélakha de moissonner (qotser), où l’interdit n’est constitué que lorsqu’on détache le végétal de la source où il puise sa vie (comme nous le verrons au chap. 19 § 6), l’interdit de tondre s’applique également lorsque l’on tond la laine depuis la peau d’une bête morte. En effet, même après la mort de la bête, il y a une utilité à tondre la laine. Par conséquent, il faut prendre soin, le Chabbat, de ne pas arracher des poils d’une fourrure naturelle ou d’un tapis en peau (Michna Beroura 340, 5). Si cet arrachage présente une utilité, l’interdit est toranique ; s’il s’agit simplement d’arracher, sans utilité particulière, l’interdit est rabbinique.

Arracher des plumes à un oiseau relève également de la mélakha de tondre. Mais il est permis d’arracher les plumes de la peau d’un poulet cuit. En effet, après la cuisson, le poulet est considéré comme un aliment, et l’interdit de « tondre » ne s’applique pas (Adéret, Har Tsvi, Tal Harim, Gozez 3).


[a]. Animal mentionné plusieurs fois dans la Bible, notamment dans les versets relatifs au Tabernacle (Ex 25, 5 ; 26, 14 ; 35, 7 etc.). Son identification n’est pas certaine.

02. L’interdit de tondre et celui de provoquer une lésion sur un être humain

De même qu’il est interdit de tondre la laine d’un animal, de même est-il interdit de tondre des productions qui poussent sur le corps de la personne humaine, telles que des poils ou cheveux,  de couper des ongles, de la peau morte ou des callosités. Quiconque coupe l’une de ces choses de la manière habituelle enfreint un interdit toranique ; si l’on fait cela en apportant un changement au mode habituel, c’est un interdit rabbinique que l’on enfreint.

Par conséquent, si l’on se coupe les ongles à l’aide d’un ustensile, on enfreint un interdit toranique ; si l’on se ronge les ongles avec les dents, on transgresse un interdit des sages (Maïmonide, Chabbat 9, 8). Il est bon de s’habituer à ne pas se ronger les ongles, car non seulement cela n’est pas poli, mais on risque, si l’on en a l’habitude, de le faire machinalement pendant Chabbat, enfreignant en cela un interdit.

De même, il est interdit de couper une ampoule. Si celle-ci est humide et qu’on la coupe avec un instrument, on transgresse par-là un interdit de la Torah ; si on la coupe en apportant un changement à la manière habituelle – par exemple en l’arrachant avec les dents ou de la main –, on transgresse un interdit rabbinique. Si l’ampoule a séché et qu’elle soit sur le point de s’effriter d’elle-même, c’est un interdit rabbinique que l’on transgresse en l’ôtant, même si on le fait au moyen d’un ustensile (Maïmonide ibid., Choul’han ‘Aroukh 340, 2, Michna Beroura 6).

De la même façon, il est interdit de se gratter le corps au point de détacher de la peau qui a commencé de peler. Il est également interdit de couper la peau qui se détache de ses lèvres sèches, même à l’aide de ses dents. Mais il est permis d’ôter des pellicules, car celles-ci ne sont attachées à la peau que de façon extrêmement faible, et tombent facilement.

Quand un ongle est fendu dans sa majorité, il est permis, s’il fait souffrir, de le détacher à l’aide de sa main ou de ses dents (mais non à l’aide de ciseaux ou de quelque autre ustensile). En effet, si l’ongle est cassé dans sa plus grande partie, il est considéré comme détaché, et l’interdit de l’ôter n’est que rabbinique ; or, en cas de souffrance, les sages eux-mêmes ont permis de l’enlever en apportant à cet acte un changement (Chabbat 94b, Choul’han ‘Aroukh 328, 31, ‘Hayé Adam 21, 4).

Il est interdit de gratter une plaie d’une façon telle que du sang puisse en sortir, car cela revient à provoquer en soi-même une lésion (cf. chap. 20 § 9). Certes, celui qui se gratte ainsi ne cherche pas à se faire saigner ; mais cela reste un interdit rabbinique (Michna Beroura 316, 30). De même, il est interdit de se brosser les dents, s’il est presque certain que l’on saignera des gencives ; il est également interdit de sucer le sang qui sort de ses gencives (Michna Beroura 328, 147 ; cf. ci-après § 7).

Il est permis d’extraire une écharde qui se serait plantée dans la chair, à condition de prendre soin de ne pas provoquer de saignement. Si l’écharde cause une douleur, il est permis de l’extraire, même s’il est clair que l’on provoquera un saignement, car faire saigner n’est interdit, dans un tel cas, que rabbiniquement ; or nos sages n’ont pas étendu leur interdit aux cas de douleur (Michna Beroura 328, 88).

Il est permis d’ôter la croûte qui s’est formée à la suite d’une plaie qui a séché, à condition que ce retrait n’entraîne pas de saignement. L’interdit de « tondre » ne s’applique pas à un tel cas, car la croûte ne pousse pas à partir du corps, mais est constituée de sang de la plaie qui a séché (Choul’han ‘Aroukh 328, 22).

03. Peigner ses cheveux, se faire des tresses

Il est interdit de se peigner les cheveux, le Chabbat, car, quand on se peigne, des cheveux se détachent. Or cette chute présenterait une utilité pour celui qui se peigne : en effet, naturellement, des dizaines de cheveux tombent chaque jour ; or chacun préfère que les cheveux dont la racine s’est affaiblie tombent au moment où l’on se peigne, et non au cours de la journée, ce qui dérangerait l’ordonnancement de la chevelure et la netteté des vêtements. Et puisqu’il est interdit de se peigner, le peigne est considéré comme mouqtsé[b], et il est interdit de le déplacer (Choul’han ‘Aroukh 303, 27).

Mais si l’on veut ordonner un peu sa chevelure, on est autorisé à utiliser pour cela une brosse spéciale dont les poils sont doux, ou largement espacés, de façon qu’il y ait une chance raisonnable pour qu’aucun cheveu ne tombe par l’effet de la brosse. Alors, même s’il apparaît que des cheveux tombent, aucun interdit ne sera transgressé pour autant, car l’intention n’était pas d’arracher des cheveux, et cette action n’entraînait pas non plus nécessairement la chute de cheveux. Une telle brosse n’est pas mouqtsé. Pour que l’on ne paraisse pas se servir d’une brosse interdite, il est bon de réserver ladite brosse au Chabbat, à l’exclusion des jours de semaine (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 50)[1].

Il est permis de frotter ses cheveux ou sa barbe doucement ; il est de même permis d’y passer ses doigts pour les mettre en ordre, ou encore d’en extraire une saleté qui y serait collée, à condition de veiller attentivement à ne pas détacher de cheveux ou de poils. Quand il existe un doute si une action entraînera la chute de cheveux ou de poils, il est néanmoins permis de l’exécuter, puisque l’intention n’est pas d’entraîner cette chute. Si l’on a l’habitude de passer la main dans sa barbe et que cela cause généralement la chute de quelques poils, il faudra s’en abstenir le Chabbat.

Nos sages ont interdit à la femme de se faire des tresses, le Chabbat, car le tressage est assimilé à la mélakha de construire (boné). De même, il est interdit de défaire la tresse, car cela ressemblerait à la mélakha de détruire (soter). Il est permis de rassembler ses cheveux dans un élastique, car une telle action n’entraîne pas la création d’une structure. De même, il est permis de faire, à la main, une raie à ses cheveux ; mais il est interdit de le faire au moyen d’une brosse ou d’un peigne, car cela entraînerait la chute de quelques cheveux (Choul’han ‘Aroukh 303, 26, Michna Beroura 84).

Dans le même sens, il est interdit de faire une tresse sur une perruque, car cela serait assimilé à la mélakha de tisser (oreg). Il est également interdit de défaire cette tresse, car cela s’apparenterait à la mélakha de défaire (botséa’), mélakha consistant à démonter ce qui a été tissé (Michna Beroura 303, 82, Cha’ar Hatsioun 71). Il est bon de s’abstenir de peigner les cheveux d’une perruque, mais il est permis de les lisser à l’aide d’une brosse douce, qui n’arrache pas de cheveux (Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 52). Si les cheveux de la perruque se sont emmêlés au point que l’on ne peut sortir ainsi coiffé, il est interdit de les mettre en ordre de la main, car cela relèverait de la mélakha de « donner à un ouvrage un dernier coup de marteau pour en achever la fabrication » (maké bépatich) (Qtsot Hachoul’han 143, Badé Hachoul’han 6).

Il est interdit rabbiniquement de faire boucler ses cheveux, le Chabbat ; de même, il est interdit aux hommes de faire onduler les coins de leur chevelure (péot), car cela s’apparente à la mélakha de construire (boné). Il est également interdit de défaire ses ondulations, car cela se rattacherait à la mélakha de détruire (soter). Mais si les coins de sa chevelure étaient déjà ondulés, il est permis de continuer à les onduler manuellement, bien que cela soit susceptible de renforcer l’ondulation. En effet, dans ce cas, on ne crée pas de structure nouvelle au sein de la chevelure (Tiféret Israël, Chabbat 10, Yakhin Lah ; cf. Qtsot Hachoul’han 146, Badé Hachoul’han 21).

De même, il est interdit de faire tenir sa coiffure ou ses cheveux à l’aide de laque ou de gel, car cela se rattacherait à la mélakha de construire (boné) (Rivach, cité par le Béour Halakha 303, 27, passage commençant par La’hof). Il est également interdit de le faire sur une perruque (Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 56). En revanche, il est permis à la femme de vaporiser du parfum sur sa chevelure ou sur son corps (Michna Beroura 128, 23, Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 56-57).


[b]. Objet dont l’usage est interdit pendant Chabbat, et qu’il est rabbiniquement interdit de déplacer (cf. chap. 23).

[1]. Quiconque exécute la mélakha de « tondre » est passible de sanction, que l’on fasse ce travail pour les besoins de la laine, ou pour embellir le corps en en retranchant ce qui y pousse et l’enlaidit, cas dans lequel, par exemple, on coupe le poil des peaux de ta’hach afin de faire de ces peaux des tentures pour le Tabernacle. Puisque celui qui se coiffe veut faire tomber ceux de ses cheveux qui sont sur le point de tomber, l’interdit de se peigner est toranique (Rivach 394, Cha’ar Hatsioun 303, 72). Cependant, Maïmonide (Nézirout 5, 14) écrit que l’abstème (nazir) qui peigne ses cheveux n’est pas passible de flagellation. Le Radbaz ad loc. explique que, bien que le nazir souhaite faire tomber quelques-uns de ses cheveux, l’interdit n’est que rabbinique, car la racine desdits cheveux est affaiblie, et ils sont donc de toute façon sur le point de tomber. C’est ce qu’écrit le Eglé Tal sur la mélakha de gozez (15). Le Kessef Michné explique que l’interdit est, selon Maïmonide, rabbinique, parce qu’il manque ici un élément d’intentionnalité : l’intention essentielle du nazir est d’ordonner sa chevelure, et non de faire chuter certains cheveux ; de plus, il n’est pas certain que ces derniers chuteront.

04. Maquillage

L’un des trente-neuf travaux interdits, le Chabbat, est la mélakha de teindre (tsovéa’, cf. chap. 18 § 5). La Torah interdit de teindre, à l’aide d’une matière colorée dont la couleur est tenace, un support lui-même susceptible de conserver longtemps cette couleur. Nos sages ont ajouté l’interdit de teindre à l’aide d’une matière dont la couleur ne se maintient pas longtemps, ainsi que de teindre un support sur lequel la couleur ne se maintient pas longtemps, comme c’est le cas quand les femmes se maquillent, colorant leur peau pour une courte durée. Par conséquent, il est interdit de se farder les paupières, de s’appliquer du fard à joues, de se mettre du rouge à lèvres, ou du brillant à lèvres transparent. Il est également interdit de se mettre du vernis à ongles, même s’il est transparent, car le brillant est, lui aussi, considéré comme une couleur. L’interdit porte sur le fait de se maquiller, mais il est en revanche permis d’enlever son maquillage avec de l’eau ou du coton. Toutefois, il ne faut pas utiliser de coton imbibé d’eau, en raison de l’interdit d’essorer (se’hita).

Il est de même interdit d’étaler une couche de fond de teint sur son visage. Cet interdit est plus sévère encore que celui qui pèse sur un simple maquillage, car en plus de l’interdit rabbinique de teindre, il y a là également l’interdit toranique d’enduire (memaréa’h), car le fond de teint est une crème dont on étale une couche sur le visage afin de lisser les plis ou rides (cf. paragraphe suivant).

Mais il est permis de se poudrer, avec une poudre blanche, ou une poudre colorée ne contenant pas de matière adhérente, car ce n’est que lorsque la matière colorante adhère à la peau que l’interdit de teindre s’applique ; en revanche, quand elle est posée sur le visage sans y adhérer, il n’y a pas d’interdit (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 114, Ye’havé Da’at IV 28). Certains décisionnaires sont toutefois rigoureux, même en ce cas (Maharam de Brisk 1, 23, Beit Israël 56). Puisque la controverse porte sur une règle rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente.

L’interdit du maquillage est l’un des plus difficiles qui soient. Il est en effet très difficile à la femme qui a l’habitude de se maquiller chaque jour de s’en abstenir le jour de Chabbat ; et c’est justement le Chabbat, où tout le monde s’habille de façon élégante, que les femmes voudraient se montrer sous leur plus beau jour. Mais si l’on considère les choses plus profondément, on peut dire qu’au contraire, tel est précisément le propos du Chabbat que d’être un jour de sainteté et de repos ; repos de la tension qui accompagne les jours de la semaine, où nous faisons de notre mieux pour paraître meilleurs aux yeux des autres que nous ne le sommes en vérité, afin de nous conformer aux standards cruels de la beauté extérieure. Par le Chabbat, en se renforçant dans sa foi et dans sa confiance dans la providence divine, un repos véritable doit se faire jour, repos qui émane d’une réconciliation profonde avec la réalité, telle qu’elle est, et avec la beauté naturelle, que l’on pare de vêtements et de bijoux. C’est là le délice du Chabbat.

Certes, à l’approche de Chabbat, il est possible et même convenable de se maquiller ; c’est au sujet d’un cas semblable que les sages disent : « Celui qui s’est donné de la peine la veille de Chabbat mangera pendant Chabbat » (‘Avoda Zara 3a) ; c’est en effet notre tâche, durant les jours de semaine, que de réparer le monde, de le perfectionner et de le préparer à l’approche de Chabbat, grâce à quoi l’on pourra intégrer plus parfaitement la lumière divine. Mais si l’on n’a pas réussi à se préparer parfaitement en l’honneur de Chabbat, par exemple si le maquillage que l’on met le vendredi ne tient pas pendant tout le Chabbat, on devra, après l’entrée de celui-ci, accepter la réalité telle qu’elle est, avec joie et tranquillité. C’est précisément grâce à un tel accueil que l’on pourra continuer de réparer et d’améliorer le monde durant la semaine suivante.

05. S’appliquer des huiles et des parfums, étaler des crèmes et des pommades

Il est permis de s’oindre les mains et le corps d’huile, comme le gens en ont l’habitude pour leur plaisir. Il est de même permis aux femmes de s’oindre le corps et les cheveux d’huile de parfum. Certes, nos sages ont interdit de parfumer des vêtements, car ce serait faire naître (molid) une odeur au sein de ces vêtements ; or faire naître une chose nouvelle, qui n’existait pas jusque-là, s’apparente au fait d’accomplir un ouvrage (Beitsa 23a, Beit Yossef et Rama 511, 4). Mais s’il s’agit du corps et de la chevelure il n’y a pas d’interdit, car l’odeur est totalement accessoire au corps ; aussi ne considère-t-on pas que l’on y fasse naître une chose nouvelle[2].

Quoiqu’il soit permis de s’appliquer de l’huile sur le corps, il est interdit d’y étaler de la crème, en raison de l’interdit d’enduire (memaréa’h), qui est un dérivé de la mélakha de racler (mema’heq, cf. ci-après chap. 18 § 6). Le propos du travail de raclage est de lisser des surfaces rugueuses, telles que le cuir ou le bois. Le dérivé de cette mélakha est le fait d’enduire, c’est-à-dire d’étaler une matière de façon égale, de même que d’étaler une matière sur un autre corps afin de lisser ce dernier.

Par conséquent, il est interdit d’enduire la peau de l’un quelconque des baumes ou crèmes existants car, au moment où on les applique, on rend égale la crème à la surface de la peau. Il n’y a pas lieu d’objecter que le but ne consiste ici que dans l’absorption de la crème au sein du corps, et non dans son étalement à la surface de la peau. En effet, même quand on souhaite que la crème soit absorbée au sein du corps, on a intérêt qu’une partie de la crème reste à la surface de la peau, de façon qu’elle soit homogène, si bien que l’interdit d’enduire s’applique ici. En revanche, si la crème est liquide, c’est-à-dire que, lorsqu’on la met sur une surface plane, elle s’étend d’elle-même, l’interdit d’enduire ne s’applique pas, et il est permis de s’en oindre le corps[3].

Il est permis de s’appliquer sur le corps un liquide destiné à éloigner les moustiques. Mais si le produit anti-moustiques est solide, il est interdit de s’en enduire le corps, au titre de l’interdit d’enduire (memaréa’h).

Si l’on souffre d’une indisposition, il est interdit de s’oindre d’une huile médicinale ; même si l’on est bien portant, il est interdit de s’oindre d’une huile médicinale pour le plaisir. En effet, nos sages ont décrété de ne pas exécuter, le jour de Chabbat, d’actes de médication. Mais si l’indisposition entraîne une réelle souffrance, il devient permis de s’oindre le corps d’une huile médicinale. S’agissant d’une huile que des personnes en bonne santé utilisent elles aussi, il est également permis aux personnes souffrantes de s’en oindre le corps, puisqu’il n’est pas manifeste qu’elles l’utilisent à des fins de médication (Choul’han ‘Aroukh 327, 1 ; cf. ci-après, chap. 28 § 4-5). La règle relative au massage, professionnel et amateur, sera exposée plus loin (chap. 28 § 13).


[2]. Certains auteurs, il est vrai, interdisent de parfumer le corps car, selon eux, ce serait faire naître (molid) une chose nouvelle (Taz 511, 8, Maguen Avraham 11, Ben Ich ‘Haï, deuxième série, Tetsavé 11). À l’inverse, d’autres estiment qu’il est même permis de parfumer un vêtement (Richon lé-Tsion d’après le Rif, Maïmonide et le Roch). Mais pour la majorité des décisionnaires, il est interdit de parfumer les vêtements, et il est en revanche permis de se parfumer le corps (Michna Beroura 128, 23 ; Ye’havé Da’at I 31, Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 36).

[3]. Quand on veut que toute la crème soit absorbée par le corps et qu’il n’en reste rien sur la peau, l’interdit d’enduire ne s’applique pas (Maguen Avraham 316, 24, Michna Beroura 49). Par conséquent, dans le cas où un malade est autorisé à recevoir un traitement médical, et où il a besoin de crème, il est permis de la lui frotter sur la peau jusqu’à ce qu’elle soit entièrement absorbée (Da’at Torah 328, 26, Rav Chelomo Zalman Auerbach cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, note 64). Mais quand une crème est destinée à l’agrément ou à la beauté, on ne souhaite pas qu’elle soit entièrement absorbée, mais bien qu’il en reste à la surface de la peau afin de lubrifier celle-ci et de l’embellir. Aussi est-il interdit de se l’appliquer.

06. Savon liquide, savon solide et utilisation des lingettes

Il est permis de se laver les mains avec un savon liquide. En revanche, on a l’usage d’être rigoureux à l’égard du savon solide ou pâteux. Il y a deux raisons à cela : la première est qu’utiliser un savon solide ou pâteux ressemble au fait de racler (mema’heq) ; en effet, au moment où l’on utilise un savon solide, on lisse sa surface ; de même, au moment où l’on utilise un savon pâteux, on l’étale sur ses mains et sur son corps. La deuxième raison est qu’en utilisant un tel savon, il semble que l’on fasse naître une chose nouvelle : le savon solide, ou pâteux, se transforme en matière aussi liquide que de l’eau. Certes, si l’on s’en tient à la stricte obligation, de nombreux décisionnaires estiment qu’il n’y a pas là d’interdit, car on n’a aucune intention de lisser le savon, et ce qui s’en écoule s’annule dans l’eau, et ne ressemble pas à une chose nouvellement créée. Toutefois, puisqu’il y a là une ressemblance avec le fait d’enduire et le fait de créer, la majorité des communautés juives ont pris l’usage d’être rigoureuses et de ne point se servir de savon solide ni pâteux. Néanmoins, en cas de nécessité, on peut être indulgent à l’égard des savons pâteux (tels que les shampooings) ; et ceux qui ont l’usage d’être indulgents à l’égard des savons solides ont sur qui s’appuyer (cf. note ci-dessous).

Un savon pâteux qui, si on le versait sur une surface plane, se répandrait sur les côtés, est considéré comme liquide, et tous les avis s’accordent à dire qu’il est permis de s’en servir ; même quand on doute si un savon doit être considéré comme pâteux ou comme liquide, on peut être indulgent[4].

Il est permis d’utiliser des lingettes humides, petites ou grandes, pour nettoyer un enfant en bas âge, ou les salissures que l’on aurait sur son corps, ou encore une table ou un carrelage. Certains décisionnaires, il est vrai, sont rigoureux car, à leur avis, l’utilisation d’une lingette entraîne un essorage (se’hita) interdit. En effet, quand on essuie, on presse la lingette, et l’humidité qu’elle contient, exprimée, s’en échappe, ce qui présente une utilité pour le nettoyage même. Cependant, l’opinion principale est celle des décisionnaires qui permettent cette opération, car le propos essentiel, quand on se sert de lingettes, et de s’aider de l’humidité qui se trouve à leur surface afin de bien nettoyer ; on ne cherche pas, en revanche, à essorer la lingette pour mouiller l’endroit que l’on nettoie. En effet, si l’on cherchait à mouiller ledit endroit, on pourrait simplement le rincer à l’eau. Tant que la surface de la lingette reste humide, cette humidité n’est pas exprimée ni ne se sépare d’elle, si bien qu’il n’y a pas là d’interdit. Et si, par accident, quelques gouttes sortent de la lingette, il n’y a pas non plus d’interdit, dans la mesure où ce n’est pas là que se situait l’intention[5].

Comme nous l’avons vu (supra chap. 13 § 11), si l’on a fait ses besoins et que l’on n’ait pas d’autre moyen de se nettoyer que de déchirer du papier-toilette, les sages ont permis de passer outre à leur propre interdiction, afin de s’éviter une grande honte. En ce cas, on déchirera le papier de façon inhabituelle, par exemple en le tirant avec les coudes[c]. De même, il est permis, en cas de nécessité, d’humidifier le papier-toilette avec de l’eau, afin d’obtenir un meilleur nettoyage, cela à condition de n’avoir pas l’intention d’essorer l’eau de ce papier, mais uniquement de s’aider de l’humidité qui s’y trouve déposée.


[4]. Le Michna Beroura 326, 30, se fondant sur le Tiféret Israël, est rigoureux et interdit l’utilisation de savon [solide ou pâteux], au titre de l’interdit d’étaler (memaréa’h). C’est aussi ce qu’écrivent le Rav Chelomo Laniado et le Ma’assé Ich (p. 109). Le Ben Ich ‘Haï, seconde année, Yitro 15, est rigoureux, au titre de l’interdit de faire naître une chose nouvelle (molid). Cependant, plusieurs décisionnaires sont indulgents, parmi lesquels Pa’had Yits’haq, Guinat Vradim et Pé’oulat Tsadiq. C’est aussi ce qu’écrit le Qtsot Hachoul’han 138, Badé Hachoul’han 31. Le Yabia’ Omer IV 27 développe la question, et ajoute que telle est la position de Maïmonide exprimée dans un responsum.

 

Selon le Rav Chelomo Zalman Auerbach, cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, note 49, si, à s’en tenir à la stricte obligation, il n’y a pas là d’interdit, le cas est toutefois semblable aux choses, permises en tant que telles, que l’on a pris l’usage de s’interdire : dans de tels cas, il faut maintenir la coutume interdisant l’acte. Le Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 18 et le Or lé-Tsion II 35, 5, en pratique, interdisent également l’utilisation de savon solide ou pâteux. Le Rav Ovadia Yossef écrit, lui aussi, dans Halikhot ‘Olam (IV p. 108), qu’il est bon d’être rigoureux, et que tel est l’usage.

 

Toutefois, il semble qu’en cas de nécessité pressante on puisse s’appuyer sur l’opinion indulgente à l’égard du savon solide. Quant au savon pâteux comme une crème, le cas est plus léger, car on ne saurait lisser les contours d’un tel savon : la crème se dissout tout de suite dans l’eau ; à plus forte raison quand l’utilisateur doute si son savon doit être considéré comme pâteux ou comme liquide. Quand il y a des fentes dans la savonnette, et que celui qui se savonne a l’intention de les lisser, il est évident qu’il enfreint un interdit, d’après tous les avis.

[5]. Parmi les tenants de l’opinion rigoureuse : Or’hot Chabbat 13, 46, ‘Hout Chani 2, p. 209 ; et c’est aussi à cela qu’inclinent le Min’hat Yits’haq X 25 et le Chibolé Haléqet 8, 59 et 10, 58. À l’inverse, le Har Tsvi 1, 190 et le Ya’an Yossef, Ora’h ‘Haïm 163 inclinent à l’indulgence. De nombreux autres auteurs tiennent pour permettre la lingette : Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm II 70, Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 37 et note 99, d’après le Rav Chelomo Zalman Auerbach, Rivevot Ephraïm 6, 194, 3, Menou’hat Ahava II 12, note 20, Maré Habézeq 3, 48. Cf. Har’havot.

 

[c]. Au chapitre 13, l’auteur indique, de plus, que l’on ne devra pas découper le papier en visant la prédécoupe, afin de ne pas enfreindre l’interdit de me’hatekh (découper).

07. Brossage des dents et dentifrice

Il est permis de se brosser les dents, le Chabbat, afin de les nettoyer et d’en ôter toute mauvaise odeur. De même, il est permis d’utiliser une solution dentaire, afin de donner à sa bouche une bonne odeur.

Certains décisionnaires, il est vrai, interdisent de se brosser les dents le Chabbat, car ils craignent que l’on n’enfreigne l’interdit d’essorer sa brosse à dent, ainsi que de faire saigner ses gencives et de casser des brins de la brosse. Toutefois, l’opinion principale, en pratique, tient qu’il est permis a priori de se brosser les dents à l’aide d’une brosse à dents, à l’exception du cas où il est presque certain que le brossage entraînerait un saignement : dans ce dernier cas, il est interdit de se brosser les dents[6].

Il est juste de ne pas utiliser de pâte dentifrice, de même que l’on n’utilise pas de savon (solide ou pâteux) ; mais en cas de nécessité, on peut être indulgent.

Il est permis de rincer la brosse à dents avec de l’eau après s’être brossé les dents, comme on en a l’habitude chaque jour. Même si l’on n’a pas l’intention de se resservir de la brosse à dents une nouvelle fois pendant Chabbat, le fait de la rincer n’est pas considéré comme une préparation faite, durant un jour saint, en vue d’un jour profane. En effet, il s’agit d’une action routinière, que l’on a l’habitude de faire quotidiennement, n’entraînant aucune fatigue. De plus, ôter la saleté de la brosse à dents doit être également regardé comme une nécessité de Chabbat, car si on laissait cette brosse dans un état de saleté, cela provoquerait une sensation de dégoût (cf. Michna Beroura 667, 6 et ci-après chap. 22 § 16).

Il est permis de se curer les dents à l’aide d’un cure-dent (Choul’han ‘Aroukh 322, 4). Quand on n’a pas de cure-dent, il est permis de se servir d’une allumette. Certes, l’allumette est mouqtsé, comme l’est tout objet conçu pour une utilisation interdite le Chabbat ; mais pour une utilisation de l’objet même, indépendante de l’usage pour lequel il a été conçu, il est permis de déplacer une allumette (cf. chap. 23 § 7). Cependant, il faut bien entendu se rappeler qu’il est interdit d’aiguiser le bois de l’allumette à cette fin, et que cet interdit est toranique.

Il est permis de fixer, au moyen d’une poudre, un dentier à ses gencives : puisque cette application se fait pour une courte durée, il n’y a pas là d’interdit (Har Tsvi, Tsits Eliézer XV 25, Yalqout Yossef 314, 17, contrairement à Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 40, qui est rigoureux).


[6]. Parmi ceux qui l’interdisent : Min’hat Yits’haq III 48, Or’hot Chabbat 17, 29. Le Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 39 écrit que l’on a l’usage d’être rigoureux. Les motifs invoqués sont que le brossage provoque le saignement et la rupture de brins de la brosse. Or ces deux arguments sont critiquables, car ce n’est que rarement qu’un saignement gingival ou une rupture de brins ont lieu ; et en tout état de cause, l’intention de l’auteur de l’acte ne porte pas sur ces choses (davar ché-eino mitkaven, cf. chap. 9 § 5), si bien que l’acte est permis.

 

Un autre motif d’interdit est le fait qu’un essorage de la brosse se produit au moment du brossage. On a pu répondre à cela qu’il s’agit d’un cas de psiq reicha dela ni’ha leh (psiq reicha dans lequel la conséquence de l’acte n’apporte pas de bénéfice à son auteur), et où deux éléments sont de rang rabbinique [cf. chap. 9, note 2] : a) l’essorage de poils, cheveux et autres corps de cette nature n’est interdit que rabbiniquement ; b) l’essorage n’est pas accompli de manière habituelle, et n’est que la conséquence du brossage, conséquence à laquelle aucune attention n’est portée (kil-a’har yad). Selon le Rav Chelomo Zalman Auerbach, on est certes intéressé à ce que l’eau s’échappe des brins, de façon que le nettoyage soit plus efficace, mais en général, les poils de la brosse ne sont pas longs, ni tellement serrés, si bien que l’on ne peut parler ici d’essorage. De plus, si l’on se rince préalablement la bouche avec une solution dentaire, on sera bien, même de l’avis du Rav Auerbach, dans un cas de psiq reicha dela ni’ha leh. Parmi ceux qui permettent, en pratique, le brossage : Sridé Ech 2, 28 ; Igrot Moché I 112, Or lé-Tsion II 35, 6, Rav Chelomo Zalman Auerbach (Choul’han Chelomo 320, 28, 2). Le Qtsot Hachoul’han et le Yabia’ Omer IV 27-30 permettent même l’utilisation de pâte dentifrice.

08. Se laver, le Chabbat

Nos sages ont interdit de se laver le corps à l’eau chaude, le Chabbat. En effet, certaines personnes, en raison de leur ardeur à se laver à l’eau chaude, fautaient en chauffant l’eau durant Chabbat, transgressant l’interdit d’allumer un feu et celui de cuire. Or, quand on leur en faisait la remontrance, ils prétendaient que cette eau avait été chauffée à la veille de Chabbat. Par conséquent, les sages interdirent de se laver le corps à l’eau chaude, même avec de l’eau chauffée à la veille de Chabbat de façon permise. Toutefois, il reste permis de se laver une minorité du corps à l’eau chaude ; car tant que l’on s’abstient de laver la majorité de son corps, on n’est pas si empressé à l’idée de chauffer de l’eau, et il n’est pas à craindre que l’on commette une transgression. Cependant, même quand on lave chaque membre séparément, il reste interdit de se laver la majorité du corps à l’eau chaude (Chabbat 40a, Choul’han ‘Aroukh 326, 1).

Nous avons vu qu’il était permis d’utiliser de l’eau chaude qui se trouve dans un cumulus (chauffe-eau électrique), à condition que l’on ne provoque pas, ce faisant, la cuisson d’une eau supplémentaire (chap. 10 § 24)d. Nous avons vu également que, d’après de nombreux décisionnaires, il est permis d’utiliser de l’eau chaude qui a chauffé pendant Chabbat au moyen d’un chauffe-eau à énergie solaire (doud chémech, § 25). Par conséquent, on peut se servir d’une eau ainsi chauffée pour se  laver le visage et les mains, de même qu’une minorité du corps ; mais en raison du décret des sages, il est interdit de se laver la majorité du corps de cette façon[e].

L’interdit de se laver la majorité du corps s’applique uniquement quand il s’agit d’eau chaude ; mais s’il s’agit d’eau froide ou tiède, dont la chaleur est inférieure à celle du corps (environ 36,5° C), il est permis de se laver tout le corps (Noda’ Biyehouda, ‘Hayé Adam, ‘Aroukh Hachoul’han). Il est vrai que certains décisionnaires sont rigoureux, même à l’égard de l’eau tiède (Beit Méïr, Rabbi Aqiba Eiger, ‘Hatam Sofer) ; mais puisque le fondement de l’interdit est rabbinique, on peut s’appuyer sur l’opinion indulgente en cas de nécessité. Il est également permis d’ouvrir le robinet d’eau chaude afin que l’eau ne soit pas trop froide, à condition que l’ouverture du robinet d’eau chaude n’ait pas pour effet que l’eau froide entrant dans le chauffe-eau y cuise (comme nous l’expliquons au chap. 10 § 24-25).

Il faut encore savoir que l’interdit de se laver le corps à l’eau chaude s’applique seulement dans une situation normale. Mais si l’on souffre beaucoup d’être empêché de se laver à l’eau chaude, il devient permis de se laver même tout le corps à l’eau chaude, dès lors que celle-ci a été chauffée à la veille de Chabbat, ou dans le chauffe-eau à énergie solaire (Rabbi Aqiba Eiger, Béour Halakha 326, 1).

Celui qui se lave doit prendre soin de ne pas essorer ses cheveux entre ses mains (pendant leur douche, certains s’essorent les cheveux pour en extraire le shampooing, afin de se savonner le reste du corps avec le résidu de matière lavante ; après la douche, certains s’essorent les cheveux afin d’en hâter le séchage). En revanche, il est permis de s’essuyer les cheveux dans une serviette. En effet, si un certain essorage se produit, ce n’est que de manière accidentelle, et l’on n’est pas intéressé par l’eau exprimée et absorbée par la serviette. Une femme qui se peigne toujours les cheveux après se les être lavés doit prendre soin de ne pas se laver les cheveux pendant Chabbat, afin de ne pas enfreindre l’interdit de se peigner (cf. ci-dessus, § 3).

Les sages nous mettent également en garde sur ce point : si l’on se baigne dans un fleuve, une source, la mer, en un endroit qui n’est pas délimité par un érouv[f], on secouera, dès que l’on sera sorti, l’eau déposée sur soi, afin de ne pas porter cette eau sur une distance de quatre amot (environ deux mètres). Il n’est pas nécessaire de se sécher entièrement, mais il suffit d’enlever le surplus d’eau qui s’écoule de son corps. Certes, quand on est mouillé par la pluie, nos sages n’ont pas interdit de marcher dans le domaine public, car en général l’eau de pluie que l’on reçoit n’est pas si considérable, et même quand elle l’est, on n’est pas rigoureux à cet égard, puisque c’est sans le vouloir que l’on a été mouillé (Chabbat 141a, Beit Yossef et Choul’han ‘Aroukh 326, 7, Touré Zahav 2).

Puisque la baignade nécessite d’être vigilant à l’égard de plusieurs interdits, l’usage le plus répandu est de ne pas se baigner pendant Chabbat sans nécessité. Mais dès lors qu’il y a une nécessité, par exemple les jours de chaleur, ou lorsque l’on transpire, il est permis de se laver à l’eau froide ou tiède.


[d]. Cf. à ce propos, et pour éviter toute erreur, la note r du chap. 10.

 

[e]. Cf. chap. 10 § 24-25.

[f]. Dispositif destiné à la jonction de domaines ; cf. chap. 29.

09. Nager et se baigner le Chabbat

Nos sages ont interdit de nager pendant Chabbat, de crainte que l’on n’en vienne à réparer un canot. Dès lors que l’on détache les pieds du fond de l’eau et que l’on flotte, on est considéré comme nageant. Mais si l’on ne détache pas les pieds du fond, on considère que l’on se baigne, ce qui est permis (Beitsa 36b, Chabbat 40b, Choul’han ‘Aroukh 339, 2). Il est vrai que, si l’on s’en tient à la stricte obligation, les sages n’ont pas interdit de nager dans une piscine entourée de parois faisant barrage à l’eau, et qui se trouverait à l’intérieur d’une cour elle-même clôturée, car alors, il n’est pas à craindre d’en venir à réparer un canot ou à déplacer de l’eau à l’extérieur de l’érouv. Mais à leur époque, la natation n’était pas encore devenue le passe-temps qu’elle est aujourd’hui, et seules quelques rares personnes disposaient d’une piscine dans une cour, où elles nageaient quelque peu. En revanche, à notre époque, où la natation est devenue l’un des passe-temps les plus courants les jours de semaine, la natation en piscine est interdite au titre des occupations profanes (‘ovdin de’hol). De plus, il est à craindre que, après la baignade, on n’en vienne à essorer son maillot de bain. En outre, il ne convient pas de perdre le temps libre du Chabbat en distractions : il faut le consacrer à la Torah[7].

Il est permis aux hommes, en cas d’impureté, de se tremper dans un bain rituel (miqvé), le Chabbat. Certes, les sages ont interdit de tremper de la vaisselle au miqvé, le Chabbat, car cette immersion serait regardée comme le parachèvement (tiqoun)[g] d’ustensiles – en effet, grâce à cette immersion, il devient permis de s’en servir. Mais aux personnes, il est permis de s’immerger pendant Chabbat : puisqu’il est permis de se baigner dans l’eau froide, il est également permis de s’immerger dans un miqvé pour recouvrer sa pureté, car l’immersion, en tant que telle, n’est pas nécessairement vue comme un acte de tiqoun (Beitsa 18a, Choul’han ‘Aroukh 326, 8). D’après la coutume ashkénaze elle-même, d’après laquelle, en raison de différents craintes, on a l’usage de ne pas se laver à l’eau froide le Chabbat, il n’est pas d’usage d’être rigoureux lorsque l’immersion se fait au titre d’une mitsva (Rama sur Yoré Dé’a 197, 2). Aussi, les hommes qui ont l’habitude d’aller au miqvé par piété ont-ils également l’usage d’y aller le Chabbat.

Les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir si le décret des sages interdisant de se laver à l’eau chaude, le Chabbat, concerne également l’immersion dans un bain rituel. Selon certains, les sages n’ont pas interdit l’immersion accomplie en tant que mitsva, et il est donc permis de s’immerger dans de l’eau chaude, quand elle a été chauffée de façon permise (Qorban Nethanel). D’autres disent que le décret des sages s’applique également à l’immersion, et qu’il est donc interdit de s’immerger dans un miqvé chaud (Noda’ bi-Yehouda). Nombreux sont ceux qui ont coutume d’être indulgents, et qui se trempent dans un miqvé chaud. Ceux qui veulent être rigoureux vérifieront que la chaleur du miqvé est inférieure à celle du corps ; en effet, la majorité des décisionnaires estiment qu’il est permis de se laver à l’eau tiède, le Chabbat : à plus forte raison sera-t-il permis de s’immerger dans un miqvé tiède pour accomplir une mitsva[8].


[7]. Bien qu’il soit permis, si l’on s’en tient à la stricte obligation, de se laver le corps à l’eau froide, la coutume ashkénaze est de s’en abstenir, car on craint d’en venir à essorer ses cheveux entre ses mains, lorsqu’on sortira de l’eau ; de même, on craint de porter de l’eau sur quatre amot dans le domaine public, ainsi que d’en venir à nager (Teroumat Hadéchen 255, Nouvelles Responsa du Maharil, 139, Maguen Avraham 326, 8, Michna Beroura 21). Toutefois, les jours de chaleur, les tenants de l’opinion rigoureuse eux-mêmes reconnaissent qu’il est permis de se laver à l’eau froide ou tiède, en prenant soin de ne pas essorer ses cheveux à la main, mais de les essuyer avec une serviette (Chemirat Chabbat Kehilkhata 14, 11). Certains écrivent néanmoins que, même avec une serviette, il faut être précautionneux en s’essuyant doucement (Ben Ich ‘Haï, seconde année, Peqoudé 8). Nous n’avons pas rapporté dans le corps de texte que, selon la coutume ashkénaze, il est interdit de se laver à l’eau froide, car cette règle est d’application est rare : elle intéresse certains individus, qui ont l’habitude de se laver à l’eau froide pour le plaisir ; or, en cas de souffrance, on est de toute manière indulgent, et l’on permet de se laver à l’eau froide ainsi qu’à l’eau chaude.

 

En revanche, il est évident qu’il est interdit de nager dans une piscine, selon la coutume ashkénaze. Même suivant la coutume séfarade – qui s’en tient à la stricte règle de droit et permet de se laver à l’eau froide, ainsi que de nager dans une piscine délimitée par des parois et bâtie dans un domaine privé –, il y a lieu d’interdire la nage en piscine, et ce pour d’autres motifs : on a l’habitude de nager en maillot de bain, et il est fortement à craindre que l’on en vienne à l’essorer. De plus, toute la permission qui est donnée de nage dans une piscine aménagée dans une cour vise des cas rares, quand les quelques individus qui possédaient une petite piscine dans leur cour voulaient y barboter un peu ; tandis que, dans les piscines construites de nos jours, on a l’habitude de rester longtemps, et la nage y constitue un divertissement substantiel ; y nager revêt donc le caractère de ‘ovdin de’hol (occupation profane). Et si le fait même de marcher d’une façon caractéristique des jours de semaine est interdit par les prophètes, à plus forte raison la nage est-elle caractéristique de la semaine, et interdite à ce titre. En outre, si l’on permettait de nager pendant Chabbat, on abandonnerait l’étude de la Torah et l’on abolirait le caractère du Chabbat, qui est destiné à l’étude. Le Yalqout Yossef écrit en ce sens (326, 11). Sur les règles applicables à la course et à la gymnastique, cf. ci-après chap. 22 § 7-8.

[g]. Une fois trempée au miqvé, la vaisselle fabriquée par un non-Juif devient utilisable par un Juif, si bien que l’acte d’immersion constitue le parachèvement, la « réparation » des ustensiles trempés.

[8]. Certes, selon le Teroumat Hadéchen (255), si l’on considère la coutume ashkénaze de ne pas se laver à l’eau froide, une femme qui aurait pu aller au miqvé avant Chabbat ne pourra le faire pendant Chabbat. D’après cela, le Gaon de Vilna écrit qu’il est interdit à ceux qui ont eu une pollution séminale de s’immerger pendant Chabbat [puisqu’ils peuvent le faire plus tard]. Toutefois, la très grande majorité des décisionnaires ashkénazes autorisent toutes les catégories d’immersion corporelle le Chabbat. C’est ce qu’écrivent, au sujet de l’immersion des femmes, le Rama sur Yoré Dé’a 197, 2, le ‘Aroukh Hachoul’han 8 et le Taharat Israël 14. C’est aussi ce qu’écrivent, s’agissant de l’immersion des hommes, le ‘Olat Chabbat 326, 15, Elya Rabba 5, Tosséfet Chabbat 12, Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 74 et d’autres encore.

 

Concernant le fait de s’immerger dans l’eau chaude, le Qorban Nethanel (Chabbat 2, 100) et le ‘Hessed lé-Avraham (30, cité par Cha’ar Hatsioun 326, 5) estiment que les sages n’ont pas étendu leur interdit à l’immersion dans un miqvé chaud, le Chabbat. De nombreux A’haronim témoignent également de ce que les femmes ont coutume de se tremper dans un miqvé, même chaud, le Chabbat (Divré ‘Haïm 2, 26, Mahari Ayach dans ses responsa Bené Yehouda 2, 32, responsa Divré Yossef 64). À l’inverse, selon le Noda bi-Yehouda (deuxième édition, 24), le ‘Hakham Tsvi 11, le Beit Méïr (326), le ‘Hayé Adam 70, 1, Rabbi Aqiba Eiger (1, 17) et d’autres, l’interdit de se laver dans l’eau chaude s’étend également au fait de s’immerger dans un miqvé chaud. Selon le Cha’ar Hatsioun 326, 5, on ne peut être indulgent qu’en cas de nécessité pressante.

 

Mais en pratique, nombreux sont ceux qui ont l’usage de permettre aux femmes de s’immerger dans un miqvé chaud. C’est ce qu’écrivent le Or’hot Chabbat (2, 21, note 30), Menou’hat Ahava (II 10, note 173), Badé Hachoul’han (197, 17). Selon le Liviat ‘Hen (79), a priori on se trempera durant le crépuscule (bein hachmachot), conformément à l’opinion du ‘Hakham Tsvi. En effet, dès lors qu’une mitsva est en jeu, les sages n’étendent à la période du crépuscule aucun des interdits édictés au titre de chevout [abstentions sabbatiques de rang rabbinique, cf. chap. 9 § 11]. Mais quand il est impossible de se tremper pendant la période de bein hachmachot, la femme pourra se tremper dans le miqvé chaud durant Chabbat.

 

Il nous semble que ceux qui veulent être rigoureux feront mieux de se tremper dans un miqvé tiède. En effet, l’interdit de se laver à l’eau chaude, mentionné au paragraphe précédent, peut s’interpréter de trois façons : 1) Selon Beit Méïr et Rabbi Aqiba Eiger, il est également interdit de s’immerger dans une eau dont la froidure s’est estompée. 2) Pour le ‘Hakham Tsvi 11, le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 146 et Téhila lé-David 326, 3, l’interdit s’étend à l’eau tiède, mais non à une eau dont la froidure s’est estompée. 3) Pour le Noda’ bi-Yehouda (deuxième édition 24), le ‘Hayé Adam (70, 1), le Zéra’ Emet (1, 71) et le ‘Aroukh Hachoul’han (326, 3), l’interdit vise l’eau chaude, mais il est permis de se laver à l’eau tiède [dans les conditions déjà exposées au chap. 10 § 24-25].

 

Il apparaît donc que, pour  ceux-là même qui estiment qu’il est interdit de s’immerger dans un miqvé chaud, il reste permis, selon le Noda’ bi-Yehouda et ceux qui se rangent à ses côtés, de s’immerger dans un miqvé tiède. Et si la température de l’eau est légèrement inférieure à celle du corps, il y a lieu de dire que, même de l’avis du ‘Hakham Tsvi et de ceux qui partagent son avis, cela n’est pas interdit. Par conséquent, ceux qui veulent être rigoureux chaufferont l’eau à une température inférieure à celle du corps ; de cette façon, ils seront quittes, de l’avis d’une nette majorité de décisionnaires, et une telle immersion n’entraînera pas de souffrance.

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