Pniné Halakha

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Chapitre 16 – Les bénédictions du Chéma (Birkot qriat Chéma)

01 – Signification des bénédictions

Nos sages ont institué trois bénédictions, qui se disent à l’occasion de la lecture du Chéma du matin : deux d’entre elles précèdent le Chéma, la dernière le suit (Michna Berakhot 11a). Ces bénédictions constituent un parachèvement et une extension apportés à la thématique du Chéma ; on y trouve des louanges et des expressions de reconnaissance envers Dieu pour la création du monde et sa direction.

Dans le Chéma, nous disons Ado-naï E’had (Dieu est Un) : Dieu est l’être unique qui crée et maintient l’ensemble de l’univers, et il n’existe aucune divinité hormis Lui. Dans la première bénédiction du Chéma, nous approfondissons ce principe : après avoir exprimé notre louange pour la lumière qui se renouvelle chaque jour, nous continuons de louer Dieu en ce qu’Il « renouvelle chaque jour, constamment, l’œuvre de la création ». Et pour insister sur Son unité, en même temps que nous Le louons pour la création de la lumière, nous rappelons qu’Il a également créé l’obscurité. À  l’office du soir, dans la bénédiction correspondante, en même temps que nous Le louons de « faire descendre le soir », nous rappelons qu’Il « crée le jour et la nuit ». Nous voyons donc que le principe de la foi en l’unité divine, énoncé dans le Chéma, est développé dans la première bénédiction qui le précède.

Le sens des premiers mots, Chéma Israël, est que la foi unitaire se révèle au monde par le biais d’Israël, qui a été créé à cette fin. Cette idée se voit approfondie dans la deuxième bénédiction, dans laquelle nous exprimons notre reconnaissance envers Dieu pour l’amour qu’Il nous témoigne, et par l’effet duquel Il nous a donné Sa Torah. Nous prions pour avoir le mérite de comprendre la Torah, de l’appliquer avec amour et, grâce à cela, de dévoiler Son nom dans le monde.

Les mots Ado-naï Elo-hénou (l’Eternel est notre Dieu) signifient que Dieu est le maître de toutes les forces, et qu’Il règne sur le monde selon Sa volonté. Sa domination sur le monde, dans toutes ses forces et tous ses éléments, s’est dévoilée de la façon la plus claire lors de la sortie d’Egypte, mentionnée à la fin du Chéma. Cela aussi s’est manifesté par le biais du peuple d’Israël. Dans la troisième bénédiction, nous approfondissons ce principe, et louons Dieu en ces termes : « Tu es le premier et Tu es le dernier, et en-dehors de Toi nous n’avons pas de Roi, de Libérateur, de Sauveur. Tu nous as délivrés de l’Egypte… ». Puis nous rappelons la plaie des premiers-nés et le passage de la mer Rouge. Nous terminons cette bénédiction par la formule : « Bénis sois-Tu Eternel, qui délivras Israël. »

Nous voyons donc que chacune des trois bénédictions constitue la continuation et l’extension des principes de la foi énoncés dans le Chéma.

Bien que le rituel fixé par les sages consiste à dire le Chéma accompagné de ses bénédictions, la lecture de ces bénédictions ne conditionne pas la validité de la récitation du Chéma. Aussi, dans le cas où l’on aurait lu le Chéma sans ses bénédictions, on serait quitte de son obligation de réciter le Chéma. De la même façon, si l’on a lu les bénédictions sans le Chéma lui-même, on est quitte de l’obligation de dire les bénédictions. De même, si l’on a récité l’une des bénédictions, on est quitte de ce que l’on a dit, car les bénédictions ne sont pas interdépendantes. À plus forte raison, l’ordre de leur lecture ne conditionne pas leur validité ; si l’on s’est trompé, en disant par exemple la deuxième avant la première, on est donc quitte. Simplement, on doit a priori dire l’ensemble de ces bénédictions dans l’ordre institué par les sages[1].


[1]. La première bénédiction, Yotser haméorot (« qui crées les luminaires »), commence par la formule Baroukh Ata…En revanche, celles qui suivent, bien qu’elles soient aussi des bénédictions longues, ne commencent pas par Baroukh, car elles sont considérées comme juxtaposées à la première.

A priori, on doit les dire toutes ensemble, à l’occasion de la lecture du Chéma. Pour le Gaon de Vilna et ceux qui partagent ses vues, la chose est simple. Pour Rabbi Aharon Halévi et le Choul’han ‘Aroukh eux-mêmes – pour lesquels il faut former l’intention de s’acquitter de l’obligation du Chéma lors de sa mention dans la section des sacrifices, au début de l’office (cf. Beit Yossef, fin du chap. 46, qui cite R. Aharon Halévi ; Rama et Béour Halakha ad loc. ; Béour Halakha 60, 2 ונ »ל) –, il semble que cette exigence n’ait lieu d’être que lorsque l’office est tardif, et qu’il est à craindre que l’heure limite de récitation du Chéma n’expire. Mais si ce n’était cette crainte, il serait préférable, d’après toutes les opinions, d’accomplir la mitsva de lecture du Chéma au moment de la récitation de ses bénédictions.

On peut également inférer cela de la règle selon laquelle, si l’on ne se souvient pas avoir dit ou non le Chéma et ses bénédictions, on doit redire le Chéma ainsi que ses bénédictions. En effet, cette règle paraît difficile à comprendre, dans la mesure où nous avons pour principe que, dans un cas de doute en matière de bénédiction, il faut être indulgent et s’abstenir de répéter. Cependant, puisque les bénédictions du Chéma constituent une partie de l’accomplissement de la mitsva de lecture du Chéma, elles sont considérées comme indexées à celui-ci (voir Michna Beroura 67, 4 d’après le Rachba). C’est aussi ce que laisse entendre la règle applicable à celui dont l’occupation constante est l’étude de la Torah : celui-ci est, dans l’absolu, dispensé de la ‘Amida, mais non du Chéma ni de ses bénédictions (Michna Beroura 106, 6).

02 – Jonction entre les Pessouqé dezimra et les bénédictions du Chéma

Après avoir terminé la lecture des Pessouqé Dézimra (versets de louange) et de la bénédiction Yichtaba’h, l’officiant dit le Qaddich court (dit ‘Hatsi-Qaddich, littéralement demi-Qaddich, qui s’achève par les mots Daamiran béalma véimrou amen). Comme on le sait, l’importance du Qaddich est très grande, et les sages louent ceux qui y répondent attentivement (voir chap. 23 § 6). Les sages en ont institué la récitation à la fin de chaque section de l’office, afin de conclure chacune avec une sainteté supérieure, puis, empreint de cette sainteté, de passer à l’étape suivante de l’office. Ce Qaddich court marque donc une césure entre les Pessouqé dezimra (qui sont établis en regard du monde de la Formation, ‘olam ha-Yetsira, cf. chap. 13 § 2) d’une part, et le Chéma avec ses bénédictions (qui viennent en regard du monde de la Création, ‘olam ha-Bria) d’autre part.

Il ne faut pas s’interrompre par des paroles entre les Pessouqé dezimra et les bénédictions du Chéma. Celui qui s’interromprait commettrait en cela une faute, car les Pessouqé dezimra constituent une préparation à la prière (Choul’han ‘Aroukh 54, 3).

Si les fidèles ne sont toujours pas assez nombreux pour constituer le minyan à la fin des Pessouqé dezimra, ils s’arrêteront à la suite de la bénédiction Yichtaba’h et attendront que le minyan soit complété. Ils pourront étudier dans l’intervalle. A priori, ils étudieront en ne lisant que des yeux, afin de ne pas s’interrompre par des paroles. Mais celui qui ne peut étudier sans articuler les mots pourra étudier en articulant, car il est permis, pour les besoins d’une mitsva, de s’interrompre entre Yichtaba’h et Barekhou[a]. Avant de dire Yichtaba’h, l’officiant attendra l’arrivée du dixième fidèle, afin de pouvoir, au moment où le dixième fidèle arrivera, dire Yichtaba’h immédiatement suivi du Qaddich. S’il a déjà terminé Yichtaba’h, il dira trois versets lorsqu’arrivera le dixième fidèle, afin que le Qaddich se rapporte à quelque chose. Après ces trois versets, l’officiant dira le Qaddich court (Michna Beroura 53, 10-11).

Lorsque l’administrateur de la synagogue (gabaï) doit annoncer à l’assemblée quelque information urgente liée aux besoins de la communauté ou à une mitsva, et qu’il est impossible de repousser cette annonce à la fin de l’office, il pourra la communiquer entre Yichtaba’h et le Qaddich. Après cela, l’officiant dira quelques versets suivis du Qaddich. Mais si l’on a déjà dit le Qaddich, il devient interdit de s’interrompre pour les besoins d’une mitsva, et l’on repoussera donc l’annonce à la fin de l’office (Choul’han ‘Aroukh 54, 3 ; 57, 2 ; Michna Beroura 54, 6).


[a]. Barekhou: bref passage dialogué entre l’officiant et l’assemblée, intercalé entre le Qaddich et les bénédictions du Chéma ; voir paragraphe suivant.

03 – Barekhou

Après le Qaddich, l’officiant dit :

ברכו את ה’ המבורך

Barekhou et Ado-naï hamevorakh

« Bénissez l’Eternel, qui est béni. »

L’assemblée répond :

ברוך ה’ המבורך לעולם ועד

Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam vaed

« Béni soit l’Eternel, qui est béni. »

 

L’officiant, lui aussi, répète à la suite de l’assemblée : Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam va’ed (Choul’han ‘Aroukh 57,  1).

La fonction essentielle de Barekhou est d’introduire les bénédictions du Chéma, car en annonçant « Bénissez… », l’officiant appelle les fidèles à réciter les bénédictions du Chéma. Certes, cette formule peut également se dire en tant que louange indépendante, comme c’est le cas à la fin de l’office (cf. chap. 23 § 9). Mais la raison principale qui a présidé à l’insertion de Barekhou au sein de la prière est de servir d’introduction aux bénédictions du Chéma. Aussi, chacun doit s’efforcer de terminer la récitation des Pessouqé dezimra et de la bénédiction Yichtaba’h avant que ne soit dit Barekhou, afin de pouvoir, immédiatement après Barekhou, y enchaîner les bénédictions du Chéma. Il vaut même mieux omettre à cette fin le Cantique de la mer Rouge.  En revanche, si l’on n’a pas encore eu le temps de dire la bénédiction Yichtaba’h, qui marque la fin des Pessouqé dezimra, et quoiqu’on ait déjà répondu Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam vaed à Barekhou, on terminera la lecture de Yichtaba’h, et l’on poursuivra par la lecture des bénédictions du Chéma seulement après[2].

Sur la question de savoir s’il faut se lever lorsqu’on répond au Qaddich et à Barekhou, les usages divergent. D’après l’usage en vigueur chez la majorité des Séfarades, il n’est pas nécessaire de se lever lorsqu’on s’apprête à répondre à des paroles consacrées (devarim chébiqdoucha) ; mais si l’on est déjà debout, on doit le rester pendant le Qaddich et Barekhou (Maharil, Kaf Ha’haïm 56, 20 et 146, 20-21 ; Ye’havé Da’at 3, 4). La majorité des Ashkénazes ont l’usage de se lever pour répondre au Qaddich et à Barekhou, car ce sont des paroles saintes (Michna Beroura 56, 7-8 et 146, 18). Toutefois, en ce qui concerne Barekhou, qui ne se dit qu’en un bref instant, de nombreux Ashkénazes ont l’usage de ne pas se lever complètement, mais plutôt de se lever légèrement de leur siège, dans les cas où l’on se trouve déjà assis – par exemple au moment de la lecture de la Torah (lorsque l’appelé dit Barekhou avant de prononcer la bénédiction), ou au début de l’office d’Arvit. Cet usage est semblable à celui que beaucoup observent lorsqu’ils répondent au zimoun[b] en présence de dix personnes.

Lorsque l’officiant dit Barekhou, il doit s’incliner légèrement, puis se relever en disant le nom divin.  En ce qui concerne les fidèles, les usages divergent : certains ont coutume de s’incliner, d’autres ne s’inclinent que légèrement, et d’autres encore ne s’inclinent  pas du tout. Chacun continuera d’observer la coutume de ses ancêtres. Dans un endroit où des fidèles ayant des usages différents prient ensemble, il convient que tous s’inclinent légèrement (voir chap. 17, note 3).


[2]. Michna Beroura 54, 14. L’auteur écrit qu’après Barekhou, les règles régissant les interruptions sont semblables à celles qui s’appliquent au milieu des bénédictions du Chéma (cf. § 5 et 6). Si l’on apporte à un fidèle (qui en manquait) un talith ou des téphilines, il ne les mettra qu’après la fin de la bénédiction, comme nous le verrons ci-après, note 4 (cf. Halikhot Chelomo 6, note 5). A notre humble avis, tant que l’on n’a pas dit Yichtaba’h, l’intention de commencer les bénédictions du Chéma n’est pas encore formée et, par conséquent, on peut continuer la lecture des Pessouqé dezimra).

Le Beit Yossef rapporte que, selon certains, lorsque des particuliers ont déjà prié seuls et que l’occasion se présente ensuite de se rassembler et de constituer un minyan – ce qui leur permettra d’entendre le Qaddich, Barekhou et la Qédoucha –  l’officiant devra dire, en plus de Barekhou, la bénédiction Yotser Or (première bénédiction du Chéma), même s’il l’a déjà dite, car on ne peut réciter Barekhou (« Bénissez ») sans dire ensuite une bénédiction au moins. C’est ce qu’écrit le Maharia, et cette position est expliquée par le Michna Beroura 69, 3. Mais selon le Darké Moché, Barekhou peut se dire sans être suivi d’une bénédiction. Et c’est bien là l’usage observé en pratique à la fin de l’office. Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons vu, la raison essentielle pour laquelle Barekhou a été introduit dans la prière est de servir d’introduction aux bénédictions du Chéma. (Chéérit Yossef intensifie la controverse entre les auteurs).

[b]. Introduction du Birkat hamazon, actions de grâce après le repas.

04 – La Qédoucha incluse dans la première bénédiction du Chéma, et l’usage de répondre ou non amen aux bénédictions

La bénédiction Yotser or (« qui crées la lumière », également appelée Yotser haméorot, « qui crées les luminaires », d’après ses derniers mots) est une louange adressée à Dieu, qui renouvelle chaque jour l’œuvre de la création. On y a ajouté des passages poétiques, l’un réservé aux jours ouvrables, l’autre réservé au Chabbat. Les anges et les séraphins eux-mêmes, qui sont des créatures spirituelles supérieures, bénissent, louent, exaltent, sanctifient, vénèrent et intronisent Son nom, béni soit-Il, et disent cette Qédoucha (sanctification) :

קדוש קדוש קדוש ה’ צב-אות מלא כל הארץ כבודו

Qadoch qadoch qadoch Ado-naï Tséva-ot, mélo khol haarets kevodo

« Saint, saint, saint est l’Eternel, Dieu des Légions, toute la terre est emplie de Sa majesté. »

Ils disent encore :

ברוך כבוד ה’ ממקומו

Baroukh kevod Ado-naï mimeqomo

« Bénie soit la gloire de l’Eternel depuis le siège de Son règne. »

Cela aussi est inclus dans la première bénédiction du Chéma, Yotser haméorot.

Les Richonim sont partagés sur le point suivant : si l’on prie seul, peut-on dire cette Qédoucha propre aux anges, incluse dans la bénédiction Yotser or ? Certains disent que ce texte appartient à la catégorie des « paroles de sainteté » (devarim chébiqdoucha), à l’exemple de la Qédoucha incluse dans la répétition de la ‘Amida récitée par l’officiant ; aussi, celui qui prie seul ne peut dire ce texte, et doit sauter ces versets (Ran, Rabbénou Yerou’ham). D’autres pensent qu’il ne s’agit pas d’une véritable Qédoucha, mais que nous nous bornons à raconter comment les anges sanctifient le nom divin ; aussi, le particulier priant seul peut, lui aussi, dire ce passage (élèves de Rabbénou Yona, Roch). Afin de sortir du doute, il est bon que le particulier dise les versets de la Qédoucha à la manière de celui qui lirait la Torah, en respectant les signes musicaux assortis au texte biblique (les téamim). En effet, selon toutes les opinions, le particulier a le droit de répéter ces versets en tant que lecture biblique (laquelle se fait traditionnellement avec sa cantillation) ; de cette façon, on s’acquitte également de leur récitation en tant que fragment de la prière (Teroumat Hadéchen, Choul’han ‘Aroukh 59, 3). Il n’est pas nécessaire de bien connaître les signes musicaux, l’essentiel étant de s’efforcer de paraître faire une lecture des écrits des prophètes[3].

Certains auteurs pensent que les fidèles doivent répondre amen à la suite des bénédictions du Chéma que l’on entend dire par l’officiant (Roch). D’autres pensent qu’il n’y a pas lieu de répondre amen, afin de ne pas s’interrompre entre les différentes bénédictions du Chéma (élèves de Rabbénou Yona au nom de Maïmonide).

En pratique, l’usage séfarade consiste, lorsqu’on lit les bénédictions du Chéma, à ne pas répondre amen à l’officiant, car cela constituerait une interruption. Et pour ne pas entrer dans un cas de doute, il convient a priori de terminer sa bénédiction en même temps que l’officiant ou légèrement après lui ; de cette façon, tous les avis s’accordent à dire que l’on n’a pas besoin de répondre amen à la bénédiction de l’officiant. Mais quoiqu’il en soit, même si l’on a terminé la bénédiction avant l’officiant, on ne doit pas répondre amen à sa suite.

L’usage ashkénaze consiste à répondre amen à la première bénédiction, qui s’achève par les mots Yotser haméorot (« qui crées les luminaires ») lors de l’office du matin, ainsi qu’aux bénédictions Hamaariv aravim (« qui fais descendre le soir ») et Gaal Israël (« qui délivras Israël »), lors de l’office du soir. En revanche, pour ce qui concerne la bénédiction précédant immédiatement la lecture du Chéma, on s’efforce de terminer en même temps que l’officiant ou un peu après lui, afin de ne pas avoir à répondre amen, ce qui entraînerait une interruption entre cette bénédiction et le Chéma. Quoi qu’il en soit, si l’on a déjà terminé de réciter cette bénédiction avant de l’entendre dire par l’officiant, on doit répondre amen (Michna Beroura 59, 24-25 ; Kaf Ha’haïm 26, 28).


[3]. Selon le Michna Beroura 59, 10 au nom du Peri ‘Hadach, s’il est en présence d’une communauté qui se trouve à un autre moment de l’office, le particulier peut dire la Qédoucha incluse dans la bénédiction Yotser or comme à l’habitude. Le Kaf Ha’haïm 21 écrit en revanche, au nom du Maamar Mordekhaï, que, même de cette façon, on devra lire ces deux versets avec leur cantillation.

05 – Répondre à des « paroles de sainteté » durant les bénédictions du Chéma

Selon le Maharam de Rothenburg, lorsqu’on est occupé à dire le Chéma et ses bénédictions, on ne doit pas s’interrompre pour répondre au Qaddich et à la Qédoucha. En effet, puisqu’on se livre déjà à la louange de Dieu, il est interdit de s’interrompre pour répondre à une autre louange. Toutefois, selon la majorité des Richonim (élèves de Rabbénou Yona, Roch), il est permis de s’interrompre pour les besoins d’importantes louanges dites publiquement, même si l’on se trouve au milieu des bénédictions du Chéma ; et la halakha est conforme à cet avis (Choul’han ‘Aroukh 66, 3).

Lorsqu’on s’interrompt, on ne peut répondre qu’aux paroles les plus importantes, comme nous allons le voir. En  ce qui concerne le Qaddich, certains pensent que l’on ne répond qu’Amen yehé chemeh rabba mévarakh lé’alam oul’almé ‘almaya (« Amen, que Son grand nom soit béni à jamais et pour toute l’éternité », ainsi que l’amen qui suit la phrase Lé-eila min kol birkhata vé-chirata… daamiran béalma véimrou amen (« au-dessus de toute bénédiction et cantique… qui se disent dans le monde, et dites amen »), car cette phrase conclut la partie essentielle du Qaddich (Michna Beroura 66, 17). D’autres ajoutent que l’on dit les cinq amen en usage dans la partie essentielle du Qaddich (partie couramment appelée ‘Hatsi-Qaddich, « demi-Qaddich ») ; en revanche, les phrases supplémentaires – ajoutées dans les autres versions du Qaddich – n’en sont pas des parties essentielles ; aussi, on ne s’interrompt pas pour y répondre amen (Kaf Ha’haïm 66, 23 ; voir ci-après chapitre 23 § 14).

Pour la Qédoucha, on ne dira que les versets Qadoch, qadoch, qadoch… et Baroukh kevod Ado-naï mimeqomo, car ils constituent la partie essentielle de ce que l’assemblée répond lors de la Qédoucha (Michna Beroura 66, 17 ; Yalqout Yossef I p. 115). Certains pensent que l’on dit également le verset Yimlokh : Yimlokh Ado-naï lé’olam, Elo-haïkh Tsion lédor vador, Alléluia (« L’Eternel règnera à jamais, ton Dieu, Sion, de génération en génération ; louez Dieu ! ») ; c’est la position du ‘Aroukh Hachoul’han 66, 6 et du Kaf Ha’haïm 18). En revanche, on ne dira pas l’introduction à chaque verset, récitée par l’officiant.

Pour Barekhou, on répondra normalement : Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam vaed. Pour le Modim inclus dans la répétition de la ‘Amida, on répondra uniquement Modim ana’hnou lakh (« Nous sommes reconnaissants à Ton égard »).

Selon l’usage ashkénaze, lors de la répétition de la ‘Amida par l’officiant, on répond amen aux bénédictions Ha E-l haqadoch (« le Dieu saint ») et Choméa’ téphila (« qui entends la prière ») car, par la première, on conclut les bénédictions de louange, et par la seconde, on conclut les bénédictions de requête. Selon l’usage séfarade, la règle qui s’applique à ces deux bénédictions est semblable à celle des autres bénédictions de la ‘Amida : on n’y répond pas.

En cette matière, on ne fait pas de différence entre le cas où l’on se trouve au milieu de la bénédiction ou du paragraphe du Chéma, d’une part, et le cas où l’on se trouve entre deux bénédictions, ou encore deux paragraphes du Chéma, d’autre part.

Lorsque nous disons que l’on peut répondre dans les cas ci-dessus, ce n’est que si l’on se trouve au milieu d’une de ces bénédictions ou après sa conclusion (ou encore au sein d’un paragraphe du Chéma, ou entre deux paragraphes). En revanche, si l’on a déjà dit la formule Baroukh Ata Ado-naï qui ponctue la bénédiction, et qu’il ne reste que quelques mots à dire pour la conclure, on ne s’interrompra pas. En effet, si l’on s’interrompait, ce serait amputer la bénédiction (Béour Halakha 66, 3). De même, quand on dira le verset Chéma Israël ou la phrase Baroukh chem kevod malkhouto lé’olam vaed, par lesquels on reçoit le joug de la royauté du Ciel, on ne s’interrompra pour aucune parole, car la règle qui s’applique à ces passages est semblable à celle qui régit la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 66, 1).

Si l’on doute de devoir répondre ou non, il vaut mieux ne pas répondre car, de l’avis de nombreux décisionnaires, bien qu’il soit permis de répondre, cela n’est pas une obligation ; aussi, dans tous les cas de doute, il vaut mieux ne pas répondre[4].


[4]. Selon le Torat ‘Haïm (Sofer), il n’y a pas d’obligation à répondre, mais on y est autorisé. C’est aussi la position des responsa Yad Elyahou et du Maharchag. Cf. Yabia’ Omer I 5, 7 et VIII 6, 1-2. Le Halikhot Chelomo écrit dans le même sens que, même quand on récite les Pessouqé dezimra, on est autorisé à répondre, mais on n’y est pas obligé. De plus, nous avons déjà vu que, selon le Maharam de Rothenburg, il est interdit de répondre, même au Qaddich et à la Qédoucha, quand on se trouve au milieu des bénédictions du Chéma. Et bien que la halakha n’ait pas été tranchée d’après son avis, on peut prendre en compte son opinion en cas de doute et ne pas répondre. Sur la question de savoir s’il est souhaitable de répondre, la solution dépend de la situation : si l’on prie au sein du minyan, on entend, par la force des choses, toutes les paroles saintes (devarim chébiqdoucha). Dans un tel cas, si le fait de répondre est de nature à perturber la kavana du fidèle, il vaut mieux ne pas répondre. Toutefois, si l’assemblée est debout pour répondre à la Qédoucha, il faut avoir soin de ne pas sembler se mettre à l’écart de la communauté. Aussi, on se tiendra comme les autres, debout, pieds joints ; de la même façon, on s’inclinera au moment de Modim. Si l’on sait que l’on n’aura pas d’autre occasion d’écouter après cela le Qaddich et la Qédoucha, il vaut mieux répondre avec les autres (cf. Michna Beroura 66, 51). Voir ci-dessus chap. 14 § 4 et note 7, pour ce qui concerne les Pessouqé dezimra.

Le Michna Beroura 66, 23 mentionne différentes opinions sur la question de savoir s’il faut répondre amen aux bénédictions lorsqu’on se trouve soi-même entre les paragraphes (du Chéma ou entre les bénédictions du Chéma). Bien qu’il incline à dire que l’on y répond, nous n’avons pas mentionné cela dans le corps de l’ouvrage, en vertu du principe Bemaqom chel safeq, chev véal ta’assé ‘adif (« en cas de doute, il vaut mieux que tu restes assis et ne fasses rien »). Selon Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 21, 2, on répond amen aux Cohanim qui récitent la bénédiction sacerdotale (Birkat Cohanim) ; en effet, le Béour Halakha 128 écrit que cet amen est une obligation de la Torah.

Si l’on a besoin d’aller aux toilettes, on s’y rend, puis on se lave les mains ; la bénédiction Acher Yatsar sera prononcée après la ‘Amida (Michna Beroura 66, 23).

Si l’on appelle un fidèle à monter à la Torah, alors qu’il est occupé à réciter le Chéma ou ses bénédictions : selon le Choul’han ‘Aroukh 66, 4, il ne montera pas ; selon les décisionnaires ashkénazes, il montera. Toutefois, même d’après la coutume ashkénaze, si l’on craint d’être appelé alors qu’on se trouve en train de réciter le Chéma et ses bénédictions, il vaut mieux sortir auparavant de la synagogue (Michna Beroura 66, 26). Mais si l’on se trouve dans les Pessouqé dezimra, la règle est plus indulgente : dans le cas où l’on a déjà appelé le fidèle, celui-ci montera à la Torah ; et s’il est le seul Cohen ou le seul Lévi (cf. règles de la lecture de la Torah, chap. 22), il est permis de l’appeler, même a priori, comme nous l’avons vu au chap. 14 § 5.

Si un fidèle n’avait pas de talith ou de téphilines, et qu’on lui en ait apporté après qu’il eut commencé sa lecture des bénédictions du Chéma :

a) S’il n’est pas encore arrivé au Chéma, il devra attendre de terminer la bénédiction qu’il est train de dire. Selon le Choul’han ‘Aroukh, après avoir achevé cette bénédiction en cours, il devra s’envelopper du talith et attacher les téphilines en prononçant les bénédictions adéquates. Pour le Rama, il ne dira que la bénédiction des téphilines mais, pour le talith, il s’en enveloppera sans dire la bénédiction du talith, car on n’est pas tenu de s’en envelopper pour réciter le Chéma.
b) Si l’on apporte des téphilines à ce fidèle alors qu’il a déjà amorcé la récitation du Chéma, certains décisionnaires débattent de la façon appropriée d’attacher des téphilines lorsqu’on se trouve au milieu de la récitation d’un paragraphe ; cela, afin de ne pas sembler « porter témoignage contre soi-même » (cf. chap. 15 § 11), ne serait-ce que pour un unique verset. Malgré cela, à notre humble avis, le fidèle peut décider intérieurement de répéter ce même paragraphe depuis le début. [On cessera donc immédiatement sa lecture, on mettra les téphilines, puis on reprendra le même paragraphe à son début.] De cette façon, lorsqu’on mettra les téphilines, on sera considéré comme se trouvant entre les paragraphes, et l’on pourra, de l’avis de tous les décisionnaires, dire la bénédiction des téphilines. Pour plus de précaution, on peut continuer sa lecture du paragraphe jusqu’à son terme, à la manière d’une lecture de la Torah. Alors on mettra les téphilines avec bénédiction, comme on le ferait entre les paragraphes. De cette façon, on échappera à la controverse entre le Choul’han ‘Aroukh et le Rama, et l’on ne perdra pas le bénéfice de la seconde bénédiction des téphilines si l’on s’en tient à l’usage ashkénaze, comme ce serait le cas si l’on mettait les téphilines au milieu du paragraphe (cf. Michna Beroura 66, 47).
c) Si l’on apporte les téphilines alors que le fidèle est en train de dire la bénédiction qui suit le Chéma (Émet véyatsiv), de l’avis du Choul’han ‘Aroukh, on mettra talith et téphilines sans dire les bénédictions qui s’y rapportent. Selon le Rama, on dira la bénédiction des téphilines. Le Michna Beroura 66, 47 écrit que le bon usage consiste en ce cas à ne dire que la première bénédiction des téphilines, lehania’h téphiline, à l’exclusion de la seconde, al mitsvat téphiline [pour les Ashkénazes, qui disent deux bénédictions sur les téphilines].
d) Si l’on apporte ce talith et ces téphilines alors que le fidèle se trouve entre les mots Gaal Israël (conclusion de la bénédiction qui suit le Chéma) et le début de la ‘Amida, on mettra les téphilines sans bénédiction ; quant au talith, on ne le mettra pas, afin de ne pas s’interrompre entre la bénédiction de la Délivrance et la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 66, 8).

06 – S’interrompre par égard pour un homme important

Afin d’éviter haine et affronts, les sages ont permis de dire bonjour – alors même que l’on est en train de réciter le Chéma ou ses bénédictions – à une personne à l’endroit de laquelle la politesse oblige d’observer de tels égards. Par conséquent, si l’on se trouve au milieu des bénédictions du Chéma ou au milieu d’un des paragraphes du Chéma, et que l’on aperçoive un homme auquel on est obligé de témoigner de la déférence, comme son père, son Rav ou l’un des grands maîtres de la génération en matière de Torah, on lui adressera son salut. Si l’on aperçoit un homme honorable, tel qu’un érudit (talmid ‘hakham), un homme fortuné ou possédant quelque autre distinction, on ne lui adressera pas son bonjour le premier ; mais si cet homme distingué nous envoie son bonjour, on lui répondra.

Si l’on se trouve entre deux bénédictions ou entre deux paragraphes du Chéma, la règle est plus indulgente, et il devient permis de s’interrompre de sa propre initiative afin de dire bonjour à un homme distingué ; quant à répondre, on peut dans un tel cas rendre son bonjour à tout homme (Choul’han ‘Aroukh 66, 1 ; Michna Beroura et Kaf Ha’haïm). Au milieu du verset Chéma Israël et de la phrase Baroukh chem kevod malkhouto…, on ne s’interrompt pas, à moins qu’une interruption ne soit nécessaire pour sauver une vie humaine.

Les décisionnaires écrivent que, dans la mesure où il est admis, de nos jours, de ne pas s’interrompre au milieu de la prière, les personnalités distinguées elles-mêmes ne se sentent pas offensées par le fait que l’on ne leur adresse pas son bonjour. Dès lors, il n’est plus permis de s’interrompre au cours du Chéma ou de ses bénédictions pour adresser son bonjour à un homme distingué ou à un homme auquel on doit de la déférence (Michna Beroura 66, 2 d’après Séfer Ha’hinoukh). Toutefois, s’il se présente un homme qui ne connaît pas la valeur de la prière, et qui risque d’être offensé si l’on s’abstient de lui répondre, il est permis de lui adresser son bonjour. De même, quand les parents d’un ba’al-techouva[c] ne saisissent pas la valeur de sa prière, le baal-techouva est autorisé à leur dire bonjour, mais il ne leur parlera pas davantage.

On est autorisé à s’interrompre par des paroles, au milieu du Chéma et de ses bénédictions, afin de se mettre à l’abri d’un dommage corporel ou d’une perte pécuniaire. Dans ces différents cas, il est préférable de s’interrompre entre les paragraphes ou entre les bénédictions (voir Béour Halakha 66, 1, passage commençant par O). De même, un Rav auquel est présentée une question urgente peut y répondre, entre les paragraphes ou entre les bénédictions (‘Aroukh Hachoul’han 66, 4).

Si on lit le Chéma et ses bénédictions, et que passe devant soi un érudit, on se lèvera devant lui (Birké Yossef, Yoré Dé’a 244, 1). Toutefois, lorsque l’on reçoit le joug de la royauté du Ciel en récitant le verset Chéma Israël et la phrase Baroukh chem…, il n’y a pas lieu de se lever. On trouve également un avis selon lequel, durant toute la récitation du Chéma, il est préférable de ne pas se lever (Tsits Eliézer 14, 10).

Si l’on voit son prochain transgresser un interdit, alors qu’on est soi-même en train de lire le Chéma et ses bénédictions, on lui fera un signe afin de le détourner de cette transgression. Si l’allusion n’est pas comprise, on s’interrompra par des paroles afin de détourner son prochain de la transgression. En effet, si les sages ont autorisé de s’interrompre au milieu de la lecture du Chéma ou de ses bénédictions en l’honneur d’un être de chair et de sang, à plus forte raison est-ce autorisé en l’honneur du Ciel (Ritva ; Kaf Ha’haïm 66, 7).

Il n’est pas souhaitable de quêter pour la caisse de bienfaisance au milieu des bénédictions du Chéma, afin de ne pas distraire les fidèles de leur kavana. Mais quoi qu’il en soit, si un pauvre honorable demande une tsédaqa (un don), on pourra la lui donner (Halikhot Chelomo 7, 4).


[c]. Ba’al-techouva: « repentant », Juif qui revient à la pratique des mitsvot après en avoir été éloigné.

07 – Juxtaposition de la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida

Bien que la récitation du Chéma et de ses bénédictions constitue une mitsva en soi, et que la ‘Amida soit elle aussi une mitsva en soi, il est nécessaire de juxtaposer ces mitsvot l’une à l’autre, et il est interdit de s’interrompre entre elles. Nos sages disent que quiconque accole la bénédiction de la Délivrance[d] à la ‘Amida a part au monde futur (Berakhot 4b). Si on les enchaîne suivant l’usage de Vatiqin[e], on est assuré de ne connaître aucun dommage ce jour-là (Berakhot 9b et Tossephot ad loc.). Quant à celui qui s’interrompt entre la mention de la Délivrance et la ‘Amida, il ressemble à cet ami du Roi, venu frapper à la porte royale ; quand le Roi sort de son palais afin de connaître sa requête, il s’aperçoit que son ami est parti s’occuper d’autre chose ; aussi le Roi part-il à son tour pour s’occuper d’autre chose. La mention de la Délivrance, qui rappelle que Dieu délivra Israël d’Egypte, est semblable au fait de frapper à la porte du Roi. En effet, la Délivrance du peuple d’Israël témoigne du grand amour du Saint béni soit-Il à l’égard d’Israël ; aussi, la sortie d’Egypte est-elle considérée comme les fiançailles du Saint béni soit-Il avec Israël. Or il est interdit de perdre le bénéfice de ce moment. C’est empreint de la proximité particulière qui se manifeste au sein de la Délivrance, que l’on doit parvenir à l’attachement (deveqout) que représente la prière, et demander que, de même que Dieu nous a délivrés de l’Egypte, il nous bénisse et nous délivre de nouveau (cf. Talmud de Jérusalem, Berakhot, chap. 1 halakha 1).

Même si l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha alors que l’on se trouve entre Délivrance et ‘Amida, on n’y répond pas (Choul’han ‘Aroukh 66, 9). Même pour écouter en silence, on ne s’interrompt pas entre Délivrance et ‘Amida[5].

De nombreux officiants ont l’usage de terminer la bénédiction de la Délivrance (Gaal Israël) en silence, afin que les fidèles ne répondent pas amen. En effet, selon certains avis, si l’on a achevé cette bénédiction et que l’on n’a pas encore commencé la ‘Amida, on doit répondre amen, et cela ne constitue pas une interruption, dans la mesure où le fait de répondre amen à la bénédiction Gaal Israël n’est rien d’autre que le prolongement de la mention de la Délivrance (Rama). Face à cela, d’autres pensent que le fait de répondre amen à la bénédiction Gaal Israël constitue lui aussi une interruption entre la mention de la Délivrance et la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh). Pour faire échapper les fidèles à cette situation de doute, certains officiants ont coutume de conclure la bénédiction à voix basse, afin que l’on ne puisse y répondre amen. D’autres n’ont pas cette crainte, et terminent la bénédiction Gaal Israël à haute voix. Autrefois, quand il se trouvait parmi l’assemblée des fidèles qui s’acquittaient de leur obligation en écoutant l’officiant, c’était une obligation pour ce dernier de dire toute la bénédiction à voix haute[6].

Si l’on est en retard, et que l’on arrive à l’office alors que l’assemblée s’apprête à dire la ‘Amida, on priera suivant l’ordre habituel, et l’on juxtaposera la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida. Bien que, ce faisant, on perde le bénéfice de la récitation de la ‘Amida avec la communauté, il est préférable de prier en respectant l’ordre habituel, car juxtaposer la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida a priorité sur le fait de prier avec la communauté. Toutefois, pour l’office d’Arvit, la règle est différente (Choul’han ‘Aroukh 236, 3 ; cf. ci-après chapitre 25 § 4).

Selon la majorité des décisionnaires, le Chabbat, il n’est pas à ce point nécessaire de juxtaposer la mention de la Délivrance à la ‘Amida. Aussi, dans le cas où l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha entre Délivrance et ‘Amida, on y répondra[7].


[d]. Dernière bénédiction du Chéma, appelée Gaal Israël (« qui délivras Israël »), d’après ses derniers mots, ou Birkat haguéoula (« bénédiction de la Délivrance »).
[e]. De façon à commencer la ‘Amida au premier rayon du soleil.

[5]. Si l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha, de l’avis du Téhila lé-David on se tait et l’on écoute, à la manière de celui qui entend ces mêmes passages alors qu’il est en train de dire la ‘Amida. L’écoute est alors considérée comme une réponse effective. C’est la position du Yalqout Yossef I p.179. Pour le Chaaré Techouva, en revanche, il est interdit de s’interrompre, même en silence, et la loi qui s’applique au passage entre Délivrance et ‘Amida est plus sévère que celle qui s’applique à l’intérieur même de la ‘Amida. C’est aussi la position du Kaf Ha’haïm 66, 39. A notre humble avis, puisque la majorité des décisionnaires pensent qu’il n’est pas obligatoire de répondre lorsque l’on est en train de réciter les bénédictions du Chéma, et à plus forte raison la ‘Amida, il est de toute façon plus indiqué de commencer à dire la ‘Amida sans attendre.

Si l’on a besoin d’écouter le Qaddich ou la Qédoucha, parce que l’on n’aura pas d’autre occasion d’y répondre, on adopte a priori la directive du Choul’han ‘Aroukh 66, 9 : lorsqu’on en est au passage Chira ‘hadacha (« un cantique nouveau »), dernier passage avant la conclusion de la bénédiction de la Délivrance, on attend, afin de pouvoir répondre au Qaddich ou à la Qédoucha. [Puis on termine la bénédiction Gaal Israël, en l’enchaînant à la ‘Amida. En retardant la conclusion (Baroukh… Gaal Israël), on évite l’interruption au moment crucial que constitue le passage entre Gaal Israël et le début de la ‘Amida.] Pour le cas du fidèle auquel on apporte un talith et des téphilines alors qu’il se trouve au milieu de la bénédiction de la Délivrance, voir la fin de la note 4.

[6]. Pour le Choul’han ‘Aroukh 111, 1 se fondant sur le Zohar, le seul fait de répondre amen à la bénédiction Gaal Israël est considéré comme une interruption. Pour le Tour et le Rama, ce n’en est pas une. Quoi qu’il en soit, le Michna Beroura 66, 35 écrit qu’il est bon de ne pas s’exposer au doute et, à cette fin, de conclure la bénédiction Gaal Israël en même temps que l’officiant. Si l’on termine avant l’officiant, il vaut mieux commencer à dire la ‘Amida ; de cette façon, même de l’avis du Rama, on n’aura pas à répondre amen. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han (décisionnaire ashkénaze), en tout état de cause, même si l’on n’a pas commencé la ‘Amida, l’usage est de ne pas répondre amen. Quant à l’usage consistant à conclure Gaal Israël à voix basse, cf. Beit Baroukh qui est hésitant à ce sujet ; d’autres font l’éloge de cet usage, cf. Iché Israël.

[7]. Selon Hagaot Achré et le Maharil, le Chabbat, il n’est pas si nécessaire de juxtaposer la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida car, d’après ce que l’on peut apprendre des versets, cette juxtaposition n’est obligatoire que les jours de peine (yom tsara) ; en revanche, le Chabbat, qui n’est pas un jour de peine, il n’est pas nécessaire de faire un tel enchaînement. Le Beit Yossef écrit que cet avis est acceptable. Toutefois, le Rama (111, 1) pense que, a priori, il est bon d’être rigoureux et d’opérer cette juxtaposition, le Chabbat y compris, mais qu’en cas de nécessité cela n’est pas obligatoire. Pour le Kaf Ha’haïm 111, 9, la règle applicable le Chabbat est semblable à celle des jours de semaine. Mais le Michna Beroura 9 et le Béour Halakha, ainsi que le Yalqout Yossef, sont d’avis que, si l’on entend, durant le Chabbat, le Qaddich ou la Qédoucha alors que l’on se trouve entre Délivrance et ‘Amida, on y répond. En revanche, si l’on est en retard, on ne se joindra pas à la ‘Amida de la communauté, ce qui aurait pour effet de repousser le Chéma et ses bénédictions après la ‘Amida, comme on en a l’usage à l’office d’Arvit, mais on priera dans l’ordre habituel, afin de juxtaposer la Délivrance à la ‘Amida.