Pniné Halakha

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Chapitre 09 – Les kitniot (légumineuses)

01. Origine de la coutume ashkénaze

Le ‘hamets que la Torah interdit est produit à partir de l’une des cinq céréales que sont : le blé, l’orge, l’épeautre, l’avoine et le seigle. Quant aux autres espèces, telles que le riz ou le millet, même si elles lèvent, leur fermentation n’est pas assimilée à celle des cinq espèces susmentionnées, et il est permis de les manger à Pessa’h. Il est vrai qu’un Tanna (maître de la Michna), Rabbi Yo’hanan ben Nouri, estime que le statut du riz est semblable à celui des cinq espèces, et que sa forme fermentée est interdite par la Torah. Mais selon les autres sages d’Israël, même si le riz lève, il est permis de le manger à Pessa’h (Pessa’him 35a) ; et tel était l’usage des grands sages de la Michna (les Tannaïm) et du Talmud (les Amoraïm). On rapporte ainsi que Rava mangeait du riz le soir du Séder (Pessa’him 114b).

Cependant, à l’époque des Richonim (il y a environ sept cents ans), on a commencé, dans les pays de langue germanique, à s’abstenir de consommer des légumineuses (qitniot). Ce n’étaient d’abord qu’une minorité de communautés qui avaient l’usage de se l’interdire ; puis, en quelques générations, la coutume se répandit dans toutes les communautés ashkénazes. Trois motifs principaux ont été donnés pour expliquer cette coutume :

  1. a) Puisqu’on a l’usage de cuire les légumineuses, comme les céréales, dans une casserole, il est à craindre que, si l’on cuit du riz, on y cuise aussi, par erreur, du gruau ou d’autres espèces céréalières.
  2. b) On a également l’habitude de faire de la farine à partir de légumineuses ; il est donc à craindre que des personnes ignorantes, voyant que l’on cuit, à l’eau ou au four, des aliments à base de farine de légumineuses sans prendre garde à leur fermentation, n’en viennent à se tromper, et à cuisiner de la farine de céréales, qui fermentera de leur propre fait. Certes, à l’époque talmudique, les Amoraïm n’avaient pas cette crainte, mais cela s’explique par le fait que la tradition était, à cet égard, claire et stable ; à la suite des exils et des pérégrinations, en revanche, la crainte s’est renforcée de voir, parmi les personnes simples, des Juifs ne sachant pas exactement ce qui est interdit et ce qui est permis, et qui, à la faveur de leur consommation de légumineuses, en viennent à consommer, par erreur, des céréales, sans prendre garde à leur fermentation.
  3. c) Le troisième motif est la ressemblance entre les céréales et les légumineuses : dans les deux cas, il s’agit de grains, qui sont collectés, puis gardés dans les mêmes entrepôts, pendant des périodes longues ; de sorte qu’il est à craindre que des grains de blé ou d’orge ne se mêlent aux légumineuses, et que, lorsqu’on cuira ces dernières, les grains de blé ou d’orge ainsi mêlés ne fermentent. De nos jours encore, cette crainte demeure, car, dans les mêmes entrepôts, on stocke parfois des céréales, parfois des légumineuses, et l’on n’a pas l’habitude de les nettoyer d’une fois à l’autre. De sorte que, concrètement, lorsqu’on inspecte des légumineuses, on y trouve aussi des grains de céréales. Ce mélange vient aussi du fait que, dans les mêmes champs, on a l’habitude de cultiver des céréales pendant un certain nombre d’années, puis, pour renouveler la vigueur de ces champs, on y cultive des légumineuses. Or il reste toujours dans ces champs des semences propres à la culture précédente ; par conséquent, si l’on a d’abord fait pousser du blé dans tel champ, puis du fenugrec, un peu de blé poussera aussi, avec les pousses de fenugrec ; et, après la moisson, parmi les grains de fenugrec, se trouveront aussi des grains de blé. Il en va de même pour les autres espèces. Parfois même, il ne se trouvera pas soixante fois plus de grains de légumineuses que de grains de céréales, comme on a pu le démontrer en examinant des récoltes. Ce problème concerne les espèces qui ressemblent, par leur taille, aux céréales.
  4. Coutume séfarade à l’égard des légumineuses et du riz

02. Coutume séfarade à l’égard des légumineuses et du riz

À l’époque des Richonim, toutes les communautés séfarades avaient coutume de consommer des légumineuses et du riz à Pessa’h. On veillait simplement à les bien trier, afin qu’il ne s’y mêlât point de céréales. C’est ainsi que Rabbi Yossef Caro écrit, dans le Beit Yossef (chap. 453), que personne n’a de telles craintes, hormis les Ashkénazes. Et telle est la coutume de la majorité des communautés séfarades.

Toutefois, parmi les A’haronim, certains des grands décisionnaires séfarades écrivent que de nombreuses personnes, accomplies dans leurs actions et craignant Dieu, ont pris l’usage de s’abstenir de riz à Pessa’h, ce en raison d’un incident qui eut lieu : il arriva qu’après avoir trié du riz plusieurs fois, on trouva encore du blé dans le plat de riz qui fut cuisiné (Peri ‘Hadach, ‘Hida). C’est ainsi que l’on adopta, à Smyrne, l’usage de s’abstenir de riz (Lev ‘Haïm 2, 94). Au Maroc également, nombreux sont ceux qui ont coutume de ne pas manger de riz pendant Pessa’h, ni de certaines autres légumineuses sèches. De nombreuses familles, à Bagdad, s’abstenaient de riz à Pessa’h ; et à ceux qui en mangeaient, on prescrivait de le vérifier deux ou trois fois (Ben Ich ‘Haï, première année, 96, 41). Il est juste que chacun poursuive la tradition de ses pères ; mais en cas de doute, ou de difficulté à maintenir ladite tradition, il convient de poser une question à une autorité rabbinique.

Il y a certaines épices, telles que le cumin, le curcuma et le fenugrec, auxquelles des céréales sont souvent mêlées ; sans inspection minutieuse, il est interdit de les consommer.

De nos jours, où le riz est stocké dans des postes d’emballage de farines et de semoule, ceux qui ont coutume de manger du riz à Pessa’h doivent acheter des sacs de riz portant un certificat de cacheroute spécifique à Pessa’h, puis bien trier le riz trois fois (‘Ama Davar 1, 61).

03. Epoux originaires de communautés différentes

Question fréquemment posée : que doivent faire des époux dont l’un vient d’une famille où l’on avait coutume d’interdire les légumineuses et l’autre d’une famille où l’on en mangeait ? L’un des grands Richonim, Rabbi Chimon ben Tséma’h Duran (Tachbets 3, 179), parlant d’un tel cas, écrit que la chose est simple et n’offre point de doute : il est inenvisageable que, les époux étant assis régulièrement à la même table, ce qui est permis à l’un soit défendu à l’autre. Aussi la femme doit-elle se conformer aux coutumes de son mari, car la femme est comme une partie de l’être même de l’homme. Nous voyons, dans le même sens, qu’une Israélite, quand elle épouse un Cohen (prêtre), prend le statut de Cohénet, et consomme donc de la térouma (part réservée aux prêtres) ; à l’inverse, une Cohénet, quand elle se marie avec un simple Israélite, prend le statut d’Israélite, à qui il est interdit de manger de la térouma. Des lois de la prêtrise, nous apprenons encore que, si le mari est mort, et que la veuve a un fils ou une fille de cet homme, elle conservera la coutume de son défunt mari ; si elle n’en a pas eu d’enfant, elle reviendra à la coutume de sa maison paternelle. (Toutefois, dans les cas de mariage mixte, on va d’après la femme ; car c’est la mère qui détermine la judéité de l’enfant, et non le père.)

Le Rav Moché Feinstein (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 158) ajoute que le statut de la femme est semblable à celui d’une personne venant habiter dans un village où tout le monde a des coutumes différentes de celles dont elle avait l’habitude : si cette personne a l’intention d’habiter là de façon permanente, elle doit annuler ses coutumes précédentes et se conformer à celles des gens de son nouveau lieu (d’après Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 214, 2 ; Ora’h ‘Haïm 468, 4, Michna Beroura 14) ; de même, quand une femme se marie, c’est comme si elle passait désormais de sa maison paternelle à celle de son époux, si bien qu’elle doit adopter les coutumes de celui-ci.

D’après cela, si une femme ashkénaze est mariée à un Séfarade, elle peut manger des légumineuses à Pessa’h, et il n’est pas besoin, à cette fin, de procéder à l’annulation des vœux[a]. En effet, la règle veut que la femme suive les coutumes de son mari[1].


[a]. Hatarat nédarim : procédure d’annulation des vœux devant un tribunal rabbinique. Une coutume à laquelle on s’est conformé jusqu’ici de manière permanente est semblable à un vœu que l’on aurait contracté.

[1]. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 158 prouve que cette loi est toranique. En effet, nous voyons que la Torah dispense la femme mariée de l’obligation d’honorer ses parents [obligation consistant notamment à servir ses parents âgés] ; car la mitsva d’honorer ses parents requiert, dans le cas où il est nécessaire d’aller habiller et nourrir ses parents, que l’on y aille ; or dans la mesure où l’obligation de la femme envers son propre foyer a priorité, la Torah la dispense de tels devoirs envers ses parents (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 240, 17. Bien sûr, quand il n’y a pas de conflit entre ces deux devoirs, c’est une grande mitsva que d’aller honorer ses parents). D’après cela, il apparaît que la place de la femme, selon la Torah, est le foyer de son époux.

L’auteur écrit encore que la femme n’a pas besoin, pour adopter les coutumes de son époux, d’annulation des vœux. C’est aussi ce qui ressort du Michna Beroura 468, 14, selon lequel, quand on change de domicile, on a l’obligation d’adopter les usages des gens du nouveau lieu, ce qui laisse entendre que, puisque telle est la halakha, il n’est pas besoin d’annulation des vœux. C’est aussi l’avis du Kaf Ha’haïm 468, 43. De plus, en cas d’ardente nécessité, les Ashkénazes n’ont pas pris sur eux de s’abstenir de légumineuses ; ainsi, en cas de sécheresse, ou pour les besoins d’un malade, on est indulgent (Michna Beroura 453, 7). En outre, si deux coutumes contraires devaient coexister dans une même maison, cela entraînerait évidemment du tourment. Certes, pour le Sidour Pessa’h Kehilkhato 16, 13, la femme doit procéder à l’annulation des vœux ; quant au ‘Hazon ‘Ovadia p. 56 et note 10, il estime que la meilleure chose est d’y procéder en effet. Cependant, en pratique, elle n’a point besoin d’y procéder, et tel est l’usage.

Les Ashkénazes peuvent-ils annuler leurs vœux afin de pouvoir manger des légumineuses ? Selon le Mahari Ben Lev 38, si un Juif avait coutume de s’abstenir de légumineuses parce qu’il croyait que c’était du ‘hamets, il est autorisé à annuler ses vœux. Mais s’il savait, ou que ses ascendants aient su que ce n’est là qu’une rigueur coutumière, il n’y a pas lieu de procéder à l’annulation. D’après cela, il est interdit aux Ashkénazes d’annuler leurs vœux pour pouvoir consommer des légumineuses. Selon le Peri ‘Hadach 468, en revanche, quand un usage est né d’une erreur, il n’est aucun besoin de l’annuler ; mais si l’on savait qu’il s’agissait d’un usage rigoureux, on peut procéder à l’annulation. (Le sujet mérite cependant approfondissement : le Peri ‘Hadach dirait-il cela, même dans le cas d’une coutume adoptée par une communauté entière ? Il se peut qu’en ce cas, de son avis même, l’annulation n’ait aucun effet.) Le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 122 appuie l’opinion du Mahari Ben Lev. Et tel est bien l’usage, en pratique : on ne voit nulle part que des Ashkénazes procèdent à l’annulation des vœux pour manger des qitniot ; c’est seulement en cas de maladie que l’on fait une telle annulation.

04. Espèces incluses dans l’interdit

Les aliments connus pour être interdits au titre des légumineuses sont les suivants : riz, luzerne, pois, millet, sorgho, pois chiche, fenugrec (‘hilba), graines de tournesol, moutarde, sarrasin (koussémet, à ne pas confondre avec l’épeautre, kousmin, qui est une céréale interdite à Pessa’h), cumin, vesce, haricot sec, louf[b], soja, sapir[c], lentille, fève, lupin (tramousse), pavot, lin, carvi (kerouya), chanvre, haricot, sésame, graines de lupin, maïs, graines de trèfle, tamarin (datte indienne). Les produits fabriqués à partir de ces qitniot sont, eux aussi, inclus dans l’interdit coutumier, tels que les cornflakes (pétales de maïs), la farine de maïs, ou les galettes de riz. Le safran (que l’on appelait autrefois karkom) est permis, de même que le curcuma (kourkoum). Mais quand il est à craindre que de la farine soit mêlée au safran, celui-ci est interdit.

La moutarde et le lin ne sont pas des légumineuses, mais on a pris l’usage de les interdire parce qu’ils croissent sous forme de cosses, comme les légumineuses. L’aneth et les graines de coriandre ne sont pas des légumineuses, mais il faut bien les trier, car des grains de blé y sont fréquemment mêlés.

Concernant les cacahuètes, les usages divergent. À Jérusalem et dans de nombreux endroits, on s’abstient d’en manger (Miqraé Qodech 2, 60). En Lituanie, on avait l’usage d’en manger. Dans le cas où l’on ne saurait pas quel était l’usage de sa famille à cet égard, on pourra en manger (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 63).

La fécule de pomme de terre est autorisée à Pessa’h. Il n’y a pas lieu de dire que, au titre de la coutume interdisant les légumineuses, il faudrait interdire toute chose dont on fait de la farine ; en effet, seuls les produits que les grands Richonim ashkénazes avaient coutume d’interdire sont inclus dans la défense traditionnelle ; or il n’y avait pas alors de pommes de terre en Europe, si bien qu’elles échappent à l’interdit (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 63).

Concernant le quinoa, certains auteurs sont rigoureux, car il ressemble à une légumineuse ; d’autres sont indulgents, et estiment que l’interdit coutumier ne s’y applique pas, puisque ce n’est que dans la dernière génération que l’on a commencé à le consommer. De plus, ses graines sont beaucoup plus petites que celles des céréales, de sorte qu’on peut les en distinguer facilement. En pratique, l’opinion indulgente est principale, à condition de bien trier les graines ; ceux qui s’en tiennent à la position rigoureuse seront bénis pour cela.


[b]. Plante citée par la Michna, qui serait l’arum palestinien, ou une plante de l’espèce colocasia, dont les tubercules sont comestibles après plusieurs ébullitions.

[c]. Autre plante citée par la Michna. Selon les avis, il s’agirait d’une sorte de fève, de la vesce de Narbonne ou du haricot mungo.

05. Application de la coutume

Pour ceux-là même qui ne consomment pas de qitniot, il est permis de les conserver chez soi pendant Pessa’h. De même, il est permis d’en tirer profit, par exemple d’allumer une veilleuse avec de l’huile de légumineuses (Rama 453, 1).

Une personne ayant coutume de s’abstenir de légumineuses est néanmoins autorisée à en cuisiner pour celui qui a coutume d’en consommer à Pessa’h. En ce cas, il est bon de faire un signe informant que l’on ne cuisine pas pour soi-même. Il est de même permis au propriétaire d’un magasin d’alimentation d’y vendre des légumineuses pendant Pessa’h. Mais s’il est à craindre que des grains de blé soient mêlés aux légumineuses, et que ces dernières ne soient pas en quantité plus de soixante fois supérieure à celle du blé, on ne les vendra pas, afin de ne pas induire les acheteurs à transgresser l’interdit du ‘hamets. Il sera bon, par conséquent, de les inclure dans la vente du ‘hamets avant Pessa’h.

Si l’on a cuisiné un plat pour Pessa’h, et que des légumineuses y soient tombées : si l’on peut extraire les grains de légumineuse du plat, on les extraira, et ce qu’il est impossible d’extraire sera annulé au sein de la majorité. Mais si la majorité du plat est constituée de légumineuses, le plat sera considéré comme un plat de légumineuses, et il sera interdit de le manger à ceux qui se conforment à l’interdit coutumier des qitniot (Rama 453, 1, Michna Beroura 8-9).

Il est permis à ceux qui s’abstiennent de légumineuses de manger et de cuisiner dans des ustensiles, dans lesquels des légumineuses ont été cuisinées auparavant, du moment que ces ustensiles sont propres[2].


[2]. Quand un mélange contient des légumineuses, celles-ci s’annulent au sein de la majorité constituée par les autres ingrédients. Certes, des propos du Teroumat Hadéchen, il semble ressortir que les légumineuses ne s’annulent que dans une quantité soixante fois supérieure d’autres ingrédients. Mais selon les A’haronim, il suffit d’une majorité d’autres ingrédients pour qu’elles soient annulées. C’est ce qu’écrivent le Choul’han ‘Aroukh Harav 453, 5, le ‘Hayé Adam 127, 1, le ‘Havot Yaïr 6, le Elya Rabba 4. Cela, à condition que le mélange se soit fait a posteriori [c’est-à-dire que l’on se trouve devant le fait accompli] ; mais il est interdit à ceux qui s’abstiennent de qitniot de faire un tel mélange a priori (Kaf Ha’haïm 453, 25). De même, si l’on est invité chez des personnes qui mangent des légumineuses, et que l’on n’ait rien d’autre à manger, on pourra, a posteriori, extraire d’un plat contenant beaucoup de qitniot ce qui n’en est pas, par exemple des pommes de terre et des courgettes, quoiqu’elles aient absorbé le goût des qitniot. Si l’aliment qitniot et l’aliment non-qitniot se sont mélangés totalement, au point qu’on ne puisse plus les séparer, on pourra manger de ce plat, tant que les qitniot s’annulent dans une majorité de non-qitniot. Cependant, si les hôtes savaient à l’avance qu’ils auraient un invité non mangeur de qitniot, l’invité ne devra pas manger d’un plat au goût de qitniot, puisque l’on considérera que ce plat en a été mêlé, a priori. Ce n’est que si les hôtes avaient prévu de lui cuisiner un plat sans qitniot, et que, par erreur, ils y aient mêlé des qitniot, qu’il sera permis à l’invité d’en manger.

Si l’on a cuisiné des légumineuses dans tels ustensiles, et que ces ustensiles aient été bien nettoyés ensuite, ils sont cachères pour ceux qui s’abstiennent de qitniot, puisque ces dernières ne sont pas considérées comme un entier interdit. Aussi, tant que l’on sait que ces ustensiles ne peuvent transmettre de goût aux aliments, il n’y a pas là d’interdit.

Selon  certains auteurs, la coutume interdisant les légumineuses n’entre en vigueur qu’au commencement de la fête (Sidour Pessa’h Kehilkhato 16, 10, note 42) ; en cas de nécessité pressante, on peut s’appuyer sur ces avis. Mais en pratique, selon l’avis couramment admis, l’interdit des légumineuses coïncide avec celui du ‘hamets : dès le moment où ce dernier est interdit à la consommation, les légumineuses le sont également (‘Hoq Ya’aqov 471, 2, Maharcham 1, 183, Chévet Halévi III 31).

06. Légumineuses qui n’ont pas été en contact avec l’eau ; huiles de légumineuses

Le statut des légumineuses n’est pas plus sévère que celui des cinq espèces céréalières dont on fait du ‘hamets. Tout ce qui est cachère en matière de céréales le sera donc également en matière de qitniot. C’est ainsi que, si telles légumineuses ne sont pas entrées en contact avec de l’eau, ou même s’il y a eu contact avec de l’eau mais que l’on ait veillé à ce que dix-huit minutes ne passent pas avant de les enfourner comme des matsot, il sera permis de les manger. Certains ont l’usage d’être rigoureux en la matière, mais la majorité des décisionnaires le permettent[3].

Les décisionnaires sont partagés quant au statut des huiles ou des eaux-de-vie produites à partir de légumineuses. Selon les auteurs indulgents, l’interdit des légumineuses ne s’applique pas à l’huile qui en provient. Suivant les avis rigoureux, la règle applicable à l’huile de légumineuses est semblable à celle qui s’applique aux légumineuses elles-mêmes, interdites à la consommation en vertu d’une coutume. Une opinion intermédiaire consiste à dire que, si les légumineuses ont été humectées avec de l’eau, elles sont déjà interdites, et l’huile qui en proviendra sera interdite elle aussi ; mais si on les a moulues à sec et que l’on en ait fait de l’huile, celle-ci sera permise[4].

L’huile de soja, l’huile de canola (colza) et l’huile de coton ne sont pas touchées par l’interdit ; malgré cela, nombreux sont ceux qui ont l’usage d’être rigoureux en s’abstenant d’huile de soja et d’huile de canola. Mais si l’on veut être indulgent, on y est autorisé. Quant à l’huile de coton, l’usage répandu est d’en permettre la consommation[5].

L’huile (lécithine) produite à partir de colza et qui entre dans la composition du chocolat n’est pas incluse dans l’interdit visant les légumineuses. Mais certains sont rigoureux à cet égard[6].

Les chocolats et bonbons, même quand ils portent l’inscription cachère pour Pessa’h, pour les consommateurs de qitniot uniquement (כשר לפסח לאוכלי קטניות בלבד) sont, si l’on s’en tient à la stricte obligation, autorisés à la consommation, y compris de ceux qui s’abstiennent de qitniot, car le mélange a été effectué avant Pessa’h, et la partie qitniot s’est annulée au sein de la majorité. De plus, il s’agit en général, non de légumineuses même, mais d’huiles de légumineuses ; or certains des plus grands décisionnaires estiment que la coutume interdisant les légumineuses ne s’applique pas à leur huile. Toutefois, dans la mesure où certains auteurs sont rigoureux en la matière, les organismes de cacheroute écrivent, sur ces produits, qu’ils ne sont cachères que pour les consommateurs de qitniot[7].


[3]. La majorité des décisionnaires pensent qu’il n’y a pas lieu d’être plus rigoureux en matière de légumineuses qu’en matière de céréales, comme l’écrivent le Choul’han ‘Aroukh Harav 453, 5, le ‘Hayé Adam 127, 1, les responsa du Maharcham I 183, le Beer Yits’haq 11, les responsa Mar’héchet 3, et le Rav Kook, dans Ora’h Michpat 111. Certains auteurs, il est vrai, sont  rigoureux en cette matière, notamment le Choel Ouméchiv I 1, 175  et le Maamar Mordekhaï 32. La raison qu’ils donnent à cela est que les gens risquent de ne pas comprendre ces distinctions, puisque en effet les légumineuses ne fermentent pas du tout. De plus, si l’on préparait des matsot à base de légumineuses, on risquerait de penser que l’on peut accomplir, avec de telles galettes, la mitsva de consommer la matsa. Mais la halakha est conforme à l’opinion indulgente, qui est majoritaire ; de plus, en toute controverse portant sur un simple usage, la halakha suit la position indulgente.

Les décisionnaires discutent encore si le fait d’échauder les légumineuses [c’est-à-dire le fait de les tremper quelques instants dans une eau déjà bouillante, procédé que nous appelons ‘halita] est de nature à autoriser leur consommation. En effet, en matière de céréales, et si l’on s’en tient aux fondements talmudiques de la halakha, la cuisson à l’échaudée annule la possibilité de fermenter. Cependant, les Guéonim sont d’accord sur le fait que, de nos jours, on ne sait plus, strictement parlant, cuire à l’échaudée ; et c’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 454, 3. Toutefois, s’agissant de légumineuses, dont l’interdiction n’est que coutumière, le Or Zaroua’ II 256 estime que la cuisson à l’échaudée suffit à autoriser leur consommation. Mais le Mordekhi l’interdit, ainsi que Rabbénou Pérets, dans ses notes sur le Séfer Mitsvot Qatan 222.

[4]. Le Teroumat Hadéchen 113 explique que l’huile produite à partir de qitniot est interdite, parce qu’on les humecte préalablement ; c’est aussi ce qu’écrit le Rama 453, 1. Des termes employés par le Teroumat Hadéchen, il ressort que, si l’on n’humectait pas les légumineuses, il serait permis d’en consommer l’huile. Rabbi Yits’haq El’hanan, dans les responsa Beer Yits’haq 11, est plus indulgent : si l’on trie d’abord les légumineuses afin de s’assurer qu’aucun grain de céréale ne s’y trouve mêlé, l’huile qui en sortira sera permise, parce qu’un acte aura été fait, prouvant que l’on connaît l’interdit. Dans le même sens, les responsa ‘Emeq Halakha 134 autorisent l’eau-de-vie de légumineuses, car l’interdit ne vise que ces dernières, et non les liquides qui en proviennent.

Face à cela, certains A’haronim ont interdit l’huile provenant de légumineuses, même quand celles-ci n’ont pas été humectées. C’est la position du Nichmat Adam 33 et du Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 373. Mais si l’on s’en tient aux termes du Teroumat Hadéchen, et à ceux du Rama qui les reprend, il ressort que l’huile est permise. Or cette position semble problématique, car le consommateur de l’huile mélangera ensuite celle-ci à un plat cuisiné contenant de l’eau, acte qui, s’il s’agissait de céréales, serait interdit. Cependant, selon le Teroumat Hadéchen et le Rama, la coutume consiste à interdire les légumineuses quand elles sont à l’état de grains, ou de farine, mais non d’huile. D’autre part, il n’est pas à craindre que des céréales se soient mêlées aux grains de qitniot, et qu’il y ait fermentation due au mélange d’eau avec l’huile desdites qitniot ; en effet, l’huile provenant de céréales a été annulée, avant Pessa’h, au sein d’une quantité soixante fois supérieure d’huile de qitniot, et elle ne se réactive pas à Pessa’h, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 447, 4. De plus, il semble que, même s’il s’agissait de céréales, les liquides qui en émanent ne soient pas susceptibles de fermentation, comme l’explique le Ora’h Michpat 111-112 ; les responsa Mar’héchet 3 s’expriment dans le même sens. Les responsa Tséma’h Tsédeq autorisent les pauvres à utiliser l’huile de qitniot, à condition que, lorsqu’elles étaient à l’état de grains, les qitniot n’aient pas été en contact avec de l’eau.

La décision du Rav Kook, dans Ora’h Michpat 108-114, autorisant généralement l’huile de sésame, est bien connue. Elle est motivée par le fait que, outre que les grains n’ont pas été humectés, l’huile, une fois produite, est soumise à un procédé de friture ; or, dans un semblable cas, s’il s’agissait d’huile de céréales, ce traitement annulerait toute possibilité de fermentation ; à plus forte raison sera-t-il efficace pour une huile de légumineuses. Le Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 533 s’exprimait dans le même sens, s’agissant d’une huile de colza ayant subi une phase de cuisson (ce responsum a été écrit en 5658/1898, onze ans avant que le Rav Kook ne se prononce en ce sens). Le Badats (tribunal rabbinique) de la communauté ashkénaze-‘hassidique de Jérusalem s’était alors prononcé contre l’avis du Rav Kook, avec grand bruit, par des protestations publiques, sans craindre de porter atteinte à l’honneur de la Torah, ni à celui  de tous les décisionnaires, nombreux, qui avaient étendu leurs autorisations bien au-delà. Le Rav Kook répondit à ses contradicteurs avec érudition, perspicacité, en présentant des preuves très fortes à l’appui de sa position. Parmi ses propos, il écrivit notamment (op. cit. p. 123) :

« En vérité, la démarche de mes maîtres, autorités éminentes et justes que j’ai eu l’honneur de servir – que leur mérite nous protège, nous et tout Israël –, consistait, chaque fois qu’il y avait place à l’indulgence, à ne pas pencher du côté de la rigueur, en particulier dans les domaines qui ne trouvent pas de fondement fort dans les propos de nos sages, de mémoire bénie, au sein du Talmud. Qu’il nous suffise en effet de ne pas déroger, à Dieu ne plaise, aux usages dans lesquels nous avons été conduits, d’après les coutumes de nos maîtres les décisionnaires. En revanche, concernant des détails dont on peut juger dans un sens ou dans un autre, il est évident qu’il est digne d’éloge, celui qui tend à l’indulgence, s’armant de sagesse afin de répandre le bien, à condition que ses paroles soient fondées sur la halakha, dans toute sa profondeur, et sur un raisonnement droit. »

De plus, écrit le Rav Kook (p. 126), si l’on ajoutait interdit sur interdit, sans que cet ajout trouvât son fondement dans la loi, il serait à craindre que l’on n’enfreigne une défense déduite d’une mitsva positive (lav haba miklal ‘assé), selon ce qu’explique Rachi, au début du premier chapitre de Beitsa : « Lorsque nos maîtres disent, dans les six ordres du Talmud, que l’on ne greffe pas de décret d’interdiction sur un autre décret d’interdiction, ils le tirent de ce verset : “Vous garderez mon observance (litt. Vous garderez ma garde)” (Lv 18, 30), ce que les sages interprètent : “Vous érigerez une garde”, c’est-à-dire : vous devrez instituer des décrets afin de protéger l’observance de ma garde, ma Torah, mais non pour protéger vos propres décrets protecteurs, de sorte que l’on n’ajoutera pas de décret au décret. »

En réponse à ses contradicteurs, selon lesquels il fallait être de plus en plus rigoureux dans nos générations, le Rav Kook écrit : « Je connais bien le caractère des gens de notre génération : c’est précisément quand ils verront que nous autorisons tout ce qu’il y a lieu d’autoriser, en nous fondant sur les profondeurs de la loi, qu’ils comprendront que, si nous n’autorisons pas d’autres choses, c’est en raison de la vérité de la loi toranique. Il s’ensuivra que nombreux parmi eux s’attacheront à la Torah, et écouteront la voix des maîtres, avec l’aide de Dieu. À l’inverse, s’ils s’apercevaient que certaines choses, qu’il eût convenu d’autoriser du point de vue de la stricte règle halakhique, ont néanmoins été interdites par les rabbins, sans considération de la gêne ni de la souffrance d’Israël, il s’ensuivrait une très grande profanation du Nom divin, à Dieu ne plaise, au point que nombre d’entre eux s’insurgeraient, disant de plusieurs règles essentielles de la Torah que, si les rabbins le voulaient, ils pourraient être permissifs. Par suite, le jugement s’en trouverait déformé » (op. cit. p. 126).

D’après cela, si l’on s’en tient à la stricte règle, même si l’on humectait les graines de sésame, l’huile de sésame serait cachère pour Pessa’h ; car, en matière de règle dont le fondement est coutumier, la halakha est conforme à l’opinion indulgente.

[5]. L’huile de soja est produite sans humectage des graines de soja ; par conséquent, pour la majorité des décisionnaires, et pour le Rav Kook, elle n’est pas interdite. Même s’il y avait un humectage préalable, la position principale, en halakha, serait conforme à l’opinion des décisionnaires indulgents, s’agissant d’une règle dont le fondement est coutumier. De plus, il est douteux qu’une telle huile soit touchée par  l’interdit même des qitniot, car le soja est arrivé en Europe il y a une centaine d’années seulement ; or le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 63 explique que seules les espèces que l’on avait effectivement l’usage d’interdire sont visées par cette coutume. C’est aussi la directive donnée par le Rav Dov Lior, rabbin et président du tribunal rabbinique de Hébron-Qiryat Arba.

S’agissant de l’huile de coton, le Miqraé Qodech 2, 60 a une position analogue ; l’auteur s’est notamment fondé sur l’opinion de Rabbi Haïm de Brisk, qui lui a été transmise. C’est encore la position du Sidour Pessa’h Kehilkhato 16, 4 au nom du Rav Feinstein. Toutefois, le Min’hat Yits’haq III 138 est rigoureux.

Huile d’arachide : nous avons vu, au paragraphe 4, qu’en Lituanie on avait coutume de manger des cacahuètes, comme l’écrit le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 63, car seules les espèces connues pour être coutumièrement défendues sont visées par l’interdit, tandis que les cacahuètes ne sont apparues que tardivement, si bien que l’interdit ne s’y applique pas. Face à cela, le Miqraé Qodech 2, 60 et les responsa ‘Helqat Ya’aqov 97 interdisent de manger des cacahuètes, mais autorisent l’huile d’arachide. C’est aussi la position du Melamed Leho’il, Ora’h ‘Haïm 88 et du Sridé Ech 2, 37, qui signale cependant que le Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 373 l’interdit, ainsi que le Min’hat Eléazar. En pratique, si l’on n’a pas connaissance du fait que, dans sa famille, on avait coutume d’être rigoureux, on peut être indulgent, car il s’agit d’un cas de doute portant sur une coutume.

[6]. Il est vrai que le Badats (tribunal rabbinique) de Jérusalem a l’usage d’être rigoureux quant à la lécithine de colza. Mais il n’y a pas à cela d’interdit lié aux qitniot, car de nombreux doutes convergent dans le sens de l’indulgence. Premièrement, le colza n’est pas une légumineuse, mais fait partie de la famille des crucifères, dont les fruits enlacent la tige, et dont les graines poussent dans une silique, comme la moutarde ; on en fait de l’huile pour l’industrie alimentaire. Par ailleurs, selon le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 63, il ne faut pas interdire ce qui n’était pas explicitement exclu par la coutume.

Ensuite, il faut traiter la question de savoir si le statut de qitniot peut s’appliquer à des graines quand il est clair que le végétal dont elles sont issues, fondamentalement, n’appartient pas aux qitniot. Certes, pour le Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 373, l’huile produite à partir du colza doit être considérée comme qitniot, à l’exemple de la moutarde (cependant, d’après l’auteur lui-même, si l’on fait bouillir l’huile, celle-ci sera permise, comme il l’explique au chap. 533).

De plus, nous avons vu que, selon certains décisionnaires, l’huile issue de légumineuses est permise. C’est l’avis du Maharcham I 183, pour qui l’huile de colza est cachère, parce qu’on la produit sans humecter les graines dans de l’eau ; or nous avons vu que, à cet égard, la majorité des décisionnaires sont indulgents, comme pour l’huile de sésame.

En outre, la lécithine s’annule, avant Pessa’h, au sein de la majorité représentée par les autres composants ; et selon le Beer Yits’haq, puisqu’on l’a mélangée aux autres ingrédients avant Pessa’h, elle est annulée. Or en une matière qui a pour fondement la coutume, il est évident qu’une telle conjonction de doutes a pour effet de faire pencher la halakha dans le sens de l’indulgence. C’est en ce sens qu’a tranché le Rav Mordekhaï Elyahou, Primat de Sion, comme le rapportent les responsa ‘Ama Davar I 62.

[7]. Même si des qitniot sont entrées dans la composition pendant Pessa’h, le Rama 453, 1 et le Michna Beroura 9 ont bien précisé que cela s’annule au sein de la majorité, quoique, bien entendu, il ne faille pas faire cela a priori. Mais dans notre cas, les ingrédients ont été mélangés avant Pessa’h, et non dans l’intention d’annuler une partie interdite au sein de la majorité, puisque, selon la coutume séfarade, il est permis de manger des légumineuses. Par conséquent, dès lors que les qitniot ont été mêlées avant Pessa’h, il sera permis de consommer le produit du mélange pendant Pessa’h. De plus, le Rav Yits’haq Elhanan, dans les responsa Beer Yits’haq 11 (comme nous le relevions en note 4) a décidé que l’interdit des qitniot ne portait pas sur leur huile, dès lors que celle-ci a été surveillée en vue de Pessa’h. Et c’est ce qu’enseignent en pratique le Rav Lior et le Rav Rabinowitz.

Le Rav Lior dit encore qu’il est permis de manger des haricots verts en cosses, ou des fèves en cosses, à Pessa’h, car, de cette manière, ils sont considérés comme des légumes et non comme des légumineuses. A priori, on n’a pas coutume de les interdire, et aucune des craintes mentionnées ci-dessus pour expliquer les motifs de l’interdit coutumier des qitniot ne s’y applique.

07. Cas de nécessité, malades et enfants

Même dans les communautés ashkénazes, il est certain que la coutume interdisant les légumineuses n’était pas aussi élevée, dans la hiérarchie des normes, que l’interdit du ‘hamets. Aussi, en cas de nécessité pressante – comme les années de sécheresse ou de famine –, les grands maîtres autorisèrent la consommation des légumineuses. Toutefois, en pratique, il est souvent arrivé que, en cas de sécheresse, les rabbins fussent partagés : les circonstances étaient-elles à ce point urgentes qu’il fallût autoriser les légumineuses ? Certains tendaient à l’indulgence, d’autres à la rigueur. Certains auteurs ne le permettaient qu’aux pauvres, mais l’interdisaient aux riches, car ceux-ci pouvaient acheter d’autres aliments. En ces matières, il faut se conduire, en tout endroit, selon les prescriptions du rabbinat local reconnu, car celui-ci incarne l’autorité en matière religieuse, le mara de-atra (maître du lieu).

Certains A’haronim ont écrit que, de l’avis même des décisionnaires indulgents, il faut appliquer l’indulgence en premier lieu à celles des espèces de légumineuses qui ne ressemblent pas aux céréales ; ce n’est que s’il n’y a pas d’autre choix que l’on pourra étendre l’indulgence au riz, au millet ou au sarrasin (kacha), qui ressemblent aux céréales (Nichmat Adam). Certains A’haronim ont encore écrit que, même lorsqu’on est indulgent, il faut d’abord échauder les légumineuses à l’eau bouillante, car, de cette manière, les céréales elles-mêmes ne fermentent pas. Et bien que, en pratique, on ne permette pas, de nos jours, d’échauder les céréales (cf. ci-dessus, chap. 2 § 7), il est préférable, quand on est contraint d’alléger la coutume interdisant les qitniot, d’amender cet allégement en ce qui est possible (‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 122, Michna Beroura 453, 7)[8].

De même, il est permis à un malade devant manger des légumineuses de les consommer à Pessa’h, même dans le cas où sa maladie ne le met pas en danger. Par exemple, si un malade souffre de constipation, il peut prendre des graines de lin trempées dans de l’eau, ce qui est utile contre cette affection. De même, il est permis de nourrir les bébés qui en auraient besoin d’aliments à base de riz (‘Hayé Adam 127, 6). Il convient en ce cas d’y assigner des ustensiles spécifiques. Dans tous les cas d’indulgence, il faut bien trier les légumineuses, de crainte que n’y soient mêlés des grains de céréales.


[8]. Le ‘Hayé Adam 127, 1 permet de consommer des légumineuses en cas de nécessité pressante, quand on ne parvient à se sustenter qu’avec grande difficulté. Cf. Nichmat Adam 20. C’est aussi l’avis du Mor Ouqtsi’a (qui pense cependant que, a priori, il conviendrait d’annuler entièrement la coutume interdisant les légumineuses). Dans son chapitre consacré aux légumineuses, le Hamo’adim Bahalakha indique que, selon le Hatechouva Méahava, le Maamar Mordekhaï et les responsa du Mahariz Enzil, il n’y a pas lieu de permettre une telle consommation, même en cas de nécessité pressante, ni pour répondre aux nécessités de l’heure.

Face à eux, le Maharam Padwa de Brisk (48) écrit que l’on est indulgent en cas de nécessité pressante. Les responsa Divré Malkiel I 28 et le Choel Ouméchiv, deuxième édition IV 158 ne sont indulgents que pour les pauvres. Le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 122 ne s’oppose pas à ceux qui autorisent, mais il attire notre attention sur le fait que, selon lui, les tenants de la position indulgente auraient dû donner pour directive d’échauder préalablement les légumineuses. Selon le Nichmat Adam, ibid. 20, il faut autoriser en premier lieu les légumineuses qui ne ressemblent pas à des céréales, et, faute de choix seulement, autoriser aussi celles qui y ressemblent. Le Michna Beroura écrit simplement que l’on peut autoriser la consommation de qitniot en cas de nécessité pressante ; il signale que, pour le ‘Hatam Sofer et le ‘Hayé Adam, il faut échauder les qitniot préalablement. Le ‘Aroukh Hachoul’han 453, 5 écrit : « Il est explicitement admis, en cas d’année de sécheresse, où les pauvres sont affamés de pain, ce qu’à Dieu ne plaise, que tous les sages de la ville, et à leur tête leur grand rabbin, permettent de manger des légumineuses, durant le Pessa’h de cette année. »

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