01. L’interdit de travailler la veille de Pessa’h
À l’époque du Temple, quand une personne apportait un sacrifice au Temple, elle n’avait pas le droit de travailler ce jour-là, parce que ce jour était, pour elle, comparable à un jour de fête (Yom tov), et qu’il ne convient pas de travailler quand son sacrifice est offert sur l’autel. La règle est la même la veille de Pessa’h, car tout Israël devait, à l’époque du Temple, apporter le sacrifice pascal (qorban Pessa’h), si bien que ce jour est comparable, à l’égard de tous, à un jour de fête. Mais puisque la période d’oblation du sacrifice pascal commence seulement au midi solaire (‘hatsot), l’interdit de travailler s’applique lui aussi à partir du midi solaire. Même après la destruction du Temple, le décret n’a rien perdu de son caractère impératif ; il est donc interdit d’exécuter un travail important, depuis le midi solaire du 14 nissan, veille de Pessa’h. Cette coutume répond aussi à un autre motif : que l’on ne soit pas affairé à son travail, ce qui pourrait nous faire oublier de détruire notre ‘hamets et de préparer les matsot, le vin, et les autres éléments nécessaires à la fête, à l’approche de la soirée du séder.
Dans certaines villes, on avait cependant coutume d’être rigoureux, et de s’abstenir de travailler depuis le matin du 14. Dans ces lieux, cette coutume avait force contraignante. Mais la coutume la plus communément répandue, de nos jours, en tout lieu, est d’autoriser le travail jusqu’au midi solaire.
Certes, nos sages ont prescrit, chaque veille de Chabbat également, de s’abstenir de travaux importants, afin de rester disponible pour les préparatifs du Chabbat ; mais la veille de Pessa’h, cette règle est plus sévère. En effet, s’agissant des veilles de Chabbat, les sages disent seulement que « quiconque y exécute un travail ne voit pas de signe de bénédiction en découler » ; tandis que, pour la veille de Pessa’h, ceux qui travaillaient étaient mis au ban. De plus, les veilles de Chabbat, les décisionnaires font commencer l’interdit à l’heure de Min’ha qetana, c’est-à-dire deux heures solaires et demie avant le coucher du soleil, tandis que, la veille de Pessa’h, l’interdit débute au milieu du jour[1].
Sur l’usage observé de nos jours, consistant à s’abstenir de travailler, la veille de Pessa’h, avant le midi solaire, cf. Michna Beroura 468, 12 et Kaf Ha’haïm 32. Du fait même que ces auteurs aient hésité quant à la coutume en vigueur à Jérusalem, il ressort clairement qu’il n’y a pas de coutume nette interdisant le travail dans la première moitié de la journée du 14. En effet, dans une ville où pèse l’interdit de travailler, cet interdit vaut aussi pour les invités ; à plus forte raison ne devrait-il pas y avoir d’habitants de cette ville qui travaillent. Dans les autres villes non plus, nous n’avons pas entendu qu’il y eût quelque endroit où la coutume fût, de nos jours, de ne pas travailler avant le milieu du jour.
Néanmoins, même quand on n’a pas coutume d’interdire de travailler depuis le début du jour, le Choul’han ‘Aroukh 468, 5, se fondant sur Maïmonide, est d’avis que la permission de travailler n’est accordée qu’à trois types de métiers : les tailleurs, les coiffeurs et les blanchisseurs, dont le travail est très intense à l’approche de la fête. Quant aux autres travaux, si l’on a commencé leur exécution avant la matinée du 14 et qu’ils soient nécessaires à la fête, on pourra les achever avant le midi solaire. Mais si l’on n’en a pas commencé l’exécution, il sera interdit de s’y atteler. Selon le Rama, qui se fonde sur la majorité des Richonim, parmi lesquels Rachi, le Raavad, le Roch et le Ran, cette règle s’applique aux villes où l’on n’a pas l’usage de travailler le matin du 14 (c’était le cas de la ville du Rama) ; mais dans un lieu où l’on a coutume de travailler jusqu’au midi solaire (comme c’est le cas dans nos villes, de nos jours), toute activité professionnelle est permise jusqu’au midi solaire. Tel est l’usage ashkénaze. Suivant les usages séfarades eux-mêmes, les opinions sont partagées, et certains ont la même position que le Rama ; cf. Kaf Ha’haïm 32. Or, dans un cas de doute portant sur une norme rabbinique, on suit la position indulgente.