[6]. Selon le
Touré Even sur
Méguila 4a, l’obligation des hommes trouve son fondement dans la révélation de l’esprit saint (
roua’h haqodech) ; si elle ne s’applique qu’aux hommes, c’est qu’elle est une obligation conditionnée par le temps. L’obligation des femmes, quant à elle, découle d’un raisonnement (
svara) :
af hen hayou bé-oto haness (« elles aussi bénéficièrent du même miracle »), et cette obligation est seulement de rang rabbinique. Aussi, pour le
Séfer Halakhot Guedolot et Rabbénou ‘Hananel, une femme ne peut acquitter un homme de son obligation. C’est aussi l’opinion du Raavia, du
Roqéa’h, et c’est ce qui paraît ressortir des propos de
Tossephot et du Ran. Se basant sur ces vues, le Mordekhi écrit que la formule de bénédiction de la Méguila diffère pour les femmes : au lieu de
liqro Méguila (« lire la Méguila »), elles disent
lichmoa’ Méguila (« entendre la Méguila »). Toutefois, selon Rachi, Maïmonide, le
Nimouqé Yossef, le
Or Zaroua’, Rabbi Yechaya A’haron
zal, le Méïri et d’autres, les femmes ont même obligation que les hommes, si bien qu’une femme peut acquitter un homme de son obligation, et la bénédiction qu’elle prononce est identique à celle de l’homme.
Certains auteurs estiment que le degré d’obligation de la femme est identique à celui de l’homme, mais que, pour une autre raison, elle ne peut rendre un homme quitte de son obligation : selon le Séfer Mitsvot Gadol, la lecture de la Méguila est semblable à celle de la Torah. Or le Maguen Avraham 689, 5 explique que, pour l’honneur de l’assemblée, les sages ont décidé qu’une femme ne lirait point devant un public masculin – ni même n’acquitterait un particulier de son obligation, en vertu du principe lo ploug (« ne pas appliquer de règle différente à des cas proches » [afin de ne pas entraîner d’erreur]). Selon le Colbo, si elle ne peut acquitter des hommes, c’est en raison du principe qol bé-icha ‘erva (« le chant féminin est une “nudité” » [dont l’écoute est interdite à l’homme]). Quant à ceux qui estiment que la femme peut acquitter des hommes de leur obligation, on peut expliquer que le cas dont ils parlent est celui des proches parents de la femme, cas dans lequel il n’est pas tellement à craindre que le chant doive être considéré comme « nudité ». On peut encore expliquer que le cas visé est celui dans lequel la femme se contente de lire, sans chanter selon les signes musicaux. Autre explication : si l’on s’en tient à la stricte obligation, lorsqu’il s’agit des nécessités d’une mitsva, on ne tient pas compte du principe qol bé-icha ‘erva ; cf. les sources de cette explication en Yalqout Yossef, Mo’adim p. 289.
[7]. Certains A’haronim estiment que, selon le Choul’han ‘Aroukh 289, 1-2, une femme peut acquitter un homme de la lecture, et que telle est la halakha (Birké Yossef 271, 1, Maamar Mordekhaï 689, 2). Selon le ‘Hazon Ovadia sur Pourim, p. 59, bien que l’opinion indulgente soit principale en la matière, « il ne faut s’appuyer sur elle qu’en cas de nécessité pressante ». Cependant, pour la majorité des A’haronim, l’opinion principale veut qu’une femme ne puisse acquitter un homme de la lecture, comme l’écrivent le Levouch, le Elya Rabba 689, 2, le Peri ‘Hadach 1, le ‘Erekh Hachoul’han 3, le ‘Hiqré Lev, le Dérekh Ha’haïm. Selon certains, telle est aussi l’opinion du Choul’han ‘Aroukh (Peri Mégadim, Echel Avraham 4 ; cf. Kaf Ha’haïm 14).
[8]. C’est le Qorban Netanel (sur le Roch, Méguila 1, 4, lettre מ) qui propose la thèse originale selon laquelle une femme ne peut pas acquitter de nombreuses femmes ; cette opinion est citée par Cha’ar Hatsioun 689, 15. Toutefois, il semble que l’intention du Cha’ar Hatsioun soit d’être rigoureux a priori seulement, puisqu’il écrit au paragraphe 16 que, suivant l’opinion principale, les femmes ont même degré d’obligation que les hommes. Le Halikhot Beitah (Peta’h Habaït 25) rapporte que Rav Chelomo Zalman Auerbach (cité par Halikhot Chelomo 19, note 4) critique la thèse du Qorban Netanel, et conclut que la halakha suit l’opinion du Rav Tikochinsky, lequel, dans son Loua’h Erets Israël, écrit qu’une femme peut rendre quittes de leur obligation de nombreuses femmes.
La logique sous-tendant l’opinion selon laquelle, pour une lecture destinée aux femmes, on ne récite pas les bénédictions, est que l’on tient compte de l’opinion qui veut que l’on ne dise pas de bénédiction à l’intention d’un individu (cf. ci-dessus, note 4), et que les femmes ont même statut qu’un individu (Kaf Ha’haïm 689, 19). Mais, pour la majorité des décisionnaires, il n’y a pas du tout lieu de tenir compte de cela, comme l’écrivent le Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm I 44 et le Halikhot Beitah 24, 6. Toutefois, il semble évident que c’est aussi une mitsva pour les femmes que d’écouter la Méguila parmi une grande assemblée, quoiqu’il ne s’agisse pas d’une obligation au même titre que les hommes – ce, pour la même raison qui dispense les femmes des mitsvot « positives » conditionnées par le temps, ainsi que de la prière en minyan. Cf. Pisqé Techouvot 689, 1.
Selon le Rama 689, 2, quand une femme dit la bénédiction, la formule doit être lichmoa’ Méguila ; c’est aussi ce qu’écrivent le Levouch, le Baït ‘Hadach et le Michna Beroura 692, 11. Cependant, la majorité des décisionnaires estiment que la femme dira, comme l’homme, ‘al miqra Méguila. Premièrement parce que, selon la majorité des décisionnaires, qui pensent comme Rachi et Maïmonide, l’obligation des femmes est identique à celle des hommes. Deuxièmement parce que, même si l’on se place du point de vue du Halakhot Guedolot et de Rabbénou ‘Hananel, pour lesquels les femmes ont seulement l’obligation d’entendre la Méguila, Rabbénou Tam dit que les femmes sont autorisées à accomplir ces mitsvot, comme les hommes, en prononçant la bénédiction – et telle est la coutume ashkénaze. Aussi peut-on s’abstenir de différencier la formule de bénédiction des femmes et des hommes. Telle est la coutume de la majorité des Séfarades, et c’est en ce sens que se prononcent le Peri ‘Hadach et le Gaon de Vilna. Cf. encore Pisqé Techouvot 689, 5.
Le traité Roch Hachana 29a enseigne : « Bien que l’on soit quitte, on en acquitte d’autres », c’est-à-dire : bien que l’on ait déjà accompli la mitsva, et que l’on en ait même prononcé les bénédictions, on peut répéter la lecture assortie de ses bénédictions à l’intention d’autres personnes, qui ne sont pas encore quittes. Selon le Halakhot Guedolot et Maïmonide, cet enseignement ne vise que le cas où la personne pour laquelle est lue la Méguila ne sait pas dire elle-même les bénédictions ; mais si elle sait les réciter, elle doit le faire elle-même. Selon le Or Zaroua’ et le Ran, même si le destinataire de la lecture sait les réciter, le lecteur peut les réciter à son intention.
De cette controverse dépend la question de savoir s’il est préférable qu’une des femmes pour qui la Méguila est lue récite les bénédictions. Or le Béour Halakha 273, 4 explique que toute cette controverse ne porte que sur la conduite à tenir a priori. Il est, de prime abord, préférable qu’une des femmes présentes récite les bénédictions à l’intention de toutes, de manière qu’elles soient quittes selon toutes les opinions. C’est ce qu’écrivent le Loua’h Erets Israël et le Halikhot Chelomo 19, 3. Toutefois, la coutume est fréquente qui confie au lecteur le soin de dire les bénédictions, comme le rapporte le Michna Beroura 585, 5 en matière de sonnerie du chofar, et 692, 10 en matière de lecture de la Méguila à l’intention des femmes. Cf. Torat Hamo’adim 5, 15 pp. 162-164. Le Min’hat Yits’haq III 54, 38, s’appuyant sur les propos du Choul’han ‘Aroukh 689, 5 et sur les éléments expliqués ci-dessus en note 4, écrit que, si dix femmes ne sont pas présentes, il est préférable que chacune dise les bénédictions pour elle-même. Ce qui précède concerne les bénédictions introductives ; quant à la bénédiction finale, Harav et rivénou, quand elle est récitée pour dix femmes, cf. ce que nous en disons ci-après, note 17.