Pniné Halakha

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Chapitre 17 – Villes ouvertes et villes fortifiées

01. Ce qu’est une ville « entourée de murailles »

Comme nous l’avons vu (chap. 15 § 4), deux dates ont été fixées pour la fête de Pourim : dans la plupart des lieux, on fête Pourim le 14 adar ; dans les villes qui étaient entourées de murailles à l’époque de Josué, fils de Noun, ainsi qu’à Suse, capitale de l’ancien empire perse, Pourim se fête le 15 adar.

Il n’y a pas de différence, à cet égard, entre une ville de la terre d’Israël et une ville située en terre étrangère : toute ville qui était entourée de murailles à l’époque de Josué, bien que ses murailles puissent être à présent détruites, a le statut de ville fortifiée, « entourée de murailles » (‘ir mouqéfet ‘homa). Seule Suse, capitale de l’ancien empire perse, où se produisit le miracle, a même statut que les villes entourées de murailles, bien que, à l’époque de Josué, fils de Noun, la ville ne fût pas encore bâtie (Choul’han ‘Aroukh 688, 1)[1].

À l’époque où les membres de la Grande Assemblée (anché Knesset Haguedola) instituèrent les jours de Pourim, on trouvait de nombreuses villes, principalement en terre d’Israël, qui disposaient d’une tradition attestant que, à l’époque de Josué, des murailles les entouraient ; on y fêtait donc Pourim le 15. Cependant, les années – nombreuses – passant, ces villes furent détruites, et la tradition qu’elles avaient détenue se perdit. Il est certaines cités antiques qui, cela est connu, étaient fortifiées à l’époque de Josué ; par ailleurs, de nos jours encore, on peut trouver des villes portant le même nom que ces cités antiques, comme Lod, par exemple. Mais nous ne savons pas avec certitude si la ville d’aujourd’hui se trouve sur le site même où se dressait la cité, du temps de Josué, ou bien si la Lod contemporaine porte simplement le même nom que la cité ancienne, mais qu’elle se trouve en réalité sur une zone simplement proche.

Dans d’autres cas, une cité antique a été dépeuplée de ses Juifs, et la tradition s’est perdue à son égard, de sorte que l’on ignore si elle existait à l’époque de Josué. Dans d’autres cas encore, nous savons que la cité existait à cette époque, mais nous ignorons s’il s’y trouvait alors des murailles ; c’est le cas, par exemple d’Hébron. Il n’est qu’une ville pour laquelle une tradition claire a subsisté, attestant qu’elle était fortifiée à l’époque de Josué : c’est bien sûr Jérusalem, ville de notre sanctuaire et de notre gloire. C’est seulement en cette ville que, de nos jours, on fête Pourim le 15. Nous étudierons en premier lieu les règles applicables à Jérusalem, puis les règles afférentes aux villes pour lesquelles il existe un doute[2].


[1]. Selon le traité Méguila 3b, une ville entourée de murailles (‘ir mouqéfet ‘homa) est une ville où l’on avait d’abord construit les fortifications, et ensuite les habitations. La règle est la même si l’on a construit d’abord les habitations dans l’intention de fortifier la ville ensuite, par la construction de murailles. Mais si l’on a construit simplement la ville, et qu’on l’ait fortifiée ensuite, elle n’est pas considérée – à l’égard des lois de Pourim – comme ville entourée de murailles (Choul’han ‘Aroukh 688, 1). Le Talmud ajoute : « Une ville où ne se trouvent point dix batlanim (notables, littéralement désœuvrés), est traitée comme un village [c’est-à-dire une ville ouverte]. » Selon le Cheïltot et Na’hmanide, telle est la règle à l’égard de Pourim. Selon Maïmonide, Tossephot, le Roch et de nombreux autres Richonim, cette distinction n’est faite qu’à l’égard des autres règles applicables aux villes entourées de murailles, mais, pour ce qui concerne Pourim, il n’est pas nécessaires que soient présents dix notables ainsi qualifiés. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 688, 1 ; cf. Michna Beroura 2.

Qu’appelle-t-on batlanim ? Selon Rachi, il s’agit de gens dégagés de leurs obligations professionnelles, et entretenus par la communauté afin qu’ils puissent participer assidument aux prières synagogales ; c’est aussi l’opinion du ‘Itour, de Maïmonide, du Nimouqé Yossef et d’autres. Selon Na’hmanide, le Rachba et le Ritva, il n’est pas nécessaire qu’ils soient affranchis de leur travail pour que ce titre s’applique à eux ; il suffit qu’ils assistent régulièrement aux offices de Cha’harit et d’Arvit, à la synagogue. Cf. Bérour Halakha 3b.

[2]. Selon les responsa Divré Yossef du Rav Yossef Schwartz, chap. 2, ce n’est qu’à l’égard de Jérusalem que l’on sait avec certitude que la ville était entourée de murailles à l’époque de Josué. En effet, le Radbaz 2, 681 estime, par exemple, qu’Hébron n’était pas fortifiée (cf. revue Te’houmin 1, pp. 122-123), tandis que le ‘Hida écrit que l’on y avait coutume de lire également la Méguila le 15 (Kaf Ha’haïm 688, 17). Le traité Méguila 4a explique que Lod était fortifiée, mais il n’est pas sûr que la Lod contemporaine se trouve au même emplacement que la ville antique ; aussi, son statut est-il douteux, comme l’écrit le Yabia’ Omer VII 60. S’agissant de Tibériade, selon Méguila 5a, le cas est douteux, car un côté de la ville n’était pas entouré, si ce n’est pas le lac. Même si des vestiges de muraille antique, datant de Josué, se trouvaient dans une ville, il ne serait pas certain que cette ville avait été construite dans l’intention d’y bâtir des fortifications ; or ce n’est que dans ce cas qu’une ville est considérée comme fortifiée, au sens des lois de Pourim.

La thèse proposée par le Rav Chaoul Israeli – que la mémoire du juste soit bénie – est que, si les murailles ont été recouvertes de terre, et que, de nos jours, les habitations ont été construites au-dessus de la hauteur des murailles, il n’y a pas lieu de considérer ces habitations comme étant établies sur le site d’une cité entourée de murailles ; cet avis est rapporté dans Te’houmin 1, p. 126. Cf. cet article, qui traite longuement de la ville de Béthel, située à environ un kilomètre du site des fouilles de la Béthel antique ; p. 128, le même article indique que, selon le Rav Deblitsky, s’appuyant sur le Igrot Reïya 423, il ne faut pas trancher la halakha d’après des découvertes archéologiques ; puis, p. 130, la décision de notre père et maître, d’après laquelle, dans la moderne ville de Béthel, on fêtera Pourim le 14 uniquement.

02. Jérusalem et ses environs

Nos sages enseignent : « La cité et tout ce qui lui est contigu, ainsi que tout ce que l’on voit avec elle, sont considérés comme la cité même » (Méguila 3b). Par conséquent, ce n’est pas seulement à l’emplacement de la Jérusalem antique que l’on fête Pourim le 15 adar, mais aussi dans tous les quartiers proches de la vieille Ville. Et bien que la ville se soit fort étendue, tous les nouveaux quartiers – puisqu’un quartier nouveau jouxte toujours un autre, plus ancien – sont assimilés à la Jérusalem antique ; et dans tous, on lit la Méguila le 15.

Cependant, à mesure que se construisaient de nouveaux quartiers, un doute est apparu quant à ceux qui ont d’abord été construits éloignés du reste de la ville. Dernièrement, la question s’est posée quant aux quartiers de Ramot et de Har Nof. Certains soutiennent que seuls des quartiers reliés par des habitations contiguës jusqu’à la vieille Ville ont le même statut que Jérusalem ; s’il y a, par contre, une discontinuité de 141 amot et un tiers (67,8 mètres), ces quartiers doivent être considérés comme séparés l’un de l’autre ; aussi, ces auteurs donnent-ils pour directive, à Ramot et à Har Nof, de réciter la Méguila le 14.

D’autres auteurs estiment, en revanche, que tous les quartiers qui sont considérés comme faisant partie de la municipalité de Jérusalem en matière fiscale, et à plus forte raison s’ils sont entourés d’un seul et même érouv[a], sont assimilés à Jérusalem, et l’on y lit la Méguila le 15 seulement. Aussi doit-on lire la Méguila, à Har Nof et à Ramot, le 15. Telle est la directive des Grands-rabbins de Jérusalem, le Rav Messas et le Rav Kolitz – que la mémoire des justes soit bénie –, et tel est l’usage couramment répandu. Au fil du temps, tous ces débats se voient tranchés, à la faveur de l’élargissement de Jérusalem, laquelle – avec l’aide de Dieu, qui rebâtit Jérusalem – se construit progressivement, de sorte que les quartiers éloignés eux-mêmes deviennent proches et contigus aux autres parties de la ville. Il devient donc clair aux yeux de tous que leur statut est semblable à celui de Jérusalem[3].


[a]. Dispositif de jonction des domaines permettant, à l’intérieur du périmètre ainsi délimité, de porter des objets le Chabbat (cf. Pniné Halakha, Lois du Chabbat vol. II chap. 29).

[3]. Traité Méguila 3b : « Un Tanna [maître de la Michna] enseigne : “Un quartier proche d’une ville fortifiée, du moment qu’il lui est contigu, lui est assimilé, bien qu’il ne soit pas visible depuis la ville ; s’il est visible depuis la ville, il lui est assimilé, même s’il n’est pas contigu.” » Rachi, Rabbénou ‘Hananel, le Raavan, Rabbi Yecha’ya A’haron zal, le Rachba, le Méïri et le Ritva expliquent que si le quartier n’est pas visible, il reste assimilé à la ville jusqu’à la distance d’un mille ; et que, s’il est visible, même s’il est distant de plus d’un mille, il est assimilé à la ville.

On pose la question : si le quartier est très éloigné, et qu’on puisse y voir la ville, sera-t-il, même alors, considéré comme faisant partie de la ville ? Le Méïri explique que l’intention des sages, quand ils assimilent le quartier à la ville, est de dire qu’il lui est accessoire (tafel), et qu’on doit le considérer comme faisant partie de son secteur. Dans le même sens, le Ritva écrit que de tels quartiers s’adjoignent à la ville, quant à leur gestion.

Face à ces auteurs, Maïmonide estime que même un lieu d’où l’on voit la ville fortifiée, dès lors qu’il est distant de plus d’un mille, n’est pas assimilé à la ville. Il faut établir la distinction suivante : quand la cité est visible, on mesure le mille à vol d’oiseau ; si elle n’est pas visible, on le mesure en ligne droite par voie terrestre (Maharitats 120) ; ou (selon le Maharam Alachkar), on mesure un mille quand la ville est visible, et, quand elle ne l’est pas, on n’assimile le quartier à la ville que lorsqu’il la jouxte véritablement, telle une banlieue. En d’autres termes, s’il y a une distance de soixante-dix amot et deux tiers, et que la ville ne soit pas visible, la ville et le quartier ne sont pas considérés comme un seul lieu. S’il y a là deux quartiers, la mesure est double : 141 ama et 1/3. C’est aussi l’avis du Ran, du Roqéa’h et du Ohel Mo’ed. Les A’haronim sont partagés quant à la position du Choul’han ‘Aroukh 688, 2 : selon le Maguen Avraham et ceux qui se rangent à ses côtés, le Choul’han ‘Aroukh partage l’opinion de Rachi et de la majorité des Richonim ; selon le Peri ‘Hadach et ceux qui partagent son avis, il s’accorde avec l’opinion de Maïmonide.

La raison pour laquelle les quartiers proches et visibles ont même statut que la ville est qu’ils lui sont accessoires et dépendent d’elle. C’est ce que l’on peut inférer des propos du Ritva, selon qui les habitants de tels quartiers hors-les-murs viennent s’abriter, en temps de détresse, derrière les fortifications. Le Touré Even 3, 2 et le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 193 expliquent que cette unité de statut répond à la volonté de ne pas faire de distinctions entre populations proches l’une de l’autre. Cf. Miqraé Qodech du Rav Frank, p. 121.

En pratique, pour le Michna Beroura 688, 6 et le Cha’ar Hatsioun 7, l’opinion décisive est la première. Pour le Yabia’ Omer VII 58-59, il y a lieu de tenir compte de la seconde, d’autant plus que les habitants des villes fortifiées qui liraient la Méguila le 14 seraient quittes a posteriori.

Quant à la mesure de la distance séparant un quartier de la ville visible, certains auteurs estiment qu’elle ne se prend qu’à partir de l’endroit même où se dresse la muraille (Yabia’ Omer VII 59, 1) ; d’autres estiment que la mesure se prend depuis l’extrémité de la ville au sens large, c’est-à-dire depuis l’extrémité de l’agglomération qui lui est assimilée. Les décisionnaires débattent également quant au fait de savoir s’il faut que la ville soit visible en totalité, ou en majorité (c’est ce qui ressort du Méïri, et c’est la position de Rabbi ‘Haïm Falagi), ou s’il suffit d’en voir une minorité (Maharil Diskin, Miqraé Qodech du Rav Frank, chap. 24).

En pratique, s’agissant des quartiers de Jérusalem, les Grands-rabbins de la ville, le Rav Messas (Chémech Oumaguen I 51-52, II 16-17) et le Rav Kolitz – que la mémoire des justes soit bénie – estimaient que tous les quartiers attachés à Jérusalem quant aux impôts versés à la municipalité, devaient lire la Méguila le 15 seulement. C’est l’instruction qu’ils donnèrent aux habitants de Ramot et de Har Nof. Et telle est l’opinion de Rabbi Chelomo Zalman Auerbach, qui ajoute que, à son avis, puisqu’il y a un érouv qui les réunit, ces quartiers forment avec la ville une même entité ; et ce serait le cas, dit-il, même s’ils étaient imposés par des municipalités différentes (Halikhot Chelomo 20, 8-9). De plus, ces décisionnaires s’appuient sur la majorité des Richonim, d’après lesquels, quand un quartier est proche et visible, on mesure sa distance depuis l’extrémité de la ville, extensivement comprise. Le Kaf Ha’haïm 688, 10 propose une nouvelle conception : selon lui, la mesure appelée mille est une mesure temporelle : le temps qu’il faut pour parcourir un mille. Le Rav Messas le cite à l’appui de sa démonstration. Notre maître le Rav Shapira ainsi que le Rav Mordekhaï Elyahou et le Rav Chaoul Israeli ont, eux aussi, en pratique, couvert de leur autorité la décision consistant à unir tous les quartiers de Jérusalem : dans tous, on lit la Méguila le 15, assortie de ses bénédictions (Miqraé Qodech du Rav Harari, chap. 5, 11, note 43).

Face à ces autorités, plusieurs grands décisionnaires soutiennent le principe selon lequel, depuis la muraille, on mesure un mille, même si tout l’espace intermédiaire est désert. Mais, à partir de l’agglomération bordant la ville, s’il se trouve un territoire vide de 141 amot et un tiers, cela constitue une interruption entre Jérusalem et le quartier considéré ; on doit donc y lire la Méguila le 14, avec ses bénédictions. C’est la position du Yabia’ Omer VII 58 et du Or lé-Tsion I 45. C’est aussi ce qu’écrivent le ‘Hazon Ich 153, 2-3 et le Miqraé Qodech du Rav Frank, chap. 23, qui donnent en revanche pour instruction de lire le 15 dans le quartier de Guivat Chaoul, bien que des centaines de mètres inhabités séparassent, à leur époque, ce quartier du reste de la ville. À ce qu’il semble, s’ils ont donné cette instruction, c’est parce que les habitants de ce quartier étaient dépendants, en toutes leurs affaires, de la ville. Le Min’hat Yits’haq VIII 62 donne pour directive de lire le 14 à Ramot. C’est aussi ce qu’on rapporte au nom du Rav Elyachiv. Cependant, après plusieurs années, quand le quartier de Ramot s’étendit davantage, le Rav Elyachiv revint sur son propos, et dit que l’on devait lire le 15 (bien qu’un territoire vide, de plus de 141 amot, séparât la ville de ce quartier). Cf. Torat Hamo’adim 6, 5-6, Pisqé Techouvot 688, 2-4, Hilkhot ‘Hag Be’hag 8, 9.

Une question, plus grande encore, s’est posée au sujet de Mévasseret Yerouchalaïm, agglomération qui, certes, est reliée à Jérusalem par un érouv, mais qui constitue une municipalité indépendante. Si l’on se place du point de vue de la seconde opinion, il est évident que l’on doit y faire la lecture le 14 ; et certains le font en pratique. Mais si l’on s’en tient au premier avis, il faut faire la lecture le 15, car, depuis une petite partie de la localité, on peut voir l’extrémité de Jérusalem, extensivement comprise ; et ses habitants, dans une certaine mesure, sont assimilés à ceux de Jérusalem. De plus, nous l’avons dit, un érouv les rassemble. C’est la directive donnée par le Rav Messas, et c’est aussi ce qu’ordonnait le Rav Ouri Cohen, directeur de Mérets, l’institut d’étude talmudique de cette localité. Cf. Ora’h Michpat 146, qui défendait une même position à l’égard du quartier de Baït Vegan, en 5680 (1919-1920) ; or Baït Vegan, à cette époque, était comme Mévasseret Yerouchalaïm de nos jours.

Entre les années 5708 (1947-48) et 5727 (1966-67), la Jérusalem antique était sous occupation jordanienne. La question suivante s’est donc posée : les Juifs habitant les quartiers hors-les-murs doivent-ils, même quand la vieille Ville entourée de muraille est vide de Juifs, fêter Pourim le 15 ? Selon le Massat Moché 2, 3 et le Birké Yossef, dans une telle situation, on doit lire le 14. Toutefois, selon le Gaon de Vilna, se fondant sur le Talmud de Jérusalem, on doit assurément lire le 15. C’est aussi l’opinion du Rachba et du Ritva, et tel était l’usage à Jérusalem. De plus, les auteurs défendant cette solution présentaient un autre argument : la Jérusalem de l’Antiquité était plus grande que la vieille Ville telle que nous la voyons aujourd’hui. C’est ce que concluent, en pratique, le Har Tsvi II 131 et le Miqraé Qodech du Rav Frank, chap. 25. On peut ajouter, croyons-nous, que toute la raison pour laquelle des Juifs vinrent s’installer dans la Jérusalem nouvelle était de se rapprocher de la Jérusalem antique et sanctifiée ; aussi leurs quartiers s’assimilèrent à elle à tous égards.

03. Statut des lieux sur lesquels pèse un doute

Les villes pour lesquelles un doute est présent sont : Tibériade (Tveria), Hébron (‘Hevron), Sichem (Chekhem), Jaffa (Yafo), Lod, Gaza (‘Aza), Safed (Tsfat), Acre (Ako), Haïfa. Certains ajoutent qu’un doute existe à l’égard de Beit Shéan, Jéricho, Bersheva, Ramlé ; et, en dehors des frontières actuelles d’Israël : Tyr (Tsour), Saïda du Liban (Tsidon), Damas, Smyrne (Izmir) et Bagdad[4].

Les Richonim sont partagés quant au régime des villes dont le statut est douteux. Tous s’accordent à dire qu’il faut y lire la Méguila le 14, et en réciter les bénédictions, car un habitant de Jérusalem lui-même – qui doit donc lire le 15 – est a posteriori quitte s’il a fait la lecture le 14, jour de lecture de la majorité des communautés dans le monde. Par conséquent, en tout cas de doute, la Méguila se lira a priori le 14, assortie de ses bénédictions. La question qui se pose est de savoir s’il est également obligatoire de faire une lecture le 15.

Certains estiment que, en tout lieu dans lequel existe un doute, on ne fête Pourim que le 14, et qu’il n’est pas du tout besoin de faire une lecture le 15 ; seuls ceux qui veulent adopter un pieux usage (minhag ‘hassidout) liront la Méguila le 15 également, cette fois sans ses bénédictions (Na’hmanide, Rachba, Ran, Ritva).

D’autres estiment que l’on doit y lire la Méguila le 15 également – certes, sans ses bénédictions –, pour le motif que le doute ne doit pas être oublié. Cela participe aussi de l’honneur dû à la terre d’Israël. Simplement, puisqu’il s’agit d’un cas de doute, on ne récite pas les bénédictions (Maïmonide 1, 11, Méïri, Chibolé Haléqet ; le Choul’han ‘Aroukh 688, 4 tranche en ce sens). Ces décisionnaires sont en revanche partagés quant aux autres mitsvot de Pourim : l’envoi de portions alimentaires à son prochain, les dons aux pauvres et le festin. Certains pensent qu’on ne les accomplit que le premier jour, qui est le jour de Pourim dans le monde entier (Peri ‘Hadach) ; d’autres sont d’avis qu’on les accomplit aussi le second jour (Rabbi Yecha’ya A’haron zal)[5]. Ceux qui habitent dans un quartier qui jouxte une ville dont le statut est douteux fêtent Pourim le 14 exclusivement, car seuls les habitants d’un quartier jouxtant une ville où on lit assurément le 15 sont assimilés à ladite ville, et non ceux qui jouxtent une ville dont le statut est douteux. Certains auteurs, toutefois, sont rigoureux, et donnent pour instruction aux habitants des quartiers jouxtant une ville au statut douteux, eux-mêmes, de lire la Méguila le 15 également[6].

En pratique, dans la majorité des villes dont le statut fait l’objet d’un doute, on a coutume, de nos jours, de s’appuyer sur l’opinion des décisionnaires indulgents, et de ne fêter Pourim que le 14. Ce n’est que dans les endroits au sujet desquels le doute est plus fort, comme Tibériade et Hébron, que de nombreuses personnes ont coutume de lire la Méguila le 15 également, et que certains même ont coutume d’accomplir les autres mitsvot de Pourim aussi.


[4]. Cf. Miqraé Qodech 5, 11 du Rav Harari, qui détaille les doutes existants et la coutume propre à chaque ville. Cf. encore Torat Hamo’adim 6, 4, Hilkhot ‘Hag Be’hag 8, 2. Les doutes sont de deux ordres : a) la ville était-elle entourée de murailles à l’époque de Josué (et, si c’est le cas, se peut-il qu’elles aient été construites après les maisons) ? ; b) la ville d’aujourd’hui est-elle sur le même site que celle d’autrefois ? Certaines villes cumulent les deux doutes, d’autres ne sont douteuses qu’à un égard. Pour les villes de la première liste, il est plus plausible qu’elles fussent entourées de murailles ; la vraisemblance est moindre pour la seconde liste. Conformément à cela, on y a moins l’usage de lire la Méguila le 15 également.

[5]. Le traité Méguila 5b enseigne : « ‘Hizqia lisait la Méguila à Tibériade le 14 et le 15, car la ville était entourée de murailles par trois côtés ; de l’autre il y avait le lac, sans muraille, et considérer la ville comme “entourée de murailles” était chose douteuse. Rav Assi lisait la Méguila à Hotsal [ville de Babylonie] les 14 et 15, car il n’était pas sûr que la ville fût fortifiée dès l’époque de Josué. »

Selon Na’hmanide, le Rachba, le Ran et le Ritva, qui se fondent sur les Guéonim, on ne lira, en cas de doute, que le 14, et l’on récitera aussi les bénédictions ; quant à ces sages du Talmud, si l’on s’en tient à la stricte règle de halakha, ils n’avaient aucune obligation de lire la Méguila, ni le 14, ni le 15. En effet, cette lecture n’est pas une mitsva de la Torah même ; par conséquent, en cas de doute, on est indulgent. Simplement, pour que la mitsva de lire la Méguila dans les villes de statut douteux ne fût pas entièrement annulée, ces sages décidèrent que la lecture se ferait le 14, suivant l’usage majoritaire dans le monde. En outre, ‘Hizqia et Rav Assi adoptèrent un usage de piété particulière (minhag ‘hassidout) en s’imposant de lire aussi le 15. Face à cette interprétation, Maïmonide, le Chibolé Haléqet, le Méïri et le Choul’han ‘Aroukh 688, 4 estiment que l’on doit, en vertu de la stricte obligation, lire les deux jours : le premier jour en récitant les bénédictions, le second sans répéter celles-ci. (Selon Rabbi Yecha’ya A’haron zal, on récite les bénédictions les deux jours ; selon Rabbi Ye’hiel, on ne les récite aucun des deux jours.)

De prime abord, il y a lieu de s’interroger : comment peut-on avoir coutume, en pareil cas, de réciter la bénédiction le 14 ? N’est-il pas douteux que ces villes aient le statut de villes ouvertes ? La réponse se trouve au Talmud de Jérusalem, Méguila chap. 1 § 1 et 5, et chap. 2 § 3 : un habitant d’une cité fortifiée lui-même, qui aurait fait la lecture le 14 au lieu du 15, est, a posteriori, quitte de son obligation. Certes, le Peri ‘Hadach (688) et plusieurs autres A’haronim soutiennent que le Talmud de Babylone, lui, ne partage pas ce point de vue. Selon eux, un habitant d’une ville fortifiée qui aurait lu le 14 n’est point quitte. Mais pour le Peri Mégadim (Michbetsot Zahav 688, 2) et d’autres A’haronim, le Talmud de Babylone est d’accord avec le Talmud de Jérusalem. De même, le Gaon de Vilna (688, 4) explique que c’est là le fondement de l’opinion de Maïmonide et du Choul’han ‘Aroukh. C’est aussi de cette manière qu’est expliquée la position de Na’hmanide et du Rachba ; aussi lit-on le 14 en récitant les bénédictions.

Selon le Rachba, le Ritva et le Gaon de Vilna, c’est seulement dans le cas où la ville dont le statut est douteux se trouve en terre d’Israël qu’il y a lieu de lire les deux jours. D’autres auteurs contestent cette idée ; cf. Maguen Avraham 688, 4. Le Ben Ich ‘Haï, Tetsavé 14 écrit qu’on avait coutume, à Bagdad, de lire la Méguila les deux jours.

Selon Rabbi Yecha’ya A’haron zal et le Maguen Avraham 688, 5, en cas de doute, on accomplit toutes les mitsvot de Pourim chacun des deux jours. Selon le Peri ‘Hadach et le Maté Yehouda, seule la lecture de la Méguila est répétée le deuxième jour. Le Binyan Chelomo explique que la lecture de la Méguila est une institution prophétique (ce que l’on appelle divré qabala, mitsva reposant sur la tradition [prophétique, des livres bibliques ultérieurs au Pentateuque]), tandis que les autres mitsvot sont de rang rabbinique, de sorte que l’on est plus indulgent en cas de doute les concernant. (Cf. Michna Beroura 688, 10, dont l’expression est conforme à l’opinion du Maguen Avraham, mais qui, dans le Béour Halakha, à la fin du chap. 685, se prononce comme le Peri ‘Hadach. Peut-être la distinction que fait l’auteur repose-t-elle sur la question de la dépense : s’agissant de mitsvot nécessitant une dépense d’argent, on serait plus indulgent, comme l’écrit le Ran, qui estime que, en cas de doute portant sur une dépense, on est indulgent.) Selon le Iguéret Hapourim, à Hébron et à Tibériade, le 15 adar, on a coutume de lire seulement la Méguila, et non de faire les autres mitsvot de Pourim. Mais le Ben Ich ‘Haï avait coutume d’accomplir toutes les mitsvot les deux jours. Cf. Torat Hamo’adim 6, 3.

Au sujet de la lecture de la Torah, les A’haronim sont partagés (Kaf Ha’haïm 688, 25) ; quant au texte ‘Al hanissim, le Michna Beroura 683, 6 estime qu’il faut le dire également le second jour, tandis que le Kaf Ha’haïm 688, 23 écrit, se fondant sur Rabbi ‘Haïm Vital, qu’on ne le redit pas.

[6]. Pour le Birké Yossef 688, 9, cité en Béour Halakha 688, 2, quand on habite un quartier jouxtant une ville dont le statut est incertain, on lit la Méguila le 14 uniquement ; pour le Péat Hachoul’han 3, 15, dans les villages contigus à Safed, on lit la Méguila les deux jours. C’est aussi l’avis du ‘Hazon Ich 153, 3 ; aussi, à Bné Brak, on doit lire également le 15, selon lui, car la ville est proche de Jaffa. Simplement, comme nous l’avons vu, de nombreux Richonim estiment que, dans la ville au statut douteux elle-même, il n’est pas besoin, si l’on s’en tient à la stricte obligation, de lire le 15 ; par conséquent, le quartier proche d’une ville au statut douteux est un cas de doute portant lui-même sur un cas de doute (sfeq sfeqa) : en ce cas, on est indulgent.

Comme suite à ces considérations, peut-être est-il permis de dire que, en conséquence, l’opinion selon laquelle on n’a à faire la lecture que le 14 se renforce à l’égard des villes au statut douteux elles-mêmes. En effet, l’un des arguments exprimés à l’appui de la thèse selon laquelle les quartiers proches ont même statut que la ville est qu’il ne faut pas diviser les gens qui vivent dans le même voisinage (Touré Even, ‘Hatam Sofer, comme on l’a vu en note 3). Or, si dans un quartier proche d’une ville au statut douteux on suivait les usages de Pourim le 14, et que dans la ville au statut douteux elle-même on suive ces usages également le 15, il y aurait une différence de coutume entre voisins. Aussi convient-il que ceux qui vivent dans une ville au statut douteux soient « assimilés » aux quartiers qui leur sont proches, et ne fêtent Pourim que le 14 ; en outre, c’est l’opinion de la majorité des Richonim, conforme à l’enseignement des Guéonim.

04. Habitants « d’un jour » d’une ville ouverte ou fortifiée

Puisque Pourim a lieu le 14 dans les villes ouvertes, et le 15 à Jérusalem (nous l’avons vu, seule Jérusalem a, de nos jours, le statut de ville entourée de murailles), de nombreuses questions se posent quant au cas de ceux qui se rendent, durant ces jours, d’une ville ouverte à Jérusalem ou de Jérusalem à une ville ouverte : quand doivent-ils fêter Pourim ? Le principe est que l’obligation dépend du lieu où se trouve la personne pendant Pourim, et non du lieu où se trouve sa résidence fixe, tout au long de l’année. En effet, celui-là même qui reste un seul jour dans une ville ouverte (parouz ben yomo[b]) est appelé « habitant d’une ville ouverte » (parouz). Le moment qui détermine cela est le lever de l’aube (‘alot hacha’har) du 14 dans les villes ouvertes, du 15 dans les villes entourées de murailles, car c’est à ce moment que débute le temps de lecture de la Méguila du jour.

Un habitant de Jérusalem qui veut fêter Pourim dans une ville ouverte, le 14, doit se rendre dans une ville ouverte le soir du 14 et y rester jusqu’après l’aube ; par cela, de l’avis de tous les décisionnaires, le statut d’ « habitant d’une ville ouverte » s’appliquera à lui. Même s’il rentre à Jérusalem avant d’avoir eu le temps de lire la Méguila, l’obligation ne lui en incombera pas moins : il devra lire la Méguila le 14 à Jérusalem, et nommer un mandataire, resté dans une ville ouverte, qui sera chargé de faire des dons aux pauvres et d’envoyer des cadeaux alimentaires de sa part. Mais s’il se rend dans une ville ouverte le soir du 14, et qu’il ait l’intention de retourner à Jérusalem avant l’aube du 14, ou s’il se rend dans cette ville ouverte dans la journée du 14, après le lever de l’aube, et qu’il retourne ensuite à Jérusalem, il garde le statut d’habitant de Jérusalem. Car le moment qui détermine le statut est l’aube du 14.

Un habitant d’une ville ouverte, qui a fêté Pourim le 14, et qui voudrait fêter également Pourim le 15 à Jérusalem, devra se rendre à Jérusalem dans la nuit du 15, et s’y trouver jusqu’après l’aube du 15 ; par cela, il sera considéré comme hiérosolymitain, et devra accomplir toutes les mitsvot de Pourim, le 15 également. Il s’efforcera d’écouter les bénédictions de la Méguila prononcées par une autre personne ; et s’il fait la lecture pour lui-même, il n’en prononcera pas les bénédictions. En effet, certains auteurs estiment que, dès lors que l’on a déjà fêté Pourim le 14, il n’est plus besoin de marquer un jour supplémentaire de Pourim le lendemain (Roch). Et bien que la halakha, telle qu’elle est finalement tranchée, exige de fêter également Pourim le 15, on tient compte, en matière de bénédiction, de l’opinion de ceux qui dispensent de ce second jour ; on ne récite donc pas la bénédiction. On ne pourra pas non plus acquitter un hiérosolymitain par sa lecture.

Dans le cas où l’on se trouve à Jérusalem du soir du 14 à la journée du 15, on ne sera tenu de fêter Pourim qu’à Jérusalem, et l’on pourra, le 15, dire les bénédictions de la Méguila, d’après toutes les opinions.

Quand un habitant de Jérusalem s’est rendu dans une ville ouverte le soir du 14, prévoyant de rentrer à Jérusalem avant l’aube, mais qu’il a été retardé, et n’a pas eu le temps de revenir avant l’aube : de nombreux décisionnaires estiment qu’il ira selon son intention, et qu’il sera dispensé de fêter le Pourim des villes ouvertes (Rif, Na’hmanide) ; d’autres pensent qu’il ira selon la réalité des faits, et qu’il devra donc suivre les règles de Pourim des villes ouvertes (Maor, Ritva). De même, les décisionnaires sont partagés quant au cas d’un habitant d’une ville ouverte, qui s’est rendu à Jérusalem dans la nuit du 15 dans l’intention de revenir avant l’aube, et qui, retardé, n’a pu revenir à temps. En pratique, dans les deux cas, on accomplira les mitsvot de Pourim sans réciter les bénédictions. Quand d’autres facteurs de doute s’ajouteront à celui-là, on demandera quelle conduite adopter à un rabbin[7].


[b]. Littéralement : « ouvert, pour un jour ».

[7]. Ce sujet est riche de détails et très complexe. Nous avons rapporté ci-dessus les règles qui font consensus, et, de façon très résumée, les controverses liées au sujet. Cf. Torat Hamo’adim 6, 9-10, qui tranche davantage en fonction du lieu effectif où l’on se trouve, et le Hilkhot ‘Hag Be’hag chap. 9, qui tient davantage compte de l’intention. D’autres distinctions, nombreuses, existent à cet égard ; cf. ces sources, ainsi que Pisqé Techouvot 688, 9-10, qui s’étend longuement sur le sujet.

Le moment qui détermine le statut de la personne est l’aube, car alors commence le temps de la lecture diurne de la Méguila, qui, des deux lectures, est la principale. Certains décisionnaires estiment que, lorsque la halakha parle de l’aube, elle signifie en réalité que l’on doit être présent en ce lieu dès avant, pendant la période de temps qui serait nécessaire à la lecture de la Méguila, ce qui fait environ une demi-heure avant l’aube (cf. Cha’ar Hatsioun 688, 17, Torat Hamo’adim p. 238).

Nous écrivions ci-dessus que le moment déterminant est l’aube du 14 ou du 15, car telle est l’opinion de Rachi, de Na’hmanide, du Ritva, de Rabbi Yecha’ya A’haron zal, du Choul’han ‘Aroukh et d’autres. Cependant, pour le Roch, seul le 14 est déterminant ; par conséquent, selon lui, personne ne peut avoir l’obligation de fêter deux fois Pourim. Pour tenir compte de son avis, on ne récite pas les bénédictions de la Méguila le deuxième jour, si l’on doit répéter sa lecture. De plus, il ressort des propos de la majorité des décisionnaires, se fondant sur le Talmud de Jérusalem, que celui qui serait le 14 à Jérusalem et le 15 à Tel Aviv serait exempté des mitsvot de Pourim. Selon le Roch, dès lors que l’on sait, le soir du 14, que l’on n’a pas l’intention de rester à Jérusalem le 15, on doit fêter Pourim le 14 ; d’autres disent que l’on devra aussi accomplir les mitsvot le 15 ; cf. Torat Hamo’adim p. 239.

05. Le « triple Pourim » (Pourim haméchoulach)

Il arrive que le 15 adar, jour de Pourim pour les villes entourées de murailles, tombe le Chabbat. En revanche, le 14 adar ne tombe jamais le Chabbat. Quand donc le 15 adar a lieu un Chabbat, ce Pourim est appelé Pourim haméchoulach (« triple Pourim »), car les lois de Pourim, une telle année, se répartissent en trois jours. Pourquoi ne fête-t-on pas Pourim le Chabbat même ? Parce que nos sages ont décrété de ne point faire la lecture de la Méguila un Chabbat, de crainte que l’on ne déplace le rouleau dans le domaine public, transgressant ainsi un interdit sabbatique. Le festin lui-même, on ne le fixe pas le Chabbat, car il est dit : « Afin d’en faire des jours de festin et de joie » (Est 9, 22), de sorte que le festin doit être fait au titre de Pourim et non au titre de Chabbat. (Pourim dépend d’une décision du beit-din, le tribunal des sages, qui sanctifie le mois, tandis que le Chabbat est fixé et existe depuis la création du monde.)

Par conséquent, le vendredi, on lit la Méguila et l’on fait les dons aux pauvres, car les yeux des pauvres sont tendus avec espoir vers le moment de la lecture de la Méguila, et, si l’on ne leur remettait pas leurs dons le même jour, ils s’en affligeraient. Il faut s’efforcer de lire la Méguila au sein d’une assemblée de dix personnes, car certains décisionnaires estiment que cette lecture doit être considérée comme faite en dehors de son temps (lo bizmanah) ; aussi est-il indispensable, selon eux, de la lire au sein d’un minyan de dix hommes ou de dix femmes (Michna Beroura 690, 61). Quoi qu’il en soit, même quand il n’y a pas de minyan, on lira la Méguila le vendredi, avec ses bénédictions (Tsits Eliézer XIII 73, Yabia’ Omer VI 46).

Le Chabbat, qui sera donc le jour de Pourim des cités fortifiées, on dira ‘Al hanissim dans la ‘Amida et dans le Birkat hamazon ; de même, on fera, dans le rouleau de la Torah, la lecture du passage qui se rapporte à Pourim. En d’autres termes, on sortira deux rouleaux (sifré-Torah), au cours de l’office du matin de Chabbat : dans le premier, on lira la paracha de la semaine, et dans le second la paracha de Pourim : Vayavo ‘Amaleq.

Le dimanche, on fera le festin de Pourim, ainsi que l’envoi de mets à son prochain, puisque la mitsva d’envoyer des mets (michloa’h manot) est liée au festin qui suit.

Pourquoi avance-t-on la lecture de la Méguila avant le Chabbat, tandis qu’on repousse le festin après Chabbat ? Parce qu’il y a d’abord lieu de lire la Méguila et de publier le miracle ; or il ne faut pas repousser la lecture de la Méguila après la date où eut lieu le miracle, comme il est dit : « en tant qu’obligation immuable » (vélo ya’avor) (Est 9, 27)[c]. En revanche, le festin ne peut s’accomplir qu’après le commencement du jour du miracle, qui est, pour les villes fortifiées, le 15, tombant en l’occurrence le Chabbat ; or, puisqu’il ne faut pas faire ce festin pendant Chabbat, on le repousse après.

Il est bon d’ajouter à la consommation de viande et de vin durant la journée de Chabbat également. En effet, certains auteurs pensent que la mitsva du festin de Pourim doit bel et bien s’accomplir le Chabbat. Si cela est possible, il est également bon d’envoyer discrètement des mets à son prochain, dans la journée de Chabbat, à condition qu’il y ait un érouv permettant de porter dans le domaine public[8].


[c]. Est 9, 27 : « Les Juifs reconnurent et acceptèrent, pour eux, leur descendance et tous ceux qui se joindraient à eux, l’obligation immuable (vélo ya’avor) de fêter ces deux jours, conformément aux écrits, et à leurs dates, année après année. » Sur le mode midrachique, le Talmud (Méguila 2a) s’appuie sur l’expression vélo ya’avor, littéralement « sans que l’on dépasse », pour enseigner que l’on ne retarde pas la célébration du miracle de Pourim.

[8]. Le Ran apprend du Talmud de Jérusalem, Méguila 1, 4, que l’on repousse le festin de Pourim au dimanche, et c’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 688, 6 ; le Radbaz, le Maguen Avraham et le Noda’ Biyehouda sont d’accord avec cette position. Cependant, selon le Ralba’h, le Talmud de Babylone s’oppose à cet égard au Talmud de Jérusalem, et estime que le festin doit avoir lieu le Chabbat même. Aussi est-il juste d’augmenter, au repas de la journée de Chabbat également, la part de viande et de vin.

Un habitant d’une ville ouverte qui se rend à Jérusalem le vendredi est, selon de nombreux auteurs, déjà quitte de Pourim, et n’a pas besoin de se joindre à la mitsva du « triple Pourim » ; d’autres estiment qu’il est bon qu’il accomplisse la mitsva du « triple Pourim » (cf. Miqraé Qodech du Rav Harari, 15, 30).

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