[9]. Jadis, quand les chemins étaient difficiles, il n’était pas simple de déménager, explique le Radbaz (4145) ; si l’on déménageait avec sa femme et ses enfants pour s’installer en diaspora, quand bien même on avait l’intention de revenir, on prenait le statut d’habitant de diaspora, dès lors qu’il y avait un risque d’y rester. Ses propos sont rapportés en tant que halakha :
Maguen Avraham 496, 7,
Knesset Haguedola,
Peri ‘Hadach 468,
Elya Rabba 496, 6,
Michna Beroura 13. Mais si, selon ce que l’on a programmé, il n’y a pas de risque de rester en diaspora, plusieurs A’haronim écrivent que, de l’avis même du Radbaz, on garde le statut d’habitant de la terre d’Israël, bien que l’on soit parti avec sa famille (
Chelamé Tsibour 234,
Peqoudat El’azar, Ora’h ‘Haïm 496). De nos jours, où les voyages sont devenus plus faciles, de nombreux auteurs estiment que le critère n’est plus le voyage de la famille, mais l’intention de la personne : même si elle déménage avec sa famille, elle gardera le statut d’habitant d’Erets Israël, dès lors qu’elle a la claire intention de revenir. Toutefois, il est évident que, si la personne a l’intention de rester en diaspora de longues années, elle aura le statut d’habitant de diaspora, même quand il est parfaitement certain qu’elle reviendra en Israël ; car son séjour prolongé à l’étranger fait déjà d’elle un habitant du lieu. La question qui se pose est de savoir pendant quelle durée on peut encore être considéré comme résident de la terre d’Israël, dispensé du second jour de Yom tov. Parmi les livres des décisionnaires, nous avons trouvé de nombreuses réponses à cette question, et il semble, de prime abord, que chaque décisionnaire ait sa propre opinion. Cependant, ce qui les différencie tient essentiellement au fait qu’ils répondaient à différentes questions qui leur étaient soumises ; et si l’on examine profondément leur pensée, il apparaît en vérité qu’il existe deux thèses principales :
Première thèse : l’année est la période de temps déterminante. Nous voyons en effet (Baba Batra 7b) que, après un an, une personne est considérée comme résidente du lieu et s’oblige à tous les paiements d’impôts. Aussi, quand bien même elle aurait l’intention de revenir en terre d’Israël, le fait qu’elle soit partie en diaspora pour un an implique que, pendant cette période, elle est considérée comme habitante du lieu. C’est ce qu’écrivent Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 424, 28, le ‘Aroukh Hachoul’han 496, 5, le Tsits Eliézer IX 30, le ‘Hazon ‘Ovadia, Yom Tov p. 121. C’est aussi en ce sens qu’inclinent de nombreux rabbins de diaspora.
Seconde thèse : ceux qui tranchent selon elle ne spécifient pas un nombre d’années, mais parlent de « quelques années », expression qui, d’après le contexte, signifie deux ou trois ans, ou un peu plus. L’idée est que c’est seulement après un séjour de quelques années que, même si l’on a certainement l’intention de revenir, on est considéré comme un des Juifs locaux. C’est dans un sens proche que se prononce le Michné Halakhot 4, 83 ; telle est l’opinion du Rav Yossef Chalom Elyachiv, telle que la rapporte le Yom Tov Chéni Kehilkhato p. 162, et du Or lé-Tsion III 23, 5. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 74 écrit aussi cela en réponse à la question de personnes s’installant en Erets Israël pour un an ou deux.
Bien que de nombreux rabbins de diaspora tranchent selon la première thèse (des propos du ‘Hakham Tsvi 167, il semble que, même si l’on a pour intention de revenir en terre d’Israël, on doive observer deux jours), nous avons retenu en pratique, s’agissant de ceux qui partent en mission définie, la seconde thèse, parce que l’obligation du second jour de Yom tov est une norme fondamentalement rabbinique, et qu’en cas de doute portant sur une norme rabbinique on est indulgent ; c’est aussi ce qui nous apparaît au regard de la logique.
Par conséquent, quand une personne quitte Israël dans un but qui n’est pas nettement défini, et quoiqu’elle ait l’intention de revenir, il existe un certain risque qu’elle décide de rester en diaspora. Aussi, dans le cas où elle est partie pour une durée d’un an, elle aura le statut d’un Juif de diaspora, conformément à la première thèse. Mais si cette personne a un objectif défini, assorti d’une durée précise, comme dans le cas d’une mission d’éducation, d’une mission d’affaires ou d’un cursus d’études supérieures, et bien qu’elle ait quitté Israël pour quelques années, sa position à l’étranger n’est que temporaire, aussi bien à ses propres yeux qu’à ceux de l’entourage. Simplement, on est contraint de déterminer un temps limite à cet égard, afin que la halakha ne soit pas sujette à approximation. Or puisque la durée d’un séjour assorti d’objectifs précis, qu’ils soient éducatifs ou commerciaux, n’excède généralement pas quatre ans, telle est la limite temporaire. C’est aussi de cette façon que les gens le considèrent : une personne qui séjourne à l’étranger pour quatre ans ou davantage ne peut prétendre n’être pas semblable aux Juifs locaux.
Si l’on est parti pour l’étranger dans une intention définie pour une période de deux ans, et que l’on décide ensuite d’y rester encore deux années supplémentaires, on devra, dès le moment où l’on a pris cette décision d’ajouter deux années à son séjour, adopter les usages des Juifs locaux. Même si l’on se rend en Israël chaque année, ou tous les six mois, dès lors que l’on a l’intention de résider quatre ans en diaspora, on aura, tout le temps que l’on sera en diaspora, le statut de Juif local. Simplement, durant ses visites en Israël, on reprendra temporairement le statut de Juif d’Erets Israël, puisque l’on a un lien profond avec la terre d’Israël, comme nous l’expliquons au paragraphe suivant, d’après le Maharitats 52.
Il se peut qu’un autre motif s’associe aux précédents, aux yeux des rabbins de diaspora, pour pencher en faveur des décisionnaires selon qui l’année est le temps limite. Ils se seront en effet aperçu que, lorsque des Juifs ayant quitté Israël et vivant parmi les membres de leur communauté pour une longue durée n’observent pas le second jour de Yom tov, ils heurtent et affaiblissent le reste de la communauté dans son observance de la fête, et peut-être même dans celle d’autres mitsvot. Autrefois, il n’existait pas de cas où un Juif résidant en diaspora un an avec sa famille gardait le statut d’habitant d’Erets Israël, comme nous l’avons appris du Radbaz ; et nous trouvons des cas où les sages déclarent qu’il est interdit de se conduire différemment de la communauté, même si l’on ne réside qu’un jour en diaspora, cela pour éviter la controverse (Pessa’him 50a, Choul’han ‘Aroukh 496, 3). On peut élargir la portée de leur propos en disant que, lorsqu’une personne a l’intention de rester un an en diaspora, il ne suffit plus qu’elle se conduise extérieurement comme les membres de la communauté locale ; puisque cette personne est mêlée aux membres de la communauté, ceux-ci sauront et sentiront certainement qu’elle n’observe pas le second jour ; aussi, afin de ne pas contredire la coutume de la diaspora, elle devra se conduire entièrement comme les autres, en toutes leurs règles. On voit, dans ce sens, que nos sages ont ordonné de pratiquer un second jour de Yom tov pour toutes les fêtes, même celles où les émissaires arrivaient à temps devant le beit-din, cela afin de ne pas faire de différence entre les fêtes (Roch Hachana 21a, cf. ci-dessus § 2). Nos sages ont aussi prescrit de réciter, le second jour de Yom tov, les bénédictions de la fête, parce que, si on ne les récitait pas, le second jour de Yom tov en viendrait à être annulé de fait (Chabbat 23a, cf. ci-dessus § 5). C’est pourquoi nous écrivons que, si l’on se trouve dans une communauté dotée d’un chef, qui soit son rabbin attitré, on devra se conduire selon ses prescriptions.