Pniné Halakha

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Chapitre 08 – Consolation de ceux qui n’ont pas d’enfants

01. Les épreuves de la stérilité et leur origine

Elles sont grandes, les épreuves de celui qui n’a pas eu le bonheur d’avoir d’enfants. Nos sages disent : « Quiconque n’a pas d’enfants est considéré comme mort » (Nédarim 64b) ; il est dit en effet : « Rachel vit qu’elle ne donnait point d’enfants à Jacob. Rachel jalousa sa sœur, et dit à Jacob : “Amène-moi des fils, sans quoi je meurs” » (Gn 30, 1). Si les sages nous livrent cet enseignement, c’est seulement pour que les gens sachent combien grande est la souffrance de ceux qui n’ont pas d’enfants, et pour qu’ils invoquent, à leur intention, la miséricorde divine, afin qu’ils soient exaucés (Tossephot ad loc.). Même un couple qui a un enfant, ou plus, et qui aspire à en avoir un autre, sans y parvenir, risque d’être fort triste, en particulier quand ce couple a l’avantage de vivre dans un environnement où il est habituel de fonder des familles nombreuses.

La question qui se pose est de savoir quel est le sens de ces épreuves. Faut-il voir en elles une punition de fautes, de sorte que, pour avoir la chance d’avoir des enfants, l’homme qui en est privé aurait l’obligation de s’éveiller au repentir (téchouva) ? Ou bien le destin a-t-il été fixé ainsi, avant même que cet homme ne naquît, de sorte qu’il ne faut pas l’accuser d’être responsable de ses épreuves ?

La réponse est très complexe. Parfois, les épreuves proviennent des fautes, d’autres fois du destin, parfois de la combinaison des fautes et du destin. Parfois la repentance et la prière sont efficaces pour modifier cet état de fait, d’autres fois non ; la chose dépend d’innombrables facteurs. Tentons d’expliquer :

Nos sages enseignent : « La vie (‘hayé), les enfants (bané) et la nourriture (mezoné) ne dépendent pas du mérite, mais du sort (mazal) » (Mo’ed Qatan 28a). ‘Hayé, c’est le nombre des années de la vie de l’homme ; bané, c’est le nombre de ses enfants ; mezoné, ce sont ses moyens de subsistance. Tout cela est fixé suivant les constellations présentes dans le ciel au moment où l’homme naît, et non selon ses mérites. La preuve en est que Rabba et Rav ‘Hisda étaient deux justes, et que, en temps de sécheresse, la prière de l’un comme de l’autre étaient exaucées. Rav ‘Hisda vécut quatre-vingt-douze ans, tandis que Rabba vécut quarante ans. Dans la famille de Rav ‘Hisda, furent célébrés soixante mariages, tandis que celle de Rabba connut soixante cas de perte d’un enfant. Chez Rav ‘Hisda, on était riche, et même les chiens étaient nourris de fleur de farine de blé, tandis que chez Rabba on était pauvre, et même du pain d’orge, de moindre valeur, ne se trouvait pas toujours en suffisance. Dans le même ordre d’idées, les sages déclarent : « La récompense de la mitsva, en ce monde, n’existe pas » (Qidouchin 39b). En d’autres termes, la rétribution des commandements accomplis et des transgressions commises n’est pas donnée en ce monde passager, mais dans le monde de la vérité éternelle.

Le mazal (constellation, chance) est appelé de nos jours goral (destin) ; et de même que l’on sait aujourd’hui que, au moment de sa conception, se forme la carte génétique de l’homme, qui détermine s’il sera grand ou petit, intelligent ou déficient, en bonne santé ou malade, laid ou beau, ainsi nos sages disent-ils que, au moment de sa naissance, son sort est fixé quant à ‘hayé, bané ou-mezoné, la longévité, la fécondité et la subsistance.

Certes, de prime abord, il apparaît que les sages sont partagés sur cette question (Chabbat 156a) : selon Rabbi ‘Hanina, les membres du peuple juif sont sujets à la prédestination (yech mazal lé-Israël), tandis que, selon Rabbi Yo’hanan, ils ne sont pas sujets à la prédestination (ein mazal lé-Israël). Cependant, les commentateurs expliquent que les tenants des deux positions reconnaissent que le mazal est très influent, et tous s’accordent à dire que le peuple d’Israël, plus que les autres peuples, a parfois la force de modifier le mazal, par le biais de la prière et des bonnes actions. La controverse porte donc sur le fait de savoir s’il est fréquent qu’un Juif puisse modifier son mazal, ou s’il ne le peut que dans des cas exceptionnels (cf. Tossephot sur Chabbat ibid. ; Ritva et Ran sur Mo’ed Qatan 28a).

Le fait est qu’à chaque personne appartient une vocation, une mission ; selon cette mission, est fixé le mazal. Il arrive que, pour remplir sa mission, il soit préférable qu’un homme soit pauvre et connaisse des épreuves ; dans d’autres cas, il est bon qu’une personne soit riche et en bonne santé. Parfois, le destin est implacable, et quoi que l’on fasse, on ne réussira pas à en être délivré, en dehors de cas très rares. D’autres fois, le destin n’est pas entièrement déterminé. Alors, en commettant des fautes, l’individu orientera défavorablement son destin ; il connaîtra alors des épreuves. Et en accomplissant de bonnes actions, il jouira, même en ce bas monde, d’un supplément de bénédiction. Parfois, les épreuves purifient l’homme et le sauvent d’un plus grand mal ; alors, c’est précisément dans le cas où il est un juste que l’homme bénéficiera d’épreuves. Quoi qu’il en soit, tant que le monde ne se sera pas amendé d’un point de vue moral, il s’y trouvera des gens qui connaîtront des épreuves ; grâce au fait que l’on affronte ces épreuves, le monde va se purifiant moralement.

D’un certain point de vue, les épreuves de la stérilité diffèrent des autres épreuves, car, dans le fait même de donner naissance à des enfants, réside une mitsva ; aussi, les justes s’efforcent-ils davantage de modifier le destin en ce domaine. Parfois, le mérite de la mitsva les assiste. Malgré cela, nous avons vu des justes qui n’ont pas eu d’enfants.

Après ces considérations introductives, nous allons voir de quelle façon faire face aux épreuves de la stérilité.

02. L’effort en matière de repentance, d’étude de la Torah et de bienfaisance

C’est une mitsva, pour tout couple qui a du mal à accomplir la mitsva de procréer, que de recourir à tous les moyens médicaux usuels afin de pouvoir avoir des enfants. Dans le même temps, ils doivent avoir foi dans le fait que tout dépend de la Providence particulière qu’exerce, pour le bien, l’Eternel à leur égard, afin de les amender et purifier, d’accroître leur bonheur en ce monde et dans le monde futur, et afin qu’ils méritent, par cela, d’être utiles au parachèvement du monde.

Nos sages ont dit :

Si un homme se voit touché par des épreuves, qu’il examine ses actes : il se peut que, grâce à l’amendement de ses actes, l’épreuve s’écarte de lui. S’il a examiné ses actes et n’a pas trouvé de faute particulière, qu’il vérifie : peut-être a-t-il fauté en négligeant l’étude de la Torah, et, en renforçant son étude de Torah, accomplira-t-il sa mission, et sera-t-il sauvé de l’épreuve. S’il constate qu’il accomplit convenablement la mitsva d’étudier la Torah, il sera manifeste que les épreuves qu’il endure sont des épreuves d’amour, c’est-à-dire qu’elles sont destinées à servir à la collectivité, à la réparation du monde et à sa purification (Berakhot 5a).

En tout état de cause, dans le cas même où les épreuves sont la conséquence de fautes ou d’un manque d’étude toranique, l’homme, quand il parvient à réparer cela, est utile, non seulement à l’égard de lui-même, mais du monde entier. En effet, le monde est jugé selon la majorité des actes humains :

Si un homme accomplit une seule mitsva, heureux est-il, car il fait pencher la balance dans le sens du mérite, à son profit et au profit du monde entier ; s’il commet un seul interdit, malheur à lui, car il fait pencher la balance dans le sens de la culpabilité, à son détriment et à celui du monde entier (Qidouchin 40b).

Nos sages disent : « Grande est la téchouva (le repentir), car elle est propre à déchirer le décret pesant sur l’homme » (Roch Hachana 17b). Non seulement elle est utile pour amender sa propre faute, mais il arrive qu’il soit décidé qu’un homme n’aura pas d’enfants en raison des fautes des générations précédentes ; or, par l’effet du retour qu’il fait vers Dieu, en s’y attachant intensément, en étant assidu à l’étude et en accomplissant des actes de bienfaisance, il obtient que le décret soit déchiré, et que des enfants lui soient accordés.

Nous voyons que ‘Hofni et Pin’has, fils d’Héli le grand-prêtre, profanèrent le Ciel au sanctuaire de l’Eternel, à Silo ; or, parce que leur père ne les réprimanda pas comme il eût convenu, il lui fut dit : « Voici : des jours viennent, et Je retrancherai ta force et celle de ta maison paternelle, de sorte qu’il n’y aura plus d’Ancien dans ta maison » (I Sam 2, 31). Il faut expliquer que, dans les premières générations, tous les descendants d’Héli le grand-prêtre moururent jeunes ; et, à mesure que les générations passaient et que ses descendants s’alliaient à d’autres familles, le décret funeste ne se maintenait qu’à l’encontre de ceux qui étaient nommés d’après son nom, ou qui étaient liés à lui par la racine de leur âme. Même mille ans après, il restait des descendants d’Héli qui étaient considérés comme ses continuateurs : le décret pesait sur eux. Ainsi, nos sages disent de Rabba et d’Abayé qu’ils descendaient tous deux de la maison d’Héli, et qu’il était prévisible qu’ils mourussent très jeunes ; mais ils suivirent le conseil des sages, et s’attachèrent à l’Eternel par une grande téchouva. Rabba se livra à l’étude de la Torah, avec une grande assiduité, et eut le mérite de vivre quarante années. Abayé se livra à l’étude de la Torah et à la bienfaisance, et vécut soixante ans. C’est bien ce qu’annonçait le verset : « Aussi ai-Je juré à la maison d’Héli : la faute de la maison d’Héli ne sera point expiée par le sacrifice ni l’offrande, à jamais » (ibid. 3, 14). Les sages précisent : « Par le sacrifice ni l’offrande, la faute ne peut être expiée, mais elle l’est par la Torah et la bienfaisance » (Roch Hachana 18a)[1].

De même, nos ancêtres, Abraham et Sarah, furent exaucés et enfantèrent Isaac pour avoir eu le mérite de rapprocher les créatures de la Torah, par le biais de l’hospitalité : Abraham rapprochait les hommes, Sarah les femmes. De cette façon, ils joignaient Torah et bienfaisance. Aussi l’annonce de la naissance d’Isaac leur fut faite elle-même en un moment où ils recevaient des invités.

L’installation sur la terre d’Israël (l’alya), terre de la vie, et le fait d’œuvrer à l’édifier et à la peupler, est susceptible d’aider à l’exaucement des personnes stériles (cf. Yevamot 64a).


[1]. Il convient de signaler que, s’il est vrai que Rabba ne vécut que quarante ans, la halakha suit son avis dans presque toutes les controverses auxquelles il prit part (Baba Batra 114b). Quant à Abayé, qui vécut soixante ans, et qui se livra également à la bienfaisance, la halakha, dans la majorité des controverses, ne suit pas son avis (Baba Metsia 23b).

03. La prière des personnes stériles

Grand est le pouvoir de la prière pour déchirer un décret, et pour faire brèche dans les barrières de la stérilité, ainsi qu’il est dit : « Isaac implora l’Eternel au sujet de sa femme, car elle était stérile, et l’Eternel l’exauça ; Rébecca, sa femme, conçut » (Gn 25, 21). Nos sages enseignent qu’Isaac et Rébecca firent de nombreuses prières, et que tous deux visaient la même chose, comme il est dit :

« Au sujet de sa femme » (lénokha’h ichto, littéralement : en présence de sa femme) : cela nous apprend qu’Isaac était prostré ici, et qu’elle était prostrée là [dans un autre coin de la même pièce]. Lui disait : « Maître de l’univers, tous les enfants que Tu me donnes seront de cette femme juste. » Elle aussi disait : « Tous les enfants que Tu me donneras seront de ce juste » (Gn Rabba 63, 5).

Rabbi Yits’haq a dit : « Pourquoi nos patriarches étaient-ils stériles ? Parce que le Saint béni soit-Il désire la prière des justes » (Yevamot 64a). Il convient d’expliquer que la prière des justes est utile pour ouvrir les portes de la bénédiction au monde entier ; mais tant que les justes vivent pour le mieux, selon ce qui leur convient, ils ont tendance à ne pas prier pour le monde, qui reste dans ses souffrances et ses épreuves. Le Saint béni soit-Il, qui désire le bien du monde, aspire donc à la prière des justes, qui relie le monde à sa source ; par ce biais, la prière change la réalité du monde pour le bien, et ouvre les portes du Ciel afin de dispenser la bénédiction au monde entier. Par cela, toutes les personnes dont les peines provenaient de ces barrières, sont sauvés avec eux.

De même, nos sages disent : « Au moment où notre mère Sarah fut exaucée, de nombreuses femmes stériles furent exaucées avec elle, de nombreux sourds recouvrèrent l’audition, de nombreux aveugles recouvrèrent la vision, de nombreux fous recouvrèrent la raison. C’est à ce propos que Sarah dit : “C’est un éclat de rire que Dieu a fait en moi, quiconque entendra rira à mon propos[a]” » (Gn 21, 6 ; Gn Rabba 53, 8), car tous, dans une certaine mesure, furent délivrés avec elle.

Il arrive qu’un homme ait pour mission d’engendrer une âme nouvelle dans le monde, une âme dont la mission sera de faire franchir au monde un nouveau degré. Comme cette âme n’est pas de la même nature que les âmes nées avant elle, de nombreuses barrières se dressent devant elle, et des accusations se lèvent à son sujet, qui affirment que le monde ne mérite pas de progresser d’un nouvel échelon. Aussi, les personnes qui doivent engendrer de telles âmes souffrent de stérilité ; et par leur purification personnelle, obtenue par le repentir et la prière, ces personnes ouvrent les portes du Ciel, et ont le bonheur de faire naître de nouvelles âmes[2].


[a]. יצחק לי : litt. « rira pour moi » ; selon la lecture midrachique, comprendre : « aura lieu de se réjouir à l’occasion de ma propre joie. »

[2]. C’est pourquoi il fut si difficile d’enfanter Isaac notre père. En effet, le trait de caractère d’Abraham notre père était le ‘hessed (bonté, générosité, miséricorde), tandis que celui d’Isaac était le din (jugement, rigueur). Jusqu’alors, ordinairement, les hommes de rigueur se trouvaient être des méchants. Il était donc nécessaire d’enfanter l’âme d’un juste dont le caractère fût la rigueur. Bien plus : ces deux midot (« mesures », traits de caractère), le ‘hessed et le din, qui semblent opposées, devaient se lier l’une à l’autre, si bien qu’Abraham notre père enfanterait Isaac, afin de nous apprendre que le but dernier de la rigueur est d’amplifier la bonté. C’est pourquoi il y eut tant de barrières et d’accusations dressées contre la naissance d’Isaac ; et, quand il naquit, les portes de la bénédiction s’ouvrirent, de nombreuses femmes stériles furent exaucées, et de nombreuses maladies furent guéries.

Sur la valeur et la difficulté de la naissance des justes, le Midrach Genèse Rabba 45, 4 rapporte encore : « Rabbi ‘Hanina, fils de Pazi, a dit : “Les ronces n’ont point besoin d’être sarclées ni semées : elles poussent d’elles-mêmes, s’élèvent et grandissent. Le blé, en revanche : combien de peine et combien d’effort faut-il avant qu’il ne s’élève ! »

04. La prière de Hanna

De même, nous voyons que Hanna était stérile, et sa peine était si grande qu’elle ne pouvait participer à la joie de la fête de pèlerinage devant l’Eternel, au sanctuaire de Silo. Et quand les membres de sa famille consommaient la chair des sacrifices et se réjouissaient, elle s’éloignait et pleurait.

Elkana, son mari, lui dit : « Hanna, pourquoi pleures-tu, pourquoi ne manges-tu pas, et pourquoi ton cœur est-il affligé ? Ne suis-je pas meilleur, pour toi, que dix fils ? » (I Sam 1, 8).

Alors Hanna répondait à sa demande, et se joignait au repas.

Et Hanna se leva, après avoir mangé à Silo, et après que l’on eut bu. Or Héli le grand-prêtre était assis sur la chaire, au seuil du sanctuaire de Dieu. Elle était amère en son âme, et elle pria Dieu, et pleura abondamment. Elle fit un vœu, disant : « Éternel, Dieu des armées, si Tu consens à considérer l’affliction de ta servante, que Tu m’exauces, que Tu n’oublies point ta servante, et que Tu donnes à ta servante un enfant mâle, je le vouerai à l’Éternel pour tous les jours de sa vie, et le rasoir ne passera pas sur sa tête » (ibid. versets 9-11).

Du sein de l’amertume de sa peine, elle eut le mérite de prononcer une prière très profonde, qui ouvrit les portes du Ciel, pour que pût être enfantée l’âme de Samuel, le plus grand des prophètes d’Israël après Moïse notre maître.

Nos sages enseignent :

Depuis le jour où le Saint béni soit-Il créa son monde, il ne se trouva aucun homme qui l’eût appelé du nom de Tsé-vaot (« le Dieu des armées », ou « des légions »), jusqu’à ce que vînt Hanna et qu’elle l’appelât ainsi. Hanna dit devant le Saint béni soit-Il : « Maître de l’univers, parmi la multitude de légions que Tu as créées en ton monde, est-il difficile à tes yeux de me donner un seul fils ? » (Berakhot 31b).

Et en effet, ce même nom saint, qui apparut pour la première fois dans la prière de Hanna, le prophète Samuel le révéla concrètement, car c’est lui qui eut le mérite de dévoiler la sainteté inhérente aux armées d’Israël en terre d’Israël, de lever des générations de prophètes, d’établir la royauté en Israël, et de projeter la construction du Temple.

Il est encore dit, au premier livre de Samuel (1, 12-14), au sujet de la prière de Hanna :

Or, comme Hanna priait longuement devant l’Eternel, Héli observa sa bouche. Et Hanna, elle, parlait en son cœur, seules ses lèvres bougeaient, tandis que sa voix ne se faisait pas entendre. Et Héli la prit pour une femme soûle. Héli lui dit : « Jusqu’à quand seras-tu soûle ? Va te dégriser ! »

En d’autres termes, sa prière était si particulière et si nouvelle qu’Héli, le grand-prêtre, la crut tout d’abord ivre.

Hanna répondit en ces termes : « Non, mon seigneur, je suis une femme à l’esprit attristé, et n’ai bu ni vin ni liqueur. Je déverse mon âme devant l’Éternel. Ne prends pas ta servante pour une mauvaise femme, car c’est sous l’effet de ma peine et de ma détresse que j’ai parlé jusqu’à présent. » Héli lui répondit en ces termes : « Va en paix, et que le Dieu d’Israël exauce la demande que tu lui as présentée » (ibid. 15-17).

Non seulement le prophète Samuel naquit à la suite de la prière de Hanna, mais encore nos sages enseignent que de grandes règles de halakha gouvernant la prière furent mises au jour par son biais, lors de ladite prière. Les voici : celui qui prie doit orienter son cœur vers Dieu ; il doit articuler, par ses lèvres, les mots de sa prière ; il ne doit pas élever la voix (Berakhot 31a). Du sein des souffrances de la stérilité, Hanna eut le mérite de révéler d’importantes et nouvelles données halakhiques, quant à la valeur générale de la prière, et quant à la manière de la réciter. C’est un exemple de bénédiction qui peut se révéler, dans le monde, du sein des souffrances et de la détresse de la stérilité.

05. Consolation des personnes stériles

Il arrive que, malgré les prières, le repentir et le renforcement dans l’étude de la Torah et dans la bienfaisance, le problème ne soit pas résolu. Les mois passent, les années s’écoulent, et les époux ne sont toujours pas exaucés par la naissance d’enfants. Peut-être leur destin est-il scellé, et n’est-il pas possible de le changer, parce que les âmes que les époux auraient pu engendrer appartiennent à un autre monde, dont le temps n’est pas venu. Il se peut que, si les époux avaient réussi à changer leur destin, l’enfant né eût été un grand impie, parce qu’il n’eût point convenu à son époque ; aussi est-ce un bienfait que leur a prodigué l’Eternel en leur évitant d’avoir un enfant qui aurait fait, parmi les tourments, descendre leurs cheveux blancs dans la tombe. Dans le même sens, nos sages disent que, après la destruction du Temple et l’exil, les princes des nations se moquaient de l’Assemblée d’Israël, devenue « stérile », en ce sens qu’elle ne jouissait pas de la bénédiction d’avoir des enfants sur sa terre. Et l’Assemblée d’Israël leur répondait : « Quand la méchanceté domine le pays, il est préférable d’être stérile et de ne pas engendrer d’enfants impies, promis comme vous à l’enfer. » C’est à ce propos qu’il est dit : « Réjouis-toi, femme stérile, qui n’a pas enfanté ; fais éclater ta joie et exulte, toi qui n’a point conçu, car plus nombreux seront les fils de l’abandonnée que ceux de la femme en puissance d’époux, dit l’Eternel » (Is 54, 1 ; Berakhot 10a).

De même, nos maîtres écrivent, en plusieurs ouvrages, que les personnes stériles doivent se garder de supplier par trop à ce sujet ; il leur faut toujours formuler leur demande à Dieu en précisant que, si la chose n’est pas bonne à ses yeux, elles renoncent à leur requête. Car parfois on sait, au Ciel, que, si tel couple avait des enfants, ceux-ci seraient des impies, ou subiraient de redoutables souffrances ; aussi, pour alléger la peine des époux, on ne leur donne pas d’enfants (Chévet Moussar 24, 19).

Malgré cela, les époux doivent savoir que rien, du nombre des prières, des bonnes actions qu’ils accomplissent, et de la Torah qu’ils étudient, rien de cela n’est perdu, car, même si cela n’est pas directement utile à eux-mêmes, cela est utile à d’autres personnes sans enfants, qui, grâce à eux, seront exaucés. En tout état de cause, ces prières, bonnes actions et études toraniques servent à l’amendement du monde, et rapprochent celui-ci du jour où les âmes de leurs enfants pourront naître.

06. Valeur de l’amour et de la joie conjugaux

Une grande épreuve se dresse devant le couple qui n’a pas eu d’enfants : les époux s’engouffreront-ils dans leur peine, perdront-ils leur foi et leur joie ? Ou surmonteront-ils leur peine, intensifiant l’amour qui les lie ? Accompliront-ils la mitsvat ‘ona dans une grande joie, et penseront-ils toujours à la façon d’ajouter du bien et de la joie, chez tous les membres de leur famille et leurs amis ? Car, en vérité, bien qu’ils n’aient pas eu le bonheur d’avoir des enfants, leur couple a une valeur intrinsèque, très grande.

De même, nous voyons que nos sages demandent : « Pourquoi les matriarches étaient-elles stériles ? » L’un d’eux explique : « afin que, dans toute leur beauté, elles attirassent l’attente languissante de leur mari. » Un autre sage dit : « afin que leurs maris jouissent pleinement d’elles ; car tant que la femme porte des enfants, elle est enlaidie et délaissée. En effet, durant les quatre-vingt-dix ans où Sarah n’a pas enfanté, elle était semblable à la jeune épousée sous son dais nuptial, et les dames venaient demander de ses nouvelles » (Gn Rabba 45, 4). Il apparaît donc que, d’un certain point de vue, les époux qui n’ont pas d’enfants peuvent faire grandir et rendre plus puissants l’amour, le désir et la joie qui les lie.

C’est bien ce qu’expliquent les maîtres de la mystique : grâce à chaque union charnelle accomplie dans l’amour et le désir, s’ajoute abondance de vie et de bénédiction dans le monde. Comme l’écrit le Chné Lou’hot Habrit : « De chaque union, lorsqu’elle s’accomplit dans la sainteté, émane une action bénéfique. Même si sa femme ne conçoit pas (…), l’homme n’aura point émis en vain sa semence : il se constitue, à partir de cela, une âme sainte (…). Car de chaque union émane une âme ; simplement, ces âmes viennent s’adjoindre à d’autres fœtus. » Aussi « Abraham s’unissait-il à Sarah, bien que celle-ci fût stérile, et loin de nous de penser que cela fût en vain » (Cha’ar Haotiot, Qédouchat Hazivoug 402). Les maîtres du Zohar expliquent que, par l’effet de la pleine union, accomplie dans l’attachement et le désir de ces deux justes, Abraham et Sarah, furent créées des âmes dans les mondes supérieurs, âmes qui, suivant leurs enchaînements d’un monde à l’autre, naquirent par la suite en tant qu’enfants de différentes familles ; et quand ces enfants grandirent, ils se rapprochèrent d’Abraham et de Sarah, et se convertirent par leur biais. C’est à leur sujet qu’il est dit : « Et les âmes qu’ils avaient faites à Haran » (Gn 12, 5 ; Zohar III 168a)[b]. Nous voyons donc que, lorsque les époux surmontent la tristesse, et s’unissent avec attachement et désir, ils s’associent à la descente d’âmes en ce monde, et leur attribuent des étincelles de leurs propres âmes, provenant de leur union.

De plus, lorsque des époux qui n’ont pas eu d’enfants réussissent, malgré leurs épreuves et leur peine, à se renforcer dans la foi, à approfondir l’amour qui les lie, et à se procurer mutuellement jouissance durant la mitsvat ‘ona, ils ont le mérite de dispenser un supplément de vie et de bénédiction au monde entier. Car leur amour est doté d’une pureté particulière, en ce qu’il ne dépend d’aucune contingence, et ne s’appuie pas sur des enfants nés de leur union : tout leur amour est fondé sur l’essence même du sentiment qui les lie, lequel donne expression à l’unité divine qui se révèle dans le monde. Certes, ils n’ont pas eu d’enfants, mais ils ont le privilège de dévoiler la valeur même de la vie ; aussi ajoutent-ils vie et existence en tous les mondes.

Comme l’explique le saint Ari (Rabbi Isaac Louria), il existe deux sortes d’unions matrimoniales : l’une, pour les besoins de l’enfantement direct des âmes, l’autre pour les besoins de la vitalité et de l’édification des mondes (Cha’ar Hamitsvot, Béréchit p. 7). Et certes, les époux qui ont eu des enfants ont, eux aussi, le mérite d’accomplir la seconde union, celle qui vise la vitalité et l’édification des mondes, quand la femme est enceinte, ou qu’elle allaite, ou quand elle est âgée. Mais puisque, chez les couples qui n’ont pas eu d’enfants, telle est la seule sorte d’union qu’ils réalisent, leur influence, en cela, est supérieure. Cependant, cela ne se réalise qu’à la condition de faire tomber, par le biais de l’amour et de la joie qui les lie, la barrière de la tristesse, et de voir le monde du bon côté, de partager la joie des membres de leur famille et de leurs amis, d’œuvrer à l’édification du monde et de dispenser la bienfaisance auprès des créatures, selon leurs possibilités.


[b]. ואת הנפש אשר עשו בחרן : le verset, dans son sens premier, parle des personnes – c’est-à-dire des esclaves – qu’Abraham et Sarah avaient acquises à Haran. Mais la lecture midrachique prend littéralement le mot néfech (âme) et le verbe ‘assou (ils firent), pour évoquer la création d’âme que constitue la conversion.

07. Adoption d’enfants

Nos sages enseignent : « Quiconque élève un orphelin ou une orpheline dans sa maison, le verset le lui impute comme s’il l’avait enfanté » (Méguila 13a). Le Talmud ne vise pas spécialement un orphelin dont les deux parents sont décédés : il peut aussi s’agir d’un enfant dont les parents sont vivants, mais ne peuvent répondre à tous ses besoins, physiques et psychiques. En effet, la source de cette parole des sages se trouve dans la figure de Moïse notre maître, qui est appelé fils de Batya, fille de Pharaon. Bien que Yokhéved fût sa mère, et qu’elle l’eût même allaité, Moïse, parce qu’il a été élevé par Batya, est considéré comme son fils.

Nos sages enseignent que celui qui a le mérite d’élever un orphelin ou une orpheline en sa maison, puis de le marier, le verset dit de lui : « Il pratique la charité en tout temps » (Ps 106, 3 ; Ketoubot 50a). Ils disent encore, dans le Midrach, que le Saint béni soit-Il possède des trésors pour rétribuer les justes, et que, parmi ces trésors, en figure un, spécialement prévu pour la rétribution de ceux qui élèvent des orphelins en leur foyer (Ex Rabba 45, 6).

Bien plus : certains décisionnaires estiment que le couple qui, en son foyer, élève un orphelin, accomplit par-là, véritablement, la mitsva de croître et multiplier. En effet, lorsque les sages déclarent que « le verset le leur impute comme s’ils l’avaient enfanté », ils visent le sens littéral de ces mots : de tels parents sont vraiment considérés comme les auteurs de ces enfants (cf. ‘Hokhmat Chelomo, Even Ha’ezer 1, 1). En tout état de cause, de l’avis même des autres décisionnaires, selon lesquels l’adoption n’est pas à prendre comme un véritable engendrement, il n’en reste pas moins, d’un certain point de vue, qu’il y a dans l’adoption une mitsva particulièrement grande, puisque les parents agissent bénévolement.

De même, nous apprenons, en matière d’honneur dû aux parents, que, bien que les enfants adoptifs ne soient pas, du point de vue du droit toranique, tenus à cette obligation, ils doivent, du point de vue de la morale toranique (moussar ha-Torah), accomplir tout ce que les enfants ordinaires doivent eux-mêmes accomplir, et même davantage, puisque c’est bénévolement que leurs parents adoptifs les ont accueillis.

De même, c’est une mitsva, pour les enfants adoptifs, que de prendre le deuil et de réciter le Qadich pour leurs parents adoptifs, après la mort de ceux-ci. La seule différence entre les deux types d’enfants, du point de vue de leurs obligations, est qu’il est interdit à un enfant ordinaire d’accomplir, sur la personne de ses parents, un soin médical entraînant un écoulement de sang, tandis que cela est permis à l’enfant adoptif (Pniné Halakha, Liqoutim III 1, 25).

Celui à qui il serait difficile d’élever un orphelin, ou d’aider à son éducation, peut donner de l’argent à une œuvre qui s’occupe d’enfants abandonnés, afin de répondre à leurs besoins et de les établir dans la vie ; par cela, lui aussi sera considéré comme associé à leur éducation, et, d’un certain point de vue, sera considéré comme les ayant enfantés. Plus l’assistance sera significative, plus importante sera sa part dans l’éducation.

Celui-là même qui aide des parents ordinaires à s’occuper de leur enfant, et à l’éduquer, est considéré dans une certaine mesure comme l’ayant enfanté. Ainsi que l’enseignent nos sages, Obed, fils de Ruth et de Boaz, est également nommé « fils de Noémie », car celle-ci s’associa à ses soins et à son éducation. Il est dit, en effet : « Les voisines désignèrent l’enfant, disant : “Un fils est né à Noémie !” Et elles l’appelèrent Obed. C’est le père d’Ichaï, père de David » (Ruth 4, 17 ; Sanhédrin 19b).

08. Enseigner à des disciples

Nos sages ont dit : « Quiconque enseigne la Torah au fils de son prochain, le verset le lui impute comme s’il l’avait enfanté. » La preuve en est que les fils d’Aaron sont appelés fils de Moïse notre maître. « Cela, pour t’enseigner : Aaron enfanta, et Moïse enseigna ; aussi sont-ils appelés d’après son nom » (Sanhédrin 19b).

Dans le même sens, il est écrit, dans le Chéma Israël : « Tu les enseigneras à tes enfants » (Dt 6, 7). Nos sages commentent, dans le Sifré :

À tes enfants : ce sont tes disciples. Ainsi trouves-tu, en tout endroit, que les disciples sont nommés fils, ainsi qu’il est dit : « Les fils des prophètes qui étaient à Béthel allèrent au-devant d’Elisée » (II R 2, 3). Etaient-ils des fils de prophètes ? N’étaient-ils pas leurs disciples ? De là, nous apprenons que les élèves sont appelés fils (…). Et de même que les élèves sont appelés fils, ainsi le maître est-il appelé père, comme il est dit : « Et Elisée voyait [Elie] ; et il s’écria : Mon père, mon père, char et cavalerie d’Israël. Et il ne le vit plus » (ibid. 2, 12).

Cela a même une implication halakhique : celui qui retrouve un objet perdu par son père, ainsi qu’un objet perdu par son maître, doit, s’il ne lui est pas possible de rendre les deux, rendre prioritairement l’objet perdu par son maître, car « son père l’a introduit dans ce monde-ci, tandis que son maître, qui lui a enseigné la sagesse, l’introduit dans le monde futur. » Et si son père, également, est un sage, c’est l’objet perdu par le père qui doit être rendu par priorité (Baba Metsia 33a).

De celui qui a formé des disciples, mais qui n’a pas eu la possibilité d’avoir des enfants, le prophète dit : « Car ainsi parle l’Eternel : “Aux eunuques qui gardent mes Chabbats, choisissent ce que j’ai désiré, et s’attachent à mon alliance, Je donnerai, en ma maison et en mes murailles, un monument et un titre, meilleurs que des fils et des filles ; Je leur donnerai un renom perpétuel, qui ne sera point retranché” » (Is 56, 4-5). De même, on raconte que Rabbi Yo’hanan s’affligeait fort, au sujet de ses fils qui moururent tous dans leur enfance, et par lesquels il n’avait finalement pas accompli la mitsva de procréation ; jusqu’à ce qu’un ancien le consolât, en lui disant que ses disciples étaient considérés comme ses fils, et que, par leur mérite, il jouirait du monde futur et d’un renom perpétuel (Zohar I 187b, Zohar ‘Hadach, Ruth 108b).

Ceux-là même qui soutiennent les étudiants de Torah sont considérés comme leurs précepteurs, car, sans leurs offrandes, ils ne pourraient étudier.

Il est écrit dans le Séfer ‘Hassidim (367) que, parfois, on ne veut rien retrancher de ce qui revient à un homme. Aussi ne peut-il avoir accès à deux tables à la fois ; et puisqu’il a le mérite d’accéder à la table de la Torah, on ne lui accorde pas la table de la famille et des enfants. Et s’il avait la possibilité d’avoir des enfants, il n’aurait pas accès, par son étude de Torah, à son renom éternel.

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