Pniné Halakha

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Chapitre 06 – Le jour de Kipour

01. Yom hakipourim, le jour des expiations

Dans son grand amour pour son peuple Israël, le Saint béni soit-Il nous a fait sortir d’Égypte, a contracté une alliance éternelle avec nous, et a désigné un jour particulier dans l’année, jour qu’il a sanctifié à notre intention, afin que nos fautes y soient expiées, ainsi qu’il est dit : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 30). Cette pureté (tahara) et cette expiation (kapara) viennent de Dieu ; si tel n’était pas le cas, et dans le cas même où l’homme regretterait ses actes, il ne pourrait corriger ses voies que pour l’avenir, tandis qu’il lui serait impossible d’annuler ses mauvaises actions passées. L’Éternel, dans sa grande miséricorde et toute sa bonté nous a donc prescrit le jour des expiations, Yom hakipourim[a], et la mitsva de la téchouva (littéralement le retour, le repentir), par lesquels l’homme peut effacer ses manquements, ses fautes et ses péchés. C’est à ce propos que Rabbi Aqiba déclare :

Heureux êtes-vous, enfants d’Israël ! Car devant qui vous purifiez-vous, et qui vous purifie ? Votre Père qui est au ciel, comme il est dit : « Je répandrai sur vous des eaux pures, et vous serez purifiés » (Ez 36, 25). Et il est dit : « L’espoir [miqvé, mot désignant aussi la source d’eau vive, le bain rituel] d’Israël est Dieu » (Jr 17, 13) ; de même que le miqvé purifie les impurs, de même le Saint béni soit-Il purifie-t-il Israël (Yoma 85b).

Toute l’année, Israël est placé sous des cloisons qui cachent la lumière divine et empêchent celle-ci de se révéler dans le monde. Mais le jour de Kipour, les portes du Ciel s’ouvrent, et un faisceau de lumière divine est projeté vers la racine des âmes israélites, les purifiant. Les âmes s’élèvent alors, s’immergent dans la lumière divine, sont purifiées et expiées de la salissure des fautes.

Puisque le fondement de l’expiation provient de Dieu Lui-même, conformément à sa volonté, le jour de Kipour, même lorsque les Juifs ne font pas téchouva, révèle le bon côté qui se trouve en leur for intérieur. Grâce à cela, la racine de leurs âmes est nettoyée. Mais du fait que les fautes demeurent encore, des épreuves sont nécessaires afin d’en annuler l’influence. C’est le but des épreuves en ce monde et dans le monde futur. Plus les Juifs regrettent leurs fautes et reviennent à Dieu, plus l’action du Yom hakipourim s’étend, purifiant aussi les ramifications de la faute, au point qu’il n’est plus besoin d’épreuves.

Pour cela, nous prions :

Tu nous as donné, Éternel notre Dieu, par amour, ce Yom hakipourim pour le pardon, l’absolution et l’expiation, afin de pardonner en ce jour toutes nos fautes ; convocation sainte (miqra qodech), souvenir de la sortie d’Égypte (…). Notre Dieu et Dieu de nos pères, pardonne nos méfaits en ce jour de Kipour, efface et fais disparaître nos péchés et nos fautes de devant tes yeux, comme il est dit : « C’est Moi, Moi qui efface tes péchés en ma faveur, et tes fautes, Je n’en aurai plus souvenance » (Is 43, 25). Et il est dit : « J’ai dissipé comme un brouillard tes péchés et comme un nuage tes fautes ; reviens à Moi, car Je te délivre » (ibid. 44, 22). Et il est dit : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez ». Sanctifie-nous par tes commandements et donne-nous part à ta Torah ; rassasie-nous de ta bonté et réjouis notre âme par ton secours ; et purifie nos cœurs, afin que nous te servions en vérité ; car Tu pardonnes à Israël, absous les tribus de Yéchouroun en chaque génération, et en dehors de Toi, nous n’avons point de roi qui pardonne et absolve. Béni sois-Tu, Éternel, Roi qui pardonnes et absous nos fautes et les fautes de ton peuple, la maison d’Israël, et qui, chaque année, fais disparaître notre culpabilité ; Roi de toute la terre, qui sanctifies Israël et le jour des expiations » (bénédiction centrale de la ‘Amida de Yom Kipour).


[a]. Ce jour sera indifféremment appelé Yom hakipourim, Yom Kipour, ou Kipour.

02. Mitsvot du jour

La vertu particulière au jour de Kipour se révèle par le biais des mitsvot du jour. Premièrement, sont prescrites trois mitsvot par lesquelles Kipour équivaut aux autres jours saints :

  1. Faire de ce jour une convocation sainte (miqra qodech), c’est-à-dire le destiner à des actes de sainteté et l’honorer par des vêtements distingués, une maison bien ordonnée, comme il est dit : « Cependant, le dixième jour de ce septième mois est le jour des expiations, ce sera pour vous une convocation sainte… » (Lv 23, 27 ; le sujet sera expliqué ci-après, chap. 7 § 1).
  2. S’abstenir de tout travail, comme le jour de Chabbat, ainsi qu’il est dit : « Vous n’accomplirez aucun ouvrage, ce jour même, car c’est le jour des expiations, afin de faire expiation pour vous devant l’Éternel votre Dieu (…). Car toute personne qui, ce jour même, ferait un quelconque ouvrage, Je perdrais cette personne du sein de son peuple. Vous n’accomplirez aucun travail, loi éternelle en vos générations, dans toutes vos demeures » (ibid. 23, 28-31 ; ce thème sera expliqué au chap. 7 § 2).
  3. Apporter les sacrifices additionnels (Moussaf), semblablement aux autres fêtes et aux néoménies, comme il est dit : « Vous offrirez un holocauste (‘ola) à l’Éternel, en odeur agréable : un taureau, un bélier, sept moutons âgés d’un an, ils seront parfaits pour vous (…) un bouc comme expiatoire, outre l’expiatoire propre au jour des expiations et l’holocauste perpétuel, leur oblation et leurs libations » (Nb, 29, 8-11).

Trois autres mitsvot, particulières à Yom Kipour, s’ajoutent :

  1. Le jeûne, comme il est dit : « L’Éternel parla à Moïse en ces termes : “Cependant, le dixième jour de ce septième mois est le jour des expiations, ce sera pour vous une convocation sainte, et vous mortifierez vos personnes, et vous apporterez un sacrifice à l’Éternel (…). Car toute personne qui ne se mortifiera pas ce jour-même serait retranchée de son peuple (…). Ce sera pour vous un Chabbat solennel, et vous mortifierez vos personnes le neuf du mois au soir, d’un soir l’autre, vous observerez votre Chabbat » (Lv 23, 26-32 ; cf. aussi Lv 16, 29 et Nb 29, 7). Cette mitsva est si importante que, même quand Kipour tombe un Chabbat, la mitsva du jeûne s’impose dans toutes ses composantes et repousse la mitsva de se délecter le jour de Chabbat.
  2. Se repentir (faire téchouva) et se confesser de ses fautes, comme il est dit : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 30) ; ce que signifie la parole « devant l’Éternel, vous vous purifierez », c’est : vous vous repentirez, vous ferez téchouva (Maïmonide, Téchouva 2, 7 ; Cha’aré Téchouva 4, 17).
  3. Il existe un ensemble de sacrifices, particulier à Kipour, et qui vise l’expiation des fautes d’Israël. Au faîte de ce service, le Grand-Prêtre (Cohen gadol) entrait dans le Saint des saints (Qodech haqodachim), y faisait fumer l’encens (qetoret) et aspergeait le sang des sacrifices expiatoires devant l’Éternel. Les sacrifices particuliers à ce jour sont : un taureau comme expiatoire (‘hatat), afin de faire expiation sur le Grand-prêtre et sur ses frères, les prêtres (cohanim) ; un bélier comme holocauste (‘ola) ; deux boucs expiatoires, l’un sacrifié à l’Éternel, l’autre envoyé à Azazel. Du sang du taureau expiatoire et du bouc offert à l’Éternel, le Grand-Prêtre faisait une aspersion dans le saint des saints, puis sur le voile (parokhet, rideau) et sur l’autel d’or (mizbéa’h hazahav). Quant au bouc envoyé à Azazel, il portait sur lui les fautes d’Israël au lieu qui leur convient : le désert.

De nos jours, où le Temple est détruit, c’est la journée de Kipour elle-même, avec le jeûne et la téchouva qui lui sont liées, qui apportent l’expiation à Israël ; et les prières du jour, en particulier celle de Moussaf, remplacent, dans une certaine mesure, les sacrifices (Maïmonide, Téchouva 1, 3 ; cf. ci-après, chap. 10 § 18).

03. L’expiation de Kipour et son sens

Le mot kipourim possède de nombreuses significations, qui sont toutes contenues dans la thématique de Kipour. Le mot kapara signifie, étymologiquement, couverture. De même que le propitiatoire (kaporet) couvrait l’arche sainte, ainsi l’expiation couvre les fautes. Le mot kapara est également parent du mot kofer (rachat, contrepartie, remplacement) ; car la faute, qui provient des forces de l’impureté, est remplacée, et restituée à son lieu, par le biais du bouc émissaire. Le mot comporte également l’idée de nettoyage, de lavage, car l’expiation lave et nettoie la souillure de la faute. On trouve encore dans ce mot une idée d’annulation, comme nous le voyons dans la parole de Jacob notre père : Akhapera panav (« je veux rasséréner son visage »), ce qui signifie : « je neutraliserai sa colère par le biais de ce présent » (Gn 32, 21, Rachi ad loc.). Le mot kapara porte également en lui la notion d’apaisement : par le nettoyage de la faute et son annulation, la personne lésée, ou l’accusateur, s’apaise, se rassérène (Rachi sur Pr 16, 14). Enfin, on trouve dans ce mot la notion de parfums, comme il est dit : echkol hakofer (« grappe de cypre », Ct 1, 14) ; car si la téchouva est faite par amour, les fautes volontaires se transforment en mérites, et il en émane une bonne odeur.

Nos maîtres expliquent sur le mode midrachique les mots : « les jours de leur formation, avant qu’aucun d’eux ne fût[b] » (Ps 139, 16) – é’had bahem, littéralement « l’un d’eux » – en disant que ce jour un est le jour de Kipour, jour particulier au sein de l’année :

[Ce jour] est un motif de grande joie devant Celui qui, par sa parole, créa le monde, parce qu’Il le donna à Israël avec un grand amour. À quoi cela ressemble-t-il ? À un roi de chair et de sang dont les serviteurs et les proches, sortant les ordures, les jetaient face à la porte de la ville du roi [afin de s’en débarrasser en dehors de la ville]. Quand le roi sortit et vit ces ordures, il éprouva une grande joie. C’est à cela qu’est comparé le jour de Kipour, que le Saint béni soit-Il nous donna par l’effet de son grand amour et dans la joie. (…) Quand Il pardonne les fautes d’Israël, Il ne s’en afflige pas mais s’en réjouit grandement, disant aux monts et aux collines, aux ruisseaux et aux vallées : « Allons, réjouissez-vous avec Moi d’une grande joie, car Je pardonne les fautes d’Israël… » (Tana Devei Elyahou Rabba 1).

Nos sages enseignent qu’il est fait allusion, dans le nom Ha-Satan (l’Accusateur) – dont la valeur numérique est de 364 – au propos particulier du jour de Kipour : cela nous enseigne que, trois cent soixante-quatre jours de l’année durant, l’Accusateur a le droit de faire obstacle à la lumière divine – l’empêchant de se dévoiler dans le monde –, et de mettre en cause Israël. Or, puisque l’année compte trois cent soixante-cinq jours, il en est un durant lequel l’Accusateur n’a pas le droit de mettre en cause Israël. Ce jour est Yom Kipour, puisque s’y dévoile la racine de la sainteté d’Israël, qui est liée à l’Éternel (Yoma 20).

Si l’Éternel n’avait pas fixé un jour d’expiation et de pardon pour Israël, les fautes se seraient amoncelées, année après année, au point que, après quelques années, Israël et le monde eussent risqué d’être condamnés à la destruction (cf. Séfer Ha’hinoukh, mitsva 185).

Toute la durée du jour de Kipour a cette vertu expiatrice. Aussi, même un homme qui serait mort au milieu de la journée aurait bénéficié de l’expiation de ses fautes (Keritot 7a). Mais le parachèvement de l’expiation se produit à l’approche de l’issue de Kipour, au moment où le jeûne parvient à son sommet, et où toutes les prières et toutes les intentions qui y sont associées (les kavanot) s’assemblent (Talmud de Jérusalem, Yoma 8, 7). Aussi a-t-on coutume, dans les communautés d’Israël, d’intensifier la prière au moment de la Né’ila, dernier office de Kipour[1].


[b]. Ce passage évoque l’omniscience divine : Dieu voit et « consigne dans un livre » tous les membres de l’homme encore en formation, avant qu’aucun d’eux n’existe encore – ou : avant qu’aucun des jours de leur formation ne soit passé. La lecture midrachique transforme aucun des jours en jour un, unique parmi ses pairs.

[1]. La Guémara Keritot 7a explique que l’expiation (kapara) s’exerce à tout moment de la journée de Kipour. C’est aussi ce qu’écrivent le Rachba, Rabbi Samson de Sens et le Guevourat Ari. Nos sages disent encore, en Keritot 7a et en Chevou’ot 13a, que Yom Kipour apporte l’expiation de jour comme de nuit ; Rachi explique que cette précision est nécessaire parce qu’il est dit « car en ce jour, il sera fait expiation pour vous » [en ce jour pourrait être compris comme excluant la nuit] ; de plus, le jeûne ne se fait presque pas sentir pendant la nuit.

Face à cela, le traité Yoma 8, 7 du Talmud de Jérusalem explique que, selon Rabbi Zeira, chaque instant de Kipour possède une vertu d’expiation, depuis le commencement de la nuit, mais que, selon Rabbi Hanania, c’est la fin du jour de Kipour qui apporte l’expiation. Mais Rabbi Hanania lui-même reconnaît que, à l’époque du Temple, le bouc émissaire apportait l’expiation dès son renvoi, avant même que le jour de Kipour ne fût achevé. La conclusion du Talmud de Jérusalem suit l’opinion de Rabbi Hanina ; et c’est en ce sens que s’expriment Na’hmanide et le Ran. Dans la mesure où il s’agit de questions spirituelles, le principe qui veut que « ces paroles-ci et celles-là sont les paroles du Dieu vivant » est d’autant plus prégnant. Il faut donc dire que l’expiation de Yom Kipour est graduelle : dès la nuit, commence l’effet expiatoire, car dès ce moment se prépare l’expiation dont le principal a lieu durant le jour, à chaque heure. Puis l’expiation s’intensifie et se parachève vers la fin du jour de Kipour, car alors le jeûne parvient à son plus haut point. Le ‘Itour écrit ainsi que toute la journée possède une vertu expiatrice, mais que le parachèvement ultime de l’expiation se fait à la Né’ila.

04. L’essence même de Kipour est expiatrice, par l’effet du mystère de l’élection d’Israël

Le fondement de Yom Kipour se trouve dans l’alliance que l’Éternel contracta avec nos pères, Abraham, Isaac et Jacob. Cette alliance s’établit par le biais de la mitsva de circoncision (berit mila) ; elle se renforça lorsque l’Éternel fit sortir Israël d’Égypte ; et elle fut scellée au moment où l’Éternel nous donna la Torah. C’est par cela que le monde subsista, comme l’enseignent nos sages :

Le Saint béni soit-Il soumit l’œuvre de la Création à une condition, disant [aux éléments] : « Si Israël reçoit la Torah, vous vous perpétuerez ; sinon, je vous renvoie au tohu-bohu » (Chabbat 88a).

Cela, parce que tout le but de la création du monde est qu’Israël y révèle la parole de l’Éternel, ainsi qu’il est dit : « Ce peuple, Je l’ai créé pour Moi, il racontera ma louange » (Is 43, 21). Les sages disent ainsi : « Les cieux et la terre n’ont été créés que par le mérite d’Israël » (Lv Rabba 36, 4).

Cette alliance fut révélée à Israël le jour de Kipour, car alors l’Éternel pardonna à Israël la faute du veau d’or, d’un pardon entier, et renouvela son alliance avec Israël par le don des secondes tables de la Loi, et par l’ordre d’ériger le tabernacle afin de faire régner la Présence divine (Chékhina) au sein du peuple (Pirqé de-Rabbi Eliézer 46 ; Tan’houma, Terouma 8, Ki Tissa 31).

Cette alliance que Dieu contracta avec Israël ne dépend pas des actes d’Israël, mais de l’âme particulière que Dieu créa et conféra à ce peuple, âme qui aspire, en sa racine même, au parachèvement (tiqoun) du monde par l’effet du dévoilement de la lumière divine. C’est à ce propos qu’il est dit : « Car tu es un peuple saint pour l’Éternel ton Dieu, c’est toi que l’Éternel ton Dieu a choisi pour lui être un peuple d’élection entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre » (Dt 7, 6). Il est dit aussi : « Car c’est Jacob que Dieu s’est choisi, Israël pour être son élu » (Ps 135, 4). Aussi, même si les fautes étaient innombrables parmi le peuple juif, l’alliance divine ne serait pas annulée, comme il est dit : « Car l’Éternel n’abandonnera pas son peuple, et ne délaissera point son héritage » (ibid. 94, 14) ; et : « Car l’Éternel ne délaissera pas son peuple, en faveur de son grand nom ; car l’Éternel vous a destinés à être son peuple » (I Sam 12, 22).

Certes, si le peuple d’Israël faute, il est puni par de dures épreuves ; et plus les fautes sont nombreuses, plus les punitions sont dures et redoutables, afin de purifier le peuple et de le conduire au repentir. Mais jamais Israël ne pourra annuler l’alliance divine. Il est dit ainsi :

Ce qui vous vient à l’esprit ne se réalisera jamais, quand vous dites : « Soyons comme les peuples, comme les familles des pays, pour servir le bois et la pierre. » Par ma vie, dit l’Éternel Dieu, Je jure que par une main forte, par un bras étendu et par une colère débordante, Je régnerai sur vous. Et Je vous ferai sortir d’entre les peuples, et vous rassemblerai des terres où vous avez été dispersés, d’une main forte, d’un bras étendu et d’une colère débordante. Et Je vous amènerai dans le désert des peuples, et vous y jugerai face à face. (…) Je vous ferai passer sous la verge, et vous amènerai dans la tradition de l’alliance (Ez 20, 32-37).

En général, le monde est dirigé d’après les principes du jugement (michpat) ; l’Éternel a en effet établi, lors de la création du monde, que le monde serait conduit en fonction des actes des hommes. S’ils choisissent le bien, les bienfaits se multiplient ; s’ils choisissent le mal, les bienfaits se voient limités et les souffrances se multiplient. De prime abord, selon cela, si les fautes excédaient un certain seuil, elles devraient détruire le monde. Mais le jour de Kipour, les portes du Ciel s’ouvrent, la conduite divine supérieure se révèle, et les péchés d’Israël sont pardonnés à leur racine ; le monde continue donc de subsister et de cheminer vers sa Délivrance. Certes, la conduite du monde selon la justice n’est pas annulée pour autant : toute faute, tout péché qui n’a pas été réparé par la téchouva sera puni ; et, si les fautes grandissent et deviennent nombreuses, les peines deviennent extrêmement pénibles. Mais elles amendent et purifient Israël. Et comme l’expliquent la Torah, les livres prophétiques et les paroles des sages, même si Israël ne se repent pas, la délivrance promise par Dieu à nos pères et à nous-mêmes adviendra. Le choix qui est remis entre nos mains est celui des modalités de cette Délivrance : viendra-t-elle rapidement et dans la joie, ou, à Dieu ne plaise, de manière longue et difficile, remplie d’épreuves et redoutable.

Puisque l’expiation de Yom Kipour a pour fondement l’élection d’Israël, toutes les prières et les confessions récitées ce jour-là sont libellées au pluriel, car elles visent ce qui intéresse la collectivité : demander à Dieu qu’Il pardonne nos fautes, nous rapproche de son service, et qu’Il révèle sa Présence sur nous, afin que nous puissions révéler son honneur et sa guidance dans le monde ; et que, grâce à cela, la bénédiction abonde dans le monde, pour la collectivité d’Israël, pour chaque Juif et pour tous les hommes.

05. La force de ce jour, pour amener l’expiation de l’individu

Par l’effet de la sainteté et de l’expiation générale d’Israël au jour de Kipour, un esprit de pureté et d’expiation est également prodigué à chaque individu parmi le peuple juif, chacun pouvant s’attacher à Dieu de la façon la plus intense, se libérer de l’impureté déterminée par ses fautes et ses péchés, et accomplir la téchouva. Aussi y a-t-il une mitsva particulière à chaque individu de se repentir, le jour de Kipour, comme il est dit : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 30). En d’autres termes, de l’expiation générale, propre au jour de Kipour, expiation produite par le biais du service du Grand-prêtre, découle une mitsva pour chaque individu, de se repentir de ses fautes (Cha’aré Téchouva 4, 17, Maïmonide, Téchouva 2, 7).

La téchouva faite le jour de Kipour est davantage agréée que le reste de l’année, car la gravité de la faute dépend du degré d’intentionnalité qui l’anime, laquelle exprime l’éloignement à l’égard de Dieu et des directives de la Torah. Le jour de Kipour, quand les portes du Ciel s’ouvrent, que l’alliance unissant l’Éternel à Israël se dévoile, et que luit la lumière de l’âme, il apparaît que la volonté de chaque Israélite, dans son essence, est d’être proche de Dieu et d’accomplir sa volonté, d’être bon, de se livrer à l’étude de la Torah, et d’accomplir ses mitsvot. Ce n’est qu’en raison des séductions du yétser hara’, le penchant au mal, des tracas de l’existence et des besoins corporels – qui cachent la lumière divine – que l’homme chute et faute. Mais en réalité, même s’il faute intentionnellement, ce n’est point d’une intention complète car, au moment où il faute, le Juif n’a pas conscience de sa volonté intérieure. Plus l’on s’attache, le jour de Kipour, à la sainteté de l’Assemblée d’Israël[c], plus on révèle sa volonté intérieure, qui émane de la racine de son âme ; et la gravité de ses fautes, manquements et péchés diminue. Les fautes volontaires sont alors requalifiées en fautes involontaires ; et les fautes involontaires en actes contraints. Aussi peut-on alors facilement regretter ses fautes, faire téchouva et prendre sur soi d’être meilleur.

Le fait que le service de Yom Kipour et ses prières soient essentiellement en faveur de l’ensemble du peuple juif ne porte pas atteinte à la téchouva personnelle de l’individu ; bien au contraire, c’est précisément grâce à la sainteté de la collectivité que l’individu pourra accomplir une téchouva complète. L’inverse est aussi vrai : le fait pour l’individu de se repentir de ses fautes ne porte pas nécessairement atteinte à sa prière en faveur de la collectivité d’Israël et du dévoilement de la Présence divine ; car chaque individu d’Israël, quand il revient vers Dieu, ajoute sainteté et bénédiction au bénéfice de tout Israël.

D’après cela, on peut comprendre pourquoi le rituel de la confession (Vidouï) que chaque Juif doit réciter à Kipour est rédigé au pluriel, bien que nombreux soient ceux qui n’ont point commis tous les péchés que ce texte mentionne : le jour de Kipour est le jour où se produit l’expiation de la collectivité d’Israël ; en s’élevant vers la racine de son âme, chaque individu se joint donc davantage à l’assemblée d’Israël, et demande pardon et absolution en faveur de tous, pour toutes leurs fautes ; c’est seulement grâce à cela qu’il accomplit la téchouva pour ses fautes personnelles (cf. ci-après, chap. 7 § 4).


[c]. Knesset Israël : le peuple juif considéré de manière absolue, indépendamment du temps, du lieu et des individus qui le composent.

06. Signification du jeûne

C’est une mitsva que de jeûner le jour de Kipour ; ce jeûne est lié à l’expiation des fautes, ainsi qu’il est dit : « Ce sera pour vous une loi perpétuelle : le septième mois, au dixième jour du mois, vous mortifierez vos personnes, et vous ne ferez aucun ouvrage, l’indigène ni le prosélyte qui réside parmi vous. Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 29-30). De prime abord, il y a lieu de s’interroger : si la Torah voulait fixer pour nous un jour de repentir et d’expiation des fautes, n’eût-il pas été préférable que nous mangions et buvions quelque peu, afin que notre esprit soit parfaitement clair, et que nous puissions nous concentrer convenablement sur la prière et sur la téchouva ?

Mais par le biais du jeûne, se révèle une chose plus profonde. Tout au long de l’année, l’âme est recouverte par une enveloppe matérielle, par divers désirs du corps, qui conduisent l’homme à oublier son aspiration profonde, et à fauter. L’Éternel nous a ordonné de jeûner le jour de Kipour, afin que notre âme se détache quelque peu des chaînes du corps et de la matière, et que toutes ses aspirations vraies et bonnes se libèrent et se révèlent. Par cette mise en rapport supérieure avec la racine de son âme, les fautes se séparent de nous et sont jetées à Azazel (Dérekh Hachem IV 8, 5).

Bien que, en raison du jeûne et des autres mortifications, il nous soit, plus que les autres jours, difficile de nous concentrer, un savoir profond nous éclaire progressivement : notre volonté véritable est de nous attacher à Dieu et de réparer le monde à la lumière de la Torah et de sa conduite. Grâce à cela, nous opérons une profonde téchouva, chacun selon son niveau.

Aussi, celui-là même qui est contraint de s’allonger sur son lit pour pouvoir continuer le jeûne ne doit pas s’en affliger, car il a le mérite de faire sien le fondement principal de Yom Kipour. Lors même qu’il est étendu sur son lit, il peut entretenir en soi-même de bonnes pensées, et décider d’ajouter à son étude de Torah, à sa pratique des mitsvot et à la construction de sa famille.

Il faut encore savoir que le jeûne est comparable à un sacrifice. À l’époque du Temple, l’homme apportait un animal en sacrifice ; la graisse et le sang de la bête étaient élevés sur l’autel et apportaient à l’homme l’expiation. Le jour de Kipour, par le biais du jeûne, les Israélites apportent leur propre graisse et leur propre sang, et l’Éternel fait expiation sur eux. Aussi chaque Juif doit-il se représenter, lors du jeûne de Kipour, que c’est d’une certaine façon lui-même qu’il offre sur l’autel, et que sa graisse, que son sang – qui diminuent à ce moment – lui apportent l’expiation. Par le fait qu’ils s’élèvent en délectable odeur vers l’Éternel, l’homme s’élève au degré suprême, qui dépasse tout entendement, toute conception, et où seul demeurent le savoir simple et la volonté d’accomplir la volonté de notre Père qui est au Ciel (cf. Berakhot 17a ; Recanati sur Lv 16, 29 ; Zohar sur Ruth 80a).

Dans une certaine mesure, le Chabbat est d’un degré de sainteté supérieur à celui de Kipour, car la peine prévue[d] pour sa transgression est la lapidation (seqila), tandis que, pour Yom Kipour, la peine est le retranchement (karet). La supériorité du Chabbat se manifeste également par le nombre d’appelés à la Torah : le Chabbat, on fait monter sept appelés, seulement six à Kipour (Méguila 22b). Cela, parce que le Chabbat unifie l’âme et le corps, et, par l’un et l’autre associés, révèle la sainteté. Le jour de Kipour est en revanche plus élevé d’un point de vue spirituel, car on s’y abstient de toutes les délices de ce monde-ci ; bien plus, dans le cas même où Kipour tombe un Chabbat, on jeûne, car il y a à cela une grande nécessité pour l’expiation de la collectivité d’Israël[2].


[d]. Peine prévue par la Torah, applicable seulement au temps du Sanhédrin et dans des conditions restrictives (mise en garde préalable, témoignages…).

[2]. Le Talmud explique au traité Méguila 23a, que, selon Rabbi Ichmaël, on appelle six personnes à la Torah, à Kipour, et sept le Chabbat ; en effet, la peine applicable pour la profanation du Chabbat est plus lourde : la lapidation (seqila) ; tandis que, pour une violation du Yom Kipour, on est passible seulement de retranchement (karet) (ibid. 22b). Selon Rabbi Aqiba, on fait monter six appelés le Chabbat, sept à Kipour (parce que le chômage de Kipour inclut également le jeûne, et que le service accompli au Temple atteint à un plus haut degré de sainteté). Au traité Chabbat 113a, nous apprenons que, selon Rabbi Ichmaël, il est permis de faire, le jour de Kipour, des préparatifs en vue de Chabbat, car celui-ci est plus important que Kipour. Selon Rabbi Aqiba, on n’y fait point de préparatifs. La halakha suit Rabbi Ichmaël sur le premier point : à Kipour, on appelle six personnes au séfer-Torah, et sept le Chabbat ; elle suit Rabbi Aqiba sur le second : pendant Kipour, on ne prépare pas Chabbat.

La question présente, sur le plan kabbalistique, deux facettes : le jour de Kipour ressortit à la séfira de Bina ; car c’est de cet attribut que proviennent la téchouva et la liberté. Bina est liée au sept séfirot inférieures, car c’est d’elle que dépend leur expiation et leur pardon (Cha’aré Ora 8). Le Chabbat est, quant à lui, plus élevé, car il appartient à la séfira de ‘Hokhma, par laquelle se dévoile l’unité divine dans le monde – unité dont la sainteté se révèle dans l’âme et dans le corps à la fois. En revanche, la racine de Kipour se trouve dans l’attribut de Kéter, qui exprime la volonté divine suprême, fondement de l’alliance entre Dieu et Israël. Aussi le jour de Kipour est-il le jour de l’âme (néchama), de sorte que ce jour a davantage la faculté de purifier les fautes, dont la racine est corporelle, et de les absoudre.

Le Chné Lou’hot Habrit (Yoma, Torah Or 138) écrit ainsi : « Le Tola’at Ya’aqov (Sitré Yom Hakipourim) enseigne : “Le jour de Kipour est le jour du dévoilement du luminaire supérieur [n.d.a. : ce qui fait allusion à la séfira supérieure de Kéter, qui rayonne et influe sur toutes les autres, ce que, par la compréhension (bina), l’on peut connaître…] luminaire à partir duquel les autres luminaires éclairent. C’est le secret du monde futur…” De prime abord, la peine encourue pour une transgression de Yom Kipour aurait dû, d’après cela, être plus sévère. Mais puisque en ce jour se révèle la lumière supérieure, qui blanchit les fautes d’Israël, la peine elle-même est conçue de façon miséricordieuse » (Chné Lou’hot Habrit ibid., au nom du Maguid Mécharim).

07. Choses qui ne sont pas expiées le jour de Kipour

Comme nous l’avons vu, au jour de Kipour, se révèle la racine sainte des âmes d’Israël ; par cela, la pureté et l’expiation s’épandent depuis la racine de l’âme vers ses ramifications ; et plus l’homme accomplit la téchouva, plus il se trouve purifié, et ses fautes et péchés sont absous. Cependant, il y a des fautes que la purification de l’homme et le repentir de Kipour n’achèvent pas de réparer. Et tant que l’on n’aura pas achevé de les réparer, on devra en subir la sanction en ce monde-ci ou dans le monde futur (cf. ci-dessus, chap. 1 § 7).

Par conséquent, celui qui commet une transgression pour laquelle la peine prévue est d’apporter un sacrifice expiatoire (‘hatat) ou délictif (acham), devra apporter son sacrifice ; même si l’on passe Yom Kipour, et que l’on accomplisse une entière téchouva, la dette du sacrifice demeure, tant qu’on ne l’a pas offert (ce n’est que du sacrifice d’acham talouï[e] que l’on est quitte). De même, si l’on a commis une transgression telle que, dans le cas où l’on aurait été vu par des témoins et mis en garde, on aurait encouru la peine de malqout (trente-neuf coups) ou la peine de mort prononcée par le tribunal rabbinique (mitat beit din), le jour de Kipour ne dispense pas des peines administrées par ce tribunal (Keritot 25b-26a ; Maïmonide, Chegagot 3, 9). Certes, la téchouva sera utile à l’amendement de l’âme, mais on demeure obligé d’accomplir l’expiation ou d’endurer la peine que prévoit la Torah. Faute de cela, on s’exposera à une peine en ce monde-ci ou dans le monde futur. De nos jour, où il n’est pas possible d’offrir des sacrifices, ni de subir des peines prononcées par le beit din, la réparation consiste à donner de la tsédaqa (dons aux œuvres charitables) et d’augmenter son étude de Torah, dans la mesure qui convient à la faute commise. Autrefois, on multipliait aussi les jeûnes, en fonction de la gravité des fautes ; de nos jours, la directive couramment donnée est de multiplier tsédaqa et étude à la place de ces jeûnes individuels.

Nos sages enseignent dans la Michna :

Des fautes que l’homme commet à l’égard de Dieu, le jour de Kipour fait expiation ; des fautes qu’il commet à l’égard de son prochain, le jour de Kipour ne fait pas expiation, tant que l’on n’a pas apaisé son prochain (Yoma 85b).

Il est dit en effet : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 30). En d’autres termes : c’est précisément pour les fautes que l’homme commet « devant l’Éternel » que le jour de Kipour apporte l’expiation, car le but de la téchouva est de réparer la faute. Aussi, quand la faute a été commise contre l’honneur du Ciel, on obtient, par une complète téchouva accomplie devant Dieu, que le défaut engendré soit entièrement corrigé. Mais quand la faute a été commise envers son prochain, tant que l’on n’a pas rasséréné celui-ci, la faute demeure à sa place. Aussi la téchouva de Kipour n’a-t-elle pour utilité, en pareil cas, que d’atténuer la gravité de la faute, de la faire passer du statut de faute intentionnelle (mézid) à celui de faute inintentionnelle (chogueg), ou de celui de faute inintentionnelle à celui de cas de contrainte (ones) ; de cette manière, on est purifié à la racine de son âme, mais, tant que son prochain n’est pas apaisé, le défaut demeure dans les ramifications de l’âme.

Nos sages disent encore, dans la Michna :

Celui qui dit : « Je fauterai, puis je me repentirai ; je fauterai encore, puis je me repentirai encore », on ne lui donne pas le moyen d’accomplir la téchouva. S’il dit : « Je fauterai, et le jour de Kipour m’apportera l’expiation », le jour de Kipour ne lui apportera pas l’expiation (Yoma 85b).

La raison à cela est claire : la téchouva est destinée à aider l’homme à réparer ce qu’il a endommagé ; mais quand l’homme faute en s’appuyant sur le fait qu’il s’en repentira par la suite, il se trouve que l’idée même de repentir est ce qui l’a conduit à ajouter au nombre de ses fautes. Aussi ne lui donne-t-on pas « le moyen d’accomplir la téchouva ». En d’autres termes, on rend plus difficile l’éveil, en lui, propice à l’amendement de ses fautes. Toutefois, si, malgré ces difficultés, l’on s’évertue à accomplir la téchouva, celle-ci sera agréée.

De même, celui qui faute en se fondant sur le fait que le jour de Kipour lui apportera l’expiation, montre par lui-même qu’il n’a rien compris à la profondeur de la sainteté du jour, qui révèle la racine du bien se trouvant en son âme. En d’autres termes, alors que le souvenir de Yom Kipour devrait empêcher l’homme de fauter, cet homme fait le contraire : c’est précisément en invoquant le jour de Kipour qu’il ajoute à ses fautes. Puisqu’il en est ainsi, puisqu’il a porté atteinte à la sainteté même du jour, Kipour ne lui apporte point l’expiation, dût-il multiplier les prières et les pleurs. Ce n’est que s’il s’évertue fortement à faire téchouva, s’il comprend combien grande était son erreur, et s’il prend sur lui de ne plus fauter, que sa téchouva sera agréée.


[e]. Sacrifice que doit apporter celui qui a commis involontairement (bé-chogueg) une transgression elle-même incertaine.

08. Opinion de Rabbi Yehouda Hanassi

Comme nous l’avons vu, au jour de Kipour, se révèle le lien absolu qui unit l’Éternel à l’Assemblée d’Israël ; par cela, expiation et pureté sont dispensées à l’Assemblée d’Israël, et cela se produit quand bien même la téchouva ne serait pas accomplie. Par ce biais, le monde se maintient et avance vers sa Délivrance. Simplement, les sages sont partagés quant au jugement de l’individu. Selon Rabbi (Rabbi Yehouda Hanassi), l’expiation fondamentale de Yom Kipour parvient à chaque individu d’Israël : même s’il ne se repent pas, et même s’il profane le jour de Kipour en mangeant et en travaillant, il est quitte des châtiments célestes (tels que le retranchement, karet, ou la mort par décret céleste, mita biyedé Chamaïm) dès lors qu’il a traversé le Yom Kipour (cf. Keritot 7a). Cela, parce que l’expiation est une décision divine, inséparable du lien éternel existant entre Dieu et son peuple Israël. Aussi, à celui-là même qui dirait : « Je ne veux pas que le jour de Kipour m’apporte l’expiation », le jour de Kipour apporterait l’expiation, malgré lui. En effet, aucun homme ne peut dire au roi : « Je ne veux pas que tu règnes sur moi » (Talmud de Jérusalem, Chevou’ot 1, 6). Le Saint béni soit-Il a décidé d’effacer les fautes d’Israël le jour de Kipour, et c’est ce qui se produit.

Certes, il est clair que, de l’avis même de Rabbi, toute faute que l’homme commet abîme son âme, l’empêche, dès lors, de se rapprocher de Dieu, et de se délecter de la splendeur de la Présence divine en ce monde et dans le monde futur, dans la mesure du défaut que cet homme aura causée à son âme. Sans téchouva ni épreuves, ces défauts ne sont pas effacés, bien que l’on ait traversé le jour de Kipour. Cependant, il faut savoir qu’il existe trois modalités d’épreuves en ce monde-ci :

  1. a) des épreuves destinées à purifier l’homme et à le laver de ses péchés ;
  2. b) des épreuves destinées à l’éveiller au repentir, et à l’orienter dans une bonne voie ; ce sont, pour l’essentiel, des épreuves émanant de l’amour divin. S’agissant de ces deux catégories d’épreuves, il n’y a pas de controverse entre la collectivité des sages (‘Hakhamim) et Rabbi ; de l’avis même de celui-ci, si de telles épreuves sont nécessaires, le jour de Kipour ne les annule point, puisqu’elles visent le bien de l’homme. Plus on se purifiera au jour de Kipour, par l’effet de la téchouva, mieux on pourra échapper à ces épreuves, puisque celles-ci ne seront alors plus nécessaires.

Telles sont les deux catégories d’épreuves au sujet desquelles il n’y a pas de controverse entre Rabbi et les sages.

  1. c) La troisième modalité d’épreuves, ce sont les punitions décidées par loi divine. Dieu a en effet créé le bien et le mal, ainsi que des forces du bien, auxquelles il a donné autorité pour prodiguer récompense à ceux qui accomplissent les mitsvot, et des forces du mal, auxquelles il a donné autorité pour punir les pécheurs. Il existe en la matière des principes nombreux et détaillés, chaque peine étant fixée d’après la gravité de la faute. Certes, par ces peines également, l’homme se purifie, et elles aussi peuvent le guider dans le bon chemin ; mais le propos principal de ces peines est d’exécuter la sentence et la justice, et de punir les pécheurs, qui portent atteinte à l’honneur du Ciel, et abîment le monde. Parfois, si l’on repoussait la punition d’un homme, il pourrait faire téchouva et réparer ses atteintes ; mais puisque, d’après les principes du droit, il faut le sanctionner, on ne prend pas davantage en compte ce qui est bon pour lui : on le punit plutôt, conformément à la dure mesure de justice. Or selon Rabbi, ces peines sont levées à Kipour, même pour ceux qui n’ont pas fait téchouva. Si l’on était passible de retranchement (karet), de mort par le biais du Ciel (mita biyedé Chamaïm), ou de quelque autre peine, ces peines sont annulées dès lors que Kipour est passé : l’homme peut alors ouvrir une nouvelle page de son existence, sans que l’on doive le punir pour les transgressions qu’il avait commises. Seul ce qui lui est le plus profitable, d’après la mesure de rigueur comprise dans son orientation bénéfique – afin de l’amender et de le purifier – lui sera appliqué.

Toutefois, de l’avis même de Rabbi, si tel individu renie l’un des trois fondements de la foi d’Israël, le jour de Kipour ne lui apporte pas une expiation telle qu’il serait renoncé à la troisième catégorie d’épreuve, comme il est dit : « Car il a méprisé la parole de l’Éternel, et il a violé son commandement : elle sera certainement retranchée, cette personne, son péché est en elle » (Lv 15, 31). Ces trois transgressions fondamentales sont ici : 1) le fait de « secouer le joug » (poreq ‘ol), c’est-à-dire de renier le Dieu d’Israël ; 2) expliquer la Torah de manière non conforme à la halakha (mégalé panim ba-Torah chélo ka-halakha), c’est-à-dire oser fausser et mépriser les paroles de la Torah ; 3) « annuler l’alliance de chair » (méfer berit bassar), c’est-à-dire ne pas circoncire son fils, ou faire étirer la peau de son membre afin de cacher sa circoncision. En d’autres termes, celui qui renie Dieu, ou méprise la Torah, ou désavoue son identité juive, le jour de Kipour ne lui apporte point l’expiation (Yoma 85b, Chevou’ot 13a)[3].


[3]. Nous empruntons à notre maître le Rav Tsvi Yehouda Kook – que la mémoire du juste soit bénie – dans ses Si’hot [« causeries »  sur le Pentateuque et divers sujets] l’essentiel de notre explication de Rabbi Yehouda Hanassi, ainsi qu’à Rabbi Tsadoq Hacohen de Lublin en ses ouvrages, par exemple le Ressissé Laïla 54, 22. Il faut ajouter que, de l’avis même de Rabbi, le jour de Kipour n’apporte pas l’expiation à celui qui dit : « Je fauterai, puis le jour de Kipour expiera ma faute », comme l’explique le traité Yoma 87a. De même, Kipour n’expie point les fautes commises envers son prochain (Beer Chéva’, Min’hat ‘Hinoukh, Mahari Engel).

Il est question des deux premières catégories d’épreuves – a) celles qui visent à l’expiation et à la purification, b) celles qui visent à susciter la téchouva – dans le Cha’aré Téchouva 2, 3-5 et le Dérekh Hachem de Rabbi Moché Haïm Luzzato, II 3, 5. Il semble évident que Rabbi s’accorderait à dire que le jour de Kipour n’annule pas ces deux premières catégories, puisqu’elles sont destinées à l’amendement de l’homme. Dans le même ordre d’idées, il est écrit dans les Tossephot Yechanim (sur Yoma 85b ד »ה תשובה) que, selon Rabbi lui-même, le jour de Kipour n’apporte pas une entière expiation sans téchouva. Dans le même sens, le ‘Hasdé David sur la Tossephta (Yoma 4, 8) estime que l’expiation de Kipour, selon Rabbi, empêche la catastrophe de survenir dans ce monde-ci, mais que la punition est réservée pour le monde futur ; il faut entendre par-là : pour les besoins de la purification de l’homme.

De la troisième catégorie, il est question dans toutes les sources qui traitent de l’accusation du Satan et de ses armées, les forces du mal, que Dieu créa afin que l’on élimine le mal du monde. Ces forces témoignent des mauvaises actions des hommes, et réclament leur condamnation. Ainsi de ce qu’enseigne le Zohar, Ra’ya Méhemna III 98b : l’Accusateur a le droit de faire obstacle à l’abondance au début de l’année et de réclamer le jugement ; mais l’Éternel a donné un conseil à Israël : sonner du chofar (cf. cette source). C’est dans le même sens que s’exprime Hamabit Beveit Eloqim, Cha’ar ha-téchouva, chap. 9. C’est aussi ce qu’écrit le Néfech Ha’haïm I 12.

Il semble juste d’expliquer, s’agissant de la collectivité d’Israël, qu’en vertu de sa grande sainteté, tout ce qui lui arrive vise sa purification et l’amendement du monde. Même quand les Juifs sont livrés entre les mains de l’autre côté (la sitra a’hara, monde du mal et de l’impureté), qu’il semble, pour ainsi dire, que Dieu a abandonné la terre, et que les punitions paraissent être une vengeance, émanant de la dure mesure de rigueur, sans qu’il soit distingué entre le juste et l’impie, c’est en réalité par l’effet du conseil du Très-Haut que viennent toutes ces épreuves, qui émanent de la source de la bienfaisance (‘héssed) et de la miséricorde (ra’hamim), pour les besoins de la purification et de la réparation. De ce point de vue, à sa racine, il en est ainsi du jugement de l’individu juif.

09. Opinion des sages (‘Hakhamim)

Selon les sages, bien que le jour de Kipour apporte l’expiation au peuple d’Israël, cette expiation ne préserve pas l’individu du jugement et de la peine qui s’appliquent à lui selon les principes du droit. Même s’il y a une chance pour que la personne, dans le cas où sa peine serait repoussée, parvienne au cours des années suivantes à s’éveiller au repentir, et à réparer sa faute, le jugement s’applique à lui dès lors qu’il ne s’est pas repenti au jour de Kipour. Toutefois, de l’avis même des ‘Hakhamim, l’expiation de Kipour ne requiert pas nécessairement un repentir complet (une téchouva chelema), telle que Celui qui connaît les secrets du cœur témoigne de ce que l’on ne fautera plus. Le fait même que l’individu jeûne, qu’il s’abstienne de tout travail, qu’il prie, et qu’il révèle par-là sa volonté profonde d’être bon et de ne plus fauter, le sauve des peines auxquelles les strictes règles du jugement l’auraient condamné (cf. ci-dessus, chap. 3 § 5, d’après le Chné Lou’hot Habrit sur Roch Hachana, Torah Or 17).

En pratique, les Richonim écrivent que la halakha est conforme à l’opinion des ‘Hakhamim : le jour de Kipour ne donne l’expiation qu’à celui qui fait téchouva. Quoi qu’il en soit, en prenant profondément conscience de l’enseignement de Rabbi sur le lien absolu qui unit l’Éternel à l’âme de chaque Juif, chacun doit s’éveiller, au jour de Kipour, à une téchouva émanant de l’amour[4].


[4]. La halakha suit l’opinion des ‘Hakhamim, comme l’écrivent Maïmonide (Téchouva 1, 3), Tossephot sur Keritot 7a ד »ה ובפלוגתא, Rama, Ora’h  ‘Haïm 607, 6. De prime abord, il y a lieu de se demander pourquoi ces auteurs optent pour l’opinion des ‘Hakhamim ; en effet, « cette opinion-ci comme celle-là sont les paroles du Dieu vivant » (élou vé-élou divré Eloqim ‘haïm) ; ce n’est que lorsqu’il est question de halakha pratique qu’il est nécessaire de trancher. Il y a toutefois à cela une portée fondamentale : que l’homme ne s’en remette pas au jour de Kipour, mais qu’il fasse téchouva. (Bien que Maïmonide tranche comme les ‘Hakhamim, il ajoute que le bouc émissaire expie les fautes légères, même sans téchouva.)

Sur un point, tous les avis convergent : celui qui doute s’il a commis une faute justifiant d’un sacrifice expiatoire (‘hatat), et qui doit normalement apporter un délictif conditionnel (acham talouï), est dispensé de le faire dès lors que Kipour est passé. Même s’il ne fait pas téchouva, et même s’il a profané le jour de Kipour en mangeant et en travaillant, le fait qu’il ait traversé ce jour le dispense de ce délictif (Keritot 25b ; Maïmonide, Chegagot 3, 9).

10. Les différents degrés d’expiation

L’expiation complète, par laquelle on se nettoie de son péché au point qu’aucune atteinte n’en demeure, est une question complexe, où interviennent le niveau de gravité de la faute, et le degré de téchouva que l’on effectue. Par exemple, pour une mitsva positive (obligation de faire), on peut, par un complet repentir, parvenir immédiatement à la pleine expiation. Mais une transgression grave, qui se caractériserait par une profanation du nom divin, ne s’expie complètement que par la téchouva, le jour de Kipour, les épreuves et la mort.

Il faut ajouter que la téchouva ordinaire émane de la crainte (yira), c’est-à-dire de la crainte que l’on éprouve à l’égard de la punition dans ce monde-ci et dans le monde futur. Et puisque, par la téchouva opérée par l’effet de la crainte, les fautes volontaires prennent le statut de fautes involontaires, il faut, pour effacer la trace de ces fautes involontaires, que l’expiation inclue le regret, la peine et les épreuves, selon la grandeur de la faute. Nombreux étaient ceux qui, à l’époque des Richonim, avaient coutume de multiplier les jeûnes et les mortifications, afin que l’expiation fût complète. Plus l’homme augmentera son assiduité à l’étude de Torah, ses dons de tsédaqa et sa pratique de la bienfaisance (gmilout ‘hassadim), moins il aura besoin d’épreuves pour se nettoyer de la faute (Cha’aré Téchouva 4, 11). Si l’on a fauté par profanation du nom divin (‘hiloul Hachem), on accomplira de nombreux actes contribuant à la sanctification du nom divin (qidouch Hachem) et faisant honneur au Ciel (Cha’aré Téchouva 1, 47 ; 4, 16).

À un plus haut degré, il existe une téchouva opérée par amour (ahava), qui émane de l’amour que l’on voue à Dieu, de notre identification avec les idéaux divins et de notre souci du peuple juif. Cette téchouva se fait par le biais de l’étude de la Torah, afin de réparer le monde à la lumière de celle-ci, par le biais du don de tsédaqa et d’actes de bienfaisance, afin d’aider les pauvres à se sustenter, par le biais également de l’édification de la terre d’Israël, de la sanctification du nom divin, et d’autres actes ayant pour effet de hâter la Délivrance et la résidence de la Présence divine sur terre. Pour celui qui fait téchouva de cette manière, les fautes volontaires elles-mêmes se muent en mérites ; dès lors, son expiation est entière. Toutefois, en général, celui-là même qui réussit à s’élever à une téchouva faite par amour, parce qu’il n’atteint pas de manière parfaite ce degré suprême, a besoin aussi d’une téchouva émanant de la crainte, qui comprend également des privations. Il est cependant préférable de décider que ces privations consisteront dans l’effort d’étude toranique, et dans le fait de se contenter de peu afin de multiplier la tsédaqa[5].


[5]. Tossephta Yoma 4, 6-8 : « Rabbi Ichmaël dit : Il y a quatre sortes d’expiation : si l’on a transgressé une mitsva positive (commandement de faire) et que l’on ait fait téchouva, on obtient un pardon immédiat, comme il est dit : “Revenez, fils rebelles, je vous guérirai de vos reniements” (Jr 3, 22). Si l’on a transgressé une mitsva négative (commandement de ne pas faire), la téchouva suspend l’application de la peine, et le jour de Kipour apporte l’expiation, comme il est dit : “Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous…” (Lv 16, 30). Si l’on a transgressé un interdit pour lequel on encourt le retranchement (karet) ou une peine de mort infligée par le tribunal rabbinique (mitot beit-din), et que l’on ait fait téchouva, la téchouva et le jour de Kipour suspendent l’application de la peine, et les épreuves endurées pendant les autres jours de l’année nettoient de la faute, comme il est dit : “Je châtierai par la verge leur péché…” (Ps 89, 33). Mais celui par qui le nom divin serait profané en raison d’une faute intentionnelle, et qui aurait fait téchouva, il n’est pas dans le pouvoir de sa téchouva de suspendre la peine, ni dans le pouvoir de Kipour de lui donner l’expiation ; mais la téchouva et le jour de Kipour expient sa faute au tiers, les épreuves l’expient au tiers, et la mort, avec les épreuves, achève de la laver. C’est à ce sujet qu’il est dit : “[Je jure] que ce péché ne sera point expié pour vous jusqu’à votre mort” (Is 22, 14), ce qui nous apprend que le jour de la mort nettoie le péché. » La Guémara Yoma 86a va dans le même sens.

Les Richonim sont partagés quant au fait de savoir si l’expiation, pour la transgression d’une mitsva positive ou d’une mitsva négative, est entière ou non [par l’effet de Kipour] (Tossephot sur Chevou’ot 12b ד »ה לא ; Roqéa’h, Téchouva 28; Cha’aré Téchouva 4, 6). De même, ils discutent du sens des paroles talmudiques, selon lesquelles la transgression d’une mitsva négative ne s’expie pas par la seule téchouva, mais qu’il faut y ajouter le passage de Yom Kipour. En effet, selon Maïmonide, dans son commentaire de la Michna, cet enseignement ne vise que le cas où la faute a été commise intentionnellement ; tandis que, pour le Min’hat ‘Hinoukh, cela vise également la faute involontaire. On trouve encore différentes mitsvot dont les Richonim discutent le degré ; par exemple, une mitsva positive dont la transgression entraînerait le retranchement (karet) (cf. Maïmonide, Téchouva 1, 4 ; Tosséphet Yom Hakipourim 85, 2). Le disciple du Rachba (‘Inyanim chonim 12) écrit encore que ces distinctions ne sont pas absolues ; en effet, il y a des mitsvot positives et des mitsvot négatives d’une particulière gravité, comme le fait de faire honte à son prochain en public, fautes pour lesquelles l’expiation s’obtient aussi difficilement que dans un cas de retranchement. De même, il y a parfois des fautes graves, qui n’entraînent pourtant pas de profanation publique du nom divin – comme le fait de violer l’alliance de la circoncision, ou d’expliquer la Torah de manière non conforme à la halakha, transgressions dont la gravité est semblable à celle de fautes entraînant une profanation du nom divin.

Le Roch (Yoma 8, 17) écrit encore que celui qui multiplie les transgressions légères est jugé comme s’il s’agissait de transgressions sévères. Selon le Méïri (86, 1), la classification des différents types d’expiation n’a qu’une portée générale, mais il se peut qu’une entière téchouva s’accomplisse sans passer par les étapes décrites par nos sages, de mémoire bénie. Selon Hamabit (Beit Eloqim, Cha’ar Hatéchouva, fin du chap. 2), à une époque où le Temple est détruit, la gravité des fautes est moindre, puisque la Présence divine est en exil, de sorte que l’atteinte portée à l’honneur du Ciel n’est pas du même ordre.

Il faut encore savoir que l’essentiel de la téchouva se produit dans l’intériorité de l’homme ; aussi, les sages disent-ils que si un homme épouse une femme en stipulant « à la condition que je sois un juste », le mariage est valable, même si cet homme est un parfait impie, « car il se peut qu’il ait décidé de faire téchouva, en son for intérieur » (Qidouchin 49b). Toutefois, ce que conçoit ici le Talmud est une validité sujette au doute, puisque nous ne savons pas avec certitude si cet homme a émis l’intention de faire téchouva (Maïmonide, Ichout 8, 5).

Il faut encore expliquer un principe très important : toutes les catégories d’expiation sont relatives à la téchouva émanant de la crainte ; tandis que, lorsque la téchouva émane de l’amour, les fautes sont plus rapidement expiées. C’est ce qu’enseignent le Séfer ‘Harédim 65, le ‘Hida en de nombreux endroits, notre maître le Rav A. Y. Kook (‘Olat Reïya II p. 357). Le Rav Kook ajoute que, par une téchouva émanant de « l’amour éternel » (ahavat ‘olam), les fautes volontaires se changent en mérites, mais qu’il reste une empreinte de la faute ; et que, par une téchouva émanant d’un « grand amour » (ahava rabba), la faute est annulée rétroactivement (Méorot Hareïya, Yaréa’h Haétanim p. 33). Nos maîtres disent encore qu’ajouter à son étude de Torah, pratiquer la tsédaqa et la bienfaisance (‘hessed), sont choses très utiles pour l’expiation des fautes (Roch Hachana 18a ; Vayiqra Rabba 25, 1 ; Cha’aré Téchouva 4, 11). De même, l’étude de la section relative aux sacrifices est utile, à la place desdits sacrifices (Mena’hot 110a).

Puisque, dans les dernières générations, les grands maîtres d’Israël ont beaucoup encouragé la téchouva procédant de l’amour, nous ne sommes pas entré ici dans le détail de toutes les catégories d’expiation obtenues par la téchouva émanant de la crainte, catégories qui sont très nombreuses et dépendent de différents facteurs, tels que la gravité de la faute, le degré d’intention, la grandeur du regret, la mesure des épreuves, l’état de la génération. Bien que tous ces détails soient de grande importance, leur étude n’a pas sa place dans celle de la téchouva de Yom Kipour, qui est essentiellement celle de la collectivité, priant pour le dévoilement de la gloire divine dans le monde et pour l’amendement du monde par Israël ; téchouva qui se prolonge dans celle de l’individu, par la réception du joug de la Torah et des mitsvot considérées sur un plan collectif, par le regret et par le repentir de ses fautes sur un plan individuel.