Pniné Halakha

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18. Par une autre voie

L’union charnelle s’accomplit par l’endroit même d’où la femme peut être fécondée. Cependant, il y a des hommes qui désirent accomplir l’union par pénétration anale. Si la chose devait engendrer de la douleur chez la femme, ou si c’était contre la volonté de celle-ci, il est évident que cela serait interdit. La question qui se pose est de savoir quelle est la règle lorsque la femme y consent, ou même le souhaite. Le Talmud rapporte au traité Nédarim 20b l’enseignement des sages, selon lequel il n’y pas là d’interdit. Cependant, nous voyons par ailleurs que la faute d’Er et d’Onan consista dans le fait qu’ils s’unirent à Tamar par l’anus, et qu’ils détruisirent ainsi leur semence : la chose fut mauvaise aux yeux de l’Éternel, et Il les fit mourir (Yevamot 34b, Gn 38, 7).

La majorité des Richonim expliquent que, lorsque l’on fait cela dans l’intention d’éviter la conception, l’acte doit être considéré comme une destruction de semence, chose interdite ; mais quand on fait cela occasionnellement, il n’y a pas d’interdit. Certains Richonim expliquent que ce que les sages ont permis est à la condition que l’homme n’émette pas sa semence à cet endroit, mais qu’il s’unisse ensuite à sa femme par l’endroit habituel, où il déposera sa semence. Certains décisionnaires sont rigoureux à cet égard.

En pratique, un homme qui en ressent le besoin est autorisé à s’appuyer sur l’opinion de la majorité des décisionnaires, qui sont indulgents quand la chose est occasionnelle, à condition que la femme y consente[19].

Certains auteurs pensent que, même quand l’union se fait par l’endroit convenant à la conception, il est juste que l’homme soit placé au-dessus, la femme en dessous, et qu’ils soient face à face ; certains sont très pointilleux à cet égard. Bien qu’il y ait avantage à ce que l’union soit ainsi réalisée, toutes les positions possibles sont, si l’on s’en tient à la stricte obligation, permises, à condition que les deux époux y consentent. Lorsque, par l’effet du changement de position, l’un des époux a davantage de plaisir, un tel changement participe de la joie de l’union (sim’hat ‘ona). Cependant, quand l’autre conjoint ne souhaite pas adopter cette autre position, il sera préférable de s’en tenir à la position « la meilleure » (l’homme au-dessus, face à face). Même quand les époux trouvent plus de jouissance dans une autre position, il est préférable, lorsque l’on peut espérer que, de cette union, une grossesse s’ensuive, qu’ils s’accouplent selon la position « la meilleure[20] ».


[19]. Nédarim 20a : Rabbi Yo’hanan ben Dehavaï a enseigné : « Les anges de service m’ont dit : “Les boiteux, pourquoi naissent-ils ainsi ? Parce que l’on a renversé la table” » (les parents s’accouplaient par voie anale). Puis, en page 20b : Rabbi Yo’hanan enseigne : « Ce sont les paroles de Yo’hanan ben Dehavaï ; mais les sages ont dit : “La halakha ne suit pas l’enseignement de Yo’hanan ben Dehavaï ; tout ce qu’un homme veut faire à sa femme, il le lui fait.” »La Guémara rapporte aussi (ibid.) : « Il arriva qu’une femme se présenta à Rabbi Yehouda Hanassi, et lui dit : “Mon maître, j’ai préparé une table à mon mari, et celui-ci l’a retournée” (en d’autres termes : je me suis préparée à l’union suivant la voie normale, et mon mari m’a prise par l’anus ; y a-t-il là un interdit ?). Il lui répondit : “Ma fille, la Torah t’a rendue permise à ton mari ; quant à moi, que puis-je faire ?” » (Cela laisse entendre que cet acte n’agrée pas aux yeux de Rabbi Yehouda Hanassi, mais qu’il ne peut l’interdire, puisque la Torah a autorisé la femme à son époux. Peut-être s’agissait-il d’un cas où la femme n’avait pas de plaisir à la chose, mais y consentait cependant, à la condition que ce ne fût pas interdit.) La Guémara poursuit : « Une femme se présenta devant Rav et lui dit : “Mon maître, j’ai préparé une table à mon mari, et celui-ci l’a retournée” Il répondit : “En quoi cela diffère-t-il d’un poisson ? (Il voulut par-là se référer aux propos des sages, rapportés plus haut : ) Tout ce qu’un homme veut faire à sa femme, il le lui fait. Parabole d’une viande, qui vient de chez le boucher : si l’on veut la consommer salée, on la consomme ainsi ; grillée, on la consomme ainsi ; pochée, on la consomme ainsi ; bouillie, on la consomme ainsi ; de même le poisson qui vient de chez le pêcheur.” » Cela laisse entendre que, selon Rav, il n’y a là aucun interdit, de même que l’on est autorisé à manger du poisson quelle qu’en soit la recette.

De prime abord, cet enseignement semble difficile à comprendre, puisque l’on apprend, au traité Yevamot 34b, que la faute d’Er et d’Onan consista à « renverser leur table », de telle manière qu’ils détruisirent leur semence. Mais selon la majorité des décisionnaires, l’interdit ne se rapporte qu’à des relations constamment accomplies sur ce mode, dans le but d’empêcher que la femme conçoive ; en revanche, de manière occasionnelle, c’est permis. C’est l’opinion de : Tossephot (Sanhédrin 58b ד »ה מי), Tossephot Rid (Yevamot 12b ד »ה תני), Rabbi Yecha’ya A’haron zal (Qountras Hareayot sur Sanhédrin 58a), Roch (Yevamot 3, 9), Rabbénou Yerou’ham (Toldot Adam Vé-‘Hava 23, 1), Mordekhi (Chevou’ot, Hilkhot Nida 732), Hagahot Maïmoniot (Issouré Bia 21, 4), Ritva (dans la première réponse qu’il apporte, citée par Chita Meqoubétset, Nédarim 20b), Rabbénou Yona (Sanhédrin 58b). C’est aussi ce qui ressort de la version la plus précise de Maïmonide, Issouré Bia 21, 9. C’est aussi ce qu’écrivent le Yam Chel Chelomo (Yevamot 3, 18), le Levouch (240, 14), le Chtilé Zeitim (240, 20), ainsi que, dans leur commentaire du Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 25, 2, le Torot Emet, le Yechou’ot Ya’aqov et le ‘Erekh Chaï.

Certains auteurs sont rigoureux, et pensent que la permission n’a cours qu’à la condition de ne pas émettre sa semence dans l’anus. C’est l’opinion de : Rabbénou Avraham Min Hahar (Nédarim ad loc.), Or’hot ‘Haïm (Hilkhot Ketoubot 7), Rabbénou Yits’haq dans sa première réponse (Tossephot, Yevamot 34b ד »ה ולא), Beit Yossef (Even Ha’ezer 25, 2), ‘Aroukh Hachoul’han 25, 11. C’est aussi le sens que porte la version couramment imprimée de Maïmonide. D’autres, plus rigoureux encore, interdisent le rapport anal, même quand la semence n’est pas émise à cet endroit (Séfer ‘Harédim 64, Chné Lou’hot Habrit, Cha’ar Haotiot, Qedouchat Hazivoug 360-364). En effet, selon eux, ce que nos sages appellent « union par voie non usuelle » (chélo kedarkah) [et qu’ils permettent donc] signifie que la femme vient sur l’homme pendant l’union [laquelle sera par pénétration vaginale], ou bien encore que l’homme se place à l’arrière de la femme pendant l’union [également par voie vaginale]. Et s’agissant même de ces pratiques, pour ces auteurs, celui qui n’en a pas besoin sera appelé saint. Par contre, disent-ils, les sages n’ont pas du tout parlé de pénétration anale, car celle-ci est interdite. Toutefois, dans leur très grande majorité, les décisionnaires ne retiennent pas l’explication de ces auteurs. Le Rama, Even Ha’ezer 25, 2, mentionne les deux premières opinions et conclut : « Bien que tout cela soit permis, quiconque se sanctifie en ce qui lui est permis [en s’abstenant de certaines choses à lui permises] sera appelé saint. »

En pratique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente, qui est majoritaire. De plus, pour la majorité des décisionnaires, le débat qui se tient ici concerne un interdit rabbinique (car il n’y a pas, dans cette pratique, de véritable interdit d’émission vaine de semence). D’un autre côté, si, par ce biais, l’homme est heureux, et que son esprit soit apaisé, il y a là un avantage, et cela participe d’une mitsva. À plus forte raison si les deux époux en tirent de la joie : de l’avis de la majorité des décisionnaires, l’acte ressortit à la mitsvat ‘ona. Le Rav Kook écrit en ce sens (‘Ezrat Cohen 35), dans son explication de l’opinion indulgente : « Même de cette façon, si c’est occasionnel, et puisque la Torah le permet selon cette opinion, cela participe quelque peu de la mitsva, en ce que l’esprit de l’homme sera apaisé de cette façon. Dès lors, cela n’est pas véritablement une émission séminale vaine. » Le même auteur, dans Chemona Qevatsim 6, 99, écrit que cette pratique est le conseil que, dans sa pitié, la Torah donne à celui dont l’esprit s’est perverti en désirant une relation avec un homme.

[20]. Il est enseigné, au traité Kala Rabbati 1, 23 : « Quand lui est en bas et elle en haut, c’est une manière effrontée. » Plusieurs Richonim reprennent cet avertissement (Raavad, Cha’ar Haqedoucha, Ohel Mo’ed, Echkol, Menorat Hamaor, Tour). C’est aussi ce qu’écrivent le Choul’han ‘Aroukh 240, 5 et de nombreux A’haronim. Le Séfer ‘Hassidim 489 écrit que cet avertissement concerne la nuit de l’immersion au miqvé, lorsque la femme peut tomber enceinte ; c’est aussi l’opinion du Birké Yossef 240, 7 et du Da’at Torah 240, 5.

Face à cela, la majorité des Richonim, et au premier chef Maïmonide, ne rapportent pas cette mise en garde. Rabbénou Yerou’ham (Toldot Ora’h ‘Haïm 23, 1) écrit ainsi : « Les propos rapportés par le traité Nédarim – “Je lui ai préparé une table, et il l’a renversée”, ce qui est permis – décrivent le cas où l’homme s’accouple à sa femme par la voie non usuelle [par voie anale]. Cela ne signifie pas que la femme se place au-dessus, et l’homme en dessous, car une telle chose est évidemment permise, et cette femme [venue consulter Rabbi Yehouda Hanassi, ou celle venue consulter Rav] n’en eût pas été ébranlée. » Des propos du Zohar (Peqoudé 259a), on peut inférer que l’avertissement de Kala Rabbati est relatif au fait de s’accoupler lorsque l’homme est sur le dos de sa femme : « Car il est dit : “Il s’attachera à sa femme” (Gn 2, 24) : c’est précisément à sa femme qu’il s’attachera, et non à l’arrière de sa femme. » Le Maamar Mordekhaï 240, 7 explique que le problème, dans ce que le traité Kala Rabbati appelle « manière effrontée » (dérekh ‘azout), est que la femme veuille dominer son mari. Cela laisse entendre que, si cette position est souhaitée par les deux époux, c’est permis.

En pratique, puisque, premièrement, de l’avis de la majorité des décisionnaires, ces positions alternatives à la position classique ne sont pas interdites, que, deuxièmement, de l’avis même des auteurs rigoureux, s’en abstenir est une coutume de piété particulière (minhag ‘hassidout), et que, troisièmement, certains auteurs expliquent que l’avertissement ne concerne que le cas où la position alternative n’est pas souhaitée par les deux époux, ceux qui, pour leur part, souhaitent adopter une position autre que l’ordinaire y sont autorisés. Et si cela les réjouit davantage, cela participe, à leur égard, d’une mitsva. Quoi qu’il en soit, la conduite de piété consiste, au moins pour ceux des rapports dont on espère une grossesse, à tenir compte de l’opinion des auteurs rigoureux, et à adopter la position classique.

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