Pniné Halakha

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Chapitre 13 – Séder qorbanot, le rappel des sacrifices

01 – Est-il obligatoire de réciter les paragraphes relatifs aux sacrifices ?

Le peuple d’Israël a pris l’usage de lire, chaque matin au début de l’office, le paragraphe du sacrifice journalier (Parachat hatamid, Nb 28, 1-8). Il est vrai que cet usage ne provient pas d’une directive explicite des sages, si bien que réciter ce paragraphe n’est pas considéré comme une obligation formelle. Cependant, dans la mesure où la lecture du paragraphe relatif au sacrifice journalier est basée sur des paroles des sages rapportées dans le Talmud (comme nous l’expliquerons plus loin), et dans la mesure où les sages ont institué l’horaire de la prière de Cha’harit en référence à l’offrande journalière du matin, le peuple juif a pris l’usage de dire ce paragraphe chaque jour, au point que cette récitation a été élevée au rang d’obligation.

Il convient également de dire chaque jour, au début de l’office, le paragraphe de l’encens (Parachat haqetoret : Ex 30, 34-36 et 30, 7-8, versets suivis de passages talmudiques). En effet, à l’époque du Temple, on faisait brûler l’encens lui aussi chaque jour, et le Zohar (Vayaqhel 218, 2) fait un grand éloge de ceux qui disent ce passage quotidiennement. Même si l’on est pressé, il convient de s’efforcer de dire à tout le moins le paragraphe de l’offrande journalière et les versets de l’encens.

Il est bon de dire également les autres paragraphes et prières imprimés dans le sidour, dans la section des sacrifices, mais ce n’est pas obligatoire[1].

Si l’on n’a pas le temps de dire à la fois le paragraphe du sacrifice journalier (Parachat hatamid) et les versets de l’encens (Parachat haqetoret), d’une part,  et d’autre part tous les Versets de louange (Pessouqé dezimra), il vaut mieux omettre le psaume 30 (Cantique pour l’inauguration du Temple, que les Séfarades commencent au verset « Je t’exalterai, Eternel »), cela afin de pouvoir dire ces deux passages relatifs aux offrandes. Si l’on manque encore de temps, on omet aussi Hodou Lachem (« Louez l’Eternel ») ; on peut même omettre Vaïvarekh David (« David bénit l’Eternel… ») ainsi que la Chirat hayam (cantique de la mer Rouge) et Yehi khevod (« La gloire de l’Eternel durera à jamais…»), afin de pouvoir dire le paragraphe du sacrifice journalier et les versets de l’encens[a]. En effet, la lecture de la Parachat hatamid et de la Parachat haqetoret trouve son fondement dans le Talmud, tandis que les différents passages susmentionnés ont été ajoutés aux Pessouqé dezimra par les Savoraïm (6ème et 7ème siècles è. c.) et les Guéonim (jusqu’au 11ème siècle). En revanche, on n’omettra pas les paragraphes principaux des Pessouqé dezimra, car leur lecture a été fixée comme obligation, et l’on a même assorti leur lecture de bénédictions : on n’omettra donc, pour pouvoir dire les versets des sacrifices, ni Baroukh chéamar (bénédiction initiale des Pessouqé dezimra), ni le passage s’étendant depuis Achré jusqu’à la fin des Alléluias (Ps 145 à 150), ni Yichtaba’h (bénédiction finale) [2].


[1]. Le Choul’han Aroukh Harav 1, 9, après avoir écrit qu’il était bon de dire les paragraphes des sacrifices, poursuit : « Quoi qu’il en soit, celui qui peut comprendre et apprendre ce sujet n’a même pas besoin de dire la section des sacrifices tous les jours ; il lui suffit de dire de temps en temps le chapitre de la Michna Eizéhou méqoman [chapitre 5 du traité Zeva’him, qui clôt la section des sacrifices dans le rituel de Cha’harit]… Si l’on sait que l’on se trouve dans une situation qui aurait justifié, à l’époque du Temple, l’oblation d’un sacrifice – par exemple le sacrifice d’Ola (holocauste) pour avoir manqué d’accomplir une obligation de faire, ou pour avoir eu l’intention de transgresser un interdit sans mettre cette intention à exécution, ou encore une offrande de toda (offrande de reconnaissance) dans les quatre cas où l’on doit exprimer sa reconnaissance –, on lira le paragraphe du sacrifice correspondant dès que l’on se sera rendu redevable ». Mais en ce qui concerne le sacrifice journalier, l’auteur écrit : « Tout Israël a pris pour coutume et s’est fixé pour obligation de lire le paragraphe du sacrifice journalier (Tamid) chaque jour… Il est bon de dire également le paragraphe de l’encens (Qetoret)… Certains ont l’usage de dire “Abayé relevait l’ordre du service, etc.” (Abayé hava mésader séder hamaarakha…), et “Maître des mondes, etc.” (Ribon ha’olamim) ». Finalement, l’auteur rappelle l’usage selon lequel l’assemblée ne dit collectivement que le paragraphe du Tamid.

C’est aussi ce que laisse entendre le Choul’han ‘Aroukh au chap. 48. En effet, on peut déduire de celui-ci que tout le monde dit le paragraphe du Tamid ; tandis que, pour ce qui concerne la lecture de la ligature d’Isaac (Aqéda) et les autres passages de la section des sacrifices,  l’auteur écrit (1, 5) : « Il est bon de dire… ». En ce qui concerne les paragraphes du bassin de cuivre (Kior) et du transfert des cendres (Teroumat Hadéchen), qui sont reproduits dans le sidour ashkénaze, ainsi que le paragraphe de la Qetoret, le Choul’han ‘Aroukh dit (1, 9) : « Certains ont l’usage de dire… ». C’est également ce que laisse entendre le Michna Beroura 1, 17, qui décide qu’un endeuillé ne récite pas les paragraphes des sacrifices ; de même, le 9 du mois d’av (Tich’a béav), on récite le paragraphe du Tamid, mais non les autres passages relatifs aux sacrifices (554, 7 et 559, 20). Toutefois, selon le Choul’han ‘Aroukh 554, 4, on dit tous les passages relatifs aux sacrifices, et tel est l’usage séfarade. En tout état de cause, nous voyons que la lecture du paragraphe du Tamid est une obligation, à la différence des autres passages relatifs aux sacrifices.

[a]. Dans la suite du chapitre, nous écrirons Parachat hatamid plutôt que « paragraphe du sacrifice journalier », et Parachat haqetoret plutôt que « paragraphe de l’encens ». De même, nous écrirons sans traduire Pessouqé dezimra (« versets de louange »).
[2]. La source des bénédictions qui précèdent et suivent les Pessouqé dezimra se trouve dans les décrets des membres de la Grande Assemblée et des Tannaïm (cf. chap. 14 § 1). Ces bénédictions ont été instituées pour accompagner la lecture de louanges à Dieu. Comme l’explique le traité Berakhot 4b, la louange la plus importante est Téhila lé-David (Achré suivi du Ps 145) ; en deuxième lieu, viennent tous les Alléluias qui terminent le Livre des Psaumes, comme nous l’apprenons dans le traité Chabbat 118b, suivant la lecture du Rif et du Roch. La source de la lecture de la Parachat hatamid se trouve aux traités Taanit 27b et Méguila Toutefois, cette lecture n’y est pas mentionnée en tant qu’obligation, ni même en tant qu’usage quotidien, et elle ne donne pas lieu à bénédiction. Aussi, les passages principaux des Pessouqé dezimra ont-ils priorité sur la Parachat hatamid. Selon le Avné Yachfé, seuls deux Alléluias (outre Achré) ont priorité sur la Parachat hatamid : les psaumes 148 et 150. L’auteur se fonde en cela sur le commentaire de Rachi sur Chabbat 118b. Cependant, d’après le Rif et le Roch sur Berakhot 32a, tous les Alléluias sont considérés par le Talmud même comme parties constitutives des Pessouqé dezimra, comme nous l’avons écrit ci-dessus. Voir ci-après, lois de Pessouqé dezimra, chap. 14 § 6, et notes 3 et10.

Le premier cantique que l’on peut omettre est le Cantique pour l’inauguration, Mizmor chir ‘Hanoukat habayit (les Séfarades commencent par le mot Aromimkha). En effet, on a commencé à l’intégrer à la prière du matin il y a environ trois siècles seulement, comme prolongement de la Parachat hatamid. S’il faut sauter davantage de passages, on omettra Hodou, car sa récitation est basée sur l’ancien usage consistant à le dire, à l’époque du Temple, lors du sacrifice journalier : c’est précisément pour cette raison qu’on a pris l’usage de le réciter après la récitation de la Parachat hatamid ; il est donc évident que la lecture de la Parachat hatamid est plus importante que celle de Hodou. Yehi khevod, Vaïvarekh David et le Cantique de la mer sont des ajouts de l’époque des Savoraïm et des Guéonim ; il semble donc que la Parachat hatamid, dont la lecture a pour source le Talmud, ait priorité sur ces passages. Il y a une différence d’importance entre  la Parachat hatamid et la Parachat haqetoret : voir Michna Beroura 554, 7, qui décide que l’on ne dit pas le Pitoum haqetoret (versets de l’encens suivis de fragments talmudiques) le 9 av, car ce texte ne fait pas partie du corps de la prière quotidienne, mais que l’on dit en revanche la Parachat hatamid. (Certes, selon le Kaf Ha’haïm 559, 48, on dit le Pitoum haqetoret le 9 av, mais quoi qu’il en soit, nous apprenons des propos du Michna Beroura qu’il y a une différence de degré entre ces paragraphes). De même que, pour la Parachat hatamid, on ne dit que des versets, sans commentaire talmudique, de même on peut, en cas de nécessité, se rendre quitte de la lecture de la Parachat haqetoret par la lecture des seuls versets. En ce cas, on se contentera de la répétition du passage et des paroles rabbiniques qui  s’y rapportent, à la fin de l’office (voir chap. 23 § 5 note 5 ; c’est ce que décide le Avné Yachfé).

02 – Signification du rappel des sacrifices ; les étapes de la prière

Les sacrifices expriment le lien absolu qui relie Israël à leur Père qui est aux Cieux ; un lien mettant en jeu une aspiration si puissante à l’égard de la Source de la vie, à l’égard de la perfection absolue, que l’on est prêt à faire don de tout à Dieu, même de sa vie. Ce désir se renforce parfois, lorsque l’homme éprouve la contradiction aiguë opposant son âme pure à son corps et à ses désirs, qui le tirent vers la bassesse et la faute. Pour racheter son âme, il veut faire don de sa personne pour sanctifier le nom divin, et se sacrifier en l’honneur de Dieu. Mais le Saint béni soit-Il a créé l’homme pour que celui-ci vive et soit un associé actif dans l’œuvre de réparation du monde ; cette aspiration à s’attacher totalement à Dieu s’exprimera donc par les sacrifices. Au lieu de se sacrifier, l’homme sacrifie sa bête, de même qu’Abraham notre père fut prêt à accomplir l’ordre du Créateur et à sacrifier à Dieu son fils unique Isaac, jusqu’à ce que Dieu lui ordonnât de sacrifier le bélier à sa place.

La prière se structure en quatre parties, et les sacrifices constituent la première d’entre elles. Après avoir dormi, l’homme est plongé dans sa matérialité. Afin de pouvoir se tenir en prière devant Dieu, il doit d’abord s’éveiller et faire don de sa personne au Maître du monde par la récitation des sacrifices. Grâce à cela, il peut ensuite purifier sa personne par la lecture des Pessouqé dezimra, par des chants et des louanges à l’Eternel. De cette façon, il pourra prendre sur lui le joug de la royauté des Cieux durant la lecture du Chéma et ses bénédictions. Et grâce à cela, il pourra s’élever au degré le plus élevé de la prière, où il se tiendra devant le Maître du monde, durant la ‘Amida, en exprimant louange, requête et reconnaissance. Par ce biais, la bénédiction s’épanchera sur le monde.

La tradition mystique explique que les quatre étapes de la prière correspondent à quatre mondes, et qu’en suivant l’ordonnancement de la prière, nous nous élevons du monde inférieur au monde supérieur. Les sacrifices correspondent au monde de l’Action (‘olam ha-Assia), les versets de louange au monde de la Formation (‘olam ha-Yetsira), les bénédictions du Chéma au monde de la Création (‘olam ha-Bria) et la ‘Amida au monde supérieur, le monde de l’Emanation (‘olam ha-Atsilout).

Le service de Dieu commence lorsque l’homme reconnaît de la façon la plus claire que l’Eternel est Dieu, et que la matérialité et la vie terrestre n’ont aucune valeur tant qu’elles ne sont pas reliées au service de Dieu. L’oblation des sacrifices exprime de la façon la plus concrète et la plus tangible le sacrifice de la matérialité et de la vie terrestre devant l’Eternel. Aussi, la lecture des paragraphes relatifs aux sacrifices correspond-elle au monde de l’Action, car dans le monde de l’Action, tous les concepts généraux s’incarnent de façon tangible et active.

Après cela, nous disons les Pessouqé dezimra, versets de louange, correspondant au monde de la Formation. Après avoir sacrifié la matérialité, l’esprit s’est libéré de ses entraves et peut contempler les merveilles de la création, chanter et faire l’éloge de Dieu.

Grâce à l’élévation de l’esprit à laquelle nous sommes parvenus par le biais des Pessouqé dezimra, nous sommes en mesure de reconnaître la source divine et de recevoir le joug de la royauté des Cieux de façon parfaite. Par le rappel des sacrifices, nous n’avons pas encore pris parfaitement conscience des principes de la foi (émouna). Nous avons seulement exprimé notre disposition à tout donner pour elle. Après le rappel des sacrifices et les versets de louange, nous pouvons nous élever à une émouna parfaite en Dieu, telle qu’elle s’explicite dans le Chéma et, de façon plus largement développée, dans ses bénédictions. Cela correspond au monde de la Création, dans lequel les choses se présentent à nous à leur racine.

De cette façon, nous nous élevons au degré le plus élevé, celui du monde de l’Emanation, dans lequel nous nous attachons au Maître du monde et nous identifions avec perfection aux idéaux divins. Jusque-là, nous nous étions tenus devant Lui et lui avions fait don de notre personne, nous avions chanté des cantiques en Son honneur, avions reçu le joug de Sa royauté ; par la ‘Amida, à présent, nous nous attachons et nous identifions à Sa volonté, afin de dévoiler Son nom dans le monde. Ce faisant, nous Le bénissons et attirons la bénédiction sur le monde.

Après cela, nous redescendons l’ordre des mondes. La prière de Ta’hanoun (supplications) correspond encore au monde de l’Emanation ; nous faisons ensuite rayonner l’influence de la prière sur le monde de la Création, dans Achré et Ouva lé-Tsion ; puis sur le monde de la Formation par le psaume du jour ; enfin sur le monde de l’Action par le Pitoum haqetoret (cf. Kaf Ha’haïm 48, 1, passage commençant par Véda Haqdama).

03 – Source de la lecture des sacrifices

Nos sages racontent que, lorsque Dieu contracta une alliance avec Abraham et choisit sa descendance pour apporter au monde la parole divine, Abraham demanda au Saint béni soit-Il : « Maître de l’univers, peut-être – puissions-nous en être préservés – le peuple d’Israël fautera-t-il devant Toi, et leur feras-Tu subir ce que Tu as fait subir aux générations du déluge et de la tour de Babel ? ». Le Saint béni soit-Il lui répondit : « Je ne leur ferai pas cela. » Abraham demanda : « Comment saurai-je que tu ne retrancheras pas leur souvenir ? » Le Saint béni soit-Il lui répondit (Gn 15, 9) : « Prépare-moi une génisse âgée de trois ans… » (Taanit 27b ; Méguila 31b). Dieu lui fit ainsi comprendre allusivement que ce seraient les sacrifices qui témoigneraient du lien éternel existant entre Israël et Dieu. Ainsi, même si des fautes se trouvaient être commises parmi le peuple, cela ne serait que l’effet d’une influence extérieure ; à leur racine, les enfants d’Israël sont justes et liés à Dieu. Aussi, par le biais des sacrifices, lesquels expriment le lien absolu reliant Israël à Dieu, les fautes obtiennent leur expiation.

Dans la suite de ce passage aggadique, Abraham demande au Saint béni soit-Il : « Maître de l’univers, qu’en sera-t-il lorsque le Temple sera détruit ? Par quoi leurs fautes seront-elles expiées ? ». Le Saint béni soit-Il lui répondit : « J’ai déjà institué à leur intention le récit des sacrifices : chaque fois qu’ils le liront, Je le leur compterai comme s’ils M’apportaient un sacrifice, et leur pardonnerai toutes leurs fautes. »

Nos sages disent encore que si l’on étudie les lois relatives au sacrifice expiatoire (‘hatat), c’est comme si l’on offrait un sacrifice expiatoire, et que si l’on étudie les lois de l’offrande délictive (acham), c’est comme si l’on offrait un délictif ; et ainsi de suite pour l’étude de tous les sacrifices (Mena’hot 110a).

Ce passage signifie que chaque acte accompli en ce monde est doté d’une âme intérieure. L’âme des mitsvot est constituée par les paroles de la Torah qui se rapportent à ces mitsvot. Cela est particulièrement vrai des sacrifices, dont tout le propos est d’exprimer le lien à Dieu. Aussi, quand il est impossible d’offrir effectivement les sacrifices, l’étude de ceux-ci est considérée comme un substitut à leur oblation (voir encore Maharal, Guevourot Hachem[b] 5, 8).


[b]. Traduit en français par Edouard Gourévitch sous le titre Les Hauts Faits de l’Eternel (Cerf).

04 – Le rappel des sacrifices (Séder qorbanot)

On commence par le paragraphe de la Aqéda (ligature d’Isaac, Gn 22, 1-19), car la disposition d’Abraham notre père à sacrifier son fils unique constitue l’offrande la plus élevée, et le fondement de toutes les mitsvot relatives aux sacrifices. De plus, sa lecture éveille les cœurs à l’amour de Dieu et à Son service en toute abnégation. Par ailleurs, par cette lecture, nous rappelons le mérite de nos pères ; c’est précisément l’objet de la prière qui suit le paragraphe de la Aqéda, où nous demandons que, par le mérite de la ligature d’Isaac, Dieu nous prenne en miséricorde et nous délivre.

Après cela, on a l’usage de prononcer des paroles d’éveil spirituel, préparatoires à la prière et au service de Dieu. On y cite le verset Chéma Israël et, selon le Talmud de Jérusalem, on conclut le passage par la bénédiction : « Sois béni Eternel, qui sanctifies Ton nom parmi la multitude » (Baroukh Ata Ado-naï, meqadech et chimkha barabim) ; tel est l’usage ashkénaze. Selon le rituel séfarade, puisque cette bénédiction n’est pas mentionnée dans le Talmud de Babylone, on dit seulement : « Béni soit celui qui sanctifie Son nom parmi la multitude » (Baroukh hameqadech Chémo barabim), sans mentionner le nom divin[3].

On arrive ensuite aux paragraphes des sacrifices eux-mêmes. Selon l’usage ashkénaze, on dit d’abord le paragraphe du bassin de cuivre et du transfert des cendres, par lesquels les prêtres (Cohen, pluriel Cohanim) commençaient chaque matin le service du Sanctuaire. De plus, par l’ablution des mains et des pieds par l’eau du bassin, les Cohanim se purifiaient à l’approche de leur service ; de même, la lecture de ce paragraphe contribue à la purification du fidèle à l’approche de la prière.

Après cela, tout le monde récite le paragraphe du sacrifice journalier, la Parachat hatamid, avant laquelle on demande que sa lecture soit considérée comme le sacrifice journalier lui-même. Puis on dit les versets de l’encens, Parachat haqetoret, et les paroles des sages sur l’apprêt de l’encens, Pitoum haqetoret.

On ajoute ensuite quelques versets à titre de protection, puis Abayé haya mésader séder hamaarakha (« Abayé relevait ainsi l’ordre du service journalier… »), passage qui résume brièvement le cérémonial du service au Temple. On dit le poème liturgique Anna békhoa’h (« De grâce, par la puissance et la grandeur de Ta droite… »), qui fait lui aussi allusion à l’oblation des sacrifices, et l’on conclut en demandant que la parole de nos lèvres nous soit comptée  comme si nous avions offert le sacrifice journalier.

Cette section des sacrifices ne peut se dire qu’à partir du lever de l’aube (‘amoud hacha’har), car c’est à ce moment que commence le temps de l’oblation des sacrifices (Choul’han ‘Aroukh 1, 6 ; 47, 13). Certains pensent qu’il est bon d’être debout pour réciter cette section, à l’exemple des prêtres qui se tenaient debout lors de l’oblation des sacrifices (d’après le Maguen Avraham ; cf. Michna Beroura 48, 1). Mais pour la majorité des décisionnaires – et tel est l’usage séfarade – il n’est pas nécessaire d’être debout (Kaf Ha’haïm 1, 33).

On dit ensuite le chapitre 5 du traité Zeva’him de la Michna, chapitre appelé, d’après ses premiers mots, Eizéhou méqoman (« À quel emplacement se font les sacrifices ? »). Cette lecture répond à deux préoccupations : premièrement, ce chapitre explique à quel endroit se faisaient l’abattage et l’aspersion du sang de tous les sacrifices ; or la lecture de cet enseignement est comparable à l’oblation de ces différentes offrandes. Deuxièmement, nos sages ont voulu que tout Juif apprît chaque jour la Torah écrite, la Michna et le Talmud (cf. Qidouchin 30a) : par la récitation de l’offrande journalière, on se rend quitte de la lecture de la Torah écrite, par ce chapitre du traité Zeva’him, on s’acquitte de l’étude de la Michna, et lorsque ensuite on lit la Baraïta de Rabbi Ichmaël sur les treize règles herméneutiques d’après lesquelles la Torah s’interprète, on s’acquitte de l’étude du Talmud.

Selon le Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 1, 5, il est bon de dire tous les paragraphes de la Torah relatifs aux sacrifices – c’est-à-dire les paragraphes qui se rapportent à l’holocauste (‘ola), à l’offrande (min’ha), aux rémunératoires (chelamim), à l’expiatoire (‘hatat) et à l’offrande délictive (acham), paragraphes extraits des sections Vayiqra et Tsav du Lévitique. Mais en pratique, on n’a pas l’usage de les lire, et ils ne sont d’ailleurs pas imprimés dans les rituels. Certains disent que, par la lecture du chapitre 5 de la Michna Zeva’him, qui mentionne tous les sacrifices, on s’acquitte, dans une certaine mesure, de l’étude de ces sujets (Choul’han ‘Aroukh Harav 1, 9, Echel Avraham). Chaque année, quand reviennent les sections Vayiqra et Tsav dans le cadre de la lecture hebdomadaire de la Torah, il convient de bien les étudier, car leur étude est considérée comme l’oblation des sacrifices (Mena’hot 110a).


[3]. Dans Pessa’him 104b et Berakhot 46a, Tossephot mentionne cette bénédiction, et explique qu’elle ne comprend pas de formule introductive (elle ne commence pas par Baroukh), mais seulement une formule conclusive (elle s’achève par Baroukh), du fait qu’il s’agit d’une bénédiction de reconnaissance (birkat hodaa). Toutefois, Maïmonide rapporte cette bénédiction sans mention du Nom divin. Le Tour, Ora’h ‘Haïm 46, la rapporte en tant que bénédiction au nom du Talmud de Jérusalem. (Cependant, dans la version du Talmud de Jérusalem que nous possédons, le passage a été perdu. Cf. Taz, qui accepte que cette bénédiction soit dite en se fondant sur la coutume). L’usage séfarade est conforme à Maïmonide et à Rabbi Isaac Louria, dans Chaar Hakavanot, consistant à ne pas conclure par le nom divin. Le texte de la prière, depuis Lé’olam yehé adam (« Qu’en tout temps, l’homme craigne le Ciel, en secret comme en présence d’autrui »), est cité par le Tana devé Elyahou Rabba (source midrachique), chap. 21. Il est évident que, selon le rite ashkénaze, puisque ce passage constitue une bénédiction, il convient de veiller à le dire chaque jour.

05 –  Signification de l’offrande journalière

Comme nous l’avons vu (§ 1), il faut avoir à cœur de dire chaque jour les versets de l’offrande journalière (Parachat hatamid), et les versets de l’encens (Parachat haqetoret). Aussi expliquerons-nous quelque peu ces sujets.

Le sacrifice journalier (tamid) est le plus important des sacrifices, car il est le plus régulier : on l’offrait chaque jour de l’année, une fois le matin, une autre fois à l’approche du soir. Il s’agit donc du sacrifice qui exprime la constance du lien unissant Israël à leur Père qui est aux Cieux.

Tout Israël était associé à son oblation, car on l’achetait sur la caisse des demi-sicles que tout Juif, pauvre ou riche, devait verser chaque année au Sanctuaire. Ce sacrifice exprime donc l’unité d’Israël. Puisque Israël constitue le cœur des nations, c’est l’unité divine qui se manifeste par le biais de l’offrande journalière : par ce sacrifice unique, l’univers entier se relie à la source de sa vie (cf. Maharal, Netivot ‘olam, Netiv Haavoda 1).

Le cours de l’existence est complexe, depuis la naissance, la croissance, jusqu’à la mort. Chaque jour, des gens meurent, certains de vieillesse, d’autres de mort accidentelle ou de maladie. Dans le monde animal, des milliards d’êtres vivants meurent chaque jour. De même, dans le règne végétal, des milliards d’arbres, d’arbustes et de fleurs arrivent chaque jour à leur terme, se flétrissent et se dessèchent. La grande question est celle de la signification de tout ce processus : s’agit-il d’un simple cycle de la vie et de la mort, sans but ni espérance, ou sommes-nous en présence d’une direction d’ensemble à laquelle aspirent tous les vivants ? L’offrande journalière comporte une réponse générale à cette question centrale. L’univers entier aspire à s’élever à la perfection. Une partie de cette élévation est rendue possible par la croissance et le développement, mais une autre partie se fait par la corruption de la matière. La disparition n’est pas vaine, elle est en fait un sacrifice, et elle exprime l’aspiration à la perfection. Il est impossible de parvenir à la perfection dans ce monde-ci. C’est pourquoi, après que toutes les œuvres sont accomplies, toute l’élévation possible mise en œuvre, l’esprit continue d’aspirer ardemment à son ascension et à son élévation, tandis que le corps vieillit, le vêtement matériel se corrompt. Puis l’esprit se détache du corps, s’élève et retourne à sa source. C’est pourquoi les prêtres présentaient l’offrande journalière à l’endroit le plus saint au monde, une première fois le matin, une autre fois à l’approche du soir. Ce sacrifice représentait toutes les vies qui s’étaient achevées ce même jour dans le monde. Par le biais de cette offrande, il était donné sens à leur disparition ; car c’est vers leur source qu’elles s’en retournaient, s’élevant comme un arôme agréable offert à Dieu (cf. Maharal, Netivot ‘olam, Netiv Haavoda 1).

06 – Signification de l’offrande d’encens

Comme on le faisait du sacrifice journalier, c’est chaque jour que l’on faisait brûler l’encens, la moitié le matin, l’autre moitié à l’approche du soir. Mais alors que le sacrifice journalier exprime de façon manifeste le lien qui existe entre Israël et Dieu, entre toutes les créatures qui sont au monde et la source de leur vie – et c’est bien pour cela que l’on faisait fumer les quartiers du sacrifice quotidien sur l’autel extérieur, dévoilé à tous –, l’encens exprime le lien intérieur, profond, qui unit Israël à Dieu. Aussi, on consumait l’encens sur l’autel intérieur, au sein du Sanctuaire.

Au moyen de l’encens, une lumière spirituelle supérieure apparaît dans le monde, lumière qui éclaire l’âme intérieure de chaque créature, et relie le tout à la sainteté. Aussi, l’encens était-il composé d’épices odoriférantes, car le parfum constitue la source de plaisir la plus fine et la plus spirituelle au monde. L’odeur se répand dans toutes les directions, ce qui fait allusion à l’influence intérieure de l’illumination spirituelle sur toutes les créatures, venant les relier à la sainteté et rehausser leur niveau d’élévation (Rav A.Y. Kook, Olat Reïya p. 135).

Onze ingrédients composaient l’encens ; on les pilait tous très finement afin de les mêler parfaitement les uns aux autres ; grâce à cela, leur bonne odeur s’élevait convenablement. Ce qui est ici évoqué de façon allusive est que, par l’union totale de toutes les forces en vue d’un objectif saint, le monde parvient à sa réparation.

L’un des ingrédients principaux de l’encens est le galbanum (‘helbena), qui fait allusion aux pécheurs d’Israël : eux aussi, à leur racine, sont liés à la sainteté d’Israël. L’odeur de ce galbanum était en soi très mauvaise. Mais par l’effet du mélange particulier composant l’encens, cette odeur changeait et devenait bonne, et au lieu d’abîmer le parfum de l’encens, ce dernier s’améliorait considérablement par l’adjonction du galbanum. Cela nous enseigne que, lorsque toutes les forces d’Israël s’unissent au service d’un objectif saint, la qualité intérieure des pécheurs d’Israël se dévoile, et eux aussi servent à la réparation du monde (cf. Olat Reïya I, p. 136-138).

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