Pniné Halakha

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Chapitre 24 – L’office de Min’ha

01 – Son importance

Nos sages ont dit : « Que toujours on soit attentif à la prière de Min’ha, car ce n’est qu’au moment de la prière de Min’ha que le prophète Elie fut exaucé » (Berakhot 6b). Il est particulièrement nécessaire d’appeler à la vigilance au sujet de Min’ha. En effet, l’heure de l’office de Cha’harit est connue : immédiatement après le lever du matin ; de même, l’office d’Arvit vient après que l’on retourne chez soi, le soir. En revanche, à l’heure de Min’ha, il arrive souvent que l’on soit occupé par ses affaires ; il faut alors faire un effort sur soi-même et réserver un temps à la prière de Min’ha.

De fait, la particularité de la prière de Min’ha est de sanctifier le travail de la journée, face à tous les obstacles, à toutes les difficultés, face aux entités spirituelles adverses et aux anges accusateurs. Aussi, est-ce précisément par le biais de la prière de Min’ha qu’Elie fut exaucé lors de sa lutte contre les serviteurs de Baal.

Par la prière de Min’ha, l’homme sanctifie sa vie active ; aussi émane-t-il de cette prière une sanctification particulière du nom divin. Peut-être est-ce pour cela que cette prière a reçu le nom de Min’ha (offrande), terme qui exprime la générosité et le don. Car lors de l’office du matin, nous accomplissons déjà notre devoir de louer Dieu pour tous les bienfaits qu’il nous octroie ; tandis qu’à l’office de Min’ha, nous renouvelons notre prière. La prière de Cha’harit est relative à ce que Dieu, dans sa grande bonté, nous a donné ; la prière de Min’ha, elle, émerge de notre vie active.

02 – Contenu de la prière

Dans leur majorité, les Guéonim et les Richonim pensent qu’il n’est pas nécessaire de réciter les paragraphes des sacrifices en introduction à l’office de Min’ha. De même, Maïmonide (Téphila 9, 8) et le Choul’han ‘Aroukh ne mentionnent pas la lecture des sacrifices à Min’ha. Certains Richonim écrivent, en revanche, que l’on récite les paragraphes du sacrifice journalier et de l’encens en introduction à Min’ha car, de même qu’il convient de les dire au début de l’office de Cha’harit, de même convient-il de les dire à Min’ha (Rama 234, 1 ; 132, 2). Ceux qui se conforment aux usages de Rabbi Isaac Louria mettent davantage d’exigence à réciter les paragraphes des sacrifices à Min’ha (Kaf Ha’haïm 232, 6 ; Pisqé Techouva 234, 1).

Tout le monde a l’usage de réciter le psaume 145 (Achré/Tehila lé-David) avant la ‘Amida de Min’ha, car il convient d’exprimer la louange de Dieu avant de réciter la ‘Amida. Il s’agit en quelque sorte des Pessouqé dezimra (versets de louange) qui précèdent la prière de Min’ha (voir chap. 14 § 1-2). Toutefois, il ne s’agit pas là d’une pleine obligation, à la différence de la ‘Amida. Aussi, quand l’heure de Min’ha est sur le point d’expirer, on omet le psaume 145 et l’on commence immédiatement la ‘Amida (Michna Beroura 234, 6). De même, si l’assemblée est sur le point de commencer la ‘Amida, on omet le psaume 145 pour commencer à réciter la ‘Amida avec les autres fidèles, au sein du minyan (Michna Beroura 108, 14 ; Or lé-Tsion II 15, 3).

Après le psaume 145, l’officiant prononce le Qaddich abrégé. Puis on commence la ‘Amida à voix basse, après quoi l’officiant récite la répétition de la ‘Amida. Les Cohanim ne procèdent pas à la bénédiction sacerdotale pendant la répétition, car on craint qu’ils n’aient bu du vin au repas qui précède, et qu’ils ne bénissent l’assemblée quand cela leur est interdit. Mais les jours de jeûne public, cette crainte n’a pas lieu d’être, et l’on procède donc à la bénédiction (à la condition que l’office se dise après le plag hamin’ha = onze heures solaires moins un quart à partir du lever du jour ; cf. chap. 20 § 5).

Après la ‘Amida, on dit les supplications (Ta’hanounim). Suivant la coutume séfarade et sfard, on récite d’abord la confession des fautes (Vidouï), puis les treize attributs de miséricorde et la Nefilat apayim. Selon la coutume ashkénaze et yéménite Baladi, on ne dit que la Nefilat apayim. Après les supplications, l’officiant prononce le Qaddich Titqabal[a]. Les jours où l’on ne dit pas les supplications (comme nous l’expliquons au chap. 21 § 7-8), on dit le Qaddich Titqabal immédiatement après la répétition de la ‘Amida.

Les Séfarades récitent le psaume 67 (Lamnatséa’h bi-neguinot, « Au chef de chœur, avec accompagnement instrumental »), suivi du Qaddich des orphelins, et l’on termine l’office par Alénou léchabéa’h[b]. Chez les Ashkénazes, on ne récite pas le psaume 67, et le Qaddich des orphelins ne se dit qu’après Alénou léchabéa’h.


[a].Sur les différentes catégories de Qaddich, voir chapitre 23 § 7.
[b]. Sur ce texte, voir chapitre 23 § 5.

03 – L’horaire de Min’ha correspond à celui de l’offrande journalière de l’après-midi

Nos sages ont fixé l’horaire de l’office de Min’ha conformément à celui du sacrifice journalier que l’on apportait, à l’époque du Temple, à l’approche du soir. En principe, l’heure du sacrifice journalier commence à l’expiration de la sixième heure solaire de la journée, car ce moment est celui du midi solaire, et le soleil commence alors à décliner en direction de l’occident. Cependant, les sages ont craint  que l’on ne fît erreur dans l’estimation de la position du soleil ; aussi ont-ils décidé que le sacrifice de l’après-midi ne pourrait être offert qu’à compter d’une demi-heure après le midi solaire. Le temps de Min’ha commence donc à l’expiration de six heures et demie depuis le début du jour[1].

En fait, nos ancêtres avaient coutume d’apporter le sacrifice journalier de l’après-midi après neuf heures et demie depuis le début du jour, car ce sacrifice constituait le dernier sacrifice, le sceau de la journée, après lequel il était impossible d’apporter des holocaustes ou des rémunératoires, des expiatoires ou des délictifs. Par conséquent, on repoussait le sacrifice journalier de l’après-midi après la neuvième heure et demie.

Ce n’est qu’à la veille de Pessa’h, lorsque celle-ci tombait un vendredi, que l’on apportait le sacrifice journalier immédiatement après la fin de la sixième heure est demie. En effet, le temps de l’oblation de l’agneau pascal suit nécessairement celui du sacrifice journalier, si bien que, pour avoir le temps d’offrir les agneaux pascaux de tout le peuple avant l’entrée du Chabbat, on devait avancer autant que possible le sacrifice journalier.

C’est de là que vient la division du temps de Min’ha en deux périodes : la première, appelée Min’ha guédola[c], la seconde appelée Min’ha qétana. La période de Min’ha guédola s’étend de six heures et demie à neuf heures et demie. Si l’on s’en tient à la stricte obligation, cette période peut convenir à l’oblation du sacrifice journalier. Toutefois, en pratique, ce n’est que dans certains cas rares que le sacrifice journalier était apporté pendant la période de Min’ha guédola. La période de Min’ha qétana s’étend, quant à elle, de neuf heures et demie jusqu’à la fin de la douzième heure, c’est-à-dire jusqu’à la fin du jour, et c’est durant ce laps de temps que l’on apportait le sacrifice journalier de l’après-midi. On a donné à la première période de Min’ha le nom de Min’ha guédola (« grande »), car sa durée est plus longue – trois heures – tandis que la seconde période, d’une durée de deux heures et demie, a été appelée Min’ha qétana (« petite »). Comme nous l’avons vu, la durée de ces heures est fonction de la durée du jour (heures solaires). On partage la durée du jour en douze parties égales, et chaque heure est appelée heure solaire. Durant l’été, où le jour est long, les heures sont plus longues, et durant l’hiver, où le jour est court, les heures sont plus courtes (cf. chapitre 11 § 10).

Puisque, en pratique, on procédait au sacrifice durant la période de Min’ha qétana, Maïmonide est d’avis qu’il faut a priori réciter la prière de Min’ha à cette même heure. Ce n’est, selon lui, qu’a posteriori que l’on peut s’acquitter de son obligation pendant la période de Min’ha guédola. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh (233, 1). Cependant, d’autres considèrent que, puisque le temps du sacrifice journalier commence, en principe, à six heures et demie, on peut réciter a priori la prière de Min’ha à l’heure de Min’ha guédola (Rif, Roch). Certains disent qu’il est même souhaitable a priori d’avancer l’office de Min’ha autant que possible, car les serviteurs empressés se hâtent d’exécuter les mitsvot (Rabbi Saadia Gaon).

En pratique, il est préférable de prier pendant la période de Min’ha qétana. Toutefois, en cas de besoin, on peut a priori prier pendant la période de Min’ha guédola. Par exemple, quand deux possibilités se présentent : prier au sein d’un minyan à Min’ha guédola, ou prier seul à Min’ha qétana, il sera préférable de prier en communauté à l’heure de Min’ha guédola. De même, si l’on a l’habitude de prendre son repas de midi après l’entrée de l’heure de Min’ha guédola – et quoiqu’on puisse à bon droit s’appuyer sur l’opinion indulgente et manger avant de faire la prière de Min’ha (comme nous l’expliquerons au paragraphe 6) – il vaut mieux, a priori, prier en minyan avant de déjeuner. Tel est l’usage dans de nombreuses yéchivot[2].


[1]. Si, par erreur, on a prié dans la première demi-heure qui suit le midi solaire, est-on quitte a posteriori ? Les A’haronim divergent sur cette question. Pour le Maguen Avraham, on n’est pas quitte ; pour le Peri ‘Hadach, on est quitte. Le Chaar Hatsioun 233, 6 laisse la question en suspens, et le Kaf Ha’haïm 2 conclut que, puisque la prière est une obligation rabbinique, on est indulgent en cas de doute et l’on ne répète pas sa prière. On a encore hésité à dire si cette demi-heure devait être fonction de l’heure solaire (« heure relative », elle-même fonction de la durée du jour) ou s’il devait s’agir d’une demi-heure fixe de trente minutes. Le Chaar Hatsioun 233, 8 tend à dire qu’il s’agit d’un temps relatif à l’heure solaire.
[c]. Littéralement « grande offrande » : l’expression signifie plus exactement la « grande période de l’offrande » ; de même, Min’ha qétana signifie littéralement « petite offrande », et vise la « petite période de l’offrande », comme l’auteur l’expliquera dans le même paragraphe.
[2]. C’est en ce sens que tranche le Michna Beroura 233, 1 ; le Ye’havé Da’at 4, 19 s’étend sur la question. Une autre considération porte à prier, a priori, peu de temps avant le coucher du soleil. Celle-ci s’appuie sur le traité Berakhot 29b, où sont rapportés les propos de Rabbi Yo’hanan, selon lesquels prier « au déclin du jour » (dimdoumé ‘hama) – c’est-à-dire, comme l’explique Rachi, peu de temps avant le coucher du soleil – est une bonne action. C’est aussi l’avis de Rabbénou ‘Hananel (cité par Hagahot Maïmoniot, Téphila 2). Certes, le fait de prier tard est condamné par les sages palestiniens, mais cette condamnation ne vise que le fait de tarder à l’extrême ; en revanche, le moment qui précède légèrement le coucher du soleil est le temps le plus indiqué. Et tel était l’usage de Rabbi Isaac Louria. Toutefois, selon le Maharcha, ce passage talmudique vise en réalité, non le crépuscule, mais l’aube, et veut dire que prier lorsque le soleil point – au hanets, ou premier rayon du soleil – est une bonne action. Voir Ye’havé Da’at 4, 19 où sont cités plusieurs Richonim qui partagent l’avis de Rabbi Saadia Gaon, selon lequel il est préférable de se presser de dire Min’ha dès que cette prière peut se dire (au début de Min’ha Guédola). Cf. Pisqé Techouva 233, 11-12.

04 – Expiration de l’heure de Min’ha

Le temps imparti pour prononcer la prière de Min’ha se prolonge jusqu’au soir ; toutefois, les décisionnaires sont partagés sur le moment précis où expire ce temps. Cette controverse repose elle-même sur une autre question : à quelle heure s’achève la période du sacrifice journalier de l’après-midi ? Selon certains, l’aspersion du sang du sacrifice se faisait jusqu’au coucher du soleil et non au-delà de ce délai ; aussi peut-on réciter la prière de Min’ha jusqu’au coucher du soleil (élèves de Rabbénou Yona, Gaon de Vilna, Michna Beroura 233, 14). D’autres disent que le sacrifice de l’après-midi pouvait être apporté jusqu’à la nuit, car le service afférent au sacrifice de l’après-midi se prolongeait lui-même jusqu’à la nuit, qu’il s’agît de l’aspersion du sang, de la combustion des graisses ou de ses libations. Tel est l’avis d’une majorité de décisionnaires (Choul’han ‘Aroukh et Rama 233, 1).

En pratique, il faut s’efforcer de terminer la prière de Min’ha avant le coucher du soleil ; cependant, a posteriori, on peut s’appuyer sur l’opinion de la majorité des décisionnaires et prier encore jusqu’à treize minutes et demie après le coucher du soleil car, jusque là, tout le monde s’accorde à dire que la nuit n’est pas encore tombée[3].

On peut également réciter les treize attributs de miséricorde ainsi que la Nefilat apayim durant ces treize minutes et demie suivant le coucher du soleil (Michna Beroura 131, 17 ; Ye’havé Da’at 6, 7)[4].

Si l’on est face à deux possibilités : prier seul avant le coucher du soleil, ou bien en communauté après le coucher du soleil, il est préférable, selon certains, de prier seul ; mais la majorité des décisionnaires pensent qu’il vaut mieux prier en communauté après le coucher du soleil.

Selon certains avis, quand un minyan a commencé à prier tardivement, il ne doit pas renoncer à la répétition de la ‘Amida par l’officiant, bien que celle-ci ne puisse être dite qu’après le coucher du soleil. Selon d’autres, il vaut mieux renoncer à la répétition afin de ne pas procéder à celle-ci après le coucher du soleil. L’officiant récitera donc les trois premières bénédictions à voix haute, afin de pouvoir faire bénéficier l’assemblée de la Qédoucha. Quand une telle question se pose, c’est au rabbin de l’endroit de trancher[5].


[3]. Selon les élèves de Rabbénou Yona, on aspergeait le sang jusqu’au coucher du soleil, tandis que selon Rachi, on peut encore procéder à l’aspersion du sang du sacrifice journalier entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit. De plus, même parmi ceux qui pensent que l’aspersion du sang ne peut se faire que jusqu’au coucher du soleil, certains sont d’avis que la prière de Min’ha, en tant que telle, ne vient pas en lieu et place de l’aspersion du sang, mais bien de l’oblation des membres du sacrifice journalier, de l’offrande de farine pétrie dans l’huile qui l’accompagne, et de la combustion de l’encens faite à l’approche du soir ; toutes choses qui peuvent, a posteriori, se prolonger pendant la période dite de bein hachmachot (littéralement « entre les soleils »), c’est-à-dire entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit. C’est ce qu’écrivent Hagahot Maïmoniot et Min’hat Cohen. Et bien qu’en matière d’aspersion du sang il faille être rigoureux, puisque le doute porte sur une obligation de rang toranique, la règle suit en revanche l’opinion indulgente en matière de prière, laquelle est de rang rabbinique.

De plus, selon Rabbénou Tam, l’expression bein hachmachot ne désigne pas la période s’étendant entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit : cette période débute seulement au « second coucher », c’est-à-dire cinquante-huit minutes et demie après le coucher visible du soleil. Si bien qu’à son avis on peut dire Min’ha après la fin du jour. Or bien qu’en pratique nous ne suivions pas l’usage de Rabbénou Tam, nombreux sont ceux qui partagent son avis, et l’on peut associer son opinion au faisceau de raisons qui permettent, a posteriori, de dire Min’ha après le coucher du soleil.

En pratique, le Gaon de Vilna et le Michna Beroura 233, 14, ainsi que le ‘Aroukh Hachoul’han 9, pensent que la prière de Min’ha ne se dit que jusqu’au coucher du soleil. Cependant, dans leur majorité, les décisionnaires pensent que l’on peut réciter Min’ha également après. Telle est l’opinion du Choul’han ‘Aroukh, du Rama 233, 1, du Chaagat Aryé 17 et de la majorité des décisionnaires, comme l’expliquent Ye’havé Da’at 5, 22 et 6, 7, Yabia’ Omer VII 34 et Pisqé Techouva 233, 6.

Puisque certains auteurs pensent qu’il est interdit de réciter Min’ha pendant la période de bein hachmachot, on ne peut pousser l’indulgence qu’à l’égard d’un temps que tous les décisionnaires s’accordent à qualifier de bein hachmachot, et que personne ne rattache à la nuit elle-même [c’est-à-dire que l’indulgence ne porte que sur les 13 premières minutes et demie qui suivent le coucher du soleil]. Cela, bien que la période s’étendant du coucher du soleil à l’apparition de trois étoiles soit généralement plus longue – 18 minutes selon certains, de 25 à 30 minutes selon d’autres (comme nous le verrons au chap. 25 § 5). Cf. Pisqé Techouva 233, 8.

Les A’haronim sont partagés sur la question de savoir si l’on peut commencer à prier avant l’expiration des 13 premières minutes et demie suivant le coucher du soleil, dans un cas où l’on sait que la prière s’achèvera après l’expiration de ces 13 minutes et demie. Le ‘Aroukh Hachoul’han 110, 5 et Erets Tsvi 121 le permettent, tandis que le Maguen Avraham 89, 4 et le Kaf Ha’haïm 133, 5 l’interdisent. Le Yabia’ Omer VII 34 associe l’opinion selon laquelle la période de bein hachmachot dure 18 minutes, d’une part, et l’opinion de Rabbénou Tam, d’autre part, et autorise sur ce fondement à commencer la prière pendant les 13 premières minutes et demie. En revanche, il n’autorise pas à commencer la répétition de l’officiant [pendant les 13 premières minutes et demie]. Cf. Pisqé Techouva 233, 7.

[4]. Ben Ich ‘Haï (I Ki Tissa 8), selon lequel on peut dire le Vidouï (confession des fautes) pendant toute la période de bein hachmachot, et les treize attributs de miséricorde jusqu’au milieu de cette période seulement. En revanche, au sujet de Nefilat apayim, l’auteur écrit, au quatorzième paragraphe, que s’applique l’adage « en cas de doute, mieux vaut s’abstenir », et que l’on ne récite pas Nefilat apayim après le coucher du soleil. C’est aussi ce qu’écrit le Kaf Ha’haïm 131, 27 et 51. Cependant, l’opinion d’une majorité d’auteurs est conforme à ce que nous rapportons dans le corps du texte.
[5]. Pour le Michna Beroura, il est préférable de prier seul avant le coucher du soleil ; c’est en ce sens que les grands maîtres lituaniens avaient coutume de se prononcer. Face à eux, la majorité des décisionnaires pensent qu’il vaut mieux prier en communauté, comme le rapporte le Pisqé Techouva 233, 6 et le Ye’havé Da’at V 22. En ce qui concerne la répétition de la ‘Amida, il est évident, aux yeux du Michna Beroura, qu’il ne faut pas la réciter, tandis que, pour le Kaf Ha’haïm 232, 9 au nom de Rabbi Isaac Louria, on récite la répétition, même si celle-ci doit se prolonger après le coucher du soleil. C’est en ce sens que tranchent le Yalqout Yossef III 233, 3 et le ‘Aroukh Hachoul’han 232, 6. Cf. Pisqé Techouva 232, 2.

05 – Choses interdites avant la prière de Min’ha

Afin que le fidèle n’oublie pas de réciter la prière de Min’ha, les sages ont décrété de n’entreprendre, à partir de midi, aucune activité susceptible d’occuper l’esprit au point que l’on pourrait en oublier de prier. Par conséquent, on ne commencera pas l’exécution d’un travail qu’il est difficile d’interrompre, et dont l’exécution entière risque de se prolonger après l’expiration du temps de la prière. De même, on ne commencera pas un travail à l’occasion duquel la survenance d’une panne est à craindre, dont la réparation se prolongerait au-delà du terme de la prière. On n’ira pas non plus faire des courses susceptibles de se prolonger au-delà de l’heure-limite de la prière. De même, on n’ira pas nager à la piscine, quand il est à craindre que l’on ne s’y attarde jusqu’à l’expiration du temps de la prière.

Mais dans un cas où il n’est pas à craindre que l’on oublie de faire la prière de Min’ha, toutes ces choses deviennent permises. Par exemple, si l’on se trouve en un endroit où l’on sait que l’on sera appelé par un tiers à se joindre à Min’ha, on a le droit de commencer toute sorte de travail. Il est également permis d’entreprendre tout type de tâche quand on sait que l’endroit où l’on travaille sera fermé avant l’expiration du temps de Min’ha. Il est de même permis de faire des achats dans un centre commercial où l’on appelle les hommes, par annonce amplifiée, à venir prier en minyan, ou encore lorsque nous demandons à un tiers de nous rappeler de dire la prière de Min’ha. Il est également permis de se baigner dans une piscine qui ferme avant l’heure de Min’ha ; de même, on peut se baigner dans le cas où l’on a l’habitude de nager selon des heures régulières, et qu’il n’est pas à craindre de se laisser entraîner à rester à la piscine jusqu’à l’expiration du terme de la prière[6].

Si l’on a passé outre en commençant une activité susceptible de durer longtemps, les sages n’exigent pas de se donner la peine de s’interrompre en plein milieu de cette activité, dans la mesure où l’on estime que l’on terminera celle-ci avant l’expiration du temps de Min’ha : on priera donc après l’achèvement de cette occupation. Mais s’il semble que l’activité est susceptible de se prolonger après l’expiration du temps de Min’ha, on s’interrompt immédiatement et l’on fait la prière de Min’ha[7].

Et bien que, selon les sages du Talmud, il n’y ait pas lieu de se couper les cheveux à l’heure de Min’ha, les A’haronim ont décidé que, de nos jours, cela était permis ; en effet, à notre époque, une coupe de cheveux s’achève très rapidement, et il n’est pas à craindre que les ciseaux ou la tondeuse nécessitent une réparation, puisque tout coiffeur possède plusieurs tondeuses et paires de ciseaux (Michna Beroura 232, 6 ; Kaf Ha’haïm 14).


[6]. Chabbat 9b, où il est dit qu’il interdit d’aller chez le coiffeur, d’entrer dans un établissement de bain, chez le tanneur [de crainte de trouver un défaut dans les peaux, qui nécessiterait un traitement prolongé], de prendre son repas ou, pour un tribunal, de siéger à l’approche de l’heure de Min’ha. La Guémara s’étend sur ces questions. En pratique, les Richonim sont partagés : les sages, par ces dispositions, n’ont-ils eu l’intention d’interdire qu’une « grande activité », telle qu’une longue baignade ou un grand repas, ou bien leur interdit s’étend-il à une « petite activité », comme une courte baignade ou une petite collation, de crainte que, d’une petite collation, on n’en vienne à un grand repas – et ainsi de suite pour les autres activités ? Les Richonim sont également partagés sur le point suivant : l’interdit commence-t-il à courir dès le milieu du jour (‘hatsot = une demi-heure avant l’heure de Min’ha guédola), ou bien à la fin de la neuvième heure (= une demi-heure avant Min’ha qétana) ?

Le Rif, Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh sont rigoureux, même s’il s’agit d’une « petite activité » à l’approche de Min’ha guédola (Choul’han ‘Aroukh 232, 2). Rabbénou Tam et le Roch interdisent une « grande activité » à l’approche de Min’ha guédola et une « petite activité » à l’approche de Min’ha qétana (pour le Gaon de Vilna, il s’agit là de l’opinion essentielle, qui est en l’occurrence l’opinion moyenne). Le Maor et le Rachba sont d’avis qu’une activité, grande ou petite, n’est interdite qu’à l’approche de Min’ha qétana. Rabbénou Yits’haq pense qu’une petite activité est toujours permise, et qu’une grande activité est interdite à l’approche de Min’ha guédola. Hagaot Mordekhaï et Rabbénou Yerou’ham sont plus indulgents : seule une grande activité est interdite, et ne l’est qu’à l’approche de Min’ha qétana, tandis qu’une petite activité est toujours permise (le Rama 232, 2 écrit que tel est l’usage, mais qu’il convient tout de même d’être rigoureux quand il s’agit d’un grand repas à partir du milieu de la journée, comme l’exige Rabbénou Tam. Voir sur toute cette question Rama 232, 2, Michna Beroura 232, 5 et 21-26, ‘Aroukh Hachoul’han 8-16). Selon le Béour Halakha לבורסקי, tout travail qui risque de se prolonger longtemps est interdit au même titre que le fait d’entrer chez le tanneur.

Cependant, les A’haronim se sont étonnés, car on ne trouve point de témoignage d’une particulière vigilance, dans nos communautés, en ces domaines. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 15, on peut trouver dans le Talmud de Jérusalem une raison d’être indulgent. Le fait essentiel est, semble-t-il, que le mode de vie et les types de travaux ont changé, et qu’il nous est donc difficile de fixer la halakha selon des critères liés à l’activité et au temps. Il faut donc revenir au principe de base : on ne commence pas une activité susceptible d’occuper l’esprit au point que l’on en vienne à laisser passer l’heure de Min’ha. Il faut d’autant plus être rigoureux que le travail est davantage de nature à préoccuper l’esprit, d’une part, et que l’on se rapproche davantage de l’expiration du temps de Min’ha, d’autre part. Mais en un endroit où se trouve un bedeau (chamach) qui rappelle aux fidèles qu’il faut prier, un tel oubli n’est pas à craindre, comme le dit le Rama 232, 2. Même quand il n’y a pas de bedeau, l’oubli n’est pas à craindre, selon le ‘Aroukh Hachoul’han 232, 16, dès lors que l’on a l’habitude de prier au sein d’un minyan régulier et de s’interrompre au milieu de son travail ou de son commerce pour se joindre à l’office. On s’appuie sur le raisonnement du ‘Aroukh Hachoul’han. Cf. Pisqé Techouva 232, 3.

[7]. Choul’han ‘Aroukh 232, 2 ; Michna Beroura 14-16. Certes, au paragraphe 13, l’auteur du Michna Beroura écrit que, si l’on a passé outre à l’interdit et commencé une activité dans la demi-heure précédant Min’ha qétana, et bien que l’on estime pouvoir s’interrompre pour prier en temps utile, on doit s’interrompre dès l’entrée de la période de Min’ha Qétana. Quoi qu’il en soit, l’auteur ajoute que, de nos jours, on a l’usage d’être indulgent en se fondant sur les raisonnements rapportés ci-dessus (ceux du Rama et du ‘Aroukh Hachoul’han, cf. note 6). Et puisque le type d’occupation interdite par les sages n’est pas certain, que certains décisionnaires sont indulgents, et que le principe est qu’en cas de doute portant sur une règle rabbinique on suive la voie indulgente, nous sommes revenu au principe de base : tout dépend de savoir s’il est à craindre que l’on oublie de prier à Min’ha.

Selon le Michna Beroura 13 et le Kaf Ha’haïm 23, quand on dit qu’il faut s’interrompre pour prier, on vise par là l’heure d’entrée de Min’ha qétana, et pas avant, car c’est là l’heure essentielle de Min’ha. Cependant, nous n’avons pas précisé cela dans le corps du texte puisque, selon le Rama et le ‘Aroukh Hachoul’han, il n’est pas à craindre d’oublier de prier lorsqu’on commence un travail ou un repas à l’heure de Min’ha guédola. D’un autre côté, s’il était malgré tout à craindre que l’on ne se laissât entraîner par son occupation, il serait également à craindre que le fait d’attendre l’heure de Min’ha Qétana ne favorisât l’oubli, d’où il suit qu’il vaudrait mieux alors prier immédiatement.

Toutefois, quand l’oubli n’est pas à craindre, par exemple quand on programme un réveil à cette fin, ou quand on demande à un tiers de nous rappeler l’heure de Min’ha qétana, on attend l’heure de Min’ha qétana pour prier.

06 – Repas avant la prière de Min’ha

Depuis le midi solaire, on doit prendre garde d’oublier la prière de Min’ha ; il ne faut donc pas commencer un grand repas avant de faire cette prière. Ce qu’on appelle « grand repas » est un repas où s’attablent de nombreux convives, tel qu’un repas donné à l’occasion d’une circoncision, des sept jours de festin à la suite d’un mariage, ou du rachat d’un premier-né. En revanche, un repas de Chabbat n’est pas considéré comme un « grand repas ». En cas d’urgence, on peut commencer un grand repas avant de faire la prière de Min’ha, à condition qu’il soit clair que les convives pourront terminer leur repas avant l’expiration du temps de Min’ha ; de même devra-t-on se rappeler mutuellement de prier après le repas.

Depuis la demi-heure précédant Min’ha qétana, environ trois heures avant le coucher du soleil, on ne commence pas à prendre un petit repas si l’on n’a pas encore dit la prière de Min’ha. Mais s’il se trouve à cet endroit une personne qui puisse nous rappeler qu’il est temps de prier, prendre ce petit repas devient autorisé. On peut programmer un réveil afin que celui-ci sonne à l’heure où l’on doit se disposer à la prière, ce qui peut efficacement remplacer le rappel humain. Il faut toutefois exiger de soi-même que, dès l’instant où la sonnerie retentit, on arrête son repas et l’on aille prier (Rama 232, 2, Béour Halakha, passage commençant par Véyech, Halikhot Chelomo 2, 12).

Certains s’efforcent a priori de ne pas manger, même un petit repas, après le midi solaire tant qu’ils n’ont pas fait la prière de Min’ha. Aussi a-t-on l’usage, dans de nombreuses académies talmudiques (yéchivot), d’avancer l’office de Min’ha à la mi-journée, afin que l’on puisse déjeuner en se conformant à tous les avis[8].


[8]. Conformément à l’avis du Rif et de Maïmonide rapporté en note 6. Bien que le Choul’han ‘Aroukh 232, 2 tranche dans ce même sens, les Séfarades ont coutume d’être indulgents ; cf. Kaf Ha’haïm 30, Yalqout Yossef III 232, 8. Toutefois, a priori, il est bon d’être rigoureux et de prier avant le déjeuner, comme l’expliquent Or lé-Tsion II 15, 1-2 et Ye’havé Da’at 4, 19.

En cas d’urgence, on peut être indulgent et prendre son déjeuner habituel au cours des trois heures qui précèdent le coucher du soleil, même quand il n’y a ni ami ni réveil pour rappeler l’heure de la prière. Cela, à condition que l’on ait l’habitude de prier au sein d’un minyan régulier, suivant le raisonnement du ‘Aroukh Hachoul’han 232, 16 ; c’est aussi ce que pense Rabbénou Yerou’ham (cité par Michna Beroura 232, 26).

07 – L’opinion de Rabbi Yehouda

La coutume répandue est conforme à l’opinion de la majorité des sages de la Michna (ceux que l’on appelle ‘Hakhamim, c’est-à-dire la communauté des sages), selon lesquels le temps de Min’ha s’étend jusqu’à la fin de la journée ; selon cette vue, lorsqu’apparaissent trois étoiles dans le ciel, commence le temps de l’office d’Arvit, la prière du soir (Berakhot 26a). Cependant, selon Rabbi Yehouda (lui aussi l’un des sages de la Michna), le temps de Min’ha s’achève plus tôt, à l’expiration de ce que l’on appelle le plag hamin’ha. Plag signifie moitié ; c’est-à-dire que l’on partage la période de Min’ha qétana en deux moitiés égales. Or nous avons déjà vu (§ 5) que la période de Min’ha qétana s’étendait de la neuvième heure solaire et demie jusqu’à la fin de la douzième heure ; cette période dure donc deux heures et demie, si bien que chaque moitié est d’une heure et quart. Selon Rabbi Yehouda, la première heure et quart est donc le temps de Min’ha, tandis que la seconde période d’une heure et quart est déjà l’heure de l’office du soir, Arvit.

Cette opinion se fonde sur la considération suivante : en pratique, les Cohanim se hâtaient de sacrifier et d’asperger le sang du sacrifice  journalier pendant la première moitié de la période de Min’ha qétana, si bien que cette première moitié constitue le temps de Min’ha. Durant la seconde moitié de cette même période, les Cohanim élevaient déjà les membres du sacrifice  journalier sur l’autel. Or l’office d’Arvit a précisément été institué par référence à l’oblation des membres ; par conséquent, c’est à ce moment que débute le temps d’Arvit. Tandis que, pour les ‘Hakhamim, le raisonnement est le suivant : puisque, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de procéder à l’aspersion du sang du sacrifice  quotidien jusqu’à la fin de la journée, le temps de Min’ha s’étend lui-même jusqu’à la fin de la journée. L’horaire d’Arvit correspond, quant à lui, à celui de la lecture du Chéma du soir, qui commence à l’apparition des étoiles.

En pratique, cette controverse n’est pas tranchée, et le Talmud (Berakhot 27b) conclut que l’on est autorisé à choisir de se conformer à l’avis des ‘Hakhamim ou à celui de Rabbi Yehouda. Les Richonim ajoutent que cette faculté de choix suppose encore que l’on s’en tienne à une conduite unique : si l’on se conforme à l’opinion de Rabbi Yehouda, on doit avoir soin de ne pas dire Min’ha après le plag hamin’ha ; et si l’on suit l’opinion des ‘Hakhamim, on doit avoir soin de dire Arvit après l’apparition des étoiles, et pas avant. En revanche, dire Min’ha après le plag comme le permettent les ‘Hakhamim, puis Arvit avant l’apparition des étoiles comme le permet Rabbi Yehouda, est interdit (nous développerons le propos dans les lois d’Arvit, chapitre 25 § 6-7)[9].


[9]. Les décisionnaires sont partagés sur ce qu’il faut inclure dans la notion de « jour ». Pour le Chilté Haguiborim, le Gaon de Vilna et la majorité des décisionnaires, le jour s’étend du premier rayon de soleil au coucher du soleil. Pour le Teroumat Hadéchen, il s’étend de l’aube à l’apparition des étoiles. En fonction de cela, le moment du plag hamin’ha change : faut-il compter une heure solaire et quart avant le coucher du soleil ou bien avant l’apparition des étoiles ? L’usage est de calculer d’après le moment du coucher du soleil ; c’est ce qu’écrivent le Kaf Ha’haïm 233, 7 et le Loua’h Erets Israël. Cependant, le Chaar Hatsioun laisse entendre qu’il tient compte a priori des rigueurs de l’une et l’autre des deux opinions (233, 4 ; Chaar Hatsioun 235, 14). Il faut toutefois signaler que, selon le Teroumat Hadéchen, il faut calculer l’apparition des étoiles d’après l’opinion de Rabbénou Tam, c’est-à-dire 72 minutes après le coucher du soleil, afin que midi coïncide avec le milieu du jour, comme nous l’expliquons plus haut, chapitre 11 note 14. D’après cela, le passage du plag hamin’ha a lieu peu de temps avant le coucher visible du soleil (entre deux et dix-huit minutes, selon les périodes de l’année). Cf. Iché Israël 27, note 8.

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