Pniné Halakha

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La prière d’Israël

03 – Kipa et ceinture

À l’approche de la prière, il faut se préparer, être saisi de crainte devant la splendeur de la majesté divine, et se réjouir d’être sur le point de se présenter devant le Roi des rois et de prier. Cette préparation doit se traduire également par l’habillement : celui-ci doit être honorable, comme il sied à celui qui se tient devant le Roi.

Les hommes sont tenus de se couvrir la tête durant la prière, ainsi que lorsqu’ils mentionnent le nom divin, et lorsqu’ils entrent à la synagogue (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 91, 50). Cependant, en pratique, selon la coutume répandue parmi tout Israël, les hommes ont soin de ne pas parcourir quatre amot (coudées, environ deux mètres) sans couvre-chef (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 2, 6). En tout état de cause, quand il s’agit de prier, de prononcer le nom divin ou de se trouver à la synagogue, le degré d’obligation est plus fort, car son fondement se trouve dans la loi et non dans la coutume1. Malgré cela, il est bon d’être rigoureux en l’honneur de la prière. De plus, si l’on porte une grande kipa durant la prière, on sera vraisemblablement porté à garder cette même kipa toute la journée, ce qui concourra à la sanctification du nom divin et à une prise de responsabilité à l’égard de l’accomplissement de la Torah et des mitsvot.

    ].

    Bien que, aux yeux de certains décisionnaires, les femmes célibataires doivent elles aussi se couvrir la tête durant la prière et la récitation de bénédictions, les jeunes filles n’ont pas l’usage d’être exigeantes en la matière2.

    Il faut se ceindre d’une ceinture au moment de la prière, car la ceinture crée une séparation entre, d’une part, la tête et le cœur, et d’autre part le siège de la nudité. À cet égard, la prière requiert davantage de rigueur que les autres paroles saintes : pour les autres paroles saintes, il n’est pas nécessaire de porter précisément une ceinture, et l’on peut se contenter de toute autre séparation entre le cœur et le lieu de la nudité. Aussi, si l’on porte des sous-vêtements, ceux-ci constituent déjà une séparation efficace entre le cœur et la nudité. En revanche, en l’honneur de la prière, c’est une obligation que de porter une ceinture en bonne et due forme, car tel est le dérekh kavod (la manière honorable de se conduire), comme il est dit (Amos 4, 12) : « Apprête-toi à la rencontre de ton Dieu, Israël. » Toutefois, celui qui a l’habitude d’aller sans ceinture toute la journée n’est pas obligé d’être pointilleux et de se ceindre au moment de la prière.

    En tout état de cause, se ceindre d’une ceinture au moment de la prière est un pieux usage (minhag ‘hassidout), car la ceinture exprime la distinction entre la partie supérieure de l’homme, qui comporte le cerveau et le cœur, et la partie inférieure, où se trouvent la nudité et les jambes. La majorité des hommes sont plongés dans leurs désirs, leur esprit et leur cœur sont affairés par les nécessités du temps et de la matière. En revanche le peuple d’Israël, parce qu’il a reçu la Torah du Ciel, est capable de surmonter le penchant au mal et de concentrer son esprit et son cœur sur les questions les plus élevées ; grâce à cela, il peut ensuite revenir au domaine de la matérialité et de l’action en le réparant3 C’est à cela que fait allusion la ceinture portée durant la prière, et c’est à ce sujet que les sages ont institué une bénédiction particulière parmi celles du matin : « Béni sois-Tu… qui ceins Israël de force ». C’est la raison pour laquelle les ‘Hassidim ajoutent un embellissement à la règle, en portant durant la prière une ceinture spécialement destinée à cet effet (le gartel) 4.

      1. Celui dont la kipa est tombée et s’est envolée à une distance de plus de quatre amot peut couvrir sa tête avec sa main, marcher et rattraper sa kipa. Toutefois, durant la prière et les bénédictions, on ne peut couvrir sa tête avec sa main car, dès lors que l’on a l’obligation de se couvrir la tête, on considère que le corps ne peut se recouvrir lui-même ; en revanche, la main d’autrui est considérée comme un couvre-chef (Choul’han ‘Aroukh 91, 4 ; Michna Beroura 91, 10 ; Michna Beroura 6, 11-12).

      Au sujet de la taille de la kipa : selon Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm 1, 1, on peut se rendre quitte avec une kipa qui ne couvre pas la majorité de la tête, même lorsqu’on mentionne  le nom divin. Face à cela, le Or lé-Tsion II 7, 13 et le Yabia’ Omer VI 15, 5 estiment que, durant la prière et la mention du nom divin, cas dans lesquels la loi elle-même (et non seulement la coutume) impose de se couvrir la tête, la kipa doit recouvrir la majorité de la tête. Cependant, en pratique, celui qui veut être indulgent a sur qui s’appuyer, puisque cette loi est de rang rabbinique, et qu’en matière de législation rabbinique la halakha est conforme à l’opinion indulgente. De plus, dans le traité Sofrim 14, 15, la question de savoir si l’on doit se couvrir la tête au moment d’une bénédiction est sujette à controverse, et le Or Zaroua’ II 43 nous dit qu’à son époque, l’usage de nos maîtres en France était de prononcer les bénédictions tête nue. Et bien que, d’après la majorité des décisionnaires, la halakha impose d’avoir la tête couverte durant la prière et les bénédictions, l’opinion indulgente concourt de toute façon à renforcer la position du Igrot Moché [qui n’exige pas une kipa couvrant la majorité de la tête

    1. Le recueil de responsa Ich Matslia’h 1, 24-25 oblige les femmes comme les hommes à se couvrir la tête pendant toute mention du nom divin. Le Yabia’ Omer VI 15 écrit qu’a priori les filles doivent se couvrir la tête, mais que celles qui veulent être indulgentes ont sur quoi s’appuyer. (Or nous avons déjà appris dans la note précédente que, de l’avis de certains décisionnaires, il n’y a pas d’obligation de se couvrir la tête durant la prière et la mention du nom divin ; et dans la mesure où il s’agit d’une loi rabbinique, et où les jeunes filles ont l’usage d’être indulgentes, il n’y a pas lieu de modifier l’usage). Le Tsits Eliézer 12, 13 écrit que les jeunes filles ne sont pas obligées de couvrir leur tête selon la coutume, et mentionne une raison donnée à cela par le ‘Hatam Sofer : puisque l’usage des jeunes filles non juives est de se couvrir la tête dans leurs lieux de culte, il faut prendre soin de ne pas imiter leur usage.
    2. Létaqen : littéralement « réparer », apporter le tiqoun, c’est-à-dire apporter la rectification spirituelle et l’élévation morale au domaine matériel, lui permettant de tendre à son tour vers le monde de l’esprit.
    3. On trouve trois opinions parmi les Richonim : a) Pour l’auteur de la Terouma, le Ran et le Hagahot Maïmoniot, il faut dans tous les cas porter une ceinture pendant la prière. b) Face à eux, Rachi pense qu’il n’y a aucun besoin de porter une ceinture pendant la prière, mais qu’il suffit de marquer une séparation entre le cœur et l’organe de la nudité. c) L’opinion intermédiaire est celle de Rabbénou Yerou’ham, selon lequel celui qui a l’habitude de porter une ceinture toute la journée doit aussi la porter durant la prière. C’est aussi ce qu’écrit le Chibolé Haléqet 17 au nom de Rav Saadia Gaon. C’est ainsi qu’a tranché le Maguen Avraham 91, 1, et de nombreux A’haronim citent en pratique son opinion. Il est vrai que, du Choul’han ‘Aroukh 91, 2, on peut déduire que son auteur tranche conformément à l’opinion rigoureuse, d’après laquelle il faut porter une ceinture durant la prière dans tous les cas ; et le Michna Beroura 90, 4 incline dans ce même sens. Cependant, l’usage est conforme à l’opinion indulgente ; de plus, nous sommes en présence d’une règle rabbinique, pour laquelle les opinions indulgentes prévalent. Or lé-Tsion explique qu’autrefois, lorsque certains se promenaient en vêtement long (‘halouq, djellaba…) non ceinturé, ils paraissaient négligés. Mais de nos jours où l’on va en pantalons, il n’est pas nécessaire d’être sévère à cet égard. Toutefois, c’est un pieux usage que de veiller à porter une ceinture pendant la prière. Quant aux ‘Hassidim, ils apportent à cela un supplément de perfection en portant, pendant la prière, une ceinture spécifique.

04 – Quel habillement convient à la prière

Celui qui, en raison d’un concours de circonstances, se retrouve dépourvu d’une partie de ses vêtements, doit à tout le moins porter, durant la prière, des pantalons courts et un maillot de corps (Berakhot 25a ; Choul’han ‘Aroukh 91, 1). Il est vrai qu’en ce qui concerne la récitation du Chéma Israël et des bénédictions, il suffit, a posteriori, d’avoir couvert sa nudité pour être considéré comme quitte (Choul’han ‘Aroukh 74, 6).  Mais quand il s’agit de la ‘Amida, la prière proprement dite, où l’on se tient devant le Roi, il faut au minimum couvrir sa nudité et son « cœur » (c’est-à-dire son ventre et son dos) 1.

Mais tout ce que nous disons là se situe dans un cas de figure a posteriori. Car a priori, on aura soin de porter des vêtements honorables, afin que l’honneur rendu au Ciel ne soit pas moindre que celui que l’on réserve à une créature de chair et de sang : de même que l’homme a soin de s’habiller de façon honorable avant de rencontrer des personnages importants, il doit, au moins autant, prendre soin de bien s’habiller lorsqu’il s’apprête à prier. À la vérité, celui qui, une fois dans sa vie, va à la rencontre d’un monarque, revêt à cette occasion ses plus beaux vêtements ; alors que celui qui rencontre quotidiennement le roi a soin de mettre une tenue honorable, conforme à son rôle et à son rang, mais ne porte pas chaque jour ses habits les plus élégants. Ainsi en est-il de nous durant la prière : nous sommes comparables à ceux qui se présentent chez le Roi trois fois par jour ; nous devons donc porter des vêtements convenables, mais non les plus élégants. Ces derniers, nous les revêtons durant les fêtes, le Chabbat et à l’occasion de cérémonies heureuses associées à une mitsva2.

A cet égard, tout dépend de l’usage de l’endroit et des gens. Dans certaines communautés, on a l’habitude d’aller, en toute occasion importante, en chapeau et en costume3. Dès lors, on devra porter chapeau et costume durant la prière également. En un endroit où il n’est pas d’usage de porter des sandales sans chaussettes pour rencontrer des personnages importants, on portera des chaussettes pour la prière. Mais en un endroit où l’on a l’habitude d’aller en sandales sans chaussettes, sans costume ni chapeau, et si tel est l’usage devant des personnages importants, on n’est pas obligé de changer son habillement pour la prière (d’après Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 91, 5).

À la vérité, prier en communauté est plus important que de porter des vêtements choisis. Par conséquent, si l’on a l’habitude de prier en costume et coiffé d’un chapeau, et que l’on se trouve dans une situation où, si l’on se rendait chez soi pour mettre son chapeau et son costume on ne pourrait rejoindre à temps le minyan, il vaudra mieux prier en vêtements simples mais en communauté. Car la mitsva de prier en minyan a priorité sur l’embellissement de la mitsva que constitue le port de vêtements de choix (Avné Yachfé 1, 7).

En revanche, si l’on porte des vêtements susceptibles d’entraîner le mépris, par exemple si l’on est en train de travailler chez soi en vêtements de travail sales ou en pantalons courts, habits avec lesquels on n’a pas l’habitude de sortir dans la rue, il vaut mieux se changer avant de prier, bien qu’entre-temps on perde la possibilité de prier en communauté. En effet, si l’on venait, ainsi vêtu, prendre part à la prière publique, ce serait une atteinte à l’honneur dû à la prière. De plus, il est à craindre que l’on ne puisse se concentrer, préoccupé que l’on serait par l’idée que tout le monde s’étonne de cette tenue déconsidérée.

  1. A posteriori, si l’on a par erreur prié sans porter de tricot de corps, on est quitte, dès lors que l’on a effectivement couvert sa nudité. Cependant, les A’haronim sont partagés sur la question de savoir si, a priori, un homme qui n’a pas de tricot peut prier torse nu. Le Béour Halakha 90, 1 pense que l’on devra s’abstenir de prier ainsi. Le Kaf Ha’haïm 3 penche dans le sens du Levouch, lequel pense que l’on devra prier, puisque l’on se trouve dans un cas de contrainte (anouss).
  2. Sim’ha chel mitsva : « joie associée à un commandement », telle qu’une bar-mitsva, un mariage etc.
  3. L’auteur distingue ici l’occasion importante – celle où l’on rencontre des personnages importants sans que cela revête un caractère exceptionnel – de la cérémonie. C’est la première qui sert de critère pour dicter la façon de s’habiller pour prier.

05 – Détails propres aux lois de l’habillement durant la prière

Il est permis à ceux qui s’adonnent à des travaux manuels et portent des vêtements de travail, lorsqu’il leur est difficile de se changer à l’approche de la prière, de prier en tenue de travail, car cette tenue n’est pas considérée à leur égard comme déshonorante. Quand, en revanche, ils ont le temps de se changer, ils s’efforceront de se présenter à la prière en vêtements plus honorables.

On ne prie pas en pyjama (Michna Beroura 91, 11). Mais il est permis à un malade de prier en pyjama, car il est d’usage qu’un malade soit ainsi vêtu, quand bien même des personnages importants viendraient lui rendre visite.

Il ne faut pas prier en imperméable, en bottes ou en gants, car il n’est pas d’usage de se tenir ainsi devant des personnages importants (Michna Beroura 91, 12). Mais s’il fait très froid, il est permis de prier en imperméable et en gants, car cela ne constitue pas une atteinte à l’honneur dû à la prière. De même, en un endroit où tout le monde a l’habitude d’aller en bottes, il est permis d’en porter durant la prière.

Les jeunes gens, les membres de kibboutz, qui ont l’habitude d’aller en culottes courtes, même lorsque des personnages importants viennent leur rendre visite, peuvent prier dans cette tenue. Toutefois l’officiant doit couvrir ses jambes jusqu’aux genoux compris, car celui qui va en culottes courtes est juridiquement qualifié de négligé, et n’est pas habilité à officier (voir ci-dessus, chap. 4 § 4).

Il arrive que l’on se trouve en un endroit où les gens sont moins pointilleux sur leur habillement : par exemple un lieu de vacances, lieu dans lequel ceux-là même qui ont l’usage d’aller toujours en veste sont, pour une fois, en bras de chemise. Quand, en de tels endroits, on n’éprouverait pas de gêne à être ainsi vêtu même si se présentaient des personnages importants, on sera autorisé à prier dans cette même tenue.

06 – Ne pas amener à la synagogue des enfants susceptibles de déranger l’assemblée

Il est interdit au fidèle d’installer un tout petit enfant près de soi durant la prière, car il est à craindre que celui-ci ne dérange sa concentration (Michna Beroura 96, 4). À plus forte raison ne faut-il pas amener à la synagogue, à l’heure de l’office, des bébés ou de petits enfants qui ne savent pas prier, car ils risquent de déranger les fidèles. Et bien qu’il y ait une pieuse coutume consistant à amener les bébés à la synagogue afin qu’ils s’imprègnent de l’atmosphère de sainteté qui y règne, cette coutume n’a précisément cours qu’en dehors des heures de prière.

Pour préciser l’importance de la question, citons les paroles du Chla haqadoch 1, qui écrit ceci au nom du Or’hot ‘Haïm (Chla, traité Tamid, Ner Mitsva, cité par Michna Beroura 98, 3) :

La conversation des petits enfants à la synagogue constitue un grand motif d’interdit. De nos jours, des enfants viennent à la synagogue pour attirer la punition sur ceux qui les y mènent, car ils viennent profaner la sainteté de la maison de notre Dieu, et s’y amuser comme ils le feraient dans les rues de la cité. Ils se lèvent pour jouer l’un avec l’autre, celui-ci joue avec celui-là, et celui-là lui rend des coups. Celui-ci chante et celui-là pleure. Celui-ci parle et tel autre crie. L’un court de-ci de-là, tel autre court de côté et d’autre. Certain fait ses besoins dans la synagogue ; tout le monde crie alors : « De l’eau ! de l’eau ! » Tel père confie un livre à son enfant, qui le jette à terre ou le déchire en douze morceaux. En fin de compte, par l’effet du tumulte qu’entraîne cette sottise, la concentration des fidèles est perdue, et l’honneur du Ciel se trouve profané. Celui qui amène des enfants à la synagogue de cette façon ne doit pas en attendre de récompense, mais au contraire s’inquiéter du châtiment. Mais le plus dommageable est que ces enfants grandiront en prenant cette mauvaise habitude et ce travers étranger ; et à mesure qu’ils grandiront, ils ajouteront encore à la rébellion, en déconsidérant à leurs propres yeux l’importance et la sainteté de la synagogue, et en n’honorant pas la Torah. Car lorsque l’homme a commis une transgression de façon répétitive, celle-ci lui semble permise ; même en vieillissant, il ne s’en départ point. En conclusion, il convient de ne pas amener les très jeunes enfants à la synagogue, car on s’en trouve perdant et non gagnant. En revanche, lorsqu’un enfant parvient à l’âge de l’éducation, on l’y conduit au contraire ; on lui apprend à s’asseoir avec crainte et révérence, on ne le laisse pas bouger de sa place, et on l’encourage à répondre amen, ainsi qu’au Qaddich et à la Qédoucha.

Si l’on a conduit son enfant à l’office, et que celui-ci commence à déranger la prière de l’assemblée, on prendra cet enfant par la main et on le conduira à l’extérieur, même si l’on se trouve soi-même au milieu de la ‘Amida. Parvenu à l’extérieur, on poursuivra là sa prière (voir ci-après, chap. 17 § 15).

  1. Rabbi Yechaya Halévi Horowitz (1560-1630), auteur du ChLou’hot Habrit, et couramment appelé, d’après l’acronyme de cet ouvrage, le Chla haqadoch(« le saint Chla»)

07 – Prévenir ce qui concourt à perturber la prière

On ne tient pas en main, durant la ‘Amida, une chose dont on craint qu’elle ne tombe, comme des téphilines1, un livre, une casserole pleine, un couteau, des pièces de monnaie ou une chose comestible, car on serait préoccupé par la crainte que cela ne tombe, et la kavana s’en trouverait réduite à néant (Choul’han ‘Aroukh 96, 1). Même dans les autres parties de la prière, telles que la lecture du Chéma et les versets de louange (Pessouqé dezimra), il faut s’en abstenir. A priori, durant la ‘Amida, on ne prendra rien en main, car ce n’est pas une attitude respectueuse que de se tenir en prière avec un objet superflu en main (cf. Michna Beroura 96, 1, 5 d’après les élèves de Rabbénou Yona et le Taz).

Toutefois, il est permis durant la fête de Soukot de porter un loulav 2 car, à Soukot, il y a un commandement particulier de tenir un loulav, d’où il suit que la kavana ne s’en trouve pas perturbée. De même est-il permis de tenir un livre de prières (sidour), car celui-ci est utilisé pour les besoins mêmes de la prière (Choul’han ‘Aroukh 96, 1-2).

A priori, il ne faut pas dire la ‘Amida en portant un sac sur son dos ; en effet, cela ne serait pas une attitude respectueuse devant des personnages importants, à plus forte raison durant la prière. Si l’on se trouve en chemin, avec un sac à dos sur les épaules, et qu’il soit plus commode de le garder sur soi, il sera permis de garder ce sac sur ses épaules à condition qu’il pèse moins de quatre qav (environ 5,5 kg). Si ce sac pèse plus de quatre qav, en revanche, on ne peut prier en le portant sur ses épaules, car son poids est susceptible de diminuer la concentration (Choul’han ‘Aroukh 97, 4).

Si l’on a en main des téphilines ou de l’argent, objets que l’on craint de poser de peur qu’ils ne soient volés, que par ailleurs aucun camarade ne se trouve là, qui pourrait en assurer la garde, et que l’on n’ait pas non plus de poches pour les y garder, il vaut mieux a posteriori les conserver en main : de cette façon, on sera moins préoccupé (Michna Beroura 96, 6 ; Kaf Ha’haïm 7). La règle est la même pour celui qui porte un sac lourd sur son dos et craint qu’il ne soit volé s’il le déposait : faute de choix, il priera en portant son sac sur le dos.

Un soldat portant une arme ne priera pas a priori avec elle, ni ne la fera entrer à la synagogue, car il ne convient pas de prier pour la vie et pour la paix alors que l’on porte sur soi un instrument pouvant donner la mort. Toutefois, s’il doit porter cette arme pour des raisons sécuritaires, ou s’il doit surveiller que son arme ne soit pas volée, le soldat pourra prier en portant cette arme. S’il le peut, il en démontera préalablement le chargeur, afin que cela ne soit pas totalement considéré comme une arme à ce moment-là. Mais si, pour des raisons de sécurité, il est préférable que l’arme soit chargée, il est permis de prier avec une arme contenant son chargeur (cf. Tsits Eliézer 10, 8).

Si l’on est enrhumé, on se mouchera avant la prière afin de ne pas avoir à se moucher pendant celle-ci. Si l’on est dérangé par un glaire, on crachera avant la prière, afin de ne pas être gêné pendant celle-ci (Choul’han ‘Aroukh 92, 3). Si l’on est obligé de se moucher pendant la prière, on le fera de la façon la plus discrète. Si l’on doit bâiller, on mettra la main devant la bouche. Car celui qui se tient en prière doit être très attentif à l’honneur dû au Ciel ; et tout ce qui est considéré comme impoli devant les autres est interdit pendant la prière (cf. Choul’han ‘Aroukh 97, 1-2).

  1. Téphilines: boîtiers contenant certains textes de la Torah, écrits sur parchemin, fixés sur le bras et sur la tête par des lanières de cuir, et portés par les hommes durant la prière du matin.
  2. Loulav : branche de palmier à laquelle sont attachées des branches de myrte et de saule, que l’on prend en main et que l’on agite, avec un cédrat, durant les jours de Soukot (fête des Cabanes, à l’automne).

08 – Quand on éprouve un besoin naturel à l’heure de la prière

Les sages ont dit : « Celui qui sent qu’il doit faire ses besoins (qu’il s’agisse des “grands” ou des “petits” besoins) ne doit pas prier » (Berakhot 23a). La raison à cela est que le besoin de se soulager risque de déranger la concentration ; de plus, il ne convient pas de venir prier devant le Saint béni soit-Il quand votre corps est souillé par quelque salissure. Même dans le cas où l’on éprouve un doute sur la nécessité de se soulager, nos sages enseignent qu’il convient a priori de vérifier, avant la prière, si l’on n’a pas un besoin à satisfaire (Berakhot 15a). Ils s’appuient en cela sur le verset : « Apprête-toi à la rencontre de ton Dieu, Israël » (Amos 4, 12). Il est aussi dit (Ecc 4, 17) : « Prête attention à toi (littéralement : garde ton pas) quand tu prends le chemin de la Maison de Dieu » ; et la lecture midrachique élabore : « Garde-toi d’avoir un besoin à satisfaire à l’heure où tu te tiens en prière. »

On distingue deux degrés de besoin : 1) Un besoin tel que l’on ne pourrait se retenir durant le temps nécessaire pour parcourir une parsa (parasange), c’est-à-dire environ soixante-douze minutes. 2) Un besoin réel, mais tel que l’on pourrait se retenir plus de soixante-douze minutes.

Si l’on a commencé à prononcer la ‘Amida alors que l’on avait à se soulager des grands besoins, mais de telle façon que l’on n’eût pas été en mesure de se retenir soixante-douze minutes, la prière est qualifiée de to’éva, abomination : on ne s’est pas acquitté de son obligation. Aussi, faudra-t-il recommencer sa prière après avoir fait ses besoins. Si l’on a prié alors que l’on avait seulement envie d’uriner, et que l’on n’eût pas été en mesure de se retenir pendant soixante-douze minutes, l’appellation de to’éva est sujette à controverse entre les A’haronim, bien qu’il soit clair pour tous que la prière n’a pas a été faite conformément à la règle. Puisqu’il ne nous appartient pas de trancher dans cette controverse, il n’y a pas d’obligation formelle de répéter sa prière, mais il est bon de prier de nouveau à titre de prière supplémentaire volontaire (nédava ; cf. Béour Halakha 92, 1, passage commençant par « Vétsarikh la’hazor »)1.

Mais dans le cas où l’on pouvait se retenir soixante-douze minutes et où l’on a dit la ‘Amida, la prière ainsi récitée mérite d’être appelée prière, puisque l’on ne ressentait pas si fortement ce besoin. Quoi qu’il en soit, a priori, on doit s’abstenir de prier, même dans le cas où l’on pourrait se retenir soixante-douze minutes. Et même s’il en résulte de manquer la prière publique, on devra d’abord faire ses besoins, quitte à devoir se contenter de prier seul après cela. Dans le cas, en revanche, où l’heure limite de la prière elle-même expirerait durant le temps de faire ses besoins, on devrait alors prier immédiatement afin de ne pas manquer entièrement la prière2 (Choul’han ‘Aroukh 92, 1 ; Maguen Avraham 92, 5).

L’évaluation de la possibilité de se retenir dépend de chacun. Dans le cas où,  avant la prière, on pensait pouvoir se retenir soixante-douze minutes, mais qu’il apparaît après la prière que l’on s’est trompé, et que l’on ne pouvait en réalité se retenir si longtemps, la prière faite mérite néanmoins d’être appelée prière car, au moment où l’on avait commencé, on pensait pouvoir se retenir (Béour Halakha 92, 1 « Chi’our parsa »).

Si l’on doute de devoir satisfaire un besoin, ou si l’on éprouve un très léger besoin, on doit a priori, comme nous l’avons appris, aller aux toilettes pour vérifier s’il y a lieu de satisfaire un besoin avant la prière, mais on ne perdra pas pour cela l’occasion de prier en communauté3.

      1. Pour le Maguen Avraham, il n’est pas nécessaire de répéter la prière, mais pour Elya Rabba, il faut la répéter. De nombreux A’haronim sont indulgents, à l’exemple du Maguen Avraham : c’est en ce sens que se prononcent le Choul’han ‘Aroukh Harav 92, 1, le ‘Aroukh Hachoul’han 92, 1, et c’est en ce sens qu’incline le Kaf Ha’haïm 92, 4. Cependant, le Béour Halakha écrit qu’il ne nous revient pas de trancher dans cette controverse. La conclusion qui se dégage de cela est qu’il est bon de faire une prière additionnelle volontaire (nédava).

      En ce qui concerne le motif de la controverse, certains expliquent que celle-ci résulte de l’analyse du fondement de l’interdit. En effet, pour Maïmonide (Téphila 4, 1), s’il est interdit de prier en retenant un besoin, c’est en raison du dérangement éprouvé. Selon cela, il n’y a aucune différence à faire entre les grands et les petits besoins : la prière s’appellera to’éva. En revanche, pour Rabbénou Sim’ha, cité par Hagahot Maïmoniot, l’interdit est fondé sur la souillure du corps ; dès lors, la prière de celui qui a besoin d’uriner n’est pas qualifiée de to’éva, car il n’y a pas là une si grande souillure. Dans le même sens, nous trouvons que l’interdit de prier à proximité d’urines est un interdit d’ordre rabbinique, tandis que c’est un interdit toranique que de prier à proximité d’excréments. C’est ce qu’écrit le Or lé-Tsion II 7, 15. Celui-ci fait dépendre de cette controverse la question de savoir si une personne ayant un besoin à satisfaire est autorisée à étudier la Torah et à réciter le Chéma. En effet, si la base de l’interdit est le dérangement, seule la prière est interdite ; mais si la base de l’interdit est la souillure, toute activité liée à la sainteté est interdite. En pratique, on tient compte des deux raisons.

    1. À condition d’estimer que l’on pourrait se retenir soixante-douze minutes, comme il a été expliqué.
    2. Les Richonim discutent du cas dans lequel on a besoin d’aller aux toilettes mais on pourrait se retenir soixante-douze minutes. Pour les élèves de Rabbénou Yona, Maïmonide et le Roch, dans un tel cas, on ne priera pas. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh. Cependant le Rif, Rachi, Or Zaroua’ et Ha-Agouda pensent que l’on peut prier dans un tel cas, même a priori. Le ‘Hida écrit dans Qécher Goudal 7, 33 que, dans le cas où le fait d’aller satisfaire son besoin ferait manquer la prière en communauté, on peut s’appuyer sur les avis indulgents selon lesquels, dès lors que l’on estime pouvoir se retenir soixante-douze minutes, on peut prier a priori. Toutefois, les A’haronim ne se sont pas rangés à son avis, comme il apparaît dans le Michna Beroura 92, 5 et le Kaf Ha‘haïm Selon certains, il y a d’ailleurs une faute d’impression dans ce passage du ‘Hida (cf. Ye’havé Da’at 4, 19, note).

    Toutefois, lorsque le besoin est léger, à notre humble avis, il semble que l’on puisse s’appuyer sur cette opinion. Il y a en particulier des personnes qui éprouvent toujours quelque léger besoin. Et dans le cas où, pour se soulager, on devait se forcer afin d’expulser le déchet, on n’enfreindrait en rien – d’après une opinion – l’interdit de porter en soi une immondice, et l’on pourrait prier (notes du Rav Mordekhaï Elyahou sur Qitsour Choul’han ‘Aroukh, au nom d’une opinion seconde rapportée par le Ben Ich ‘Haï, Vayétsé 3). A priori, on doit vérifier ses besoins éventuels, en allant aux toilettes, comme expliqué en Berakhot 15a et Choul’han ‘Aroukh 2, 6.

09 – Cas de ceux qui éprouvent un besoin naturel alors qu’ils se livrent à une occupation sainte autre que la prière

De même qu’il est interdit de prier à celui qui éprouve un besoin tel qu’il ne serait pas en mesure de se retenir soixante-douze minutes, de même il lui est interdit de prononcer des bénédictions, de réciter le Chéma et d’étudier la Torah, car il ne convient pas de se livrer à des occupations saintes alors que son corps est souillé. Toutefois, il y a une différence significative entre la prière (‘Amida) et les autres choses ayant trait à la sainteté. La raison en est que, durant la prière, nous sommes comparables à des serviteurs se tenant devant le Roi ; or si l’on ne prie  pas  convenablement, on déprécie l’honneur dû au Ciel, et la prière accomplie est qualifiée d’abomination (toéva). Par conséquent, si l’on prie tout en éprouvant un besoin tel que l’on n’aurait pu se retenir soixante-douze minutes, la prière n’est pas valable. Cela n’est pas le cas, en revanche, des autres domaines de la sainteté, cas dans lesquels on n’est pas considéré comme se « tenant » devant le Roi1 Aussi, a posteriori, si l’on a prononcé des bénédictions ou récité le Chéma, alors même que l’on n’aurait pu retenir ses besoins pendant soixante-douze minutes, on est quitte de son obligation (Michna Beroura 92, 6 ; Béour Halakha, passage commençant par « Afilou bédivré Torah » ; Kaf Ha’haïm 3) 2.

D’après la majorité des A’haronim, celui qui pourrait se retenir soixante-douze minutes est autorisé a priori à prononcer des bénédictions ou à étudier la Torah, mais certains décident qu’il est préférable de se libérer avant cela (Michna Beroura 92, 7). Quoi qu’il en soit, dans le cas où l’on devrait se forcer pour pouvoir se libérer, il est évident qu’il ne serait pas obligatoire d’aller faire préalablement ses besoins.

Celui qui commence à étudier alors qu’il n’a pas envie d’aller aux toilettes, puis, au cours de son étude, éprouve une envie telle qu’il ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, devra a priori se rendre aux toilettes. S’il se trouve au beau milieu d’une souguia 3, certains sont d’avis qu’il peut continuer son étude jusqu’à la fin de la souguia (Béour Halakha 92, 2 « Qoré » ; Yalqout Yossef II p. 338) ; mais d’autres pensent qu’il devra aller immédiatement aux toilettes (Kaf Ha’haïm 3, 48). Si l’on enseigne la Torah à un groupe, on terminera son cours puis on ira aux toilettes, car l’honneur dû aux autres repousse l’interdit de porter en soi une souillure, interdit de rang rabbinique (Michna Beroura 92, 7).

  1. Bien que l’on soit constamment en présence de Dieu (« Je place la pensée de l’Eternel constamment en ma présence», Ps 16, 8), c’est spécifiquement dans la prière que l’homme vient à la rencontre de Dieu, lui demande audience et lui présente ses requêtes. Ce rapprochement spirituel est caractérisé par l’image du serviteur se tenant devant le Roi.
  2. Il ressort du Aroukh Hachoul’han 92, 1 que, même si l’heure limite de récitation du Chéma est sur le point d’expirer, on ne le récitera pas dans un cas où l’on ne pourrait se retenir soixante-douze minutes. Ces paroles méritent approfondissement car, apparemment, il vaudrait mieux lire le Chéma afin de ne pas perdre le mérite de cette mitsva accomplie en son temps.
  3. Souguia: sujet, fragment talmudique. Etre au milieu d’une souguia, c’est être au beau milieu d’une étude complexe, d’un raisonnement élaboré.

10 – Celui qui éprouve un besoin naturel alors qu’il se trouve au milieu de la prière

Si l’on a commencé à réciter sa prière alors que l’on n’avait pas besoin d’aller aux toilettes, et qu’au milieu de sa prière on éprouve un urgent besoin, la règle dépend, d’une part, du degré d’urgence de ce besoin, et d’autre part de la partie de la prière où l’on se trouve. On distingue trois degrés de besoin :

1) Cas où l’on peut se retenir soixante-douze minutes : il est permis de continuer jusqu’à la fin de l’office.

2) Cas où l’on estime que l’on ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, mais où l’on n’a pas pour autant besoin de se contenir pour empêcher une perte, et où, si l’on allait aux toilettes, on aurait besoin de s’efforcer quelque peu pour expulser ses besoins : on peut terminer la partie de la prière dans laquelle on se trouve, puisqu’on a commencé à prier de façon permise, et que le besoin n’est pas si urgent. Si ce besoin est survenu au milieu des versets de louange (Pessouqé dezimra, cf. chap. 14), on peut attendre jusqu’à la fin de ces versets, qui se concluent par la bénédiction Yichtaba’h ; on ira ensuite aux toilettes. Si le besoin est survenu tandis qu’on récitait les bénédictions du Chéma (cf. chap. 16), la règle stricte autorise à terminer ces bénédictions. Mais puisque l’on aura de toutes façons besoin d’aller aux toilettes avant la ‘Amida qui suit ces bénédictions, et dans la mesure où il vaut mieux ne pas marquer d’interruption entre la bénédiction de la Délivrance d’Egypte (Gaal Israël) et la ‘Amida qui la suit immédiatement, on ira plutôt aux toilettes immédiatement après la bénédiction ou le paragraphe du Chéma dans lequel on se trouve (Michna Beroura 92, 9 ; Béour Halakha, passage commençant par « Ya’amid »)1.

3) Le degré le plus strict est le cas dans lequel on doit véritablement se contenir pour empêcher ses besoins de sortir. À ce niveau, on transgresserait l’interdit de bal techaqetsou (« Vous ne serez pas souillés par des choses impures ») (Rama 92, 2 tel que le rapporte le Choul’han ‘Aroukh Harav 3, 11). Si l’on se trouve dans les Pessouqé dezimra ou les bénédictions du Chéma – puisqu’une interruption n’est pas très grave durant ces passages – on ira immédiatement aux toilettes. Mais si l’on est au milieu de la ‘Amida, dans la mesure où l’interruption y est strictement interdite, et dans la mesure où l’on n’avait pas ressenti de besoin en commençant à réciter la ‘Amida, on terminera de dire la ‘Amida. Ce n’est que si l’on ne peut plus se retenir que l’on s’interrompra pour aller aux toilettes2.

    1. Certes, le Choul’han ‘Aroukh Harav explique que, puisque l’on a commencé la prière de façon autorisée, on peut la poursuivre jusqu’à la fin de l’office. C’est aussi ce qui semble ressortir du Aroukh Hachoul’han. Cependant le Michna Beroura 92, 9 et le Béour Halakha (יעמיד) expliquent qu’il n’est permis de poursuivre que jusqu’à la fin de la partie de l’office dans laquelle on se trouve : Pessouqé dezimra, ou bénédictions du Chéma, ou ‘Amida, etc. En revanche, on n’est pas autorisé à passer à la partie suivante, et si l’on continuait de prier sans être en mesure de se retenir soixante-douze minutes, la prière faite serait considérée comme toéva (abomination). Pour sortir du doute, il convient de suivre l’opinion du Michna Beroura – et à plus forte raison lorsque l’on se trouve dans le cas de l’interdit « Vous ne serez pas souillés par des choses impures» (bal techaqetsou), cas dans lequel, pour empêcher une perte, on devrait se retenir ; en effet, dans un tel cas, le Rama oblige à s’interrompre immédiatement au milieu même des Pessouqé dezimra ou des bénédictions du Chéma. À notre humble avis, si un besoin se manifeste au moment des bénédictions du Chéma, mais que l’on sache pouvoir se retenir soixante-douze minutes, on peut poursuivre et réciter la ‘Amida, ce qui correspond au premier des trois degrés susmentionnés. La raison en est que, de l’avis de tous, dans le cas où l’on a prié de cette façon, on est quitte ; et d’après le Rif et Rachi, on est même fondé à prier ainsi a priori; quant au ‘Hida, il écrit que l’on peut s’appuyer sur ces avis pour les besoins de la prière en communauté. De plus, de l’avis du Choul’han ‘Aroukh Harav, dès lors que l’on a commencé à prier de façon permise, on peut terminer la prière toute entière.

    Pour le cas d’un officiant qui ressent un besoin avant la répétition de la ‘Amida et estime qu’il ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, le Béour Halakha (92, 5 היה) hésite. Certes, lorsqu’il s’agit du lecteur de la Torah (ba’al-qria), l’auteur est indulgent, car l’honneur dû aux hommes est si grand qu’il repousse un interdit de rang rabbinique. Cependant, en matière de prière, dans un cas où celle-ci est qualifiée de to’éva, le Béour Halakha émet des doutes. Par conséquent, même dans un cas où l’officiant se sent un peu gêné vis-à-vis des autres, il vaut mieux qu’il aille aux toilettes et qu’un autre fidèle le remplace ; mais si la chose doit entraîner chez lui un fort sentiment de honte, il peut continuer à officier.

    1. Michna Beroura 92, 11 : pour le Rama, lorsqu’on arrive au niveau de la transgression de bal techaqetsou, on doit s’interrompre, même si l’on est au milieu de la ‘Amida. En revanche, pour le Maguen Avraham, on est autorisé à poursuivre afin de ne pas avoir honte auprès de l’assemblée. Le ‘Hayé Adam est d’avis qu’il est interdit de s’interrompre, dès lors que l’on se trouve au milieu de la ‘Amida. C’est aussi l’opinion de la majorité des décisionnaires, tel le Kaf Ha’haïm 8. Et si l’on arrive au point de ne plus pouvoir se retenir, on s’accorde à dire que, pour les grands besoins, on ira aux toilettes. Mais pour les petits besoins, le Choul’han ‘Aroukh Harav pensait que l’on ne devait pas s’interrompre, même si de l’urine devait couler sur ses genoux. Le Kaf Ha’haïm écrit que, s’il s’agit d’une urine abondante et que l’on se trouve en public, on peut s’interrompre afin de ne pas éprouver de honte. Mais le ‘Hayé Adam écrit que, lorsque l’on ne peut se retenir, on peut aller aux toilettes, même lorsqu’il s’agit des petits besoins, et c’est en ce sens que j’ai écrit ci-dessus.

    Si l’on est contraint d’interrompre sa ‘Amida pour les grands besoins, il est presque certain que c’est de façon interdite que l’on avait commencé cette prière et que, dès l’abord, il était clair que l’on n’aurait pu se retenir plus de soixante-douze minutes. Dès lors, la partie déjà récitée de la ‘Amida n’a pas été valablement dite, et l’on devra donc reprendre ensuite la ‘Amida au début. Cependant, si l’on pensait vraiment pouvoir se retenir soixante-douze minutes, et que l’on a subitement ressenti de grands besoins, au point de devoir aller immédiatement aux toilettes, la règle qui s’applique est alors celle qu’explique le Choul’han ‘Aroukh 104, 5 : si l’interruption a duré un temps tel que l’on aurait pu réciter toute la ‘Amida du début à la fin, on recommencera la ‘Amida au début. Et si l’interruption a duré moins de temps, on reprendra au début de la bénédiction où l’on s’était interrompu. Il semble cependant que celui qui, rétrospectivement, n’est pas sûr d’avoir pu véritablement estimer à l’avance être en mesure de se retenir soixante-douze minutes, et a finalement été contraint de s’interrompre pour satisfaire un grand besoin, doive reprendre sa ‘Amida au début. En effet, il est vraisemblable qu’il ait commencé de façon interdite ; il se peut aussi qu’il soit considéré comme Gavra da’houï (« personne dont la prière n’avait pas été agréée », d’après une opinion citée dans la Guémara et rapportée par Béour Halakha 92, 2  יותר).

11 – Règle relative à la personne ivre ou sous l’effet de la boisson

Prier suppose d’avoir l’esprit clair. À la différence de nombreux idolâtres, qui exécutent leur culte avec le concours de drogues et d’alcool, par lesquels ils parviennent à l’extase, notre démarche auprès de Dieu est empreinte de sérieux, de pensées profondes. C’est ce qu’ordonne la Torah aux prêtres (les Cohanim) : ne pas entrer dans le Temple pour y accomplir son service alors que l’on est sous l’effet du vin (Lv 10, 8-11). À partir de cela, les sages ont appris l’interdit de prier pesant sur une personne ivre (chikor) ou sous l’effet de l’alcool (chatouï).

Chatouï se dit d’une personne qui est quelque peu sous l’effet de l’alcool, à qui il est difficile de se concentrer et de focaliser ses pensées, mais qui reste capable de parler devant un roi 1. Un chikor est quelqu’un qui a beaucoup bu, au point qu’il ne pourrait parler convenablement devant le roi.

A posteriori, un homme qui était sous l’influence légère de la boisson (chatouï) et qui a déjà prié est quitte de son obligation, puisqu’il aurait pu parler devant un roi. De même, si l’on a commencé à prier, et que l’on se rappelle alors que l’on est sous l’effet de la boisson, on termine sa prière (Elya Rabba, Kaf Ha’haïm 99, 2). Mais un homme ivre (chikor) qui a commencé à prier par erreur est tenu de s’interrompre immédiatement, car la prière de l’homme ivre est considérée comme une abomination (to’éva). Même s’il a terminé toute la prière, il n’est pas quitte de son obligation. Et s’il retrouve ses esprits avant l’expiration du temps de la prière, il devra recommencer sa prière correctement (Choul’han ‘Aroukh 99, 1).

Les sages définissent que celui qui boit une mesure de réviit (un huitième de litre environ) de vin est considéré comme étant sous l’influence de l’alcool (chatouï) ; s’il marche la longueur d’un mille (960 mètres), il évacue son vin (Erouvin 64b). Cependant, nous ne connaissons pas l’équivalence d’intensité entre les vins de l’époque talmudique et ceux de notre temps. Aussi le principe est-il le suivant : tant que l’on se sent troublé par l’effet du vin, on est considéré comme chatouï ; lorsque l’on sent que la clarté de son esprit est revenue, on est autorisé à prier (Choul’han ‘Aroukh 99, 3 ; Michna Beroura 2).

D’après le Rama, puisque, au cours des générations, l’orientation de l’esprit durant la prière a été en diminuant, il n’y a pas lieu d’être tellement pointilleux en la matière : celui qui est légèrement chatouï a donc le droit de prier, particulièrement lorsqu’il s’aide d’un livre (sidour), car il n’est alors pas à craindre qu’il s’embrouille dans sa prière. On a l’habitude de s’appuyer sur cette opinion lorsque le temps de la prière est sur le point d’expirer (Michna Beroura 99, 3 et 17 ; cf. Kaf Ha’haïm 22). Certains ajoutent, d’après cela, qu’il serait permis à un homme légèrement chatouï de prier afin de ne pas perdre le bénéfice de la prière publique (cf. Iché Israël 22, 18).

En ce qui concerne la lecture du Chéma et ses bénédictions, les décisionnaires sont partagés. Par conséquent, a priori, celui qui est chatouï ou chikor ne les récitera point et attendra d’avoir dissipé son ivresse. Si le temps de récitation du Chéma est sur le point d’expirer, le chatouï dira le Chéma avec ses bénédictions, et le chikor dira le Chéma sans ses bénédictions (Rama 99, 1 ; Michna Beroura 8).

Quant aux autres bénédictions, telles que celles de jouissance (birkot hanéhénin, prononcées par exemple avant de consommer un aliment), ou la bénédiction Asher yatsar (récitée après avoir satisfait un besoin naturel), le chatouï pourra les dire a priori. Tandis que le chikor ne récitera pas a priori les bénédictions de jouissance. Mais quand il s’agit de bénédictions qui seraient perdues s’il ne les disait maintenant, il les dira. Par exemple, si l’on est devenu ivre au cours de son repas, on dira le Birkat hamazon (actions de grâce qui suivent le repas). De même, si l’on est allé aux toilettes, on pourra dire Asher yatsar (Rama 99, 1 ; Michna Beroura 11).

Celui qui est arrivé au degré d’ivresse de Loth, et ne sait même plus ce qui se passe autour du lui, est considéré juridiquement comme dément (choté), et est dispensé de toutes les mitsvot. S’il prononçait des bénédictions, celles-ci ne seraient en rien considérées comme valables (Michna Beroura 99, 11).

  1. Un roi de chair et de sang ou, de nos jours, un chef d’Etat, même s’il n’est pas un monarque.

01 – Différences des rites de prière

À la suite des exils et de la dispersion des communautés, des différences sont apparues dans les rituels de prière des diverses diasporas. Certes, dans les fondements de la prière, c’est-à-dire dans ce qu’ont institué les membres de la Grande Assemblée (anché Knesset Haguedola), comme les bénédictions du Chéma et la ‘Amida, les différences sont très légères. Même en ce qui concerne les grandes lignes du rappel des sacrifices (Séder haqorbanot) et les versets de louange (Pessouqé dezimra), qui ont été fixés à l’époque du Talmud et des Guéonim (jusqu’au 6ème siècle de l’ère civile), les distinctions sont légères. Mais dans les ajouts datant de l’époque des Richonim (au Moyen Age), que ce soit dans le rappel des sacrifices ou dans la conclusion de la prière, les différences entre communautés se font plus saillantes. En effet, ce que l’on a pris l’usage d’ajouter en Espagne n’a pas été nécessairement adopté en Allemagne, et vice-versa. C’est particulièrement perceptible dans les poèmes liturgiques (piyoutim) rédigés à l’époque des Guéonim et des Richonim, et introduits dans le rituel des jours redoutables et des fêtes. Nous trouvons ainsi des poèmes liturgiques totalement différents entre Séfarades et Ashkénazes, dans les rituels de prière des jours redoutables.

Or il est souhaitable que tout Juif poursuive la tradition de ses ancêtres. Même dans un cas où il est connu que tel autre rituel est plus précis que celui dont on a hérité de ses pères, la règle est que chacun prolonge les usages de ses pères, car la perpétuation de la tradition est plus importante que la précision de tel ou tel mot en particulier.

En ce qui concerne les différences de texte entre Séfarades et Ashkénazes, Rabbi Isaac Louria explique que, selon une tradition bien établie, il existe douze ouvertures au Ciel, correspondant aux douze tribus d’Israël, et que la prière de chaque tribu s’élève par le portique qui lui est particulier. C’est là que réside le secret des douze portiques mentionnés à la fin du livre d’Ezéchiel (Chaar Hakavanot 50, 4 ; Maguen Avraham 68, 1 ; Michna Beroura 68, 4).

On trouve encore des différences entre communautés du point de vue de la prononciation traditionnelle de l’hébreu, tant du point de vue des consonnes – comme, par exemple, les lettres tsadi et qouf – que des voyelles – comme pour le qamats et le ‘holam. Là encore, il revient aux membres de chaque communauté de poursuivre ses usages. Mais quoi qu’il en soit, si l’on a prononcé telle prière différemment de sa tradition, on est quitte de son obligation, car toutes les traditions existant parmi le peuple d’Israël, dans la lecture des lettres comme leur vocalisation, sont recevables (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm 3, 5 ; même quand il s’agit du texte de la cérémonie de ‘halitsa 1, pour lequel, de l’avis de tous, il faut prononcer distinctement toutes les lettres, on est quitte quelle que soit la prononciation employée).

  1. ‘Halitsa, littéralement déchaussage : cérémonie de libération de l’obligation d’épouser sa belle-sœur en vertu du lévirat.
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