Pniné Halakha

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Joie et bénédiction du foyer

03. La mitsva de l’homme

Il convient que, quelques heures avant l’union, l’homme déclare à sa femme son amour, et son ardente attente de leur union. De cette façon, elle aussi s’éveillera, de manière correspondante, à l’amour et au désir. L’un et l’autre veilleront, durant ces heures, à ne pas parler de sujets susceptibles d’engendrer entre eux quelque controverse, ni de sujets capables de créer de la tension chez l’un d’eux, afin de ne pas porter atteinte à la joie de la mitsva. Nos sages enseignent que celui qui aborde un sujet susceptible d’abîmer la joie de la mitsva, est destiné à en rendre compte un jour, comme il est dit : « Car voici, Il forme les montagnes et crée le vent, et révèle à l’homme quelle fut sa propre conversation » (Am 4, 13). Nos maîtres commentent : « Même une conversation superflue entre l’homme et sa femme » (‘Haguiga 5a, selon le commentaire du Raavad ; Baït ‘Hadach sur Ora’h ‘Haïm 280, 2).

Quand ils commenceront à se rapprocher l’un de l’autre, c’est une mitsva pour l’homme que de dire expressément son amour à l’égard de sa femme ; il est bon qu’il ne fasse l’économie d’aucun compliment, sur sa beauté, ses qualités, tout cela en fonction de ce qu’il sait être réjouissant pour elle (Zohar I 49b, Tiqouné Zohar 57a). Il n’inventera pas de compliments mensongers, mais approfondira la pensée de son amour et formulera des compliments sincères. Certes, quand les paroles sont sincères, on peut exagérer, car ce n’est qu’en raison de notre propre manque que nous ne percevons pas que l’exagération apparente est en réalité plus proche de la vérité (cf. Ketoubot 17a).

Au titre de la mitsva, se trouve le fait d’enlacer la femme, de l’embrasser de ses lèvres, et de la caresser en tout endroit agréable, et de toute manière réjouissante. La mitsva consiste à progresser étape par étape, des endroits dont le contact est agréable à ceux qui excitent davantage, jusqu’à l’endroit dont la stimulation apporte le maximum d’excitation et de jouissance. Chaque femme doit savoir où cet endroit se trouve, de façon qu’elle puisse, si c’est nécessaire, guider son mari pour qu’il sache comment la réjouir. Et puisque chaque personne diffère de son semblable, une partie de la mitsva consiste dans le fait que les époux se parlent à cœur ouvert, sur ce qui leur procure du plaisir, que l’homme demande à la femme comment il pourrait lui donner davantage de jouissance, et qu’elle lui réponde et s’en ouvre à lui. À partir de cette étape, où l’homme donne à sa femme une grande jouissance, les époux s’uniront totalement. Chez la majorité des couples, il est bon que l’homme fasse en sorte que sa femme parvienne la première au sommet du plaisir, puis ensuite lui-même, faute de quoi il serait à craindre qu’il perde son ardeur et ne parvienne pas à la réjouir intégralement. Il faut préciser qu’autrefois, à ce qu’il semble, les femmes, dans la majorité des cas, parvenaient au sommet du plaisir au cours de l’union proprement dite (le coït). De nos jours, pour différentes raisons, de nombreuses femmes n’y parviennent pas au cours de l’union elle-même, mais seulement par le biais de la caresse de l’endroit considéré. Dans ces conditions, telle est la mitsva ; puis, une fois ce sommet atteint par la femme, les époux s’uniront pleinement.

De tout temps, les disciples des sages et les gens de Torah ont eu soin de réjouir leurs femmes comme il convient. Aussi, les sages mettent en garde le Juif contre le fait de marier sa fille à un ignorant (‘am haarets), car « quiconque marie sa fille à un ignorant, c’est comme s’il la contraignait et la plaçait devant un lion : de même qu’un lion déchire sa proie et la mange de manière éhontée, de même l’ignorant frappe, coïte et n’éprouve point de honte » (Pessa’him 49b). En d’autres termes, de même que le lion déchire sa proie et commence à en manger la chair alors qu’elle est toujours vivante, de même l’ignorant s’accouple pour satisfaire son désir, et n’attend pas que sa femme éprouve du plaisir et parvienne à la jouissance[3].


[3]. Sur les compliments, cf. Zohar (I 49b) : « Celui qui s’unit à sa femme doit lui demander la permission et la réjouir par des paroles. Sinon, il ne s’étendra pas auprès d’elle ; cela, afin que leurs volontés soient associées, sans contrainte (…), qu’il lui dispense de l’affection, l’attire vers sa propre volonté, s’éveille avec elle à l’amour ; (…) afin de lui montrer qu’ils sont unis, et qu’il n’y a entre eux nulle séparation. Après cela, il la louera, lui disant qu’il n’est aucune femme comme elle, et qu’elle est l’honneur de sa maison (…), ainsi qu’il est dit : “Bien des femmes ont agi avec vaillance, tu leur es supérieure à toutes” (Pr 31, 29). » Les Tiqouné Zohar (Tiqoun 21, 57a) s’expriment dans le même sens, et expliquent que, le Chabbat, en raison de la sainteté du jour, il faut ajouter des compliments. Le Zohar enseigne (II 259b) : « Il existe deux degrés d’union : par les baisers et par l’union charnelle elle-même. L’une est supérieure, l’autre inférieure. En haut, pour ajouter un flux spirituel dans l’en haut ; en bas, pour ajouter abondance de vitalité dans l’en bas, chaque union selon ce qui lui convient. » Les Tiqouné Zohar (10, 25b) expliquent encore que le baiser comprend quatre lèvres, correspondant aux quatre lettres du Tétragramme, et que l’enlacement comprend quatre bras, en regard des quatre lettres du nom Ado-naï.

Au traité Chabbat 140b, Rav ‘Hisda instruit ses filles sur le bon comportement à observer à l’égard de leurs maris ; notamment : « Il prit une pierre précieuse dans une main, et de la terre dans l’autre main. La pierre précieuse, il la leur montra [tout de suite] ; la terre, il ne la leur montra pas avant qu’elles ne s’affligeassent [tant elles étaient curieuses de savoir ce que cette main renfermait] ; alors il la leur montra » [afin de leur faire comprendre qu’une chose cachée attire davantage qu’une chose dévoilée]. Rachi commente : « [L’instruction implicite est la suivante :] quand ton mari te touche afin d’éveiller son désir de s’unir à toi, et qu’il saisit tes seins dans l’une de ses mains, et mène son autre main jusqu’à “cet endroit” [tes parties génitales], livre-lui tes seins, afin que son désir augmente, tandis que tu ne lui livreras pas rapidement l’endroit de l’union, cela afin que s’accroissent son désir et son affection, et qu’il s’afflige ; alors donne-le lui. » De même, le Roqéa’h écrit : « Il l’enlacera et l’embrassera (…), il jouera de palpations et de toutes sortes d’enlacements, afin de mettre à son comble son propre désir et celui de son épouse » (Hilkhot Techouva 14). C’est aussi ce que rapportent d’autres Richonim et A’haronim.

Quant au fait qu’une partie des hommes doivent accomplir la mitsva en caressant cet endroit, parfois même dix minutes ou plus, ce n’est pas mentionné par les ouvrages des décisionnaires. Il semble qu’il y ait deux raisons à cela : a) il est vraisemblable que, à une époque où l’on dormait environ dix heures par jour (cf. Maïmonide, Dé’ot 4, 4), et où l’on connaissait moins de tension et de stress, presque toutes les femmes parvenaient au sommet de leur plaisir et de leur joie par le biais du coït lui-même. Dans le même ordre d’idées, nous apprenons que, par le passé, toutes les femmes sentaient l’ouverture de leur utérus [elles avaient la sensation de devenir nida avant que le sang n’apparaisse], au point que le Choul’han ‘Aroukh mentionne cela comme une chose allant de soi et connue de tous (Yoré Dé’a 183, 1) ; tandis que, de nos jours, en général, les femmes ne sentent plus cela (cf. Har’havot). b) Puisque la mitsva consiste dans le fait que l’homme réjouisse son épouse autant que possible, il va de soi que, si c’est la caresse de cet endroit qui apporte à la femme le plus de jouissance, c’est en cela, précisément, que consistera la mitsva. Or il n’était pas nécessaire de l’écrire, puisque le mode d’accomplissement de la mitsva doit être appris par les membres du couple de manière naturelle – et c’est pourquoi cette mitsva est aussi appelée dérekh erets (littéralement « voie de la terre », c’est-à-dire usage dicté par la nature), notion qui sera développée au paragraphe suivant. En d’autres termes, la mitsva veut que l’homme et la femme soient ouverts et sincères l’un envers l’autre, et se réjouissent l’un l’autre autant qu’il est possible. De prime abord, après quelques temps de vie commune, les époux connaîtront l’endroit qui apporte le plus de jouissance à la femme, et s’en délecteront ; et s’il leur apparaît que, de cette façon, la femme parvient au sommet de sa jouissance, ils comprendront que c’est de cette façon que se remplit l’obligation qu’impose la mitsva. Comme nous l’avons vu dans le passage talmudique cité plus haut (Chabbat 140b), Rav ‘Hisda parla de cela avec ses filles. Cela prouve aussi que, jadis, on parlait de ces choses plus ouvertement. (Cf. ci-après, chap. 3 § 12 et 15, où il est dit que la continence et la fermeture à cet égard se sont développées à la suite de la destruction du Temple et de la prolongation de l’exil. Il faut encore préciser que ce qu’enseignent le Zohar et les ouvrages de Kabbale au sujet des baisers, des enlacements et de l’union, n’a pas été conçu pour servir de guide pratique de l’accomplissement de la mitsva, car ceux-ci paraissent évidents. Cela vise à nous enseigner que ces actes sont l’expression terrestre de choses très profondes et très élevées. Ces faits charnels constituent la parabole, connue de tous, dont on peut induire l’enseignement sublime.)

Lorsque l’homme réjouit sa femme avant que de s’unir à elle par le coït, il peut s’écouler de sa verge un peu de liquide séminal ; celui-ci n’est pas considéré comme de la semence émise en vain. Il est vrai que certains auteurs, se fondant sur la Kabbale, sont rigoureux à cet égard (Peri ‘Ets ‘Haïm, Cha’ar qri’at Chéma ‘al hamita 11, Ben Ich ‘Haï, Peqoudé 13). Cependant, l’exigence de la Kabbale vise essentiellement le fait de ne pas se séparer de l’union coïtale tant que coule encore du liquide émanant de l’homme (Cha’ar Hakavanot, ‘Inyan drouché halaïla ; Kaf Ha’haïm 240, 6 ; Darké Tahara 22, 11). À cet égard même, si l’on s’en tient à la stricte règle, il n’y a pas d’interdit, comme le démontre l’examen de la majorité des Richonim, d’après lesquels il est permis de retirer le membre même encore en érection, après une union constitutive d’une mitsva (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 193, 1, Choel Vénichal III 424 ; cf. ‘Olat Yits’haq II 242). Cf. ci-après, fin de la note 10, le statut de celui qui, en raison de son grand émoi, laisse échapper quelquefois sa semence avant le coït.

04. Les bonnes manières (dérekh erets) en matière d’union

Le Saint béni soit-Il a créé l’homme et la femme de façon telle que, naturellement, ils soient ardemment attirés l’un par l’autre. Cette attirance est bonne, en ce qu’elle constitue la base sur laquelle se réalise la mitsva de l’union. De la même façon, nos sages enseignent que la voie naturelle (dérekh erets) précède la Torah (Tana Devei Elyahou Rabba 1). En d’autres termes, l’Éternel a prescrit à l’homme de donner expression à ses sentiments naturels, dans toute leur puissance, au sein du cadre consacré qu’est le mariage. Mais si l’homme étouffait ses sentiments naturels, il ne pourrait accomplir convenablement la mitsva. Et en conséquence, il ne pourrait accomplir non plus les autres mitsvot de façon parfaite.

Rabbi Yo’hanan enseigne : « Si la Torah n’avait été donnée, c’est du chat que nous aurions appris la vertu de pudeur [car le chat fait ses besoins en secret et recouvre ses déjections] ; nous aurions appris l’interdit du vol de la fourmi [car elle ne prendrait pas un simple grain appartenant à sa camarade] ; nous aurions appris les unions interdites de la colombe [qui vit en couple fidèle] ; et le dérekh erets du coq, qui se concilie (mefayess) les bonnes grâces de la poule avant que de s’unir à elle » (‘Érouvin 100b) Le terme mefayess[d] signifie « faire sa cour » à sa compagne, lui complaire et la séduire à l’approche de l’union.

Il y a donc des principes moraux que l’homme doit comprendre, de manière évidente, en son cœur et en sa conscience, car la nature intègre que le Créateur a implantée en chaque créature l’exige ; le fait est que les animaux eux-mêmes se conduisent de cette façon. La Torah, elle, vient ajouter à la saine nature une dimension supplémentaire d’exactitude, d’assiduité, de dévouement et de sainteté. Mais quand l’homme ne comprend pas ces valeurs de manière naturelle, en son cœur, c’est qu’il est affecté d’une faille essentielle.

Nos sages disent que l’on peut apprendre la manière d’accomplir la mitsvat ‘ona du coq, car celui-ci est connu pour aimer avoir commerce avec les poules, et pour être spécialiste des usages de cour et de conciliation ; c’est pour cela qu’il est également appelé guéver (littéralement « mâle »). Nos sages commentent les gestes du coq sous forme de parabole : quand le coq fait de larges mouvements des ailes, de haut en bas, c’est comme s’il promettait à la poule de lui acheter, après l’accouplement, un long et beau manteau, qui lui arrivera jusqu’aux pattes. Puis, quand l’accouplement s’achève, il incline la tête et penche sa crête en guise d’expression de modestie et d’excuse, pour n’avoir pas d’argent lui permettant d’acheter le manteau ; on dirait qu’il jure sur sa somptueuse crête : qu’elle soit coupée dans le cas où, ayant de l’argent à l’avenir, il ne lui achèterait pas le manteau (d’après ‘Érouvin 100b).

Les sages ont voulu nous enseigner par-là que l’homme ne doit pas épargner les éloges et compliments qu’il adresse à la femme, au sujet de sa beauté, de ses qualités, des bonnes choses qu’elle a dites ou faites. Il convient même d’exagérer, à cet égard, tel ce coq qui promet une chose que, il le sait, il ne pourra accomplir, mais qui exprime, ce faisant, son amour et son estime : car c’est bien le moins qu’il eût à faire pour elle. Après l’union, l’homme ne se comportera pas comme ceux qui perdent tout intérêt pour leur compagne, leur tournent le dos et s’endorment. Il convient qu’il s’excuse auprès d’elle de ses possibilités limitées, qui ne lui permettent pas de formuler toutes les expressions d’amour et d’affection auxquelles sa valeur lui donnerait droit.

On peut encore apprendre, parmi les principes de bonne conduite observables dans la nature, que, généralement, l’homme est celui qui doit prendre l’initiative de l’union ; car sa volonté est plus saillante et plus extravertie, et se révèle de façon relativement facile et rapide. Puis, à partir du vif désir éprouvé par l’homme envers elle, sa femme doit répondre à son attente, au point qu’elle aussi le désirera ardemment. Il s’agit toutefois là d’une directive générale, et chaque couple devra accomplir l’union de la manière la plus réjouissante pour soi (cf. ci-après, note 4). Quoi qu’il en soit, quand bien même les préliminaires n’auraient pas été faits conformément aux attentes de l’un des deux époux, il reste interdit d’annuler les unions régulières (cf. § 7-8).

Il faut ajouter, quant aux bonnes manières, que l’union charnelle est comparée à un repas (Nédarim 20b). Cela nous enseigne que, de même qu’au cours d’un bon repas on met la table en y disposant une belle nappe, que l’on place un jeu de trois assiettes, un verre à eau et un verre à vin, que l’on sert une entrée, puis un premier plat, puis un plat de consistance, puis du dessert, de même – et plus encore – faut-il se préparer et s’engager à l’égard de l’union, qui est une mitsva toranique, avançant avec prévenance, de degré en degré, jusqu’à ce que l’union s’accomplisse en pleine joie. Et de même qu’il convient de varier de temps à autre le menu d’un repas – car le menu le plus savoureux risque lui-même de se montrer ennuyeux s’il se répète constamment –, de même, et plus encore, faut-il varier les compliments et les moyens que l’homme emploie pour donner plaisir et joie à son épouse. Mais tout dépend de la volonté de ladite épouse, car certaines individualités préfèrent la variété dans la composition de leurs menus, tandis que d’autre préfèrent un menu fixe et bon.

Bien entendu, au titre des bonnes manières, il faut être propre, et s’abstenir de choses susceptibles d’être repoussantes. À cet égard, l’abstention de toute chose repoussante est une obligation (‘hova), et la recherche d’un supplément de perfection (hidour) en ce domaine participe de la mitsva. Cette exigence concerne également l’homme et la femme. De même, Rav ‘Hisda donnait pour instruction à ses filles, avant leur mariage, de ne point consommer d’aliments susceptibles de donner une mauvaise haleine ou d’engendrer des problèmes stomacaux (Chabbat 140b). Cette question est si importante que le fait de la négliger risque d’être une cause légitime de divorce (cf. Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 154, 1-2). Cette question comprend encore d’autres recommandations et règles, nombreuses, correspondant à des cas divers, mais le principe général est que, puisque les individus sont différents les uns des autres, chaque membre du couple doit être très attentif et sensible à ce qui risque de déranger son conjoint, et, à plus forte raison, à ce qui est généralement admis et connu pour être dégoûtant.


[d]. Littéralement : [il] concilie, apaise, amadoue.

05. La mitsva de la femme

Comme nous l’avons vu (§ 5), bien que la mitsva du mariage (nissouïn) et celle de l’union charnelle (mitsvat ‘ona) incombent, en tant qu’obligation, à l’homme, la femme est pleinement associée à leur accomplissement ; et s’il n’y a pas, de sa part, de répondant à l’égard de son mari, la mitsva se vide de son contenu. Par conséquent, de même que c’est une mitsva pour l’homme que d’exprimer son amour et son désir à son épouse, de même est-ce une mitsva pour la femme que d’expliquer de tels sentiments. Et telle est la simple loi de nature, comme l’enseignent les sages : « Il n’est d’autre désir ardent chez la femme que celui qu’elle éprouve pour son mari, ainsi qu’il est dit : “La passion t’attirera vers ton époux” (Gn 3, 16) » (Gn Rabba 20, 7). Or ce désir est sanctifié car, grâce à lui, se révèle l’amour entre époux, et par lui le nom divin réside entre eux (cf. ci-dessus, chap. 1 § 5) ; or cet amour est le symbole même et l’expression du lien unissant le Saint béni soit-Il à Israël, comme il est dit : « Je suis à mon bien-aimé, et son désir est sur moi » (Ct 7, 11).

Nous l’avons vu, la mitsva « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18), dont Rabbi Aqiba dit qu’elle est le grand principe de la Torah (Sifra ad loc.) s’accomplit le plus pleinement entre les membres du couple (Rabbi Isaac Louria, Séfer Haliqoutim, ‘Eqev). Par conséquent, la femme, elle aussi, doit réjouir son mari par tout ce qu’elle sait lui être délice, et plus elle s’y applique, plus grande est la mitsva qu’elle accomplit.

Plus leur amour et leur désir croîtra, plus parfaite sera leur union, et meilleurs seront les enfants qu’ils mériteront d’engendrer (cf. ci-dessus, chap. 1 § 4, note 4). Le Maharal, dans Guevourot Hachem (43) écrit ainsi que, lorsque la femme désire très ardemment son mari, elle se relie à la racine de la vie et de l’unité, et, grâce à cela, elle a le mérite de donner naissance à des enfants dotés de qualités supérieures, dignes d’accéder à la Délivrance et à la liberté. C’est à ce propos que nos sages enseignent que, grâce au mérite des femmes justes de cette génération [celle de l’Exode], Israël fut délivré d’Égypte » (Sota 11b) : par le mérite du désir ardent qu’elles portaient à leurs maris lors de la mitsvat ‘ona, malgré toutes les difficultés de la servitude, elles enfantèrent la génération de la Délivrance (cf. ci-dessus, chap. 1 § 8).

Afin d’intensifier l’amour, les femmes paraissent devant leurs époux ornées de bijoux. Ezra le scribe lui-même autorisa les colporteurs à vendre, dans les villes, des épices et des bijoux sans que les habitants ne puissent les empêcher, « afin de permettre que les femmes aient des bijoux, pour que leurs maris ne se dégoûtent pas d’elles » (Baba Qama 82b). Le Saint béni soit-Il, Lui-même, embellit Eve et tressa ses cheveux, afin d’attiser l’amour d’Adam, le premier homme, envers elle (‘Érouvin 18a). Le but essentiel des bijoux de la femme est d’éveiller le désir de son mari (Tan’houma, Vayichla’h 12, Ct Rabba 1, 2). Rav Haï Gaon écrit : « Honnie soit la femme mariée qui ne porte pas de bijoux, honnie soit la femme célibataire qui porte des bijoux » (Cha’aré Techouva La-Guéonim 84). À ce qu’il semble, l’intention de ce texte porte sur ceux des bijoux qui éveillent la passion. Dans le même temps, nous apprenons que le but essentiel des épices, des bijoux et des beaux vêtements, est d’accroître l’amour entre époux.

Quand une femme n’aime pas son époux, n’a pas de désir à son égard, ni ne se réjouit de s’unir à lui, il se trouve qu’elle le frustre de sa joie de vivre. Nos maîtres disent à ce propos : « Une femme bonne, son bienfait n’a point de fin ; mais si une femme est mauvaise, son mal n’a point de fin » (Midrach Tehilim 59). On raconte ainsi que Rabbi ‘Hiya bénit Rav et ses disciples, en leur souhaitant que Dieu les préserve de ce qui est plus dur encore que la mort : une mauvaise femme ; comme il est dit : « Et je trouve plus amer encore que la mort : la [mauvaise] femme… » (Ec 7, 26, Yevamot 63a) (cf. ci-après, § 12, sur les difficultés rencontrées au cours de l’union, du côté de la femme).

06. La bonne attitude féminine : une requête sans parole

Nos sages enseignent : « Toute femme qui sollicite son mari pour accomplir une mitsva[e] aura des fils tels qu’il n’y en eut pas de semblables, même dans la génération de Moïse notre maître » (‘Érouvin 100b). Nous apprenons cela du cas de Léa notre mère, ainsi qu’il est dit : « Jacob revint du champ, le soir, et Léa sortit à sa rencontre, disant : “C’est vers moi que tu viendras, car je t’ai réservé en échange des mandragores de mon fils.” Et il s’étendit avec elle cette nuit-là » (Gn 30, 16). Or Léa mérita que, de cette nuit, naquît Issachar, de la tribu duquel devaient descendre des sages et des dirigeants du peuple, comme il est dit : « Parmi les enfants d’Issachar, étaient des hommes experts en la sagesse des temps, pour connaître la conduite à tenir par Israël ; leurs chefs étaient au nombre de deux cents, et tous leurs frères allaient selon leurs paroles » (I Ch 12, 33).

Or le Talmud (ibid.) objecte : les sages ont pourtant enseigné : « La femme sollicite son mari par le cœur[f] ; l’homme sollicite sa femme par des paroles. C’est là une bonne attitude[g] de la part des femmes. » Dans ces conditions, comment Léa a-t-elle pu requérir l’union de son mari et, bien plus, mériter grâce à cela de donner naissance au fondateur de la tribu où se trouveraient les hommes experts en la sagesse des temps ? La réponse de nos maîtres est que cette louange s’adresse à la femme qui montre des signes d’affection et s’orne de bijoux devant son mari, afin qu’il la désire. En d’autres termes, sa sollicitation, faite « avec le cœur » (et non de manière verbale), s’exprime allusivement. Et c’est ainsi que se conduisit Léa notre mère, lorsqu’elle dit à Jacob : « C’est vers moi que tu viendras », exprimant ainsi son amour et son souhait qu’il vînt dans sa tente afin qu’ils dormissent ensemble, dans une proximité corporelle, sans pour autant demander explicitement qu’il s’unît à elle par une pleine relation charnelle.

La raison pour laquelle il ne convient pas que la femme sollicite explicitement son mari est que les forces de l’homme sont limitées, et qu’il ne lui est pas toujours possible d’accomplir la mitsvat ‘ona, laquelle l’oblige à s’attendrir et à s’émouvoir, au point d’être en mesure de s’unir à son épouse. Aussi la mitsvat ‘ona repose-t-elle sur l’homme, selon ce que ses forces corporelles et la fatigue causée par son travail lui permettent (comme nous le verrons au paragraphe suivant). La femme, en revanche, pourrait parvenir au sommet du plaisir chaque nuit, et même plusieurs fois en une même nuit. Même quand elle se sent tendue, et qu’il lui est difficile de parvenir au sommet de la jouissance, elle peut répondre aux attentes de son mari, et se délecter de la joie éprouvée par celui-ci. Or, si elle le sollicitait de manière explicite, par des paroles, en des circonstances où il lui est difficile d’accomplir l’union charnelle, il se peut qu’il en aurait honte ; dès lors, au lieu d’attendre l’union en s’en émouvant et en s’en réjouissant fort, l’époux risquerait de l’appréhender, craignant de ne pas réussir à remplir son devoir. Parfois, cette anxiété risquerait de causer un cas d’impuissance. Aussi convient-il que la femme se pare de pudeur, et ne sollicite pas son mari par des paroles, mais bien par des allusions émanant du cœur, de manière telle que, lorsque le mari n’est pas certain de pouvoir accomplir la mitsva, il puisse donner à son épouse des signes d’affection en retour, sans pour autant se sentir abattu de ne pouvoir répondre pleinement à ses attentes.

Bien plus : même quand le mari est triste et déprimé, au point de se sentir impuissant, dépourvu de vitalité et de désir – de sorte qu’il lui semble que, même s’il le voulait, il n’aurait pas la force de parvenir à l’érection nécessaire à une relation charnelle avec son épouse –, l’épouse, si elle est bonne et sait le solliciter par le cœur, par des allusions et des propos exprimant son amour pour lui et son désir, par exemple en l’enlaçant agréablement, le fait revivre. Elle crée alors en lui le désir et la possibilité de s’unir à elle et d’accomplir la mitsva, et ajoute joie et lumière à sa vie (cf. ci-dessus, chap. 1 § 8)[4].


[e]. Le texte vise spécialement la mitsvat ‘ona.

[f]. תובעת בלב : littéralement, elle « requiert par le cœur », c’est-à-dire qu’elle fait comprendre à son mari son désir, sans l’exprimer par des paroles.

[g]. מידה טובה : litt., « une bonne mesure », ou « un bon trait de caractère ».

[4]. Comme nous l’avons vu, cette attitude, consistant à exprimer son désir « par le cœur », est destinée à préserver l’honneur de l’époux. Néanmoins, à mesure que la confiance s’accroît entre les époux, il convient à la femme de se conduire de la façon qui réjouit le plus son époux. Certains hommes, en effet, préfèrent une expression franche ; certains préfèrent que la femme prenne davantage d’initiative, car, de cette façon, leur désir à son endroit s’éveille, avec un supplément de joie. Quand la femme sait que telle est la volonté de son mari, c’est ainsi qu’il lui convient de se conduire : il n’y a pas là de manque de pudeur, mais bien une mitsva, puisqu’elle fait cela pour le réjouir.

07. Les temps de l’union

La mitsvat ‘ona dépend des forces du mari et de son métier, comme l’enseigne nos sages dans la Michna : « La périodicité dont parle la Torah est, pour les tayalim (littéralement “les promeneurs”), de tous les jours ; pour les ouvriers, deux fois par semaine ; pour les âniers, une fois par semaine ; pour les chameliers, une fois par mois ; pour les marins, une fois par six mois » (Ketoubot 61b).

Certains pensent que les tayalim sont les hommes en bonne santé dont les revenus sont faciles et leur parviennent sans tension ; aussi leur mitsva s’applique-t-elle chaque nuit. On cite, comme exemple, Rav Chemouel bar Chilat, qui enseignait les enfants près de son domicile ; or, comme ses moyens de subsistance étaient modestes, les fonctionnaires du roi ne l’imposaient pas, si bien qu’il vivait dans la tranquillité et la sécurité (Rif, Roch). D’autres estiment que les tayalim sont des gens bien établis économiquement, qui n’ont pas du tout besoin de travailler, hormis une certaine supervision de leurs affaires, laquelle ne dérange point leur repos (Maïmonide, Rabbi Yechaya A’haron zal, Rabbénou Yerou’ham et Séfer Mitsvot Gadol)[5].

Les ouvriers qui travaillent en ville ont une mitsva d’une périodicité bihebdomadaire. Les ouvriers travaillant en dehors de leur ville, même s’ils revenaient en leur ville chaque jour, avaient une mitsva d’une périodicité hebdomadaire seulement, parce que la route à faire les affaiblissait. Aux âniers, qui convoyaient des céréales dont ils chargeaient leurs ânes, des villages vers les marchés, s’appliquait une périodicité hebdomadaire, puisqu’ils avaient l’usage de rester hors de chez eux six jours durant. Les chameliers, qui faisaient de longs voyages pour transporter de la marchandise, avaient une obligation mensuelle, puisqu’ils avaient l’habitude de rentrer chez eux une fois par mois. Aux marins, qui prenaient la mer pour six mois, la mitsva s’appliquait une fois tous les six mois (Ketoubot 62a-b, Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ézer 76, 5). Les disciples des sages, qui se fatiguent à étudier, doivent accomplir la mitsva les nuits de Chabbat, les nuits de Yom tov (fêtes) et les nuits de Roch ‘hodech (néoménie) (Choul’han ‘Aroukh ibid., Maguen Avraham, Ora’h ‘Haïm 240, 3). Mais de grands A’haronim estiment qu’il est plus juste que les disciples des sages accomplissent, eux aussi, la mitsvat ‘ona deux fois par semaine (Me’il Tsedaqa 51, Pisqé Techouvot, Even Ha’ezer 76, 3, Béour Halakha 240, 1).

Un tayal qui a épousé une femme ne peut se transformer en « ouvrier » sans le consentement de ladite femme ; cela, même si l’activité d’ouvrier assure au couple une meilleure situation financière. En effet, c’est en considération du fait qu’il était tayal que la femme est devenue son épouse, de sorte qu’il ne peut diminuer la fréquence de son devoir conjugal sans qu’elle y consente. De même, si une femme a épousé un ouvrier, dont le devoir conjugal est bihebdomadaire, cet ouvrier n’est pas autorisé à devenir un ânier, dont le devoir est seulement hebdomadaire, sans le consentement de la femme. Dans le même sens, un ânier qui voudrait devenir chamelier, ou un chamelier qui voudrait être marin, doivent en demander l’autorisation à leur femme. Toutefois, si un tayal aspire à devenir un disciple des sages, sa femme ne saurait protester, en raison de la grande mitsva que constitue l’étude de la Torah, bien que ce changement ait pour effet de diminuer la fréquence des relations conjugales (Ketoubot 62b, Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 76, 5, Beit Chemouel 8).

Les conditions de vie ont beaucoup changé en quelques siècles : d’un côté, la majorité des hommes travaillent moins d’heures qu’autrefois, et leurs travaux sont moins fatigants d’un point de vue physique ; de ce point de vue, ils ressemblent davantage aux tayalim. Même ceux qui travaillent hors de la ville où ils résident, dès lors qu’ils voyagent en voiture, et tant que le voyage n’est pas très fatigant, ont même statut que les ouvriers travaillant dans leur ville – et, peut-être, même statut que les tayalim. D’un autre côté, la vie est devenue plus tendue, en raison de la concurrence sur le marché du travail, de l’intérêt grandissant pour les comptes rendus des journaux, des chaînes d’information, et des moyens de communication interpersonnels. En conséquence de cela, le nombre d’heures de sommeil est moindre, et, par suite, le désir naturel d’accomplir la mitsvat ‘ona a diminué.

Aussi, il semble que la mitsvat ‘ona de la majorité des hommes ait une périodicité de deux fois par semaine, étant précisé que, parfois, les relations conjugales de couples jeunes seront plus fréquentes. Les exceptions sont les hommes dont le travail est particulièrement harassant, d’un point de vue physique ou psychique, et dont l’obligation se limite donc à une fois par semaine ; à l’inverse, ceux dont le travail est particulièrement facile ont une obligation supérieure à deux fois par semaine, voire une obligation quotidienne, conformément au statut des tayalim.


[5]. Bien que la mitsva des tayalim ait une périodicité quotidienne, le tayal [singulier de tayalim] peut, s’il souhaite suivre une voie de piété et d’abstinence, demander à son épouse de réduire cette fréquence à quatre ou cinq fois par semaine. Si elle en est d’accord, il agira ainsi. Il n’y a pas là d’atteinte portée à la mitsva, car, selon le Raavad, les sages appliquent aux tayalim l’adage talmudique « la main gauche repousse et la main droite rapproche » (Sanhédrin 107b). Ses propos sont rapportés, dans sa codification de la halakha, par le Tour (Ora’h ‘Haïm 240, Even Ha’ezer 25), et c’est aussi en ce sens que se prononce le Me’il Tsedaqa 43. Mais il ne convient pas qu’un ouvrier, dont la périodicité est de deux fois par semaine, réduise cette fréquence, même si sa femme en est d’accord. La Guémara Ketoubot 62a dit encore que, selon Rava, les étudiants de yéchiva qui habitent près de leur lieu d’étude sont, eux aussi, considérés comme tayalim, dont la mitsva est quotidienne. Mais Abayé repousse cette opinion, car les étudiants de yéchiva doivent étudier avec assiduité et effort, de sorte que leur statut n’est pas semblable à celui des tayalim. Quoi qu’il en soit, si l’on n’étudie qu’une portion de la journée, sans grand effort, le statut de l’étudiant est assimilé à celui des tayalim (cf. Igrot Moché, Even Ha’ezer III 28).

08. La mitsva régulière, et ce qui s’y ajoute

En plus de l’obligation régulière qu’implique le devoir conjugal, qui est, pour la majorité des hommes, de deux fois par semaine, c’est une mitsva pour tout homme de rendre visite à sa femme quand elle le désire, à condition qu’il en ait la force, c’est-à-dire qu’il soit en mesure d’accomplir l’union charnelle.

En effet, la mitsvat ‘ona, telle que la Torah la conçoit, présente deux aspects : les unions régulières, chaque homme selon ce que sa santé et la fatigue engendrée par son travail lui permettent ; ces unions régulières sont l’expression du lien et du désir qui portent les époux l’un vers l’autre, et la réponse fixe apportée à ce lien et à ce désir. C’est précisément la régularité qui permet de satisfaire cela, car la régularité reflète la stabilité du lien d’amour reliant l’homme et la femme. Et c’est d’après la fixité des moments d’union, qui la caractérise, que cette mitsva est appelée ‘ona, période, ainsi qu’il est dit : « De son droit conjugal (‘onatah, litt. de sa période), il ne retranchera rien » (Ex 21, 10). En sus de cela, il y a le deuxième volet de la mitsva : lorsque s’éveille le désir du côté de la femme, c’est une mitsva toranique incombant à l’homme que de répondre à ce désir, et d’accomplir avec elle l’union, dans une grande joie. De même, c’est une mitsva et une obligation pour la femme que de répondre aux attentes de son mari, si celui-ci demande à s’unir à elle plus fréquemment que ne l’impose la périodicité prescrite[6].

Une fois que nous avons abordé la question du second aspect, volontaire, de la mitsva, il semble qu’il y ait lieu de s’interroger sur le premier : pourquoi la Torah a-t-elle éprouvé le besoin de fixer aux époux des temps réguliers, pour exprimer leur amour ? Pourquoi ne leur laisse-t-elle pas le soin de décider, d’après leur volonté, de la régularité de la mitsva ? Il est en effet admis, halakhiquement, quant au second aspect de la mitsva, que si l’un des époux le souhaite, c’est une mitsva et une obligation pour l’autre que de répondre à son attente, même si cela doit être quotidien. À l’inverse, si, durant plusieurs semaines, aucun des époux ne prend l’initiative de relations intimes, pourquoi faut-il leur donner pour directive d’en avoir suivant des temps fixes ?

Trois réponses sont apportées à cette question : la première consiste à dire que, les années passant, les tracas de l’existence risquent de s’accroître ; et, les relations conjugales n’étant plus si neuves ni si particulières qu’au début du mariage, les époux risquent de les repousser : un jour à cause de la fatigue, l’autre en raison d’un événement importun, un jour pour des maux de tête, un autre jour pour quelque indisposition gastrique. Quoique, à chaque fois, les deux époux soient d’accord pour annuler la mitsva, le lien d’amour entre eux se relâche, en pratique. Et en son for intérieur, chacun s’attriste à l’idée que son conjoint ne désire plus ardemment accomplir la mitsva ; simplement, dans la mesure où l’autre ne prend pas l’initiative de l’union, on n’y trouve pas tellement d’intérêt soi-même ; la vexation et l’éloignement s’accroissent donc. C’est pourquoi la mitsva vient enseigner qu’il revient aux époux d’accomplir des unions fixées, de manière ordonnée. Et ce n’est qu’en de rares occurrences, lorsque les époux sont particulièrement tendus, qu’ils peuvent, d’un commun accord, annuler l’accomplissement de la mitsva.

La deuxième raison est la suivante : si la mitsva dépendait de l’expression d’une volonté particulière, de la part d’un des deux membres du couple, il serait à craindre que celui qui est généralement le plus intéressé à cet égard ne soit gêné de le demander encore et encore. En revanche, quand on sait que c’est une mitsva que d’accomplir l’union deux fois par semaine, ladite mitsva s’exécute de manière régulière et ordonnée, de sorte que la nécessité de faire allusion à un désir supplémentaire se limite aux cas où la passion grandit.

La troisième raison est, comme nous l’avons vu ci-dessus (§ 3-4), que la mitsva doit s’accomplir en y mettant sa pleine attention, comme un repas finement préparé ; or nos sages ont estimé combien de fois dans la semaine l’homme pourrait faire son devoir conjugal de manière accomplie ; dès lors, telle est la mitsva conçue par la Torah. Mais si l’homme était à cet égard plus assidu, il serait à craindre qu’il accomplisse l’union de manière superficielle, afin de satisfaire son seul penchant, sans chercher à réjouir convenablement son épouse. Alors, la joie particulière à cette mitsva s’éteindrait peu à peu. Aussi les sages donnent-ils une estimation de la périodicité convenant à la mitsva, car telle est la façon par laquelle on peut l’accomplir convenablement. Toutefois, il s’agit là d’une directive générale ; lorsque la femme aspire à davantage de relations, c’est une mitsva pour l’homme que de répondre à ses attentes, si ses forces le lui permettent. De même, quand l’homme aspire à davantage, et sent qu’il peut réjouir son épouse comme il convient, cela ressortit à la mitsva[7].


[6]. La Michna (Ketoubot 61b) parle de ‘ona ha-amoura ba-Torah (« régularité prescrite par la Torah »). Cela nous indique que la périodicité définie par nos sages est le cadre dans lequel s’accomplit la mitsva toranique ; c’est précisément pour cela que cette mitsva est appelée ‘ona (période), ce qui signifie qu’elle se pratique suivant des temps réguliers (Pné Yehochoua sur Ketoubot ad loc.). À cet enseignement s’ajoute celui de Pessa’him 72b : « Rava a dit : “L’homme a l’obligation de réjouir son épouse par le biais de la mitsva.” » Rachi commente : « Même en dehors de la périodicité prescrite, s’il voit qu’elle le désire. » Le Choul’han ‘Aroukh (Ora’h ‘Haïm 240, 1) tranche dans le même sens. Certains décisionnaires, parmi les A’haronim, estiment que, bien que les deux aspects de la mitsva soient de rang toranique, le second est plus important encore, car l’essence de la mitsva est de répondre à la passion de la femme. C’est ce qu’écrivent le ‘Hida, ‘Hokhmat Adam 128, 19, Igrot Moché, Even Ha’ezer III 28. Toutefois, quand l’homme n’en a pas la force, c’est-à-dire quand il ne peut parvenir à l’érection, il est considéré comme contraint, et donc quitte de l’accomplissement de l’union.

De même, quand l’homme souhaite s’unir à son épouse davantage que ne le lui impose la périodicité prescrite, c’est une obligation pour sa femme que d’accéder à son désir. Et puisque cela n’exige d’elle aucune condition physique qui serait le pendant féminin de l’érection, il lui est interdit, sauf motif impérieux, de refuser (cf. ci-après, début de la note 12). Toutefois, dans les deux cas, et bien que celui qui refuse transgresse un interdit toranique, cela n’est pas une cause de divorce au titre de mored ou moredet (fait pour l’un des époux de « se révolter » contre le devoir conjugal), puisqu’il est ici question des relations venant en plus de celles qui sont périodiquement fixées. Par contre, quand un des époux s’abstient d’accomplir l’une des unions fixées, pour un motif de santé, ou, s’agissant de l’homme, à cause de son travail, cette abstention est assimilée au cas de révolte, et l’époux abstinent perd les droits que lui confère la Ketouba (Responsa du Rachba I 693, Tachbets II 259, Ma’hané ‘Haïm II 41 cité par Otsar Haposqim 77, 1 ; cf. Maïmonide, Ichout 15, 18, Béer Heitev, Even Ha’ezer 77, 7, Méchiv Davar IV 35, Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 75).

Bien entendu, il est interdit à l’homme – s’agissant même des unions régulières – de prendre son épouse de force, alors qu’elle se refuse à lui. La possibilité qui est ouverte au mari est de demander le divorce. En un tel cas, la femme perd le bénéfice de sa ketouba.

[7]. Les hommes diffèrent les uns des autres dans leur nature : certains, naturellement, ont besoin de relations plus fréquentes que ce qu’ont fixé les sages pour le cas moyen, en raison des forces généralement observées chez les hommes, et de la fatigue engendrée par leur travail.

Dans certains cas, la femme ne peut arriver au sommet de son plaisir plus de deux fois par semaine – car, pour cela, elle devrait dormir davantage et être calme. En pareil cas, les époux auront soin d’avoir, deux fois par semaine, des relations propres à faire parvenir la femme au sommet de son plaisir, tandis que, les autres soirs où l’homme est intéressé par cela, ils auront des relations propres à donner du plaisir à la femme, mais sans nécessairement tenter de faire parvenir celle-ci à ce sommet.

Cf. ci-après, chap. 3 § 3, ainsi que chap. 3 § 5, où un quatrième motif est cité, au nom du Raavad : les relations périodiques visent à empêcher l’homme d’entretenir des pensées fautives. Bien que ce motif n’ait pas l’importance des trois premiers, une union commandée par une telle préoccupation participerait, elle aussi, de la mitsva. (Au chap. 3 § 7, note 4, nous expliquerons à quels moments il est bon de s’abstenir de donner expression à son désir charnel, et à quels moments il est interdit de s’en abstenir).

Comme nous l’avons vu à la note précédente, ce n’est que lorsque la femme peut alléguer d’un motif impérieux qu’il lui est permis de refuser l’union. La grossesse, l’allaitement et les simples indispositions diverses ne constituent pas un motif impérieux (cf. ci-après, note 12).

09. Nuit du miqvé, et cas de l’homme partant en voyage

C’est une mitsva incombant à l’homme que de s’unir à son épouse la nuit où elle s’est immergée au bain rituel (miqvé) (Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 76, 4). S’il est négligent à cet égard, il annule par-là l’accomplissement d’une mitsva toranique, et enfreint le grave interdit de léser son épouse. C’est en effet l’une des choses les plus blessantes qui soient, pour une femme, que d’aller au miqvé et de se purifier, pour constater ensuite que son mari ne désire pas s’unir à elle. Cette union est considérée comme l’une des unions régulières, de telle sorte que, si les époux se doivent deux unions hebdomadaires, celle-ci est la première.

Si l’homme a l’intention de quitter son domicile pour effectuer un voyage, c’est une mitsva que de s’unir à sa femme durant la nuit qui précède son départ (Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 76, 4). Comme le disent nos sages : « L’homme doit visiter sa femme quand il part en voyage » (Yevamot 62b). En effet, à ce moment, le désir d’union s’accroît, comme le laisse entendre le verset de Job (5, 24) : « Tu sauras que la paix règne dans tes tentes, tu visiteras ton palais et tu ne pécheras pas. » Nous voyons par-là que, en accomplissant la mitsva avant que de partir en voyage, le mari prend congé de sa femme avec amour, dans la joie et la paix. Grâce à cela, il ne péchera pas, durant son absence, par la pensée ou par un acte d’infidélité. Toutefois, quand le voyage est prévu pour les besoins d’une mitsva, et que l’accomplissement de l’union risque d’empêcher la réalisation de cette mitsva, il n’est pas obligatoire de s’unir (Rachi, Nimouqé Yossef)[8].

En quel cas de voyage la mitsvat ‘ona s’applique-t-elle ? Quand le voyage entraîne un sentiment de séparation et de nostalgie, chacun selon sa personnalité. Quoi qu’il en soit, on ne parle là que de voyage d’au moins une nuitée hors de chez soi. De même, il est clair que, si le voyage se poursuit de façon qu’une union conjugale soit annulée, même s’il n’y a pas de sentiment particulier de nostalgie, c’est une mitsva que d’avoir des relations conjugales la nuit précédant le départ.

La règle est la même s’agissant d’une femme qui doit s’absenter de son domicile : si son voyage entraîne un sentiment de nostalgie, ou l’annulation d’une des unions, c’est une mitsva que d’avoir des relations intimes la nuit précédant le départ.

Lorsque le voyage doit avoir lieu le jour précédant la nuit du miqvé, c’est une mitsva que de repousser le voyage après le miqvé et l’accomplissement de la mitsvat ‘ona (Rama, Yoré Dé’a 184, 10).

Selon certains, au retour d’un tel voyage également, la mitsvat ‘ona s’applique (Zohar sur Gn 50a, Rachba, Béer Heitev sur Ora’h ‘Haïm 240, 19). Et lorsque s’éveille le désir d’union chez l’un des membres du couple, tous les auteurs s’accordent à dire que la mitsvat ‘ona s’impose. C’est bien ce qui convient aux époux, après le voyage de l’un d’eux, que d’éprouver le désir de s’unir, et d’accomplir la mitsva dans la joie.


[8]. Yevamot 62b : « Rabbi Yehochoua ben Lévi a dit : “L’homme a l’obligation de visiter son épouse au moment où il part en voyage, comme il est dit : Tu sauras que la paix règne dans tes tentes… Est-ce de ce verset que cet enseignement est appris ? C’est de cet autre qu’il est appris : C’est vers ton époux que t’attirera ta passion (Gn 3, 16) ! Cela nous enseigne que la femme désire vivement son époux quand celui-ci s’apprête à partir en voyage.” Rav Yossef a dit : “Cela [cette recommandation de s’unir à l’approche d’un voyage] n’est nécessaire qu’à l’approche des règles” [bien que l’on évite généralement l’union à l’approche des règles, afin de ne pas hâter celles-ci, cette précaution n’a pas cours quand le mari est sur le point de partir en voyage ; mais quand la femme ne se trouve pas à l’approche de ses règles, la nécessité d’union est si évidente qu’il n’est pas besoin de l’enseigner]. Combien ? [qu’appelle-t-on “l’approche des règles” ?] Rava a dit : “Une période” [un jour ou une nuit avant le moment prévu des règles]. Ces propos [d’après lesquels l’homme doit s’unir à sa femme avant de partir en voyage] visent le cas où l’homme voyage pour une raison facultative ; mais quand il part pour accomplir une mitsva, [l’union charnelle] les distrairait [de la mitsva pour laquelle est prévu le voyage]. »

De nombreux auteurs pensent que, puisqu’il s’agit d’une mitsva de la Torah, même une union accomplie à l’approche des règles – cas dans lequel on devrait s’abstenir – participerait de ladite mitsva, tant que la femme n’a pas encore vu de sang (Rachi, Raavad, Rachba, Rabbénou Yerou’ham, Raavan, Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 184, 10). D’autres disposent d’une version alternative de la Guémara : au lieu de « cela n’est nécessaire qu’à l’approche des règles », leur version porte : « cela n’est nécessaire que lorsque sa femme est nida [isolée par son écoulement] », ce qui signifie que, en un tel cas, l’homme devra prendre congé de sa femme par des paroles d’affection et d’amour (Rabbénou Tam, Rabbi Zera’hia Halévi, Roch, Or Zaroua’, Séfer Mitsvot Qatan). Puisque, de leur point de vue, il n’est pas obligatoire de s’unir à l’approche du voyage, il n’y a pas lieu d’autoriser cela à l’approche des règles. Mais en dehors de la période d’interdiction, lorsque la femme ou l’homme en éprouve le désir, il est certain que, de leur propre avis, cela est obligatoire. Tel est le cas, habituellement, comme le rapporte la Guémara : la femme désire son mari quand celui-ci est sur le point de partir en voyage.

10. Nuit de Chabbat

Nos maîtres disent que la voie des disciples des sages (talmidé ‘hakhamim) consiste à accomplir la mitsva de l’union les nuits de Chabbat ; et qu’à eux s’applique le verset des psaumes (1, 3) : « … qui donne son fruit en son temps » (Ketoubot 62b). De plus, les décisionnaires écrivent que c’est une mitsva, pour les disciples des sages, que d’accomplir l’union charnelle la nuit de Yom tov et la nuit de Roch ‘hodech (Maguen Avraham sur Ora’h ‘Haïm 240, 3). Il y a à cela plusieurs raisons. Premièrement, par le biais de la mitsvat ‘ona, on accomplit également celle du ‘oneg Chabbat (se délecter du Chabbat) ; de même, il convient de se réjouir davantage le Yom tov et le Roch ‘hodech qu’un jour ordinaire. De plus, il est approprié d’accomplir la mitsvat ‘ona les jours sanctifiés : nous voyons ainsi que, après le don de la Torah, et après l’inauguration du sanctuaire, les Hébreux accomplirent la mitsvat ‘ona (comme l’indique la lecture midrachique rapportée ci-dessus, chap. 1 § 6). Par ailleurs, ces jours-là, les disciples des sages étudient moins ; aussi peuvent-ils être davantage disponibles pour accomplir la mitsvat ‘ona de manière parfaite.

Ce n’est pas seulement aux disciples des sages qu’il est prescrit d’accomplir l’union, le Chabbat : tout homme en a la mitsva, au titre du ‘oneg Chabbat, comme l’écrit le Choul’han ‘Aroukh (Ora’h ‘Haïm 280, 1) : « Les rapports conjugaux font partie des délices sabbatiques. »

Cependant, il arrive qu’il ne soit pas aisé d’avoir une relation intime la nuit de Chabbat, car certaines personnes sont alors fatiguées du travail de la semaine, ou des préparatifs de Chabbat ; et tant que les époux sont fatigués, il leur est difficile d’accomplir la mitsva avec la perfection souhaitable. Or, l’essence de la mitsva toranique est que l’union s’accomplisse dans la joie ; par conséquent, si l’un des époux est fatigué la nuit de Chabbat, et qu’il lui soit alors difficile de se réjouir pleinement, il est préférable qu’ils reportent l’union à l’issue de Chabbat, ou un autre jour, quand ils ne seront pas fatigués. Et bien que, selon le Zohar lui-même, il y ait une élévation particulière d’en le fait d’accomplir la mitsva le Chabbat, il est préférable de l’accomplir à l’issue de Chabbat dans le cas où elle s’accomplirait moins joyeusement le Chabbat même ; en effet, l’essentiel de la mitsva tient dans le fait qu’elle s’accomplisse dans la joie[9].


[9]. Il est bon de se laver après les relations conjugales, en raison du décret d’Ezra (cf. ci-après, chap. 3 § 9) ; cf. Pniné Halakha, Les Lois du Chabbat, 14 § 8, ce qui concerne les règles de la toilette sabbatique.

Quand l’un des deux époux est fatigué la nuit de Chabbat, on peut reporter l’union conjugale dans la journée de Chabbat, en faisant de l’obscurité dans la chambre, comme nous le verrons au § 15. Selon le Zohar (III 81b, Tiqouné Zohar 21, p. 57a), il y a une valeur spirituelle particulière dans le fait d’accomplir la mitsva précisément la nuit de Chabbat. Certains, se fondant sur la Kabbale, sont rigoureux, et s’abstiennent de relations conjugales les jours de semaine ; en particulier de relations durant lesquelles la conception est possible, car la nuit de Chabbat est un moment qui convient pour s’accoupler et faire descendre en ce monde des âmes saintes. Tel est l’usage de ceux qui suivent les voies de la sainteté et de l’abstinence (cf. ci-après, chap. 3 § 12, et Har’havot sur le présent paragraphe). Certes, il est clair que, d’après leurs conceptions elles-mêmes, lorsque cette abstinence risque d’entraîner des pensées libidineuses, il est préférable d’avoir des relations conjugales dans la semaine, afin de ne pas s’y exposer (Kaf Ha’haïm 240, 2 et 8). Quoi qu’il en soit, en pratique, le fondement de la mitsvat ‘ona, tel que la Torah la prévoit, est que l’union s’accomplisse dans la joie ; or les conduites de piété fondées sur la Kabbale ne sauraient infirmer le fondement de la mitsva. Nous l’avons vu (§ 7), la périodicité communément recommandée veut que les disciples des sages eux-mêmes aient des relations conjugales deux fois par semaine (cf. ci-après, chap. 3 § 13-14).

11. Difficultés à accomplir la mitsva, du côté de l’homme

Tout ce que nous avons vu, quant à l’obligation d’avoir des relations périodiques, concerne des individus en bonne santé : en un tel cas, tout homme qui réduit le nombre des unions à lui prescrite enfreint un interdit toranique. Et s’il persiste, à cet égard, c’est une cause majeure de demande de divorce. En un tel cas, le mari doit dédommager son épouse, en lui versant la totalité de sa ketouba. Par contre, l’homme qui aurait des difficultés à accomplir les unions qui lui sont prescrites, parce qu’il n’est pas en bonne santé, n’a l’obligation de faire que ce que les médecins estiment à sa portée (Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 76, 3). Et dans la mesure où, dans de nombreux cas, les problèmes proviennent d’un certain manque hormonal, ou de quelque autre maladie, le mari a l’obligation de consulter les médecins, car la majorité de ces pathologies peuvent, de nos jours, être soignées par un traitement médicamenteux. Parfois, les problèmes sont d’ordre émotionnel ou psychologique ; et ce sont des problèmes de cette nature qui conduisent l’homme à annuler certaines unions intimes, ou à ne point réjouir sa femme convenablement pendant l’union. Là encore, c’est une obligation pour l’homme que de traiter les problèmes de cet ordre. Quand le problème est léger, en général, prendre conseil auprès d’un rabbin sera utile. Si le problème est difficile, il faut être aidé par un soignant qui craigne Dieu, et qui soit spécialiste en ce domaine. Si le mari est négligent, et ne traite pas son problème comme il convient, il annule une mitsva toranique ; et puisqu’il n’accomplit pas l’union conformément à la halakha, sa femme est autorisée à demander le divorce. Le mari devra la dédommager en lui versant la totalité de sa ketouba.

Si le mari a recouru aux médecins et aux soignants, respectant leurs prescriptions au maximum de ses possibilités, et que, malgré cela, il ne parvienne toujours pas à accomplir les unions régulières en leur temps, mais qu’il réussisse à tout le moins à s’unir à son épouse une fois tous les six mois, l’épouse ne peut exiger le divorce ni le montant de sa ketouba. En effet, le mari accomplit tout de même la mitsvat ‘ona selon la mesure minimale, celle à laquelle s’obligent les marins (cf. ci-dessus § 7). Mais s’il ne peut même pas accomplir cette union-là, la décision est entre les mains de l’épouse. Si elle est d’accord pour vivre avec lui de cette façon, elle y est autorisée. Si elle veut divorcer, l’homme a l’obligation d’en divorcer et de lui verser sa ketouba (Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 76, 11). Il va de soi que, même si le mari ne peut accomplir la mitsvat ‘ona en s’unissant pleinement à sa femme, c’est une mitsva pour lui que de lui complaire et de la réjouir par des baisers, des étreintes et des caresses, jusqu’à ce qu’il la mène ainsi au sommet de son plaisir. En général, s’il se conduit ainsi, bien qu’il n’ait pas le mérite d’accomplir l’union proprement dite, sa femme ne souhaitera pas divorcer de lui[10].

Quand la femme accepte de renoncer, d’un cœur entier, à ce que son mari accomplisse son devoir conjugal, cette renonciation est halakhiquement valide. Cela, à condition que l’homme ait déjà accompli la mitsva de procréer. Mais s’il ne l’a pas encore accomplie, il a l’obligation d’accomplir toutes les unions au cours desquelles il y a une chance que sa femme tombe enceinte. Et s’il ne réussit pas à accomplir ces unions, il a l’obligation d’écouter les prescriptions des médecins, afin d’accomplir sa mitsva (Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ézer 76, 6).

Quand bien même le mari aurait déjà accompli la mitsva de procréer, et sa femme aurait consenti à renoncer aux relations auxquelles elle a droit, il ne conviendrait pas d’annuler cette mitsva. Il consultera donc les médecins, afin d’accomplir la mitsva comme il convient, car telle est la bonne et saine pratique entre époux. De la même façon qu’il convient que chacun s’efforce d’accomplir toutes les mitsvot, même quand on n’en a point la complète obligation – par exemple la mitsva de la bienfaisance (gmilout ‘hassadim) ou des tsitsit –, de même doit-on s’efforcer d’accomplir la précieuse et sainte mitsva qu’est la mitsvat ‘ona, car, par elle, la Présence divine repose sur les époux et sur le monde[11].


[10]. L’un des dix décrets que prit Ezra le scribe était que les époux mangeassent de l’ail le soir de Chabbat, pour aider à la mitsvat ‘ona, car la consommation d’ail éveille l’amour et rend abondante la semence (Baba Qama 82a). Le Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 76, 3 écrit : « Mais celui qui n’est pas en bonne santé ne s’oblige qu’à la mesure de ce qu’on l’estime capable d’accomplir. » Or cette estimation est confiée à ceux qui connaissent la question, c’est-à-dire les médecins. De nos jours, avec l’aide de Dieu, des traitements ont été découverts pour la majorité des problèmes. Par exemple, il arrive que l’époux n’ait pas envie de s’unir à sa femme, parce que son corps souffre d’un manque de testostérone. Un examen simple suffit à diagnostiquer cela. En ce cas, ce sera une obligation pour l’époux que de prendre cette hormone, afin d’accomplir la mitsva. D’autres fois, la difficulté provient d’un problème de circulation du sang ; cela aussi se traite par des médicaments. Par conséquent, c’est une obligation pour celui qui ne peut accomplir convenablement son devoir conjugal que de consulter un médecin, afin de trouver un remède à son mal. S’il ne le fait pas, il annule l’accomplissement d’une mitsva de la Torah, de même que celui qui ne récite pas le Chéma Israël ou qui ne met pas ses téphilines. La règle est la même pour une femme qui sent qu’elle ne peut accomplir la mitsva avec la jouissance voulue.

Si l’homme ne peut même pas accomplir la mitsva une fois par six mois, la femme est autorisée à demander le divorce, avec le versement de toutes les sommes prévues par la ketouba. Cela, même quand il se peut que, après quelques années, on trouve un traitement au mal de son mari (comme il ressort des propos de Maïmonide, du Choul’han ‘Aroukh et de la majorité des décisionnaires). Certains disent que, si les médecins estiment qu’il y a des chances raisonnables que le mari guérisse dans les années proches, la femme ne peut demander le divorce (Rabbi Yehochoua A’haron zal, ‘Helqat Me’hoqeq 76, 18, Beit Chemouel 17).

Si les époux sont des personnes âgées, ou même simplement d’un certain âge, et que, pendant de nombreuses années, les relations entre eux aient été bonnes, le tribunal rabbinique essaie de convaincre la femme de ne pas abandonner son mari, même quand il n’y a pas de chances de guérison. Mais si elle s’entête à vouloir divorcer, le mari a l’obligation de lui remettre l’acte de divorce (responsa de Morénou Harav Lévi ben ‘Haviv 23-30).

Certains demandent s’il est permis d’utiliser un appareil électrique pour amener la femme au sommet de son plaisir, quand les époux n’y parviennent pas par les moyens habituels. Réponse : quand la situation permanente est telle que, malgré les efforts des époux, l’homme ne parvient pas à mener sa femme au sommet de sa jouissance, il semble que ce soit une mitsva que de la réjouir au moyen d’un tel appareil ; car tant que c’est lui qui réjouit son épouse, quoiqu’il s’aide d’un appareil, l’homme accomplit, ce faisant, la mitsva de la Torah. Même quand les époux sont capables d’atteindre le sommet du plaisir sans s’aider de cet appareil, il leur est permis de s’en servir à volonté : plus l’homme réjouit sa compagne, plus grande est la mitsva qu’il accomplit. Mais quand l’homme ou la femme se stimule seul, manuellement ou à l’aide de divers appareils, il y a là un interdit. En effet, ce plaisir est réservé à l’amour entre époux : dans ce cadre, il est une mitsva ; mais s’il satisfait un désir seulement individuel, il est une transgression (‘avéra) (comme nous le verrons ci-après, chap. 4 § 1 et § 10, note 15).

Un homme sensible, dont la semence s’échappe parfois à la suite des étreintes précédant l’union, n’est pas considéré comme émettant sa semence en vain. En effet, nous verrons que plusieurs Richonim autorisent l’union anale, et, selon eux, sont également autorisés les rapports dits dérekh évarim (litt. « par le biais des membres »), c’est-à-dire les relations au cours desquelles la semence s’écoule par l’effet d’étreintes et de contacts physiques entre l’homme et la femme. C’est l’opinion du Or’hot ‘Haïm (Hilkhot ketoubot 7), de Rabbénou Yona (Sanhédrin 58b), du Tour sur Even Ha’ezer 25, 2 et du Rama ad loc. De l’avis même de ceux qui interdisent cela, il n’y a pas d’interdit lorsque l’homme n’a point l’intention d’émettre ainsi sa semence. Cela peut se comparer aux travaux de Chabbat (cf. Pniné Halakha, Les Lois de Chabbat 9, 5) : quand on n’a point l’intention d’accomplir une mélakha (travail), et quand il n’est pas non plus certain que cette mélakha s’accomplira, l’interdit n’est pas constitué (Rabbi Yehouda Aszod, vol. I Yoré Dé’a 238 ; Imré Bina IV sur Even Ha’ezer 8 ; Imré Ech, Yoré Dé’a 69). Toutefois, il est fréquent que ceux qui ont cette tendance ne parviennent pas à satisfaire leur épouse comme il convient ; il leur faut alors prendre conseil auprès d’un spécialiste craignant Dieu, sur les moyens d’éviter cela.

[11]. Selon le Choul’han ‘Aroukh Harav, Ora’h ‘Haïm 280, 2, si la femme est prête à renoncer à l’union de la nuit de Chabbat, il est permis de l’annuler ; « malgré cela, il est bon de la maintenir. » Au traité Chabbat 152a, Rabbi Yehouda Hanassi demande à Rabbi Chimon ben ‘Halafta : « Pourquoi ne nous as-tu pas rendu visite pendant la fête ? » Rabbi Chimon ben ‘Halafta lui répond douloureusement qu’il a vieilli prématurément : « Les rochers sont devenus élevés, ce qui est proche est devenu lointain [un court chemin est devenu difficile à parcourir, comme un chemin vers une destination lointaine], les deux sont devenus trois [au lieu d’aller sur ses deux jambes, il lui fallait à présent une canne, en guise de troisième jambe], et ce qui établit la paix du foyer ne sert plus. » Rachi explique : « l’expression ce qui établit la paix du foyer désigne le membre viril. » Selon Rav Nissim Gaon, cette expression désigne « le désir, qui fait régner la paix entre l’homme et son épouse. » Cf. ci-dessus, chap. 1 § 4-6. S’agissant d’un homme âgé, que sa femme excuse de ne pas avoir de relations charnelles avec elle, il ressort des propos du Rav Kook (Mitsvot Reïya, Even Ha’ezer 1) que, de toute façon, l’homme n’est pas autorisé à annuler l’obligation minimale – celle des « marins » – : une fois par six mois.

12. Difficultés à accomplir la mitsva, du côté de la femme

Comme nous l’avons vu (ci-dessus, § 1), l’essentiel de la mitsva consiste dans le fait que l’homme donne du plaisir à sa femme, et la réjouisse autant qu’il lui est possible, jusqu’à ce qu’elle atteigne le sommet de son plaisir. Cependant, cela ne dépend pas exclusivement de l’homme. En effet, il arrive que, même s’il s’y efforce grandement, la femme ne parvienne pas au sommet de son plaisir. Il peut y avoir à cela différentes raisons : nous avons vu (§ 2) que les domaines de l’esprit, de l’émotion et du corps sont liés chez la femme, plus que chez l’homme ; quand la femme ne comprend pas la valeur de la mitsva, ou qu’un certain facteur la dérange, ou qu’elle est fatiguée, il se peut que, malgré tous les efforts, elle ne parvienne pas au sommet de son plaisir. Au contraire, tenter d’y parvenir risque de la laisser frustrée et attristée. En effet, lorsque le plaisir augmente et se rapproche du sommet, un grand désir se forme dans le corps et l’esprit de parvenir au sommet, et à la sensation de détente qui l’accompagne ; or, quand cela se dérobe, subsiste une profonde frustration. Quand une femme fait l’expérience de cette frustration à de nombreuses reprises, il se peut qu’elle préfère renoncer à l’essai de parvenir au sommet, afin d’éviter la dépression qui suit l’échec.

Aussi, quand une femme sait qu’il lui sera difficile d’atteindre le sommet de sa jouissance, elle peut renoncer à tenter d’y parvenir, et accomplir l’union de manière agréable, dans la joie qui accompagne le fait même d’être unis. À cette fin, l’homme doit donner quelque plaisir à son épouse ; elle aussi doit répondre à ses avances, et l’accueillir avec amour. De cette manière, ils accompliront la mitsva à un niveau dit « a posteriori[h] ». Si, en général, les époux ont la chance d’accomplir la mitsva « a priori », de façon telle que la femme atteint le sommet de sa jouissance, et que ce ne soit que de temps en temps qu’ils se contentent du degré « a posteriori », il n’y a là rien que de naturel et admis ; les époux n’ont pas à s’en affecter du tout. Mais il faut faire en sorte que cela n’arrive pas souvent.

Quand la situation est moins bonne, et que, dans la majorité des cas, la femme ne parvient pas au sommet de sa jouissance, c’est aux membres du couple de trouver la raison et la solution à cela. Parfois, le problème provient de la fatigue ou de la tension ; alors, ils doivent ordonner leur vie de façon plus équilibrée, diminuer la tension, ajouter des heures de sommeil, ou, à tout le moins, s’efforcer de dormir à l’approche de la mitsva. Quelquefois, cela arrive dans la première période de la vie matrimoniale, quand les époux n’ont pas encore appris par quel moyen parvenir à cette jouissance. Il leur faut alors apprendre comment accomplir la mitsva comme il convient. Ils ne seront pas négligents, à cet égard, car cette mitsva n’est pas moins sainte que les autres mitsvot. Bien sûr, si la femme sait que telle ou telle chose lui apportera davantage de plaisir, elle ne devra pas avoir honte de le dire à son mari.

Si, malgré toutes les tentatives, l’homme ne réussit pas à contenter son épouse jusqu’à ce qu’elle parvienne au sommet de sa jouissance, c’est une mitsva pour lui que de prendre conseil auprès d’un rabbin, ou d’un spécialiste, ou, pour l’épouse, de prendre conseil auprès d’une rabbanite ou d’une spécialiste. Parfois, un simple conseil peut résoudre le problème ; en un tel cas, un rabbin ou une rabbanite peuvent y aider. D’autres fois, il faut comprendre plus profondément quels sont les freins intérieurs qui se dressent entre époux ; parfois, le frein provient d’un problème médical, et il faut alors prendre conseil auprès d’un médecin spécialiste. En tout état de cause, il est obligatoire de traiter le problème, afin d’accomplir la mitsva conformément à la halakha.

Dans l’intervalle, les époux doivent avoir soin d’accomplir les unions selon la périodicité prescrite. Si la femme tire du plaisir de l’union, ou des caresses et étreintes qui l’accompagnent, les époux sont considérés comme accomplissant la mitsva, bien qu’à un niveau a posteriori. Si la femme n’éprouve pas même un tel plaisir, la situation est plus difficile. Quoi qu’il en soit, les époux ont l’obligation d’accomplir l’union suivant la périodicité prescrite ; par cela, ils maintiendront l’alliance matrimoniale. La mitsva s’accomplit alors à un degré qualifié de cha’at had’haq (nécessité pressante, force majeure). Mais, comme nous l’avons vu, il leur est interdit de se contenter de cela : ils ont l’obligation de prendre courage, et de se tourner vers un conseiller, afin de parvenir à accomplir la mitsva selon le degré « a priori ». Car la situation dans laquelle la femme n’éprouve pas de jouissance durant la mitsva la laisse dans un terrible manque ; cela nuit beaucoup à l’homme lui-même, et l’empêche de parvenir à la joie la plus profonde. Au lieu que son désir de s’unir à son épouse soit accueilli avec joie, et que leur union soit complète et magnifiée, l’homme reste seul avec son affront ; son désir lui paraît être une basse appétence, qui le contraint à posséder son épouse pour satisfaire son penchant, afin de ne pas commettre de péché par ailleurs. Quoi qu’il en soit, si les époux, malgré leurs efforts, n’ont pas réussi à trouver un remède à leur problème, ils veilleront à accomplir l’union selon la périodicité prescrite, même si ce n’est qu’au niveau de cha’at had’haq ; ils auront pitié et grande miséricorde l’un pour l’autre, et leur alliance sera sanctifiée par l’accomplissement de leur devoir moral l’un envers l’autre, conformément à la mitsva de la Torah[12].


[h]. La relation conjugale couronnée par l’orgasme est ce qui est appelé mitsva lekhat’hila (mitsva accomplie au degré souhaitable a priori). Quand ce couronnement manque, la mitsva est réalisée, mais à un degré moindre, appelé bedi’avad, « a posteriori ». Cf. ci-après, note 12.

[12]. Il y a trois degrés d’accomplissement de la mitsva : a) L’accomplissement essentiel de la mitsva consiste dans le fait de réjouir son épouse, jusqu’à ce qu’elle atteigne le sommet de sa jouissance ; b) a posteriori, lorsque la femme a du plaisir pendant l’union, mais sans plus de jouissance ; si l’on se réfère aux usages de sainteté observés par ceux qui pratiquent une certaine abstinence, cela même est considéré comme degré d’accomplissement « a priori », à condition que cela soit pleinement admis par la femme (cf. ci-après chap. 3 § 12) ; c) en cas de nécessité pressante, quand la femme n’a pas de plaisir, mais que les époux accomplissent l’union afin de maintenir l’alliance matrimoniale qui les lie, et pour éviter à l’homme de pécher ; c’est le degré d’intentionnalité le plus bas dans l’accomplissement de la mitsva (cf. chap. 3 § 3) ; quoi qu’il en soit, même une telle union se caractérise par la sainteté (cf. chap. 3 § 5).

Tant qu’ils sont mariés, il est interdit aux époux d’annuler l’une quelconque de leurs unions sans le plein consentement de chacun d’eux ; car les relations conjugales sont l’expression même de l’union matrimoniale qui existe entre eux. Nous l’avons vu (chap. 1 § 2), l’annulation de l’union charnelle est la première cause de divorce, car c’est en vue de telles relations que se scelle le mariage. Ce n’est que lorsque la femme a un très fort motif qu’il lui est permis, en se fondant sur les instructions d’un sage, d’annuler quelqu’une des unions dotées d’une périodicité régulière (note 6). La grossesse, l’allaitement et autres circonstances proches ne sont pas considérées comme un motif fort, en dehors de cas où une prescription médicale particulière est donnée.

Il faut encore insister sur un point : on doit se garder d’aller voir des médecins qui déconsidèrent la mitsvat ‘ona, et prescrivent, de manière irresponsable, de s’abstenir de rapports conjugaux, ou qui, lorsque la femme souffre d’hémorragies qui la rendent impures pour son mari, ne s’efforcent pas d’y trouver remède. Nos sages disent du roi David que, dans sa piété, il renonçait aux honneurs de l’étiquette royale, et se souillait les mains avec le chorion et le placenta de femmes qui le consultaient, afin de les déclarer pures et de les autoriser à leur mari (Berakhot 4a), tandis qu’eux, dont c’est le travail, recommandent inconsidérément la séparation d’une femme d’avec son mari. Aussi, même après une prescription médicale de s’abstenir de l’accomplissement d’un rapport conjugal, il faut encore interroger un sage sur la conduite à tenir ; il arrive en effet qu’il faille changer de médecin, tandis que, d’autres fois, quand le médecin craint Dieu et que l’on peut se fier à lui, il faut se demander s’il serait recommandé d’accomplir l’union par voie anale (cf. Rama sur Even Ha’ezer 25, 2). Cf. ci-après, chap. 3 § 7, note 4, où l’on apprendra que, souvent, les tromperies et les péchés d’union interdite commencent dans des périodes où les époux n’accomplissent pas les unions à périodicité fixe ; par exemple, quand la femme est enceinte ou allaite.

Certaines femmes souffrent de peur et de douleurs vulvaires, au point de n’être pas capables d’avoir des relations conjugales (vaginisme et vestibulodynie). D’autres admettent le rapport, mais celui-ci leur est douloureux, à différents degrés. Ce problème est devenu plus fréquent dans la dernière génération (près de 10% des femmes), et provient également, à ce qu’il semble, de la confusion entre permissivité et pudeur naturelle, cependant qu’une expérience traumatique risque d’amplifier le symptôme. Du point de vue halakhique, quand, en pratique, la femme ne permet pas de pratiquer les rapports conjugaux, c’est une cause de divorce ; en ce cas, le mari est exempté de lui verser sa ketouba, ainsi que les ajouts auxquels il s’était engagé, car le fondement du mariage ne s’est pas maintenu (cf. Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 117, 2, Pisqé Din Rabaniim IV, p. 325). Si la femme peut se prêter aux relations conjugales périodiquement fixées, tout en en souffrant, l’homme a le droit de divorcer, puisqu’il ne peut se réjouir avec son épouse comme il est d’usage et comme il convient ; mais il doit alors lui verser sa ketouba (cf. Beit Chemouel, Even Ha’ezer 117, 9).

Certes, il n’est pas nécessaire, en principe, d’en arriver au divorce, car il est presque toujours possible de résoudre le problème, de façon telle que la femme puisse ensuite parvenir au sommet de la jouissance, comme il est d’usage. Mais en pratique, parmi les femmes qui souffrent de telles affections, nombreuses sont celles qui ne comprennent pas la gravité du problème. Il semble que, à la difficulté physique, se joigne un blocage psychique, qui leur fait estimer que l’union corporelle n’est pas si importante, et que, si le mari souffre de la situation, « c’est à lui qu’il revient de surmonter son penchant, et de ne pas importuner sa femme ». Elles ne comprennent pas que, si leur promis avait su cela dès le début, il est vraisemblable qu’il aurait annulé les noces. Elles ne sont pas non plus conscientes du fait que, si le problème devait se poursuivre, il y aurait une majorité de chances pour que, tôt ou tard, on en vînt au divorce. Dans les cas les plus faciles, la reconnaissance de la valeur de la mitsva, et la conscience de ce que ce problème rend difficile, au plus haut point, la consolidation de la vie matrimoniale, permettent à la femme de surmonter son problème, sans aucune aide extérieure. Dans les cas difficiles, cette conscience permet de comprendre l’importance des soins à engager, et donne la force de suivre les instructions des médecins et des soignants, jusqu’à ce que soit trouvée la cause du problème et que, par suite, vienne sa résolution.

Livres de Pniné Halakha à des prix spéciaux

Contents

Série Pniné Halakha 9 volumes
Commandez maintenant