Pniné Halakha

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Chapitre 28 – Malades dont l’état n’est pas dangereux

07. Piqûre, transfusion et allaitement

Quand un malade qui ne court pas de danger a besoin d’une piqûre ou d’une transfusion : si la piqûre se fait dans la chair, il n’est pas certain qu’il y aura saignement ; par conséquent, ce soin est considéré comme les autres traitements, qui sont autorisés pour les besoins d’un malade. Pour une personne qui n’est pas malade, mais qui souffre, il sera permis de demander à un non-Juif d’administrer cette piqûre.

En revanche, il est interdit de faire une piqûre ou une transfusion dans une veine, car un saignement se produit lors de ces soins. Selon certains, c’est même un interdit toranique ; aussi, tant que la vie du malade n’est pas en danger, il faut tenir compte de l’opinion des auteurs rigoureux. Si l’aiguille de transfusion était déjà reliée à la veine avant Chabbat, il sera permis d’y attacher, pendant Chabbat, un sachet, pour les besoins du malade dont la vie n’est pas en danger (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 7). Par le biais d’un non-Juif, il est permis de donner au malade dont la situation n’est pas dangereuse une piqûre ou une transfusion intraveineuse.

Quand on doit désinfecter une plaie ou une aiguille dans de l’eau oxygénée ou de l’iode, il est interdit de le faire à l’aide de coton ou d’un bandage, en raison de l’interdit d’essorer : il est en effet interdit d’essorer une chose afin d’en faire sortir le liquide qui s’y trouve. On versera de l’iode ou de l’eau oxygénée sur l’endroit qui doit être désinfecté. À cette fin, on peut se servir d’une spatule ou d’une matière synthétique, qui n’absorbe pas.

Quand on sait que l’on devra administrer une piqûre à un malade le Chabbat, il est recommandé de préparer, avant Chabbat, la seringue et l’aiguille, et de les désinfecter. Si l’on ne les a pas préparés, ou que cela soit impossible d’un point de vue médical, il sera permis de préparer l’injection pendant Chabbat, car il n’y a pas là d’interdit toranique (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 8-10).

Une femme qui allaite, et qui souffre d’engorgement de lait, est autorisée à tirer le trop-plein de lait pour que celui-ci se perde, par exemple dans le lavabo, ou encore dans un récipient contenant du savon, qui abîmera le lait. Cela, bien qu’une extraction de lait qui serait destinée au bébé soit interdite par la Torah, car ce serait un dérivé de la mélakha de battre (dach) (Choul’han ‘Aroukh 328, 34 ; cf. ci-dessus, chap. 11 § 17). Quand le lait est ainsi extrait à perte, l’interdit n’est que rabbinique, or, en cas de douleur, les sages ont levé leur interdit (Choul’han ‘Aroukh 330, 8). On peut se servir à cette fin d’un tire-lait manuel, ou d’un tire-lait électrique qui aura été mis en marche le vendredi par le biais d’une minuterie sabbatique : la femme qui allaite se l’appliquera aux moments où il fonctionnera (Chemirat Chabbat Kehilkhata 36, 22, note 63). Quand les médecins estiment qu’il est très nécessaire pour le bébé que l’essentiel de sa nourriture consiste en lait maternel, et que, tout au long de la semaine, la mère s’efforce de ne perdre aucune occasion de tirer son lait, elle le fera également le Chabbat à l’intention du bébé, en vertu des règles de sauvegarde de la vie (piqoua’h néfech) (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 36, 22, et note 67).

01. Généralités sur les règles applicables au malade

Il existe trois degrés parmi les malades : 1) le malade dont l’état est dangereux ; 2) le malade ordinaire, dont l’affection touche à l’ensemble du corps, mais dont la vie n’est pas en danger ; 3) le malade dont l’affection frappe une partie du corps seulement, ou celui qu’une indisposition corporelle fait souffrir.

Le malade dont l’état est dangereux : on fait pour lui tout ce que l’on a l’habitude de faire les jours de semaine, car tous les interdits sabbatiques sont suspendus afin de sauver sa vie, comme nous l’avons vu au chapitre précédent.

Le malade ordinaire, c’est-à-dire le malade qui est alité, mais dont la vie n’est pas en danger : on ne profane pas pour lui le Chabbat dans ses interdits toraniques, mais les sages ont levé les interdits rabbiniques afin que l’on puisse le soigner (comme nous le verrons au paragraphe suivant)[1].

Le malade dont l’affection frappe seulement une partie du corps, ou qui souffre d’indisposition, c’est-à-dire une personne qui se déplace comme un bien portant, mais qui souffre d’une certaine maladie : tous les interdits rabbiniques s’appliquent à lui, comme aux personnes bien portantes. On ne lève pas même en sa faveur les interdits rabbiniques légers appelés chevout de-chevout. Toutefois, s’il éprouve des douleurs, il devient permis de faire à son profit des actes interdits ordinairement au titre de chevout de-chevout, c’est-à-dire des interdits rabbiniques exécutés par le biais d’un non-Juif ou en y apportant un changement (chinouï) (Choul’han ‘Aroukh 307, 5, Michna Beroura 328, 3 ; cf. ci-dessus, chap. 9 § 11). Nos sages ont, de plus, pris un décret supplémentaire concernant les personnes partiellement malades, interdisant de prendre des médicaments le Chabbat. Les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir si cet interdit s’applique aussi aux médicaments que l’on a l’usage de fabriquer industriellement (les règles applicables à la personne indisposée seront présentées aux paragraphes 3 à 5).

L’un des principes du Chabbat est que, ce jour-là, nous recevons la réalité telle qu’elle est, dans la tranquillité et la sérénité. Si l’on n’a pas de vêtement lavé, on en met un qui ne l’est pas. Si l’on a oublié de cuire un plat, on se contente de ce qu’il y a, ou l’on demande de l’aide à ses voisins. Si l’on a oublié de mettre en marche le chauffage, on met un manteau ; si l’on a oublié d’allumer le climatiseur, on souffre un peu de la chaleur. Et bien que les lois du Chabbat entraînent parfois un peu de peine, elles délivrent l’homme du joug et de la tension qu’il y a à examiner constamment tous les petits détails afin qu’ils soient ordonnés comme il faut. Aussi, le Chabbat est-il un bon présent, car la foi, la tranquillité et le repos qui résident en l’acceptation du réel tel qu’il est, ce jour-là, sont source de délice et d’élévation.

C’est dans cette perspective que les sages ont poursuivi leur œuvre réglementaire. L’un de leurs décrets consiste à ne point s’occuper de traitements médicaux le Chabbat : si l’on éprouve quelque indisposition, qui cause une sensation d’inconfort, on supportera cela paisiblement, car cette patience elle-même fait partie du repos sabbatique. Mais quand l’indisposition fait souffrir au point d’annuler le délice du Chabbat, les sages lèvent certains de leurs interdits légers (chevout de-chevout), afin d’éliminer la douleur. Et s’il s’agit d’une véritable maladie, les sages lèvent leurs interdits afin que l’on puisse traiter le malade, car c’est une mitsva que de conserver la santé corporelle.


[1]. Quand c’est seulement un membre du corps qui est en danger, la majorité des Richonim estiment que l’on ne profane pas les interdits toraniques relatifs au Chabbat (Roch, Ran, Rachba, et c’est aussi ce que l’on peut inférer de Maïmonide). D’autres pensent que l’on passe outre au Chabbat pour sauver un membre du corps (Tossephot, Rabbénou Tam, Agouda, Méïri). En pratique, le Choul’han ‘Aroukh 328, 17 décide que l’on ne profane pas les interdits toraniques. Toutefois, de l’avis des médecins, il n’est pratiquement aucun cas dans lequel le danger que court un membre du corps n’entraînerait un danger pour la vie même, par contamination etc. (Nichmat Avraham 328, 29). C’est peut-être ce que visent ceux des Richonim qui sont indulgents dans le cas d’un danger pour un membre du corps. Les responsa Melamed Leho’il II 32 s’expriment en des termes proches, comme nous le rapportons dans les Har’havot.

02. Malade ordinaire

Comme on le sait, il y a deux catégories d’interdits sabbatiques : les interdits de la Torah, et les interdits rabbiniques, appelés chevout (abstentions). Le principe est, comme nous l’avons vu, le suivant : pour un malade en danger, on passe outre au Chabbat, même dans ses interdits toraniques ; pour un malade ordinaire, dont les jours ne sont pas en danger, on ne profane pas le Chabbat dans ses interdits toraniques, mais les sages ont permis, pour le soigner, de passer outre aux interdits qu’ils ont eux-mêmes fixés.

Qu’est-ce qu’un malade ordinaire (‘holé raguil) ? C’est celui qui a dû s’aliter en raison de sa maladie ; et même si, pour diverses raisons, il n’est pas effectivement alité, on le considère comme malade[a], dès lors que, pour une semblable maladie, il serait normal d’être alité. De même, celui qui souffre d’une douleur au point d’en être affaibli dans tout son corps – par exemple celui qui souffre de migraine – est considéré comme malade, bien qu’il ne s’alite pas (Choul’han ‘Aroukh 328, 17). S’agissant même d’une personne qui va et vient comme un bien portant, dès lors qu’on sait que, sauf à prendre un traitement déterminé, elle serait obligée de s’aliter, il sera permis d’exécuter pour elle des actes rabbiniquement interdits afin qu’elle n’ait pas à s’aliter (Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 1). Un jeune enfant qui aurait grand besoin d’une chose particulière, même s’il n’est pas alité, est considéré comme malade (Rama 328, 17, Michna Beroura 276, 6 ; cf. ci-dessus, chap. 24 § 6).

La façon simple et admise de traiter un malade est de passer par l’intermédiaire d’un non-Juif. Nous avons vu (au chapitre 25 § 1) que les sages ont interdit de demander à un non-Juif d’accomplir une mélakha pour un Juif ; toutefois, pour les besoins d’un malade, ils l’ont permis (Chabbat 129a). Par conséquent, il est permis de demander à non-Juif : d’allumer la lumière ou de l’éteindre pour un malade, de mettre en marche le four, de cuire des aliments à son intention, de voyager afin de lui apporter des médicaments, d’appeler l’ascenseur, de lui faire passer une radio. De même, il est permis de demander à un dentiste non juif de faire un soin de premier secours pour une personne dont les douleurs dentaires rayonneraient sur tout son corps. Il est également permis de demander à un médecin non juif d’écrire une ordonnance pour un malade qui a besoin de médicaments. Dans le même sens, il est permis de demander à un non-Juif de conduire en voiture le malade à l’hôpital ou chez le médecin. Si le malade a besoin d’un accompagnateur, il sera permis de demander au non-Juif de conduire également celui-ci, à condition que le malade et son accompagnateur ne fassent pas de mélakha par eux-mêmes.

De même, il est permis à un malade de prendre des médicaments, sans restriction, car tout l’interdit rabbinique de prendre des médicaments ne vise que le malade qui souffre dans une partie de son corps seulement ; en revanche, un malade véritable, alité ou affaibli dans tout son corps, peut prendre des médicaments (Rama 328, 37 ; cf. Béour Halakha ad loc.).

S’il ne se trouve pas de non-Juif, le Ran estime qu’il est interdit à un Juif de transgresser des défenses rabbiniques pour les besoins d’un malade ; mais le Rachba pense que les sages eux-mêmes ont permis, pour les besoins d’un malade, de passer outre à leurs interdits ; et telle est la halakha. Simplement, a priori, quand c’est possible, il est préférable de faire exécuter tout ce qui est nécessaire au malade par un non-Juif, ou, s’agissant d’interdits rabbiniques, en produisant un changement (chinouï) dans la manière d’accomplir l’acte, de façon que celui-ci relève d’un degré d’interdiction plus bas, ce que nous appelons chevout de-chevout (cf. chap. 9 § 11). Faute de choix, lorsque le malade en a grand besoin, il sera permis à un Juif de faire à son intention des actes interdits rabbiniquement. Si, par exemple, on doit allumer la lumière ou l’éteindre pour le malade, on le fera en y appliquant un changement de manière : avec l’avant-bras, ou avec le pied ; de cette façon, l’interdit est de rang rabbinique (cf. chap. 9 § 3). De même, quand le malade a besoin qu’on mette en marche le chauffage ou le climatiseur, on pourra le faire en imprimant à l’acte un changement[2].


[a]. Dans la suite de ce chapitre, l’auteur appelle simplement « malade » (‘holé) le malade ordinaire (‘holé raguil) tel qu’il vient de le définir.

[2]. Selon le Ran, les sages n’ont permis, pour les besoins d’un malade, que de demander à un non-Juif d’exécuter les travaux nécessaires, comme le dit le Talmud, Chabbat 129a. Selon le Rachba, et c’est aussi l’avis de Maïmonide tel que le comprennent le Maguid Michné et le Tour, tous les interdits rabbiniques sont levés pour les besoins d’un malade, de la même façon que les sages permettent au malade de sucer le lait d’une bête – car il s’agit d’une traite, mais assortie d’un changement (Ketoubot 60a). Selon Na’hmanide, lorsqu’un membre du corps est en danger, tous les interdits rabbiniques sont levés, et quand aucun membre n’est en danger, seule la demande faite à un non-Juif est permise, tandis qu’il est interdit au Juif de faire une chose que les sages ont interdite ; mais il est permis de faire cela en y apportant un changement, car on se trouve alors dans un cas de chevout de-chevout. Pour le Choul’han ‘Aroukh 328, 17, l’opinion de Na’hmanide est recevable ; c’est aussi l’avis du Gaon de Vilna et du Michna Beroura 57, Cha’ar Hatsioun 396, 9.

 

Toutefois, le ‘Hayé Adam 69, 12 écrit que, lorsqu’il est impossible d’imprimer un changement dans l’acte que les sages ont interdit, il est permis de le faire sans changement (ce qui confère à l’acte le degré de chevout simple). Le Michna Beroura 328, 102 s’accorde avec ces propos. Bien plus, plusieurs A’haronim poussent l’indulgence jusqu’à permettre d’exécuter un interdit toranique en y apportant un changement, s’il ne se trouve pas de non-Juif, comme le pensent le Rachba et ceux des Richonim qui partagent son avis. (Certains estiment que Na’hmanide lui-même s’accorde avec cela, comme le laisse entendre le Torat Haadam). C’est ce qu’écrivent le Choul’han ‘Aroukh Harav 328, 19, le Eglé Tal (To’hen 18) et le Téhila lé-David 328, 22. Puisqu’il s’agit d’une controverse touchant à une norme rabbinique, la halakha suit l’opinion indulgente. Le Rav Chelomo Zalman Auerbach approuve cette position (Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 18), ainsi que le Or lé-Tsion II 36, note 4 et le Rav Ovadia Yossef (Yalqout Yossef 328, 11). Cf. Or’hot Chabbat 20, notes 148-149.

 

Tous les avis s’accordent à dire qu’il est interdit d’éteindre la lumière afin que le malade dorme (Chabbat 30a) ; de prime abord, puisqu’il s’agit d’une mélakha dont la nécessité ne réside pas en elle-même (mélakha ché-eina tsrikha légoufa), mélakha qui, aux yeux de nombreux auteurs, n’est interdite que rabbiniquement (cf. chap. 9 § 6), il eût été possible, selon le Rachba et ceux qui tiennent pour son opinion, de permettre de l’accomplir à l’intention du malade, sans y apporter de changement. Mais puisque l’extinction est un interdit proche d’une défense toranique, les sages ont interdit d’y procéder, même pour un malade (Michna Beroura 278, 3). En revanche, il est permis d’éteindre la lumière, pour permettre à un malade de dormir, en modifiant la manière habituelle, par exemple en utilisant l’avant-bras.

 

La consommation d’aliments rabbiniquement interdits est un fait plus grave que les interdits de chevout ; c’est interdit à un malade ordinaire (Rama sur Yoré Dé’a 155, 3). Toutefois, des aliments cuits par un non-Juif lui sont permis (Choul’han ‘Aroukh 328, 19), et le malade prononce la bénédiction avant de les manger (Michna Beroura 63). Il est permis de déplacer des objets mouqtsé pour un malade, sans qu’il soit besoin de changement ; certains sont toutefois rigoureux et exigent, a priori, un changement (Michna Beroura 328, 58). Selon certains auteurs, l’interdit d’utiliser des médicaments s’applique également au malade ordinaire, de crainte que l’on n’en vienne à moudre (cf. Béour Halakha 328, 37 ד »ה וכן) ; mais en pratique, les décisionnaires enseignent généralement que le décret interdisant les médicaments ne s’applique qu’à celui qui souffre dans une partie seulement de son corps, et aux personnes souffrant d’une indisposition (Beit Yossef et Rama 328, 37).

03. Affections frappant seulement une partie du corps ; indispositions

Une personne qui va et vient comme un bien portant, et qui n’est malade que dans une partie de son corps, ou qui souffre d’une certaine indisposition, est considérée comme une personne ordinaire, qui doit prendre soin d’observer tous les interdits de Chabbat, y compris les interdits rabbiniques. Car lorsque les sages ont permis de passer outre à leurs propres interdits (comme nous l’avons vu au paragraphe précédent), ce n’est que pour un malade ordinaire ; ils n’ont pas, en revanche, levé leurs interdits pour celui qui souffre d’une affection légère, ou d’indisposition. Par conséquent, si la lumière le dérange, il est interdit de demander à un non-Juif de l’éteindre. S’il a besoin de lumière, de chauffage ou du climatiseur, il est interdit de demander à un non-Juif de l’allumer. Il est même interdit de demander à un non-Juif d’accomplir ces actes en y apportant un changement, sur le mode de chevout de-chevout, car tous les interdits rabbiniques s’appliquent à un tel malade (Choul’han ‘Aroukh 328, 1).

Tout cela n’est dit que lorsqu’il s’agit d’une personne partiellement malade, ou que son indisposition ne fait que déranger, causer du désagrément ; mais si la maladie ou l’indisposition entraîne de la douleur, il sera permis d’atténuer celle-ci par des actes relevant de chevout de-chevout. Si la personne qui souffre ainsi a grand besoin qu’on lui allume la lumière, le chauffage ou le climatiseur, il sera permis de demander à un non-Juif de le faire, en produisant un changement, par exemple avec l’avant-bras. En revanche, il sera interdit à un Juif d’allumer, même avec un changement, car il s’agirait d’un interdit rabbinique simple (chevout), interdit qui se maintient même en cas de douleur (Choul’han ‘Aroukh 307, 5 ; 328, 25 ; cf. ci-dessus, chap. 9 § 11-12, et Har’havot).

Si la majorité d’un ongle s’est cassé, et que cela soit un objet de tracas, on considèrera cela comme une indisposition : il sera interdit d’ôter cet ongle, même sur le mode de chevout de-chevout. Mais si l’ongle majoritairement cassé cause de la douleur, il sera permis de le détacher de manière inhabituelle, c’est-à-dire de la main ou des dents. En effet, puisque l’ongle est détaché majoritairement, il est considéré comme arraché, et l’interdit de le détacher n’est que rabbinique ; or, en cas de douleur, les sages ont permis d’ôter l’ongle en changeant la manière habituelle (Chabbat 94b, Choul’han ‘Aroukh 328, 31 ; cf. ci-dessus, chap. 14 § 2). Si l’ongle n’est pas arraché dans sa majorité, et que cela fasse mal, il sera permis de demander à un non-Juif de l’ôter de manière inhabituelle, car là encore, l’interdit n’a rang que de chevout de-chevout.

De même, quand on a une écharde plantée dans la chair, s’il est certain que du sang s’écoulera lorsqu’on l’en sortira, il sera interdit de l’extraire, dès lors que la présence de cette épine n’engendre que du désagrément. Mais si cela engendre de la douleur, il sera permis de l’extraire, car l’interdit de faire saigner de cette manière n’a rang que de chevout de-chevout. En effet : a) l’intention n’est pas ici de faire saigner ; b) on ne fait saigner que de manière indirecte, à l’occasion de l’extraction de l’écharde (cf. Michna Beroura 328, 88 ; ci-dessus, chap. 9, note 3, et chap. 14 § 2).

04. Le décret interdisant les médicaments ; broyage de plantes

Nos sages ont décrété que ceux qui souffrent d’une indisposition ou d’une petite maladie ne doivent pas du tout s’occuper de médication ; c’est-à-dire ne point manger ni boire de médicaments, ne point enduire son corps de produits curatifs, ni ne faire d’actes à visée thérapeutique. En effet, les sages ont craint que, occupé que l’on serait à faire disparaître l’indisposition, on n’en vienne à broyer des plantes (pour les réduire en poudre) afin de préparer un remède, transgressant ainsi l’interdit toranique de moudre (to’hen) (Chabbat 54b, Rachi ad loc.).

Par conséquent, nos sages ont interdit à ceux qui souffrent d’indisposition oculaire d’asperger leur œil de vin ou de quelque autre remède (Choul’han ‘Aroukh 328, 20). De même ont-ils interdit de mettre une pommade ou crème curative sur une plaie afin de la soigner (Choul’han ‘Aroukh 328, 22). Ils ont également interdit, quand on a mal à la gorge, de se gargariser avec de l’huile à titre thérapeutique. Il est de même interdit, si l’on a mal aux dents, de se rincer les dents et les gencives au vinaigre, à l’eau salée ou avec une lotion alcoolisée, comme on le fait d’un remède. En revanche, il est permis de boire une boisson alcoolisée, et par cela d’apaiser sa douleur, à condition de ne pas laisser la boisson dans la bouche plus de temps que ce qui est habituel quand on boit (Choul’han ‘Aroukh 328, 32).

Si l’indisposition engendre de la souffrance, il sera permis de demander à un non-Juif d’asperger l’œil de vin, ou d’appliquer l’alcool à la dent douloureuse, car de cette façon l’interdit a rang de chevout de-chevout, or les sages lèvent cet interdit en cas de souffrance (Choul’han ‘Aroukh 307, 5 ; 328 , 25 ; cf. ci-dessus, chap. 9 § 11-12, et Har’havot. Selon le Radbaz et le Maharam Benet, il est permis à un Juif, en cas de souffrance, de prendre des médicaments de lui-même ; cf. note 3).

Dans le cadre de ce décret visant les médicaments, il est interdit de consommer un aliment que seuls les malades mangent, ou une boisson que seuls les malades boivent. En revanche, pour les aliments ou boissons que les bien portants, eux aussi, mangent ou boivent, il sera permis de les manger ou de les boire à la manière des personnes bien portantes, même quand le but est de soigner l’indisposition (Chabbat 109b, Choul’han ‘Aroukh 328, 37). Par conséquent, il est interdit de sucer des bonbons destinés au traitement des maux de gorge, mais il est permis à ceux qui ont mal à la gorge de sucer des bonbons que les gens ordinaires ont l’habitude de consommer en toute occasion (Chemirat Chabbat Kehilkhata 34, 4). De même, il est interdit de boire de l’eau trempée de graines de lin pour soulager la constipation, mais il est permis de boire à cette fin du jus de prune, car les personnes bien portantes elles-mêmes en boivent parfois.

Pareillement, il est permis à ceux qui souffrent d’indisposition d’accomplir des actes que les personnes bien portantes ont aussi l’usage d’accomplir, même quand l’intention est cette fois de soulager son indisposition. Par exemple, il est permis, en cas de gêne cutanée, d’appliquer sur son corps une huile que des personnes bien portantes, elles aussi, ont l’usage de s’appliquer sur le corps (Choul’han ‘Aroukh 327, 1). Il est également permis de se mettre de l’huile sur les mains ou sur les lèvres car, de nos jours, on a coutume de s’oindre les mains et les lèvres même quand celles-ci ne sont pas gercées, afin de les adoucir et de les amollir.

Si l’on a un médicament propre à soulager son indisposition, on est autorisé à le mélanger à une boisson, la veille de Chabbat, de manière que l’on ne puisse discerner qu’il y a été mêlé un médicament ; le Chabbat, on pourra consommer cette boisson (Rav Chelomo Zalman Auerbach, Chemirat Chabbat Kehilkhata 34, 5).

05. Les médicaments, de nos jours

Selon certains, dans tous les cas de douleur ou d’indisposition, il est permis, de nos jours, de prendre pendant Chabbat des médicaments qui ont été fabriqués industriellement, car il n’est pas à craindre que l’on n’en vienne à piler des plantes pour fabriquer un médicament de ce type. Mais la majorité des décisionnaires estiment que, aujourd’hui encore, il reste interdit à ceux qui ne sont que peu malades, ou à ceux qui souffrent d’indisposition, de prendre des médicaments le Chabbat, et il y a à cela deux raisons. La première est que, de l’avis de beaucoup, un décret pris par les sages ne peut être annulé sans que cela soit décidé par un tribunal rabbinique (beit-din) plus important et plus grand que celui qui décréta l’interdit. La deuxième raison est qu’il y a toujours des gens qui préparent des médicaments maison, si bien que la cause du décret n’a pas entièrement disparu.

En pratique, tant que l’indisposition ne fait que déranger, sans causer de douleur, il est juste d’être rigoureux et de s’abstenir de médicaments, même fabriqués industriellement. Mais lorsque l’indisposition cause de la douleur, on peut en prendre. Cela, parce que, selon certains décisionnaires, les sages n’ont pas interdit la prise de médicaments en cas de douleur ; et bien que, selon d’autres avis, nombreux, l’interdit rabbinique s’applique également en cas de douleur, il est juste d’être indulgent quand les médicaments sont les produits de l’industrie, et qu’il n’est pas à craindre qu’un particulier essaie de s’en préparer par lui-même. Il faut ajouter que, lorsqu’il est possible d’être indulgent en s’en tenant à la stricte obligation, il convient d’être indulgent, en vertu de la mitsva de faire du Chabbat un objet de délice.

Par conséquent, lorsqu’on est dérangé par une indisposition auriculaire ou oculaire, on ne prendra pas de gouttes pour la traiter. Mais si l’indisposition fait souffrir, on pourra prendre des gouttes. De même pour un rhume : quand celui-ci dérange seulement, on ne prendre pas de gouttes pour le nez, mais si ce rhume est source de douleur, on en prendra. Dans le même sens, si l’on est affligé d’insomnie, il est permis de prendre un somnifère, car on souffrirait sans cela. On peut indiquer, peut-être, le critère suivant : si la personne souffrante est dans un état tel que, selon elle, il conviendrait, en semaine, de se donner la peine de marcher un kilomètre pour lui apporter un médicament, c’est le signe qu’elle souffre véritablement, et il lui sera permis de prendre un médicament fabriqué industriellement. Par contre, si elle estime qu’il ne serait pas nécessaire de se donner une telle peine, c’est le signe qu’il s’agit seulement d’une indisposition, et il faudra s’abstenir de prendre des médicaments[3].

Tout ce que nous disons là concerne le cas des personnes qui n’ont pas l’habitude de prendre des médicaments de façon habituelle ; mais celui qui a une telle habitude, et qui a soin d’avoir chez soi divers médicaments contre les maux de têtes ou autres affections de cet ordre, est autorisé à prendre des médicaments fabriqués industriellement, même en cas d’indisposition (cf. les explications présentées au prochain paragraphe et en note).


[3]. Le Qtsot Hachoul’han (134, Badé Hachoul’han 7) rapporte le motif d’indulgence d’après lequel on n’a plus l’usage, de nos jours, de préparer des médicaments chez soi ; mais pour les deux raisons que nous avons citées, l’auteur tend à être rigoureux. Selon le Tsits Eliézer VIII 15, 15, cette question dépend de la raison d’être du décret des sages portant sur les médicaments : si ce que l’on craint est d’en venir à piler des plantes afin de fabriquer un tel médicament, il y a lieu d’être indulgent ; mais s’il s’agit d’un décret général, pris de crainte que, tout en s’occupant de médication, on n’en vienne à transgresser différentes défenses, alors l’interdit se maintient, même de nos jours. En conclusion de sa réponse, l’auteur tend finalement à l’indulgence. Le Che’arim Hametsouyanim Bahalakha 91, alinéa 2, tend, lui aussi à l’indulgence.

 

Cependant, de nombreux décisionnaires interdisent cela, parmi lesquels : Chemirat Chabbat Kehilkhata 34, 3, Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 53, Halikhot ‘Olam IV (Tetsavé 19), Or lé-Tsion II 36, 9. Toutefois, en cas de grande souffrance, le Halikhot ‘Olam (ibid.) est indulgent, même si la personne souffrante ne s’est tout de même pas alitée. Le Chemirat Chabbat Kehilkhata 34, 3 est rigoureux, qui écrit en note 7, au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach, que le décret pesant sur les médicaments vise précisément les cas de douleur, « car c’est dans de tels cas qu’il est à craindre qu’on n’en vienne à piler des médicaments ». Néanmoins, le Chemirat Chabbat Kehilkhata, au chap. 33, 16, autorise la prise de somnifères en cas de grande souffrance. D’autres décisionnaires autorisent tout médicament, dès lors que l’on est en présence d’une douleur, même ordinaire ; c’est l’opinion du Maharam Benet. En effet, il est arrivé aux sages de permettre, en cas de douleur, d’accomplir même un acte ressemblant à une mélakha dont la nécessité ne réside pas en elle-même (mélakha ché-eina tsrikha légoufa) (Choul’han ‘Aroukh 328, 28 ; cf. ci-dessus, chap. 14 § 2) ; à plus forte raison auraient-ils permis la prise de médicaments. C’est la position du Min’hat Chabbat 91, 1, du Che’arim Hametsouyanim Bahalakha 91, 3 ; c’est aussi la position que tenait, avant eux, le Radbaz (III 640), selon lequel l’interdit de prendre des médicaments est même plus léger que celui de chevout de-chevout, de sorte que l’on est indulgent dans tous les cas de souffrance.

 

Nous sommes donc en présence de deux controverses : a) celle qui concerne les médicaments fabriqués industriellement ; b) la question de savoir si le décret frappant les médicaments s’applique à une personne qui souffre. Certes, dans l’une et l’autre de ces controverses, la majorité des décisionnaires sont rigoureux ; toutefois, puisqu’il s’agit de controverses portant sur une règle rabbinique, on a sur qui s’appuyer si l’on est indulgent. Et lorsque l’on peut être indulgent de deux points de vue, c’est-à-dire lorsqu’on est en présence de douleurs et de médicaments fabriqués industriellement, il s’agit d’un double cas de doute (sfeq sfeqa), qui touche également à la question du délice sabbatique (‘oneg Chabbat) ; on peut donc être indulgent a priori. (Il faut ajouter que, lorsque le médicament a seulement pour effet d’atténuer la douleur, et non de soigner, certains décisionnaires pensent que l’interdit des médicaments ne s’applique pas ; cf. Tsits Eliézer ibid. chiffre 21, ainsi que XIV 50 ; Yalqout Yossef 328, 52).

06. Quand des médicaments doivent être administrés de manière continue

Si l’on a commencé, avant Chabbat, à prendre un médicament que l’on doit s’administrer sans interruption un certain nombre de jours, de sorte que, si l’on s’abstenait de le prendre le Chabbat, on porterait atteinte à son influence, on sera autorisé à poursuivre le traitement pendant Chabbat. En effet, certains décisionnaires estiment que le décret des sages ne s’applique en rien aux médicaments que l’on a commencé de prendre avant Chabbat (Rabbi Chelomo Kluger). Quand il s’agit de médicaments fabriqués industriellement, on peut a priori s’appuyer sur leur opinion, et prendre le traitement, en dehors même des cas de douleurs.

De même, une femme qui prend une pilule anticonceptionnelle, ou une pilule pour faciliter la conception, peut continuer de la prendre le Chabbat.

Si l’on a l’habitude de prendre des vitamines tous les jours pour renforcer sa santé, ou des comprimés amincissants, on est autorisé à continuer de les prendre le Chabbat[4].


[4]. Certains décisionnaires autorisent à toute personne ayant commencé un traitement médicamenteux avant Chabbat de le poursuivre pendant Chabbat, car le décret des sages, selon eux, ne vise pas un tel cas. En effet, dès lors que l’on a commencé le traitement le vendredi, on préparera tout ce qui est nécessaire au Chabbat, et il n’est donc pas à craindre d’en venir à piler des plantes (R. Chelomo Kluger, Séfer Ha’haïm 328, 25). D’autres ne l’autorisent que lorsqu’on doit prendre le traitement sept jours d’affilée au moins, et qu’il serait préjudiciable de l’arrêter un jour (R. Chelomo Zalman Auerbach). Cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 34, note 77, Or’hot Chabbat 20, 124. Même si les médicaments n’étaient pas de fabrication industrielle, l’indulgence serait possible, puisque la controverse porte sur une norme rabbinique. À plus forte raison est-elle possible quand les médicaments sont les produits de l’industrie. À notre humble avis, même ceux qui ont l’habitude de prendre assez souvent des comprimés, tels que de l’aspirine ou autres choses de ce genre, sont autorisés à en prendre, même en cas de simple indisposition. En effet, ces médicaments sont toujours prêts, chez eux, la veille de Chabbat.

 

Selon le Choul’han ‘Aroukh 328, 37, il est permis à une personne bien portante d’ingérer un aliment que seuls les malades consomment pour leur guérison. Certains auteurs veulent inférer de cela qu’il est permis à une personne en bonne santé de prendre des vitamines ou des comprimés amincissants. Selon le Maguen Avraham et le Michna Beroura 120, si c’est pour renforcer sa santé que l’on prend des produits fabriqués pour les besoins de malades, c’est interdit. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 54 tient compte de leurs propos dans le cas d’une personne faible, mais permet à une personne bien portante de prendre de tels comprimés dans le but de ne pas tomber malade. C’est aussi ce qu’écrit le Halikhot ‘Olam IV (Tetsavé 41). Il semble qu’un malade qui souhaiterait être indulgent en la matière peut s’appuyer sur le Tsits Eliézer, qui permet cela en raison du fait que, de nos jours, on ne fabrique plus soi-même de médicaments. À plus forte raison lorsque l’on prend ces comprimés tous les jours, comme expliqué plus haut.

08. Pommade et compresse

Même quand il est permis d’utiliser des médicaments, il reste interdit d’appliquer de la pommade (ou de la crème) sur un bandage ou sur une plaie ; quiconque applique de la pommade et l’étale transgresse l’interdit toranique d’enduire (memaréa’h), travail dérivé de la mélakha de racler (mema’heq) (Chabbat 75b ; cf. ci-dessus, chap. 18 § 6). Même s’il ne s’agit que de poser la pommade sur le corps ou sur le bandage, sans l’étaler, cela demeure interdit, de crainte que l’on n’en vienne à étaler la crème. Même si l’on a préparé le bandage la veille de Chabbat, il reste interdit de le placer sur la plaie pendant Chabbat, de crainte que l’on n’en vienne à enfreindre l’interdit d’enduire (Choul’han ‘Aroukh 328, 25).

Toutefois, en cas de douleur, ou pour éviter la douleur, nos sages ont permis de poser de la pommade sur une plaie ou sur un bandage ; simplement, il faut avoir grand soin de ne pas étaler la pommade. Si celle-ci est en tube, il faut la déposer, depuis le tube, directement sur la plaie. Si elle est dans un flacon, on peut l’en sortir et la déposer à l’aide d’un bâtonnet ou d’une cuiller ; le principal est de ne point l’étaler. Il est vrai que, lorsque le bandage sera placée sur la plaie, la pommade s’étendra sur les côtés ; mais tant que l’on n’a pas l’intention de l’étaler, cela n’est pas interdit (Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 14 ; ci-dessus § 5).

Il est de même permis, en cas de souffrance, de déposer la crème curative sur la peau, puis de frotter jusqu’à ce que toute la crème soit absorbée, car, tant que l’on veut que toute la crème soit absorbée par la peau, on ne transgresse pas l’interdit d’enduire. En revanche, il est interdit toraniquement d’étaler la crème ou la pommade sur le corps, quand on veut qu’une partie du produit reste à la surface de la peau afin de le lisser (Da’at Torah 328, 26, Rav Chelomo Zalman Auerbach cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, note 64 ; d’après Maguen Avraham 316, 24, Michna Beroura 49. Cf. ci-dessus chap. 14 § 5 et Har’havot).

Si quelqu’un souffre d’une grande douleur, qui affaiblit tout le corps, il est considéré comme malade ; il est donc permis de lui faire une compresse. À cette fin, on peut utiliser des petites serviettes qui ont été mouillées avant Chabbat ; en cas de nécessité pressante, on pourra mouiller une serviette, à condition qu’elle soit entièrement propre (cf. ci-dessus, chap. 14 § 4, note 2). En tout état de cause, il faut prendre grand soin de ne pas presser la compresse, que ce soit pour que le liquide qu’elle contient se répande sur l’endroit douloureux, ou pour la nettoyer après usage (Chemirat Chabbat Kehilkhata 33, 19 ; cf. Har’havot sur le présent paragraphe, et ci-dessus, chap. 12 § 8 et 10).

09. Pansement, bandage et soin des blessures

Il est permis d’appliquer un pansement sur le corps, pour protéger une plaie ou un endroit sensible, afin que l’endroit ne frotte pas le vêtement ni quelque autre objet. Cette permission vaut également quand il n’est question que d’une indisposition, puisque le pansement n’a pas d’effet curatif, mais se borne à protéger (Choul’han ‘Aroukh 328, 23).

Bien qu’il soit interdit de coller un pansement sur du papier, ou sur un autre support de ce genre – au titre de la mélakha de coudre (tofer) –, il n’y a pas d’interdit à le coller sur le corps humain, car le fait de coudre ne s’applique pas au corps humain ; de plus, ce collage n’est destiné à rester que peu de temps.

A priori, il faut s’efforcer de ne pas coller les bords du pansement l’un sur l’autre ; de même, on veillera à ne pas coller le pansement sur le bandage afin de le serrer étroitement au corps. En effet, certains auteurs estiment que la chose est interdite par les sages : ce serait coller une chose à une autre, ce qui ressemble au fait de coudre. En cas de besoin, on pourra être indulgent, et s’appuyer sur les décisionnaires selon lesquels, puisqu’il s’agit d’un collage temporaire, qui n’est destiné à se maintenir que peu de temps, cela n’est pas interdit, de même qu’il n’est pas interdit de faire un nœud temporaire, destiné à se maintenir peu de temps[5].

Il est interdit de couper un bandage ou un pansement ; quiconque le ferait transgresserait l’interdit toranique de découper (me’hatekh) (Michna Beroura 322, 18 ; cf. ci-dessus, chap. 15 § 10). Si le bandage ou le pansement est trop long, il faut l’enrouler plusieurs fois sur lui-même, pourvu que l’on ne le coupe pas. Il est bon, si l’on sait que l’on a parfois besoin de bander des plaies le Chabbat, de se préparer des pansements et des bandages de la longueur voulue, le vendredi. De même, il est bon de se préparer les moyens de les fermer, par exemple par le biais d’un bandage tubulaire[b] ou d’épingles de sûreté ; nous avons vu en effet qu’il est préférable a priori de ne pas fixer le bandage par le biais d’un pansement.

Il est permis de recoller une coupure au moyen d’un pansement découpé, préparé à cette fin (de type « papillon ») car, selon certains auteurs, l’interdit de coudre ne s’applique pas au corps, et, selon d’autres, il ne s’agit même pas d’un fait de couture, mais seulement de la réunion des deux côtés de la coupure, de manière que la blessure se referme ensuite d’elle-même (Chemirat Chabbat Kehilkhata 35, 25 ; cf. Har’havot 27, 2, 4).

Il est permis d’arrêter une hémorragie sanguine en serrant un bandage (que l’on attache par un nœud qui soit autorisé), ainsi qu’en mettant une poudre cicatrisante, car ce n’est pas là un acte médical, mais une simple manière de faire cesser une hémorragie (cf. Choul’han ‘Aroukh 328, 29). De même, il est permis de mettre de l’iode sur la plaie pour prévenir l’infection (Chemirat Chabbat Kehilkhata 35, 13)[6].

Il est permis de nettoyer du sang, au moyen d’un bandage ou de papier absorbant, bien que le tissu ou le papier se colore ainsi en rouge. De même, il est permis d’appliquer un bandage en un endroit où il y a de la teinture d’iode, bien que la couleur de celle-ci se transmette au bandage. En effet, cette coloration se fait par une salissure ; de plus, le bandage et le papier, comme le corps, ne sont pas destinés à être colorés (Choul’han ‘Aroukh Harav 302, Qountras A’haron ; Michna Beroura 303, 79 ; 320, 58 ; cf. ci-dessus, chap. 18 § 5).

Quand le pansement dérange, il est permis de l’ôter du corps. A priori, il faut s’efforcer, ce faisant, de ne pas arracher de poils, en raison de l’interdit de tondre (gozez). Mais faute de choix, il est permis de l’enlever, même quand il est certain que des poils seront arrachés, car on ne vise pas ce but, et cet arrachage se fait incidemment (Chemirat Chabbat Kehilkhata 35, 30).


[5]. Nous avons vu au chapitre 13 § 9 que, selon Rabbénou Yoël, le Raavia, le Rachbam et d’autres, le statut de la mélakha de coudre (tofer) est comparable à celui de la mélakha de nouer (qocher). Dès lors, il n’y a pas d’interdit de coudre pour une durée brève, inférieure à une semaine. Mais pour Rabbénou Pérets et le Mordekhi, coudre n’a pas même statut que nouer, et il est rabbiniquement interdit de coudre pour une brève durée. En cas de nécessité, on pourra s’appuyer sur les opinions indulgentes (cf. chap. 13). C’est l’avis du Tsits Eliézer (VIII 15, conclusion du chapitre 14, 14-15). Le Rav Chelomo Zalman Auerbach, cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 35, note 67, ajoute que, même lorsqu’on jette ensuite le bandage sans en séparer le pansement, de sorte qu’ils restent attachés longtemps l’un à l’autre, ce collage ne doit pas être considéré comme permanent, puisque cet assemblage ne répond plus à aucune nécessité. Ci-dessus, chap. 13, note 9, nous avons vu qu’il n’est pas interdit d’ôter l’enveloppe qui recouvre la bande auto-adhésive d’une couche ; la règle est la même pour un pansement.

 

[b]. Bandage ou filet élastique, qui se fixe sans agrafe ni ruban adhésif.

[6]. Le Or’hot Chabbat 20, note 250 s’étonne de ce que le Chemirat Chabbat Kehilkhata permette la poudre cicatrisante : n’est-ce pas un acte médical ? Or la logique sous-tendant la décision du Rav Chelomo Zalman Auerbach à cet égard est que la poudre cicatrisante et la teinture d’iode ne sont pas destinées à provoquer la guérison, mais seulement à faire cesser l’hémorragie et à empêcher l’infection. En tout état de cause, même si ces produits étaient curatifs, il serait permis de les utiliser en cas de douleur, comme nous l’avons vu au paragraphe 5 et en note 3.

10. Ouverture d’emballages de médicaments

Lorsqu’il est permis d’utiliser un médicament et que celui-ci se trouve à l’intérieur d’un emballage fermé, qu’il soit de plastique, de papier ou de carton, il est permis de déchirer l’emballage pour en extraire le médicament. Les personnes rigoureuses déchirent le carton de manière que celui-ci ne puisse plus resservir à la conservation des médicaments qui s’y trouvaient (cf. ci-dessus, chap. 15 § 12). Il est bon d’avoir soin de ne pas déchirer les lettres qui sont sur l’emballage. A posteriori, quand il est impossible d’ouvrir l’emballage dans déchirer de lettres, il est permis de les déchirer, puisque l’intention n’est pas d’effacer les lettres, et que celles-ci s’effacent « sur le mode de la destruction » (dérekh qilqoul, comme nous l’avons vu au chap. 18 § 3).

Lorsqu’il est permis d’utiliser des pilules, lesquelles se trouvent dans une boîte de plastique fermée, on peut ouvrir le couvercle de la boîte en défaisant l’attache provisoire de plastique, qui relie le couvercle à la boîte. Cela n’est pas considéré comme la création d’un ustensile, car la boîte et le couvercle existaient déjà : ils ont simplement été joints par l’attache de plastique (cf. ci-dessus, chap. 15 § 13-14).

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