Pniné Halakha

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02. Propagation de la coutume de la vente

Il y a environ quatre cents ans, de nombreux Juifs d’Europe ont commencé à vivre de la production et de la commercialisation de l’eau-de-vie. Cela, parce que les souverains et dignitaires des pays avaient l’usage de laisser les Juifs conduire leurs affaires, et l’on avait l’habitude de leur affermer le commerce de l’eau-de-vie, en échange du prix du fermage et de pourcentages pris sur les ventes. Cette eau-de-vie, faite à base d’orge et de blé, est considérée comme du parfait ‘hamets. Et, afin de ne point perdre un capital considérable chaque année en détruisant l’eau-de-vie avant Pessa’h, on était contraint de vendre l’eau-de-vie à un non-Juif, avant Pessa’h, puis de la lui racheter immédiatement après la fête, afin de continuer à la vendre à tout demandeur.

Au fil du temps, les grandes autorités rabbiniques s’aperçurent que, parfois, la vente se faisait d’une manière qui n’était pas conforme à la règle ; alors, de difficiles problèmes apparaissaient. En effet, si la vente du ‘hamets ne s’est pas produite de façon conforme, le ‘hamets reste dans le domaine du Juif et, à tout moment, celui-ci enfreint les interdits toraniques de bal yéraé (« il n’en sera pas vu ») et de bal yimatsé (« il ne s’en trouvera pas ») ; même après Pessa’h, il sera interdit de tirer profit d’un tel ‘hamets, et il faudra le détruire entièrement. Les rabbins ont donc pris l’usage de conduire eux-mêmes la vente du ‘hamets, afin qu’il soit certain que le ‘hamets sera vendu selon les règles. Et puisque la vente devint ainsi une procédure habituelle et régulière, d’autres Juifs s’y joignirent afin de préserver de la perte le ‘hamets qui était en leur domaine. C’est ainsi que la vente du ‘hamets commença à se propager de plus en plus.

Cependant, certains des grands maîtres d’Israël soutinrent, contre la vente du ‘hamets, que cette vente n’est pas véridique, qu’elle est une façon de contourner la loi, puisqu’il est certain que, après Pessa’h, le ‘hamets reviendra entre les mains du Juif. De plus, on ne paie pas de taxe à l’Etat sur cette vente, comme on le fait pour toute vente. Enfin, dans toute vente habituelle, l’acheteur paie l’ensemble du produit et l’amène dans son domaine, tandis qu’ici, le non-Juif ne paie pas le prix intégral de l’eau-de-vie, ni ne la prend en son domaine[1].

Toutefois, la presque totalité des décisionnaires estiment qu’il faut se fier à la vente du ‘hamets, parce que celle-ci est valable comme toute vente, et que, en toute légalité, le non-Juif pourrait, après Pessa’h, ne pas revendre le ‘hamets au Juif, si bien que la vente est parfaite et ne contourne pas la loi. En d’autres termes, la vente n’est pas fictive, mais conforme au droit dans toutes ses formes. Néanmoins, pour que la vente ne paraisse pas être une feinte, on a l’usage d’être méticuleux jusqu’au dernier détail. Et puisqu’il y a des opinions différentes quant à la manière dont un non-Juif peut, conformément à la halakha, acquérir un bien d’un Juif, on a soin de réaliser la vente dans toutes les formes d’acquisition existantes, afin qu’il soit certain que, suivant toutes les opinions, la vente est valable. De plus, on veille à ce qu’elle soit également valable suivant les lois du pays (cf. Michna Beroura 448, 17 et 19 ; Béour Halakha).

En ce qui concerne le paiement, on écrit un contrat de vente mentionnant la valeur réelle du ‘hamets, et le non-Juif paie un acompte, comme on en a l’usage chez les commerçants, tandis que le reste de la somme lui est imputé comme dette ; cette dette n’empêche pas l’acquisition pleine et entière du ‘hamets par le non-Juif. Après Pessa’h, le non-Juif sera autorisé à décider : s’il veut continuer de détenir ce ‘hamets, il paiera le reste du prix ; et s’il veut revendre le ‘hamets au Juif, celui-ci reversera au non-Juif l’acompte, puis, en échange du ‘hamets, le Juif renoncera à la dette que le non-Juif avait contractée à son égard avant Pessa’h. Quant au fait que l’on ne paie pas de taxe sur la vente du ‘hamets, cela s’explique parce que le souverain ou le gouvernement comprend que cette vente n’est pas faite en tant qu’activité d’affaires, mais pour des raisons religieuses, aussi renonce-t-il à l’imposer.

Afin de renforcer la vente, de la faire apparaître comme semblable aux autres ventes, dans lesquelles l’acheteur prend ce dont il fait l’acquisition et l’apporte dans son domaine, les décisionnaires ont prévu que le Juif vendrait ou lourait au non-Juif le terrain sur lequel est déposé le ‘hamets. De cette façon, celui-ci passe dans le domaine du non-Juif (Michna Beroura 448, 12). En terre d’Israël, où la halakha interdit de vendre un terrain à un non-Juif, on lui loue simplement l’endroit. Selon certains, il est préférable, même en-dehors d’Israël, de lui louer l’endroit, et non de le lui vendre[2].


[1]. Le Tévouot Chor, dans son commentaire du traité Pessa’him, émet des doutes quant à la réalité de la vente, qui relèverait du contournement de la loi. Le Baït ‘Hadach, le Elya Rabba et le Ma’hatsit Hachéqel, commentant le Choul’han ‘Aroukh 448, écrivent qu’il ne faut s’appuyer sur la vente qu’en cas de nécessité pressante, afin d’éviter une grande perte. Selon le Ma’assé Rav du Gaon de Vilna, s’agissant de pur ‘hamets, il ne faut vendre que de manière entière et définitive, sans possibilité de rachat ; après Pessa’h, le Gaon pousse la rigueur jusqu’à interdire l’achat d’un ‘hamets qui a été vendu dans le cadre d’une vente ordinaire. Tel était aussi l’usage de Rabbi Aqiba Eiger.

Cependant, au fil du temps, on a répondu à une partie des objections de ceux qui doutent de la validité de la vente, en intégrant à celle-ci de nouvelles minuties. Par exemple, pour répondre à l’objection du Bekhor Chor, qui dit que le non-Juif acquéreur du ‘hamets ne connaît généralement rien aux questions d’acquisition, on choisit de nos jours un non-Juif instruit, qui comprend que, d’un point de vue juridique, la vente est valable. De même, certains auteurs arguent de ce que la vente du ‘hamets se fait pour une somme symbolique, comme l’écrit le Choul’han ‘Aroukh 448, 3 ; or, disent-ils, dans ces conditions le vendeur ne peut avoir l’intention de vendre réellement sa marchandise pour une telle somme. On répond à cela que, pour échapper à l’interdit du ‘hamets, le Juif est d’accord pour vendre sa marchandise, même à bas prix, comme le note le ‘Hoq Ya’aqov. De nos jours, on a coutume de vendre à plein tarif, comme l’expliquent le Michna Beroura 448, 19 et le Béour Halakha ; dès lors, la validité de la vente n’est plus douteuse.

[2]. On ne saurait citer tous les décisionnaires qui permettent la vente, car ils sont nombreux. Nous mentionnerons seulement certains d’entre eux : le Noda’ Biyehouda 141, 8, le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 62 et 113, ‘Oneg Yom Tov 28 ; le Sdé ‘Hémed VIII 9 répond longuement aux objections soulevées contre la vente ; cf. encore Hamo’adim Bahalakha du Rav Zevin, au chapitre consacré à la vente du ‘hamets et à son histoire. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm II 91 estime que la vente est valable, même quand le vendeur n’est pas pratiquant. Le Michna Beroura 448, 12 s’exprime sur la nécessité a priori de vendre le lieu où est stocké le ‘hamets. Certains estiment préférable de le donner à bail, car de nombreuses personnes sont locataires, de sorte qu’il leur est impossible de vendre un bien dont ils ne sont pas propriétaires. De plus, selon le Avné Nézer ad loc., on a coutume de louer, car ainsi la procédure a moins l’allure d’un contournement de la loi, puisqu’il est évident que l’on ne souhaite pas vendre sa maison.

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