Pniné Halakha

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06. La paracha Zakhor

Nos sages ont décidé que la mitsva toranique consistant à se souvenir des méfaits d’Amaleq, et de ne point les oublier, s’accomplirait par le biais de la lecture de la paracha Zakhor, une fois par an. En nous en souvenant une fois par an, on accomplit la mitsva de la Torah, car c’est seulement dans le cas où une année entière passe sans que l’on se soit souvenu d’Amaleq, que le sujet est considéré comme oublié ; en revanche, en nous en souvenant une fois l’an, on accomplit ce devoir de souvenir. Les sages ont fixé la lecture de la paracha Zakhor au Chabbat qui précède Pourim, afin de juxtaposer ledit souvenir à l’effacement d’Haman, qui descendait d’Amaleq.

La Torah oblige à exprimer ce souvenir verbalement ; mais il n’est pas nécessaire que chaque personne lise elle-même la paracha Zakhor : en écoutant le lecteur de la Torah (le ba’al-qria), tous les fidèles s’acquittent de la mitsva du souvenir.

De l’avis de plusieurs auteurs, parmi les plus grands Richonim, la mitsva toranique consiste à lire la paracha Zakhor dans le rouleau de la Torah lui-même. Par conséquent, il convient de lire la paracha Zakhor dans un rouleau de belle facture, et le lecteur doit s’efforcer d’être précis, autant qu’il est possible, dans sa lecture.

A priori, il convient que chacun entende une lecture faite suivant la cantillation (des signes musicaux, les te’amim) et la prononciation habituelles à sa famille. Cependant, si l’on s’en tient à la stricte règle halakhique, les membres de toutes les communautés peuvent s’acquitter de leur obligation par le biais de toute cantillation admise parmi le peuple juif, que celle-ci soit séfarade, ashkénaze ou yéménite[6].

Si l’on se trouve en un endroit où il n’y a pas de minyan, et qu’il y ait en revanche un rouleau de la Torah, on lira la paracha Zakhor dans ce rouleau, sans minyan. S’il ne se trouve pas de rouleau de la Torah, on lira la paracha Zakhor dans son pentateuque (‘Houmach) ou son livre de prière (sidour)[7].

Les mitsvot, pour être valablement accomplies, nécessitent une intentionnalité. Aussi doit-on former l’intention, lors de la lecture de Zakhor, d’accomplir la mitsva de se souvenir des actes d’Amaleq. Il est bon que, avant la lecture, l’administrateur de la synagogue (gabaï) ou le lecteur rappelle cette nécessité[8].


[6]. Certes, il semble évident que, dans une partie de nos usages de prononciation, des confusions se soient glissées. En effet, avant l’exil d’Israël, une prononciation unique était en cours, parmi tout le peuple juif. Mais notre prononciation imprécise suffit à nous rendre quittes de notre obligation car, tant qu’elle est admise et pratiquée par une large part du peuple juif, elle est valide.

S’agissant même du commandement de la ‘halitsa [cérémonie du « déchaussage », dispensant du devoir d’exercer le lévirat], où les paroles prononcées par la femme et par l’homme conditionnent la validité de la mitsva, et où ceux-ci doivent s’exprimer en hébreu – la langue sainte –, on n’impose pas qu’ils récitent leur texte suivant toutes les prononciations : une seule suffit à donner à la femme la faculté d’épouser quelque autre homme (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 5). À plus forte raison n’y a-t-il pas d’obligation de lire la paracha Zakhor selon toutes les prononciations. C’est la position du Rav Chelomo Zalman Auerbach, rapportée dans Halikhot Chelomo 18, 1, et qu’il tire des lois des vœux (nédarim), lois selon lesquelles une parole embrouillée est considérée, elle aussi, comme une parole prenant effet.

Toutefois, nombreux sont ceux qui ont coutume d’être pointilleux à cet égard. Dans notre communauté, il est d’usage de lire d’abord la paracha Zakhor suivant la prononciation habituelle à toute l’année ; puis, après la bénédiction finale seulement, ceux qui veulent lire ce passage suivant d’autres prononciations viennent faire leur lecture. Simplement, par le fait même que ces lectures additionnelles sont données après la bénédiction, on montre que l’on est déjà quitte de son obligation par la lecture usuelle faite d’abord.

[7]. La mitsva du souvenir doit s’accomplir verbalement. Les sages enseignent en effet que l’injonction de ne pas oublier ce que nous fit Amaleq (Dt 25, 19) comprend déjà l’obligation de se rappeler cette question en son for intérieur, de sorte que, lorsqu’il nous est enjoint de nous souvenir (ibid., verset 17), le propos est de mentionner verbalement l’objet de notre souvenir (Méguila 18a).

Les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir ce à quoi, du point de vue de la Torah, la mitsva nous oblige. Des propos de Maïmonide et de Na’hmanide, il ressort que le fait de lire ce passage dans le rouleau de la Torah est une directive rabbinique (taqana), tandis que, du point de vue toranique, on pourrait accomplir la mitsva en lisant dans un pentateuque, ou par quelque autre mention de ce passage (Mar’héchet 1, 22 d’après Na’hmanide, fin de la lection Ki tetsé, où il est dit que la lecture du rouleau d’Esther à Pourim est, elle aussi, une manière d’accomplir la mitsva du souvenir d’Amaleq). Cependant, pour Tossephot, le Rachba sur Berakhot 13a, le Roch et le Echkol, c’est une obligation toranique que d’écouter la paracha lue dans un rouleau de la Torah. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 146, 2 (cf. Miqraé Qodech du Rav Franck, Pourim 5, Torat Hamo’adim 2, 6). Aussi fait-on venir un rouleau de la Torah auprès du malade ou du prisonnier en son lieu de réclusion, afin de lui lire la paracha Zakhor, ce que l’on ne fait pas pour les autres lectures de l’année (Michna Beroura 135, 46 ; cf. Béour Halakha ad loc.).

Si, après la lecture, on s’aperçoit que le rouleau où l’on a lu Zakhor n’était pas valide, il n’est pas nécessaire de relire dans un autre rouleau (Halikhot Chelomo 18, 4). En effet, de l’avis de nombreux décisionnaires, on s’acquitterait, même sans rouleau, de son obligation ; d’autres encore estiment qu’il faut un rouleau, mais que l’on s’acquitte aussi par un rouleau non valide. Il nous semble toutefois que, dans le cas où c’est ce Chabbat même que l’erreur est trouvée, on relira Zakhor, puisque la directive des sages consiste à lire ce passage ce Chabbat-là (cf. Peri Mégadim, Michbetsot Zahav 143, 1, Torat Hamo’adim p. 36).

Le Teroumat Hadéchen 108 conclut des propos du Roch que la mitsva de se souvenir doit, selon la Torah, s’accomplir à partir d’un rouleau de la Torah, en une lecture faite en présence de dix hommes. Selon plusieurs A’haronim, la raison en est que le souvenir doit mener à la guerre, or la guerre incombe à la collectivité. Aussi faut-il lire cette paracha en public (Qéren Ora, Maharam Shik).

Il semble cependant que, de l’avis même du Teroumat Hadéchen, il y ait une mitsva de lire ce passage individuellement, quand on n’est pas en communauté.  Le Cha’ar Hatsioun 685, 5 s’étonne de cette position, et pense que, aux yeux des autres Richonim, la lecture publique soit d’institution rabbinique seulement (cf. Torat Hamo’adim 2, 9).

En pratique, si l’on se trouve en un lieu où le minyan n’est pas constitué, on lira individuellement, dans le rouleau de la Torah. Si l’on n’a pas de rouleau, on lira dans son ‘houmach. Nous l’avons vu en effet, certains décisionnaires estiment que, aux yeux de la Torah, on s’acquitte de la mitsva même sans rouleau (cf. responsa Binyan Chelomo 54, Kaf Ha’haïm 685, 35).

Selon le Maguen Avraham, si l’on n’a pas entendu la paracha Zakhor pendant le Chabbat, on pourra s’acquitter de son obligation, a posteriori, en écoutant la lecture de Pourim : Vayavo Amaleq (Ex 17, 8-16). Le Michna Beroura 685, 16 est dubitatif à cet égard, parce que ce passage mentionne seulement l’épisode de la guerre contre Amaleq, et non la mitsva de s’en souvenir et de l’effacer.

Certains auteurs conseillent à celui qui n’a pas entendu Zakhor de demander au lecteur, au moment où celui-ci lira la paracha Ki tetsé (Dt 21, 10 – 25,19) dans le cadre de la lecture hebdomadaire (paracha à la fin de laquelle se trouvent les trois versets de Zakhor), de former l’intention de l’acquitter, par cette lecture, de la mitsva du souvenir d’Amaleq. Il faut, en ce cas, que le lecteur comme l’auditeur aient l’intention d’accomplir, ce faisant, la mitsva (Miqraé Qodech du Rav Franck, Pourim 6).

Toutefois, il nous semble que, pour éviter tout oubli, la meilleure solution soit que la personne ayant manqué d’entendre Zakhor se hâte de lire ce passage, individuellement, dans un rouleau de la Torah : par cela, on s’acquittera de son obligation, de l’avis de la grande majorité des décisionnaires. Puis, si l’on s’en souvient alors, on donnera à sa pratique un supplément de perfection, en formant l’intention de s’acquitter de la mitsva du souvenir, à Pourim, pendant la lecture de la Torah qui y est faite, puis lors de la lecture de la paracha Ki tetsé.

Les A’haronim sont partagés quant au sens de la mitsva : selon le Qéren Ora, se souvenir de ce que nous fit Amaleq a pour but d’en venir à l’effacement de ce peuple ; dès lors, une fois qu’Amaleq sera anéanti, il n’y aura plus de mitsva de s’en souvenir. Selon le Mélékhet Chelomo, en revanche, il restera, même après l’effacement d’Amaleq, une mitsva de s’en souvenir, en raison des principes de foi (émouna) sous-tendus par ce commandement (cf. Encyclopédie talmudique, entrée « Zekhirat ma’assé Amaleq », notes 33-34).

[8]. Les Richonim sont partagés quant au fait de savoir si les mitsvot requièrent une intentionnalité (kavana). Le Choul’han ‘Aroukh 60, 4 tranche : elles requièrent une kavana. Toutefois, a posteriori, même quand elle n’en a pas formé l’intention expresse, toute personne qui sait que la lecture de Zakhor est destinée à l’accomplissement de la mitsva de se souvenir d’Amaleq bénéficie d’une intention « en veille », par laquelle elle est quitte de son obligation. Par contre, si l’on ne savait pas même à quel titre on lit la paracha de Zakhor, on ne serait point quitte, de l’avis des décisionnaires qui estiment que l’intention est requise (‘Hayé Adam, Michna Beroura 60, 10). Si l’on n’a pas entendu tous les mots récités par le lecteur, mais que l’on ait entendu l’essentiel de ce qui forme la thématique d’Amaleq, on est quitte (Halikhot Chelomo 18, 1).

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