Pniné Halakha

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Chapitre 16 – Mitsvot de la joie et de la bienfaisance

01. La joie et la bienfaisance

C’est une mitsva, à Pourim, que de « faire de ces jours des jours de festin, de joie, d’envoi de mets d’une personne à l’autre, et de dons aux pauvres » (Est 9, 22).

La mitsva de la joie de Pourim est très particulière, car elle se traduit également par les aspects matériels de la vie. De même que le décret funeste d’Haman visait à la fois les esprits et les corps, de même la joie que nous tirons de notre sauvetage doit se traduire spirituellement et matériellement.

Aussi, en plus de la mitsva de lire la Méguila, qui exprime le côté spirituel de l’homme, c’est une mitsva que de préparer un repas festif, pour y boire et s’y réjouir. L’accent est mis sur le fait de boire du vin, jusqu’au stade où l’on perd un certain degré de conscience ; cela, afin de donner expression au fait qu’Israël est saint, et que, même dans le cas où nous perdons une part de notre conscience, nous restons liés et attachés à l’Eternel, béni soit-Il.

La joie doit passer par un supplément d’amour et d’unité au sein du peuple juif. Telle est la joie véritable, qui reflète l’expansion de la vie et sa diffusion, par le biais de l’amour du prochain. Par contre, celui qui mangerait et boirait pour lui seul témoignerait, par son attitude, d’une personnalité restreinte, limitée, seulement préoccupée de la satisfaction de ses désirs : celui-là ne peut jamais parvenir à une joie véritable. Aussi nous est-il ordonné de faire parvenir des mets à notre prochain.

Il ne faut pas se contenter de faire régner l’amour entre camarades ; il faut encore se préoccuper des pauvres, qui n’ont pas les moyens de se réjouir. Aussi nous est-il enjoint de donner des cadeaux aux pauvres, afin qu’eux aussi partagent la joie de Pourim. Quiconque ferme les yeux sur la souffrance des pauvres, quoi qu’il lui semble être heureux en compagnie de ses amis, ne fait rien d’autre, en réalité, que de se dépraver, car il se détourne de la vie véritable. Il fuit la pensée de la souffrance en ce monde, et c’est seulement par ce biais qu’il réussit à s’égayer pour quelque temps. Mais la dure réalité ne disparaît point pendant qu’il boit du vin et se grise. Aussi, dans son for intérieur, il sait qu’il ne mérite pas d’être joyeux. Il reste donc triste. En revanche, quand on se soucie de réjouir les pauvres et les malheureux, la vie a de la valeur, et l’on peut se réjouir véritablement, et à bon droit. C’est pourquoi il nous est ordonné de donner, à Pourim, des cadeaux aux pauvres.

02. L’unité d’Israël à Pourim

Pourim est un jour particulier, propice à la révélation de l’unité du peuple juif. Le décret du méchant Haman visait tout Israël, sans distinction entre les justes et les impies, les pauvres et les riches. De cette tendance funeste, qui agite les ennemis d’Israël, on peut apprendre que le particularisme d’Israël existe au sein de chaque Juif ; et c’est pour cette raison que nos ennemis voulurent tuer tous les Juifs. Le Saint béni soit-Il nous sauva tous, et transforma, en notre faveur, la détresse en joie. Aussi la joie de Pourim doit-elle inclure tout Israël ; il nous est donc prescrit d’envoyer des mets à notre prochain et de donner des cadeaux aux pauvres.

De plus, c’est en raison de la division que connaissait le peuple juif qu’Haman put lancer contre nous son réquisitoire, comme y font allusion les paroles qu’il adressa au roi Assuérus : « Il y a un peuple dispersé, disséminé entre les peuples, dans tous les pays de ton royaume… Si tel est le bon plaisir du roi, qu’il soit ordonné par écrit de les détruire… » (Est 3, 8-9). À l’inverse, l’abolition du décret fut rendue possible par l’unification des Juifs, comme le dit Esther à Mordekhaï : « Va, rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Suse, et jeûnez à mon intention, ne mangez ni ne buvez pendant trois jours, nuit et jour » (Est 4, 16). Grâce à cela, le décret fut annulé.

L’unité est la condition de la réception de la Torah, comme il est dit au moment du don de la Torah : « Israël campa là, face à la montagne » (Ex 19, 2) ; nos sages expliquent : « [Israël campa se dit au singulier,] comme un seul homme, d’un seul cœur » (Rachi ad loc.). « [Il fallait qu’il en fût ainsi] afin que les Hébreux s’aimassent l’un l’autre et pussent recevoir la Torah » (Mékhilta ad loc.). Alors le Saint béni soit-Il dit : « Voici le moment venu pour Moi de donner la Torah à mes enfants » (Lévitique Rabba 9, 9).

De même qu’un rouleau de la Torah dont il manquerait une seule lettre serait invalide, de même, s’il avait manqué un seul des six cent mille Hébreux présents lors du don de la Torah, nous n’aurions pu mériter de la recevoir. Dans le même ordre d’idées, à Pourim, le décret funeste eut pour effet l’unification de tout Israël, grâce à quoi nous fûmes délivrés, et nous eûmes même le mérite de recevoir la Torah de nouveau. Ainsi que l’enseignent nos sages, de mémoire bénie, Israël, au temps d’Assuérus, fit téchouva (repentir) et reçut la Torah par amour (Chabbat 88a). Ainsi de chaque année : grâce à l’unité qui se révèle à Pourim, nous pouvons revenir à Dieu et recevoir la Torah dans la joie.

03. Dons aux pauvres (matanot la-evionim)

C’est une mitsva pour chaque Juif que d’offrir, à Pourim, des cadeaux aux pauvres (matanot la-evionim). Par deux cadeaux – un cadeau (matana) à chaque pauvre –, on s’acquitte de son obligation ; mais quiconque multiplie les cadeaux faits aux pauvres est digne d’éloge. Le don peut consister en argent ou en aliments ; mais on ne donnera pas de vêtements ni de livres, à Pourim, car, selon certains auteurs, les cadeaux doivent être tels qu’on en peut jouir pendant le festin de Pourim. Aussi faut-il donner de la nourriture, ou de l’argent – avec lequel on peut acheter de la nourriture. Bien que le don doive être de nature à aider au festin de Pourim, le pauvre qui l’a reçu, lui, a le droit d’en faire ce qu’il veut. Il n’est pas tenu de s’en servir précisément pour les nécessités du festin (Choul’han ‘Aroukh 694, 1, Rama 2, Michna Beroura 2).

La valeur de chaque don, s’il s’agit d’argent, doit suffire à acheter des aliments simples, qui rassasient, comme le fait un petit et simple repas ; par exemple, une part de fallafels, ou un sandwich. Si l’on donne la valeur d’un shekel, pour chaque don, on s’acquitte de son obligation, car on peut acheter, avec cette somme, un volume de pain équivalent à trois œufs (à peu près trois tranches de pain), nourriture par laquelle on peut se rassasier tout juste. Mais, comme nous l’avons dit, quiconque multiplie les cadeaux faits aux pauvres est digne d’éloge (cf. ci-après, § 8).

Il ne faut pas donner ces matanot la-evionim en prélevant sur la somme dont on doit s’acquitter au titre de la dîme d’argent (ma’asser kessafim), car on n’est pas autorisé à s’acquitter d’une obligation par le biais d’une somme d’argent que, par ailleurs, on doit donner au titre de la tsédaqa[a]. Ce qui est en revanche possible, c’est de consacrer un shekel à chacune des matanot la-evionim, et d’y ajouter de l’argent pris sur sa dîme, de manière à augmenter le cadeau.

Un evion (pauvre ayant vocation à bénéficier de matanot la-evionim) est un pauvre qui n’a pas assez d’argent pour couvrir les besoins indispensables de sa famille. Tout est relatif, à cet égard, à l’époque et au lieu. Il fut des époques où celui qui n’avait que du pain à manger et deux habits à porter était déjà considéré comme pauvre. De nos jours, celui-là même qui possède quatre habits, ainsi que du pain et du fromage, est encore considéré comme pauvre.

On peut également donner le cadeau à un enfant pauvre, à condition qu’il ait assez de jugement pour ne pas perdre cet argent. Si l’on donne la mesure de deux cadeaux à un couple pauvre, on est quitte du don des deux matanot la-evionim. De même, si l’on a donné la mesure de deux cadeaux à une veuve et à son petit enfant, qui dépend d’elle pour se sustenter, on est quitte des deux matanot la-evionim.

Par contre, si l’on donne les deux cadeaux à un seul pauvre, même si on les lui a donnés l’un après l’autre, on n’est point quitte, car il faut donner à deux pauvres[1].

Si l’on ne connaît pas de pauvres, ou si l’on est gêné de leur donner de tels cadeaux, on les donnera à un administrateur d’une caisse de tsédaqa, qui soit une personne convenable ; cet administrateur distribuera, en tant que mandataire, les cadeaux aux pauvres. Les administrateurs de caisse de tsédaqa doivent s’efforcer de distribuer les cadeaux aux pauvres de manière telle que cela augmente leur joie lors du repas de Pourim[2].


[a]. Tsédéqa : charité, ou plus littéralement justice. Donner une part de son revenu régulier aux œuvres de bienfaisance est un acte visant à l’établissement de la justice sociale.

[1]. Le Ma’haziq Berakha écrit au nom du Zéra’ Ya’aqov 11 que la valeur de chaque matana (don, cadeau) doit correspondre au prix d’un aliment d’un volume de trois œufs, car tel est le repas minimal. Mais il est bon que le don soit d’une mesure telle que son destinataire puisse acheter un repas simple, tel qu’un petit pain et du yaourt blanc aigre (leben), ou une part de fallafels ou tel autre plat semblable. Quoi qu’il en soit, on s’acquitte déjà de son obligation avec une quantité de pain d’un volume correspondant à trois œufs.

Le Michna Beroura 694, 2, citant le Ritva, écrit que même une pièce minimale (perouta) est considérée comme matana. Or la contrevaleur d’une perouta est, de nos jours, environ trois agorot [l’agora (plur. agorot) est le centième du shekel, monnaie israélienne]. Toutefois, puisqu’il s’agit d’un cas de doute portant sur une prescription des livres prophétiques, il faut être rigoureux. De plus, de nos jours, on ne peut plus rien acheter avec la contrevaleur d’une simple perouta. Peut-être le Ritva lui-même conviendrait que, de nos jours, on n’est point quitte avec l’équivalent d’une perouta. (Tel est le doute qu’exprime le Meor ‘Einayim, ‘Hochen Michpat 88, 2, quant à la question de savoir s’il est possible d’épouser une femme en lui remettant une simple perouta ; de même, le Sifté ‘Haïm, Yoré Dé’a 294, 16, exprime ces doutes quant aux fruits qui ont poussé dans la quatrième année d’un arbre – néta’ revaï – [leur sainteté peut-elle être convertie en une si petite somme ?]). Par conséquent, il faut donner une quantité d’argent par laquelle le pauvre pourra acheter quelque chose, ce qui avoisine le shekel. Cf. Kaf Ha’haïm 694, 7-12, Torat Hamo’adim 10 § 2 et § 12.

[2]. Autrefois, les administrateurs de la caisse de bienfaisance achetaient des veaux et les abattaient pour les besoins du repas de Pourim que prenaient les pauvres. Ils n’étaient pas autorisés à restreindre les dépenses nécessaires à l’achat des veaux afin de laisser de l’argent de côté pour d’autres besoins des pauvres : on préparait de la nourriture en abondance pour les besoins du repas de Pourim ; et s’il restait de l’argent, on le consacrait, après Pourim, à d’autres besoins éprouvés par les pauvres (Baba Metsia 78b, Choul’han ‘Aroukh 694, 2).

04. Envoi de mets à son prochain (michloa’h manot)

C’est une mitsva pour chacun, à Pourim, que d’envoyer à une autre personne deux mets (mana, plur. manot), afin d’accroître l’affection entre soi et son prochain. Le développement de l’amour au sein du peuple juif tient de l’essence même du jour de Pourim, en ce que, ce jour-là, se révéla la sainteté d’Israël, attaché à l’Eternel et à sa Torah ; or une étincelle de cette sainteté existe en chaque Juif. Aussi convient-il, à Pourim, d’exprimer concrètement l’amour qui relie l’homme à son prochain (cf. ci-dessus, § 2).

Les manot sont des présents alimentaires, destinés à accroître la joie de Pourim. Or il est connu que, lorsqu’on mange des mets de qualité, savoureux, préparés par autrui, l’amour se renforce entre l’homme et son prochain. Autre motif de cette mitsva : certaines personnes, sans être réellement pauvres – car elles peuvent acheter les aliments nécessaires à un repas de base –, ne peuvent acheter d’aliments de très bonne qualité pour faire un agréable repas de fête. Par l’envoi de manot, on peut leur offrir, de manière honorable, de bons mets pour le repas de Pourim.

La règle veut que, en envoyant deux mets à son prochain, on s’acquitte de son obligation. Nos sages prescrivent d’envoyer à tout le moins deux mets, afin d’exprimer ainsi son affection. En effet, par un seul met, on peut être simplement utile à son prochain, de manière qu’il ne reste pas affamé ; mais lorsqu’on lui envoie deux mets, on veut qu’il profite également de la variété des aliments. Cela est le minimum prescrit ; mais quiconque envoie de nombreux mets à autrui, afin d’ajouter à l’affection, à la fraternité, à la paix et à l’amitié entre soi-même et les autres, est digne d’éloge[3].


[3]. La raison d’être principale de la mitsva de michloa’h manot est d’attiser l’amour et la fraternité, qui sont le thème du jour. C’est ce qu’écrivent le Maharal dans Or ‘Hadach 9, 22 et Rabbi Salomon Alkabetz dans Manot Halévi. Selon le Teroumat Hadéchen 111, les mets envoyés sont destinés à servir au festin de Pourim, et à aider ceux qui manquent de nourriture.

Selon les responsa Binyan Tsion 44, il faut, a priori, envoyer les mets par l’intermédiaire d’un tiers (chalia’h, « mandataire ») [car le livre d’Esther parle de michloa’h manot : littéralement, envoi de mets, ce qui laisse entendre une médiation entre l’expéditeur et le destinataire] ; mais de nombreux décisionnaires ne formulent pas cette exigence. Cf. Torat Hamo’adim 9, 23. Le Rama 695, 4 écrit que, si l’on a envoyé les mets à son prochain, et que celui-ci n’ait pas voulu les recevoir, on est quitte. La raison en est que l’on a déjà, par cet envoi, exprimé son affection. Mais le Peri ‘Hadach et le ‘Hatam Sofer ne partagent pas cet avis. Et la majorité des décisionnaires ont tendance à être rigoureux à cet égard. Il convient de signaler que, de l’avis de certains A’haronim, il faut faire parvenir à son prochain les deux mets ensemble [dans le même panier ou envoi] (Kaf Ha’haïm 695, 36, Torat Hamo’adim 9, 11).

05. Par quels mets on accomplit la mitsva

Les deux mets (ou aliments) doivent être différents l’un de l’autre. Par exemple : du pain et de la viande ; ou de la viande et du riz ; ou du poisson et des œufs ; ou encore des gâteaux et des pommes. De même, on peut envoyer deux mets de viande ayant chacun une saveur différente. Par exemple : une portion de viande bouillie, et une autre de viande grillée ; ou deux portions de viande bouillie, mais prise dans des morceaux différents, de telle façon qu’ils diffèrent dans leur goût et leur forme. On peut aussi envoyer deux sortes de gâteau, à condition qu’ils soient différents de goût et d’aspect.

Celui qui adresse à son prochain un vêtement ou un livre, bien qu’ils réjouissent évidemment leur destinataire et expriment de l’affection, n’est pas quitte. En effet, les cadeaux envoyés doivent être alimentaires. Certes, après avoir accompli la mitsva en adressant deux mets, on peut, si l’on veut, y ajouter d’autres cadeaux afin d’accroître encore l’amour et la fraternité.

Si l’on envoie un poulet vivant à son prochain, on n’est pas quitte de son obligation, car ce poulet n’est pas consommable tel quel, puisqu’il faut d’abord l’abattre, le couper, le saler et le cuire. Même si l’on a envoyé de la viande crue, certains auteurs estiment que l’on n’est point quitte : il faut envoyer des mets prêts à la consommation. On peut envoyer une boîte de conserve, car on peut facilement l’ouvrir et manger l’aliment qu’elle contient.

Une bouteille contenant une boisson d’une certaine importance, comme le vin, la bière, ou un jus savoureux, est considérée par la majorité des décisionnaires comme un « mets » (mana) ; et l’on peut accomplir la mitsva en adressant à son prochain deux boissons. D’autres sont rigoureux, et considèrent qu’une boisson n’est pas un mets. Bien que la halakha suive l’avis de la majorité des décisionnaires, on adressera, si l’on souhaite se rendre quitte selon tous les avis, au moins un cadeau alimentaire contenant deux mets solides.

Chaque mets doit être en quantité telle que l’on puisse le présenter à un invité de manière honorable (‘Aroukh Hachoul’han 695, 15). Par contre, une prune, par exemple, n’atteint pas la quantité par laquelle on peut honorer un invité. Si l’on veut donc que l’un des mets offerts consiste en prunes, il faudra mettre ensemble plusieurs prunes pour qu’elles soient considérées comme une véritable portion.

Selon certains, chaque mets doit atteindre un volume équivalent à trois œufs (kabeitsa). D’autres ajoutent que l’importance des mets offerts doit correspondre à la table et à la personne auxquelles elles sont destinées : si celles-ci sont riches, les mets offerts doivent être importants et réjouissants dans une mesure correspondante ; si les mets offerts n’ont pas d’importance aux yeux de celui qui les reçoit, l’expéditeur n’est pas quitte de son obligation. A priori, il convient d’avoir bien soin que, en effet, chaque mets soit d’un volume minimal de trois kabeitsa, et qu’il soit important et honorable aux yeux de l’expéditeur comme du destinataire[4].


[4]. Selon le Maguen Avraham, au nom du Maharil, il faut que chaque mets soit prêt à la consommation. Aussi n’est-on pas quitte avec de la viande crue. Pour le Peri ‘Hadach, on s’acquitte avec de la viande crue. Le Michna Beroura 695, 19 rapporte les deux opinions. Quant aux autres cadeaux, non alimentaires, ils ne nous rendent à plus forte raison pas quitte, car les cadeaux doivent être de nature à ce que l’on puisse s’en réjouir en les mangeant à Pourim. Certes, pour le Halakhot Qetanot 2, 163, on s’acquitte également en adressant de l’argent ou des vêtements à son prochain, à condition que celui-ci puisse les vendre immédiatement pour acheter des aliments avec le produit de cette vente. Mais, comme nous l’avons dit, les décisionnaires, dans leur majorité, ne partagent pas cet avis. Cf. Torat Hamo’adim 9, 3, Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 4.

Bien que les mets soient destinés au festin de Pourim, et qu’il soit préférable, de prime abord, d’offrir des aliments qui conviennent audit festin, nombreux sont ceux qui ont l’usage d’offrir des gâteaux et diverses friandises, comme l’écrivent le Cheyaré Knesset Haguedola, le ‘Hida et Rabbi ‘Haïm Falagi. La raison de cet usage est que ces aliments sont réjouissants, et qu’ils se conservent longtemps. Si l’on envoyait des portions de viande, en revanche, il serait à craindre qu’elles ne soient de trop, et qu’il ne soit difficile de les conserver.

Pour la majorité des décisionnaires, une boisson est considérée comme un « mets », comme l’écrivent de nombreux auteurs, parmi lesquels : Teroumat Hadéchen 111, Touré Zahav 695, 4, Levouch, Peri ‘Hadach, Michna Beroura 19. Le ‘Aroukh Hachoul’han 14 écrit ainsi que l’on peut s’acquitter de son obligation en offrant deux boissons. Toutefois, Rabbénou Hananel estime que l’on ne s’acquitte point par de la boisson. S’agissant du pain : un auteur a tenté d’expliquer que l’on ne s’acquitte pas en offrant du pain, mais telle n’est pas l’opinion des autres décisionnaires. Cf. Torat Hamo’adim 9 § 5 et 7, Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 3.

Selon le Ben Ich ‘Haï, Tetsavé 16, il faut disposer les deux mets dans deux récipients différents. Mais la majorité des décisionnaires ne mentionnent pas cela, et l’on peut inférer de leurs propos que la seule exigence est qu’il soit bien discernable qu’il s’agit de deux mets distincts. Certes, pour ceux des décisionnaires qui estiment que l’on peut se rendre quitte par un seul mets, à condition qu’il soit dans la quantité de deux portions, on peut comprendre la nécessité de deux récipients. Le Tsits Eliézer XIV 65 écrit ainsi que la mesure d’une mana équivaut au volume de trois œufs, et que l’on peut être quitte par une seule et même catégorie d’aliment, dans la quantité de deux portions, qu’il faut alors séparer. Toutefois, selon le ‘Aroukh Hachoul’han 695, 14 et le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch, on ne s’acquitte point par un seul type d’aliment. C’est aussi l’avis du Miqraé Qodech du Rav Tsvi Pessah Frank, fin du chap. 38. Cf. Torat Hamo’adim 9 § 4 et 8, qui ajoute que, si de la viande est prise dans deux morceaux de la bête, ou cuite de deux manières différentes, on considère qu’il y a là deux mets.

Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 695, 15, on n’est pas quitte par une simple mesure de kazaït [pour les solides] ou de revi’it [pour les liquides]. Chaque mets doit être en quantité telle que l’on puisse s’en servir à sa suffisance. C’est aussi en ce sens que penche le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch. Certes, le Maharcha est indulgent, et permet d’offrir une moindre quantité. Mais de prime abord, il faut être rigoureux, et faire en sorte que les portions soient en quantité suffisante pour être servies à table. Nous l’avons vu, certains auteurs estiment que chaque mana doit atteindre au moins le volume de trois œufs (Tsits Eliézer XIV 65). Selon le Ritva et le ‘Hayé Adam 155, 31, les portions doivent être honorables aux yeux de celui qui les offre et de celui qui les reçoit. Cf. Torat Hamo’adim 9, 10, Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 6-7 ; cf. encore ibid. 13, 5, où il est dit que les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir si l’on peut se rendre quitte en offrant des épices, du sucre ou de l’huile, qui ne se consomment pas tels quels.

06. Qui est tenu d’offrir des mets à son prochain, et de l’argent aux pauvres ?

Tout Juif a l’obligation d’accomplir la mitsva de michloa’h manot (offrir deux mets à son prochain) et celle de matanot la-evionim (donner de l’argent à deux pauvres). Bien que les femmes soient dispensées des mitsvot « positives » conditionnées par le temps, elles sont, elles aussi, tenues aux mitsvot de Pourim, parce qu’elles aussi ont bénéficié du même miracle. Pour des raisons de pudeur, il faut avoir soin, quand on offre des mets à son prochain, que la femme adresse son présent à une femme, et l’homme à un homme. En revanche, pour les dons aux pauvres, il n’est pas nécessaire d’être pointilleux à cet égard, car il n’y a pas tellement de rapprochement des sentiments dans le fait de donner de l’argent au titre de la tsédaqa (Rama 695, 4, qui cite également la crainte qu’un présent alimentaire remis par un homme à une femme puisse avoir la valeur de qidouchin, c’est-à-dire d’objet offert pour matérialiser la création d’un lien matrimonial).

Même une femme mariée est tenue d’accomplir ces mitsvot. Par conséquent, un couple marié a l’obligation d’offrir deux présents alimentaires, l’un de la part de l’homme, l’autre de la part de la femme, et chaque présent doit contenir deux aliments distincts. Bien que, dans cette mitsva de michloa’h manot, l’essentiel soit le rapprochement d’esprit entre l’expéditeur et le destinataire, il ne semble pas nécessaire de signaler explicitement que tel présent soit de la part de l’homme, et tel autre de la part de la femme ; il suffit que l’intention des auteurs du présent soit, en effet, que ce présent-ci soit offert par l’homme, et ce présent-là par la femme. Cela ne porte pas atteinte à l’effet recherché du rapprochement des personnes car, s’agissant d’un couple marié, il est évident que le présent appartient aux deux époux, et le rapprochement recherché s’opère à l’égard du couple.

S’agissant des dons aux pauvres, un couple marié doit procéder à quatre dons : deux de la part de l’homme, deux de la part de la femme. Il n’est pas nécessaire que la femme remette ses dons en main propre : son mari peut transmettre ces dons de sa part. De même, il peut remettre les quatre dons à deux pauvres : un don de sa part et un don de la part de sa femme pour le premier pauvre, et de même, un don de sa part et un don de la part de sa femme pour le second. L’usage, de nos jours, est de remettre les dons par le biais de l’administrateur d’une caisse de tsédaqa : c’est lui qui reçoit l’argent équivalent à quatre dons, et qui se charge de les distribuer, de la part des donateurs, à deux pauvres.

Les enfants parvenus à l’âge de la bar-mitsva ou de la bat-mitsva, bien qu’ils soient dépendants économiquement de leurs parents, ont l’obligation d’accomplir les mitsvot des présents alimentaires et des dons aux pauvres, puisqu’ils sont parvenus à l’âge où l’on est tenu d’accomplir les mitsvot. Le michloa’h manot ayant pour but d’accroître l’affection entre camarades, chaque enfant bar-mitsva ou bat-mitsva doit l’adresser en son nom propre ; quant aux matanot la-evionim, les parents peuvent les donner pour leur compte.

S’agissant même des enfants parvenus à l’âge de l’éducation (guil ‘hinoukh), il convient de les éduquer à la mitsva. Certains les y éduquent en les envoyant apporter les présents alimentaires ; certains leur donnent même des présents qui leur soient propres, afin qu’ils les offrent à leurs camarades. Quant aux matanot la-evionim, certains ont coutume de donner aux enfants quelque argent, afin qu’ils l’offrent aux pauvres ; d’autres donnent eux-mêmes l’argent pour le compte de leurs enfants, et, par le fait qu’ils les informent de cela, ils les éduquent à la mitsva[5].

Un pauvre qui se sustente grâce à la caisse de tsédaqa a, lui aussi, l’obligation de michloa’h manot et de matanot la-évionim. S’il n’a pas d’autres aliments que ce qui est strictement nécessaire à son repas de Pourim, il fera un échange avec son ami : l’un enverra son repas à l’autre, et réciproquement : l’un et l’autre s’acquitteront ainsi de la mitsva de michloa’h manot. Ils procéderont de la même façon pour les matanot la-evionim (Choul’han ‘Aroukh 695, 4, Michna Beroura 694, 1-2).


[5]. L’obligation de la femme est exposée par le Rama 695, 4. Certes, selon le Peri ‘Hadach, la femme est dispensée d’offrir des michloa’h manot, parce que, s’agissant de cette mitsva, la Bible prescrit de faire de ces jours de Pourim « des jours… d’envoi de cadeaux alimentaires, de l’homme à son prochain » (ich lé-ré’éhou, Est 9, 22) ; il semble aussi que tel soit l’avis du Gaon de Vilna. Mais pour la grande majorité des décisionnaires, les femmes y sont aussi obligées, car « elles aussi bénéficièrent du même miracle », comme l’écrit le Cha’aré Techouva 695, 9 au nom des responsa Chevout Ya’aqov I 45, et du Chéïlat Ya’avets I 108. Le Maguen Avraham 695, 12 écrit qu’il n’a pas observé que les femmes mariées fussent attentives à cela ; peut-être, dit-il, est-ce en vertu du principe ichto kegoufo (« la femme est comme une partie de l’homme lui-même ») ? Mais en pratique, l’auteur conclut qu’il y a lieu d’être rigoureux. C’est aussi ce qu’écrivent le Elya Rabba, le Michna Beroura 25, le ‘Hayé Adam 155, 33 et le ‘Aroukh Hachoul’han 695, 18. Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 10-11.

Quant à l’éducation des petits : le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch estime qu’ils sont dispensés des dons aux pauvres, car ils n’ont pas d’argent en propre. On ne les éduque qu’aux présents alimentaires. Cependant, selon le Peri Mégadim et le sidour Beit Ya’aqov, on doit les éduquer également aux dons aux pauvres. Au sujet des pauvres, voir Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 13 ; 14, 5.

Un endeuillé, même pendant les sept premiers jours de deuil, est tenu d’accomplir toutes les mitsvot de Pourim, y compris l’envoi de présents alimentaires. Suivant la coutume séfarade, on envoie aussi des présents alimentaires à l’endeuillé. Suivant la coutume ashkénaze, pendant toute l’année de deuil pour son père ou sa mère, on ne lui envoie pas de présent alimentaire ; et, pendant les trente premiers jours, on ne lui en envoie pas non plus s’il est en deuil d’un parent autre que son père ou sa mère.  Quand un des deux membres du couple est en deuil, un tiers peut faire un michloa’h manot à son conjoint. En un lieu où l’on permet de saluer l’endeuillé, on lui envoie aussi des présents alimentaires durant l’année de deuil, mais non dans les trente premiers jours (Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 20, Torat Hamo’adim 8, 8).

07. Quand accomplir les dons aux pauvres et l’envoi des présents alimentaires ?

L’envoi de mets à son prochain, ainsi que les dons aux pauvres, se font durant la journée de Pourim, comme il est dit : « En faire des jours de festin et de joie, d’envoi de mets d’une personne à l’autre, et de dons aux pauvres » (Est 9, 22). Si l’on a fait ces dons pendant la nuit de Pourim, on n’est pas quitte[6].

Si l’on n’a pas trouvé de pauvres à qui faire les dons de Pourim, on prélèvera ses dons et on les gardera, jusqu’à ce que l’on trouve des pauvres. Par le fait même de ce prélèvement, on aura accompli la mitsva. De même, un administrateur de caisse de tsédaqa qui n’aurait pas réussi à distribuer aux pauvres, à Pourim même, tout l’argent qui lui a été transmis, le leur distribuera après Pourim (Choul’han ‘Aroukh 694, 4).

L’envoi de mets à son prochain, en revanche, appartient spécialement à Pourim, car c’est ce jour-là qu’il nous est prescrit d’accroître l’expression de l’affection et de la joie entre l’individu et son prochain. Si l’on est seul à Pourim, et que l’on n’ait pas de camarade à qui offrir les mets, on ne pourra pas rattraper cette mitsva après Pourim. De nos jours, où nous disposons de téléphones, on pourra demander à un camarade d’offrir de sa part à un tiers un présent alimentaire : on s’acquittera ainsi de son obligation.

Si l’on craint de ne pas trouver de pauvres à Pourim, on peut remettre au responsable de la caisse de tsédaqa ses dons avant Pourim. Simplement, on conviendra avec lui que cet argent restera pour l’instant sa propriété (celle du donateur), jusqu’à la journée de Pourim ; c’est durant celle-ci que le responsable de la caisse donnera l’argent, de la part du donateur, à deux pauvres. De même, celui qui se trouve seul durant la journée de Pourim peut, préalablement, préparer un présent consistant en deux mets, et le remettre à son prochain en le faisant mandataire, chargé de remettre de sa part le présent, durant la journée de Pourim, à un tiers camarade[7].


[6]. La Guémara explique, au traité Méguila 7b, que l’on ne se rend point quitte de la mitsva du festin par un repas pris le soir de Pourim, comme il est dit : « des jours de festin… ». Et puisque les michloa’h manot et les matanot la-evionim sont prescrits dans le même verset, la règle est la même à leur égard. C’est ce que décident le Roch, le Rachba, le Rama 695, 4, le Gaon de Vilna, le Michna Beroura 695, 22. À plus forte raison n’est-on pas quitte si l’on a fait ces dons avant Pourim.

[7]. Le Maguen Avraham 694, 1 écrit au nom du Maor que l’on ne peut donner les matanot la-evionim avant Pourim, de crainte que les pauvres ne dépensent cet argent avant la fête. D’après cela, on peut conclure que, s’ils le dépensent à Pourim, on sera quitte. C’est la distinction qu’expose le Peri Mégadim ad loc. Toutefois, il ressort du Ma’hatsit Hachéqel qu’il faut donner les matanot la-evionim durant la journée de Pourim, précisément ; le Béour Halakha 694, 1 le cite.

Un autre doute existe, dans le cas où l’on a envoyé son michloa’h manot avant Pourim, et où il parvient à son destinataire à Pourim : est-on quitte ? Selon le Yad Aharon, on est quitte ; selon le Torah Lichmah 188, on ne l’est pas, car c’est précisément pendant la journée de Pourim que l’on doit accroître les manifestations d’affection. C’est également l’avis du ‘Aroukh Hachoul’han 695, 16, aussi bien en matière de michloa’h manot que de matanot la-evionim.

On peut s’interroger sur le cas où l’on a remis les mets à son prochain, et les cadeaux aux pauvres, avant Pourim, en donnant pour instruction aux destinataires de garder cela chez eux, comme dépôt, jusqu’à la journée de Pourim [moment où cela deviendra leur propriété]. Pour le Mahari Algazi, on sera quitte ; pour le Dvar Elyahou 69, on ne le sera point, car il faut que les cadeaux d’argent et le présent alimentaire se fassent durant la journée même de Pourim. En revanche, s’ils sont remis par un mandataire, au nom du donateur, dans la journée de Pourim, tout le monde s’accorde à dire que le donateur sera quitte. Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 13, 17 et 14, 1, Torat Hamo’adim 9, 12 et 10, 3.

08. Différences entre matanot la-evionim et michloa’h manot

Les cadeaux alimentaires (michloa’h manot) sont destinés à répandre l’amour et la fraternité entre l’individu et son prochain. Aussi, celui qui enverrait à son prochain son présent alimentaire de manière anonyme ne s’acquitterait pas de son obligation. En revanche, les dons aux pauvres (matanot la-evionim) sont comparables à la tsédaqa : le but est d’aider le pauvre de la meilleure façon. Aussi, quand c’est possible, il est préférable de donner de l’argent aux pauvres de manière anonyme.

Si l’on invite son ami au festin de Pourim, on pourra accomplir par cela la mitsva de michloa’h manot, ou celle de matanot la-evionim. Si l’on veut accomplir par ce biais la mitsva de michloa’h manot, on placera devant son ami deux mets en même temps, et on lui dira que c’est là son michloa’h manot (Kaf Ha’haïm 695, 42). Si l’on veut accomplir, par le biais du festin, la mitsva de matanot la-evionim, il sera préférable de ne pas le dire au pauvre, afin que celui-ci reçoive le cadeau de manière plus honorable, avec amour et joie. C’est une manière très parfaite d’accomplir la mitsva. De même, on peut donner au pauvre, de manière anonyme, un michloa’h manot, contenant de bons et profitables mets. Ainsi, le pauvre n’en tirera pas de honte, et pensera même qu’on lui a fait ce présent pour l’amour que l’on a de lui, et non en raison de sa pauvreté[8].

Maïmonide écrit : « Il est préférable de multiplier les dons aux pauvres que de multiplier les mets de son festin et les cadeaux alimentaires que l’on offre à son prochain ; car il n’est pas de joie plus grande ni plus merveilleuse que de réjouir le cœur des pauvres, des orphelins, des veuves et des prosélytes. En effet, celui qui réjouit le cœur de ces malheureux ressemble à la Présence divine, comme il est dit : “Pour ranimer l’esprit de ceux qui sont abaissés et pour ranimer le cœur des déprimés” (Is 57, 15) » (Hilkhot Méguila 2, 17).

En d’autres termes, si l’on s’en tient à la stricte obligation, chacun est autorisé à décider en quoi il préfère investir davantage : dans le don de présents alimentaires et les nécessités de son festin, ou dans les dons aux pauvres. Simplement, a priori, si l’on veut accomplir la mitsva d’après les directives de nos sages, il convient de préférer multiplier les dons aux pauvres. On fera le compte de ses dépenses en matière de michloa’h manot et de festin de Pourim, et l’on donnera une somme supérieure aux pauvres. Si l’on donne chaque mois sa dîme d’argent (ma’asser) aux pauvres ou aux étudiants en Torah, on sera autorisé à prendre en compte cette dîme dans le compte : si, en additionnant la dîme et les matanot la-evionim, il se trouve que l’on a donné davantage aux pauvres, on aura donné à sa mitsva le supplément de perfection (hidour) recommandé par les sages. Grâce à cela, on méritera d’éprouver une grande et merveilleuse joie.


[8]. Le Ktav Sofer, Ora’h ‘Haïm 141, 4 dit au nom du Rama que celui qui offre un michloa’h manot à son prochain de manière anonyme n’est pas quitte. C’est aussi ce qui ressort du ‘Aroukh Hachoul’han 696, 3. Le Miqraé Qodech du Rav Frank, p. 151 en note, et le Torat Hamo’adim 9, 18 et 10, 18 font une distinction semblable entre matanot la-evionim et michloa’h manot. Il convient d’ajouter que celui qui veut faire ses dons aux pauvres par le biais de michloa’h manot doit trouver le moyen de le faire anonymement ; en effet, si le pauvre apprenait de qui provient le michloa’h manot, il se peut qu’il veuille donner un michloa’h manot à l’expéditeur, en retour ; de sorte que le pauvre ne gagnerait rien en l’affaire. Toutefois, si c’est ainsi que se sont enchaînés les événements [le pauvre ayant donc rendu un michloa’h manot au donateur], le donateur sera néanmoins quitte, a posteriori, comme nous l’avons vu ci-dessus, fin du § 6. Simplement, la bonne intention qu’il avait, en voulant être utile au pauvre, ne se sera pas concrétisée.

Selon plusieurs A’haronim, on ne peut donner à la même personne des mets au titre de michloa’h manot et de l’argent au titre de matanot la-evionim. Cf. Pisqé Techouvot 695, 19.

09. Mitsva de la joie et du festin

C’est une mitsva que de faire de Pourim un jour de festin (michté) et de joie. Certes, la mitsva de se réjouir a cours tout au long de la nuit et du jour de Pourim. Mais le sommet de la joie se trouve au moment du festin, car telle est la manière de manifester sa joie : par un repas généreux, où l’on boit abondamment ; de même, la boisson convenable et réjouissante est précisément celle que l’on prend au cours d’un repas. Par conséquent, c’est une obligation que de prévoir un repas festif à Pourim, afin d’y boire et de s’y réjouir. On devra fixer ce festin de jour ; si le festin s’est tenu pendant la nuit, on n’est pas quitte, ainsi qu’il est dit : « En faire des jours de festin et de joie » (Est 9, 22 ; Méguila 7b).

L’obligation porte sur un unique repas, durant la journée ; mais le fait de prendre un repas, la nuit, accompagné de propos réjouissants, où abondent quelque peu la nourriture et la boisson, participe aussi de la mitsva. Certains ont coutume, la nuit de Pourim, de manger des graines et des légumineuses, en souvenir de ce que mangèrent Daniel et ses compagnons, ainsi qu’Esther, au palais royal ; car tous les aliments cuits étaient interdits, de sorte qu’ils se nourrissaient de graines afin de ne pas se rendre impurs par des aliments interdits.

Pendant toute la durée de Pourim, nuit et jour, il y a une mitsva d’éprouver et d’exprimer grandement le sentiment de joie. Plus on ajoutera à la joie du jour, plus parfaitement on accomplira la mitsva. De même, le peuple juif a coutume, tout au long de Pourim, de multiplier les chants, les danses, l’attachement entre amis, l’étude de la Torah, qui réjouit, la consommation de bons plats et de boissons égayantes[9].

Ajouter quelque peu à la joie et aux agapes durant les deux jours de Pourim (et non seulement le jour même où on le fête) participe aussi de la mitsva, comme il est dit : « En faire des jours de festin et de joie ». En d’autres termes, si l’on habite à Jérusalem, on ajoutera quelque peu à la joie le 14 adar également ; et si l’on habite en quelque autre endroit, on ajoutera quelque peu à la joie le 15 également (Rama 695, 2).

Revenons aux règles du festin : il faut préparer, pour ce repas, de la viande, bovine ou ovine, car chez la majorité des gens, manger de la viande réjouit. Celui à qui il est difficile de manger de la viande bovine ou ovine s’efforcera de manger de la volaille, car on éprouve également de la joie à en manger. Si l’on n’a pas non plus de volaille, ou qu’on ne l’aime pas tellement, on préparera d’autres mets savoureux, et l’on se réjouira d’en manger, tout en buvant du vin.

Ce repas doit être accompagné de pain, car, de l’avis de plusieurs grands décisionnaires, un repas sans pain n’est pas considéré comme important[10].

C’est une mitsva que de prendre ce repas en compagnie, avec des gens de sa famille, ou des amis, afin d’accroître la joie. Quand on mange seul, on ne peut se réjouir comme il convient (Chné Lou’hot Habrit, Michna Beroura 695, 9).


[9]. La mitsva du festin est exposée en Méguila 7b. Par elle, on accomplit le verset biblique : « En faire des jours de festin et de joie » (Est 9, 22). Certes, les sages ont tiré de ce verset l’interdit de prononcer, en ce jour, un éloge funèbre, ou de jeûner (Méguila 5b) ; mais il est évident que la mitsva consiste également à se réjouir de manière effective ; or la manière d’accomplir cela est de faire un repas festif, où l’on boit et se réjouit, comme l’explique le Chibolé Haléqet 201. (Certains estiment que la mitsva de faire un repas est de rang rabbinique ; le Binyan Chelomo 58 discute la question.) La mitsva inclut la consommation de viande et de vin ; aussi le Choul’han ‘Aroukh 696, 7 décide-t-il que même un onen (affligé) [c’est-à-dire celui qui a perdu un proche parent, lequel n’est pas encore enterré] s’y oblige.

Selon Maïmonide (Hilkhot Méguila 2, 14), le Rachba et le Ritva (Méguila 4a), ce n’est que durant la journée que s’accomplit la mitsva du repas festif, ainsi qu’il est dit : « En faire des jours de festin… » Le Maguen Avraham 695, 6 rapporte, au nom du Colbo, que certains ont pour coutume de ne pas consommer de viande, la nuit de Pourim, afin qu’on ne se méprenne pas, en pensant que c’est là le festin de Pourim. Face à eux, le Raavia estime qu’il faut faire un repas le soir de Pourim, avec de la viande et du vin, de même que c’est une mitsva que de lire la Méguila le soir également ; simplement, le repas principal, et le plus copieux, doit être celui du jour, comme l’écrit le Baït ‘Hadach. De même, il semble ressortir des propos de Tossephot (Méguila 4a) que prendre un repas le soir de Pourim participe de la mitsva. C’est aussi ce qu’écrit le Rama 695, 1, d’après le Mahari Brin, et ce qu’écrivent le Michna Beroura 3, le Kaf Ha’haïm 4 et le Torat Hamo’adim 11, 6. Cf. Zer Aharon 16. Quoi qu’il en soit, il est évident que c’est un supplément de perfection apporté à la mitsva que de multiplier les expressions de joie tout au long de la fête de Pourim, par toutes les sortes de chose qui contribuent à la réjouissance, comme le veut l’usage d’Israël.

[10]. C’est une mitsva que de faire un abondant repas de Pourim, comme l’ont écrit Maïmonide, le Tour et le Rama ; on peut inférer de leurs propos que ce repas est plus copieux encore que ceux d’un Yom tov (fête de pèlerinage). La joie du repas, en principe, passe par la viande et le vin, comme les sages l’enseignent au traité Pessa’him 109a, au sujet du Yom tov.

Certes, le Yom tov, l’obligation de manger de la viande visait la viande des sacrifices rémunératoires (chelamim) ; mais même après la destruction du Temple, c’est une mitsva que de manger de la viande, les jours de fête, car cela réjouit, comme l’indiquent le Choul’han ‘Aroukh Harav 529, 7 et le Béour Halakha 529, 2 ; cf. Ye’havé Da’at VI 33. Manger de la volaille réjouit aussi, comme il ressort du traité Beitsa 10b et de Tossephot ad loc.

Les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir s’il est obligatoire de manger du pain au festin de Pourim. Selon le Méïri et le Raavia, ainsi que le Maharchal et le Mor Ouqtsi’a, c’est une obligation, comme un jour de Yom tov, jour où se réjouir est une mitsva, et où l’on doit manger du pain au cours des repas. Selon le Teroumat Hadéchen et le Maguen Avraham 695, 9, ce n’est pas obligatoire. L’obligation de manger du pain les jours de Yom tov, selon eux, ne découle pas de l’obligation de se réjouir, mais de l’honneur dû aux jours de Yom tov, au sujet desquels il est dit : « convocations saintes » (miqraé qodech).

De même, les décisionnaires sont partagés dans le cas où l’on oublie, dans le Birkat hamazon, le passage ‘Al hanissim (cf. ci-dessus, chap. 15, note 19). Selon le Michna Beroura 12, on ne se répète pas car, en cas de doute portant sur une bénédiction, on est indulgent. Le ‘Aroukh Hachoul’han 695, 7 et 12 décide, d’une part, que c’est une mitsva que de manger du pain, d’autre part, que l’on ne se répète pas en cas d’oubli de ‘Al hanissim, car le régime applicable à ce texte n’est pas plus sévère au sein du Birkat hamazon qu’au sein de la ‘Amida. Cf. Ye’havé Da’at VI 89.

10. La mitsva de la boisson

La mitsva de se réjouir à Pourim est unique en son genre ; la joie de Pourim est encore supérieure à celle des autres jours de fête car, au sujet des autres jours de Yom tov (Soukot, Pessa’h et Chavou’ot), il est dit : « Tu te réjouiras en ta fête » (Dt 16, 14) ; et puisque, en pratique, la majorité des hommes se réjouissent en buvant du vin, boire du vin participe de la mitsva, sans qu’il soit pour autant prescrit d’en boire abondamment (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 529, 1-3). Tandis que, à Pourim, il y a une mitsva explicite de boire en abondance. Bien plus, c’est l’essence même des jours de Pourim que d’être, suivant l’expression du livre d’Esther (9, 22), « des jours de festin (michté, litt. repas où l’on boit) et de joie ». Aussi nos sages disent-ils : « L’homme a l’obligation de s’enivrer à Pourim, jusqu’à ne plus savoir distinguer entre arour Haman (“maudit soit Haman”) et baroukh Mordekhaï (“béni soit Mordekhaï”) » (Méguila 7b).

Toutefois, de nombreuses opinions ont été exprimées quant à la définition de la mitsva de se réjouir, et l’on peut les classer en deux partis principaux. Certains estiment qu’il faut prendre littéralement les propos des sages : l’homme doit être ivre (chikor), au point qu’il ne puisse plus distinguer entre arour Haman et baroukh Mordekhaï (c’est l’opinion du Rif et du Roch). En d’autres termes, on doit parvenir à une joie simple, qui ne distingue plus les notions, de sorte que, en son esprit, « maudit soit Haman » équivaudra à « béni soit Mordekhaï », car tout est bien, et tout est pour le mieux. Tel est bien le caractère des gens pris de boisson : ils ne peuvent considérer les détails, et tout leur paraît semblable. Toutefois, si l’on sait que, en s’enivrant, on risque d’en venir à faire des choses interdites ou laides, on devra s’abstenir d’aller jusqu’à l’ébriété : on boira simplement beaucoup, jusqu’à ce que l’on s’endorme en cette griserie ; et, une fois endormi, on ne saura effectivement plus distinguer entre arour Haman et baroukh Mordekhaï.

D’autres, comme Rabbénou Ephraïm, estiment que la mitsva consiste seulement à boire plus que d’habitude, au point d’être sous l’effet de l’alcool (chatouï), mais qu’il ne faut pas aller jusqu’à l’ébriété, car on risquerait de se conduire d’une manière peu honorable. Selon cette position, la halakha, telle qu’elle est tranchée, n’a point adopté l’opinion exprimée par un des sages du Talmud, selon laquelle on doit boire au point « de ne plus savoir ». Ou bien encore, tout en adoptant l’opinion selon laquelle on boit au point « de ne plus savoir », on l’interprète différemment, en disant que le propos est ici de boire jusqu’à ce que l’on ne puisse plus être précis dans sa parole, de sorte que, si l’on devait répéter de nombreuses fois les mots arour Haman, baroukh Mordekhaï, on s’embrouillerait quelquefois (Tossephot, Ran).

En pratique, chacun doit choisir de lui-même la voie par laquelle il pourra, pour le mieux, boire et se réjouir pour l’honneur du Ciel. Et puisque les hommes sont, par nature, différents les uns des autres, les opinions diffèrent, elles aussi, quant à la manière d’accomplir la mitsva du festin et de la joie[11].


[11]. Il existe trois degrés d’influence de l’alcool : a) le chatouï (personne sous l’effet léger de l’alcool) ; b) le chikor (personne ivre) ; c) le chikor ke-Loth (personne ivre « comme Loth »).

 

  1. a) Le chatouï est celui qui a bu de l’alcool au point d’en ressentir de la joie, et un certain étourdissement, mais qui pourrait encore se tenir dignement devant un roi. En matière de lois de la prière, il lui est interdit de réciter la ‘Amida avant que ne se dissipe l’effet de l’alcool, mais, s’il l’a déjà récitée, sa prière est valable. b) Le chikor est celui qui a bu beaucoup d’alcool, au point de ne plus pouvoir se tenir devant un roi, parce qu’il n’est pas capable de se conduire dignement. S’il a récité la ‘Amida, il n’en est pas quitte, car sa prière a le statut de to’éva (abomination). En revanche, il récitera, malgré son ébriété, les bénédictions de jouissance qu’il lui incombe de dire. c) Le chikor ke-Loth est celui qui a tellement bu qu’il ne sait plus ce qui lui arrive. Il a, halakhiquement, le statut de choté (dément), qui est dispensé de l’accomplissement des mitsvot positives. Cf. La Prière d’Israël 5, 11.

 
Revenons à présent à la mitsva de la boisson à Pourim. Le Rif et le Roch rapportent les propos de Rava, dans la Guémara, selon lesquels « l’homme a l’obligation de s’enivrer, à Pourim, jusqu’à ne plus savoir etc. », ce qui laisse entendre qu’ils ont compris la mitsva littéralement. Le verbe araméen bassoumé, employé par Rava, signifie s’enivrer, comme l’explique Rachi sur Méguila 7b. Il semble que cela corresponde au degré de chikor, mentionné plus haut (b). Par contre, si l’on est « ivre comme Loth », non seulement on ne distingue plus entre arour Haman et baroukh Mordekhaï, mais on ne distingue plus rien du tout.

Cependant, à l’intérieur même de la catégorie de chikor, il y a différents degrés : 1) ne pas pouvoir parler convenablement devant un roi ; 2) « ne plus savoir… », ce qui consiste, comme nous l’avons vu ci-dessus, à ne plus pouvoir distinguer les détails, mais garder une vue générale, comme le disent nos sages : « Quiconque prête attention à son verre, le monde entier lui semble ressembler à une plaine » (Yoma 75a) ; il oublie ses tourments, et tout, à ses yeux, est pour le bien, que ce soit la malédiction d’Haman ou la bénédiction de Mordekhaï. Un tel chikor est susceptible, s’il n’y prend garde, de s’avilir. Or selon de nombreux auteurs, ce degré d’ébriété, où les détails sont estompés, est celui qui est requis de Pourim ; c’est ce que l’on peut inférer des propos du Touré Zahav et du Gaon de Vilna. Tel était l’usage du ‘Hakham Tsvi et de nombreux autres grands maîtres d’Israël. Selon le Raavia (II 564), s’enivrer « jusqu’à ne plus savoir… » participe d’une mitsva, mais n’est pas une obligation (‘hova). Il semble que son opinion repose sur le constat que l’on peut accomplir un festin où abonde le vin, sans pour autant arriver à une telle ébriété. Des propos du Rif et du Roch, en revanche, il ressort que c’est une obligation. Et bien que la Guémara raconte que Rabba « égorgea » Rabbi Zeira lors d’un festin de Pourim, [tant il avait bu, puis qu’il le ressuscita], le fait que Rabba ait de nouveau invité Rabbi Zeira l’an suivant à se joindre à lui pour le festin, et que Rabbi Zeira ait craint de revenir, laisse entendre que la mitsva reste bien de boire au point de « ne plus savoir… », littéralement (Echkol, Peri ‘Hadach).

Maïmonide (2, 15) écrit : « On boit du vin au point de s’enivrer et de s’endormir dans son ébriété. » Cela semble être une position intermédiaire : d’un côté, on doit arriver au degré de « ne plus savoir… », et de l’autre, on ne doit point parvenir à cela à l’état de veille – car alors on serait grandement soûl – : le sommeil vient ici par l’effet de l’ébriété. C’est aussi ce qu’écrit le Mahari Brin, cité par le Rama (695, 1).

D’autres pensent qu’il n’est pas besoin de s’enivrer tellement, car l’ébriété est chose dégoûtante, qui risque de mener à de graves interdits, comme l’écrit le Or’hot ‘Haïm. C’est en ce sens que se prononce le Méïri : « Nous n’avons pas l’obligation de nous soûler, et de nous abaisser à l’occasion de nos réjouissances ; car ce qui nous est prescrit n’est pas une joie de débauche ni de folie, mais une joie de délice, par laquelle on accède à l’amour de Dieu, béni soit-Il, et à la reconnaissance pour les miracles qu’Il produisit en notre faveur. » Le Maor écrit au nom de Rabbénou Ephraïm que, en racontant que Raba « égorgea » Rabbi Zeira, la Guémara laisse entendre que la halakha ne prescrit pas de boire « au point de ne plus savoir… »

Cependant, on doit bien ajouter que, de l’avis même de ces décisionnaires, c’est une obligation que de boire à suffisance pour se sentir sous l’effet de l’alcool (degré de chatouï) ; degré qui n’autoriserait pas à réciter la ‘Amida. C’est ce qui ressort clairement du débat sur l’heure du festin : on a éloigné le festin de l’heure de la prière d’Arvit, précisément parce que l’on ne peut prier trop peu de temps après le festin. De plus, c’est une mitsva de boire davantage à Pourim que durant les autres fêtes, puisque Pourim est un jour de festin [michté, selon le terme employé par le livre d’Esther ; or le mot michté est construit sur la racine שתה, qui signifie boire.] Or puisque, le Yom tov, nous avons la mitsva de boire du vin afin de nous réjouir – et que l’on peut en inférer qu’il faut boire au moins un revi’it (comme l’indique le gaon Rabbi Chnéor Zalman de Liady dans Torah Or 99, 3), quantité déjà propre à rendre chatouï, on doit nécessairement, à Pourim, se rapprocher de l’ébriété.

Tossephot et le Ran expliquent que l’on doit boire au point de s’embrouiller quelquefois dans les mots arour Haman, baroukh Mordekhaï. Aboudraham raconte qu’on avait coutume, dans sa communauté, de chanter un poème pendant le festin ; le public devait répondre précisément au soliste, une fois arour Haman, la fois suivante baroukh Mordekhaï. Quand un des choristes parvenait au degré de chatouï, il s’embrouillait. L’Agouda et Rabbénou Yerou’ham expliquent que la valeur numérique d’arour Haman est égale à celle de baroukh Mordekhaï ; or quand on boit, on a du mal à en faire le compte. Autre explication, celle du Nimouqé Yossef : on boira et s’amusera, jusqu’à ce que l’on paraisse « ne plus savoir… ». Suivant ces opinions également, la mitsva consiste à être chatouï, mais non chikor ; ces auteurs estiment que la halakha est bien conforme à l’opinion de Rava, et qu’il faut effectivement boire jusqu’à « ne plus savoir », mais que cette expression ne vise pas une grande ébriété. Le Chné Lou’hot Habrit et Rabbi Mena’hem Azaria da Fano s’expriment de manière proche.

Si l’on approfondit ces textes, il apparaît que la mitsva consiste à être chatouï, ou même quelque peu chikor, comme l’exprime le Baït ‘Hadach, qui adopte, halakhiquement, l’opinion de Rabbénou Ephraïm, mais qui écrit : « On sera sous l’effet de l’alcool (chatouï), ou même ivre (chikor) au point de ne pouvoir parler devant un roi, à condition de garder la conscience de soi. » On trouve une opinion proche dans le Yad Ephraïm, qui pense, toutefois, que les propos de Rava n’ont pas été écartés, mais que ce que vise Rava, par l’expression « jusqu’à ne plus savoir », est le moment qui précède celui où l’on « ne sait plus », et non celui où l’on « ne sait plus » lui-même. Le Sfat Emet est proche de cela, ainsi que Rabbi Israël Salanter : ils estiment qu’il faut boire toute la journée, dans le but d’être en joie, et que, si l’on arrive au degré de « ne plus savoir », on est désormais quitte de la mitsva, et l’on n’a plus besoin de continuer à boire. Cf. Hazmanim Bahalakha du Rav Zevin, pp. 203-207, Torat Hamo’adim 11, 3.

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