Pniné Halakha

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04. Interdiction faite à l’eunuque de se marier : questions pratiques

Différentes atteintes peuvent affecter les organes reproducteurs. Le principe est que, si, malgré l’atteinte, l’homme peut enfanter, il n’a pas le statut de petsoua’ daka (« homme aux testicules blessés ou à la verge sectionnée »), et il lui est donc permis de se marier comme tout Juif. La question est confiée à des médecins dignes de foi. À l’époque des Richonim, de nombreux médecins pensaient que l’absence d’un seul testicule empêchait la procréation ; d’après cela, la majorité des Richonim enseignèrent qu’un tel homme a le statut de petsoua’ daka ; mais Rabbénou Tam et quelques autres Richonim estimaient qu’un tel homme peut enfanter (Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 5, 7). De nos jours, les médecins ont la certitude qu’une telle personne peut enfanter ; dès lors, il est certain qu’elle n’est point considérée comme petsoua’ daka[4].

L’un des problèmes apparaissant fréquemment chez les hommes d’un certain âge est le grossissement de la prostate, par laquelle passent le canal déférent et l’urètre. Ce phénomène gêne le passage de l’urine. Dans les cas les plus difficiles, il est nécessaire de couper la prostate, afin de rendre possible l’expulsion des urines. Le problème est que l’ablation de la prostate empêche le sperme de s’écouler par la verge, lors du coït : depuis les testicules, il entre dans la vessie, puis il est expulsé avec les urines. Ainsi, bien que le sperme soit encore valide, l’homme est, en pratique, incapable de féconder sa femme, car, au moment de l’union, il ne peut expulser de semence. Certains auteur ont prétendu que, puisque en pratique un tel homme a été rendu stérile par le biais d’une intervention humaine, il lui est désormais interdit d’être compté parmi l’assemblée, et, s’il était marié, il doit divorcer.

Cependant, en pratique, il est convenu que l’homme opéré de la prostate n’a pas le statut de petsoua’ daka. Premièrement, parce que l’ablation de la prostate se pratique en raison d’une maladie ; or, nous l’avons vu au paragraphe précédent, la majorité des décisionnaires estiment que le statut d’un tel homme est assimilable à celui de l’homme fait eunuque par le Ciel, puisque l’acte du médecin a été pratiqué pour le délivrer de ses souffrances, et non pour le castrer. Deuxièmement, en pratique, le canal déférent reste intact, et ce n’est que par une cause accessoire que le sperme ne peut s’écouler pendant le rapport conjugal.

Une question plus difficile est celle de la règle à appliquer à un homme souffrant du cancer de la prostate, ou d’un autre type de cancer, et qui a dû, pour que ses chances d’être sauvé fussent plus grandes, subir une ablation des testicules, car ceux-ci produisent des hormones qui hâtent l’activité cancéreuse. En pratique, de nombreux décisionnaires pensent que, bien que les médecins lui aient effectivement retiré les testicules, cet homme reste considéré comme fait eunuque par le Ciel, puisque l’ablation a été pratiquée en conséquence d’une maladie (Maïmonide, avis partagé par la majorité des décisionnaires). De plus, on peut dire que les décisionnaires rigoureux (tels que le Roch) seraient eux-mêmes indulgents en pareil cas. En effet, ce n’est que lorsque la maladie elle-même a porté atteinte aux organes reproducteurs, au point que l’un d’eux est nécrosé, que l’homme est, selon eux, insusceptible d’être compté parmi l’assemblé, car alors il est considéré comme associé à la survenance de son mal. En revanche, lorsque la maladie n’a pas atteint les organes reproducteurs, et que ce sont les médecins qui ont été contraints de retirer à cet homme ses testicules afin de le sauver d’une maladie autre, son appartenance à l’assemblée n’est pas invalidée (‘Helqat Yoav, Even Ha’ezer 3, Rav Tsvi Pessah Frank).

La règle est la même pour l’homme qui, ayant été malade du cancer, a subi des séances de radiothérapie qui ont totalement anéanti sa capacité de produire du sperme : bien que cet homme ne puisse plus enfanter, sa stérilité, puisqu’elle a été provoquée pour traiter une maladie, est considérée comme faite par le Ciel, et il lui est permis d’être compté parmi l’assemblée[5].

En tout cas de doute qui se présente en ces matières, la halakha suit l’opinion indulgente, car tel est le principe pour toutes les règles toraniques : en cas de nécessité pressante (cha’at had’haq), on s’appuie sur le propos des décisionnaires indulgents. Or le cas que nous étudions est un véritable cas de nécessité pressante, car, si l’on était rigoureux, il serait interdit à un tel homme d’épouser une Israélite de naissance ; et dans le cas où il serait marié, il serait contraint de divorcer. De plus, de l’avis de nombreux décisionnaires, le statut de petsoua’ daka et de kerout chafkha a ceci de commun avec celui de mamzer (enfant adultérin) que, si l’on s’en tient à la règle toranique, seule la personne qui est certainement mamzer, ou petsoua’ daka, ou kerout chafkha, est disqualifiée pour prendre part à l’assemblée. En revanche, dès lors qu’il y a un doute en l’affaire, aucun interdit ne s’applique à cette personne. Aussi, en tout cas de doute, la halakha suit la position indulgente[6].


[4]. Le statut de petsoua’ daka et de kerout chafkha ne s’applique qu’aux cas de castration. Ainsi, le traité Yevamot 75b cite l’opinion selon laquelle l’homme dont le testicule est percé a le statut de petsoua’ daka, et l’objection des sages, qui affirment connaître le cas d’un homme au testicule percé et qui, néanmoins, a enfanté. Les tenants de l’opinion rigoureuse rétorquent qu’en réalité cet homme n’a point enfanté, mais que sa femme a commis un adultère, et a pu ainsi enfanter. Quoi qu’il en soit, il ressort de ce débat que, aux yeux de tous, il était certain que la notion de petsoua’ daka vise l’eunuque, qui ne peut enfanter. Maïmonide, le Méïri, le Raavia, le Yam chel Chelomo sur Yevamot 8, 9 et le Igrot Moché, Even Ha’ezer II 3 s’expriment en ce sens.

Les Richonim sont encore partagés quant à la règle applicable à celui dont un testicule a été ôté par l’effet d’une intervention humaine. Selon Rabbénou Tam (Yevamot 75a, ד »ה שאין), puisqu’un tel homme est susceptible d’enfanter, il ne doit pas être considéré comme petsoua’ daka, et il est apte à « prendre part à l’assemblée d’Israël ». Certes, de nombreux Richonim s’opposent à Rabbénou Tam, et rendent inapte au mariage l’homme dont un testicule a été ôté. C’est l’avis du Choul’han ‘Aroukh et du Rama 5, 7. Toutefois, les A’haronim partagent l’avis de Rabbénou Tam : c’est le cas du Yam Chel Chelomo, du ‘Hatam Sofer, Even Ha’ezer 17, du Divré ‘Haïm 1, 11. C’est aussi ce qu’écrit le Pit’hé Techouva 7, se fondant sur Rabbi ‘Haïm de Volozhin. Telle est la position des médecins aujourd’hui : même quand un testicule lui a été ôté, l’homme a l’aptitude d’enfanter. Il semble que ceux des Richonim qui ne partageaient pas l’avis de Rabbénou Tam se fondaient eux-mêmes sur les connaissances médicales de leur temps. Il se peut aussi que, jadis, à la suite d’infections, celui qui était blessé à un testicule ne pouvait généralement pas enfanter.

[5]. Les décisionnaires sont partagés quant au cas de l’homme qui, sans qu’il y eût de nécessité médicale, a subi des rayonnements ayant détruit sa capacité à engendrer. Certains sont rigoureux, puisque cet homme est devenu stérile par l’effet d’une action humaine (‘Helqat Ya’aqov). D’autres estiment que, bien que l’acte stérilisant subi par cet homme fût interdit par la Torah, il n’a pas le statut de petsoua’ daka ni de kerout chafkha, puisque, en fait, ses trois organes reproducteurs sont entiers (Rav Unterman), de même qu’il est admis que, si un homme a bu une potion qui l’a rendu stérile, il peut néanmoins être compté parmi l’assemblée (Birké Yossef 5, 7, ‘Aroukh Hachoul’han 24).

[6]. Certes, s’agissant d’une personne dont le statut de mamzer est douteux, et quoique la Torah n’interdise pas de l’épouser, les sages se sont montré rigoureux, en raison de la gravité perpétuelle de l’interdit ; ils ont donc étendu l’interdit au cas de doute, et n’ont autorisé le mariage qu’en cas de sfeq sfeqa (accumulation de deux doutes). Mais dans le cas d’un petsoua’ daka ou d’un kerout chafkha, les sages n’ont pas été rigoureux. C’est ce qu’écrit Rabbi Aqiba Eiger dans ses responsa III 63, le Avné Nézer, Even Ha’ezer 17, le Beer Yits’haq, Even Ha’ezer 4, le Beit Yits’haq, Even Ha’ezer I 36, le ‘Aroukh Hachoul’han 5, 20 et d’autres décisionnaires cités par le Yabia’ Omer VII Even Ha’ezer 8, 10.

Dans la dernière génération, une nouvelle question s’est posée : quelle est la règle applicable à l’homme dont les organes reproducteurs ont été atteints, et qui, dans le passé, n’avait pas la possibilité d’enfanter, mais dont les médecins sont aujourd’hui capables d’extraire du sperme, à partir de ses testicules, de sorte qu’ils peuvent provoquer la fécondation de son épouse par le biais dudit sperme ? Le ‘Hevel Na’halato 4, 23 exprime des doutes quant à ce cas. De prime abord, puisque le cas est douteux, la halakha suit l’opinion indulgente. Dans l’avenir, il se peut qu’une question supplémentaire se pose : quelle serait la règle dans le cas où l’on pourrait prélever une cellule du corps d’un homme et produire, à partir d’elle, une cellule de semence qui puisse s’unir à un ovule ? Il se peut que ce cas ne puisse même pas être considéré comme un cas de doute, car, tant qu’il manque à l’homme l’un de ses trois organes reproducteurs et qu’il ne produit pas non plus de sperme, son statut est assimilable à celui de l’eunuque.

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