Pniné Halakha

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Chapitre 09- Généralités sur les travaux interdits (mélakhot)

01. La mitsva, telle que la Torah la prévoit

C’est une mitsva « positive » que de s’abstenir, le jour de Chabbat, de tout travail, comme il est dit : « Six jours, tu feras ton ouvrage, mais le septième jour tu chômeras (tichbot) » (Ex 23, 12). Quiconque accomplit un travail le Chabbat, en plus d’enfreindre cette mitsva « positive », transgresse une mitsva « négative »[a], comme il est dit : « Mais le septième jour est cessation (Chabbat) en l’honneur de l’Eternel ton Dieu ; tu n’y feras aucun travail » (ibid. 20, 10). Si des témoins ont mis en garde l’auteur de la transgression, lui disant de ne pas la commettre, et qu’il l’ait néanmoins commise, il est passible de lapidation (seqila)[b]. Si la transgression a été volontaire, mais qu’il n’y ait pas de témoins, l’auteur est passible de retranchement (karet), comme il est dit : « Vous garderez le Chabbat, car il est saint pour vous ; ceux qui le profanent seront punis de mort ; car quiconque fait un ouvrage (mélakha, plur. mélakhot) en ce jour sera retranché du sein de son peuple[c] » (ibid. 31, 14). Si la transgression a consisté à accomplir par erreur un travail, on a l’obligation d’apporter un sacrifice expiatoire (‘hatat) au Temple (Maïmonide, Chabbat 1, 1 ; cf. ci-dessus, chap. 1 § 14).

Bien que la mitsva consiste à s’abstenir de tout travail, la Torah mentionne quatre types de travaux de manière explicite : le labour, la moisson, l’allumage d’un feu, le transfert d’objet de domaine à domaine. Le labour et la moisson, comme il est dit : « Six jours tu travailleras, mais le septième jour tu chômeras, du labour et de la moisson tu t’abstiendras » (Ex 34, 21). Nous apprenons de là[d] que les travaux même dont la vie humaine dépend, desquels l’homme tire sa nourriture, sont interdits le Chabbat (Ibn Ezra, Na’hmanide). La production de feu, comme il est dit : « Vous n’allumerez pas de feu, dans toutes vos demeures, le jour de Chabbat » (Ex 35, 3). Nos sages enseignent que, si ce travail est mentionné spécifiquement, c’est pour nous apprendre que chaque travail est l’objet d’un interdit particulier ; si donc un même homme accomplit deux travaux par erreur, il doit deux sacrifices expiatoires (Chabbat 70a, suivant l’opinion de Rabbi Nathan ; cf. infra, chap. 16 § 1). Le transfert d’objet, comme il est dit : « Que chacun reste en sa demeure, que personne ne sorte de sa place le septième jour » (Ex 16, 29). Cette mélakha est mentionnée spécifiquement pour nous apprendre que, bien qu’elle soit de prime abord facile à accomplir, puisqu’elle n’entraîne pas de changement dans la chose transférée elle-même, elle n’en fait pas moins partie des travaux interdits (cf. infra chap. 21 § 1).

Lorsque la Torah interdit le travail, elle vise les travaux productifs, tels que ceux que l’on accomplissait lors de la construction du Tabernacle (michkan). En revanche, les actes qui ne portent pas de production nouvelle, même s’ils requièrent un effort corporel, ne sont pas interdits. Par exemple, le transfert d’une aiguille du domaine privé au domaine public est considéré comme une mélakha, tandis que porter des chaises et des tables dans un même domaine n’est pas considéré comme une mélakha (cf. chap. 21 § 1). De même, réchauffer des aliments cuits, le Chabbat, selon certaines conditions, n’est pas considéré comme un travail, tandis que cuire est considéré comme un travail (chap. 10 § 2). Fixer une fenêtre dans ses gonds est considéré comme un travail, même s’il se fait facilement, tandis que l’ouverture et la fermeture d’une fenêtre ne sont pas des travaux (chap. 15 § 3) ; remonter un pied de table quand il s’est détaché est une mélakha, tandis qu’allonger la table en en déployant les rallonges n’est pas une mélakha (chap. 15 § 7).

Nous tirons un principe essentiel de la construction du Tabernacle : de même que le Tabernacle fut construit de façon intentionnelle et programmée – comme il est dit : « pour faire tout ouvrage de pensée[e] » (Ex 35, 33) –, de même, le Chabbat, la Torah interdit l’exécution d’ « ouvrages de pensée » (mélékhet ma’hachavet), qui ont pour but la réalisation directe de l’ouvrage. Mais celui qui exécuterait un travail en apportant un changement (chinouï) à son exécution normale, ou qui l’exécuterait pour un besoin autre que le produit même résultant de ce travail (mélakha ché-eina tsrikha légoufah), ou de façon à détériorer (meqalqel) et non à construire ou à réparer, ou de façon que l’ouvrage ne puisse avoir aucune permanence (qiyoum), celui-là n’aurait pas transgressé d’interdit toranique, car il n’aurait pas fait ce que l’on entend par l’expression « ouvrage de pensée ». Cependant, tous les actes précités sont interdits par les sages (comme nous le verrons aux paragraphes 3 à 8). À ce sujet, nos sages enseignent dans la Michna : « Les règles du Chabbat sont comme des montagnes suspendues à un cheveu : les versets qui les régissent sont en petit nombre, mais les règles, elles, sont nombreuses » (‘Haguiga 1, 8). En effet, sur la base des versets consacrés à la construction du Tabernacle, s’est forgée une profusion de règles.

On trouve encore de larges discussions au sujet de la mesure (chi’our) à partir de laquelle on est passible de sanction pour l’accomplissement d’un travail interdit. Par exemple, dans les travaux liés à la préparation de nourriture, si la transgression a pour effet de produire le volume minimal d’une groguéret (volume d’une figue sèche), on est punissable (d’un sacrifice expiatoire dans le cas d’un travail fait par erreur, de mort dans le cas d’une transgression volontaire). Dans le cas d’un volume inférieur, bien que l’on ait transgressé par là un interdit de la Torah, on n’est pas punissable. En revanche, pour des travaux tels que le labour, les semailles, la moisson ou la construction, même le plus petit acte est punissable. Pour ne pas trop étendre le champ de notre propos, nous nous limiterons à l’exposé de ce qui est interdit et de ce qui est permis, car c’est bien ce qui nous est le plus nécessaire en pratique.


[a]. Par commodité de langage, et parce que cette terminologie est très répandue dans le monde juif francophone, nous traduisons mitsvat ‘assé (« mitsva de faire ») par mitsva positive, et mitsvat lo ta’assé (« mitsva de ne pas faire ») par mitsva négative. Mais il serait plus exact de traduire : commandement de faire et commandement de ne pas faire (ou simplement : interdit).

[b]. Toutes les peines mentionnées ici, quand elles requièrent la présence du Sanhédrin – la juridiction humaine suprême – (comme la peine de mort), ou la présence du Temple (comme la peine consistant à offrir un sacrifice), ne sont pas applicables de nos jours. À l’époque même du Temple et du Sanhédrin, la peine de mort requérait la réunion de tant de conditions que son application était très rare.

 

[c]. La lecture talmudique s’appuie sur les deux parties du verset pour identifier deux peines, correspondant chacune à un cas différent de transgression.

 

[d]. Les talmudistes ont pour principe que chaque mot de la Torah apporte un supplément d’information. La Torah énonce déjà un interdit général portant sur tout travail. L’interdit qui pèse sur les quatre types de travaux mentionnés spécifiquement par la Torah aurait donc pu être déduit de cet interdit général. Si néanmoins la Torah a éprouvé le besoin de les mentionner, c’est pour nous laisser entendre une série d’enseignements supplémentaires.

[e]. Nous suivons pour ce verset la traduction d’André Chouraqui.

02. Les trente-neuf travaux du Tabernacle et leurs dérivés

Les travaux dont l’exécution est interdite le Chabbat sont l’ensemble des travaux qui furent exécutés pour les besoins de la construction du Tabernacle. En effet, juxtaposé au paragraphe relatif à la construction du Tabernacle, se trouve le verset suivant : « Toutefois, vous garderez mes Chabbats » (Ex 31, 13), afin de nous apprendre que, bien que la construction du Tabernacle soit une grande mitsva, il faut s’abstenir, pendant Chabbat, de l’ensemble des travaux nécessaires à cette construction. C’est ce qu’expriment nos sages : « On n’est punissable que pour l’exécution d’un travail assimilable à l’un des travaux nécessaires à la construction du Tabernacle » (Chabbat 49b). Il est écrit, de même : « Mes Chabbats, vous les garderez, et mon Sanctuaire, vous le craindrez ; Je suis l’Eternel » (Lv 19, 30) ; ce que Rachi commente : « Bien que Je vous mette en garde au sujet du Sanctuaire, vous garderez mes Chabbats : la construction du Temple ne repousse pas le Chabbat. »

Cela signifie que l’homme, créé à l’image de Dieu, a pour mission fondamentale de s’associer à Dieu dans le parachèvement[f] du monde. Or le parachèvement essentiel du monde réside dans la construction du Sanctuaire, dans lequel réside la Présence divine. Du Tabernacle (michkan), la lumière rayonne sur le monde entier ; il apparaît alors que l’univers entier est propre à constituer un Tabernacle, c’est-à-dire un lieu où réside la Présence divine. Car en tout lieu où l’homme accomplit son ouvrage au nom du Ciel, avec droiture et miséricorde, afin d’ajouter au bien du monde, réside la Présence divine, et la sainteté du Tabernacle s’étendra jusqu’à lui. Nous voyons donc que toutes les réalisations qui sont au monde ont pour but, dans leur essence, de faire de ce monde un Sanctuaire où repose la Présence divine. Or malgré toute la valeur de cette œuvre, nous avons ordre de nous en dessaisir le jour de Chabbat. De même que le Saint béni soit-Il créa le monde en six jours et cessa l’œuvre créatrice le septième jour, conférant en cela une signification profonde aux six jours de l’action, ainsi nous est-il ordonné de cesser notre œuvre, le Chabbat, ce par quoi il nous est donné de révéler la valeur profonde de tous nos travaux (cf. supra chap. 1 § 10).

Nous tenons qu’il fut dit à Moïse notre maître, sur le mont Sinaï, que le nombre des travaux du Tabernacle était de trente-neuf (Chabbat 70a). En voici la liste : 1) semer ; 2) labourer ; 3) moissonner ; 4) mettre en gerbe ; 5) battre les céréales ; 6) vanner ; 7) trier ; 8) moudre ; 9) tamiser ; 10) pétrir ; 11) cuire ; 12) tondre la laine ; 13) blanchir la laine ou le lin ; 14) carder ; 15) teindre ; 16) filer ; 17) ourdir ; 18) introduire deux fils de chaîne à l’intérieur des anneaux d’un métier à tisser ; 19) tisser deux fils de trame dans la chaîne ; 20) ôter deux fils de trame de la chaîne, ou deux fils de chaîne de la trame ; 21) nouer ; 22) dénouer ; 23) coudre deux points ; 24) déchirer pour recoudre deux points ; 25) chasser un cerf ; 26) l’égorger ; 27) le dépecer ; 28) saler et tanner la peau ; 29) tracer des traits ; 30) racler ; 31) découper ; 32) écrire deux lettres ; 33) effacer afin d’écrire deux lettres ; 34) construire ; 35) démolir afin de construire ; 36) éteindre un feu ; 37) allumer ou attiser un feu ; 38) donner à un ouvrage un dernier coup de marteau pour en achever la fabrication ; 39) transférer un objet d’un domaine à un autre (Chabbat 73b).

Ces trente-neuf travaux sont appelés travaux-principes (av mélakha, pluriel avot mélakhot) ; les travaux qui leur sont semblables sont, eux aussi, appelés travaux-principes. En revanche, des travaux qui ne ressemblent à un travail-principe que partiellement sont appelés dérivés (tolada, pluriel toladot). Il n’y a pas, en pratique, de différence de régime entre le principe et son dérivé : tous deux sont interdits par la Torah, et la peine encourue est identiques pour l’un et pour l’autre. Simplement, tout travail qui est semblable à ce que l’on faisait dans le cadre de la construction du Tabernacle se nomme av mélakha, tandis qu’un travail dont la ressemblance avec l’un des travaux du Tabernacle est plus éloignée se nomme tolada (Maïmonide, Commentaire de la Michna, Chabbat 7, 2).

La conséquence halakhique de la division des travaux sabbatiques en trente-neuf est que, si un même homme a fauté par erreur et a exécuté l’ensemble des trente-neuf travaux, il devra apporter au Temple trente-neuf sacrifices expiatoires. S’il a fait cinq travaux différents, il devra cinq expiatoires. Mais s’il a accompli plusieurs ouvrages relevant du même travail-principe et de ses dérivés, il ne devra qu’un seul expiatoire (Maïmonide op. cit. 7, 7-9).


[f]. Tiqoun : littéralement réparation. Amendement, processus visant à amener le monde à son but et à sa perfection.

03. L’interdit rabbinique d’exécuter des travaux en y apportant un changement, ou de les exécuter à deux

Comme nous l’avons vu (§ 1), ce que la Torah interdit, le Chabbat, c’est d’exécuter un travail de la façon habituelle, à l’exemple des artisans qui construisaient le Tabernacle, comme il est dit : « Pour accomplir tout ouvrage d’art » (Ex 35, 33). Mais si l’on a fait ce travail de manière inhabituelle (kil’a’har yad, littéralement « du dos de la main »), c’est-à-dire en y apportant un changement (chinouï) dans le mode d’exécution, on n’a pas transgressé d’interdit toranique et, par conséquent, on n’est point passible de la peine prévue par la Torah pour sanctionner la profanation du Chabbat. Si l’on s’en tenait à cela, on pourrait, de prime abord, accomplir durant Chabbat tous les travaux, en apportant un changement au mode opératoire. Mais nos sages ont dressé une haie protectrice autour de la Torah, en interdisant d’accomplir un travail assorti d’un changement. Ainsi, celui qui transfère un objet du domaine particulier au domaine public d’une manière habituelle, par exemple en l’ayant en main, ou en le portant dans une de ses poches, transgresse un interdit toranique. Si on le porte de façon inhabituelle, par exemple sur le pied, dans la bouche, dans le creux du coude, sur l’oreille, dans les cheveux, c’est seulement un interdit rabbinique que l’on transgresse (Chabbat 92a). De même, si l’on a l’habitude d’écrire de la main droite uniquement, on transgresse un interdit toranique en écrivant de la main droite ; mais si l’on écrit de la main gauche, on transgresse un interdit rabbinique (Chabbat 103a ; cf. infra, chap. 18 § 2). Si l’on se coupe les ongles avec des ciseaux, on enfreint un interdit de la Torah ; mais si on les coupe à l’aide de ses mains, ou qu’on les ronge avec les dents, c’est un interdit rabbinique que l’on enfreint, puisque l’on modifie le procédé habituel (Chabbat 94b ; cf. infra, chap. 14 § 2).

Si deux personnes s’associent pour accomplir un travail que chacune aurait pu exécuter seule, par exemple si elles ont tenu ensemble une plume pour écrire, elles ne transgressent pas par-là d’interdit toranique. Il est écrit en effet : « Si une personne faute par erreur, parmi le peuple du pays, en faisant un des actes que l’Eternel interdit de faire, se rendant ainsi fautif » (Lv 4, 27), ce que nos maîtres élaborent : « “En faisant” : en accomplissant l’acte dans son intégralité, et non partiellement » (Chabbat 92b). Or quand deux personnes font ensemble le travail, chacune n’en accomplit qu’une partie. En revanche, s’ils font ensemble un travail qu’il eût été impossible d’exécuter seul – en transférant, par exemple, un meuble lourd de domaine à domaine –, ils transgressent l’un et l’autre un interdit toranique. Dans le cas où l’un d’entre eux pourrait porter seul ce meuble, mais que l’autre ne le pourrait point, celui qui le pourrait transgresse un interdit toranique, tandis que celui qui ne le pourrait point, et se contente d’aider l’autre, transgresse un interdit rabbinique (Maïmonide 1, 16)[1].

La différence de régime entre un interdit de la Torah et un interdit rabbinique tient à ce que, dans un cas de doute touchant un interdit toranique, on doit être rigoureux, tandis qu’en cas de doute portant sur un interdit rabbinique, il est permis d’être indulgent. De plus, en cas de nécessité, quand il existe un doute si un acte déterminé est rabbiniquement interdit ou permis, on peut l’accomplir en y apportant un changement. Par le changement, un niveau supplémentaire de doute portant sur un enseignement rabbinique affecte désormais cet acte, et il est permis d’être indulgent. (Cf. encore ci-après § 11-12, la règle de chevout de-chevout pour les besoins d’une mitsva et d’une impérieuse nécessité).


[1]. Selon certains auteurs, si deux personnes font conjointement une mélakha, ils sont quittes de tout expiatoire, mais ils ont commis un interdit toranique (Meqor ‘Haïm, Beer Yits’haq, Ora’h ‘Haïm 14). Mais pour la majorité des décisionnaires, l’interdit est rabbinique (Avné Nézer, Yoré Dé’a 393, 9-10 ; Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm V 32, 7 ; cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, Klalé mélakhot Chabbat, note 86).

04. Fondement des décrets et règlements rabbiniques en matière de Chabbat

Nos sages ont pris de nombreux décrets (gzera, plur. gzérot) en matière de Chabbat, afin de constituer une haie protectrice autour de la Torah. Par exemple, ils ont interdit la prise de médicaments, de crainte que l’on n’en vienne à broyer des plantes médicinales (cf. chap. 28 § 4). Ils ont également interdit de monter une bête et de se servir d’un arbre (en y montant ou en s’y appuyant, par exemple), de crainte d’en venir à couper une branche (chap. 19 § 7 ; 20 § 1). Ils ont encore interdit d’effectuer, sur le produit du sol, les prélèvements (terouma, plur. teroumot) destinés aux prêtres, et de prélever les dîmes (ma’asser, plur. ma’asserot), car on semblerait, ce faisant, consacrer la terouma et rendre les fruits permis à la consommation (chap. 22 § 5). Ils ont, de plus, interdit de jouer de la musique instrumentale, de crainte d’en venir à réparer les instruments (22 § 17). Ils interdisent aussi de demander à un non-Juif d’exécuter un travail pour nous (25 § 1). De même, nos maîtres ont défendu de tirer profit d’un travail exécuté en infraction avec un interdit sabbatique (26 § 1).

Nos sages ont, par ailleurs, édicté des règlements (taqana, pluriel taqanot), destinés à préserver le caractère du Chabbat en tant que jour de repos et de sainteté. Ils nous prescrivent ainsi de ne point parler d’affaires profanes le Chabbat, de ne pas aller examiner celles-ci, ni de préparer, durant Chabbat, des choses destinées aux jours de la semaine (chap. 22 § 9-10 et 15). De même, ils nous prescrivent de ne pas marcher rapidement, de la manière dont on marche durant les jours profanes (22 § 7). Ils interdisent encore de prendre des mesures, durant Chabbat, de la façon dont on mesure pendant la semaine (22 § 6). En outre, ils attribuent à tout objet qui n’est pas destiné à être utilisé le Chabbat un statut de mouqtsé (objet mis « hors l’esprit »), qu’il est interdit de déplacer, afin d’empêcher que l’on se fatigue à ranger sa maison ou sa remise, ce qui rendrait le Chabbat semblable à un jour de semaine (chap. 23 § 1).

De même, si les sages interdisent d’exécuter un travail en y apportant un changement, ou par le biais de deux personnes, cela répond aux deux préoccupations que nous évoquions : empêcher que l’on ne se trompe en exécutant finalement ce travail d’une manière habituelle, enfreignant ainsi un interdit toranique ; et préserver le caractère propre du Chabbat.

Ce n’est pas de leur propre chef que nos sages ont décidé d’ajouter aux interdits déjà prévus par la Torah : c’est la Torah elle-même qui leur ordonne de placer des haies protectrices autour d’elle, comme il est dit : « Vous préserverez mon observance » (littéralement : « Vous garderez ma garde ») (Lv 18, 30), ce que nos sages entendent comme : « Etablissez une garde pour ma garde », des normes autour de mes normes (Yevamot 21a). De plus, les sages ont reçu pour mission de donner expression, au moyen de règlements, à l’intention poursuivie par la Torah, comme il est dit : « Interroge ton père, il te racontera, tes anciens, ils te le diront » (Dt 32, 7). Les Juifs, de leur côté, ont ordre d’observer ces décrets et règlements, comme il est dit : « Tu ne t’écarteras pas de la parole qu’ils te diront, ni à droite ni à gauche » (Dt 17, 11 ; cf. Chabbat 23a). La raison en est que les paroles de la Torah écrite sont célestes, et ont seulement pour but de définir les principes. Pour que la Torah s’accomplisse en nous, nos sages ont reçu ordre de donner un cadre aux mitsvot de la Torah, par des décrets et des bornes. Toutes les limites protectrices, tous les règlements décidés par nos sages sont fondés sur les principes enseignés par la Torah écrite.

De même, en ce qui concerne les lois du Chabbat : nous l’avons vu, l’interdit du travail a pour objet de nous faire cesser notre activité et de nous donner du repos, comme il est dit : « Mais le jour du Chabbat, tu chômeras » (Ex 34, 21), et : « Tu ne feras aucun travail, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur ni ta servante… afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi » (Dt 5, 13). Or si l’on exécutait des travaux en y apportant un changement, on ne cesserait pas son activité ; et si l’on déplaçait des objets destinés à l’usage de la semaine, on ne se reposerait pas. C’est pourquoi nos sages ont interdit l’exécution modifiée d’un travail, ainsi que le déplacement du mouqtsé (cf. Na’hmanide sur Lv 23, 24, Maïmonide, Chabbat 21, 1 ; 24, 12).

La mitsva d’édicter des règlements était confiée au grand tribunal de soixante et onze anciens, qui siégeait près du Tabernacle ou, plus tard, du Temple. Ce tribunal avait d’abord été fondé par Moïse notre maître, et son existence se prolongea jusqu’à la destruction du deuxième Temple. Tous les sages qui en étaient membres avaient reçu l’ordination, transmise de maître à disciple, depuis Moïse notre maître. Tout le peuple juif est tenu d’observer les règlements de ce haut tribunal, comme il est dit : « Tu agiras conformément à la parole qu’ils [les membres du haut tribunal] te diront, depuis ce lieu qu’aura choisi l’Eternel, et tu auras soin d’observer tout ce qu’ils t’enseigneront. C’est selon la Torah qu’ils t’enseigneront, suivant la loi qu’ils t’indiqueront, que tu agiras ; tu ne t’écarteras pas de la parole qu’ils te diront, ni à droite ni à gauche » (Dt 17, 10-11).

05. Davar ché-eino mitkaven et psiq reicha

  • Davar ché-eino mitkaven
  • Si l’on a l’intention d’accomplir un acte permis, et qu’au moment de son accomplissement il soit possible qu’une mélakha s’accomplisse également – mélakha qui aurait une utilité si elle s’accomplissait –, mais que l’on n’ait pas l’intention de faire ce travail interdit, et qu’il ne soit pas non plus certain qu’il s’accomplira, on est autorisé à exécuter l’acte permis, sans craindre que celui-ci soit accompagné de la chose interdite. Par conséquent, il est permis, le Chabbat, de traîner un lit ou un banc sur le sol, bien qu’il y ait une majorité de chances que les pieds du meuble creusent des sillons sur le sol, ce qui s’apparente au labour (‘haricha). En effet, puisque l’on n’a pas l’intention de labourer, et puisqu’il n’est pas non plus certain que le fait de traîner ce meuble produira des rainures, la chose est permise. De même, il est permis de marcher sur l’herbe en un lieu où il est probable que la marche aura pour effet d’arracher des brins d’herbe, parce que l’on n’a pas l’intention d’arracher, et qu’il n’est pas certain qu’on arrachera des herbes en marchant. Cette notion s’appelle davar ché-eino mitkaven (« chose sur laquelle ne porte pas l’intention »).

     

    1. Psiq reicha

    Mais s’il est certain (vadaï) que le fait de traîner le banc occasionnera la formation d’un sillon dans le sol, cela devient interdit (cf. chap. 19 § 2). De même, s’il est clair qu’en marchant on provoquera l’arrachement de brins d’herbe, il devient interdit de marcher là (19 § 8). Car dès lors que l’on a la certitude que l’accomplissement de l’acte permis entraînera nécessairement la réalisation d’un acte interdit, on ne saurait prétendre que l’on n’en a pas l’intention. On est alors juridiquement assimilable à celui qui commettrait l’interdit intentionnellement. Simplement, si l’on a intérêt à la conséquence interdite de l’acte, l’interdit sera toranique ; tandis que si l’on ne trouve pas d’intérêt dans la conséquence interdite, l’interdit sera rabbinique.

    De même, il est interdit de fermer la porte de sa maison quand il s’y trouve un cerf. On ne peut prétendre que l’on souhaite seulement fermer sa porte, et non capturer le cerf ; en effet, dès lors que je suis certain qu’en fermant la porte je capturerai le cerf, mon cas ne diffère pas de celui qui en aurait l’intention (Chabbat 106b).

    Cela peut se comparer au cas suivant : je tranche la tête d’un volatile pour qu’un enfant puisse jouer avec cette tête. J’assure n’avoir aucune intention de tuer le volatile mais seulement d’en trancher la tête. Cette prétention n’est pas recevable, car il est clair que, en tranchant la tête du volatile, je trouve un intérêt dans le fait de le tuer, si bien que j’enfreins par là un interdit toranique. C’est d’après ce cas d’école que le Talmud appelle le présent principe psiq reicha vélo yamout (« la tête est coupée mais il ne mourra pas ») (Chabbat 75a ; Maïmonide 1, 5-6, Kessef Michné ad loc.).

    Ces principes ne sont pas spécifiques au Chabbat : pour tous les interdits de la Torah, la règle veut que davar ché-eino mitkaven soit permis, et que psiq reicha soit interdit[2].


    [2]. Selon Rabbi Yehouda, davar ché-eino mitkaven (« une chose sur quoi ne porte pas l’intention ») est un interdit rabbinique : même dans le cas où il n’est pas certain que l’ouvrage se réalisera, et où le but de l’acte est uniquement d’accomplir la chose permise, cela reste interdit, dès lors que celui qui fait l’acte tire bénéfice de l’ouvrage interdit. Selon Rabbi Chimon, dès lors que l’intention vise uniquement la chose permise, et qu’il n’est pas certain que l’ouvrage interdit se réalisera, l’acte est permis (Beitsa 23a). Rav se range à l’opinion de Rabbi Yehouda, Chemouel à celle de Rabbi Chimon. Abayé dit au nom de Rabba qu’en la matière la halakha suit l’opinion de Rabbin Chimon : davar ché-eino mitkaven est chose permise (Chabbat 22a). S’agissant même d’un acte entraînant la réalisation d’un ouvrage interdit par la Torah, cela reste permis (Chabbat 46b).

     

    Ce principe s’applique à tous les interdits de la Torah. À leur égard aussi, la halakha suit l’opinion de Rabbi Chimon, comme l’écrivent Tossephot (75a ד »ה מתעסק). C’est aussi l’avis du Rachba, du Roch (14, 9) et du Ran, contrairement au Cheïltot, qui estime qu’en ce domaine la halakha ne suit Rabbi Chimon qu’en matière de Chabbat, du fait que la Torah n’interdit effectivement que les ouvrages investis d’une intention (mélékhet ma’hachavet) (comme expliqué en Tossephot 110b ד »ה תלמוד).

     

    Même quand il est presque sûr (qarov lévadaï) que la conséquence interdite s’accomplira, certains permettent l’acte qui risque de l’entraîner, car l’ouvrage interdit reste un davar ché-eino mitkaven (Méïri, Ritva, Rivach). D’autres l’interdisent rabbiniquement (Teroumat Hadéchen 64, Maharcha cité par Béour Halakha 277, 1 ד »ה שמא). Quand il est certain que l’ouvrage interdit se réalisera à moins d’une circonstance inattendue, l’acte est, selon tous les avis, interdit toraniquement.

     

    Psiq reicha quand la conséquence engendrée par l’acte est un interdit rabbinique (psiq reicha bé-issour ‘Hakhamim) : selon la majorité des décisionnaires, l’acte est interdit. Aussi est-il interdit de traîner un banc quand il est certain qu’une rainure se creusera, bien que le creusement de la rainure soit réalisé de manière inhabituelle (avec un changement, chinouï) et que, dès lors, l’interdit soit rabbinique. Tel est l’avis du Maguen Avraham (314, 5), et c’est ce qui ressort de Tossephot, Na’hmanide, Ritva, Roch et Choul’han ‘Aroukh 337, 1. C’est aussi l’opinion des décisionnaires suivants : Elya Rabba, Tosséfet Chabbat, le Gaon de Vilna, Choul’han ‘Aroukh Harav 337, 1 et 3, ‘Hayé Adam 30, 2, Rabbi Aqiba Eiger, Ben Ich ‘Haï (II Vaéra 6), Michna Beroura 314, 11 puis 316, 18 et Cha’ar Hatsioun 21. Toutefois certains auteurs sont indulgents (Teroumat Hadéchen, Méïri, Maharcham), et l’on prend en considération leur opinion, dans certains cas, comme élément supplémentaire contribuant à l’indulgence (cf. Yabia’ Omer IV 34, Menou’hat Ahava II 1, 6).

     

    Psiq reicha quand la conséquence engendrée par l’acte n’apporte aucun bénéfice à son auteur (psiq reicha dela ni’ha leh) : selon le ‘Aroukh et plusieurs Richonim, l’acte est permis. Selon eux, la permission qui est donnée dans le cas de davar ché-eino mitkaven s’applique également quand il est certain que l’ouvrage interdit s’accomplira, du moment que ce résultat ne convient pas à l’auteur de l’acte (ce qui inclut aussi le cas où ce résultat lui est indifférent). Toutefois, cette opinion indulgente ne s’applique pas au cas même où l’on tranche la tête d’un poulet, car prétendre ne pas avoir l’intention de tuer le poulet n’est pas recevable, soit que cette prétention ne puisse être crue, soit que, quand bien même elle pourrait l’être, elle ne prévaut pas chez la plupart des gens. En revanche, quand il est véridique que l’ouvrage engendré par l’acte n’apporte aucun bénéfice à son auteur, le cas relève, aux yeux du ‘Aroukh, du davar ché-eino mitkaven, et cela est permis. Mais pour la grande majorité des décisionnaires, c’est un interdit rabbinique. On associe simplement l’opinion du ‘Aroukh, dans certains cas, comme élément supplémentaire contribuant à l’indulgence.

     

    Psiq reicha quand la conséquence engendrée n’apporte pas de bénéfice à l’auteur de l’acte, et que cette conséquence est un interdit rabbinique (psiq reicha dela ni’ha bé-issour derabbanan) : certains permettent, d’autres interdisent. En cas de nécessité, on est indulgent (Michna Beroura 316, 5 ; 321, 57). Cf. Yabia’ omer V 27, 1 selon lequel la chose est permise aux yeux de la majorité des décisionnaires. En tout état de cause, ce cas relève du principe de chevout de-chevout (cf. infra, § 11-12), où l’on est indulgent pour les besoins d’une mitsva ou en cas de grande nécessité. Dans le cas d’un psiq reicha dela ni’ha leh comportant deux éléments faisant chacun appel à des dispositions rabbiniques, de nombreux auteurs permettent l’acte a priori (Peri Mégadim, Echel Avraham 316, Echel Avraham 7 ; Dagoul Merevava 340 ; cf. infra, chap. 18 § 3, note 2. Du Michna Beroura 340, 17 on peut inférer que, de prime abord, l’auteur est rigoureux).

     

    Psiq reicha douteux (sfeq psiq reicha) : par exemple, dans le cas où l’on ferme une porte et où il est douteux qu’il y ait là un cerf ; ou dans le cas où l’on ouvre un réfrigérateur et où l’on n’est pas sûr d’en avoir éteint l’ampoule avant Chabbat. Certains auteurs permettent l’acte, en le rattachant au cas de davar ché-eino mitkaven (Taz 316, 3). D’autres l’interdisent car la réalité sur laquelle porte le doute est déjà existante, ce qui nous ramène à un cas de doute portant sur un interdit toranique, cas dans lequel on est rigoureux (Rabbi Aqiba Eiger). En cas de nécessité, on est indulgent ; si l’acte qui en résulte est un interdit rabbinique, on est assurément indulgent, de même qu’on l’est dans un cas de doute portant sur une prescription rabbinique (comme l’explique le Béour Halakha 316, 3 ד »ה ולכן).

    Certaines choses dépendent entièrement de l’intention : si l’on vise un résultat interdit, elles sont interdites, et si l’on vise un résultat permis, elles sont permises. Cf. infra, chap. 15 § 10 en matière de bois aromatiques ; Har’havot 9, 5, 9 en matière d’eau froide dont on remplit une casserole chaude).

    06. Mélakha ché-eina tsrikha légoufah (ouvrage dont la nécessité ne réside pas en lui-même)

    Comme nous l’avons vu, un principe particulier s’applique au Chabbat : c’est l’ouvrage assorti d’une intention (mélékhet ma’hachavet) que la Torah interdit d’exécuter, c’est-à-dire un ouvrage accompli dans l’intention délibérée de l’accomplir. À partir de là, une controverse se fait jour entre les Tannaïm, sur la règle qui s’applique lorsqu’on a l’intention d’accomplir un travail déterminé, mais non pour les besoins mêmes du produit qui en résulte[g]. Par exemple, l’extinction d’une lampe traditionnelle, quand ce travail est exécuté pour lui-même, vise la production de charbon, ou le mouchage de la mèche, afin que l’on puisse mieux l’allumer ensuite. Dans ces différents cas, une utilité directe réside dans l’extinction elle-même. En revanche, si l’on éteint la lampe parce que l’on veut économiser l’huile, ou parce que l’on est dérangé par la lumière, on n’aura pas effectué ce travail pour le produit même de l’extinction, mais parce que l’on ne voulait pas que la lampe continuât de brûler : on aura accompli ce travail, mais non pour les besoins du produit qui en résulte. Selon Rabbi Chimon, puisqu’il s’agit d’un ouvrage dont la nécessité ne réside pas en lui-même (mélakha ché-eina tsrikha légoufah), le travail qui l’a fait naître n’est interdit que rabbiniquement.  Selon Rabbi Yehouda, en revanche, même dans le cas où l’on ne vise pas le produit même de l’action (le « corps de l’ouvrage »), et dès lors que l’on a, en pratique, l’intention d’éteindre la lampe, on exécute un travail et l’on transgresse un interdit toranique (Chabbat 31b ; 93b ; cf. infra, chap. 16 § 5).

    Autre exemple : si l’on creuse un trou dans le sol afin d’y fixer l’une des poutres de sa maison, on transgresse l’interdit de construire (boné) ; de même, si l’on creuse un trou pour y planter un arbre, on transgresse l’interdit de labourer (‘horech). Mais si l’on a besoin de terre, et que l’on creuse la terre pour cette raison, on aura effectué un travail de creusement, mais non pour les besoins du produit de ce creusement lui-même[h]. Selon Rabbi Chimon, puisque l’intention est ici d’extraire de la terre et non de creuser un trou, on ne transgresse pas en cela d’interdit toranique, mais seulement un interdit rabbinique. Selon Rabbi Yehouda, puisqu’en pratique on exécute intentionnellement un travail de creusement, on enfreint un interdit toranique (la mélakha de ‘horech, labourer).

    Certes, tout le monde s’accorde à dire qu’il est interdit d’accomplir un tel ouvrage, qui n’est pas nécessaire pour lui-même ; mais ce débat est d’importance essentielle : si le fait d’exécuter un ouvrage qui n’est pas nécessaire pour lui-même constitue un interdit rabbinique seulement, il sera possible de l’autoriser dans des cas déterminés ; mais si cet interdit est toranique, on ne pourra l’autoriser en aucune façon.

    En pratique, la grande majorité des décisionnaires estiment qu’exécuter un ouvrage qui n’est pas nécessaire pour lui-même est un interdit rabbinique (Rav Haï Gaon, Rabbénou ‘Hananel, Na’hmanide, Rachba, Roch). Toutefois, puisque certains décisionnaires sont rigoureux (Maïmonide, Chabbat 1, 7), et que, de plus, ce qui différencie un tel acte d’un travail interdit par la Torah réside uniquement dans l’intention qui y préside, la mélakha ché-eina tsrikha légoufah est considérée comme plus grave que les autres interdits rabbiniques[3].


    [g]. Létsorekh goufo : littéralement, « pour son propre besoin ».

    [h].  Dans les deux premiers cas, ce qui est visé est le trou, destiné aux besoins d’un autre ouvrage ; dans le dernier, c’est la terre.

     

    [3]. Le Choul’han ‘Aroukh 316, 8 et 334, 27 mentionne, sans attribution spécifique, l’opinion de la majorité des décisionnaires, puis il mentionne l’opinion de Maïmonide en citant expressément son nom, afin de nous laisser entendre que l’opinion principale est celle de la majorité des décisionnaires. Le Michna Beroura 334, 85 et le Yabia’ Omer IV 23, 1 se prononcent en ce sens. Toutefois, on est plus rigoureux en matière de mélakha ché-eina tsrikha légoufah que dans les autres interdits rabbiniques, car son exécution est semblable à celle d’un ouvrage interdit par la Torah (Tossephot, Chabbat 46b ד »ה דכל ; Cha’ar Hatsioun 278, 4).

     

    La différence entre mélakha ché-eina tsrikha légoufah et psiq reicha tient au fait que, dans le psiq reicha, je suis intéressé par l’obtention de la conséquence interdite, si bien que l’acte est interdit par la Torah elle-même ; tandis que, dans la mélakha ché-eina tsrikha légoufah, je ne suis pas intéressé par la conséquence interdite, ce qui fait de l’acte, selon une majorité de décisionnaires, un interdit rabbinique. Si bien que, dans tous les cas où l’auteur du psiq reicha ne tire aucun profit de son acte (psiq reicha dela ni’ha leh, cf. note 2), l’interdit est rabbinique. Simplement, quand je tranche la tête d’un poulet, je ne peux arguer que la mise à mort du poulet ne m’est d’aucun profit : une telle prétention ne serait qu’une feinte naïveté, car quiconque tranche la tête d’un poulet veut tuer celui-ci. C’est l’opinion de Tossephot (Chabbat 103a ד »ה בארעא) et de Maïmonide (tel que l’explique le commentaire de Rabbénou Pera’hia 42, 1).

     

    On peut ajouter que, dans le psiq reicha, l’action permise est annexe et s’annule devant l’acte interdit, tandis que, dans la mélakha ché-eina tsrikha légoufah, l’action permise ne s’annule pas ; si bien que, suivant Rabbi Chimon, l’interdit n’est que rabbinique.

     

    Les Richonim expliquent encore que la mélakha ché-eina tsrikha légoufah consiste en une seule action ; aussi, quand mon intention vise le but permis, ma pensée fait disparaître toute intention qui se porterait sur l’interdit. Le psiq reicha, en revanche, est porteur de deux conséquences, et l’intention permise, qui se porte sur la conséquence autorisée, n’annule pas l’interdit frappant la seconde conséquence (ainsi que le rapportent le Rachba et le Ritva). Cf. Har’havot 9, 6.

     

    07. Meqalqel, le fait de détériorer

    La Torah interdit l’exécution de travaux qui tendent vers un accomplissement, la production d’une amélioration[i], à l’exemple des travaux par lesquels on construisit le Tabernacle, ainsi qu’il est dit : « Pour exécuter tout ouvrage pensé » (Ex 35, 33). En revanche, si l’on exécute un travail tendant à la détérioration ou à la destruction, on ne transgresse pas d’interdit toranique ; mais nos sages n’en ont pas moins interdit de faire un travail sur le mode de la détérioration (qilqoul) ou de la destruction. C’est à ce propos que les sages disent, dans la Michna : « Tous ceux qui détériorent sont quittes » (Chabbat 13, 3). Chaque fois que nos sages disent, au traité Chabbat, le mot patour (quitte, dispensé), cela signifie « dispensé de la punition prévue par la Torah » ; mais l’acte en lui-même est interdit par nos sages (Chabbat 3a).

    Par conséquent, si l’on déchire dans le but de recoudre, on transgresse un interdit toranique ; mais si l’on déchire sans intention de recoudre, on transgresse un interdit rabbinique (cf. infra, chap. 13 § 11). Démolir une maison ou des ustensiles afin de reconstruire de meilleure façon, c’est enfreindre un interdit de la Torah ; démolir sans intention de reconstruire, c’est enfreindre un interdit rabbinique (chap. 15 § 1). Effacer des lettres afin d’en écrire d’autres à leur place est un interdit toranique ; effacer sans intention de récrire est un interdit rabbinique (chap. 18 § 1).

    De même, s’agissant d’allumer : si l’on allume un feu afin de cuire, de réchauffer, d’éclairer, ou parce que l’on a besoin de cendres, on enfreint un interdit toranique ; mais si l’on incendie pour détruire, on enfreint un interdit rabbinique (Chabbat 106a ; Maïmonide 12, 1 ; cf. infra, chap. 16 § 1). De la même façon, s’agissant de l’interdit de causer une lésion (‘hovel) : si l’on égorge une bête parce que l’on a besoin de sa chair ou de sa peau, on enfreint un interdit toranique. Si l’on tue une bête pour l’éliminer, l’interdit est rabbinique. Par exemple, écraser des fourmis ou tuer des moustiques n’est qu’un interdit rabbinique, puisqu’on ne vise aucun produit ni aucune réparation (chap. 20 § 8)[4].


    [i]. Tiqoun : cf. ci-dessus, note f. Ici dans le sens d’une action donnant lieu à un perfectionnement de la réalité. Il peut s’agir littéralement d’une réparation, mais plus simplement d’une construction, et de tout acte dont l’accomplissement fait passer une chose d’un état à un autre, plus accompli, comme le fait de cuire ou de trier des aliments pour les rendre propres à la consommation.

    [4]. Si l’on blesse son prochain sur le mode de la vengeance, on transgresse, selon Maïmonide, un interdit de la Torah [du point de vue du Chabbat, indépendamment même de l’interdit de porter atteinte à son prochain, qui a cours en tout temps], car on soulage par là son penchant à la colère : si l’on se place du point de vue du penchant au mal, l’acte est considéré comme un acte d’arrangement ou de réparation (tiqoun). Selon le Raavad, puisque il n’y a pas là de réparation à proprement parler, l’interdit, du point de vue du Chabbat, est rabbinique (Maïmonide 11, 1, Michna Beroura 316, 30). Cf. Har’havot 20, 9, 2.

    08. Qiyoum (permanence)

    Le travail que la Torah interdit d’accomplir le Chabbat est un travail dont la conséquence se maintient ; si elle ne se maintient pas, elle n’est pas interdite par la Torah elle-même. Par conséquent, si j’écris sur papier, au stylo ou au crayon, je transgresse un interdit de la Torah, car ce que j’écris est de nature à subsister longtemps. Mais si j’écris avec, pour toute encre, du jus de fruits, dont la couleur passe rapidement, ou si j’écris à l’encre mais sur une feuille d’arbre, qui séchera et s’effritera rapidement, j’enfreins un interdit rabbinique. De même, écrire sur du sable ou sur une fenêtre embuée est un interdit seulement rabbinique, puisqu’une telle écriture n’a pas de permanence (infra chap. 18 § 2 et 4).

    Dans le même sens, si je fais un nœud fixe, c’est-à-dire fort, qui se maintient longtemps, j’enfreins un interdit toranique ; mais si le nœud est temporaire, qu’il ne se maintienne que peu de temps, l’interdit est rabbinique. Quant à un nœud très lâche, tel qu’un nœud simple ou un nœud de cravate, il n’est pas interdit de le faire, puisqu’il n’a aucune permanence et que l’on peut le dénouer facilement (chap. 13 § 13). De même, s’agissant de l’interdit de construire, si l’on fixe un crochet à un mur de façon permanente, on enfreint un interdit toranique ; si on le fixe de manière temporaire, l’interdit est rabbinique (chap. 15 § 3).

    09. Grama (travail indirect)

    Du verset : « Tu ne feras aucun travail » (Ex 20, 9), nos sages apprennent que ce que la Torah interdit, c’est précisément le fait de faire un travail. Mais si le travail se fait de lui-même, quand bien même l’homme en aurait causé (garam) l’accomplissement, ce travail s’appelle grama (« causé, entraîné ») ; la Torah ne l’interdit pas elle-même, et il est permis de l’accomplir pour répondre à une grande nécessité (tsorekh gadol). Par exemple, si un incendie se déclare, il est permis de disposer des récipients remplis d’eau autour du lieu où le feu a pris, de manière que, quand le feu parviendra à leur niveau, les récipients brûleront, se fendront, et que l’eau qu’ils contenaient se répandra, éteignant le feu (Chabbat 120b ; Choul’han ‘Aroukh 334, 22). Il est convenu de dire que la permission de grama ne joue que pour éviter une perte, ou pour les nécessités d’une mitsva, ou encore pour une autre grande nécessité. Mais s’il n’y a pas de grande nécessité, il est interdit de causer l’accomplissement d’un travail le Chabbat (Rama 334, 22).

    Certains travaux ont pour particularité de s’accomplir, par nature, de façon indirecte ; par conséquent, les accomplir, même sur ce mode indirect, expose à la sanction. Par exemple, si je vanne du blé, bien que la séparation entre l’épi et la tige se fasse par le vent et que, pour ma part, je ne fasse que l’entraîner, je transgresse un interdit toranique, car c’est de cette façon que s’accomplit ordinairement ce travail (cf. Baba Qama 60a). De même, si je place une casserole sur le feu, bien que je ne fasse qu’entraîner la cuisson de l’aliment par l’effet du feu, je transgresse un interdit toranique, car telle est la manière habituelle de cuire. En d’autres termes, la permission de procéder par grama en certaines circonstances ne vaut que si le travail se fait d’une façon inhabituelle : alors, si ce travail se fait sur le mode de grama, c’est-à-dire sans qu’il y ait intervention directe de l’homme, la Torah ne l’interdit pas, et il est permis d’user de ce procédé pour répondre à une grande nécessité.

    On peut poser pour principe que, tant que l’on peut reconnaître que l’acte est directement dérivé de l’intervention humaine, cet acte est considéré comme la propre réalisation de l’homme, et il est interdit par la Torah même. Quand, en revanche, il n’est pas manifeste[j] que l’acte est le produit de l’intervention humaine, mais qu’il paraisse seulement causé par celle-ci, cela relève de la catégorie de grama. Par exemple, quand on ôte une digue et que l’eau, qui a commencé à couler, réalise un travail : si ce dernier se produit à proximité, il sera regardé comme l’effet direct de l’action humaine et appelé koa’h richon (« première force ») ; il sera alors pleinement considéré comme l’œuvre de l’homme. Mais si le travail se réalise en un endroit éloigné, il sera appelé koa’h chéni (« deuxième force »), et considéré comme grama. Dans le même ordre d’idées, si l’ouvrage se fait immédiatement, il est regardé comme l’œuvre directe de l’homme, et la Torah l’interdit. Mais si l’activité humaine a pour conséquence, après coup, qu’un ouvrage se réalise, celui-ci s’appelle grama.  En tout état de cause, si c’est de cette même manière que l’ouvrage s’exécute les jours de semaine – l’acte humain entraînant la réalisation du travail dans un endroit éloigné ou après un délai –, on ne considère plus ce travail comme relevant de grama, mais comme intégralement exécuté par l’homme et interdit à ce titre, puisque tel en est le mode d’exécution normal. Car grama, et c’est un principe intangible, se dit du fait de causer d’une manière inhabituelle l’accomplissement d’un ouvrage[5].


    [j]. Nikar : littéralement « reconnaissable », visible, manifeste.

     

    [5]. Certains décisionnaires autorisent a priori d’accomplir un travail sur le mode de grama, le Chabbat (Taz 514, 10, Gaon de Vilna 314). Nombreux sont ceux qui ne l’autorisent que pour éviter une perte, ou pour les nécessités d’une mitsva, ou encore pour une autre grande nécessité, ou pour les besoins d’un malade (Rabbénou Yoël, Mordekhi, Rama 334, 22, Maguen Avraham). En ce qui concerne les jours de fête, les décisionnaires sont nombreux à autoriser grama a priori (Maamar Mordekhaï, Cha’ar Hatsioun 514, 31 ; cf. Fêtes et solennités juives, vol. 2, chap. 5 § 5 et note 6 [paru en hébreu sous le titre de Pniné Halakha – Mo’adim, à paraître en français]).

     

    La notion de grama est définie au traité Sanhédrin 77b à partir de ce cas [qui n’est pas lié à la question du Chabbat] : celui qui attache son prochain puis ouvre une digue, libérant l’écoulement de l’eau qui provoque la mort du prochain, est passible de sanction. Cela, à condition que l’eau à l’origine de la mort soit de « “première force”, koa’h richon [écoulée à la suite immédiate de l’action de l’homme] ; en revanche, si l’écoulement d’eau à l’origine de la mort était de “seconde force” (koa’h chéni), cela relève de grama. »

     

    De même, nous voyons au traité ‘Houlin 16a le cas d’un abatteur rituel, qui ôte une digue afin que l’écoulement d’eau entraîne la rotation d’une roue équipée d’un couteau d’abattage venant trancher la gorge d’une bête placée face à elle. Si l’écoulement d’eau entraînant le mouvement de la roue est la conséquence immédiate de l’acte de l’homme (koa’h richon), l’abattage est cachère, car le retrait de la digue est considéré comme acte d’abattage. Mais si l’écoulement entraînant la rotation de la roue n’est que la conséquence seconde du mouvement humain (koa’h chéni), la bête n’aura été abattue que de façon indirecte ; elle est donc considérée comme névéla (cadavre animal) et interdite à la consommation.

     

    Sur Sanhédrin 77b, Rachi explique que ce que l’on appelle koa’h chéni est « quelque peu éloigné ».  Selon le Ramah (Rabbi Méïr Halévi Aboulafia), quand l’eau s’écoule directement, cela s’appelle koa’h richon ; et quand l’eau est retenue dans sa course par un obstacle placé sur son cours, son statut est de koa’h chéni. Dans le même                                                                                                                                                                                                        ordre d’idée, l’eau qui jaillit au début de l’intervention humaine est considérée comme provenant de koa’h richon, tandis que ce qui s’écoule ensuite relève de koa’h chéni.

     

    Dans ce même passage de Sanhédrin, on explique encore que, si on lance une pierre en l’air, et que celle-ci retombe droit par terre, on considère que la pierre tombe par l’effet d’une force dérivée (grama), force d’attraction terrestre, et non par la force de celui qui l’avait lancée. En revanche, si elle tombe de côté, c’est par l’effet du lanceur, car bien que la chute soit l’effet de la force d’attraction terrestre, on peut encore percevoir quelque peu, en ce que la chute est latérale, l’intervention humaine.

    10. Enfants, non-Juifs, animaux

    En plus de l’interdit d’accomplir un travail le Chabbat, il nous est ordonné d’accorder le repos à nos enfants, à nos serviteurs, et à nos animaux, comme il est dit : « Tu ne feras aucun travail, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, ton bœuf ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni le prosélyte qui est en tes portes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi » (Dt 5, 13).

    On voit donc qu’en plus de la mitsva rabbinique incombant aux parents d’éduquer leurs enfants à l’observance des mitsvot, il existe une mitsva toranique interdisant d’accomplir un travail, le Chabbat, par le biais des enfants. Les règles applicables au mineur, le Chabbat, seront abordées plus loin, au chapitre 24.

    De même, la Torah interdit d’exécuter un travail, le Chabbat, par le biais d’un serviteur non-juif. Afin de comprendre la signification de cette mitsva, il faut préciser d’abord que, selon la Torah, un esclave[k] non-juif acquis par un Juif doit suivre un processus de conversion (guiour), après lequel il est soumis à l’observance de l’ensemble des commandements, à l’exception des mitsvot « positives » conditionnées par le temps. Si le maître décide de l’affranchir, l’individu prendra le statut de Juif, également obligé aux mitsvot déterminées par le temps. Cela signifie que, même à l’époque de sa servitude, la Torah lui fait obligation d’observer le Chabbat, dans la mesure où il s’est converti au judaïsme. De plus, la Torah ajoute une mitsva spécifique au maître, lui prescrivant de veiller à ce que son esclave n’exécute aucun travail le Chabbat.

    Si l’esclave n’a pas suivi de processus de conversion, il n’a aucune obligation d’observer le Chabbat, et il lui est permis de faire des travaux pour son propre usage. En revanche, de même que le Juif s’abstient de travailler pendant Chabbat, la Torah lui interdit de demander à son serviteur d’exécuter pour lui quelque travail, comme il est dit : « Et le fils de ta servante, ainsi que l’étranger, se reposeront » (Ex 23, 12) ; or nos sages enseignent que ce qui est visé ici est l’esclave non converti[6].

    Nos maîtres interdisent également au Juif de demander à un non-Juif de faire à son intention un travail, le Chabbat. Les règles applicables au travail du non-Juif seront étudiées au chapitre 25. Comme nous le verrons dans les prochains paragraphes, les sages autorisent parfois à demander à un non-Juif d’accomplir à l’intention d’un Juif un travail sur lequel pèse un interdit rabbinique.

    La Torah interdit encore d’accomplir un travail par le biais d’un animal. Nous étudierons ces règles au chapitre 20. En revanche, il n’est pas nécessaire de faire chômer ses ustensiles pendant Chabbat. Il est donc permis à un Juif de prêter des outils à un non-Juif, lequel fera un travail à l’aide de ces outils ; cela à condition que le non-Juif ne paraisse pas accomplir ce travail à la demande du Juif (Chabbat 19a, conformément à l’opinion de la maison d’étude d’Hillel ; Choul’han ‘Aroukh 246, 1-3).


    [k]. La Torah prévoyait un statut de ‘eved, littéralement esclave. Il s’agit dans la Bible d’une catégorie juridique particulière, régie par des lois protectrices, et qui doit être distinguée de la pratique de l’esclavage par les autres peuples de l’Antiquité ou de l’époque moderne.

     

    [6]. Yevamot 48b, Choul’han ‘Aroukh 304, 1, Michna Beroura § 1 et 15. Les commentateurs sont partagés sur la question du guer tochav (« étranger résident »), c’est-à-dire le non-Juif qui a pris sur soi l’observance des sept lois noachides. Selon Rachi et Tossephot (sur Yevamot 48b), la Torah dit de lui : « Le fils de ta servante, ainsi que l’étranger, se reposeront » (Ex 23, 12) : bien que son statut soit celui d’un non-Juif et qu’il lui soit permis de travailler durant Chabbat, la Torah interdit au Juif de lui demander d’accomplir un travail à son intention pendant ce jour.

     

    Selon le Roch (ad loc.) et Maïmonide (20, 14), ce n’est que si ce Noachide est « son salarié ou son employé » que la Torah interdit au Juif de lui demander d’exécuter un travail ; en revanche, s’il s’agit de quelque autre Noachide, son statut est semblable à celui de tout autre non-Juif à l’égard du Chabbat : la Torah autorise à lui demander de faire un travail, mais les sages l’interdisent. (Le Séfer Mitsvot Gadol, mitsva négative 75 se distingue des autres décisionnaires : selon lui, la Torah interdit de demander à un non-Juif de faire un quelconque travail ; son opinion est citée par le Beit Yossef 245).