Pniné Halakha

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Chapitre 19 – Travaux liés aux végétaux

01. Labourer (‘horech)

La mélakha de labourer (‘horech) est celle par laquelle on prépare le terrain afin d’y cultiver des espèces végétales. Le labour consiste à creuser des sillons dans le sol, ou des trous, afin de pouvoir y planter des semences ou repiquer des plants. Le labour contribue également à amollir la terre et à la rendre meuble, ce qui facilite l’extension des racines dans la terre et l’absorption de leur nourriture.

De même, aplanir la surface du sol, s’il s’y trouve par exemple des monticules et des creux, c’est enfreindre l’interdit de labourer. En effet, cette action a également pour effet d’amollir la terre ; de plus, quand la terre est plane, il est plus facile de la préparer aux semailles et aux plantations. De même, si l’on creuse un petit trou, on enfreint l’interdit de labourer, car il est possible d’y semer une graine. Dans le même sens, si l’on épierre un champ, ou qu’on le fume, ou encore que l’on arrache ses épines et ses herbes folles, on enfreint un interdit toranique, dérivé (tolada) du labour. En effet, par de tels actes, on améliore le terrain afin qu’il soit plus propre à l’ensemencement ou à la plantation. Et quiconque fait la moindre action dans le but d’améliorer le sol à l’approche des semailles ou des plantations transgresse l’interdit toranique (Chabbat 103a, Talmud de Jérusalem, Chabbat 7, 2).

Même si l’on accomplit ces actes sur un sol que l’on n’a pas l’intention d’ensemencer ni de planter, on transgresse par-là l’interdit de labourer, car en pratique on exécute un acte qui amende le sol et le rend plus apte à l’ensemencement ou à la plantation (Eglé Tal, ‘Horech 16).

Il est de même interdit au titre du labour de creuser un trou dans la terre d’un pot de fleurs ou d’un pot à plante. Il est également interdit d’enfoncer un objet dans la terre d’un tel pot car, en l’enfonçant, on ferait un creux susceptible d’accueillir une semence (Michna Beroura 498, 91 ; cf. ci-après, note 4).

Nos sages ont interdit de balayer le sol de la cour, de crainte que l’on n’en vienne à aplanir les creux et à enfreindre ainsi un interdit toranique. En effet, s’il s’agit d’un sol susceptible d’être ensemencé, on transgresserait l’interdit de labourer ; et s’il s’agit d’un sol qui ne sert que de cour, on transgresserait l’interdit de construire (boné)[a]. En revanche, il est permis de balayer la partie dallée d’une cour[1].

Il est interdit de déplacer, du pied, de la terre ou du sable, ou d’y donner des coups de pied, car ce serait rendre la terre plus friable et en aplanir les creux. On ne frottera pas non plus du pied un crachat qui est au sol, afin de ne pas aplanir de creux. En revanche, il est permis de marcher dessus simplement, en passant par-là, afin d’atténuer le dégoût que les passants peuvent éprouver en le voyant, à condition de ne pas avoir l’intention de l’étaler ni d’égaliser quelque creux (Choul’han ‘Aroukh 316, 11).

Si de la boue s’est attachée à vos chaussures, vous ne les nettoierez pas en les frottant dans la terre, de crainte d’en venir à aplanir des creux (Choul’han ‘Aroukh 302, 6). Certains décisionnaires n’ont cependant pas cette crainte, et le permettent (Rama, Touré Zahav). Si l’on veut être indulgent, on y est autorisé, mais a priori il est préférable d’être rigoureux. Sur un paillasson métallique, des dalles ou des pierres, on peut a priori se frotter les chaussures (Michna Beroura 302, 28 ; cf. sur toutes ces questions le chap. 15 § 2, consacré à la mélakha de construire).


[a]. Aplanir un terrain, quand il est constructible, c’est le rendre apte à y recevoir une construction, ce qui est interdit au titre de la mélakha de construire (cf. supra, chap. 15 § 1).

 

[1]. Cf. supra, chap. 15 § 2, note 1, la question du balayage du carrelage, où l’on voit qu’en pratique il est permis de balayer tout sol revêtu, à l’intérieur de la maison ou dans la cour. Cf. aussi infra, chap. 23 § 14, note 14, où l’on apprend pourquoi cela n’est pas interdit au titre du mouqtsé.

02. Tirer des objets, faire avancer une poussette

Il est permis de tirer un lit, une chaise ou un banc le long d’un terrain. En effet, il n’est pas certain que leur traction sur le sol créera une rainure, si bien qu’il n’y a pas là d’interdit. Même quand il est facile de soulever la chaise en l’air et de sortir ainsi du doute, il reste permis de tirer la chaise sur le sol ; car tant que l’on n’a pas l’intention de pratiquer des rainures, et qu’il n’y a pas non plus de certitude qu’elles se formeront, les rainures éventuelles s’inscriront dans la catégorie de davar ché-eino mitkaven (chose sur laquelle ne porte pas l’intention) : l’acte qui en serait l’origine est permis (Choul’han ‘Aroukh 337, 1). Par contre, quand il est certain que le fait de tirer de tels objets sur le sol produira des rainures, il est interdit de les tirer, au titre de la mélakha de labourer. Et bien que l’on n’ait pas l’intention de faire là des semailles, le fait que l’endroit devienne propre à l’ensemencement suffit à établir que l’on exécute, en pratique, un acte de labour (conformément à la règle de psiq reicha, cf. ci-dessus chap. 9 § 5)[2].

En un endroit pourvu d’un érouv[b], il est permis de conduire une poussette sur un sol non dallé, bien qu’il soit certain que les roues de la poussette traceront des sillons dans le sol. En effet, les roues de la poussette ne creusent ni ne retournent la terre à la façon du labour ; elles se contentent de fouler et de presser la terre vers le bas, d’une façon qui ne pourrait servir à la préparation d’un sol en vue de semailles ou de plantations. Il est même permis d’incliner la poussette sur les côtés, car il n’est pas certain qu’il y ait au moment de cette inclinaison un fait de retournement et de préparation du sol, le rendant propre à l’ensemencement (Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 48, Ye’havé Da’at II 52).


[2]. Davar ché-eino mitkaven se dit d’un cas où il n’est pas certain qu’une mélakha s’accomplira ; en un tel cas, il est permis d’accomplir l’action susceptible de la causer. Comme le disent nos sages dans le Talmud, la halakha est ici conforme à l’opinion de Rabbi Chimon (Chabbat 22a). Par contre, quand il est certain que la mélakha s’accomplira, c’est un cas de psiq reicha, cas dans lequel Rabbi Chimon lui-même interdit d’accomplir l’action propre à causer cette mélakha (Chabbat 103a ; Maïmonide, Chabbat 1, 5-6). Selon la majorité des décisionnaires, psiq reicha est interdit, même quand la mélakha engendrée n’est interdite que rabbiniquement. Ils trouvent précisément un appui à leur thèse dans l’interdit de traîner un objet sur la terre : bien que, dans ce cas, le labourage se fasse sans y mettre la moindre intention, et sans l’équipement ordinairement utilisé pour labourer, cela reste interdit (Chabbat 46b). D’autres estiment que creuser des rainures en tirant un objet est même un interdit toranique : pour eux, cela n’est pas dépourvu d’intention ; il y a au contraire une véritable ressemblance avec le travail du labour. C’est ce qu’écrivent Rabbénou Tam ainsi que Rabbi Abraham, fils de Maïmonide. Cf. Menou’hat Ahava II 1, 6, pp. 32-33.

 

Si l’on se trouve dans une cour où tracer des rainures aurait pour effet d’endommager le lieu, il semble qu’il soit permis d’y traîner un objet, puisqu’alors c’est un cas de psiq reicha dans lequel la conséquence de l’acte ne convient pas à celui qui le fait (psiq reicha dela ni’ha leh). De plus, selon de nombreux auteurs, il y a également deux éléments rabbiniques d’abstention (cf. supra chap. 9, note 2) : a) on imprime ces rainures sans y mettre d’intention ; b) un travail fait de façon à abîmer (meqalqel) est un interdit seulement rabbinique.

 

[b]. Dispositif de jonction des domaines ; cf. chap. 29.

03. Semer (zoréa’)

La mélakha de semer (zoréa’) est celle qui cause la croissance végétale. Il s’agit par exemple de poser des semences, de planter des pousses, de greffer un arbre ou de le marcotter. De même, toute action qui a pour effet d’améliorer la croissance des branches ou des fruits est interdite par la Torah. Par conséquent, il est interdit de tailler des branches, ou de sarcler des herbes folles qui poussent autour des végétaux cultivés, car ces actes favorisent la croissance. Il est de même interdit d’arroser des végétaux, ou de fumer la terre qui les entoure. Il est également interdit d’appliquer une crème sur les blessures d’un arbre afin de le soigner (Chabbat 73b, Maïmonide, Chabbat 7, 3 ; 8, 2)[3].

Il est interdit de placer un noyau d’avocat dans un récipient contenant de l’eau, afin qu’il prenne racine et commence à croître. De même, il est interdit de placer une branche dans l’eau afin qu’elle produise des racines et se mette à croître.

Au titre de l’interdit de semer, il est également interdit de faire germer des graines dans de l’eau afin de pouvoir ensuite les planter dans la terre, ou afin de se servir des germes qui pousseront. Il est de même interdit de tremper des graines dans de l’eau afin qu’elles s’attendrissent et soient ainsi prêtes à l’enracinement et à la croissance (Choul’han ‘Aroukh 336, 11)[4]. En revanche, il est permis de tremper de l’orge pour l’attendrir et servir à l’alimentation animale, car l’intention n’est pas ici de faire croître cette orge ; de plus, on la sortira de l’eau et l’on en nourrira ses bêtes avant qu’elle ne produise des racines (Michna Beroura 336, 51).

Il faut prendre soin de ne pas jeter de semences sur une terre humide, car elles risqueraient d’y pousser, si bien qu’on les aurait plantées pendant Chabbat. En revanche, il est permis de jeter des graines en un endroit où il est raisonnable de penser qu’elles ne pousseront pas. Par conséquent, il est permis de jeter des graines en un lieu que foulent les pas de l’homme, ou devant des animaux, car il est vraisemblable qu’ils les mangeront en un jour ou deux (Choul’han ‘Aroukh 336, 4).

Il est interdit de fermer une serre chaude ou de l’ouvrir pour hâter la croissance des espèces qui y poussent. En revanche, si l’on a chez soi une plante en pot, il est tout de même permis d’ouvrir les volets et les fenêtres, pour les besoins des habitants. Et bien que l’entrée des rayons de soleil et de l’air favorise indirectement la croissance de la plante qui est dans le pot, cela n’est pas interdit, puisque l’on n’ouvre pas la fenêtre ou les volets pour cela, et que l’effet d’utilité pour la plante ne lui vient que d’une causalité lointaine (il s’agit d’un cas de psiq reicha accompagné de deux éléments rabbiniques d’abstention : le changement, par rapport aux modes habituels d’intervention sur la croissance, et le caractère indirect, comme l’expliquent le Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm 133 et le Ye’havé Da’at V 29).


[3]. De l’avis de Rabbi Chalom Charabi, celui qui sème pendant Chabbat et qui, avant l’enracinement, extirpe de la terre les semences qu’il a plantées, évite par cette extirpation la transgression d’un interdit toranique. En effet, selon cet auteur, ce n’est qu’au moment de l’enracinement que l’interdit prend effet. En revanche, selon le Min’hat ‘Hinoukh et le Eglé Tal, Zoréa’ 8, on est passible de sanction dès le moment de l’ensemencement.

[4]. Selon le Nichmat Adam 11, 1 et le ‘Aroukh Hachoul’han 336, 30, semer dans un récipient qui n’est pas percé est un interdit toranique. Pour le Mahari ‘Hagazi et le Eglé Tal, Zoréa’ 9, en revanche, l’interdit est rabbinique, car l’ensemencement ne se fait pas ordinairement dans un récipient non percé ; et si le trempage de graines est bien interdit par la Torah, c’est seulement parce que tel est l’usage que de les tremper avant de les planter (cf. Menou’hat Ahava II 3, note 33). Récemment, on a commencé à faire pousser des semences et des végétaux dans l’eau, avec des composés chimiques qui servent de substitut aux matières que contient la terre. Il semble que tous les décisionnaires s’accorderaient à dire qu’en semant de cette manière pendant Chabbat, on enfreindrait un interdit toranique, car c’est l’un des modes d’ensemencement contemporains, de la même façon que l’on considère que faire pousser des végétaux sur de la terre placée sur un toit est bien un mode d’ensemencement (responsa du Roch, principe 2 § 4).

04. Arrosage

Arroser des végétaux est interdit au titre de la mélakha de semer, car l’arrosage aide à la croissance. Mais avant l’entrée de Chabbat, il est permis d’ouvrir les tuyaux ou les dispositifs d’arrosage, afin que celui-ci se poursuive pendant Chabbat. De même, il est permis de programmer un ordinateur commandant l’arrosage, pour que celui-ci commence pendant Chabbat, puisque le Juif ne fera personnellement aucun travail durant Chabbat. Si l’on a ouvert les tuyaux d’arrosage avant Chabbat, il sera permis de les refermer pendant Chabbat, car il n’y a aucune mélakha dans le fait de les fermer (cf. ci-dessus, chap. 2 § 9).

Si l’on mange dans le jardin, on doit prendre soin de ne pas se laver les mains au-dessus de végétaux ou de leurs racines (Choul’han ‘Aroukh 336, 3). S’agissant de petits végétaux dont les racines sont courtes, l’interdit ne vaut que lorsqu’on se lave les mains véritablement près d’eux ; pour de grands végétaux, l’interdit vaut pour tout le parterre alentour.

Si ce n’est sur des végétaux ou leurs racines, il est permis de verser de l’eau. Certes, il se peut que, finalement, l’eau arrive aux racines des végétaux environnants, ou que des herbes sauvages apparaissent là où l’eau aura été versée ; mais il n’y a pas là d’interdit, puisque l’intention ne porte pas là (Kaf Ha’haïm 336, 27).

Il est interdit de verser de l’eau sur son terrain cultivable, car l’eau attendrit la terre et la prépare à l’ensemencement ou à la plantation, ce qui relève de la mélakha de labourer (Michna Beroura 336, 26, Cha’ar Hatsioun 18).

05. Evier dont l’eau se déverse dans la cour

Quand, dans un évier, l’eau s’évacue par le biais d’un tuyau pour se déverser sur un sol où poussent des végétaux, il est interdit à quiconque a intérêt que lesdits végétaux soient irrigués de verser de l’eau dans cet évier pendant Chabbat. À plus forte raison est-il interdit d’utiliser un tel évier pendant Chabbat si, dès l’abord, on a installé le tuyau de telle façon qu’il puisse abreuver ces végétaux.

Mais une personne à laquelle il est indifférent que ces végétaux soient abreuvés – par exemple s’ils ne lui appartiennent pas, et qu’elle n’ait pas d’intérêt à leur croissance – est autorisée, de l’avis de nombreux décisionnaires, à utiliser l’évier en question, bien que l’on puisse prévoir que l’eau abreuvera les végétaux. En cas de nécessité, on peut s’appuyer sur cette opinion. Certes, si l’on verse directement de l’eau sur les plantes, même si l’on n’a pas l’intention de les arroser, on enfreint un interdit, puisque l’on aide à leur pousse. Mais dans notre cas, où l’eau se déverse sur le sol de manière indirecte – cas appelé force seconde (koa’h chéni) ou travail indirect (grama) –, c’est permis (Chemirat Chabbat Kehilkhata 12, 19). Et si l’eau qui s’écoule de l’évier arrive sur des plantes qui ont déjà été irriguées plus que de besoin – par exemple si de fortes pluies sont tombées sur elles, ou que beaucoup d’eau ait été versée par le biais de l’évier avant Chabbat –, il est permis d’utiliser cet évier, même si l’on a intérêt à la croissance desdites plantes ; en effet, cela ne leur est d’aucune utilité pendant Chabbat.

S’il a plu pendant la fête de Soukot, que l’on ait recouvert d’un auvent le sekhakh (toit de branchages), afin que la souka[c] et le sekhakh ne soient pas mouillés, et qu’après l’interruption de la pluie on veuille ouvrir l’auvent, mais que, par l’effet de cette opération, l’eau se déverse sur des végétaux, il faut distinguer deux cas. Si de fortes pluies sont tombées, qui ont irrigué la terre, il sera permis d’ouvrir l’auvent pendant Chabbat ou le jour de fête (yom tov), car le supplément d’eau n’a pas d’utilité pour les végétaux présents. Mais s’il n’est tombé que peu de pluie, il sera interdit d’ôter l’auvent, car cela aurait pour effet d’arroser ces végétaux, ce qui est interdit au titre de la mélakha de semer[5].


[c]. Cabane, habitation temporaire où l’on séjourne pendant la fête de Soukot.

 

[5]. C’est ce qu’écrivent le ‘Hout Chani, chap. Zoréa’ et le Or’hot Chabbat 18, note 10 ; cf. Kaf Ha’haïm 336, 29. Quant à la question de l’évier, nous avons retenu l’opinion indulgente, selon laquelle, tant que l’on n’a pas intérêt que les végétaux soient arrosés, on est autorisé à utiliser l’évier. Il y a certes des décisionnaires rigoureux, pour qui, même si l’on n’a pas intérêt que les végétaux soient arrosés, il est interdit de verser de l’eau dans un tel évier. C’est la position du Az Nidberou IV 17 et du Ma’assé Ougrama Bahalakha IV 2, 5. Selon ces auteurs, l’eau qui s’écoule dans la cour par le biais du tuyau n’est pas considérée comme s’écoulant sous l’effet d’une force seconde et de façon indirecte, mais comme une eau directement déversée par l’utilisateur de l’évier. Toutefois, en pratique, on peut s’appuyer, en cas de nécessité, sur les décisionnaires indulgents, comme nous l’avons écrit dans le corps de texte au nom du Chemirat Chabbat Kehilkhata. En effet, c’est un cas de psiq reicha dans lequel la conséquence engendrée par l’acte n’apporte aucun bénéfice à son auteur (psiq reicha dela ni’ha leh), ce qui n’est interdit que rabbiniquement, et ce qui est même permis aux yeux du ‘Aroukh. Or quand le statut est douteux, c’est-à-dire quand il y a lieu de douter s’il faut considérer ou non le cas comme un cas de grama, la halakha est conforme à l’opinion indulgente. C’est la position du Yalqout Yossef 336, chap. Zoréa’ 9 et du Menou’hat Ahava II 3, 8.

 

Dans le cas où l’eau qui se déverse de l’évier parvient à des plantes qui n’ont nul besoin d’elle, parce qu’il est déjà tombé de fortes pluies et que la terre en est abreuvée, ou parce que l’évier lui-même a déjà déversé sur ces plantes de l’eau en grande quantité avant Chabbat, le fait de les arroser ne relève pas de l’interdit de « semer » (comme l’explique le Kaf Ha’haïm 336, 29 au nom du Peta’h Hadvir). Il semble que, de l’avis même des décisionnaires rigoureux, il soit possible d’être indulgent.

06. Moissonner (qotser)

La mélakha de moissonner (qotser) est celle par laquelle on détache un végétal de la source de sa croissance : c’est par exemple le fait de récolter des céréales, de vendanger des vignes, de cueillir des dattes, des olives, des figues, ou quelque autre fruit ou branche. Il est interdit, au même titre, de couper des arbres stériles, que ce soit pour les besoins du chauffage ou de la construction. De même, il est interdit d’arracher des herbes qui poussent aux murs, des champignons qui poussent sur les anses d’un seau (Chabbat 73b, 107b), ou d’extraire de l’eau un noyau d’avocat ou une branche qui y ont jeté des racines.

Il n’y a pas d’interdit toranique à cueillir sur un arbre entièrement desséché des fruits, des branches ou des feuilles : puisque l’arbre ne puise pas de vitalité de la terre, celui qui cueille ne détache rien de la source de sa croissance. Toutefois, puisque la chose ressemble à la mélakha de moissonner, les sages l’ont interdit (cf. Choul’han ‘Aroukh 336, 12).

Mais si une branche a été coupée d’un arbre à la veille de Chabbat, l’interdit de « moissonner » ne s’y applique plus, puisqu’il est visible que la branche est détachée de sa source vitale. Il est donc permis de cueillir des fruits sur une telle branche, pendant Chabbat. Et si cette branche détachée est une branche odoriférante, il est permis d’en arracher des rameaux ou des feuilles afin d’en respirer le parfum (Rama 336, 8).

07. L’interdit de se servir d’un arbre

Nos sages ont dressé une haie protectrice autour de l’interdit de moissonner, en interdisant de se servir d’un arbre (chimouch ba-ilan) pendant Chabbat, de crainte que, tout en se servant de l’arbre, on n’en vienne à en arracher une branche ou une feuille. Par conséquent, il est interdit de monter à un arbre, ou de s’y appuyer[6]. De même, il est interdit d’y poser des affaires, ou de prendre des affaires qui y étaient posées. Si le vent a fait voler un vêtement pendant Chabbat, et que ce vêtement se soit pris dans un arbre, il est interdit de l’en faire descendre. Il est de même interdit de prendre un ballon qui se serait logé dans un arbre, ou de secouer l’arbre pour en faire descendre le ballon (Choul’han ‘Aroukh 336, 1, Michna Beroura 3). Il faut donc prendre soin de ne pas déposer sur un arbre, la veille de Chabbat, des affaires que l’on aura besoin d’utiliser pendant Chabbat (Michna Beroura 336, 12). En revanche, il est permis de toucher un arbre sans s’en servir ni le faire bouger (Rama 336, 13).

Ce n’est pas seulement de l’arbre qu’il est interdit de se servir, mais encore de ses « tenants », c’est-à-dire des choses qui s’y appuient. Par exemple, il est interdit de se balancer à une balançoire attachée à un arbre, même si elle n’y est attachée que d’un côté. De même, il est interdit de retirer un vêtement d’une corde à linge attachée à l’arbre. Il est encore interdit de monter sur une échelle appuyée à un arbre, ou encore de prendre des objets d’un panier suspendu à un arbre.

Si l’on a planté un piquet dans un arbre épais, et que l’on ait suspendu une balançoire à ce piquet, il est permis de s’y balancer. En effet, le piquet est appelé « tenant » de l’arbre (tsidé ha’ets), si bien que la balançoire doit être considérée comme « tenant du tenant » de l’arbre (tsidé tsedadim) ; or nos sages n’ont pas étendu leur interdit au « tenant du tenant ». Toutefois, si l’arbre lui-même oscille à cause de cela, de nombreux A’haronim estiment qu’il sera également interdit de se servir du tenant de son tenant (Maguen Avraham, Michna Beroura 336, 63, Chemirat Chabbat Kehilkhata 26, 17).

De même, il est permis de retirer un vêtement d’une corde à linge attachée à un piquet, lui-même planté dans l’arbre, car la corde est alors considérée comme « tenant du tenant ». Si, la veille de Chabbat, on a adossé une échelle au piquet qui est planté dans l’arbre, il sera permis de monter pendant Chabbat à cette échelle : celle-ci est alors considérée comme « tenant du tenant ». Si, la veille de Chabbat, on a suspendu un panier au piquet fiché dans l’arbre, il sera permis d’y mettre ou d’y prendre des objets pendant Chabbat car, là encore, le panier est regardé comme « tenant du tenant ». Par contre, il est interdit d’appuyer l’échelle au piquet pendant Chabbat, ou d’y suspendre le panier, car ce faisant, on ferait usage d’un « tenant » de l’arbre (Choul’han ‘Aroukh 336, 13, Michna Beroura 63).

Quand un vieil arbre a des racines faisant saillie sur le sol, et que l’on souhaite s’asseoir sur elles, cela est permis dans le cas où les racines sont hautes de moins de trois palmes (téfa’him), car alors on les assimile au sol ; mais si elles sont hautes de plus de trois palmes (environ 23 cm), elles sont assimilées à l’arbre, et il est interdit de s’y asseoir (Choul’han ‘Aroukh 336, 2).


[6]. L’interdit de s’appuyer à un arbre s’applique lorsqu’on s’y appuie entièrement. Mais il est permis à un homme en bonne santé de s’appuyer quelque peu à un arbre fort, car un léger appui n’est pas considéré comme une utilisation (chimouch) de l’arbre. Cela, à condition que l’arbre soit fort et ne bouge pas au contact de l’homme. Par contre, si l’homme est faible, il lui est interdit de s’appuyer à l’arbre, même légèrement, car, en raison de sa faiblesse, il s’y appuiera de toutes ses forces, ce qui constituera un plein usage de l’arbre (Michna Beroura 336, 63).

 

Si l’on est monté à un arbre par erreur [c’est-à-dire que l’on n’en connaissait pas l’interdit, ou que l’on a oublié que c’était Chabbat], il est permis d’en redescendre, bien que l’on se serve également de l’arbre en en descendant. En effet, on s’en servirait également si l’on y restait. Mais si c’est sciemment que l’on y est monté [c’est-à-dire en pleine connaissance de l’interdit, et en sachant que c’était Chabbat], nos sages infligent au grimpeur une pénalité, en lui interdisant de descendre jusqu’à l’expiration du Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 336, 1). Mais si l’on peut en descendre en un seul saut, sans avoir à se servir de l’arbre, il est préférable de sauter (Rav Chelomo Zalman Auerbach cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 26, note 45).

08. Règles supplémentaires

Ce que les sages ont interdit, c’est seulement de faire usage d’un arbre ou de ce qui y ressemble, tel que des buissons dotés de branches rigides, ou sur lesquels poussent des fruits durs, comme la courge ; mais ils n’ont pas étendu leur interdit aux herbes tendres. Il est donc permis de s’asseoir sur du gazon, bien que, ce faisant, on déplace des brins d’herbe.

Quand un fruit est comestible, il est interdit d’en respirer le parfum tandis qu’il est encore attaché à l’arbre, de peur d’en venir à le cueillir pour le manger. Mais il est permis de respirer le parfum de plantes odoriférantes à l’endroit même où elles poussent, puisque l’on n’a pas de raison de les détacher. En effet, rien n’empêche de les sentir alors qu’elles sont encore attachées au sol. Toutefois, si l’odeur émane des branches d’un arbre ou d’un arbuste, il est interdit de les tenir en main, car leur statut est semblable à celui de l’arbre, qu’il est interdit de faire bouger. Mais si ces branches sont tendres, comme celles du myrte, il est permis de les prendre en main, et même de les approcher de son visage afin de les bien sentir ; on fera attention, bien entendu, de ne pas les détacher[7].

Il est permis de marcher sur l’herbe, bien qu’il soit possible que l’on détache des brins d’herbe, chemin faisant. En effet, le marcheur n’a pas cette intention, et il n’est pas non plus certain qu’il détache des brins d’herbe. Mais quand les herbes sont hautes, et qu’il est certain que l’on en détacherait en marchant, il est interdit de marcher dessus (Choul’han ‘Aroukh 336, 3, Béour Halakha ad loc.).

De même que nos sages ont interdit de faire usage d’un arbre, de même ont-ils interdit de monter sur une bête, de crainte que l’on en vienne à détacher une branche d’arbre afin de s’en servir pour conduire l’animal. Ils interdisent aussi d’extraire du miel d’une ruche, car cela ressemble au fait de détacher une chose qui était attachée (Choul’han ‘Aroukh 321, 13).

Il est permis d’installer sa bête à côté d’herbages attachés au sol afin qu’elle en mange, et cela n’est point contraire à l’interdit de « moissonner ». En effet, la bête mange pour son propre bénéfice, et nous n’avons pas l’obligation de veiller à ce qu’elle respecte le Chabbat par elle-même ; notre obligation réside seulement dans le fait que l’animal n’effectue pas de travaux pour nous (Chabbat 122a, Choul’han ‘Aroukh 324, 13).


[7]. Certains estiment que l’interdit d’utiliser un arbre comprend également l’interdit de faire bouger une herbe tendre (Baït ‘Hadach et Taz) ; d’autres tiennent que faire bouger une herbe tendre est interdit au titre du mouqtsé (Maguen Avraham sur Choul’han ‘Aroukh 312, 6, Kaf Ha’haïm 336, 62). Cependant, les décisionnaires indulgents sont en cela nombreux ; ainsi du Rama 336, 1 ; c’est aussi ce que l’on peut inférer du Choul’han ‘Aroukh 336, 10 et 312, 6. Le Michna Beroura 312 §19 et 336 § 15 et 48, et le Liviat ‘Hen 104, 6 se prononcent dans le même sens. Les herbes ne sont pas mouqtsé car, selon eux, le statut de mouqtsé ne s’applique pas à ce qui est attaché au sol.

09. Tiges et fleurs mises en vase

L’interdit de mouqtsé ne s’applique pas à des branchettes, à des tiges ni à des fleurs qui ont été cueillies avant Chabbat et que l’on a destinées à la décoration ou à l’ambiance olfactive. Aussi est-il permis de déplacer un vase contenant des rameaux décoratifs ou odoriférants. De même, il est permis de sortir les tiges de l’eau pour les regarder ou les sentir : cela ne relève pas de l’interdit de « moissonner », puisque ces tiges n’ont pas de racines. Il est également permis de remettre dans l’eau des tiges dépourvues de fleurs, ou des tiges fleuries mais dont les fleurs ont fini d’éclore. Cela ne relève pas de l’interdit de « semer », car l’eau ne fera pas croître davantage les tiges ni les fleurs ; elle conservera simplement leur fraîcheur, afin qu’elles ne flétrissent pas.

Par contre, il est interdit de mettre dans l’eau des tiges où sont des bourgeons de fleurs, ou encore des fleurs qui ont commencé d’éclore, mais ne sont pas entièrement ouvertes, car les mettre dans l’eau fait éclore les fleurs. Il est cependant permis de les extraire de l’eau, ce qui ne relève pas de l’interdit de « moissonner », car ces fleurs n’ont pas pris racine dans l’eau. Mais après les en avoir sorties, on n’est plus autorisé à les remettre. Par conséquent, si l’on reçoit, le Chabbat, un bouquet de fleurs en cadeau, et que certaines fleurs ne sont pas écloses entièrement, on ne les mettra pas dans l’eau, afin de ne pas causer la poursuite de leur croissance et de leur éclosion ; on placera le bouquet dans un vase, mais sans eau[8].


[8]. Rama 336, 11. Selon le Mahariqs (Rabbi Ya’aqov Castro), il est même permis de mettre des fleurs dans l’eau, car leur éclosion ne constitue pas une nouvelle croissance. Mais son opinion n’a pas été adoptée. Selon le Cha’ar Hatsioun 336, 48, il est à craindre d’enfreindre là un interdit toranique.

 

Il est admis que, si l’on extrait des branchettes de l’eau, on est autorisé à les y remettre. Mais les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir s’il est permis de les mettre dans l’eau une première fois. Selon le Tosséfet Chabbat et le ‘Hayé Adam, c’est interdit ; selon Rabbi Chnéor Zalman de Liady et le Peri Mégadim, c’est permis, comme le rapporte le Michna Beroura 336, 54. Le Cha’ar Hatsioun précise que l’on peut être indulgent, car cette controverse porte sur une question rabbinique ; cela, à la condition d’avoir un vase d’eau, prêt depuis la veille de Chabbat ; mais il est interdit, le Chabbat, de remplir un récipient d’eau pour les besoins de tiges, car ce serait se donner de la peine (tir’ha) pour que les plantes se maintiennent, comme l’explique le traité Souka 42a en matière de feuille de palmier (loulav). Le Ye’havé Da’at II 53, se fondant sur le Rachba, est indulgent, et permet de remplir un vase d’eau : selon lui, ce n’est qu’au sujet de la branche de palmier, qui est mouqtsé, que les sages ont été rigoureux, mais la chose est permise pour les autres branches, comme on le voit en Choul’han ‘Aroukh 321, 11 : « Il est permis d’abreuver  ce qui a été cueilli, afin que cela ne fane pas. » C’est aussi la position du Menou’hat Ahava II 3, note 18. Il semble possible de s’appuyer sur les décisionnaires indulgents, dans une controverse portant sur une règle rabbinique.

10. Plantes en pot

De même qu’il est interdit d’arracher une branche ou une feuille à un végétal planté dans le sol, de même est-il interdit d’arracher un élément d’un végétal planté dans un pot. Simplement, si le pot est percé, celui qui en arrache quelque élément enfreint l’interdit toranique de « moissonner », car le trou joint le végétal au sol ; tandis que, si le pot n’est pas percé, celui qui en arrache un élément enfreint un interdit rabbinique, puisque le végétal n’est pas relié au sol et que ce n’est pas non plus la manière naturelle de pousser pour un végétal (Choul’han ‘Aroukh 336, 7, Michna Beroura 42). De même, il est interdit d’arroser des plantes ou des fleurs[d] qui poussent en pot (Michna Beroura 336, 41. Cf. ci-dessus, note 4).

Il est interdit de déplacer une plante en pot pendant Chabbat, en raison de l’interdit de mouqtsé[e], comme tout objet dont l’utilisation, pendant Chabbat, est interdite. En effet, il est interdit d’arroser les plantes que contient le pot ni de les cueillir. Toutefois, si l’on a besoin de la place qu’occupe un objet dont l’utilisation est interdite, il est permis de le déplacer (cf. ci-après chap. 23 § 8). S’il s’agit d’un pot que l’on a l’habitude de faire passer d’un endroit à l’autre, pour l’agrément des yeux ou pour en sentir le parfum, l’interdit de mouqtsé ne s’y applique pas, puisque son utilisation essentielle est permise.

Il arrive que le fait même de déplacer la pot soit interdit au titre de la mélakha de moissonner ou de celle de semer. Par exemple, si le pot est percé d’une ouverture de la taille d’une petite racine, et qu’il soit posé sur la terre, l’air passant par le trou relie le pot à la terre, source de sa vitalité : il est donc interdit de le soulever du sol et de le poser sur une surface de plastique rigide, car ce serait accomplir la mélakha de moissonner. À l’inverse, si le pot était posé sur un plastique rigide, il sera interdit de l’enlever de ce plastique et de le poser sur la terre, car ce serait accomplir la mélakha de semer. Aussi, dans ce dernier cas, si l’on a besoin de déplacer le pot pour libérer la place qu’il occupe, il faudra avoir soin de le prendre avec l’assiette de plastique sur lequel il repose[9].

Si une plante (ou fleur) en pot est tombée, et qu’une partie de la terre qu’il contenait se soit déversée, il est interdit de la remettre dans le pot car, ce faisant, on améliorerait l’état du végétal, et l’on enfreindrait les interdits de labourer et de semer. De plus, la terre est mouqtsé, et il est interdit de la déplacer. Même s’il ne s’est pas déversé de terre, mais qu’à la faveur de la chute du pot les racines de la plante se soient découvertes, et que le fait de redresser la plante permettrait à ces racines d’être de nouveau recouvertes de terre, il est interdit de la redresser, même du pied (d’une manière telle que l’interdit de mouqtsé ne serait pas transgressé). En effet, recouvrir les racines est interdit au titre de la mélakha de labourer et de celle de semer.

Il est permis d’ouvrir la fenêtre d’une pièce où se trouve une plante en pot (comme nous l’avons vu à la fin du paragraphe 3).


[d]. Dans la suite du texte, nous traduirons simplement par « plante » le mot tséma’h (végétal), mais l’intention portera également sur les fleurs.

 

[e]. Objet qu’il est rabbiniquement interdit de déplacer pendant Chabbat. Cf. chap. 23.

[9].Cette règle est exposée en Choul’han ‘Aroukh 336, 7-8. Soulever du sol un pot de plante percé et le placer sur des piquets est interdit, même si l’on fait cela rapidement, et bien qu’aucun autre élément ne fasse écran entre le pot et la terre : il suffit d’avoir éloigné la plante de sa source de vie pour que l’interdit soit constitué. De même, il est interdit d’ôter le pot de ses piquets pour le poser sur le sol (Choul’han ‘Aroukh 336, 8, Michna Beroura ad loc.).

 

De nombreuses opinions ont été exprimées quant à la taille du trou, et il y a lieu d’être rigoureux dès lors qu’il atteint 1 cm (cf. Pniné Halakha, Hatsoméa’h Véha’haï 2, note 9). Mais si le sol est carrelé, et bien que certains décisionnaires soient rigoureux à cet égard, on enseigne en pratique que le carrelage fait écran entre la plante et le sol (cf. Pniné Halakha, Chevi’it Véyovel 2, note 14).

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