La prière d’Israël

02 – Jonction entre les Pessouqé dezimra et les bénédictions du Chéma

Après avoir terminé la lecture des Pessouqé Dézimra (versets de louange) et de la bénédiction Yichtaba’h, l’officiant dit le Qaddich court (dit ‘Hatsi-Qaddich, littéralement demi-Qaddich, qui s’achève par les mots Daamiran béalma véimrou amen). Comme on le sait, l’importance du Qaddich est très grande, et les sages louent ceux qui y répondent attentivement (voir chap. 23 § 6). Les sages en ont institué la récitation à la fin de chaque section de l’office, afin de conclure chacune avec une sainteté supérieure, puis, empreint de cette sainteté, de passer à l’étape suivante de l’office. Ce Qaddich court marque donc une césure entre les Pessouqé dezimra (qui sont établis en regard du monde de la Formation, ‘olam ha-Yetsira, cf. chap. 13 § 2) d’une part, et le Chéma avec ses bénédictions (qui viennent en regard du monde de la Création, ‘olam ha-Bria) d’autre part.

Il ne faut pas s’interrompre par des paroles entre les Pessouqé dezimra et les bénédictions du Chéma. Celui qui s’interromprait commettrait en cela une faute, car les Pessouqé dezimra constituent une préparation à la prière (Choul’han ‘Aroukh 54, 3).

Si les fidèles ne sont toujours pas assez nombreux pour constituer le minyan à la fin des Pessouqé dezimra, ils s’arrêteront à la suite de la bénédiction Yichtaba’h et attendront que le minyan soit complété. Ils pourront étudier dans l’intervalle. A priori, ils étudieront en ne lisant que des yeux, afin de ne pas s’interrompre par des paroles. Mais celui qui ne peut étudier sans articuler les mots pourra étudier en articulant, car il est permis, pour les besoins d’une mitsva, de s’interrompre entre Yichtaba’h et Barekhou[a]. Avant de dire Yichtaba’h, l’officiant attendra l’arrivée du dixième fidèle, afin de pouvoir, au moment où le dixième fidèle arrivera, dire Yichtaba’h immédiatement suivi du Qaddich. S’il a déjà terminé Yichtaba’h, il dira trois versets lorsqu’arrivera le dixième fidèle, afin que le Qaddich se rapporte à quelque chose. Après ces trois versets, l’officiant dira le Qaddich court (Michna Beroura 53, 10-11).

Lorsque l’administrateur de la synagogue (gabaï) doit annoncer à l’assemblée quelque information urgente liée aux besoins de la communauté ou à une mitsva, et qu’il est impossible de repousser cette annonce à la fin de l’office, il pourra la communiquer entre Yichtaba’h et le Qaddich. Après cela, l’officiant dira quelques versets suivis du Qaddich. Mais si l’on a déjà dit le Qaddich, il devient interdit de s’interrompre pour les besoins d’une mitsva, et l’on repoussera donc l’annonce à la fin de l’office (Choul’han ‘Aroukh 54, 3 ; 57, 2 ; Michna Beroura 54, 6).


[a]. Barekhou: bref passage dialogué entre l’officiant et l’assemblée, intercalé entre le Qaddich et les bénédictions du Chéma ; voir paragraphe suivant.

03 – Barekhou

Après le Qaddich, l’officiant dit :

ברכו את ה’ המבורך

Barekhou et Ado-naï hamevorakh

« Bénissez l’Eternel, qui est béni. »

L’assemblée répond :

ברוך ה’ המבורך לעולם ועד

Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam vaed

« Béni soit l’Eternel, qui est béni. »

 

L’officiant, lui aussi, répète à la suite de l’assemblée : Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam va’ed (Choul’han ‘Aroukh 57,  1).

La fonction essentielle de Barekhou est d’introduire les bénédictions du Chéma, car en annonçant « Bénissez… », l’officiant appelle les fidèles à réciter les bénédictions du Chéma. Certes, cette formule peut également se dire en tant que louange indépendante, comme c’est le cas à la fin de l’office (cf. chap. 23 § 9). Mais la raison principale qui a présidé à l’insertion de Barekhou au sein de la prière est de servir d’introduction aux bénédictions du Chéma. Aussi, chacun doit s’efforcer de terminer la récitation des Pessouqé dezimra et de la bénédiction Yichtaba’h avant que ne soit dit Barekhou, afin de pouvoir, immédiatement après Barekhou, y enchaîner les bénédictions du Chéma. Il vaut même mieux omettre à cette fin le Cantique de la mer Rouge.  En revanche, si l’on n’a pas encore eu le temps de dire la bénédiction Yichtaba’h, qui marque la fin des Pessouqé dezimra, et quoiqu’on ait déjà répondu Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam vaed à Barekhou, on terminera la lecture de Yichtaba’h, et l’on poursuivra par la lecture des bénédictions du Chéma seulement après[2].

Sur la question de savoir s’il faut se lever lorsqu’on répond au Qaddich et à Barekhou, les usages divergent. D’après l’usage en vigueur chez la majorité des Séfarades, il n’est pas nécessaire de se lever lorsqu’on s’apprête à répondre à des paroles consacrées (devarim chébiqdoucha) ; mais si l’on est déjà debout, on doit le rester pendant le Qaddich et Barekhou (Maharil, Kaf Ha’haïm 56, 20 et 146, 20-21 ; Ye’havé Da’at 3, 4). La majorité des Ashkénazes ont l’usage de se lever pour répondre au Qaddich et à Barekhou, car ce sont des paroles saintes (Michna Beroura 56, 7-8 et 146, 18). Toutefois, en ce qui concerne Barekhou, qui ne se dit qu’en un bref instant, de nombreux Ashkénazes ont l’usage de ne pas se lever complètement, mais plutôt de se lever légèrement de leur siège, dans les cas où l’on se trouve déjà assis – par exemple au moment de la lecture de la Torah (lorsque l’appelé dit Barekhou avant de prononcer la bénédiction), ou au début de l’office d’Arvit. Cet usage est semblable à celui que beaucoup observent lorsqu’ils répondent au zimoun[b] en présence de dix personnes.

Lorsque l’officiant dit Barekhou, il doit s’incliner légèrement, puis se relever en disant le nom divin.  En ce qui concerne les fidèles, les usages divergent : certains ont coutume de s’incliner, d’autres ne s’inclinent que légèrement, et d’autres encore ne s’inclinent  pas du tout. Chacun continuera d’observer la coutume de ses ancêtres. Dans un endroit où des fidèles ayant des usages différents prient ensemble, il convient que tous s’inclinent légèrement (voir chap. 17, note 3).


[2]. Michna Beroura 54, 14. L’auteur écrit qu’après Barekhou, les règles régissant les interruptions sont semblables à celles qui s’appliquent au milieu des bénédictions du Chéma (cf. § 5 et 6). Si l’on apporte à un fidèle (qui en manquait) un talith ou des téphilines, il ne les mettra qu’après la fin de la bénédiction, comme nous le verrons ci-après, note 4 (cf. Halikhot Chelomo 6, note 5). A notre humble avis, tant que l’on n’a pas dit Yichtaba’h, l’intention de commencer les bénédictions du Chéma n’est pas encore formée et, par conséquent, on peut continuer la lecture des Pessouqé dezimra).

Le Beit Yossef rapporte que, selon certains, lorsque des particuliers ont déjà prié seuls et que l’occasion se présente ensuite de se rassembler et de constituer un minyan – ce qui leur permettra d’entendre le Qaddich, Barekhou et la Qédoucha –  l’officiant devra dire, en plus de Barekhou, la bénédiction Yotser Or  (première bénédiction du Chéma), même s’il l’a déjà dite, car on ne peut réciter Barekhou (« Bénissez ») sans dire ensuite une bénédiction au moins. C’est ce qu’écrit le Maharia, et cette position est expliquée par le Michna Beroura 69, 3. Mais selon le Darké Moché, Barekhou peut se dire sans être suivi d’une bénédiction. Et c’est bien là l’usage observé en pratique à la fin de l’office. Quoi qu’il en soit, comme nous l’avons vu, la raison essentielle pour laquelle Barekhou a été introduit dans la prière est de servir d’introduction aux bénédictions du Chéma. (Chéérit Yossef intensifie la controverse entre les auteurs).

[b]. Introduction du Birkat hamazon, actions de grâce après le repas.

04 – La Qédoucha incluse dans la première bénédiction du Chéma, et l’usage de répondre ou non amen aux bénédictions

La bénédiction Yotser or  (« qui crées la lumière », également appelée Yotser haméorot, « qui crées les luminaires », d’après ses derniers mots) est une louange adressée à Dieu, qui renouvelle chaque jour l’œuvre de la création. On y a ajouté des passages poétiques, l’un réservé aux jours ouvrables, l’autre réservé au Chabbat. Les anges et les séraphins eux-mêmes, qui sont des créatures spirituelles supérieures, bénissent, louent, exaltent, sanctifient, vénèrent et intronisent Son nom, béni soit-Il, et disent cette Qédoucha (sanctification) :

קדוש קדוש קדוש ה’ צב-אות מלא כל הארץ כבודו

Qadoch qadoch qadoch Ado-naï Tséva-ot, mélo khol haarets kevodo

« Saint, saint, saint est l’Eternel, Dieu des Légions, toute la terre est emplie de Sa majesté. »

Ils disent encore :

ברוך כבוד ה’ ממקומו

Baroukh kevod Ado-naï mimeqomo

« Bénie soit la gloire de l’Eternel depuis le siège de Son règne. »

Cela aussi est inclus dans la première bénédiction du Chéma, Yotser haméorot.

Les Richonim sont partagés sur le point suivant : si l’on prie seul, peut-on dire cette Qédoucha propre aux anges, incluse dans la bénédiction Yotser or ? Certains disent que ce texte appartient à la catégorie des « paroles de sainteté » (devarim chébiqdoucha), à l’exemple de la Qédoucha incluse dans la répétition de la ‘Amida récitée par l’officiant ; aussi, celui qui prie seul ne peut dire ce texte, et doit sauter ces versets (Ran, Rabbénou Yerou’ham). D’autres pensent qu’il ne s’agit pas d’une véritable Qédoucha, mais que nous nous bornons à raconter comment les anges sanctifient le nom divin ; aussi, le particulier priant seul peut, lui aussi, dire ce passage (élèves de Rabbénou Yona, Roch). Afin de sortir du doute, il est bon que le particulier dise les versets de la Qédoucha à la manière de celui qui lirait la Torah, en respectant les signes musicaux assortis au texte biblique (les téamim). En effet, selon toutes les opinions, le particulier a le droit de répéter ces versets en tant que lecture biblique (laquelle se fait traditionnellement avec sa cantillation) ; de cette façon, on s’acquitte également de leur récitation en tant que fragment de la prière (Teroumat Hadéchen, Choul’han ‘Aroukh 59, 3). Il n’est pas nécessaire de bien connaître les signes musicaux, l’essentiel étant de s’efforcer de paraître faire une lecture des écrits des prophètes[3].

Certains auteurs pensent que les fidèles doivent répondre amen à la suite des bénédictions du Chéma que l’on entend dire par l’officiant (Roch). D’autres pensent qu’il n’y a pas lieu de répondre amen, afin de ne pas s’interrompre entre les différentes bénédictions du Chéma (élèves de Rabbénou Yona au nom de Maïmonide).

En pratique, l’usage séfarade consiste, lorsqu’on lit les bénédictions du Chéma, à ne pas répondre amen à l’officiant, car cela constituerait une interruption. Et pour ne pas entrer dans un cas de doute, il convient a priori de terminer sa bénédiction en même temps que l’officiant ou légèrement après lui ; de cette façon, tous les avis s’accordent à dire que l’on n’a pas besoin de répondre amen à la bénédiction de l’officiant. Mais quoiqu’il en soit, même si l’on a terminé la bénédiction avant l’officiant, on ne doit pas répondre amen à sa suite.

L’usage ashkénaze consiste à répondre amen à la première bénédiction, qui s’achève par les mots Yotser haméorot (« qui crées les luminaires ») lors de l’office du matin, ainsi qu’aux bénédictions Hamaariv aravim (« qui fais descendre le soir ») et Gaal Israël (« qui délivras Israël »), lors de l’office du soir. En revanche, pour ce qui concerne la bénédiction précédant immédiatement la lecture du Chéma, on s’efforce de terminer en même temps que l’officiant ou un peu après lui, afin de ne pas avoir à répondre amen, ce qui entraînerait une interruption entre cette bénédiction et le Chéma. Quoi qu’il en soit, si l’on a déjà terminé de réciter cette bénédiction avant de l’entendre dire par l’officiant, on doit répondre amen (Michna Beroura 59, 24-25 ; Kaf Ha’haïm 26, 28).


[3]. Selon le Michna Beroura 59, 10 au nom du Peri ‘Hadach, s’il est en présence d’une communauté qui se trouve à un autre moment de l’office, le particulier peut dire la Qédoucha incluse dans la bénédiction Yotser or comme à l’habitude. Le Kaf Ha’haïm 21 écrit en revanche, au nom du Maamar Mordekhaï, que, même de cette façon, on devra lire ces deux versets avec leur cantillation.

05 – Répondre à des « paroles de sainteté » durant les bénédictions du Chéma

Selon le Maharam de Rothenburg, lorsqu’on est occupé à dire le Chéma et ses bénédictions, on ne doit pas s’interrompre pour répondre au Qaddich et à la Qédoucha. En effet, puisqu’on se livre déjà à la louange de Dieu, il est interdit de s’interrompre pour répondre à une autre louange. Toutefois, selon la majorité des Richonim (élèves de Rabbénou Yona, Roch), il est permis de s’interrompre pour les besoins d’importantes louanges dites publiquement, même si l’on se trouve au milieu des bénédictions du Chéma ; et la halakha est conforme à cet avis (Choul’han ‘Aroukh 66, 3).

Lorsqu’on s’interrompt, on ne peut répondre qu’aux paroles les plus importantes, comme nous allons le voir. En  ce qui concerne le Qaddich, certains pensent que l’on ne répond qu’Amen yehé chemeh rabba mévarakh lé’alam oul’almé ‘almaya (« Amen, que Son grand nom soit béni à jamais et pour toute l’éternité », ainsi que l’amen qui suit la phrase Lé-eila min kol birkhata vé-chirata… daamiran béalma véimrou amen (« au-dessus de toute bénédiction et cantique… qui se disent dans le monde, et dites amen »), car cette phrase conclut la partie essentielle du Qaddich (Michna Beroura 66, 17). D’autres ajoutent que l’on dit les cinq amen en usage dans la partie essentielle du Qaddich (partie couramment appelée ‘Hatsi-Qaddich, « demi-Qaddich ») ; en revanche, les phrases supplémentaires – ajoutées dans les autres versions du Qaddich – n’en sont pas des parties essentielles ; aussi, on ne s’interrompt pas pour y répondre amen (Kaf Ha’haïm 66, 23 ; voir ci-après chapitre 23 § 14).

Pour la Qédoucha, on ne dira que les versets Qadoch, qadoch, qadoch…  et Baroukh kevod Ado-naï mimeqomo, car ils constituent la partie essentielle de ce que l’assemblée répond lors de la Qédoucha (Michna Beroura 66, 17 ; Yalqout Yossef I p. 115). Certains pensent que l’on dit également le verset Yimlokh : Yimlokh Ado-naï lé’olam, Elo-haïkh Tsion lédor vador, Alléluia  (« L’Eternel règnera à jamais, ton Dieu, Sion, de génération en génération ; louez Dieu ! ») ; c’est la position du ‘Aroukh Hachoul’han 66, 6 et du Kaf Ha’haïm 18). En revanche, on ne dira pas l’introduction à chaque verset, récitée par l’officiant.

Pour Barekhou, on répondra normalement : Baroukh Ado-naï hamevorakh lé’olam vaed. Pour le Modim inclus dans la répétition de la ‘Amida, on répondra uniquement Modim ana’hnou lakh (« Nous sommes reconnaissants à Ton égard »).

Selon l’usage ashkénaze, lors de la répétition de la ‘Amida par l’officiant, on répond amen aux bénédictions Ha E-l haqadoch (« le Dieu saint ») et Choméa’ téphila (« qui entends la prière ») car, par la première, on conclut les bénédictions de louange, et par la seconde, on conclut les bénédictions de requête. Selon l’usage séfarade, la règle qui s’applique à ces deux bénédictions est semblable à celle des autres bénédictions de la ‘Amida : on n’y répond pas.

En cette matière, on ne fait pas de différence entre le cas où l’on se trouve au milieu de la bénédiction ou du paragraphe du Chéma, d’une part, et le cas où l’on se trouve entre deux bénédictions, ou encore deux paragraphes du Chéma, d’autre part.

Lorsque nous disons que l’on peut répondre dans les cas ci-dessus, ce n’est que si l’on se trouve au milieu d’une de ces bénédictions ou après sa conclusion (ou encore au sein d’un paragraphe du Chéma, ou entre deux paragraphes). En revanche, si l’on a déjà dit la formule Baroukh Ata Ado-naï qui ponctue la bénédiction, et qu’il ne reste que quelques mots à dire pour la conclure, on ne s’interrompra pas. En effet, si l’on s’interrompait, ce serait amputer la bénédiction (Béour Halakha 66, 3). De même, quand on dira le verset Chéma Israël ou la phrase Baroukh chem kevod malkhouto lé’olam vaed, par lesquels on reçoit le joug de la royauté du Ciel, on ne s’interrompra pour aucune parole, car la règle qui s’applique à ces passages est semblable à celle qui régit la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 66, 1).

Si l’on doute de devoir répondre ou non, il vaut mieux ne pas répondre car, de l’avis de nombreux décisionnaires, bien qu’il soit permis de répondre, cela n’est pas une obligation ; aussi, dans tous les cas de doute, il vaut mieux ne pas répondre[4].


[4]. Selon le Torat ‘Haïm (Sofer), il n’y a pas d’obligation à répondre, mais on y est autorisé. C’est aussi la position des responsa Yad Elyahou et du Maharchag. Cf. Yabia’ Omer I 5, 7 et VIII 6, 1-2. Le Halikhot Chelomo écrit dans le même sens que, même quand on récite les Pessouqé dezimra, on est autorisé à répondre, mais on n’y est pas obligé. De plus, nous avons déjà vu que, selon le Maharam de Rothenburg, il est interdit de répondre, même au Qaddich et à la Qédoucha, quand on se trouve au milieu des bénédictions du Chéma. Et bien que la halakha n’ait pas été tranchée d’après son avis, on peut prendre en compte son opinion en cas de doute et ne pas répondre. Sur la question de savoir s’il est souhaitable de répondre, la solution dépend de la situation : si l’on prie au sein du minyan, on entend, par la force des choses, toutes les paroles saintes (devarim chébiqdoucha). Dans un tel cas, si le fait de répondre est de nature à perturber la kavana du fidèle, il vaut mieux ne pas répondre. Toutefois, si l’assemblée est debout pour répondre à la Qédoucha, il faut avoir soin de ne pas sembler se mettre à l’écart de la communauté. Aussi, on se tiendra comme les autres, debout, pieds joints ; de la même façon, on s’inclinera au moment de Modim. Si l’on sait que l’on n’aura pas d’autre occasion d’écouter après cela le Qaddich et la Qédoucha, il vaut mieux répondre avec les autres (cf. Michna Beroura 66, 51). Voir ci-dessus chap. 14 § 4 et note 7, pour ce qui concerne les Pessouqé dezimra.

Le Michna Beroura 66, 23 mentionne différentes opinions sur la question de savoir s’il faut répondre amen aux bénédictions lorsqu’on se trouve soi-même entre les paragraphes (du Chéma ou entre les bénédictions du Chéma). Bien qu’il incline à dire que l’on y répond, nous n’avons pas mentionné cela dans le corps de l’ouvrage, en vertu du principe Bemaqom chel safeq, chev véal ta’assé ‘adif (« en cas de doute, il vaut mieux que tu restes assis et ne fasses rien »). Selon Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 21, 2, on répond amen aux Cohanim qui récitent la bénédiction sacerdotale (Birkat Cohanim) ; en effet, le Béour Halakha 128 écrit que cet amen est une obligation de la Torah.

Si l’on a besoin d’aller aux toilettes, on s’y rend, puis on se lave les mains ; la bénédiction Acher Yatsar sera prononcée après la ‘Amida (Michna Beroura 66, 23).

Si l’on appelle un fidèle à monter à la Torah, alors qu’il est occupé à réciter le Chéma ou ses bénédictions : selon le Choul’han ‘Aroukh 66, 4, il ne montera pas ; selon les décisionnaires ashkénazes, il montera. Toutefois, même d’après la coutume ashkénaze, si l’on craint d’être appelé alors qu’on se trouve en train de réciter le Chéma et ses bénédictions, il vaut mieux sortir auparavant de la synagogue (Michna Beroura 66, 26). Mais si l’on se trouve dans les Pessouqé dezimra, la règle est plus indulgente : dans le cas où l’on a déjà appelé le fidèle, celui-ci montera à la Torah ; et s’il est le seul Cohen ou le seul Lévi (cf. règles de la lecture de la Torah, chap. 22), il est permis de l’appeler, même a priori, comme nous l’avons vu au chap. 14 § 5.

Si un fidèle n’avait pas de talith ou de téphilines, et qu’on lui en ait apporté après qu’il eut commencé sa lecture des bénédictions du Chéma :

a) S’il n’est pas encore arrivé au Chéma, il devra attendre de terminer la bénédiction qu’il est train de dire. Selon le Choul’han ‘Aroukh, après avoir achevé cette bénédiction en cours, il devra s’envelopper du talith et attacher les téphilines en prononçant les bénédictions adéquates. Pour le Rama, il ne dira que la bénédiction des téphilines mais, pour le talith, il s’en enveloppera sans dire la bénédiction du talith, car on n’est pas tenu de s’en envelopper pour réciter le Chéma.
b) Si l’on apporte des téphilines à ce fidèle alors qu’il a déjà amorcé la récitation du Chéma, certains décisionnaires débattent de la façon appropriée d’attacher des téphilines lorsqu’on se trouve au milieu de la récitation d’un paragraphe ; cela, afin de ne pas sembler « porter témoignage contre soi-même » (cf. chap. 15 § 11), ne serait-ce que pour un unique verset. Malgré cela, à notre humble avis, le fidèle peut décider intérieurement de répéter ce même paragraphe depuis le début. [On cessera donc immédiatement sa lecture, on mettra les téphilines, puis on reprendra le même paragraphe à son début.] De cette façon, lorsqu’on mettra les téphilines, on sera considéré comme se trouvant entre les paragraphes, et l’on pourra, de l’avis de tous les décisionnaires, dire la bénédiction des téphilines. Pour plus de précaution, on peut continuer sa lecture du paragraphe jusqu’à son terme, à la manière d’une lecture de la Torah. Alors on mettra les téphilines avec bénédiction, comme on le ferait entre les paragraphes. De cette façon, on échappera à la controverse entre le Choul’han ‘Aroukh et le Rama, et l’on ne perdra pas le bénéfice de la seconde bénédiction des téphilines si l’on s’en tient à l’usage ashkénaze, comme ce serait le cas si l’on mettait les téphilines au milieu du paragraphe (cf. Michna Beroura 66, 47).
c) Si l’on apporte les téphilines alors que le fidèle est en train de dire la bénédiction qui suit le Chéma (Émet véyatsiv), de l’avis du Choul’han ‘Aroukh, on mettra talith et téphilines sans dire les bénédictions qui s’y rapportent. Selon le Rama, on dira la bénédiction des téphilines. Le Michna Beroura 66, 47 écrit que le bon usage consiste en ce cas à ne dire que la première bénédiction des téphilines, lehania’h téphiline, à l’exclusion de la seconde, al mitsvat téphiline [pour les Ashkénazes, qui disent deux bénédictions sur les téphilines].
d) Si l’on apporte ce talith et ces téphilines alors que le fidèle se trouve entre les mots Gaal Israël (conclusion de la bénédiction qui suit le Chéma) et le début de la ‘Amida, on mettra les téphilines sans bénédiction ; quant au talith, on ne le mettra pas, afin de ne pas s’interrompre entre la bénédiction de la Délivrance et la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 66, 8).

06 – S’interrompre par égard pour un homme important

Afin d’éviter haine et affronts, les sages ont permis de dire bonjour – alors même que l’on est en train de réciter le Chéma ou ses bénédictions – à une personne à l’endroit de laquelle la politesse oblige d’observer de tels égards. Par conséquent, si l’on se trouve au milieu des bénédictions du Chéma ou au milieu d’un des paragraphes du Chéma, et que l’on aperçoive un homme auquel on est obligé de témoigner de la déférence, comme son père, son Rav ou l’un des grands maîtres de la génération en matière de Torah, on lui adressera son salut. Si l’on aperçoit un homme honorable, tel qu’un érudit (talmid ‘hakham), un homme fortuné ou possédant quelque autre distinction, on ne lui adressera pas son bonjour le premier ; mais si cet homme distingué nous envoie son bonjour, on lui répondra.

Si l’on se trouve entre deux bénédictions ou entre deux paragraphes du Chéma, la règle est plus indulgente, et il devient permis de s’interrompre de sa propre initiative afin de dire bonjour à un homme distingué ; quant à répondre, on peut dans un tel cas rendre son bonjour à tout homme (Choul’han ‘Aroukh 66, 1 ; Michna Beroura et Kaf Ha’haïm). Au milieu du verset Chéma Israël et de la phrase Baroukh chem kevod malkhouto…, on ne s’interrompt pas, à moins qu’une interruption ne soit nécessaire pour sauver une vie humaine.

Les décisionnaires écrivent que, dans la mesure où il est admis, de nos jours, de ne pas s’interrompre au milieu de la prière, les personnalités distinguées elles-mêmes ne se sentent pas offensées par le fait que l’on ne leur adresse pas son bonjour. Dès lors, il n’est plus permis de s’interrompre au cours du Chéma ou de ses bénédictions pour adresser son bonjour à un homme distingué ou à un homme auquel on doit de la déférence (Michna Beroura 66, 2 d’après Séfer Ha’hinoukh). Toutefois, s’il se présente un homme qui ne connaît pas la valeur de la prière, et qui risque d’être offensé si l’on s’abstient de lui répondre, il est permis de lui adresser son bonjour. De même, quand les parents d’un ba’al-techouva[c] ne saisissent pas la valeur de sa prière, le baal-techouva est autorisé à leur dire bonjour, mais il ne leur parlera pas davantage.

On est autorisé à s’interrompre par des paroles, au milieu du Chéma et de ses bénédictions, afin de se mettre à l’abri d’un dommage corporel ou d’une perte pécuniaire. Dans ces différents cas, il est préférable de s’interrompre entre les paragraphes ou entre les bénédictions (voir Béour Halakha 66, 1, passage commençant par O). De même, un Rav auquel est présentée une question urgente peut y répondre, entre les paragraphes ou entre les bénédictions (‘Aroukh Hachoul’han 66, 4).

Si on lit le Chéma et ses bénédictions, et que passe devant soi un érudit, on se lèvera devant lui (Birké Yossef, Yoré Dé’a 244, 1). Toutefois, lorsque l’on reçoit le joug de la royauté du Ciel en récitant le verset Chéma Israël et la phrase Baroukh chem…, il n’y a pas lieu de se lever. On trouve également un avis selon lequel, durant toute la récitation du Chéma, il est préférable de ne pas se lever (Tsits Eliézer 14, 10).

Si l’on voit son prochain transgresser un interdit, alors qu’on est soi-même en train de lire le Chéma et ses bénédictions, on lui fera un signe afin de le détourner de cette transgression. Si l’allusion n’est pas comprise, on s’interrompra par des paroles afin de détourner son prochain de la transgression. En effet, si les sages ont autorisé de s’interrompre au milieu de la lecture du Chéma ou de ses bénédictions en l’honneur d’un être de chair et de sang, à plus forte raison est-ce autorisé en l’honneur du Ciel (Ritva ; Kaf Ha’haïm 66, 7).

Il n’est pas souhaitable de quêter pour la caisse de bienfaisance au milieu des bénédictions du Chéma, afin de ne pas distraire les fidèles de leur kavana. Mais quoi qu’il en soit, si un pauvre honorable demande une tsédaqa (un don), on pourra la lui donner (Halikhot Chelomo 7, 4).


[c]. Ba’al-techouva: « repentant », Juif qui revient à la pratique des mitsvot après en avoir été éloigné.

07 – Juxtaposition de la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida

Bien que la récitation du Chéma et de ses bénédictions constitue une mitsva en soi, et que la ‘Amida soit elle aussi une mitsva en soi, il est nécessaire de juxtaposer ces mitsvot l’une à l’autre, et il est interdit de s’interrompre entre elles. Nos sages disent que quiconque accole la bénédiction de la Délivrance[d] à la ‘Amida a part au monde futur (Berakhot 4b). Si on les enchaîne suivant l’usage de Vatiqin[e], on est assuré de ne connaître aucun dommage ce jour-là (Berakhot 9b et Tossephot ad loc.). Quant à celui qui s’interrompt entre la mention de la Délivrance et la ‘Amida, il ressemble à cet ami du Roi, venu frapper à la porte royale ; quand le Roi sort de son palais afin de connaître sa requête, il s’aperçoit que son ami est parti s’occuper d’autre chose ; aussi le Roi part-il à son tour pour s’occuper d’autre chose. La mention de la Délivrance, qui rappelle que Dieu délivra Israël d’Egypte, est semblable au fait de frapper à la porte du Roi. En effet, la Délivrance du peuple d’Israël témoigne du grand amour du Saint béni soit-Il à l’égard d’Israël ; aussi, la sortie d’Egypte est-elle considérée comme les fiançailles du Saint béni soit-Il avec Israël. Or il est interdit de perdre le bénéfice de ce moment. C’est empreint de la proximité particulière qui se manifeste au sein de la Délivrance, que l’on doit parvenir à l’attachement (deveqout) que représente la prière, et demander que, de même que Dieu nous a délivrés de l’Egypte, il nous bénisse et nous délivre de nouveau (cf. Talmud de Jérusalem, Berakhot, chap. 1 halakha 1).

Même si l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha alors que l’on se trouve entre Délivrance et ‘Amida, on n’y répond pas (Choul’han ‘Aroukh 66, 9). Même pour écouter en silence, on ne s’interrompt pas entre Délivrance et ‘Amida[5].

De nombreux officiants ont l’usage de terminer la bénédiction de la Délivrance (Gaal Israël) en silence, afin que les fidèles ne répondent pas amen. En effet, selon certains avis, si l’on a achevé cette bénédiction et que l’on n’a pas encore commencé la ‘Amida, on doit répondre amen, et cela ne constitue pas une interruption, dans la mesure où le fait de répondre amen à la bénédiction Gaal Israël n’est rien d’autre que le prolongement de la mention de la Délivrance (Rama). Face à cela, d’autres pensent que le fait de répondre amen à la bénédiction Gaal Israël constitue lui aussi une interruption entre la mention de la Délivrance et la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh). Pour faire échapper les fidèles à cette situation de doute, certains officiants ont coutume de conclure la bénédiction à voix basse, afin que l’on ne puisse y répondre amen. D’autres n’ont pas cette crainte, et terminent la bénédiction Gaal Israël à haute voix. Autrefois, quand il se trouvait parmi l’assemblée des fidèles qui s’acquittaient de leur obligation en écoutant l’officiant, c’était une obligation pour ce dernier de dire toute la bénédiction à voix haute[6].

Si l’on est en retard, et que l’on arrive à l’office alors que l’assemblée s’apprête à dire la ‘Amida, on priera suivant l’ordre habituel, et l’on juxtaposera la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida. Bien que, ce faisant, on perde le bénéfice de la récitation de la ‘Amida avec la communauté, il est préférable de prier en respectant l’ordre habituel, car juxtaposer la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida a priorité sur le fait de prier avec la communauté. Toutefois, pour l’office d’Arvit, la règle est différente (Choul’han ‘Aroukh 236, 3 ; cf. ci-après chapitre 25 § 4).

Selon la majorité des décisionnaires, le Chabbat, il n’est pas à ce point nécessaire de juxtaposer la mention de la Délivrance à la ‘Amida. Aussi, dans le cas où l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha entre Délivrance et ‘Amida, on y répondra[7].


[d]. Dernière bénédiction du Chéma, appelée Gaal Israël (« qui délivras Israël »), d’après ses derniers mots, ou Birkat haguéoula (« bénédiction de la Délivrance »).
[e]. De façon à commencer la ‘Amida au premier rayon du soleil.

[5]. Si l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha, de l’avis du Téhila lé-David on se tait et l’on écoute, à la manière de celui qui entend ces mêmes passages alors qu’il est en train de dire la ‘Amida. L’écoute est alors considérée comme une réponse effective. C’est la position du Yalqout Yossef I p.179. Pour le Chaaré Techouva, en revanche, il est interdit de s’interrompre, même en silence, et la loi qui s’applique au passage entre Délivrance et ‘Amida est plus sévère que celle qui s’applique à l’intérieur même de la ‘Amida. C’est aussi la position du Kaf Ha’haïm 66, 39. A notre humble avis, puisque la majorité des décisionnaires pensent qu’il n’est pas obligatoire de répondre lorsque l’on est en train de réciter les bénédictions du Chéma, et à plus forte raison la ‘Amida, il est de toute façon plus indiqué de commencer à dire la ‘Amida sans attendre.

Si l’on a besoin d’écouter le Qaddich ou la Qédoucha, parce que l’on n’aura pas d’autre occasion d’y répondre, on adopte a priori la directive du Choul’han ‘Aroukh 66, 9 : lorsqu’on en est au passage Chira ‘hadacha (« un cantique nouveau »), dernier passage avant la conclusion de la bénédiction de la Délivrance, on attend, afin de pouvoir répondre au Qaddich ou à la Qédoucha. [Puis on termine la bénédiction Gaal Israël, en l’enchaînant à la ‘Amida. En retardant la conclusion (Baroukh… Gaal Israël), on évite l’interruption au moment crucial que constitue le passage entre Gaal Israël et le début de la ‘Amida.] Pour le cas du fidèle auquel on apporte un talith et des téphilines alors qu’il se trouve au milieu de la bénédiction de la Délivrance, voir la fin de la note 4.

[6]. Pour le Choul’han ‘Aroukh 111, 1 se fondant sur le Zohar, le seul fait de répondre amen à la bénédiction Gaal Israël est considéré comme une interruption. Pour le Tour et le Rama, ce n’en est pas une. Quoi qu’il en soit, le Michna Beroura 66, 35 écrit qu’il est bon de ne pas s’exposer au doute et, à cette fin, de conclure la bénédiction Gaal Israël en même temps que l’officiant. Si l’on termine avant l’officiant, il vaut mieux commencer à dire la ‘Amida ; de cette façon, même de l’avis du Rama, on n’aura pas à répondre amen. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han (décisionnaire ashkénaze), en tout état de cause, même si l’on n’a pas commencé la ‘Amida, l’usage est de ne pas répondre amen. Quant à l’usage consistant à conclure Gaal Israël à voix basse, cf. Beit Baroukh qui est hésitant à ce sujet ; d’autres font l’éloge de cet usage, cf. Iché Israël.

[7]. Selon Hagaot Achré et le Maharil, le Chabbat, il n’est pas si nécessaire de juxtaposer la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida car, d’après ce que l’on peut apprendre des versets, cette juxtaposition n’est obligatoire que les jours de peine (yom tsara) ; en revanche, le Chabbat, qui n’est pas un jour de peine, il n’est pas nécessaire de faire un tel enchaînement. Le Beit Yossef écrit que cet avis est acceptable. Toutefois, le Rama (111, 1) pense que, a priori, il est bon d’être rigoureux et d’opérer cette juxtaposition, le Chabbat y compris, mais qu’en cas de nécessité cela n’est pas obligatoire. Pour le Kaf Ha’haïm 111, 9, la règle applicable le Chabbat est semblable à celle des jours de semaine. Mais le Michna Beroura 9 et le Béour Halakha, ainsi que le Yalqout Yossef, sont d’avis que, si l’on entend, durant le Chabbat, le Qaddich ou la Qédoucha alors que l’on se trouve entre Délivrance et ‘Amida, on y répond. En revanche, si l’on est en retard, on ne se joindra pas à la ‘Amida de la communauté, ce qui aurait pour effet de repousser le Chéma et ses bénédictions après la ‘Amida, comme on en a l’usage à l’office d’Arvit, mais on priera dans l’ordre habituel, afin de juxtaposer la Délivrance à la ‘Amida.

01 – La ‘Amida, prière principale

La ‘Amida est le sommet de la prière, et toutes les parties qui la précèdent constituent, dans une large mesure, une préparation à ce sommet. Le fidèle monte de degré en degré, du rappel des sacrifices aux versets de louange, des versets de louange aux bénédictions du Chéma, jusqu’à ce qu’il puisse franchir le portique supérieur, le monde de l’Emanation (‘olam ha-Atsilout, cf. chapitre 13 § 2), et se tenir en prière devant Dieu. Certes, la lecture du Chéma est une mitsva de rang toranique, et c’est une obligation en soi de le réciter, indépendamment même de la prière. Toutefois, nos sages ont décrété que la lecture du Chéma doit se faire, avec ses bénédictions, avant la ‘Amida, afin qu’elles constituent une préparation à celle-ci. En effet, grâce à l’acquisition de la foi exprimée dans le Chéma et ses bénédictions, et grâce à la bénédiction de la Délivrance (Gaal Israël), on peut s’élever au plus haut degré de la prière de la façon la plus parfaite.

Dans la mesure où la ‘Amida est le sommet de la prière, les règles qui la régissent sont plus rigoureuses que celles d’autres sections de l’office. Par exemple, il faut venir à l’office dans des vêtements honorables, car durant la ‘Amida nous nous tenons devant le Roi ; il n’y a pas d’exigence semblable en ce qui concerne la lecture du Chéma et de ses bénédictions, par lesquels nous recevons le joug de la royauté du Ciel et louons Dieu, mais au cours desquels nous ne nous trouvons pas à ce niveau supérieur consistant à « nous tenir devant le Roi » (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 74, 6 ; 91, 1).

De même, de nombreuses règles que nous avons étudiées, concernant l’emplacement qui convient à la prière, visaient essentiellement la ‘Amida. Par exemple, le fait de ne pas prier à un endroit surélevé, ou dans un immeuble totalement ouvert, la nécessité d’avoir des fenêtres, la mitsva de prier au sein d’un minyan et à la synagogue, la nécessité de se fixer un endroit régulier pour prier, l’absence d’élément faisant écran entre le fidèle et le mur, le fait de ne pas prier à côté de son maître, ni derrière lui (comme il est expliqué au chapitre 3). Et puisque la ‘Amida forme une partie de la prière dans son ensemble, on s’efforce, dans le même élan, d’observer durant l’ensemble de l’office toutes les règles susmentionnées. Mais dans le cas où l’on ne peut réciter les Pessouqé dezimra (versets de louange) et les bénédictions du Chéma à l’endroit le mieux situé de ces différents points de vue, on s’efforce à tout le moins de dire la ‘Amida à l’endroit le mieux situé.

02 – Avancer de trois pas avant de prier

Nous avons coutume d’avancer de trois pas avant de réciter la ‘Amida, afin d’exprimer notre volonté de nous rapprocher de Dieu et de nous tenir devant Lui (Rama 95, 1). Celui qui se tient déjà à l’endroit prévu pour dire la ‘Amida n’a pas besoin, à l’approche de celle-ci, de faire trois pas en arrière pour revenir en avant. Du reste, par le fait même de venir à la synagogue, on se rapproche déjà de la prière, et l’on parcourt à cette fin plus de trois pas (Elya Rabba). D’autres disent que, même si l’on s’est déjà rendu à son lieu de prière, il est souhaitable, à l’approche de la ‘Amida, de revenir en arrière et de parcourir de nouveau trois pas en avant, pour gagner l’endroit où l’on prononce la ‘Amida (Ben Ich ‘Haï, Bechala’h 3 ; Kaf Ha’haïm 95, 7). Le mieux à faire est de marquer une petite interruption entre les pas en arrière et les pas en avant, afin de ne pas paraître aller et venir. Aussi, lorsqu’on arrive au passage Tehilot la-E.l E-lion (« Louanges au Dieu suprême »), on fait trois pas en arrière, puis, quand on s’apprête à conclure la bénédiction Gaal Israël (« qui délivras Israël »), on fait trois pas en avant. De même, aux offices de Min’ha et d’Arvit, dès le début du Qaddich qui précède la ‘Amida, on fera trois pas en arrière, puis, juste avant de commencer la ‘Amida, on avancera de trois pas (coutume du Maharil, Michna Beroura 95, 3).

Afin de ne pas marquer d’interruption entre la mention de la Délivrance et la ‘Amida, on a soin de faire ses trois pas en avant alors que l’on n’a pas encore terminé de dire la bénédiction Gaal Israël, afin qu’immédiatement après la conclusion de celle-ci, on se tienne déjà au lieu de sa prière et que l’on commence à dire Ado-naï, sefataï tifta’h (« Eternel, ouvre mes lèvres »), verset par lequel débute la ‘Amida[1].

Avant la ‘Amida, le fidèle doit éloigner de son esprit toutes les choses susceptibles de perturber sa concentration. Si l’on est enrhumé, on se mouchera avant la ‘Amida, afin de ne pas avoir à se moucher au cours de celle-ci. Si l’on a une mucosité dans la gorge, susceptible d’être gênante, on l’expulsera avant de prier, afin qu’elle ne nous perturbe pas (Choul’han ‘Aroukh 92, 3 ; cf. chap. 6). Si l’on a besoin de se moucher au cours de la ‘Amida, on le fera de la façon la plus discrète. Celui qui est contraint de bâiller durant la ‘Amida posera la main sur sa bouche. Car celui qui se tient en prière doit être très attentif à l’honneur du Ciel, et tout ce qui est considéré comme impoli en présence de son prochain est interdit au moment de la ‘Amida (cf. Choul’han ‘Aroukh 97, 1-2).


[1]. L’officiant débute, lui aussi, sa répétition par ce verset ; selon l’usage séfarade, il le dit à haute voix, et selon l’usage ashkénaze, à voix basse (Michna Beroura 111, 10 ; Kaf Ha’haïm 10).

Aux offices de Min’ha et de Moussaf,  les officiants ashkénazes ont l’usage de dire, avant la répétition, le passage Ki chem Hachem eqra… (« Quand j’invoque le nom de l’Eternel… »). Mais si l’officiant oublie ce passage et commence à dire les premiers mots de la ‘Amida, Hachem, sefataï tifta’h (« Mon Dieu, ouvre mes lèvres… »), il ne doit pas se reprendre et dire Ki chem Hachem eqra. En effet, par le verset Hachem, sefataï tifta’h, l’officiant a déjà commencé la répétition de la ‘Amida. C’est ce qu’écrit Iché Israël 62. Selon le Béour Halakha 111, 2 (חוזר), si l’on a dit la ‘Amida sans l’introduire par le verset Hachem sefataï tifta’h, on est quitte, car cela ne constitue pas un manque affectant l’essentiel de la prière. (Toutefois, selon le Igrot Moché, il faut répéter la ‘Amida). Le Yalqout Yossef p.278 conforte les propos du Michna Beroura en se fondant sur Echkol et Ohel Moëd. Et telle est la halakha.

03 – Se tourner vers Jérusalem

Durant les différentes parties de la prière, le fidèle peut s’orienter en quelque direction qu’il souhaite. Mais dès lors qu’il arrive au sommet de la prière, et qu’il se lève pour se tenir devant le Roi de l’univers durant la ‘Amida, il devra se tourner vers Jérusalem, vers le lieu que Dieu a choisi pour faire résider Sa Présence dans le monde.

Si  l’on prie en-dehors de la terre d’Israël, on se tournera en direction de la terre d’Israël, et l’on orientera son cœur vers Jérusalem, vers le site du Temple et vers le Saint des Saints (Qodech haqodachim). Si l’on prie en Israël, on se tournera en direction de Jérusalem, et l’on orientera son cœur vers le site du Temple et vers le Saint des Saints. Si l’on prie à Jérusalem, on se tournera vers le site du Temple et l’on orientera son cœur vers le Saint des Saints (Berakhot 30a ; Choul’han ‘Aroukh 94, 1).

Par conséquent, ceux qui prient sur l’esplanade du Mur occidental (le Kotel) doivent s’orienter durant la ‘Amida en direction du lieu du Sanctuaire. C’est-à-dire que ceux qui se trouvent sur l’esplanade ouverte doivent se tourner légèrement sur la gauche, et que ceux qui se trouvent dans l’enceinte des hommes, au milieu de la galerie couverte, doivent s’orienter face au mur.

On a l’usage de fixer l’arche sainte des synagogues sur le mur orienté vers Jérusalem, de façon que les fidèles récitant la ‘Amida soient également tournés vers l’arche sainte. Cependant, l’essentiel est de prier en direction de Jérusalem. Aussi, si en raison d’une erreur ou d’une contrainte, l’arche sainte n’est pas véritablement orientée en direction de Jérusalem, on se tournera, au moment de la ‘Amida, dans la direction de Jérusalem (Michna Beroura 94, 9). Mais si toute l’assemblée se trompe et s’oriente dans la direction de l’arche sainte, il vaut mieux ne pas se séparer de la communauté, et l’on se tiendra dans la même direction que l’assemblée ; toutefois, on tournera sa tête vers Jérusalem (Michna Beroura 94, 10).

Si l’on ne sait pas quel côté de la pièce est orienté en direction de Jérusalem, on priera dans quelque direction que l’on voudra, et l’on orientera son cœur vers son Père qui est au Ciel (Choul’han ‘Aroukh 94, 3). Même s’il apparaît après coup que l’on s’est trompé, on n’a pas besoin de répéter sa prière en se tournant vers Jérusalem[2].


[2]. Le Michna Beroura 94, 10 écrit que, dans le cas où l’on s’est trompé et où l’on a commencé à prier dans une autre direction, si l’on se trouve à la synagogue et que l’on soit gêné à l’égard de la communauté qui perçoit son erreur, on pourra se déplacer et se tourner dans la direction de Jérusalem. Mais si l’on n’éprouve pas de gêne à cet égard, on restera à sa place première, car il est plus important de ne pas se déplacer durant la ‘Amida. Selon le Ben Ich ‘Haï, Yitro 1, si l’on se trouve à la synagogue, on devra se tourner en tout état de cause vers Jérusalem ; mais si l’on prie seul chez soi, on continuera comme on a commencé. Cf. Kaf Ha’haïm 7, qui conclut que, si l’on s’est trompé et que l’on prie dans la direction opposée à Jérusalem, on devra rectifier sa position et s’orienter vers Jérusalem, même si l’on prie seul.

04 – Se tenir debout, pieds joints

Durant les Pessouqé dezimra et les bénédictions du Chéma, on peut être assis ou debout. Mais dès que l’on arrive à la ‘Amida, on doit se tenir debout et pieds joints. En se tenant debout, l’homme manifeste sa disponibilité totale, de la tête aux pieds, à l’approche de la prière. De plus, le fait d’être debout est une expression de révérence et de crainte à l’égard du Roi de l’univers. Aussi, il ne faut s’appuyer sur aucun support durant la ‘Amida, car celui qui appuie un tant soi peu sa personne ne se tient pas d’une façon empreinte de crainte. En cas de contrainte, par exemple si l’on est faible et obligé de s’appuyer, on s’efforcera de ne s’appuyer que légèrement, de sorte que, si l’appui était ôté subitement, on resterait debout par l’effet de ses propres forces. Par cela, et bien que cette façon ne soit pas empreinte de crainte, on est néanmoins considéré comme priant debout (Choul’han ‘Aroukh 94, 8 ; Michna Beroura 22).

On joint les jambes de manière qu’elles paraissent former une jambe unique. La raison en est que l’écartement des jambes reflète le côté matériel de l’homme ; il représente également la course, à la poursuite des affaires de ce monde. Aussi, les prêtres, lorsqu’ils montaient à l’autel, marchaient de façon à accoler le talon du pied droit au gros orteil gauche, et inversement ; de la même façon, pendant la ‘Amida, nous nous abstenons d’écarter les jambes. De plus, la jonction des jambes représente le rassemblement des forces réalisatrices présentes en nos jambes, pour mettre ces forces au service exclusif de Dieu, et manifester que nous n’avons qu’une volonté, celle de nous tenir en prière devant Lui. Nos sages ont déduit cela de l’exemple des anges, au sujet desquels il est dit : « Leurs jambes sont une jambe rectiligne » (Ez 1, 7), c’est-à-dire que leurs jambes sont accolées l’une à l’autre, au point qu’elles semblent constituer une seule et même jambe (Berakhot 10b ; Talmud de Jérusalem I, 1 ; voir Maharal, Netiv Haavoda 6).

Il faut joindre les pieds l’un à l’autre dans toute leur longueur, afin qu’ils paraissent être autant que possible un seul et même pied, et non comme ceux qui ne joignent que leurs talons (Choul’han ‘Aroukh 95, 1, élèves de Rabbénou Yona). A posteriori, si l’on a prié jambes disjointes, on est quitte (Michna Beroura 1, Kaf Ha’haïm 2).

Un malade qui ne peut se tenir debout priera assis. Si même s’asseoir lui est impossible, il priera couché. Selon plusieurs décisionnaires, si, avant l’expiration de l’heure de récitation de la ‘Amida que l’on n’a pu dire debout, on recouvre ses forces et l’on peut se lever, on devra répéter sa ‘Amida, car la mitsva de réciter la ‘Amida se réalise essentiellement debout (Choul’han ‘Aroukh 94, 9). Toutefois, les A’haronim s’accordent à dire en pratique que, si l’on a prié assis ou couché, on est quitte a posteriori, et que, même si l’on peut se relever après cela, on n’a pas besoin de répéter sa ‘Amida (Michna Beroura 94, 27, Kaf Ha’haïm 34).

Celui-là même qui est contraint de prier assis ou couché, doit s’efforcer de joindre les pieds et de fléchir le corps aux moments de prosternation. Si l’on est assis sur un fauteuil roulant, on reculera quelque peu son fauteuil à la fin de sa ‘Amida, dans la mesure des trois pas par lesquels on achève sa prière (voir plus loin, paragraphe 16).

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