La prière d’Israël

05 – Position du corps et des mains

Le fidèle en prière doit incliner quelque peu la tête, de manière que ses yeux regardent vers le bas en signe de modestie ; il doit imaginer qu’il se trouve au Temple, et orienter son cœur en haut vers le Ciel (Yevamot 105b ; Choul’han ‘Aroukh 95, 2).

Les kabbalistes font l’éloge de celui qui prie les yeux fermés. Cependant, celui qui lit dans son rituel (sidour) se conduit lui aussi selon la règle fixée a priori. De nombreux A’haronim conseillent de prier en suivant le texte dans son sidour, car de cette façon, on peut se concentrer davantage dans sa prière (Michna Beroura 95, 5 ; Kaf Ha’haïm 9-10 ; cf. Béour Halakha au sujet du Maamar Mordekhaï).

En ce qui concerne les mains, Maïmonide écrit que l’on doit poser les mains sur son cœur, serrées l’une sur l’autre, la droite sur la gauche. De cette façon, on se tient comme un élève devant son maître, avec crainte et révérence (Hilkhot Téphila 5, 4). C’est aussi ce qu’écrit le Choul’han ‘Aroukh (95, 3) et ce qu’expliquent les Kavanot de Rabbi Isaac Louria (Kaf Ha’haïm 95, 12). Mais de nombreux décisionnaires pensent que tout dépend de la coutume locale : dans la ville où vivait Maïmonide, on avait en effet l’usage de se tenir devant les  monarques et les ministres de la façon ci-dessus décrite ; mais dans d’autres lieux, la coutume était différente. Par exemple, dans les pays d’Europe, on avait l’usage de se tenir mains jointes, et dans les pays ismaélites, on se tenait mains derrière le dos, comme pour exprimer son absence de mains – de pouvoir – en dehors de la permission octroyée par son vis-à-vis (Mahari Abouhav, cité par le Beit Yossef ; Michna Beroura 95, 6). D’après cela, de nos jours, en plus de la manière décrite par Maïmonide, on peut se tenir bras le long du corps, ou mains posées sur son pupitre de prière (stander), tenant le sidour, car ces différentes situations sont, elles aussi, considérées comme des manières honorables de se tenir. En revanche, il ne faut pas mettre les mains dans les poches, ou sur les hanches, car il ne convient pas de se tenir ainsi devant des personnalités dignes d’égards.

Nombreux sont ceux qui ont l’habitude de se balancer durant la ‘Amida ; le Rama écrit (Ora’h ‘Haïm 48, cf. Michna Beroura 95, 7) qu’il convient de se conduire ainsi a priori, afin d’exprimer l’émotion et le frémissement qui doit saisir le fidèle en prière, et afin d’associer le corps au service de la prière, conformément au verset : « Tous mes os diront : “Eternel, qui est comme toi ?” » (Ps 35, 10). Face à cela, le Chla écrit qu’il ne faut pas se balancer durant la prière, et qu’au contraire, c’est précisément le fait de se tenir debout sans mouvement qui amplifie la kavana. De plus, ce n’est pas une marque de respect que de se balancer, et si un homme se présentait devant un roi de chair et de sang et commençait à se balancer de tout son corps, le roi le chasserait immédiatement de devant lui ; par conséquent, dit-il, il est évident qu’il ne faut pas se conduire ainsi durant la prière. Dans cette perspective, lorsque certains des sages disent qu’il est bon de se balancer, ils ne parlent que de moments où l’on étudie la Torah, ou de moments où l’on dit des cantiques et des louanges ; en revanche, pour la ‘Amida, durant laquelle on se tient devant le Roi, prière profonde et intérieure, il ne convient pas du tout de se balancer : seules les lèvres remuent (Chla, traité Tamid, Ner Mitsva). Dans la mesure où chaque coutume peut s’appuyer sur une source valable, chacun se conduira de la façon qui contribuera le plus à sa kavana. En particulier, pour celui qui s’est habitué à se balancer suivant l’usage répandu, il sera difficile de se concentrer sans balancement (Maguen Avraham, Michna Beroura 48, 5 ; voir Kaf Ha’haïm 48, 7-9).

06 – Les prosternations durant la ‘Amida

En cinq endroits de la ‘Amida, les sages prescrivent de se prosterner : au début et à la fin de la bénédiction des patriarches (Birkat avot, première des dix-neuf bénédictions),  au début et à la fin de la bénédiction de la reconnaissance (Modim, dix-huitième bénédiction), ainsi qu’à la fin de la ‘Amida, lorsque l’on recule de trois pas. Les sages ont prescrit de se prosterner lors de ces deux bénédictions, car ce sont les deux plus importantes, et il faut s’efforcer de se concentrer davantage quand on les récite (cf. Choul’han ‘Aroukh 101, 1 ; Michna Beroura 3). Si un fidèle se prosterne au début ou à la fin de quelque autre bénédiction, on lui enseigne qu’il ne faut pas le faire, afin qu’il ne se détourne pas du décret des sages, et afin qu’il ne paraisse pas s’enorgueillir en se prenant pour plus juste que les autres. En revanche, au milieu des bénédictions, il est permis de se prosterner (Choul’han ‘Aroukh 113, 1 ; Michna Beroura 2)[3].

Dans la première bénédiction, on se prosterne sur les mots Baroukh Ata (« Béni sois-Tu »), et l’on se redresse en disant Ado-naï (« Eternel »). Dans Modim, on se prosterne sur les mots Modim ana’hnou lakh (« Nous reconnaissons devant Toi »), et l’on se redresse en disant Ado-naï (Choul’han ‘Aroukh 113, 7 ; Michna Beroura 12. Sur la prosternation à la fin de la ‘Amida, voir § 13).

On se prosterne « jusqu’à ce que toutes les vertèbres de la colonne soient saillantes », c’est-à-dire que les vertèbres fassent saillie sur le dos. On incline la tête et le dos, jusqu’à ce que la face arrive à une hauteur intermédiaire entre le cœur et les hanches ; mais on n’incline pas la tête jusqu’au niveau de la ceinture, car cela paraîtrait présomptueux. Une personne âgée, un malade, à qui il est difficile de se pencher, incline la tête selon ses possibilités (Choul’han ‘Aroukh 113, 5). On doit se pencher rapidement, afin de montrer son désir de se prosterner devant l’Eternel béni soit-Il ; quand on se redresse, on doit le faire lentement, comme une personne qui souhaiterait prolonger sa prosternation devant Dieu (Choul’han ‘Aroukh 113, 6).

Il y a deux coutumes quant à la façon de se prosterner : selon la coutume ashkénaze, au moment où l’on dit Baroukh, on plie les genoux ; lorsqu’on dit Ata, on se courbe jusqu’à ce que les vertèbres fassent saillie[a]. Dans la formule initiale de Modim, où l’on ne dit pas Baroukh, on se courbe immédiatement, sans plier préalablement les genoux (Michna Beroura 113, 12 ; cf. Qitsour Choul’han ‘Aroukh 18, 1).

Les Séfarades, se fondant sur Rabbi Isaac Louria, ont l’usage de se prosterner en deux temps : on courbe d’abord le corps (sans plier les genoux), puis la tête ; de même, quand on se redresse : on redresse d’abord le corps, puis la tête (Kaf Ha’haïm 113, 21).


[3]. Dans le traité Berakhot 34b, on explique qu’il est blâmable de se prosterner durant le verset de reconnaissance qui se trouve dans le Hallel (Hodou Lachem ki tov, ki lé’olam ‘hasdo: « Louez l’Eternel car Il est bon, car Sa bonté est éternelle ») ou dans la bénédiction de reconnaissance qui se trouve dans le Birkat hamazon (deuxième des bénédictions dites après le repas). Rabbénou Yerou’ham ajoute qu’il n’y a pas lieu de se prosterner lorsque l’on dit : « Toute taille se prosternera devant toi » (Vékhol qoma lekha tichta’havé, dans le cantique Nichmat, récité le Chabbat et les jours de fête). Les élèves de Rabbénou Yona ajoutent qu’on ne se prosterne pas en disant : « C’est envers Toi, et Toi seul, que nous exprimons notre reconnaissance » (Lekha levadekha ana’hnou modim, également dans Nichmat). C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 113, 3.

Quant à se prosterner au moment de Barekhou, les coutumes divergent. L’usage dépend lui-même du sens que l’on attribue au blâme exprimé par le Talmud à l’encontre des prosternations faites en-dehors des moments prescrits. Si la raison du blâme réside dans le fait que cela reviendrait à se fixer une prosternation à un moment où les sages ne l’ont point prescrit, alors il est interdit de se prosterner de façon régulière à Barekhou. C’est ce qu’écrivent Or lé-Tsion II 5, 13 et Chéérit Yossef II p. 106 ; tel est l’usage des maîtres séfarades. Toutefois, parmi le public séfarade, nombreux sont ceux qui ont l’usage de se prosterner. En revanche, si la raison du blâme réside dans le fait que celui qui se prosterne montre par là son erreur, car il comprend le mot Hodaa comme signifiant Hichta’havaa (prosternation) alors qu’il signifie en réalité reconnaissance [comme toda = remerciement], alors il n’y a rien d’irrégulier à se prosterner en un autre endroit afin de recevoir le joug de la royauté divine, et l’on peut donc se prosterner régulièrement à Barekhou. C’est l’avis du Choul’han ‘Aroukh Harav 113, 3, et tel est l’usage ashkénaze. Le Béour Halakha appuie cette opinion. Or dans la mesure où, parmi nous, prient ensemble des fidèles issus de toutes les communautés, et afin de ne pas multiplier les différences d’usage, il convient que tout le monde s’incline légèrement durant Barekhou, car tel est l’usage de la majorité d’Israël. De cette façon, on conserve dans une certaine mesure l’usage consistant à se prosterner et, d’un autre côté, il n’y a pas là de prosternation additionnelle par rapport à ce que les sages ont prescrit, car il ne s’agit pas d’une prosternation complète, laquelle consisterait à s’incliner jusqu’à ce que toutes les vertèbres de la colonne soient saillantes. [En revanche, quand la communauté est caractérisée par une coutume bien précise, ashkénaze ou séfarade, la règle qui s’applique est celle du chap. 6 § 5 : en tout lieu où les différences de coutume entre le fidèle et la communauté sont apparentes, il faut se conformer à la coutume de la communauté.]

[a]. Et l’on se redresse en prononçant le nom divin.

07 – Prier à voix basse

Nous apprenons de la prière de Hanna (I Samuel 1-2) de très nombreuses et grandes règles. Hanna se tenait debout, demandant à Dieu de l’exaucer en lui donnant un fils. Sa prière fut agréée : elle eut le mérite de mettre au monde le prophète Samuel, le plus grand des prophètes d’Israël après Moïse notre maître, que la paix repose sur lui. Or il est dit dans le premier livre de Samuel (1, 13) : « Hanna parlait en son cœur, seules ses lèvres bougeaient, mais sa voix ne se faisait pas entendre ». Nos sages disent à ce sujet (Berakhot 31a) : « “Elle parlait en son cœur” – cela nous apprend que celui qui prie doit se concentrer (prier avec kavana) ; “seules ses lèvres bougeaient” – cela nous apprend que celui qui prie doit articuler les mots ; “mais sa voix ne se faisait pas entendre” – cela nous apprend qu’il est interdit de hausser la voix durant la ‘Amida. »

Le but de la ‘Amida est d’exprimer devant Dieu les aspirations profondes de l’âme. Aussi ne convient-il pas de la dire à voix haute et de l’exposer à l’extérieur. D’un autre côté, on ne s’acquitte pas de l’obligation de prier par la seule pensée, car toute idée doit être l’objet d’une certaine expression concrète en ce monde. Notre volonté intérieure est bonne ; les corruptions sont extérieures ; aussi notre travail consiste-t-il à exprimer notre bonne volonté de façon effective. C’est pourquoi la mitsva la plus subtile a besoin elle-même d’une certaine expression, par le biais de l’articulation des mots par les lèvres.

Les usages divergent quant à savoir la façon convenable de prier à voix basse. Selon la majorité des décisionnaires et une partie des kabbalistes, le fidèle doit faire entendre sa voix à sa propre oreille, de telle manière que lui seul puisse entendre sa propre voix, à l’exclusion de ses voisins se trouvant à côté de lui (Choul’han ‘Aroukh 101, 2 ; Michna Beroura 5-6). Selon la majorité des kabbalistes, la ‘Amida est une prière si profonde et intérieure que le fidèle ne doit même pas faire entendre sa voix à sa propre oreille, mais doit se contenter d’articuler les lettres avec ses lèvres (Kaf Ha’haïm 101, 8). Il convient que chacun se conforme à l’usage de ses pères, ou à celui par lequel on se concentre le mieux.

A posteriori, même si l’on a fait entendre sa voix durant la ‘Amida, on est quitte de son obligation. Aussi, celui à qui il est difficile de se concentrer en priant à voix basse, est autorisé à prier à voix haute quand il se trouve seul. Mais au sein de la communauté, on ne priera en aucun cas à voix haute, afin de ne pas déranger les autres fidèles (Choul’han ‘Aroukh 101, 2). Il vaut mieux prier à voix basse au sein d’un minyan, même si l’on parvient moins bien à se concentrer, car la prière dite en minyan est agréée (Michna Beroura 101, 8)[4].

Dans les autres parties de la prière, telles que les bénédictions du Chéma et les Pessouqé dezimra, qui ne sont pas aussi intérieurs et profonds que la ‘Amida, tous les avis s’accordent à dire qu’il faut faire entendre sa voix à son oreille. Quant au premier verset du Chéma, on a coutume de le dire à haute voix, afin d’éveiller la kavana (Choul’han ‘Aroukh 61, 4). De même, on répond amen  et Baroukh Hou ouvaroukh Chémo à haute voix. Il faut en particulier s’efforcer de répondre à haute voix au Qaddich (Choul’han ‘Aroukh 56, 1).


[4]. Durant les jours redoutables [Yamim Noraïm; l’expression vise ici uniquement Roch Hachana et Kippour], jours durant lesquels tout le monde a un livre de prière [ma’hzor; ce qui n’était pas toujours le cas autrefois durant l’année], le fidèle qui a du mal à se concentrer en priant à voix basse est autorisé à élever légèrement la voix, à condition de ne pas l’élever au point de gêner la kavana de ses voisins (Choul’han ‘Aroukh 101, 3) [car le fait d’avoir un ma’hzor rend plus facile la concentration]. Dans un endroit où tout le monde a l’habitude, même durant les jours redoutables, de prier à voix basse, celui qui prierait à voix haute dérangerait assurément les autres fidèles. Même dans un endroit où l’on a l’habitude de faire entendre sa voix durant les jours redoutables, il est interdit d’élever la voix davantage, car celui qui élève la voix est comparable aux prophètes de mensonge (Berakhot 24b), qui pensent que leur divinité est dure d’oreille, et qu’il faut crier pour se faire entendre d’elle.

08 – Prier en toute langue

Selon la halakha, il est permis de prier dans une langue étrangère (Sota 32a) ; toutefois, le meilleur mode d’accomplissement de la mitsva consiste à prier en hébreu, parce que c’est en cette langue que les membres de la Grande Assemblée ont rédigé le texte de la prière, et parce que l’hébreu est la langue sainte, par laquelle le monde a été créé (cf. ci-dessus chap. 15 § 9, où l’on dit que telle est aussi la règle en ce qui concerne le Chéma).

Certes, selon le Rif, ce n’est que si l’on prie au sein d’un minyan que l’on est autorisé à dire la ‘Amida dans une langue étrangère, car alors la Présence divine réside sur le lieu, et la prière sera agrée, bien qu’elle ne soit pas dite dans la langue sainte ; tandis que, si l’on prie seul dans une langue étrangère, la ‘Amida n’est pas agréée. Néanmoins, l’opinion de la majorité des décisionnaires est conforme à celle du Roch, selon lequel on peut prier, même seul, dans une langue étrangère, à l’exception de la langue araméenne, dans laquelle il ne faut pas prier seul. C’est en ce dernier sens qu’est fixée la halakha (le Choul’han ‘Aroukh 101, 4 présente cette opinion en dernière position, introduite par l’expression yech omrim – « certains disent » –, après avoir introduit l’opinion opposée par la même expression ; or le principe veut que, dans un tel cas, la halakha soit conforme au dernier yech omrim ; Michna Beroura 18).

Autre avantage de la prière dite en hébreu : celui qui prie en cette langue, même s’il ne la comprend pas, est quitte de son obligation, à condition de comprendre au moins le premier verset du Chéma et la première bénédiction de la ‘Amida. Cela n’est pas le cas pour une autre langue : on ne se rend quitte que si on la comprend (Michna Beroura 101, 14 ; 124, 2).

En pratique, celui qui ne comprend pas l’hébreu est autorisé à choisir sa façon de prier : d’un côté, il y a un avantage à prier dans la langue que l’on connaît, car on peut alors se concentrer davantage ; d’un autre côté, si l’on prie en hébreu, on a l’avantage de prier dans la langue sainte (cf. Béour Halakha 101, 4 ; Kaf Ha’haïm 16).

L’autorisation de prier dans des langues autres que l’hébreu n’est donnée qu’en cas de besoin individuel circonstanciel, pour ceux qui ne comprennent pas l’hébreu. En revanche, il est interdit de mettre sur pied un minyan qui prierait de façon régulière dans une langue étrangère. Ce fut l’une des fautes des Réformateurs que de traduire la prière en allemand pour l’usage public, et de faire ainsi oublier à leurs enfants la langue sainte, ménageant ainsi une large brèche vers l’abandon du judaïsme et l’assimilation (‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 84, 86 ; Michna Beroura 101, 13 ; le Sridé Ech 1, 9 interdit même la lecture publique d’un seul poème liturgique dans une langue étrangère).

09 – La kavana (concentration)

Quand on récite la ‘Amida, on doit prier avec kavana, c’est-à-dire prêter attention à ce que l’on dit, et s’efforcer de ne pas laisser divaguer son esprit vers des préoccupations étrangères pendant la prière. Si des pensées étrangères viennent à l’esprit, on les écarte de son esprit et l’on revient à sa prière. Même si l’on ne parvient pas à se concentrer sur tous les mots de la prière, on essaie à tout le moins de se concentrer sur la récitation de la formule finale de chaque bénédiction (les mots Baroukh ata Ado-naï , suivis de leur conclusion). Si l’on ne peut pas se concentrer à chaque bénédiction, on s’efforcera de se concentrer durant la première (Birkat Avot, bénédiction des patriarches) et durant la dix-huitième, Modim (bénédiction de la reconnaissance), au début et à la fin desquelles on se prosterne. A tout le moins, on doit se concentrer durant la bénédiction des patriarches, par laquelle débute la ‘Amida[5].

Si l’on a déjà prié, et que l’on ne se soit pas concentré durant la bénédiction des patriarches (Birkat avot), la règle stricte voudrait que l’on répétât la ‘Amida, car la kavana durant la première bénédiction est une condition de validité de la ‘Amida. Néanmoins, à la suite de la chute des générations, et en raison des soucis de l’esprit, la capacité de concentration s’est affaiblie. Aussi, les décisionnaires modernes ont donné pour instruction de ne pas répéter la ‘Amida dans un tel cas, car il est à craindre que l’on n’oublie, même la deuxième fois, de se concentrer durant la Birkat avot, et que cette répétition ne soit vaine (Rama 101, 1, Kaf Ha’haïm 4).

Si l’on est sur le point de conclure la récitation de la Birkat avot, et que l’on s’aperçoive que l’on ne s’est pas concentré durant sa lecture, on peut, tout le temps que l’on n’a pas prononcé le nom divin (Ado-naï) concluant la bénédiction, reprendre sa récitation à partir de Elo-hé Avraham (« Dieu d’Abraham »), en se concentrant cette fois (Michna Beroura 101, 4 au nom du ‘Hayé Adam). Si l’on a déjà prononcé le nom divin, on conclura la bénédiction avec kavana, et il sera bon de repasser en pensée sur les mots de la bénédiction des patriarches. En effet, selon Maïmonide, la pensée peut être considérée comme ayant valeur de parole. Mais si l’on a déjà commencé à réciter la bénédiction suivante (en disant Ata guibor – « Tu es puissant »), on continuera sa ‘Amida, et l’on s’efforcera de se concentrer ensuite en récitant toutes les bénédictions, en particulier durant Modim[6].


[5]. Choul’han ‘Aroukh 101, 1 et Michna Beroura 1-3. Si l’on est préoccupé au point que l’on sait ne pas pouvoir se concentrer, même pendant la première bénédiction (Birkat avot), on ne dira pas la ‘Amida. Certes, une telle situation, dans laquelle un homme sait à l’avance qu’il ne pourra se concentrer durant la Birkat avot – n’est pas fréquente ; mais le principe est qu’il ne faut pas prier a priori en ayant conscience de ne pouvoir se concentrer durant la Birkat avot. D’après le Choul’han ‘Aroukh, même a posteriori, si l’on a déjà prié et que l’on ne se soit pas concentré durant la Birkat avot, il faut répéter sa ‘Amida ; à plus forte raison ne faut-il pas commencer à prier en sachant ne pouvoir parvenir à cette concentration minimale. C’est également ce qui semble ressortir du Béour Halakha (ואם). (Toutefois, selon Iché Israël, si le temps de récitation de la prière est sur le point d’expirer, on priera, même si l’on sait ne pas pouvoir se concentrer durant la Birkat avot).

[6]. Les A’haronim expliquent qu’en pratique, même si l’on ne s’est pas concentré du tout, on est quitte a posteriori, dans la mesure où l’on a manifesté l’intention d’accomplir la mitsva de prier. C’est ce qu’écrit le Chibolé Haléqet au nom des Richonim. De même, le Kaf Ha’haïm 101, 4 au nom du ‘Hessed Laalafim écrit que les bénédictions de celui qui prie sans kavana ne sont pas considérées comme dites en vain. C’est-à-dire que cette prière, à ce qu’il semble, mérite le nom de prière, mais qu’il y manque seulement la qualité de kavana, ce qui a conduit les sages à dire qu’il fallait répéter cette prière. La preuve en est que, si l’on se souvient, au milieu de la ‘Amida, que l’on ne s’est pas concentré dans la première bénédiction, on ne revient pas au début, contrairement au cas où l’on s’aperçoit que l’on a mentionné la pluie (dans la deuxième bénédiction, Ata guibor) alors que l’on se trouve en été (voir chap. 18 § 4 s.), cas dans lequel on reprend la ‘Amida au début. On peut donc comprendre pourquoi, de nos jours, on ne répète pas la ‘Amida en cas de carence de kavana dans la première bénédiction. Cf. Yalqout Yossef I p. 157 et Yabia’ Omer III 9, 3. Si l’on a l’habitude de prier avec kavana durant la première bénédiction et que, pour une fois, on ne s’est pas concentré, on peut répéter sa ‘Amida en se concentrant, à condition d’être sûr de se concentrer lorsqu’on la répétera. Il est bon, en ce cas, de stipuler intérieurement que, si une telle répétition n’est pas nécessaire, en raison de l’usage aujourd’hui répandu consistant à ne pas répéter, la ‘Amida que l’on s’apprête à dire doit être considérée comme une prière additionnelle volontaire (nédava).

Selon le Michna Beroura 101, 4, si l’on s’aperçoit, avant la formule finale de la bénédiction, que l’on ne s’est pas concentré durant la Birkat avot, on doit reprendre sa récitation à partir d’Elo-hé Avraham. Voir le Béour Halakha (והאידנא) qui conseille à ceux qui ont conclu la première bénédiction d’attendre la répétition de l’officiant, et de s’acquitter en écoutant l’officiant réciter cette première bénédiction, avant de poursuivre leur propre récitation de la ‘Amida. Certains ont toutefois émis des doutes : comment s’acquitterait-on de la première bénédiction par l’écoute, puis des bénédictions suivantes en les disant soi-même, alors que les trois premières bénédictions sont considérées comme une seule et même vaste bénédiction (question rapportée au nom du ‘Hazon Ich) ? Le Yalqout Yossef I p. 157 écrit que l’on doit continuer sa prière, et que l’on s’efforcera de se concentrer durant Modim, car de l’avis de certains, la kavana doit essentiellement s’exercer soit durant la Birkat avot, soit durant Modim.

10 – Ordre des bénédictions au sein de la ‘Amida

La ‘Amida se compose de trois parties : des louanges (cheva’him), des requêtes (baqachot) et des bénédictions de reconnaissance (hodaa). Dans les trois premières bénédictions, nous sommes comparables au serviteur qui compose une louange à l’adresse de son maître ; dans les bénédictions médianes, nous ressemblons au serviteur qui adresse ses requêtes à son maître ; dans les trois dernières bénédictions, nous sommes comparables au serviteur qui a reçu une récompense de son maître, en prend congé et s’en va (Berakhot 34a).

Cela, nous l’apprenons de la prière de Moïse, qui commençait par des louanges et se poursuivait par des supplications et des requêtes (Berakhot 32a ; cf. ci-dessus, lois des Pessouqé dezimra, chap. 14 § 1). Si nous ne faisions précéder la prière par des louanges, il serait à craindre que notre prière ressemblât au culte des idolâtres, dont toute la démarche consiste à manœuvrer les forces supérieures de façon magique, dans leur intérêt. Nous souhaitons, quant à nous, servir l’Eternel et nous attacher à Lui par notre prière ; et la raison pour laquelle nous Lui demandons d’influer sur nous pour le bien et la bénédiction n’est autre que de pouvoir révéler Son nom dans le monde. Aussi, nous faut-il d’abord savoir devant qui nous nous tenons en prière : devant Dieu, qui est grand, puissant et redoutable, qui nourrit les vivants et ressuscite les morts, le Dieu saint ; de cette façon, nous pouvons présenter nos requêtes d’un cœur pur, en faveur de l’assemblée d’Israël et en notre faveur.

En effet, dans la partie médiane de la ‘Amida, celle des demandes, qui comprend treize bénédictions, s’expriment l’ensemble des aspirations du peuple d’Israël, qui ne visent pas particulièrement le progrès des affaires personnelles du fidèle, mais visent essentiellement le dévoilement de la gloire de Dieu dans le monde. De cette façon, on comprend que les requêtes personnelles elles-mêmes, pour la santé, pour la subsistance, ont pour but de nous permettre, nous aussi, de nous associer à la réparation du monde. Voici les treize sujets à propos desquels nous présentons nos requêtes : la sagesse, la repentance, le pardon, la délivrance, la guérison, la subsistance, le rassemblement des exilés, le rétablissement de la justice, l’anéantissement des ennemis et, en regard, la bénédiction des justes, la construction de Jérusalem, la restauration de la royauté de David ; et finalement, l’exaucement de notre prière.

Après les requêtes, nous terminons la ‘Amida par trois bénédictions générales, au centre desquelles se trouve la bénédiction de la reconnaissance (Birkat hahodaa ou Modim) pour notre vie et pour tous les bienfaits que l’Eternel nous dispense en tout temps. Deux bénédictions l’accompagnent : avant Modim, nous prions pour le retour du service au Temple ; enfin, nous prions pour la paix, car la paix est le réceptacle de toutes les bénédictions.

C’est le lieu de signaler que la ‘Amida, communément appelée Chemoné esré (« les dix-huit »), contient en réalité dix-neuf bénédictions. À l’origine, lorsque les membres de la Grande Assemblée ont institué la ‘Amida, celle-ci contenait dix-huit bénédictions. Mais en raison de la multiplication des calomniateurs et des dénonciateurs, suite à l’ascension du christianisme, qui prêchait la haine d’Israël, les sages ont institué une bénédiction supplémentaire, pour que la nation soit sauvée des mains des hérétiques et des calomniateurs[7].


[7]. On a continué d’appeler la ‘Amida Chemoné esré (« les dix-huit »), car cette appellation s’était imposée dès le début. Notre maître Rav Tsvi Yehouda Kook, de mémoire bénie, expliquait encore que la partie essentielle de la prière consiste bien en dix-huit bénédictions, car chacune d’entre elles possède une valeur intrinsèque de louange et de bénédiction. Seule la bénédiction concernant les hérétiques vise le déracinement de la méchanceté ; puisque l’institution de cette bénédiction n’est que temporaire – en effet, elle ne sera plus nécessaire après que la méchanceté sera détruite – l’appellation Chemoné esré se maintient (cité dans Netiv Bina I p. 261).

11 – Requêtes personnelles dans le cadre de la ‘Amida

Dans leur sagesse et par la sainteté de leur esprit, les membres de la Grande Assemblée ont inclus dans le texte de la ‘Amida toutes les aspirations idéales du peuple d’Israël. Ils ont de plus pesé chaque mot avec la plus grande précision, jusqu’à l’établissement d’une version parfaite, par laquelle l’âme juive peut s’épancher devant son Créateur de la façon la plus élevée.

Malgré cela, si le fidèle désire ajouter des requêtes personnelles dans la section centrale de la ‘Amida, il y est autorisé. En revanche, il est interdit de mêler des requêtes particulières aux trois premières bénédictions, lesquelles sont destinées à louer Dieu, ou aux trois dernières, destinées à exprimer notre reconnaissance envers Dieu ; cela, afin de ne pas brouiller le caractère général de ces bénédictions (Choul’han ‘Aroukh 112, 1 ; 119, 1).

Les requêtes personnelles qu’il est permis d’ajouter au sein de la partie centrale doivent aborder des sujets semblables aux bénédictions dans lesquelles elles s’insèrent. Par exemple, si l’on a un malade chez soi, on peut demander sa guérison au sein de la bénédiction Refaénou, où l’on prie pour la guérison des malades. Si l’on doit prier pour sa subsistance, on inclura sa demande dans la bénédiction des années (Birkat hachanim)[b]. Si l’on souhaite qu’un proche parent vienne s’installer en terre d’Israël, on insèrera une prière à son propos dans la bénédiction Méqabets nid’hé amo Israël (« qui rassembles les exilés de Son peuple Israël »). La bénédiction Choméa’ téphila (« qui écoutes la prière ») a ceci de particulier que l’on peut y insérer toutes sortes de demandes. En effet, puisqu’elle conclut les bénédictions de requête, elle résume l’ensemble d’entre elles. Lorsque l’on ajoute une requête particulière, on commence par la récitation du texte général fixé par le rituel, puis on inclut la demande particulière avant la formule concluant la bénédiction.

Il est non seulement permis d’inclure des demandes personnelles au sein de la prière, mais, selon de nombreux avis, il est même souhaitable que l’homme en prière joigne ses propres requêtes, car les prières personnelles, que l’homme prononce dans sa langue, viennent du plus profond du cœur et éveillent la kavana. Il est simplement souhaitable de ne pas s’étendre longuement en requêtes particulières au sein de la ‘Amida, même durant la bénédiction Choméa’ téphila, car le texte vise essentiellement les besoins de la collectivité ; or si l’on multipliait les demandes particulières au sein de la ‘Amida, ce caractère essentiellement collectif se perdrait. Celui que son cœur porte à multiplier les demandes particulières fera mieux de les présenter après avoir terminé la récitation des bénédictions et dit la première mention du verset Yihiou lératson imré fi… (« Que les paroles de ma bouche et les pensées de mon cœur soient agréées devant Toi, Eternel, mon rocher et mon libérateur »). En effet, tout ce qui se dit après cela ne relève déjà plus de la partie essentielle de la ‘Amida, mais constitue un ajout annexé à celle-ci ; et tant que l’on n’a pas reculé de trois pas, on est encore considéré comme se trouvant en prière devant Dieu, béni soit-Il (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 119, 2, Michna Beroura 119, 12).

On doit expliciter ses requêtes de façon claire. Aussi, si l’on prie pour un malade, il convient de mentionner son nom. A priori, il est bon de mentionner le nom du malade ainsi que celui de sa mère ou de son père[c]. Toutefois, si le malade est près de soi, il n’est pas nécessaire de mentionner son nom, car il est clair que c’est à son sujet que l’on prie (Michna Beroura 119, 2).


[b]. Dans cette bénédiction, nous prions pour que Dieu bénisse l’année en cours par ses récoltes, la pluie ou la rosée en leur temps et l’abondance matérielle.

[c]. Par exemple : Reuven ben Léa, ou Sarah bat Ra’hel.

12 – Conclusion de la ‘Amida

Par le verset Yihyou lératson imré fi vé-hegyon libi léfanékha, Ado-naï tsouri vé-goali (« Que les paroles de ma bouche et les pensées de mon cœur soient agréées devant Toi, Eternel, mon rocher et mon libérateur »), nous concluons la partie essentielle de la ‘Amida.  Si l’on entend le Qaddich ou la Qédoucha alors que l’on se trouve entre la conclusion de la bénédiction (Baroukh ata Ado-naï, hamevarekh et amo Israel ba-Chalom, amen : « Bénis sois-Tu Eternel, qui bénis Ton peuple Israël par la paix, amen ») et le verset susmentionné, on ne répond pas, car ce verset fait partie intégrante de la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 122, 1 et Rama).

En revanche, du début du fragment suivant, Elo-haï, netsor… (« Mon Dieu, préserve ma langue du mal ») jusqu’à la seconde mention du verset Yihyou lératson…, laquelle apparaît à la fin de la ‘Amida, on est autorisé à répondre au Qaddich, à la Qédoucha, à Barekhou et à Modim, suivant une règle analogue à celle qui s’applique au milieu des bénédictions du Chéma. En effet, après la première mention du verset, on a déjà achevé l’essentiel de la ‘Amida. Pour autant, on n’a pas entièrement terminé celle-ci, si bien que l’on ne peut répondre amen aux bénédictions ou à ce qui s’y apparente (Choul’han ‘Aroukh ad loc. ; voir ci-dessus, lois des bénédictions du Chéma, chap. 16 § 5).

Comme nous l’avons vu, cette partie finale est le lieu où l’on peut s’étendre en supplications et en requêtes, autant que l’on veut. C’est ce que l’on rapporte au sujet de Rabbi Aqiba : lorsqu’il priait seul, il s’étendait très longuement en supplications à la fin de la prière (cf. Berakhot 31a)[8].

Après que l’on a terminé de dire Elo-haï netsor (et les supplications personnelles qui s’y adjoignent éventuellement), on dit de nouveau le verset Yihyou lératson et l’on recule de trois pas. Si l’on ne peut pas reculer (parce que le fidèle se trouvant derrière soi est encore en train de dire la ‘Amida), on répond à voix haute à toutes les paroles de sainteteté, y compris Baroukh Hou ouvaroukh Chémo[d], puisque l’on a déjà terminé les requêtes qui suivent la partie essentielle de la Amida, et cela, bien que l’on n’ait pas encore entièrement terminé la ‘Amida elle-même (ce qui ne sera précisément le cas que lorsqu’on aura reculé de trois pas). De même, on est autorisé à passer à la suite de la prière, en disant Achré, ou Alénou ; on peut aussi dire des psaumes ou étudier (cf. ci-après, fin du § 20).


[8]. Selon le Gaon de Vilna, on ne dit pas Yihyou lératson avant Elo-haï netsor, cela afin que cette prière conclusive, et toutes les supplications qui y sont incluses, soient entièrement comprises à l’intérieur de la ‘Amida. D’après lui, on ne répond pas non plus au Qaddich et à la Qédoucha pendant Elo-haï netsor. Toutefois, selon le Rama, on répond au Qaddich et à la Qédoucha, même quand on n’a pas l’usage de dire Yihyou lératson avant Elo-haï netsor ; et quand on dit Yihyou lératson avant Elo-haï netsor, on ne répond pas au Qaddich et à la Qédoucha avant le verset, mais on y répond après. Le Michna Beroura écrit qu’il est bon de dire Yihyou lératson avant et après Elo-haï netsor, et tel est l’usage établi. Aussi ne faut-il pas répondre au Qaddich ni à la Qédoucha avant le premier Yihyou lératson, à la différence de ce qu’écrit Iché Israël 32, 19.

[d]. Baroukh Hou ouvaroukh Chémo (“Béni soit-Il et béni soit Son nom”) : formule que l’on dit lorsqu’on entend une autre personne réciter une bénédiction, après la mention du nom divin Ado-naï. Quand on est soi-même en train de dire la ‘Amida, on est dispensé de répondre Baroukh Hou ouvaroukh Chémo et amen ; mais après la deuxième mention du verset Yihyou lératson, on répond.

13 – Reculer de trois pas

A la fin de la ‘Amida, on se prosterne « jusqu’à ce que toutes les vertèbres de la colonne soient saillantes » (cf. ci-dessus § 6) et, tout en étant penché, on fait trois pas en arrière. Puis, toujours penché, on se tourne du côté gauche en disant ‘Ossé chalom bimromav (« Que Celui qui fait la paix dans son firmament… »), puis du côté droit en disant Hou ya’assé chalom ‘alénou («… amène la paix sur nous… ») ; après cela, on se prosterne en avant en disant vé’al kol [‘amo] Israël vé-imrou amen («… et sur tout [Son peuple] Israël, et dites amen ») ; on se redresse alors. Nombreux sont ceux qui ont l’usage de dire ensuite la phrase Yehi ratson…, brève prière pour la reconstruction du Temple. En effet, la ‘Amida a été instituée en regard de l’offrande perpétuelle ; aussi demandons-nous que le Temple soit reconstruit, afin que nous puissions y apporter l’offrande perpétuelle (Choul’han ‘Aroukh, Rama 123, 1).

Les sages disent que celui qui récite la ‘Amida mais ne conclut pas correctement celle-ci en reculant de trois pas et en disant ‘Ossé chalom…  eût mieux fait de ne point la réciter (Yoma 53b). En effet, ne pas conclure la ‘Amida comme il convient témoigne d’une incompréhension de ce que l’on se tenait devant le Roi des rois, le Saint béni soit-Il. Cela revient à déconsidérer la prière.

Lorsqu’on marque ses trois pas, on recule d’abord du pied gauche, qui est considéré comme le pied faible. De cette façon, on montre qu’il nous est difficile de quitter notre prière. Le premier pas doit être de la mesure du pied, de telle façon que le gros orteil jouxte le talon du pied opposé. L’ordre des pas est donc le suivant : on recule d’abord le pied gauche d’un petit pas, de façon que le pied gauche talonne le droit ; puis le pied droit fait un pas plus grand, afin que le pied droit vienne talonner le gauche ; enfin, le pied gauche fait un petit pas, de façon à se joindre au pied droit. On se tiendra ainsi pieds joints en disant ‘Ossé chalom…

On aura soin de ne pas faire des pas plus petits que la mesure indiquée (le gros orteil arrivant au niveau du talon opposé), car certains décisionnaires pensent qu’une mesure inférieure à celle-là ne s’appelle pas un « pas » (Maguen Avraham). Si l’on n’a pas la place de reculer de trois pas, on fera des pas sur le côté, de manière qu’à chaque pas, le gros orteil jouxte le talon du pied opposé (‘Aroukh Hachoul’han 123, 5). En cas de nécessité pressante, lorsqu’on n’a pas de place pour reculer de trois pas, ni en arrière, ni de côté, on s’appuiera sur l’opinion selon laquelle on peut se contenter de pas plus petits. Cependant, on ne fera pas moins des trois pas prescrits pour mettre fin à sa station devant le Roi (Ba’h, cf. Michna Beroura 123, 14). De même, on ne fera pas plus de trois pas, pour ne pas sembler prétentieux (Choul’han ‘Aroukh 123, 4) [9].


[9]. Le Beit Yossef cite différentes opinions quant à la question de savoir quel pied doit reculer le premier. Le même auteur tranche, dans le Choul’han ‘Aroukh 123, 3, dans le sens du Midrach : le pied gauche recule le premier. Cependant, il subsiste un doute concernant un gaucher, comme l’indique le Béour Halakha. Selon le Kaf Ha’haïm, même le gaucher reculera d’abord du pied gauche. L’ordre des pas a déjà été indiqué ci-dessus. Toutefois, Rabbénou Manoa’h cite une opinion selon laquelle on doit faire six pas, dans la mesure où cette opinion considère chaque couple de pas comme un pas unique. Certains décisionnaires modernes ont tranché conformément à cette opinion, comme le rapporte le Béour Halakha .(ושיעור)Cependant, l’opinion essentielle est conforme aux propos du Choul’han ‘Aroukh, comme le rapportent le Michna Beroura 13 et le Kaf Ha’haïm

14 – Combien de temps on reste éloigné de sa place

Après avoir reculé de trois pas, on reste debout, sans regagner immédiatement la place où l’on se tenait durant la ‘Amida. Et si l’on y retournait immédiatement, on serait comparable à « un chien retournant à sa vomissure » (Yoma 53a). Car regagner immédiatement la même place après avoir pris congé du Roi reviendrait à retourner devant Lui sans aucun acte[e]. Ce faisant, on montrerait son incompréhension de ce que, durant la ‘Amida, on se tenait devant le Roi, et de ce qu’en reculant de trois pas on a « pris congé » de Lui. Par conséquent, un tel retour précipité aurait un caractère inconvenant[f]. Certains font une erreur supplémentaire : après avoir regagné leur place, ils se hissent légèrement sur leurs pieds, comme on le fait pour la Qédoucha : il n’y a à cela aucune raison.

A priori, on se tient à l’endroit que l’on a atteint en reculant de trois pas, jusqu’à ce que l’officiant arrive à la Qédoucha, ou à tout le moins jusqu’à ce que l’officiant commence la répétition de la ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 123, 2). Selon la majorité des décisionnaires, il n’est pas nécessaire de rester pieds joints après avoir terminé de dire Ossé chalom… (« Celui qui fait régner la paix dans ses cieux, que par Sa miséricorde Il instaure la paix sur nous et sur tout Son peuple Israël, et dites amen ») (Michna Beroura 123, 6, Béour Halakha et Chaar Hatsioun ad loc.). D’autres disent qu’il est bon de rester pieds joints jusqu’à ce que l’on revienne à sa place (Qtsot Ha’hochen 18, 13. Le Kaf Ha’haïm 123, 11 mentionne les deux opinions).

Même si l’on prie seul, il convient de ne pas revenir immédiatement à sa place, mais d’attendre, à l’endroit que l’on a atteint après avoir reculé de trois pas, un temps équivalent à celui que mettrait un officiant pour arriver à la Qédoucha, c’est-à-dire environ une demi-minute. En cas de nécessité impérieuse, si l’on est contraint de revenir à sa place, on attendra un temps équivalent à celui que l’on met pour parcourir quatre coudées (environ deux mètres), et l’on pourra revenir à sa place (Michna Beroura 123, 11). Quant à l’officiant qui doit commencer la répétition de la ‘Amida, il pourra, même a priori, se contenter d’attendre, pour revenir à sa place, un temps équivalent à celui que l’on met pour parcourir quatre coudées. En effet, pour le coup, il s’avance à nouveau dans le dessein de présenter sa prière, puisqu’il s’apprête à dire la répétition de la ‘Amida (Rama 123, 2). De même, celui qui doit dire la ‘Amida deux fois de suite, au titre de Tachloumin[g], se contentera d’attendre le temps nécessaire pour parcourir quatre amot, puis reviendra à sa place pour la seconde ‘Amida (Michna Beroura 123, 11).

A la fin de sa répétition, l’officiant n’a pas besoin de revenir trois pas en arrière, car la conclusion véritable de sa prière est constituée par le Qaddich Titqabal[h], dans lequel il demande que soient agréées nos prières et nos demandes. A la fin de ce Qaddich, l’officiant recule de trois pas et dit Ossé chalom… (Choul’han ‘Aroukh 123, 5). Bien qu’à l’office du matin on récite prélablement Ta’hanoun[i], Achré et Ouva lé-Tsion[j], ainsi que la lecture de la Torah les lundis et jeudis, ce n’est néanoins que lors du Qaddich Titqabal, qui se dit après Ouva lé-Tsion, que l’officiant est considéré comme « prenant congé » de la répétition de la ‘Amida. Aussi l’officiant doit-il avoir soin de ne pas parler entre la fin de la répétition de la ‘Amida et la fin du Qaddich Titqabal (Michna Beroura 123, 18).


[e]. Sans se livrer de nouveau à la prière par excellence qu’est la ‘Amida.

[f]. Le retour précipité à la place même où l’on se tenait durant la ‘Amida révèle que l’on n’avait pas conscience du caractère de sa station ; c’est comme si l’on avait rendu celle-ci profane. Rétroactivement, cela confère donc une connotation profane à la ‘Amida que l’on vient de faire, d’où la rude observation dépréciative rapportée par le Talmud.

[g]. Lorsque, par contrainte ou oubli, on a manqué de réciter l’une des trois prières quotidiennes, on dit à l’office suivant une ‘Amida supplémentaire en guise de Tachloumin (« remboursement » ou « remplacement »). Cf. chap. 18 8 s.

[h]. Sur les différentes sortes de Qaddich, voir chap. 23 § 7.

[i]. chap. 21.

[j]. chap. 23 § 1-2.

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