Pniné Halakha

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Chapitre 03 – Roch hachana

01. Le jour du souvenir et du jugement

C’est un jour mystérieux et ineffable que Roch hachana, jour où l’Éternel crée l’année nouvelle, et dispense une vie nouvelle à toutes ses créatures. Sa racine est dans les mondes supérieurs, au-delà du temps et de l’espace ; aussi son sens est-il caché, et ne se dévoile-t-il que peu à peu. C’est pourquoi l’un des noms de ce jour est kessé (« voilement ») – mot bâti sur la racine כ.ס.ה., qui signifie couvrir – ; en effet, cette fête est la seule qui ait lieu au début d’un mois, à la néoménie, jour où la lune, voilée, commence seulement de se révéler (Roch Hachana 8a). La conséquence pratique de ce voilement est que, chaque année, un doute planait quant à la date exacte de cette fête ; et c’est pour lever ce doute qu’il fut décidé de fêter Roch hachana pendant deux jours (cf. ci-après, § 7-8).

Comme pour les autres fêtes, c’est une mitsva que de cesser tout travail pendant Roch hachana, et de sanctifier cette date par des vêtements propres, des mets et des boissons. Ce qui spécifie cette fête, c’est que l’on doit en faire un jour de souvenir (zikaron) et de fanfare (terou’a), ainsi qu’il est dit :

L’Éternel parla à Moïse en ces termes : « Parle ainsi aux enfants d’Israël : “Au septième mois, le premier jour du mois, aura lieu pour vous un repos solennel, commémoration en fanfare (zikhron terou’a), convocation sainte. Vous n’accomplirez aucune œuvre de service (mélekhet ‘avoda), et vous offrirez un sacrifice à l’Éternel” » (Lv 23, 23-25).

Il est dit également :

Au septième mois, le premier du mois, il y aura pour vous une convocation sainte ; vous n’accomplirez aucune œuvre de service ; ce sera pour vous un jour de fanfare (terou’a) (Nb 29, 1).

Dans la prière et dans le Qidouch, Roch hachana est appelé jour du souvenir (yom hazikaron), parce que, en ce jour, l’Éternel rappelle ses créatures à son souvenir et leur crée une vie nouvelle pour l’année commençante. En effet, le « souvenir », pour Dieu, signifie recensement et octroi de vie. Et pour que la bienfaisance divine ne soit pas détournée au profit du mal, par les impies qui en feraient quelque mauvais usage, Dieu a établi que l’influence de la bénédiction dépendrait des actes de chacun. Si l’homme choisit le bien, il jouira d’une abondance de bienfait et de bénédiction ; et si, à Dieu ne plaise, il choisit le mal, l’influx de bien s’amoindrira, et, dès lors, la peine et la souffrance abonderont. Par conséquent, Roch hachana est le jour du souvenir et du jugement, où toutes les actions, bonnes et mauvaises, accomplies au cours de l’année, sont rappelées devant le Saint béni soit-Il, et où Celui-ci siège sur le trône du jugement, dressant les comptes de son monde, jugeant chaque peuple dans son ensemble, et chaque individu particulièrement.

L’essentiel du jugement qui porte sur le monde, dans son ensemble, dépend du peuple d’Israël et de la terre d’Israël ; car Israël est le cœur du monde, le peuple de l’Éternel, et le parachèvement du monde dépend de lui. Aussi la récompense et la peine applicables à Israël sont-elles plus grandes que celles qui s’appliquent aux autres peuples. C’est donc Israël que l’Éternel juge en premier lieu ; puis, à partir du jugement portant sur le peuple juif, ce jugement s’étend à l’ensemble de l’humanité et à l’univers (Roch Hachana 8a-b, Ta’anit 10a). Par l’effet de la sonnerie du chofar, notre souvenir s’élève favorablement vers Dieu.

Le jour où l’Éternel se souvient de ses créatures, nous devons, nous aussi, nous éveiller au souvenir le plus important, le plus essentiel pour nous, le souvenir de la foi (émouna) en Dieu, créateur du monde, et recevoir par cela le joug de sa royauté. Et s’il est vrai que, tout au long de l’année, c’est également une mitsva que de se rappeler les fondements de la foi, nous devons plus encore, au jour que Dieu fixa pour se souvenir de ses créatures et les juger en toutes leurs actions, pour le bien ou pour le meilleur[a], méditer en retour à la royauté divine, faire un profond examen de conscience quant à notre situation, et prendre la décision d’améliorer nos actes. C’est bien cela qui nous a été prescrit par la Torah, quand celle-ci nous dit de faire de ce jour un jour de zikhron terou’a (littéralement, « souvenir de sonnerie ») : à partir du souvenir de la foi, et de l’accueil de la royauté divine, nous sommes saisis par la crainte du jugement et la grandeur de la responsabilité incombant au peuple d’Israël ; et c’est précisément par ce biais que notre souvenir est rappelé favorablement devant Dieu, que nous contribuons à adoucir le jugement et ajoutons à la bénédiction du monde.


[a]. Le français connaît l’expression « pour le meilleur ou pour le pire ». En hébreu, on dit « pour le bien (même si cela passe par l’emploi de la mesure de stricte justice, din) ou pour le meilleur (si seule s’exerce la mesure de miséricorde, ra’hamim) ».

02. Le jour de fanfare

Puisque ce jour est le jour du jugement, il est appelé yom terou’a (« jour de sonnerie », litt. « jour de clameur » ou « jour de fanfare[b] ») (Nb 29, 1). À la différence de la teqi’a (son unitaire et tenu), qui exprime la joie et la stabilité, la terou’a fait allusion à la brisure, au tremblement, au pleur et au bouleversement. Onqelos traduit le verset « Ce sera pour vous un jour de fanfare » par : « Ce sera pour vous un jour de sanglot[1] ».

Nous trouvons, de même, que l’Éternel prescrivit aux Israélites, dans le désert, d’exécuter sur les trompettes un type de sonnerie appelé teqi’a, lorsqu’ils devraient se rassembler ; car la teqi’a exprime la joie et le rassemblement. Et quand ils devaient partir en guerre, ou quitter le lieu où ils campaient, pour rejoindre un autre lieu, il leur était enjoint de sonner, sur les trompettes, un autre type de fanfare appelé terou’a (Nb 10, 1-7) ; car la terou’a exprime la brisure et le pleur, pour ce qui se termine et n’a pas été achevé, ainsi que le tremblement à l’approche de l’étape suivante. Et s’il en est ainsi quand on passe d’un endroit à un autre, à combien plus forte raison le tremblement est-il grand à Roch Hachana, au moment où la vie que l’Éternel a dispensée pour l’année précédente s’achève, où la vie de l’année nouvelle n’a pas encore été fixée, et où il n’a pas encore été décidé qui vivrait et qui mourrait, qui jouirait de la tranquillité et qui connaîtrait des épreuves. Tout dépend alors du jugement : c’est d’après les œuvres de l’homme que Dieu octroiera la vie à chaque être vivant, en l’an suivant.

C’est en effet une grande et terrible frayeur qui emplit le cœur de quiconque se souvient de la formidable responsabilité que l’Éternel notre Dieu fait peser sur nous, pour faire exister le monde et le parachever. Avec crainte et frayeur, chacun s’éveille donc et examine son propre monde : a-t-on rempli sa destinée, ou bien, peut-être, a-t-on déçu ? Aussi, bien que la durée de la sonnerie soit courte, c’est toute la journée qui est appelée yom terou’a, jour de fanfare, c’est-à-dire jour de brisure et de pleurs, de crainte et de tremblement.

S’il nous est prescrit, à Roch hachana, de sonner du chofar et non de la trompette, c’est parce que le son du chofar exprime davantage l’idée de cri : sa sonorité est celle du cœur, un son naturel, qui précède les mots et les formules, plus essentiel qu’un gémissement ou qu’un pleur ordinaire ; et cette sonorité a la faculté d’exprimer une puissante douleur, pour tout le mensonge et la violence, la négligence et la méchanceté, pour la distance terrible qui sépare l’homme de son Créateur, et pour la grande distance séparant nos bonnes aspirations de notre vie réelle (Chné Lou’hot Habrit, Roch hachana, Torah Or 55).

Telle est la bonne mitsva que l’Éternel a donnée à son peuple Israël, sonner du chofar à Roch hachana, afin d’exprimer par-là, avec modestie et humilité, la reconnaissance de sa royauté. Et c’est précisément par l’effet du tourment et des pleurs auxquels fait allusion la sonnerie du chofar, que sont annulées les accusations qui pèsent contre nous, et que nous sommes jugés favorablement. C’est à ce propos que nos maîtres disent (Roch Hachana 16b) :

Toute année commençant pauvrement (racha bit’hilatah) s’enrichit à la fin, comme il est dit : « Du commencement (réchit) de l’année à la fin d’année » (Dt 11, 12).

Réchit (début) est un terme dénotant la pauvreté et la misère (rach). Certes, il nous est prescrit d’entourer la sonnerie tremblante (terou’a) par des sonneries prolongées (teqi’a), qui font allusion à la stabilité et à la joie : avant et après toute terou’a, on fait en effet entendre une teqi’a. C’est que, dans leur racine, le jugement et les épreuves visent eux-mêmes le bien et la réparation.

On enseigne, au nom de Rabbi Isaac Louria (le saint Ari), qu’il convient de pleurer à Roch hachana, et que celui en qui ne s’éveille pas le besoin de pleurer, c’est signe que son âme n’est pas convenable et accomplie (Cha’ar Hakavanot 90, 1). Ces pleurs sont l’expression du yom terou’a, terme signifiant en définitive jour de sanglot et de pleurs. Certes, Roch hachana est aussi un jour de fête et de convocation sainte (miqra qodech), où se réjouir est une mitsva. C’est que les pleurs de Roch hachana ne sont pas des pleurs de désespoir ni de dépression, mais des pleurs d’aspiration à un niveau plus élevé, des pleurs de douleur pour tout ce que nous n’avons pas encore eu le mérite de réparer, et des pleurs d’émotion pour le mérite formidable qui nous est donné, de nous tenir devant Dieu, pour la haute destinée qu’Il nous confie, et pour l’âme sainte qu’Il insuffla en nous. Et le jour du jugement, ces pleurs occasionnent délice et joie intérieure, car ils expriment la vérité, et amènent la réparation et la bénédiction. Tels sont les deux faces de Roch hachana, jour de convocation sainte et jour de tremblement, ce qui se reflète dans les sonneries de teqi’a (notes prolongées) et de terou’a (notes tremblantes).


[b]. Les sonneries de Roch hachana sont de trois sortes, comme on le verra au chapitre suivant : teqi’a (son tenu et prolongé), chevarim (ensemble de trois sons détachés) et terou’a au sens strict (trémolo de notes rapides).

[1]. De même, il est dit : « Brise-les [tero’em, forme conjuguée de même racine que terou’a] par un sceptre de fer, comme l’œuvre du potier broie-les » (Ps 2, 9). Il est dit, dans le même sens : « Elle s’est brisée en nombreux morceaux [ro’a hitro’a’a, même racine], la terre ; elle s’est morcelée en miettes, la terre ; elle a vacillé à l’extrême, la terre » (Is 24, 19). On trouve encore : « Ils briseront [vé-ra’ou] la terre d’Assur par l’épée » (Michée 5, 5, tel que l’entend Rachi).

03. Le commencement de l’année

Les sages sont partagés quant au fait de savoir quel jour le monde fut créé, ou, pour plus de précision, à quelle date eut lieu le sixième jour de la création, au cours duquel fut créé l’homme. Selon Rabbi Yehochoua, c’est le 1er nissan ; nous trouvons ainsi, dans la Torah, que le mois de nissan est le premier des mois de l’année. Selon Rabbi Eliézer, c’est le 1er tichri. Cette discussion reflète le caractère de Roch hachana, jour mystérieux et ineffable, de sorte que sa date est l’objet de controverse. Les Richonim expliquent que l’une et l’autre de ces opinions sont véritables : dans l’ordre de la pensée, le monde fut créé le 1er tichri ; mais dans l’ordre de l’action, il le fut le 1er nissan. La controverse porte donc sur la question de savoir quel jour est considéré, pour nous, comme jour de la création du monde : l’essentiel est-il dans la pensée ou dans l’action (Rabbénou Tam). Nos sages enseignent que notre coutume est conforme, à cet égard, à l’avis de Rabbi Eliézer ; aussi disons-nous, dans la prière de Roch hachana : « Ceci est le jour du commencement de tes œuvres, souvenir du premier jour » (Roch Hachana 27a ; Tossephot ad loc.). Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde à dire que, le 1er tichri, le Saint béni soit-Il juge son monde et crée l’année nouvelle. C’est pourquoi ce jour est appelé Roch hachana (« tête de l’année ») : tout ce qui advient dans le courant de l’année nouvelle en est le prolongement[2].

Les conséquences halakhiques de la fixation du jour de Roch hachana concernent le compte des années en matière d’actes juridiques, les lois de la chemita (jachère) et du yovel (jubilée), les prélèvements et dîmes (téroumot ou-ma’asserot). Détaillons quelque peu la question :

Dans tout acte juridique, doit figurer la date, car il faut savoir quand commence l’obligation stipulée dans ledit acte ; et si on l’a antidaté, l’acte est nul. Chaque 1er tichri, on passe, juridiquement, à l’année nouvelle (Roch Hachana 8a). À l’époque des Amoraïm (maîtres de la Guémara) et des Guéonim (6ème-11ème siècles), on avait coutume de compter les années selon les règnes des rois de Grèce. À la fin de la période des Guéonim, on commença à compter les années depuis la création. C’est ce que nous écrivons aujourd’hui, dans tous les actes halakhiques, et notamment dans les actes de mariage (ketouba) et de divorce (guet).

De même, s’agissant de l’année de la chemita et de celle du yovel : le commencement de l’année est Roch hachana (Roch Hachana 8b). De même, les prélèvements et les dîmes que nous effectuons doivent porter sur les fruits de l’année même ; celui qui prélèverait des fruits d’une année pour une autre n’aurait pas rempli sa mitsva, ainsi qu’il est dit : « Tu prélèveras la dîme de tout le produit de ta semence, venant de ton champ, année par année (chana chana) » (Dt 14, 22). La date qui distingue une année d’une autre, en matière de récolte céréalière et légumière, c’est la « tête de l’année », Roch hachana (Roch Hachana 12a)[3].


[2]. De prime abord, cela semble difficile à comprendre : il eût convenu que le jour du souvenir qu’est Roch hachana eût lieu le premier jour du premier mois. Or le premier mois est nissan, d’où il suit que Roch hachana tombe au septième mois. Mais le Maharal (‘Hidouché Agadot, Roch Hachana 10b) explique que c’est bien ce qui convient, car le septième est toujours sanctifié : le jour du Chabbat ; l’année de la chemita (la jachère) ; la terre d’Israël, septième d’entre les terres… Nos sages disent, de même, en Lv Rabba 29, 11 : « Tous les septuples sont affectionnés. » On peut dire, comme prolongement aux paroles de Rabbénou Tam, que le monde fut concrètement créé en nissan, mais que c’est seulement après avoir atteint le septième mois qu’Israël peut atteindre à la racine, et percevoir la signification du jour du souvenir, lequel est déterminé selon le temps où le monde fut créé en pensée. Aussi est-ce ce jour-là que l’Éternel juge ses créatures.

Roch hachana a été fixé au jour de la création de l’homme, bien qu’il s’agisse du sixième jour de la création, parce que l’essentiel de la création réside dans l’homme (Chné Lou’hot Habrit, Toledot Adam, Beit Israël 1).

[3]. En matière de légumes, on va d’après le temps de leur cueillette ; pour les céréales, d’après le moment où elles ont poussé au tiers. Il nous est encore prescrit de prélever, les première, deuxième, quatrième et cinquième années du cycle de la chemita le ma’asser chéni (seconde dîme) ; les troisième et sixième années, au lieu du ma’asser chéni, on prélève le ma’asser ‘ani (dîme du pauvre). Le moment déterminant, quant au passage d’une année à l’autre, en matière de céréales et de légumes, c’est Roch hachana. Quant aux fruits des arbres, leur « nouvel an » est le 15 du mois de chvat (Tou bi-chvat). En d’autres termes, la troisième année d’un arbre commence à Tou bi-chvat de la troisième année, et la quatrième année commence à Tou bi-chvat de la quatrième année, et s’achève à Tou bi-chvat de la cinquième.

‘Orla (fruits d’un jeune arbre) : il nous est interdit de manger des fruits d’un arbre dans ses trois premières années. La quatrième année, il nous est prescrit de manger de ses fruits dans la sainteté, à Jérusalem. Ces années sont comptées depuis le 1er tichri : si l’on a planté un arbre le 15 av, lorsqu’arrivera Roch hachana, on considèrera qu’une année entière est déjà écoulée, puisque cet arbre a déjà eu le temps de prendre racine (pendant deux semaines) et d’exister pendant un mois de l’année précédente. Il faudra attendre deux années encore pour que trois ans soient atteints. Cependant, puisque le jour de l’an des arbres est le 15 chvat, il faudra encore attendre, de Roch hachana à Tou bi-chvat. Il faut signaler que, en matière de fruits de l’arbre, on va d’après la ‘hanata [apparition de la fleur par l’effet de la pollinisation, avant que n’apparaisse le fruit] (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 294, 4).

Le comput des actes écrits en fonction des rois de Grèce commença l’année où mourut Alexandre de Macédoine (en 3449 du calendrier hébraïque). Et tel fut l’usage parmi le peuple juif, jusqu’à la fin de la période des Guéonim. Certains originaires du Yémen gardent encore la coutume d’écrire ce compte dans leurs actes de mariage (ketouba). Pour toutes les règles citées dans le présent paragraphe, cf. le livre du Rav Zevin, Hamo’adim bahalakha (partie ראש השנה – תחילת השנה).

04. Caractère festif du vêtement et des repas

En plus d’être le jour de la terou’a (sonnerie et tremblement) et le jour du jugement, Roch hachana est aussi une « convocation sainte » (Miqra qodech), et c’est une mitsva que de sanctifier ce jour par la nourriture et la boisson, et de l’honorer par des vêtements convenables (Sifra, Émor 12, 4 ; Pniné Halakha, Mo’adim – Fêtes et solennités juives II 1, 7). De même faut-il consacrer la moitié de la journée à l’Éternel, comme les jours de Chabbat et de fête. Néanmoins, puisque la prière est longue à Roch hachana, le temps de prière s’accroît aux dépens du temps d’étude. L’essentiel est que le temps de prière et d’étude soit, à tout le moins, de neuf heures (comme nous l’expliquons en Mo’adim 1, 5-6).

Or toutes les fêtes du calendrier sont liées les unes aux autres, et ce qui est enseigné au sujet de l’une vaut aussi pour l’autre (par le procédé talmudique du héqech, « juxtaposition », cf. Chevou’ot 10a) ; par conséquent, de même que se réjouir lors des trois fêtes de pèlerinage est une mitsva, c’en est une que de se réjouir à Roch hachana, par le vin et la viande. Aussi ce jour est-il également appelé ‘hag (fête), comme il est dit : « Sonnez du chofar à la néoménie, au temps du voilement, jour de notre fête (‘haguénou) » (Ps 81, 4).

Toutefois, puisque ce jour est aussi celui du jugement et du tremblement, il ne nous est point prescrit de nous y réjouir d’une joie expansive, comme aux autres fêtes ; aussi ne disons-nous pas, dans la prière de Roch hachana, « des fêtes pour la joie, des solennités et des temps pour l’exultation », comme nous le disons les autres jours de fête (Choul’han ‘Aroukh 582, 8). On n’y dit pas non plus le Hallel. Le Talmud rapporte que les anges de service demandèrent au Saint béni soit-Il :

« Pourquoi les enfants d’Israël ne récitent-ils pas de chant (chira) à Roch hachana et à Kipour ? » Dieu répondit : « Peut-on concevoir que le Roi siège sur le trône de justice, les registres des vivants et des morts ouverts devant Lui, et qu’Israël se mette à entonner un chant ? » (Roch Hachana 32b, ‘Arakhin 10b, Choul’han ‘Aroukh 584, 1 ; cf. Pniné Halakha, Mo’adim – Fêtes et solennités juives II 2, 7).

Aussi, est-ce une mitsva que de servir deux repas copieux, l’un le soir, l’autre le jour, et de se réjouir, lors de ces repas, en consommant viande et vin. Mais les Richonim écrivent qu’il ne faut pas manger à entière satiété, à Roch hachana, afin de ne pas être porté à la frivolité, et afin de porter la crainte de Dieu sur son visage (Choul’han ‘Aroukh 597, 1). Les repas de Roch hachana doivent donc être plus importants et plus réjouissants que ceux de Chabbat, mais sans atteindre au point où atteignent les trois fêtes.

De même, c’est une mitsva que de revêtir, à Roch hachana, des habits honorables et beaux, et de les lessiver à l’approche de la fête. Mais on ne met pas ses plus beaux habits, comme on le fait aux autres fêtes, en raison de la crainte du jugement. Certains ont coutume de porter des vêtements blancs, à Roch hachana (Choul’han ‘Aroukh 581, 4 ; Michna Beroura 25). Ceux dont les cheveux sont si longs que ce n’en serait pas honorable, doivent se faire coiffer en l’honneur de Roch hachana. De même, ceux qui ont l’usage de se raser doivent le faire en l’honneur de la fête (Choul’han ‘Aroukh 581, 4).

Nous voyons également qu’Ezra le scribe, à côté de l’éveil à la téchouva, prescrivait au peuple de se réjouir, à Roch hachana, parce que ce jour est saint pour l’Éternel. À l’époque où le deuxième Temple fut construit et où fut refondé le peuplement juif en terre d’Israël, après l’exil de Babylone, nombreux étaient ceux, parmi les gens du peuple, qui n’observaient plus correctement les mitsvot. À Roch hachana, Néhémie, le dirigeant politique, et Ezra le scribe, dirigeant spirituel, rassemblèrent tout le peuple, hommes et femmes, afin de les éveiller au repentir. Ezra lut devant eux la Torah, du matin au midi, et leur expliqua la loi et les commandements. Quand les auditeurs comprirent qu’ils avaient commis des transgressions, ils se résolurent à faire téchouva, et commencèrent à s’endeuiller et à pleurer. Néhémie et Ezra les réconfortèrent et dirent :

« Ce jour est saint pour l’Éternel votre Dieu, ne vous endeuillez pas et ne pleurez pas », car tout le peuple pleura en entendant les paroles de la Torah (Ne 8, 9).

Ils leur prescrivirent même de préparer des repas :

« Allez, mangez des plats succulents et buvez doux ; envoyez des mets à celui qui n’a rien d’apprêté [aux pauvres], car saint est ce jour pour notre Seigneur ; et ne vous affligez point, car la joie en l’Éternel est votre forteresse. » Et les Lévites calmaient tout le peuple en disant : « Faites silence [ne pleurez pas], car ce jour est saint, et ne vous affligez pas » (ibid. 10-11).

Ils leur prescrivirent de manger des mets succulents (littéralement : gras) et de boire de doux breuvages afin qu’ils accomplissent la mitsva de la fête par le biais de viande et de vin. De plus, cela constitue un bon signe pour toute l’année, afin qu’elle soit grasse et douce (Roch sur Roch Hachana 4, 14).

Tout le peuple s’en alla manger et boire, envoyer des mets et organiser de grandes réjouissances ; car ils avaient compris les paroles qu’on leur avait adressées » (ibid. 12).

Ils comprirent que l’Éternel ne voulait point les punir, mais qu’Il se réjouissait de leur repentir.

Certes, à l’époque des Guéonim et des Richonim, certains hommes pieux, certains érudits avaient coutume de jeûner à Roch hachana. Il est vraisemblable que, suite aux souffrances de l’exil, ils aient éprouvé la nécessité de s’identifier avec la souffrance de la Présence divine (la Chékhina) : comment eussent-ils pu, eux, manger et se réjouir au jour du jugement, alors que la Présence divine se trouvait en exil ? Ils désirèrent donc accomplir un repentir plus complet, en prenant sur eux des souffrances et des mortifications, afin d’annihiler le malheur. Cependant, en pratique, la halakha a été tranchée : même aux jours amers de l’exil, c’est une mitsva que d’apprêter des repas à Roch hachana ; à plus forte raison est-il interdit d’y jeûner[4].


[4]. Nous apprenons dans la Michna (‘Houlin 83a) que la veille de Roch hachana était l’une des quatre circonstances festives au cours desquelles les Juifs avaient coutume d’égorger de nombreuses bêtes. Aussi était-il nécessaire de faire savoir à l’acheteur d’une bête si l’on avait aussi vendu le petit de ladite bête, ou sa mère, afin de ne pas enfreindre le commandement : « Vous ne l’égorgerez pas, elle et son petit, un même jour » (Lv 22, 28). Nous apprenons aussi (Chevou’ot 10a) que les fêtes sont organiquement liées l’une à l’autre [ce que la Torah dit de l’une vaut aussi pour l’autre], de sorte que la mitsva de la joie s’applique aussi à Roch hachana. Nous voyons encore qu’Ezra prescrivit au peuple de manger, de boire et de se réjouir (Ne 8, 9-12).

C’est en ce sens que se prononcent le Yereïm 227 et les responsa du Maharil 128. Aussi Roch hachana annule-t-il les règles de deuil applicables aux sept jours et au mois (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 399, 6). C’est aussi ce qu’écrit le Chaagat Aryé 102, le Yafé Lalev 2, 1 et d’autres A’haronim.

En revanche, certains auteurs estiment que, puisque Roch hachana n’est pas une fête de pèlerinage (réguel), et que l’on n’y fait point de sacrifice rémunératoire marquant la joie (chalmé sim’ha), la mitsva de la joie ne s’y applique pas ; mais que, d’autre part, puisque c’est un jour de convocation sainte (miqra qodech), son statut est comparable à celui du Chabbat, que l’on a l’obligation d’honorer et dont on doit faire un objet de délice. Telle est la position du Ma’hzor de Vitry 322, du Yam Chel Chelomo, Beitsa 2, 4, du Choul’han ‘Aroukh Harav 529, 5-6. Ces auteurs appuient leurs dires sur le fait que l’on ne mentionne pas, dans la prière de Roch hachana, « des fêtes pour la joie, des solennités et des temps pour l’exultation » (מועדים לשמחה חגים וזמנים לששון). (Et bien que, de l’avis de certains Guéonim, on mentionne, dans la prière de Roch hachana, les « fêtes pour la joie… », tel n’est pas l’usage en pratique, comme l’écrivent Rav Haï Gaon, Maïmonide, le Roch, à la fin du traité Roch Hachana, et le Choul’han ‘Aroukh 582, 8).

Maïmonide écrit, dans les lois de Yom tov 6, 17, que, à chaque fête, il y a une mitsva de se réjouir ; et il vise également par-là Roch hachana. Toutefois, il écrit que la joie de Roch hachana n’est pas une joie débordante (‘Hanouka 3, 6). L’Agouda écrit de même que l’on mange, boit et se réjouit, mais que l’on ne mange pas à pleine satiété, afin d’avoir la crainte de Dieu sur son visage. C’est aussi ce qu’écrit le Choul’han ‘Aroukh 597, 1 ; et c’est en ce sens que s’expriment la majorité des A’haronim. Nous voyons donc que, de même qu’aux autres fêtes, c’est une obligation que de boire du vin et de manger de la viande, mais que l’on n’en prend pas en telle abondance qu’aux autres jours de Yom tov. Il semble que celui qui prie avec crainte, et qui voudrait ensuite accomplir la mitsva de la joie de la façon la plus parfaite, en consommant abondance de vin et de viande, comme aux autres jours de Yom tov, y soit autorisé. En effet, telle est l’opinion de nombreux Richonim et A’haronim, conformément à la directive d’Ezra, consistant à organiser de « grandes réjouissances ».

Certains Guéonim estimaient que c’est une mitsva que de jeûner dans la journée de Roch hachana (Otsar Haguéonim, Beitsa 4b). Et tel est l’usage que prirent une partie des Richonim, comme le rapporte le Or Zaroua’ 2, 257. Et bien qu’ils fussent vraisemblablement d’accord pour dire que se réjouir à Roch hachana est une mitsva, et qu’ils eussent cet usage le soir, ils pensaient que, en raison des souffrances d’Israël en exil, il convenait de jeûner chacun des dix jours de pénitence, y compris le Chabbat et Roch hachana, de même que les sages ont autorisé à jeûner le Chabbat ou un jour de fête en cas de mauvais rêve (ta’anit ‘halom). De nombreux Guéonim, parmi lesquels Rav Saadia Gaon et Rav Haï Gaon, ont interdit de jeûner. Et telle est la position du Choul’han ‘Aroukh 597, 1. Toutefois, certains auteurs disent que, si l’on a adopté l’usage, une fois, de jeûner à Roch hachana, même pour un ta’anit ‘halom, on doit poursuivre cet usage toute sa vie ; et que, si l’on mange, on se met en danger (Agour) ; le Choul’han ‘Aroukh 597, 2-3, cite cette opinion. Mais le Colbo et les Minhagué Harav Isaac Tyrnau sont d’avis qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de cela. Selon le Rama, celui qui n’éprouve pas à ce sujet de crainte particulière sera autorisé à manger les années suivantes, en se fondant sur une annulation des vœux (hatarat nédarim). Le Michna Beroura 9 se prononce en ce sens ; et tel est l’usage.

05. Signification de la confiance et de la joie

« Car qui est un grand peuple, ayant un Dieu proche de lui, comme l’Éternel notre Dieu l’est, chaque fois que nous l’invoquons ? » (Dt 4, 7). Sur ce verset, nos maîtres disent :

Quelle nation est comparable à celle-ci, qui connaît le caractère [les coutumes et les lois] de son Dieu ? Selon les usages du monde, un homme qui doit être jugé s’habille de noir, s’enveloppe de noir, laisse pousser sa barbe et ne coupe pas ses ongles, parce qu’il ne sait pas ce qu’il en sera de son verdict. Mais les Israélites ne sont pas ainsi : ils s’habillent de blanc, s’enveloppent de blanc, se rasent la barbe et se coupent les ongles, mangent, boivent et se réjouissent à Roch hachana, parce qu’ils savent que le Saint béni soit-Il accomplira un miracle à leur endroit (Tour 581, 4).

De prime abord, il y a lieu de s’interroger : comment pouvons-nous être certains que l’Éternel produira un miracle pour nous, et que nous serons jugés favorablement ? De nos propres yeux, nous voyons que, chaque année, tant et tant de personnes meurent ; d’autres, nombreux, subissent des dommages ou tombent malades. Il semble donc qu’ils ne bénéficient pas de miracles !

Cependant, quiconque accomplit les mitsvot de la fête comme il convient, accueille la royauté divine, et grâce à cela prend sur soi de s’élever dans le service divin, a l’assurance d’être jugé favorablement par le Saint béni soit-Il, parce que telle est la volonté de Dieu, béni soit-Il, que de faire du bien à ses créatures. Si l’on s’en tient à une compréhension simple des choses, le propos est de dire que Dieu nous bénira par une bonne année, comme il arrive en général. Simplement, nous savons aussi que, parfois, en raison de la grandeur de la faute, ou du manque qui affecte le monde, le Saint béni soit-Il voit qu’il est bon pour tel homme de mourir ou de connaître des épreuves, car, par cela, il méritera de purifier ses actes et de les amender ; et il méritera une vie véritable dans le monde futur. Certes, nous souhaitons que le bien divin se révèle à nous, en ce monde-ci, sans épreuves ; mais nous savons que, même si nous n’avons pas encore mérité cela, le jugement vise notre bien, et qu’il convient que nous nous en réjouissions (Chné Lou’hot Habrit, Roch Hachana, Torah Or 17).

Puisque le Saint béni soit-Il a voulu être favorable à Israël, Il a fait du jour du souvenir et du tremblement un jour de repos, une convocation sainte. Le propos de ce jour saint est de se dessaisir des travaux profanes et de leurs soucis, et de révéler la sainteté – par la Torah, par la prière, et par la joie qu’entraîne la mitsva des repas festifs. S’il ne nous était pas enjoint de faire de Roch hachana une fête, il est vraisemblable que, par l’effet du tremblement et de la crainte du jugement, nous serions occupés, toute cette journée, à formuler des requêtes individuelles. Or cela ne nous serait pas utile, au moment du jugement, mais nous serait préjudiciable au contraire. En effet, la faute provient du fait que l’homme oublie son rôle saint, et se livre à ses seules affaires particulières. Grâce à la sainteté du jour, Israël se réjouit de la révélation de la royauté divine dans le monde ; et c’est précisément à partir de cela qu’Israël s’éveille à la téchouva, par amour, est jugé favorablement, et se voit béni par une bonne année.

06. Intronisation de Dieu dans la prière

Principalement, la prière de Roch hachana a pour objet l’intronisation de Dieu en tant que notre Roi. Aussi, dans la formule finale de la troisième bénédiction de la ‘Amida, au lieu de dire Ha-E.l haqadoch (le Dieu saint), nous disons Ha-Mélekh haqadoch (le Roi saint) ; et nous continuons de faire ainsi durant tous les dix jours de pénitence. Cette question est si importante que, si l’on s’est trompé, et que l’on n’ait pas dit Ha-Mélekh haqadoch, on n’est pas quitte de son obligation, et l’on doit recommencer sa ‘Amida (Choul’han ‘Aroukh 582, 1 ; cf. ci-après, 5 § 2). À Roch hachana, on ajoute encore, dans le libellé de cette bénédiction, des prières sur le dévoilement de la royauté divine :

Aussi, que ton nom soit sanctifié, Éternel notre Dieu, par Israël ton peuple, par Jérusalem ta ville, par Sion, sanctuaire de ta gloire, par le règne de la maison de David, ton oint, par ton palais et ton Temple… Que toutes tes œuvres te craignent, que se prosternent devant Toi toutes les créatures, et qu’elles forment toutes une assemblée unique, afin d’accomplir ta volonté d’un cœur entier… Et toute la méchanceté, comme de la fumée, sera détruite, car le gouvernement du mal, Tu le supprimeras de la terre. Et Tu règneras, Toi, Éternel notre Dieu, seul sur toutes tes œuvres, sur le mont Sion, résidence de ta gloire, et à Jérusalem, ville de ton sanctuaire.

Quant à la bénédiction du jour de fête : sa formule finale est, dans toutes les prières de Roch hachana, Mélekh ‘al kol haarets, meqadech Israël véyom hazikaron (« Roi de toute la terre, qui sanctifies Israël et le jour du souvenir »). Dans la ‘Amida de Moussaf, qui est la prière principale de Roch hachana, où l’on sonne du chofar, les sages ont institué trois bénédictions particulières : les Malkhouyot (passages relatifs à la royauté), les Zikhronot (passages relatifs au souvenir) et les Chofarot (passages relatifs au chofar). Les Malkhouyot en constituent la partie principale ; cette partie est en effet la première, on y mentionne la sainteté du jour, et c’est cette bénédiction que l’on conclut par la formule Mélekh ‘al kol haarets, meqadech Israël véyom hazikaron. Nous voyons donc que le propos principal du jour du souvenir est d’introniser Dieu en tant que notre souverain Roi. Cependant, la bénédiction des Zikhronot traite également du fait que Dieu est le Roi du monde, et que c’est à ce titre qu’Il se souvient de chacune de ses créatures. De même, la bénédiction des Chofarot traite du dévoilement de la royauté divine dans le monde, qui se produit par le biais du son du chofar, comme ce fut le cas lors du don de la Torah au Sinaï, et comme ce le sera dans l’avenir : c’est en effet au son d’un grand chofar que se rassembleront tous les exilés, pour se prosterner devant l’Éternel à Jérusalem. La sonnerie du chofar elle-même, que nous écoutons à Roch hachana, exprime la royauté divine : c’est par l’effet de la crainte qu’elle inspire que nous nous tenons devant Dieu, le cœur brisé, prêts au repentir.

Nous aurions pu, très inquiets pour l’avenir de notre vie au cours de l’année nouvelle, consacrer tout le jour du jugement à des prières individuelles, pour la subsistance, la santé, et toutes les autres choses que l’homme se préoccupe d’atteindre tout au long de l’année. Mais telle est la vertu particulière des Juifs : leur volonté la plus profonde, c’est que la royauté de Dieu, béni soit-Il, se révèle, que le monde entier connaisse son parachèvement et soit délivré, même s’il est nécessaire, pour cela, de connaître des épreuves. C’est ce grand et redoutable chemin qu’a choisi le peuple d’Israël, depuis les pères du monde, les patriarches, qui prirent sur eux de croire en Dieu face à tous les idolâtres qui les entouraient, jusqu’au long exil, où, malgré toute la souffrance qu’il recèle, Israël choisit de ne pas s’assimiler parmi les peuples, et de continuer à porter le drapeau de la foi et de la Torah, afin d’amender le monde en la royauté du Tout-Puissant.

Quand Israël se détourne de sa propre souffrance et se préoccupe de l’honneur divin, et du dévoilement de la royauté divine, le Saint béni soit-Il dit aux anges de service : « Voyez mes enfants affectionnés, qui délaissent leur souffrance et se préoccupent de mon honneur. » Ainsi se tarissent les arguments du Satan (l’accusateur), qui veut anéantir Israël ; et Israël jouit d’une année nouvelle où un pas supplémentaire sera franchi en direction du parachèvement et de la Délivrance. Plus nous nous évertuerons à accueillir la royauté de Dieu, à Roch hachana, avec modestie et crainte, dans l’allégresse et le tremblement, plus nous bénéficierons du bien et de la bénédiction au cours de l’année nouvelle.

07. Roch hachana dure deux jours

Selon la Torah, Roch hachana ne dure qu’un jour, comme il est dit : « Au septième mois, le premier du mois, aura lieu pour vous un repos solennel, commémoration en fanfare, convocation sainte » (Lv 23, 24, ainsi que Nb 29, 1). Cependant, en pratique, nous marquons Roch hachana deux jours durant.

Pour comprendre cela, il faut expliquer que toutes les fêtes juives s’inscrivent dans le calendrier hébraïque, lequel est établi suivant le cycle de la lune. Au commencement du mois, la lune paraît à nos yeux très petite, semblable à une fine ligne ; puis elle va croissant jusqu’au milieu du mois, où elle semble être dans sa plénitude, un disque complet. Dans la seconde moitié du mois, la lune va en décroissant, jusqu’à disparaître totalement de notre vue à la fin du mois, pendant environ vingt-quatre heures. Après cela, elle reparaît sous la forme d’une fine ligne, ce par quoi le nouveau mois commence. La mitsva de sanctification de la nouvelle lune veut que deux témoins, qui ont vu la nouvelle lune (le molad) dans la nuit du 30 du mois, se présentent devant le tribunal rabbinique (le beit-din) pour certifier cela. Sur la base de leur témoignage, le beit-din sanctifiera (proclamera) le nouveau mois. Puisque le cycle de la lune est d’environ vingt-neuf jours et demi, certains mois comportent vingt-neuf jours, tandis que d’autres en comportent trente (cf. Pniné Halakha, Zemanim – Fêtes et solennités juives vol. I 1, 1-2).

Les mois où avaient lieu des fêtes, immédiatement après que le beit-din eut proclamé le mois, les juges envoyaient des émissaires dans toutes les communautés d’Israël pour faire savoir quand le mois avait été proclamé, et quand tomberait la fête prochaine. Cependant, en diaspora, les émissaires ne parvenaient pas à leur destination avant la date des fêtes ; aussi les sages décidèrent-ils que, en raison du doute, les communautés de diaspora observeraient deux jours de fête (Pniné Halakha, Mo’adim – Fêtes et solennités juives vol II 9, 1-4).

Or Roch hachana est la seule fête qui ait lieu à la néoménie (Roch ‘hodech) ; aussi, dans le territoire même d’Israël, on ne parvenait pas à savoir quand tombait ce jour. En effet, après que le beit-din avait consacré le nouveau mois, il ressortait de cette proclamation même que le présent jour était un jour de fête, de sorte qu’il était interdit aux émissaires de sortir du périmètre sabbatique (le te’houm) pour faire savoir aux communautés à quel moment le mois avait été consacré. Par conséquent, devant le doute, on dut observer deux jours de Roch hachana dans l’ensemble du territoire.

Certes, à Jérusalem, siège du beit-din, on savait quand celui-ci consacrait le mois ; mais on ne pouvait le savoir à l’avance, car ce n’est que de jour que l’on recevait les témoins et que l’on consacrait le mois. Par conséquent, en raison du doute, on devait observer les usages de la fête dès le début de la nuit du trentième jour à compter du commencement d’éloul. Si, le lendemain, des témoins arrivaient pour certifier que la lune était apparue, le beit-din proclamait le mois, et il apparaissait que ce jour était Roch hachana. Le lendemain, on se conduisait suivant les usages des jours profanes. Et si, de tout le trentième jour, il ne se présentait pas de témoins, il apparaissait que ce jour était profane, et que la fête aurait lieu le lendemain. Nous voyons donc que, lorsque le beit-din consacrait le mois le premier jour, on observait à Jérusalem un seul jour de fête ; et quand Roch ‘hodech tombait le deuxième jour, on observait, en pratique, deux jours de fête à Jérusalem.

Les doutes portant sur le temps conviennent, au fond, au caractère de Roch hachana, fête mystérieuse et ineffable, et qui a donc lieu en un temps où la lune, voilée, commence de se révéler. C’est pourquoi cette fête porte aussi le nom de kessé (« voilement »), comme il est dit : « Sonnez du chofar à la néoménie, au temps du voilement, jour de notre fête (‘haguénou) » (Ps 81, 4). Sur ce verset, les sages disent : « Quelle est donc la fête où la lune se voile ? C’est Roch hachana (Roch Hachana 8a).

08. Conservation des deux jours de fête à notre époque

La halakha veut que, lorsqu’il n’y a pas de beit-din qui puisse consacrer les mois d’après la déposition de témoins, Roch hachana soit fixé selon le compte interne au calendrier hébraïque. Près de trois cents ans après la destruction du deuxième Temple (en l’an 4119 de notre calendrier, 359 de l’ère civile), Hillel II, président du beit-din, vit que l’on ne pourrait plus maintenir la juridiction qui consacrait les mois. Il rassembla donc son beit-din et mit au point un calendrier perpétuel ; il consacra alors, en se basant sur ce calendrier, tous les mois qu’il y aurait à l’avenir, jusqu’à ce que le beit-din soit rétabli en son lieu (Maïmonide, Qidouch Ha’hodech 5, 2 ; Pniné Halakh – Zemanim, Fêtes et solennités juives I chap. 3, note 3).

De prime abord, dès cette époque, il n’eût plus été nécessaire d’observer deux jours de Roch hachana, puisque chacun pouvait savoir, en se fondant sur le calendrier, quand aurait lieu la néoménie de tichri, c’est-à-dire Roch hachana. Mais de même que les sages avaient prescrit aux communautés de diaspora de perpétuer leur coutume, et d’observer deux jours pour chacune des fêtes, de même prescrivirent-ils aux habitants de la terre d’Israël de perpétuer leur propre coutume, et d’observer deux jours de Roch hachana. On peut dire que le fait même que l’on dût observer deux jours de fête à l’époque où l’usage était conforme à la Torah, et où l’on consacrait le mois d’après la déposition de témoins, laisse entendre que telle est bien la conduite qu’il convient d’observer[5].

Comme pour toute la Torah, le point de vue halakhique répond au point de vue spirituel. Le Zohar (III 231a) explique ainsi que, en raison de la gravité du jugement, les sages ont vu la nécessité d’ajouter un jour, afin que le jugement provienne aussi de la miséricorde, et qu’il s’adoucisse par cela. En effet, s’il n’y avait qu’un jour, le monde pourrait être détruit en raison de la gravité du jugement.

Il faut encore expliquer que si l’on doit, en diaspora, observer deux jours pour toutes les fêtes, c’est parce que l’on y est éloigné du dévoilement de la sainteté ; en terre d’Israël, en revanche, où la sainteté se révèle davantage, on peut recueillir toute la sainteté de la fête en un seul jour. Cela peut se comparer à une torche : quand elle éclaire un lieu proche, sa lumière est forte et concentrée en une superficie réduite ; quand elle éclaire un endroit éloigné, sa lumière et faible et se disperse sur un périmètre étendu. Roch hachana, jour mystérieux et ineffable, requiert, même en terre d’Israël, deux jours pour qu’on en puisse recueillir la lumière.

On peut dire que les prières du premier jour sont essentiellement orientées vers des questions d’intérêt collectif : que, durant la nouvelle année, nous méritions de voir se révéler la royauté divine sur son peuple Israël, à Sion, résidence de sa gloire, au point que tout ce qui porte une âme en son sein proclame : « L’Éternel, Dieu d’Israël, est roi, et sa royauté s’étend à tout. » Grâce à cela, le monde entier jouira de la bénédiction et de la paix. Quant au second jour, institué pour nous par les sages, nous y prions pour que toutes les grandes idées se révèlent également dans notre vie individuelle, afin que nous aussi, dans nos vies pratiques, nous soyons associés à la révélation de la gloire divine dans le monde, et pour que nous jouissions de la bénédiction divine à cette fin[6].


[5]. Certes, quelques-uns des plus grands Richonim (Rabbénou Ephraïm, Rabbi Zera’hia Halévi) pensaient que, en terre d’Israël, il fallait observer un seul jour de fête, puisque, au lieu même du beit-din, on savait quand les juges avaient consacré le mois et quand tomberait la fête ; et puisque l’ensemble de la terre d’Israël pouvait valablement servir de siège au beit-din, il fallait observer, en terre d’Israël, un jour seulement.

Mais en pratique, de l’avis d’une nette majorité de Richonim, il faut, en terre d’Israël également, observer deux jours de Roch hachana ; car en fait, à l’époque même où les juges consacraient le mois d’après la déposition de témoins, on observait deux jours dans tout le pays.

Même à Jérusalem, où siégeait le beit-din, quand les témoins ne se présentaient pas le premier jour, on observait deux jours de Roch hachana. Certes, les témoins arrivaient presque toujours le trentième jour ; mais puisque l’on devait parfois faire deux jours de plein droit – quand les témoins arrivaient après Min’ha du premier jour (Roch Hachana 30b, Beitsa 4b, comme on le verra au prochain paragraphe) –, on devait, même à Jérusalem, observer deux jours (Maïmonide, Qidouch ha’hodech 5, 8 ; Roch sur Beitsa 1, 4). De plus, les sages faisaient mesure égale, et ne voulaient pas séparer Jérusalem du reste du pays ; aussi ont-ils prescrit à tous d’observer deux jours ; de même qu’ils décrétèrent que tous les Juifs de diaspora observeraient deux jours pour toutes les fêtes, bien que, dans certaines contrées, les émissaires arrivassent avant Chemini ‘Atséret et le septième jour de Pessa’h (Roch Hachana 21a ; cf. Na’hmanide, Mil’hemot 3, 1 dans la pagination du Rif ; Rachba sur Beitsa 5b, passage commençant par Amar).

[6]. Le Zohar sur la paracha Pin’has (231b) explique que le premier jour est un « jugement sévère », le second un « jugement clément ». L’idée est claire : le premier jour est d’institution toranique, le second a été institué par les sages. (Pas si clair que ça pour moi.) Selon le Cha’ar Hakavanot (Drouché Roch Hachana 2), le premier jour est celui du tiqoun pnimiout ze’er anpin (« amendement de l’intériorité du petit visage » [agencement de six des séfirot, véhicules divins théorisés par la Kabbale]), le second celui de ‘hitsoniout ze’er anpin (« extériorité du petit visage »). Pour le Qitsour Hakavanot (Roch hachana p. 110) de Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato, le premier jour est l’amendement de Léa et la couronne de Rachel, le second l’amendement de la sagesse de Rachel. Selon le Chem Michemouel (Roch hachana 5673, passage commençant par Ita békitvé), le premier jour est celui du jugement sévère dans le domaine touchant au divin, le second celui du jugement clément quant aux activités de ce monde (cf. Har’havot).

09. Règles relatives au premier et au second jour ; bénédiction Chéhé’héyanou le second jour

Puisque de nos jours nous savons, en nous fondant sur le calendrier, quand tombe la néoménie de tichri, le premier jour de Roch hachana se trouve être d’obligation toranique, et le second est d’obligation rabbinique. Le principe est le même à l’égard de toutes les fêtes en diaspora : le premier jour se fonde sur la Torah, le second est une institution des sages. Par conséquent, en tout cas de doute portant sur les lois du Yom tov (lois du jour de fête) ou sur les lois qui s’appliquent à la sonnerie du chofar, on est rigoureux le premier jour, conformément au principe « en cas de doute portant sur une règle toranique, on est rigoureux », et l’on est indulgent le second jour, suivant le principe « en cas de doute portant sur une règle rabbinique, on est indulgent. » De même, nos sages ont autorisé à s’occuper de l’enterrement d’un mort, le second jour de fête de diaspora, et le second jour de Roch hachana, en vertu de l’honneur dû au mort (Choul’han ‘Aroukh 526, 4, Pniné Halakha – Mo’adim, Fêtes et célébrations juives II 7, 5).

De même, il est interdit de préparer, le premier jour de Roch hachana, une chose destinée au second jour ; à ce titre, il est interdit de cuisiner, de mettre la table ou de nettoyer la vaisselle le premier jour pour les besoins du second, semblablement à toutes les règles gouvernant, en diaspora, les préparatifs du second jour de fête pendant le premier (Choul’han ‘Aroukh 503, 1, Pniné Halakha – Mo’adim 9, 5 ; 2, 12).

Il existe, il est vrai, une certaine différence entre les deux jours de fête de diaspora et les deux jours de Roch hachana. Le fondement des deux jours de fête en diaspora réside dans le doute : on ne savait pas quel jour le beit-din avait consacré le mois ; tandis que l’on observait parfois deux jours de Roch hachana malgré l’absence de doute quant à la néoménie de tichri. C’était le cas lorsque les témoins arrivaient après le temps de Min’ha, cas dans lequel les sages avaient ordonné de ne pas recevoir leur témoignage, de crainte que, si l’on consacrait le mois, l’on n’ait pas le temps, avant le soir, d’offrir les sacrifices de la fête et de réciter le cantique particulier à Roch hachana. Mais puisque le premier jour eût été apte à être consacré, on continuait d’y observer les usages de la fête, bien qu’il fût convenu de ne point le consacrer. On voit donc que, parfois, Roch hachana s’étendait à deux jours pour une pure raison juridique ; c’est pourquoi nos sages appelaient les deux jours de Roch hachana yoma arikhta, un seul et long jour[7].

Aussi, un doute est-il survenu quant au fait de savoir si l’on doit réciter la bénédiction Chéhé’héyanou (« Béni sois-Tu… qui nous as fait vivre, nous as maintenus et nous as conduits à cette époque ») le second jour. En dehors d’Israël, au second jour de fête propre à la diaspora, on dit cette bénédiction. En effet, puisque ce second jour a été institué en raison du doute, toutes les règles à lui applicables sont semblables à celles du premier jour, et l’on y récite également Chéhé’héyanou. À Roch hachana, en revanche, certains disent que, puisque les deux jours sont, d’un certain point de vue, considérés comme un seul et long jour, ce n’est qu’au premier jour qu’il y a lieu de réciter cette bénédiction. En pratique, la majorité des décisionnaires estiment qu’il faut la réciter également au Qidouch du second soir, et tel est l’usage. Toutefois, a priori, il est préférable de revêtir, à l’approche de ce Qidouch, un nouvel habit, ou de placer sur la table un fruit nouveau ; ainsi, toutes les opinions s’accorderont sur le fait qu’il faut prononcer cette bénédiction, car celle-ci portera également sur le vêtement ou sur le fruit (Choul’han ‘Aroukh 600, 2). Bien entendu, si l’on a disposé un fruit nouveau sur la table au moment du Qidouch afin de dire la bénédiction Chéhé’héyanou, on ne répétera pas celle-ci au moment où l’on mangera ce fruit, puisque l’on s’en sera déjà acquitté par la bénédiction récitée lors du Qidouch.

S’agissant de la sonnerie du chofar le second jour : selon la coutume séfarade, on ne dit pas la bénédiction Chéhé’héyanou ; selon la coutume ashkénaze, on la dit ; mais, si la chose est possible, il est préférable que le sonneur mette à cette occasion un vêtement neuf, et qu’il y applique aussi son intention durant la bénédiction (Choul’han ‘Aroukh, Rama 600, 3 ; Michna Beroura 7).


[7]. Un œuf pondu un premier jour de fête est permis, en diaspora, le second jour. En effet, l’interdit pesant sur un tel œuf provient du fait qu’il est mouqtsé ; or, si le premier jour est le « véritable » Yom tov, il se trouve que le second jour est profane, de sorte qu’il est permis de manger l’œuf ; et si c’est le second jour qui est le « véritable » Yom tov, il se trouve que le premier jour était profane, et que l’œuf alors pondu n’était pas mouqtsé. La règle est la même s’agissant de poissons qui ont été pêchés le premier jour, ou de fruits tombés de l’arbre le premier jour : ils ne sont pas mouqtsé le second jour. En revanche, à Roch hachana, puisqu’il arrivait que l’on dût observer les deux jours de plein droit, le statut de ce jour est semblable à celui d’un seul et long jour, et l’œuf pondu le premier jour – de même que les poissons pêchés ou les fruits tombés le premier jour – sont mouqtsé le second (Choul’han ‘Aroukh 600, 1). Et bien que, en ces matières, les deux jours de Roch hachana soient considérés comme un seul jour, on n’autorise pas pour autant à préparer, le premier jour, ce qui est nécessaire au second ; à cet égard, le statut de Roch hachana est semblable aux jours de fête de diaspora, où il est interdit de faire, le premier jour, des préparatifs pour le second, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 503, 1. En effet, ce n’est que dans le sens de la rigueur, et non de l’indulgence, que nos sages déclarent ces deux jours unis par une même sainteté (Rabbénou Pérets, note 10 sur Séfer Mitsvot Qatan 294).

10. Malkhouyot, Zikhronot et Chofarot

La ‘Amida de Moussaf est la plus importante des prières de Roch hachana, parce qu’on y sonne du chofar, et que les sages y ont ajouté trois bénédictions particulières : Malkhouyot (relative à la royauté divine), Zikhronot (relative au souvenir) et Chofarot (relative au chofar) ; ces bénédictions expriment la thématique particulière à ce jour. Par elles, nous bénéficions d’une bonne année, comme le dit le Saint béni soit-Il à Israël :

Dites devant Moi, à Roch hachana, [des versets relatifs à la] royauté, [au] souvenir et [au] chofar. À la royauté : afin que vous m’intronisiez sur vous comme Roi ; au souvenir : afin que votre souvenir se rappelle à Moi pour le bien ; par quoi ? par le chofar (Roch Hachana 16a).

Ces trois bénédictions forment un seul bloc ; celui qui ne saurait pas réciter l’une d’entre elles ne récitera pas les autres, qu’il connaîtrait. L’ordre dans lequel elles sont rédigées est, lui aussi, déterminant ; si on les a récitées dans un autre ordre, on n’est pas quitte (Choul’han ‘Aroukh 593, 1, Michna Beroura 5).

Nos sages ont institué, dans chacune de ces bénédictions, la mention de dix versets liés au thème de celles-ci, en référence aux dix paroles par lesquelles le monde fut créé, ainsi qu’aux dix commandements, et aux dix louanges que porte le dernier des cent cinquante psaumes. Chaque bénédiction commence par trois versets de la Torah, puis sont cités trois versets des Hagiographes, puis trois autres des Prophètes, et l’on termine par un verset de la Torah. On ne récite pas de versets mentionnant les catastrophes annoncées à Israël, ni de versets évoquant le souvenir de particuliers, même s’ils abondent dans le sens du bien (Roch Hachana 32a-b, Choul’han ‘Aroukh 591, 4-5)[8].

La première bénédiction inclut la mention de la sainteté du jour, au côté des passages relatifs à la royauté divine. Le texte commence suivant la rédaction commune à toutes les fêtes (Ata ve’hartanou, « Tu nous as choisis… »). Puis on récite ‘Alénou léchabéa’h : dans ce texte, nous louons Dieu et lui exprimons notre reconnaissance pour avoir eu le mérite de reconnaître sa royauté, et nous prions pour que tous les peuples accueillent, eux aussi, le joug de sa royauté. On continue de réciter des versets relatifs à la royauté, et l’on termine par le verset Chéma Israël : bien que celui-ci ne mentionne pas explicitement la royauté divine, on reçoit, en récitant ce verset, le joug de cette royauté. En conclusion de la bénédiction, on prie pour que l’Éternel règne, dans sa gloire, sur l’univers entier, et qu’Il nous rapproche de son service, de sa Torah et de ses mitsvot : « Car tu es Dieu de vérité, et ta parole est vérité et se maintient à tout jamais. Béni sois-Tu, Éternel, Roi de toute la terre, qui sanctifies Israël et le jour du souvenir. »

Dans la deuxième bénédiction, celle du souvenir, nous disons que l’Éternel se souvient de son monde, de toutes ses créatures et de toutes leurs actions, particulièrement en ce jour, « commencement de tes œuvres, souvenir du premier jour », où Dieu juge son monde. Nous prions pour que Dieu se souvienne de nous pour le bien, qu’Il nous recense pour le salut ; et nous concluons : « Souviens-toi aujourd’hui, dans ta miséricorde, de la ligature d’Isaac en faveur de sa descendance. Béni sois-Tu, Éternel, qui te souviens de l’alliance. »

Dans la troisième bénédiction, celle du chofar, nous décrivons la révélation divine qui nous fut accordée au mont Sinaï, au son du chofar, et nous prions pour que Dieu se manifeste et se révèle à nous une nouvelle fois, au son du chofar annonçant la Délivrance. « Sonne du grand chofar, pour notre libération, et dresse l’étendard pour rassembler nos exilés ; rapproche nos dispersés d’entre les peuples, et réunis nos disséminés des confins de la terre ; amène-nous à Sion, ta ville, dans l’allégresse, à Jérusalem ton sanctuaire dans une joie éternelle. (…) Car Tu entends le son du chofar, écoutes la sonnerie tremblante, et nul ne saurait se comparer à Toi. Béni sois-Tu, Éternel, qui entends la fanfare de ton peuple Israël, dans ta miséricorde. »

Si l’on se trouve en un endroit où il n’y a pas de minyan, il est juste de ne pas réciter la ‘Amida de Moussaf ni de sonner du chofar dans les trois premières heures du jour, car alors la mesure de stricte justice (din) est encore tendue, et, faute de l’aide de l’assemblée, il est à craindre que le jugement ne soit pas favorable. Mais au sein d’une assemblée de dix Juifs, il est permis de faire ces prières, même durant les trois premières heures, car la prière publique est agréée ; et même quand on n’applique pas comme il le faudrait son esprit aux mots prononcés, le Saint béni soit-Il ne dédaigne pas la prière communautaire (Choul’han ‘Aroukh 591, 8 ; Michna Beroura 15 ; La Prière d’Israël 2, 1-2).


[8]. Il est permis d’ajouter aux dix versets ; a posteriori, si l’on n’a dit que trois versets – en regard des parties de la Bible : Pentateuque, Prophètes et Hagiographes, et en regard des trois ordres de personnes au sein du peuple juif : Cohen, Lévi et Israël –, on est quitte. A posteriori, si l’on n’a cité aucun verset, et que l’on se soit contenté de dire que « c’est ce qui est écrit dans la Torah, les Prophètes et les Hagiographes », on est quitte (Roch Hachana 32a, Choul’han ‘Aroukh 591, 4, Michna Beroura 11). Réciter ces bénédictions est une institution rabbinique ; aussi, la sonnerie du chofar précède ces bénédictions ; cf. ci-après, chap. 4, note 6.