Pniné Halakha

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Chapitre 13 – Travaux relatifs au vêtement

01. Introduction

Les vêtements sont dotés d’une grande importance : ils couvrent le corps et le protègent du froid et du soleil. Toutefois, au commencement, Adam et Eve n’avaient pas besoin de vêtements. Ce n’est qu’après la faute qu’ils éprouvèrent leur nudité, et eurent besoin de vêtements. Car tout le temps qu’ils étaient purs, ils n’étaient pas entraînés par la matérialité, et pouvaient mettre efficacement en valeur le spirituel ; le corps leur était un bon instrument pour révéler l’âme de façon effective. Mais après la faute, le corps fut altéré, et le penchant au mal (yétser hara’) s’éveilla en eux, qui les attira exagérément vers les côtés inférieurs du corps, les conduisant à délaisser l’âme, à oublier la vocation divine de l’homme. De là provient la honte. En effet, l’honneur de l’homme réside essentiellement dans l’image de Dieu, qui se révèle en son âme et trouve son expression dans l’étude de la Torah, la pratique des mitsvot et des bonnes actions. Or quand l’homme oublie sa vocation et se laisse entraîner par les désirs matériels sans les gouverner, il se déshonore. Le vêtement, qui couvre l’extériorité, modère l’attirance que l’on éprouve pour le côté matériel, et contribue à réparer le dommage causé par la faute. En cachant le corps extérieur, l’âme peut s’exprimer davantage ; grâce à quoi il devient possible d’épurer le corps, de lui conférer sa pleine expression, dans la sainteté et la joie, et de le conduire dans la voie de la Torah et des mitsvot. Aussi le vêtement de l’homme est-il son honneur. Il advint donc que, en raison de la nécessité de se vêtir, l’homme s’éleva à un plus haut niveau ; car le vêtement, en plus de protéger et de cacher, peut mettre en valeur les côtés les plus sublimes de l’âme et du corps.

Comme toute bonne chose, on peut faire du vêtement un attribut convenable, et l’on peut s’y égarer. Ceux qui choisissent le bien portent des vêtements pudiques et agréables, et jouissent de l’honneur véritable qui naît de l’accent mis sur le spirituel. Ceux qui choisissent le mal portent des vêtements débauchés, qui mettent en avant le penchant au mal dont le corps est l’objet. Au lieu de mettre, par le vêtement, l’accent sur l’âme, ils dissimulent et répriment celle-ci plus encore. Il n’y a pas plus grande honte.

La faute a engendré un autre événement : l’homme fut expulsé du jardin d’Eden, relégué dans le climat de notre monde, où la possibilité qu’a le corps d’assurer sa protection a elle-même été altérée, si bien que le corps a besoin de vêtements pour se protéger du froid de l’hiver, et des rayons du soleil l’été. En conséquence de la faute, le corps a donc été atteint à deux égards : il ne peut plus, sans vêtements, constituer l’instrument approprié de l’âme ; il ne peut plus, sans vêtements, se protéger du froid et de la chaleur.

Puisque le vêtement est un amendement[a] spécifique à l’homme qui fauta, on ne le trouve pas dans la nature : l’homme doit peiner à de nombreuses tâches pour se fabriquer des habits. Nos sages ont recensé treize mélakhot (travaux) liées à la confection de vêtements de tissu, et sept autres mélakhot liées à la préparation de vêtements de peau.

Comme nous l’avons vu, les trente-neuf travaux interdits le Chabbat sont ceux-là même que l’on exécuta pour construire le Tabernacle (michkan). En effet, tout travail doté de quelque importance trouve sa racine dans le Tabernacle. L’origine des mélakhot liées au vêtement se trouve dans les tentures dont on para le Tabernacle, qui étaient destinées à voiler la lumière divine pour la glorifier.


[a]. Tiqoun. Cette notion, déjà rencontrée dans cet ouvrage (cf. chap. 9, notes f et i), comprend ici l’idée d’effort de l’homme pour parvenir à la restauration de ce qu’il a détruit, en l’occurrence de la pureté perdue, et au parachèvement de son âme.

02. Les travaux du vêtement

Treize travaux sont nécessaires à la confection des vêtements (Michna Chabbat 7, 2). Ce sont : 1) tondre la laine (gozez tsémer ; nous en exposerons les principes au chap. 14 § 1) ; si la matière dont on fait le vêtement provient du végétal, cueillir ce végétal est interdit au titre de qotser (moissonner, cf. chap. 19 § 6) ; 2) blanchir la laine (mélaben) : nettoyer la laine de la saleté et de la graisse qui y sont attachées (comme nous le verrons dans ce chapitre, § 3-8) ; 3) carder (ménapets) : peigner la laine pour qu’il soit facile d’en faire des fils ; si l’on bat des tendons d’animal afin de pouvoir en faire des fils, on transgresse un dérivé de cette mélakha ; 4) teindre (tsovéa’) : pour faire de cette laine de beaux fils et de beaux habits (chap. 18 § 5) ; 5) filer (tové) : faire des fils à partir de la laine brute ; de même, quiconque fait des fils à partir d’un matériau brut, tel que le lin, transgresse l’interdit du filage.

Nous en venons à présent aux travaux qui transforment les fils séparés en une étoffe unifié. En règle générale, le tissu est fait de fils de chaîne (chéti) et de trame (‘erev). Les fils de chaîne sont l’assise du vêtement, ce sont les fils de base qui s’étendent en longueur. Les fils de trame sont ceux qui passent de façon alternée entre les fils de chaîne ; ils sont appelés erev parce qu’ils se mêlent (mitarvim) au sein des fils de chaîne. Autrefois, on utilisait des métiers à tisser manuels, par lesquels on transformait les fils séparés en tissus. Plusieurs mélakhot étaient pour cela nécessaires : 6) ourdir (messekh) : c’est le fait de tendre les fils de chaîne ; 7) « faire deux lices » (‘ossé chené baté-nirim) dans le cadre d’un métier à tisser : pour introduire les fils de trame entre les fils de chaîne, il faut préparer le métier à tisser, dont la partie essentielle est constituée de cadres ou harnais (nir, plur. nirim), dans lesquels on maintient les fils de chaîne ; on hisse alternativement les fils pairs et les fils impairs afin que l’on puisse faire passer, entre les fils de chaîne, les fils de trame. Or celui qui fait deux lices (baté-nirim) pour y maintenir des fils de chaîne enfreint cet interdit (Tossephot Rid, Chabbat 73a). D’autres expliquent que c’est celui qui introduit deux fils de chaîne dans les lices du métier à tisser qui enfreint cet interdit (Rachi ad loc.) ; 8) tisser deux fils (oreg chené ‘houtim) : c’est introduire des fils de trame à l’intérieur de la chaîne, et ainsi commencer effectivement le tissage ; 9) ôter deux fils (potséa’ chené ‘houtim) : quand un défaut ou une déchirure apparaît dans un tissu, il arrive que la réparation du tissu se fasse en en retirant des fils ; c’est la mélakha appelée potséa’, littéralement « briser ».

Au titre de la mélakha consistant à ôter deux fils (potséa’), on inclut également l’interdit de découdre le bord d’un vêtement ou d’un bandage fait d’une chaîne et d’une trame. Au titre des travaux du tissage, il est également interdit de fabriquer une corbeille, un tamis, un crible, ou de tresser la toile d’un hamac, car tous ces actes se font avec des fils, des cordes ou de l’osier que l’on croise sous forme de chaîne et de trame (Maïmonide 9, 16).

De nos jours, le travail du tissage se fait avec des machines plus perfectionnées, qui exécutent en même temps tous les travaux, si bien que celui qui met en mouvement une telle machine le Chabbat enfreint en même temps tous les interdits portant sur ces mélakhot.

D’autres mélakhot se rapportent aux finitions du vêtement ; il s’agit de : 10) nouer (qocher) ; 11) dénouer (matir, cf. § 13-15), 12) coudre deux points (tofer cheté tefirot) ; 13) déchirer pour recoudre deux points (qoréa’ ‘al menat litfor cheté tefirot, cf. § 10-12).

Les mélakhot relatives au travail de la peau animale sont liées, elles aussi, à la fabrication des vêtements. En effet, en plus de faire de ces peaux du parchemin pour écrire, on en fait des habits et des chaussures. Il s’agit de : chasser (tsad), égorger (cho’het, cf. chap. 20 § 6-9), dépecer (mafchit), tanner (me’abed), racler (mema’heq), tracer des traits (messartet, cf. chap. 18 § 6), découper (me’hatekh, cf. chap. 15 § 10).

03. Blanchiment (melaben) et lavage (mekhabes)

La mélakha du blanchiment (melaben, ou liboun) consiste à nettoyer la laine ou le lin et à les blanchir afin d’en faire des habits. Le dérivé de ce travail est le lavage d’habits (mekhabes, ou kibous) afin de les rendre propres (Maïmonide, Chabbat 9, 10-11).

Le blanchiment se fait en trois étapes : le trempage (cheriya), le frottement (chifchouf) et l’essorage (se’hita). Puisqu’à chaque étape une partie de la saleté disparaît, et que le linge devient plus propre, chaque étape est interdite par la Torah. Détaillons les étapes du lavage.

Le lavage se fait en premier lieu en immergeant le linge dans l’eau. Dès cette étape du trempage, les taches déteignent, et une partie de la saleté qui est absorbée dans les fibres du linge en sort et se dissout dans l’eau. Aussi est-il interdit par la Torah de mettre un vêtement sale dans l’eau. Par exemple, il est interdit de mettre des vêtements sales de bébé dans de l’eau, même si l’on a l’intention de réaliser l’essentiel du lavage après Chabbat ; car dès que l’on fait tremper ces vêtements, ils se nettoient quelque peu.

La deuxième étape du nettoyage est le frottement du vêtement alors qu’il est encore mouillé. C’est la partie essentielle du nettoyage car, par l’effet du frottement, les taches et les salissures qui s’étaient attachées au vêtement se dissolvent dans l’eau et disparaissent.

La troisième étape consiste à essorer le vêtement pour en extraire l’eau dont il est imprégné. Quand l’eau sort du vêtement, il en sort également de la saleté qui s’était dissoute dans l’eau. Et puisque, à chaque essorage, s’échappe un peu de saleté, tout essorage de vêtement est interdit par la Torah. Même quand c’est la pluie qui a mouillé le vêtement, il est interdit de le presser pour qu’il sèche, car cet essorage causera nécessairement un certain nettoyage du vêtement. Afin de ne pas en venir à enfreindre l’interdit d’essorer, nos sages ont interdit de prendre en main un vêtement qui est imbibé d’eau. Toutefois, s’agissant de vêtements qui ont été mouillés par la pluie, il est permis de continuer à les porter sur soi ; et si on les a enlevés, du moment que l’on n’en a pas d’autres, il est même permis de les remettre. En revanche, il est interdit de les déplacer sans autre motif (Choul’han ‘Aroukh 301, 45-46).

Il arrive que le nettoyage comporte une quatrième étape : le chauffage du linge dans un four. Après l’essorage, on réchauffe le vêtement dans un four ou près d’un four car, par l’effet de la chaleur, le liquide contenu dans le vêtement s’évapore, avec les particules grisées qui s’y trouvaient mêlées, et le vêtement devient propre et brillant. Tel était l’usage dans le traitement de la laine brute : après la tonte et le nettoyage, on la faisait blanchir dans un four, et cette opération, elle aussi, faisait partie du travail de liboun interdit par la Torah. Il est par conséquent interdit de poser un vêtement mouillé par la pluie – ou une serviette humidifiée parce qu’on s’y est séché les mains ou le corps –, près d’un radiateur, en un endroit où ces étoffes parviendraient à une température de yad solédet bo[b] (Choul’han ‘Aroukh 301, 46).

Il faut savoir que ce n’est pas seulement le nettoyage d’un vêtement dans son entier qui est interdit, mais enlever une seule tache est également interdit par la Torah. Et cet interdit vaut, que l’on ôte la tache avec de l’eau, de la salive, ou quelque autre matière nettoyante, telle que le pétrole ou la benzine. De même, si un corps gras est tombé sur un habit, il est interdit, pendant Chabbat, d’y répandre du talc afin d’empêcher qu’une tache apparaisse (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 27).

Les sages ont également interdit de faire un acte que d’autres personnes risquent de prendre pour une transgression de l’interdit toranique de nettoyer ses vêtements pendant Chabbat. Par conséquent, si ses vêtements se sont mouillés pendant Chabbat, on ne les étendra pas sur une corde ou sur quelque autre dispositif de ce genre, mais on les placera en un endroit où l’on n’a pas l’habitude d’étendre du linge après lessivage, par exemple sur une chaise ou sur un cintre. En revanche, quand des vêtements ont été étendus avant Chabbat, il est permis de les laisser attachés à la corde pendant Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 301, 45)[1].


[b]. Sur ce concept, cf. supra chap. 10 § 4.

[1]. Quand un costume que l’on fait toujours nettoyer à sec s’est mouillé, il est permis de l’étendre sur une corde, car les tiers n’ont pas lieu de supposer qu’on l’a lessivé pendant Chabbat. Dans le même sens, quand des serviettes sont mouillées parce que l’on s’y est essuyé les mains, il est permis de les suspendre à l’endroit où l’on a l’habitude de les mettre à sécher tant qu’elles sont en cours d’utilisation. De même, il est permis de suspendre une nappe de plastique, puisqu’il est permis de rincer celle-ci à l’eau, comme nous le verrons ci-après, § 7. La règle veut que, tant qu’il n’est pas à craindre, en pratique, d’éveiller la suspicion d’avoir fait de la lessive de manière interdite, il est permis de suspendre le linge dont il s’agit. Cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 13, Yalqout Yossef 302, 79-82, Menou’hat Ahava II 12, 23.

04. Tremper des vêtements dans des liquides

Comme nous l’avons vu, la première étape du lessivage du linge est de le faire tremper dans l’eau : dès le moment du trempage, une partie de la salissure qui s’y trouve se dissout. Mouiller ne serait-ce qu’une petite partie d’un vêtement est chose interdite, car dès que l’on humecte un tissu dans de l’eau ou dans un autre liquide capable de le nettoyer, on considère que l’on accomplit un acte de nettoyage.

Les Richonim discutent si l’interdit de tremper un vêtement dans de l’eau s’applique également à un vêtement qui n’est pas taché. De l’avis de nombreux Richonim, ce n’est que lorsqu’il y a des taches sur le vêtement qu’il est interdit de l’humecter d’eau ; mais quand il est propre de toute tache, c’est permis. D’autres estiment qu’en tout état de cause il est interdit d’humecter un vêtement, car toute humidification le nettoie de quelque manière. En pratique, puisque cette controverse concerne un interdit toranique, de nombreux A’haronim donnent pour directive de se conformer à l’opinion rigoureuse, si bien qu’il est interdit d’humecter un vêtement, même non taché[2].

En revanche, il est permis d’humecter le vêtement ou le tissu si cette humidification a pour effet de le salir (ce que l’on appelle dérekh likhloukh, « sur le mode de la salissure »). Par exemple, il est permis de s’essuyer les mains dans une serviette, parce que l’eau que l’on a sur les mains ne va pas nettoyer la serviette, mais au contraire la salir un peu. Certains apportent à leur pratique un supplément de perfection en secouant les mains de leur surplus d’eau, et en les séchant seulement après, afin que la serviette absorbe moins d’eau. Quoi qu’il en soit, la halakha est que, tant que l’humidification du tissu a pour effet de salir celui-ci, la chose est permise. Même s’il y a des taches sur la serviette, dès lors que l’intention consiste à se sécher et non à retirer les taches, il est permis de s’y essuyer les mains ou le corps (Choul’han ‘Aroukh et Rama 302, 10, Béour Halakha, passage commençant par Délo).


[2]. Talmud, traité Zeva’him 94b : « “Tremper un vêtement”, c’est le laver. En cela, Rava est fidèle à son système. En effet, Rava a dit : “Si l’on jette un foulard dans de l’eau, on est passible de sanction.” » Selon Terouma, Or Zaroua’, le Roch, le Séfer Mitsvot Gadol et le Séfer Mitsvot Qatan, l’interdit ne s’applique que lorsque le vêtement est taché. C’est aussi ce qui semble ressortir des propos de Maïmonide. Le Roch écrit que, même si un vêtement a noirci en raison de l’usure, son trempage n’est pas interdit, tant qu’il ne s’y trouve pas de taches. Toutefois, même les tenants de cette opinion indulgente reconnaissent que c’est interdit lorsque l’intention est de nettoyer le vêtement de sa noirceur (Michna Beroura 302, 46). Selon le Rachbam, le Yereïm et le Tour, il est en tout état de cause interdit par la Torah d’humecter d’eau un vêtement (et c’est ce que laisse entendre le Choul’han ‘Aroukh 302, 9). De nombreux A’haronim l’interdisent, car il s’agit d’un cas de doute portant sur une règle toranique ; c’est ce qu’écrivent le Béour Halakha 302, 9 ד »ה שיש et le Kaf Ha’haïm 302, 74. À notre humble avis, dans le cas où le vêtement sort de la lessive et est entièrement propre, les tenants de l’opinion rigoureuse eux-mêmes reconnaîtraient que l’interdit n’est alors que rabbinique ; et dès lors, il serait permis de l’humecter, en cas de nécessité, conformément à l’avis de la majorité des Richonim (cf. Béour Halakha 302, 10 ד »ה דלא).

05. Nettoyage de la table et des ustensiles déposés dans l’évier

Si un peu d’eau s’est renversée sur la table, il est permis de l’essuyer à l’aide d’une serviette, car l’humidification de la serviette, dans un tel cas, salit celle-ci, et ne la lessive en rien. Même dans le cas où un peu de vin ou de jus de fruit s’est renversé sur la table, il reste permis de l’essuyer au moyen d’une serviette ou d’un autre tissu. Bien que, de cette façon, le tissu absorbe un peu de la couleur du vin ou du jus, et que la coloration d’étoffes soit interdite le Chabbat, cela reste permis, parce que l’intention est ici de nettoyer la table et non de teindre, et que cette coloration n’est pas utile, mais qu’elle salit au contraire[3].

Quand beaucoup d’eau se renverse sur la table ou sur le sol, il est rabbiniquement interdit de l’éponger à l’aide d’une serviette, de crainte que, une fois la serviette imbibée de beaucoup d’eau, on ne l’essore, transgressant ainsi un interdit toranique[4]. Dans un tel cas, plusieurs solutions se présentent : 1) se servir de plusieurs serviettes, de manière que chacune d’elles n’épongera qu’un peu d’eau, et qu’il ne sera pas à craindre de l’essorer ; 2) prendre un tissu que l’on n’a pas l’usage d’essorer, même après qu’il est mouillé par beaucoup d’eau (Michna Beroura 301, 172) ; on peut aussi éponger l’eau dans des serviettes en papier absorbantes. 3) Si l’on n’a pas plusieurs serviettes, ni de tissu qu’il n’est pas d’usage d’essorer, on pourra exécuter l’épongeage à deux personnes : on posera d’abord la serviette sur l’eau ; après cela on la recueillera et la posera dans un seau ou quelque autre endroit. En effet, nos sages n’interdisent de prendre un vêtement imbibé de beaucoup d’eau que dans le cas où l’acte est accompli par une seule personne ; mais si deux personnes l’accomplissent ensemble, c’est permis, car si l’une d’entre elles, oublieuse de l’interdit, s’apprête à essorer, l’autre sera là pour lui rappeler que c’est Chabbat (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, note 55, contrairement aux opinions rigoureuses, qui exigent dix personnes, comme nous l’expliquons dans les Har’havot. Cf. infra chap. 15 § 9, la manière permise de nettoyer le sol).

Il est interdit de nettoyer des ustensiles au moyen du type d’éponge habituellement utilisé pour faire la vaisselle, car une telle éponge absorbe l’eau et, tandis qu’on fait la vaisselle, ainsi qu’après la vaisselle, on l’essore nécessairement[c]. En revanche, il est permis de se servir de tampons en plastique dont les fils ne sont pas très serrés, et qui n’absorbent pas l’eau, si bien qu’il n’est pas à craindre d’enfreindre l’interdit d’essorer. La règle applicable aux lingettes humides sera exposée plus loin (chap. 14 § 6).

Si un torchon est tombé dans l’évier, il est permis d’ouvrir le robinet, bien que cela mouille le torchon, car cette humidification ne se fait pas sur le mode du nettoyage de vêtements à lessiver. Si un torchon déjà humide se trouve dans l’évier, il est permis, selon certains, de l’enlever à la main, car on n’exige pas pour cela qu’il soit sec (Or’hot Chabbat 13, 48). Toutefois, en pratique, puisqu’on a l’habitude d’essorer les torchons, il sera bon, si l’on veut l’ôter de l’évier, de le soulever à l’aide d’une fourchette ou d’un couteau. Par cette modification, on se souviendra qu’il faut se garder d’essorer.


[3]. Le Michna Beroura 320, 55 écrit, d’après le Yereïm et le Choul’han ‘Aroukh 320, 20, que, lorsqu’on veut ôter de la table de la boisson colorée qui s’est renversée, on ne l’étalera pas sur la nappe, car on colorerait, ce faisant, d’autres parties de la nappe. Toutefois, l’auteur écrit au paragraphe 59 que certains décisionnaires sont indulgents en tout cela, puisque cet étalement a pour effet de salir la nappe (dérekh likhloukh) ; c’est l’opinion du Radbaz 4, 131, du ‘Hakham Tsvi, du Elya Rabba et d’autres. Certes, le Ben Ich ‘Haï, seconde année, Tetsavé 6, est rigoureux. Mais en cas de nécessité, on peut être indulgent – même si l’on suit l’opinion rigoureuse – car c’est un cas de psiq reicha dont la conséquence n’apporte pas de bénéfice à l’auteur de l’acte, et qui comporte deux éléments de rang rabbinique [sur cette catégorie, cf. supra chap. 9 § 5, note 2]. En effet : a) colorer revient ici à « abîmer » (meqalqel) ; b) on ne colore pas ici de façon habituelle, mais avec un changement (chinouï). Dans une telle circonstance, on est indulgent en cas de nécessité. Le Liviat ‘Hen 92 s’exprime dans un sens proche.

 

[4]. Nous avons vu au paragraphe 3 que l’essorage est une étape du nettoyage et que son interdiction est toranique. Selon la majorité des décisionnaires, l’interdit relatif au nettoyage ne porte que sur l’essorage d’eau, et c’est ce que l’on peut inférer du Choul’han ‘Aroukh 320, 18. Selon Na’hmanide, l’interdit de nettoyer inclut également l’essorage de vin, car le vin nettoie et lessive. Selon le Taz 320, 12, l’essorage de vin rouge n’est pas interdit, tandis que s’il s’agit de vin blanc, s’applique l’interdit du blanchiment.

 

Tout ce que nous avons expliqué jusqu’ici, notons-le bien, se plaçait du seul point de vue de l’interdit du nettoyage, dont l’essorage est une des modalités ; mais l’essorage comporte un autre motif d’interdit : la mélakha du battage (dach), comme dans le cas du pressurage des raisins et des olives, qui est interdit par la Torah. Les Richonim discutent du cas où l’on désire le jus que l’on exprime du vêtement : l’interdit est-il toranique ou rabbinique ? Lorsqu’on n’est pas intéressé par ce jus, tout le monde s’accorde à dire que l’interdit est rabbinique (comme expliqué ci-dessus, chap. 11 § 17 ; cf. Har’havot). Par conséquent, dans le cas de l’essorage du vin, où l’on n’est pas intéressé par le vin, l’interdit est rabbinique. C’est la raison pour laquelle on n’interdit pas de prendre un tissu imbibé de jus, car on ne dresse pas de haie protectrice autour d’interdits rabbinique.

 

[c]. Il n’est pas nécessaire de tordre l’éponge pour que l’essorage soit réalisé : le simple fait de nettoyer les ustensiles en manipulant une éponge a pour effet d’extraire de l’eau de celle-ci.

06. Vêtements de cuir, chaussures et retrait de la boue

Il y a une différence entre des vêtements ordinaires et des vêtements de cuir. Il est interdit de tremper dans l’eau les vêtements ordinaires, faits en fils de laine, de lin ou d’autres textiles, car le trempage les nettoie. En revanche, il est permis de tremper un vêtement de cuir dans l’eau ; ce qui est toraniquement interdit, c’est de le nettoyer véritablement, c’est-à-dire de le frotter fortement. La raison de cette différence tient au fait que, dans les vêtements de textile, l’eau est absorbée et passe parmi les fibres tout en diluant les taches et la saleté ; aussi, dès le moment du trempage, commence le nettoyage. Tandis que la peau n’absorbe pas l’eau facilement, et l’eau ne s’écoule pas à travers elle, si bien qu’elle ne peut dissoudre la saleté qui y est imprégnée. Et bien que le trempage du cuir dans l’eau soit susceptible de dissoudre et d’ôter la saleté qui est attachée à sa surface, cette opération ne retire pas la saleté qui a pénétré à l’intérieur. Mais si l’on nettoie véritablement le cuir, c’est-à-dire qu’on le frotte fortement sur lui-même, ou au moyen d’une brosse ou d’un autre ustensile approprié, la saleté enfouie à l’intérieur partira dans l’eau : c’est ce nettoyage que la Torah interdit.

Par conséquent, si une chose salissante tombe sur un vêtement de cuir, il est permis de rincer celui-ci à l’eau, car le rinçage du cuir ne nettoie que ce qui se trouve en surface. Il est en revanche interdit de frotter l’endroit sali, car ce serait extraire la saleté enfouie à l’intérieur[5].

Quand un vêtement de cuir est mouillé, il est interdit rabbiniquement de l’essorer. Certes, pour les autres vêtements, l’essorage est interdit par la Torah elle-même, parce que l’eau s’en exprime facilement et qu’avec elle sort la saleté, de sorte que l’essorage est un des moyens du nettoyage. Mais quant aux vêtements de cuir, il n’est pas habituel de les essorer dans le cadre des opérations de nettoyage, parce qu’ils ne s’essorent pas facilement, et que l’essorage ne les nettoie pas tellement ; aussi n’est-ce interdit que rabbiniquement (Béour Halakha 302, 9, passage commençant par Assour).

Quand des chaussures de cuir se sont salies au contact de la poussière, il est permis d’en retirer la poussière à la main ou avec une serviette, car la poussière n’est pas incrustée à l’intérieur des chaussures, mais seulement posée sur elles. En revanche, il est interdit de les frotter à la brosse ou avec une serviette pour les faire briller (ce qui enfreindrait l’interdit de racler, mema’heq, cf. ci-après, chap. 18 § 6, ‘Aroukh Hachoul’han 327, 4, Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 40).

Quand de la terre ou de la boue s’est attachée à une chaussure ou à un vêtement, ce serait enfreindre les dispositions rabbiniques relatives à l’interdit de moudre (to’hen) que d’enlever cette terre ou cette boue en l’effritant. Mais s’il est douteux que le retrait de cette matière entraînera son effritement, il devient permis de la retirer. En cas de nécessité, même quand il est certain que cette matière s’effritera, il sera permis de l’ôter en opérant un changement ; par exemple, on retirera la boue de sa chaussure en frappant chaussure contre chaussure, ou l’on retirera la terre de son vêtement en donnant une tape du dos de la main (cf. ci-dessus chap. 12 § 1, note 1).


[5]. Un vêtement de cuir est habituellement souple. Pour un tel vêtement, tout le monde s’accorde à dire que le frottement énergique est interdit par la Torah. Le frotter doucement, tant qu’il est dans l’eau, est également interdit (Michna Beroura 302, 41, Béour Halakha ד »ה אבל ; il n’est pas certain si l’interdit est toranique ou rabbinique). Certains disent qu’un frottement léger est permis (comme l’explique le Tsits Eliézer V 10).

 

Si le cuir est dur, le Béour Halakha (ad loc.) conclut que, selon Rachi et le Ran, il n’y a aucun interdit à le laver, car il est comparable au bois ; mais selon le Rif, Maïmonide et le Roch, le frotter énergiquement est interdit par les sages ; selon le Cheïltot, un frottement énergique est même interdit par la Torah. En pratique, il y a lieu d’être rigoureux, car telle est l’opinion de la majorité des décisionnaires.

07. Nappes et vêtements de nylon, plastique et polyester

L’interdit de nettoyer porte sur des vêtements et tissus qui absorbent la saleté dans leur fibres. Mais les meubles de bois, les ustensiles de plastique, qui n’absorbent pas la saleté, il est permis de les nettoyer à l’eau pour ôter la saleté qui s’y est attachée. D’après cela, il semble qu’il soit permis de nettoyer des nappes faites en toile de plastique ou de nylon : puisque ces toiles sont faites d’une seule pièce, elles n’absorbent pas la saleté, et l’interdit de nettoyer ne s’y applique pas. On trouve un décisionnaire qui tranche en pratique en ce sens (Or lé-Tsion II 24, 6). Mais pour la majorité des décisionnaires, puisque ces toiles servent de matériau pour faire des vêtements et des nappes, il faut être rigoureux et s’abstenir de les frotter énergiquement, comme on le ferait au cours d’une lessive. Toutefois, dans la mesure où elles n’absorbent pas l’eau, il est permis de les rincer, et même de les frotter légèrement (Igrot Moché, Yoré Dé’a II 76, Tsits Eliézer V 10, Yalqout Yossef 302, 22).

Une autre question se pose au sujet des vêtements, nappes ou bas faits de fils synthétiques (polyester). Tous les avis s’accordent à dire qu’il est interdit de les nettoyer en les frottant ou de les essorer, car ce serait les nettoyer de la manière dont on lessive des habits. La question est de savoir s’il est permis de les rincer ou de les tremper dans l’eau. Selon certains, puisque les fils synthétiques eux-mêmes n’absorbent pas la saleté ni l’eau, il est permis de les rincer et de les tremper dans l’eau. Ce n’est que s’il y a également des fils naturels qu’il devient interdit d’exécuter ce trempage (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 7-8). D’autres estiment que, s’agissant même d’un habit dont tous les fils sont synthétiques, il est interdit de le tremper, parce que la salissure est absorbée entre les fils, et qu’au moment du trempage ou du rinçage une partie de cette salissure se dissout et sort du tissu (Or lé-Tsion II 24, 6). Il semble, en pratique, qu’il soit en effet interdit de faire tremper un vêtement ou tissu synthétique.

Il est permis de nettoyer des lentilles de contact, rigides ou souples, car la règle à elles applicable est plus légère que celle qui s’applique aux nappes de plastique, qu’il est permis de frotter doucement ; en effet, en plus du fait que les lentilles n’absorbent pas, elles ne sont pas non plus considérées comme des vêtements ; aussi, les frotter n’est pas regardé comme un lessivage (cf. Har’havot). De même, il est permis de nettoyer une tétine de succion, ou une tétine de biberon, et même de les frotter afin d’ôter la saleté qui y serait attachée. En effet, puisque ces tétines sont en caoutchouc, l’interdit de nettoyer ne s’applique pas au fait d’en enlever la saleté ; et puisque ces tétines ne ressemblent pas à des vêtements, les frotter ne ressemble pas à un acte de lessivage.

08. Ôter des taches ou de la poussière, le Chabbat

Comme nous l’avons vu (§ 3), la partie essentielle du travail de lessivage (mekhabes) se fait à l’aide d’eau ou d’autres matières nettoyantes. Cependant, même quand on ne s’aide pas d’eau, il est interdit d’ôter d’un vêtement des taches en les frottant, à la manière dont on s’occupe de nettoyage. En revanche, il est permis d’ôter la tache en apportant une modification à la procédure. Simplement, il existe deux types de tache : les taches légères et les taches importantes. Il est permis d’ôter les taches légères en imprimant à l’acte un changement léger ; quand les taches sont plus importantes, il est permis, en cas de nécessité, de les enlever en modifiant entièrement le procédé. Voyons la question plus en détail :

Une tache légère est une tache telle que celui qui porte le vêtement ne s’empêcherait pas, d’ordinaire, de sortir ainsi taché. Nos sages ont interdit d’ôter une telle tache en frottant à la manière dont on frotte habituellement un vêtement, quand on fait une lessive manuelle. Mais tant qu’on ne frotte pas de cette manière, cela reste permis. Par conséquent, il est permis d’enlever la tache en grattant une fois, de l’ongle ou au couteau. Si l’on attend quelques secondes, ou pourra gratter la tache une deuxième fois car, tant que l’on attend d’un grattage à l’autre, on ne semble pas frotter le vêtement à la matière dont on fait la lessive. De même, il est permis d’ôter cette tache en faisant passer une fois un torchon sec ou un mouchoir ; si besoin est, après une interruption de quelques secondes, il sera permis de le refaire passer sur le vêtement car, tant que l’on ne frotte pas continument, on n’ôte pas la tache de la façon dont on frotte pendant une lessive.

Si la tache est d’une importance telle que celui qui porte le vêtement a habituellement soin de ne pas sortir ainsi taché, il est interdit de la retirer en grattant ou en passant un chiffon, car c’est de cette manière que l’on ôte habituellement de telles taches durant la semaine. Certains Richonim estiment que l’interdit est toranique. Mais si l’on modifie totalement le procédé, les décisionnaires discutent s’il est rabbiniquement interdit de retirer la tache. En cas de nécessité, on s’appuie sur l’opinion indulgente. Par conséquent, en cas de nécessité, il est permis de retirer la tache en modifiant entièrement la manière de procéder, par exemple en se frottant le corps sur une porte, une armoire ou un lit, à l’endroit où se trouve la tache. On peut encore se masser à l’endroit de la tache, de manière qu’il n’y ait plus aucune ressemblance avec la manière normale de frotter une tache pour nettoyer le vêtement. Si la tache est épaisse, on peut en enlever la plus grande partie en grattant de l’ongle ou du couteau, ou en frottant avec un torchon, à condition de ne pas en retirer la totalité de cette manière. Quant au reste de la tache, on l’enlèvera par une modification entière du procédé.

Si son vêtement s’est sali avec de la poussière, il est interdit de retirer la poussière de la façon habituelle, en secouant le vêtement, en le battant ou en le frottant ; mais il est permis de donner une chiquenaude sur le vêtement, car cela constitue un changement substantiel. Si un canapé s’est sali avec de la poussière, il est permis de le tapoter pour en retirer la poussière, car un canapé n’est pas considéré comme un vêtement avec lequel on aurait honte de sortir, si bien que le débarrasser de sa poussière n’est pas assimilé à un lessivage. Mais frotter le canapé comme on le ferait d’un tissu à lessiver est interdit.

Si une saleté est posée sur un vêtement, sans lui être en rien attachée, l’interdit de nettoyer ne s’applique pas au fait d’enlever cette saleté. Aussi est-il permis d’ôter d’un vêtement une plume, des fibres de coton agglutinés superficiellement, un fil ou de semblables choses (Rama 302, 1, Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 33)[6].


[6]. On trouve, à la base de cette halakha, deux sources fondamentales. La première est Chabbat 141a : « Rav Kahana a dit : “Quand on a de la boue sur son vêtement, on le frotte de l’intérieur et non de l’extérieur.” » L’interdit est rabbinique, et s’explique par la ressemblance entre le frottement et un acte de lessivage. Le même traité, page 140a, explique qu’il est interdit de frotter un mouchoir pour le lustrer. Le Choul’han ‘Aroukh 302, 5 et 7 tranche en ce sens. Les A’haronim discutent le cas d’une tache qu’il faudrait gratter plusieurs fois du couteau ou de l’ongle pour l’ôter entièrement. Selon le Taz 302, 6, le grattage n’est pas comparable à un acte de lessivage, et est donc permis. Selon le Michna Beroura 302, 36, Béour Halakha 302, 7 ד »ה דהוי, c’est interdit, et c’est à cette opinion qu’on a l’usage de se conformer. Toutefois, si l’on s’interrompt entre chaque mouvement de grattage, cela n’est plus comparable à un acte de nettoyage.

 

Seconde source : les Richonim débattent quant au fait de savoir s’il est permis de secouer un vêtement noir neuf, qui s’est sali avec de la poussière, et dans lequel on a soin de ne pas s’exhiber tant que la poussière s’y trouve. Selon Tossephot, Rabbénou Tam, le Roch, le Maguid Michné au nom du Rachba, le Ran, le Mordekhi et le Raavad, c’est permis, car l’interdit toranique de laver ne s’applique pas, tant qu’il n’y a pas de matière nettoyante, telle que l’eau ou une semblable matière. Selon l’auteur du Halakhot Guedolot, Rabbénou ‘Hananel, Rachi, le Or Zaroua’, le Séfer Yereïm, la Terouma et le Chibolé Haléqet, c’est un interdit toranique : puisque la poussière dérange le propriétaire du vêtement au point qu’il n’a pas l’usage de sortir ainsi vêtu, le nettoyer de sa poussière est considéré comme un acte de lavage ; et puisqu’on a l’habitude d’ôter la poussière en secouant le vêtement, un tel secouement est toraniquement interdit. La règle est la même pour une tache telle que le propriétaire du vêtement aurait soin de ne pas sortir ainsi vêtu : selon cette opinion rigoureuse, l’enlever par frottement, à la façon dont on procède usuellement les jours de semaine, est un interdit toranique (cf. Cha’ar Hatsioun 302, 41, Béour Halakha 302, 1 ד »ה עלה).

 

Néanmoins, dans le Talmud (Chabbat 147a), il est précisé que l’interdit de secouer un vêtement existe uniquement quand ce vêtement est noir, neuf, et que son propriétaire en a particulièrement soin. C’est ce que décident en pratique le Choul’han ‘Aroukh Harav 302, 1, le Qitsour Choul’han ‘Aroukh 116 et le Badé Hachoul’han 3. Mais le Béour Halakha 302, 1 ד »ה עלה écrit que, dans le cas d’un vêtement noir et neuf, tout le monde a l’habitude d’être particulièrement soigneux ; et que, pour les autres vêtements, si, en pratique, celui qui les porte est habituellement pointilleux bien qu’ils ne soient pas noirs ni neufs, il sera, selon les avis rigoureux, toraniquement interdit de les nettoyer.

 

En pratique, le Choul’han ‘Aroukh 302, 1 suit la majorité des Richonim, indulgents, et telle est la position du Yalqout Yossef 302, 10, qui précise toutefois qu’il est bon d’ôter la poussière en changeant le procédé. Le Rama 302, 1 écrit qu’il est bon d’être rigoureux. Pour le Elya Rabba, il est pleinement nécessaire d’être rigoureux, puisque de nombreux Richonim le sont, et qu’il s’agit d’un doute en matière toranique. C’est en ce sens que se prononcent le Michna Beroura 302, 6, le Ben Ich ‘Haï, seconde année, Vaye’hi 8 et le Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 26-30. Toutefois, le Or lé-Tsion II 24, 1 estime que, bien qu’il convienne de tenir compte de l’opinion rigoureuse, il y a lieu, pour l’honneur dû aux créatures, d’être indulgent en permettant de retirer la poussière ou la tache avec un changement de procédé, car alors la controverse est seulement rabbinique. Aussi, dans le cas d’un vêtement qui s’est sali avec de la poussière, le changement consistera dans le fait d’ôter la poussière par une chiquenaude.

 

Revenons à la question de la tache sur laquelle le porteur de l’habit est, d’ordinaire, pointilleux. Puisque, les jours de semaines, on a également l’usage de l’ôter en grattant, les tenants de l’opinion rigoureuse estiment que ce grattage est interdit toraniquement. Par conséquent, en cela, il faut être rigoureux, puisque nous sommes en présence d’un doute portant sur un interdit toranique (cf. Béour Halakha 302, 1 ד »ה עלה, qui se réfère à l’auteur du Halakhot Guedolot, et Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 27). Mais si l’on opère un changement complet, par exemple en se frottant le corps contre une porte à l’endroit de la tache, les tenants de l’opinion rigoureuse eux-mêmes estimeront que l’interdit est rabbinique, tandis que les tenants de l’opinion indulgente estimeront la chose permise, puisqu’il ne s’agit pas de frotter comme on le fait d’une lessive. On pourra donc s’appuyer sur ces derniers, puisqu’ils constituent la majorité des décisionnaires, que la controverse est alors rabbinique et que la chose touche à l’honneur dû aux créatures. Si l’on ne retire qu’une partie de la tache, on pourra la retirer par un mouvement unique de grattage ou d’essuyage, puisque la manière n’est pas semblable à un acte de nettoyage des jours de semaine. Après cela, on ôtera le reste de la tache en apportant au procédé un changement complet.

09. Plier son talith le Chabbat et autres règles

Nos sages ont interdit, le Chabbat, de plier des vêtements de façon précise, car le pliage permet de conserver le caractère du vêtement : ainsi plié, le vêtement tombera bien sur le corps, ne se froissera pas. Aussi le pliage ressemble à une « réparation » (tiqoun), à un arrangement apporté au vêtement. Il ne sera permis de plier, pendant Chabbat, qu’un habit neuf et blanc, que l’on peut plier seul, sans l’aide d’autrui, et que l’on plie afin de le revêtir ce même Chabbat parce que l’on n’en a pas d’autre (Chabbat 113a). D’après cela, certains décisionnaires ont interdit de plier son talith (châle de prière) après la prière, puisque l’on n’a pas l’intention de le remettre durant le même Chabbat. Et si le talith n’est pas neuf, il y a un autre motif d’interdit : le pliage y serait plus significatif[d] (‘Hayé Adam 44, 24). Tel est l’usage d’une partie de ceux qui sont pointilleux.

Face à cela, une partie des Richonim (Or’hot ‘Haïm) estiment que le pliage interdit par les sages du Talmud n’est plus du tout en usage de nos jours. Jadis, on se servait d’une presse à habits pour fixer nettement les pliures du vêtement, et l’on avait l’habitude de réaliser le pliage à deux. C’est pourquoi, quand les sages ont permis de plier un talith blanc et neuf, ils ont émis la condition qu’une seule personne exécutât l’opération. Le pliage que nous faisons de nos jours, en revanche, n’est pas très significatif, et n’est pas vu comme une « réparation » apportée au vêtement, si bien qu’il est permis de plier son talith dans ses plis habituels, après la prière. Il n’y a pas non plus lieu de craindre que l’on réalise, par-là, une préparation, pendant Chabbat, destinée aux jours de semaine ; car de même qu’il est permis de ranger, pendant Chabbat, le canapé du salon, bien que l’on n’ait pas l’intention de s’y asseoir, au seul motif que le désordre du canapé atteint à l’honneur du Chabbat, de même est-il permis de plier son talith en l’honneur du Chabbat. De plus, il faut tenir compte de l’honneur dû au talith lui-même, objet consacré à une mitsva, en ne le laissant pas déplié. C’est en ce sens que se prononcent plusieurs des grands A’haronim, lesquels autorisent à plier son talith de la manière habituelle (cf. Kaf Ha’haïm 32 au nom du Yafé Lalev, ‘Aroukh Hachoul’han 302, 12, Or lé-Tsion II 24, 3).

Il existe une opinion intermédiaire, qui est celle de la majorité des décisionnaires, selon laquelle il est permis de plier son talith, mais non dans ses plis originels. En effet, l’interdit de plier les vêtements le Chabbat ne s’applique que lorsqu’on les plie suivant leurs plis permanents ; mais si le pliage ne suit pas exactement les plis formés par le repassage, le pliage ne ressemble pas à une mélakha, est n’est pas interdit. Telle est la position principale en halakha (Choul’han ‘Aroukh 302, 3, Michna Beroura 302, 18, Ben Ich ‘Haï, seconde année, Vaye’hi 13, Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 49, Ye’havé Da’at II 40). Il faut signaler qu’en pratique les taliths que nous achetons de nos jours sont repassés de manière telle qu’il est difficile de les plier exactement selon leurs plis originels ; par conséquent, il est permis de plier son talith de façon habituelle après la prière, puisque l’on ne suit pas tous les plis repassés qui s’y trouvent.

Il est permis de redresser, pendant Chabbat, un chapeau qui a été écrasé, car il s’agit d’une correction très légère, qui n’est pas considérée comme une réparation vestimentaire (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 50).

Les décisionnaires discutent s’il est permis de plier du papier suivant des formes particulières, bateau, avion, ou encore d’agencer les serviettes de table suivant des formes particulières. Si l’on veut être indulgent, on y est autorisé, et si l’on est rigoureux, on sera béni pour cela. Le pliage artistique (comme l’est l’origami) est interdit (cf. ci-après, chap. 15 § 7).


[d]. On plie son talith pour qu’il se maintienne en bon état, qu’il ne se froisse pas ; l’influence du pliage sera plus grande si le talith n’est pas neuf.

10. Coudre (tofer)

La mélakha de coudre (tofer) consiste à joindre l’un à l’autre des tentures, des tissus, de même que nos pères cousirent les tentures du Tabernacle. Par la mélakha de coudre, on joint l’une à l’autre des choses souples, tandis que, par la mélakha de construire (boné), on joint des choses rigides.

Toute personne qui coud, ne seraient-ce que deux points, pour peu qu’elle le fasse de manière que la couture tienne fermement, transgresse l’interdit toranique de coudre (tofer). Si l’on coud d’une façon telle que la couture ne saurait être durable, c’est un interdit rabbinique que l’on transgresse (Chabbat 74b, Michna Beroura 340, 27).

De même, il est interdit de tirer sur le fil d’une couture qui a commencé à se découdre. Si cette traction a pour effet de rendre durable la couture, l’interdit est toranique ; si la couture ne peut se maintenir que peu de temps, l’interdit est rabbinique (Chabbat 75a, Choul’han ‘Aroukh 340, 6). Dans le même sens, quand la couture d’un bouton s’est relâchée, il est interdit d’en tendre le fil pour le resserrer (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 71).

Il est permis de joindre les pans d’un vêtement l’un à l’autre en utilisant ses boutons, boutonnières, fermetures éclair[7], boutons-pression, bandes Velcro. Même quand on a l’intention de les laisser fermés longtemps, ce n’est pas interdit. En effet, ces liens sont par nature destinés à être ouverts et fermés, et les notions de couture et de déchirure ne s’appliquent pas à ce simple fait, de même que les interdits de construire ou de détruire ne s’appliquent pas au fait de fermer une fenêtre ou de l’ouvrir.

De même, il est permis de tirer sur le ruban enfilé dans un chapeau ou la ceinture passée dans un manteau afin de les resserrer, car ce n’est pas sur le mode de la couture que l’on accomplit ce geste, mais sur le mode de l’utilisation du vêtement. De plus, le ruban, la ceinture qui y sont enfilés ne l’ont pas été à la manière dont on coud, car la place dont ils disposent leur laisse beaucoup de jeu. Dans le même ordre d’idées, il est permis de tendre le lacet enfilé dans la coulisse d’un vêtement, pour le resserrer (cf. Choul’han ‘Aroukh 340, 7).

Il est permis de joindre les deux pans d’un vêtement à l’aide d’une épingle de sûreté, car une telle jonction ne ressemble pas à de la couture. Certains décisionnaires sont cependant rigoureux en la matière ; mais la halakha est conforme à l’opinion indulgente. Toutefois, ceux qui s’abstiennent d’attacher une épingle de sûreté pour une longue durée seront bénis pour cela. Mais il est permis d’attacher une broche décorative à son vêtement, même pour une longue durée, car cet accessoire n’est pas fait pour joindre deux morceaux de tissu l’un à l’autre.

De même que la Torah interdit de coudre, de même elle interdit de coller : coller (madbiq) constitue un dérivé de la mélakha de coudre (tofer). Il est donc interdit de coller des papiers ou des morceaux de tissu l’un à l’autre. Si le collage se maintient longtemps, l’interdit est toranique ; s’il ne se maintient que peu de temps, l’interdit est rabbinique (cf. Cha’ar Hatsioun 303, 68).

Dans le même sens, la Torah interdit de joindre des papiers à l’aide d’une agrafeuse, car l’agrafe joint les feuilles en perçant deux trous, ce qui est assimilé à une couture durable de deux points. En revanche, il est permis de joindre des feuilles au moyen d’un trombone, car celui-ci assemble les feuilles de manière extérieure, sans les relier de l’intérieur.


[7]. Il est interdit de réparer une fermeture éclair qui s’est détériorée, car ce serait enfreindre l’interdit de réparer un ustensile (tiqoun keli). Si la fermeture éclair n’est pas entièrement cassée, et qu’elle se répare d’elle-même quand on l’ouvre et qu’on la ferme, c’est permis (Chemirat Chabbat Kehilkhata 15, 78).

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