Pniné Halakha

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Chapitre 24 – Règles applicables au mineur

01. La mitsva d’éducation

C’est une mitsva toranique que d’enseigner la Torah aux enfants, comme il est dit : « Vous les enseignerez (vé-limadtem otam) à vos enfants » (Dt 11, 19). Or le propos premier de l’étude, c’est de garder et d’accomplir tous les enseignements de la Torah, ainsi qu’il est dit : « Vous les[a] apprendrez (ou-lmadtem otam), et vous les garderez pour les accomplir » (Dt 5, 1). Aussi nos sages disent-ils que, conjointement à la mitsva d’enseigner la Torah aux enfants, nous avons l’obligation de les éduquer à l’accomplissement des commandements ; comment serait-il en effet possible de leur enseigner les mitsvot de la Torah sans les habituer à les observer en pratique ? C’est donc une obligation toranique que d’enseigner la Torah aux enfants, et de les habituer, de manière générale, à l’observance des mitsvot. Toutefois, les habituer à l’accomplissement en acte de chaque mitsva n’est qu’une obligation rabbinique.

À partir de quel âge éduque-t-on l’enfant à accomplir les commandements « positifs » (mitsvot ‘assé)[b] ? À partir du moment où il est capable de comprendre la mitsva dans ses aspects généraux, et de l’accomplir conformément à la halakha, chaque mitsva selon sa complexité et les difficultés de son exécution. Par exemple, s’agissant de la mitsva de porter les franges rituelles (tsitsit), on y éduque le petit garçon dès qu’il sait s’envelopper dans le talith auquel sont fixés les tsitsit, puis disposer deux tsitsit devant lui et les deux autres derrière, enfin réciter la bénédiction correspondante. En revanche, s’agissant de mettre les téphilines, dans la mesure où il faut veiller à accomplir cette mitsva en étant propre de corps, et prendre soin de ne pas en distraire sa pensée, ce n’est qu’à l’approche de la bar-mitsva que l’on commence à éduquer les garçons à son accomplissement (Souka 42a, Michna Beroura 343, 3). Si nos maîtres disent que l’âge de l’éducation se situe approximativement à six ou sept ans, c’est parce qu’à cet âge on commence à enseigner aux enfants la Torah de manière plus approfondie, de sorte que c’est aussi à partir de cet âge qu’ils peuvent commencer à pratiquer la majorité des mitsvot conformément à la halakha. De même, en matière de bénédictions et de prières, l’âge de l’éducation se situe entre six et sept ans, car alors la majorité des enfants peuvent commencer d’apprendre à réciter ces textes comme il convient. Toutefois, on commence à les habituer à réciter les bénédictions et à prier quelque peu vers l’âge de trois ans, de même que l’on commence à leur enseigner un peu de Torah depuis l’âge de trois ans (Baba Batra 21a, Souka 42a, Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 245, 5).

De la même façon, on commence à habituer les enfants à entendre le Qidouch et la Havdala dès l’âge de trois ans. Quand ensuite l’enfant comprend la notion de Chabbat et peut participer au Qidouch et à la Havdala conformément à la halakha, on veille à ce qu’il écoute leur récitation comme il convient. S’il n’est pas présent au moment où l’on récite le Qidouch ou la Havdala, il accomplira lui-même ces mitsvot.


[a]. Dans les deux versets, le complément d’objet direct otam (« les ») se rapporte aux commandements. La tradition rabbinique l’interprète comme se rapportant aux enseignements de la Torah dans leur ensemble.

[b]. Mitsvot ‘assé : obligations de faire (mitsvot « positives »), par opposition aux mitsvot lo ta’assé, obligations de ne pas faire, ou interdits (mitsvot « négatives »).

02. L’éducation aux mitsvot « négatives » (mitsvot lo ta’assé)

C’est une mitsva que d’habituer l’enfant à s’abstenir des interdits, dès qu’il commence à comprendre qu’il y a des choses permises et des choses interdites. Il ne suffit pas qu’il comprenne qu’il doit s’arrêter de faire ce qu’il fait lorsqu’on lui dit « non » ; il faut encore qu’il comprenne que telle chose est interdite de façon permanente. La plupart des petits enfants commencent à comprendre cela vers l’âge de trois ans ; à partir de ce moment, si l’on voit que l’enfant fait une chose interdite, par exemple s’il mange de la viande non cachère, ou un mélange de viande et de lait, ou s’il allume la lumière pendant Chabbat, on doit l’en détourner (Michna Beroura 343, 3). Puis, quand il parvient à l’âge de l’éducation, c’est-à-dire à l’âge où l’on commence à lui enseigner la Torah (à six ou sept ans), on commence également à lui expliquer plus à fond les principes des interdits, afin qu’il puisse les observer conformément à la halakha.

Si l’enfant n’est pas encore âgé de trois ans, il n’est pas obligatoire de commencer à l’éduquer à s’abstenir des interdits. Si donc l’enfant trouve des aliments interdits et veut les manger, il n’est pas obligatoire de l’en empêcher ; s’il veut allumer la lumière ou l’éteindre pendant Chabbat, ou qu’un enfant Cohen (prêtre) entre dans un lieu rituellement impur, il n’est pas non plus obligatoire de l’en empêcher, puisqu’il ne comprend pas l’interdit.

Toute cette indulgence ne vaut que lorsque le petit enfant accomplit l’interdit de lui-même ; mais si l’adulte le fait trébucher en lui faisant commettre des interdits, même s’il s’agit d’un nouveau-né, l’adulte transgresse un interdit de la Torah. En effet, la Torah ordonne de ne point faire commettre d’interdits aux enfants ; par exemple, de ne point leur faire manger d’insectes ni de sang, ni de rendre impur un petit Cohen (Yevamot 114a, Michna Beroura 343, 4). S’agissant même d’aliments interdits rabbiniquement, il est interdit à l’adulte d’en nourrir l’enfant (Choul’han ‘Aroukh 343, 1).

En revanche, il n’est pas interdit de donner au petit enfant une chose dont il pourrait peut-être faire un usage interdit : par exemple de lui donner du papier pendant Chabbat, bien qu’il soit fort possible qu’il le déchire ou qu’il en efface des lettres. En effet, lui mettre du papier en main n’est pas considéré comme un ordre de le déchirer ; tandis que mettre un aliment non cachère entre les mains d’un petit enfant est considéré comme le fait de le nourrir directement, puisque telle est la manière de nourrir un petit (Maguen Avraham, Michna Beroura 340, 14).

S’agissant des travaux interdits le Chabbat, il y a un motif supplémentaire d’interdit : la Torah nous ordonne de ne pas réaliser de travail par le biais des enfants, comme il est dit : « Mais le septième jour est le Chabbat en l’honneur de l’Eternel ton Dieu. Tu ne feras aucun travail, toi, ni ton fils, ni ta fille… » (Ex 20, 10). Par conséquent, quand un enfant allume la lumière parce qu’il pense que ses parents le veulent, et que les parents, le sachant, ne s’y opposent pas, les parents transgressent l’interdit toranique d’exécuter un travail par le biais de son enfant, en plus de ne pas accomplir la mitsva d’éducation, qui a rang rabbinique. Si l’enfant allume la lumière pour un autre Juif, qui, bien qu’il ait compris l’intention de l’enfant, ne s’oppose pas à cette transgression, l’adulte Juif transgresse un interdit rabbinique (Cha’ar Hatsioun 334, 54).

Nous l’avons vu, il est interdit à un adulte de nourrir un enfant d’aliments non cachères. Mais si un enfant a faim ou soif avant le Qidouch ou la Havdala, ou encore un jour de jeûne, il est permis de lui donner à manger et à boire, même s’il est déjà parvenu à l’âge de l’éducation. Car l’interdit ne porte que sur le fait de donner à l’enfant des aliments qui, intrinsèquement, sont non cachères ; mais si, en eux-mêmes, les aliments sont cachères, et que seul le moment ne convienne pas à la consommation, il est permis, lorsque l’enfant a faim ou soif, de lui donner à manger ou à boire (Michna Beroura 269, 1 ; cf. ci-dessus 6, 9).

03. À qui incombe l’obligation d’éduquer et d’empêcher une transgression

Selon certains auteurs, la mitsva d’éducation (‘hinoukh) incombe au même titre au père et à la mère (Teroumat Hadéchen). Mais pour la majorité des décisionnaires, c’est seulement le père qui a l’obligation d’éduquer ses enfants aux mitsvot, c’est-à-dire de s’opposer chaque fois qu’ils enfreignent un interdit, et d’exiger d’eux d’accomplir les mitsvot « positives ». Cette obligation découle de celle d’enseigner la Torah à ses enfants, qui, elle aussi, échoit au père. Il est certain que la mère, elle aussi, a une mitsva générale d’éduquer ses enfants à la Torah et aux mitsvot, puisque la mitsva d’amour d’autrui et d’exigence de la vérité oblige toute mère à instruire ses enfants à s’attacher à la sainte Torah, et à garder ses commandements. Toutefois, la responsabilité d’une éducation minutieuse à l’étude de la Torah et à la pratique des mitsvot repose sur le père (Rabbénou Yits’haq, Maharam, Hagahot Maïmoniot). Quand il n’y pas de père présent pour assurer ce rôle éducatif – cas dans lequel le père est mort, ou a quitté la maison –, c’est à la mère d’éduquer minutieusement ses enfants à l’observance de la Torah et des mitsvot (Elya Rabba 640, 4, Kaf Ha’haïm 343, 9).

Par conséquent, si un enfant parvenu à l’âge de l’éducation – six ou sept ans – est affairé à ses jeux et ne veut pas venir écouter le Qidouch ou la Havdala, ou encore réciter le Birkat hamazon (actions de grâce après le repas), le père a l’obligation d’insister pour qu’il vienne, afin de l’y éduquer. La mère, quant à elle, est autorisée à fermer les yeux quelquefois, afin de préserver la bonne ambiance de la maison. Mais si le père est décédé ou a quitté la maison, la mère doit le remplacer et veiller à ce que les enfants s’accoutument aux mitsvot[1].

Lorsque les parents négligent d’éduquer leur enfant, et qu’ils n’interviennent pas quand il transgresse un interdit de la Torah, le tribunal rabbinique (beit din) ou les représentants communautaires responsables de l’éducation doivent réprimander le père. Mais si les parents négligent d’éduquer l’enfant à une mitsva rabbinique, il n’est pas nécessaire de réprimander le père.

Dans le cas où l’on a vu l’enfant de son prochain (parvenu à l’âge de l’éducation, six ou sept ans) commettre une transgression, par exemple profaner le Chabbat ou manger des aliments interdits, les décisionnaires sont partagés sur la conduite à tenir. Certains estiment que seul le père a l’obligation d’éduquer ses enfants, tandis que les tiers n’ont pas d’obligation de les écarter de l’acte interdit (Maïmonide, Choul’han ‘Aroukh 343, 1). D’autres pensent que tous les Juifs ont l’obligation d’empêcher les enfants, dès lors qu’ils ont atteint l’âge de l’éducation, de commettre des interdits (Tossephot, Roch, Rama). Plusieurs A’haronim décident, en pratique, que si l’adulte voit l’enfant enfreindre un interdit toranique – par exemple s’il veut allumer la lumière ou nettoyer son vêtement pendant Chabbat, ou manger des aliments interdits par la Torah –, on a l’obligation de l’en empêcher. Mais si on le voit transgresser un interdit rabbinique – par exemple s’il veut manger du poulet avec du lait, ou jouer avec du mouqtsé pendant Chabbat –, il n’est pas nécessaire de l’en empêcher (‘Hayé Adam, Michna Beroura 343, 7). Il semble toutefois que, si l’enfant enfreint l’interdit de façon répétée, quoiqu’il s’agisse seulement d’un interdit rabbinique, il est juste d’en informer ses parents.

Si un enfant est sur le point de nuire à autrui, physiquement ou matériellement, c’est une obligation que de l’arrêter, afin d’éviter qu’il ne cause un dommage. En effet, c’est une mitsva que de rendre à autrui un objet perdu, comme il est dit : « Tu le lui rendras » (Dt 22, 2) ; à plus forte raison devons-nous empêcher qu’un dommage ne frappe ses biens. De même, la Torah nous enseigne : « Ne sois pas indifférent au sang de ton prochain » (Lv 19, 16) ; or ce principe, nous apprennent nos sages, inclut également l’obligation de préserver ses biens (Sifra).

Il faut insister sur le fait que la mitsva d’éducation doit être pratiquée d’une manière qui soit recevable au cœur de l’enfant. Aussi ne faut-il pas l’obliger, dès qu’il arrive à l’âge de six ou de sept ans, à pratiquer tout de suite l’ensemble des mitsvot, à dire toutes les prières parfaitement. C’est bien pour cela qu’existent les années d’enfance, durant lesquelles l’enfant s’habitue progressivement à l’observance des mitsvot et à la récitation des prières, jusqu’à son accession à l’âge de la bar-mitsva, âge auquel il sera capable d’observer les mitsvot avec plénitude.


[1]. Tous les décisionnaires s’accordent à dire que la mère doit, elle aussi, éduquer ses enfants à la Torah et aux mitsvot, car le fait que l’enfant puisse à son tour s’attacher à la Torah et aux mitsvot est l’une des modalités du commandement d’amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18). La mère y est également obligée au titre de la mitsva de réprimande : « Reprends ton prochain » (ibid. 17), ce que nos sages commentent : « Quiconque a la possibilité de protester contre les manquements des membres de sa famille et ne le fait point, sera sanctionné pour leurs fautes » (Chabbat 54b).

 

Toutefois, l’obligation d’enseigner la Torah aux enfants incombe, de par la Torah même, au père ; s’il ne veut pas exercer sa responsabilité, le tribunal rabbinique l’oblige à payer pour l’instruction de ses enfants (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 245, 4). Si le père n’a pas d’argent, il a l’obligation de vendre jusqu’à ses vêtements ou de faire la quête pour permettre à ses enfants d’étudier la Torah ; tandis que la mère n’a pas une telle obligation.

 

Puisque c’est au père d’enseigner la Torah à ses enfants, c’est également à lui de veiller à l’observance individuelle et minutieuse des mitsvot par ceux-ci. Nous voyons donc que le père a un rôle plus strict que la mère, dans l’éducation à l’observance méticuleuse des mitsvot, tandis que la mère a un rôle plus général, consistant à affermir le lien positif de l’enfant à la Torah et aux mitsvot. C’est ce que vise le verset des Proverbes (1, 8) : « Ecoute, mon fils, la morale de ton père, et n’abandonne pas la Torah de ta mère. » Dans le même ordre d’idées, le Gaon de Vilna, dans son commentaire des Proverbes (20, 20), écrit : « Le père enseigne la Torah au fils, tandis que la mère le guide dans l’accomplissement des mitsvot et dans la garde du droit chemin » (cf. Berakhot 17a).

 

Mais quand le père est absent, la mère a l’obligation de le remplacer, en vertu de la mitsva « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », de la mitsva de bienfaisance (tsédaqa), ainsi que de celle de réprimande, « reprends ton prochain » (cf. Elya Rabba 640, 4, Kaf Ha’haïm 343, 9). De même, il existe des familles où il est plus facile à la mère de remplir le rôle de guide pointilleux, et où cela est difficile au père. En ce cas, c’est une mitsva pour la mère de remplir également la mission d’éducation pointilleuse à la Torah et aux mitsvot.

04. L’interdit d’allumer et d’éteindre la lumière par le biais d’un enfant

Lorsqu’un enfant voit que la lumière s’est éteinte, et qu’il comprend qu’il serait bon, aux yeux de ses parents, qu’il leur rallume la lumière, les parents ont l’obligation de s’y opposer. Nous avons vu, en effet, que les parents ont l’obligation d’éduquer l’enfant à l’accomplissement des mitsvot et, à ce titre, de l’empêcher de commettre des interdits. Même si l’enfant n’a pas encore trois ans, âge à partir duquel on commence à apprendre aux enfants à s’abstenir de la transgression, la règle est plus sévère ici, car il s’agit de Chabbat. Tant que l’enfant comprend qu’il y a à cet allumage une utilité pour ses parents, on considère qu’il exécute la mélakha pour eux, et ils doivent l’en empêcher, comme il est dit : « Mais le septième jour est le Chabbat en l’honneur de l’Eternel ton Dieu ; tu ne feras aucun travail, toi, ni ton fils, ni ta fille » (Ex 20, 10), d’où il ressort qu’il nous est interdit d’accomplir une mélakha par l’intermédiaire des enfants. Quand c’est chez les voisins de l’enfant que la lumière s’est éteinte, et que l’enfant vient leur allumer la lumière, les voisins ont également l’obligation de s’opposer à ce qu’il fasse une mélakha pour eux.

De même, si un incendie se déclare pendant Chabbat, et qu’un mineur veuille l’éteindre, que l’incendie ait lieu chez ses parents ou chez un tiers, il faut l’en empêcher : puisque le mineur comprend que les adultes veulent que l’incendie s’éteigne, cela reviendrait à exécuter la mélakha pour eux, si bien que les adultes doivent s’y opposer (Chabbat 121a, Choul’han ‘Aroukh 334, 25, Michna Beroura 66). À plus forte raison est-il interdit de demander explicitement à l’enfant d’allumer la lumière ou d’éteindre l’incendie. Nous avons vu, en effet, qu’il est interdit à un adulte de faire commettre un interdit à un enfant (Yevamot 114a)[2].

Dès lors, on peut comprendre que, si un enfant a éteint la lumière par erreur pendant Chabbat, il est interdit de le gronder dans le but qu’il comprenne de lui-même qu’il doit « réparer » son acte en rallumant la lumière. En effet, même si l’enfant voulait rallumer la lumière de lui-même, pour ses parents, on aurait l’obligation de l’en empêcher.

Si un enfant a accompli, par erreur, une mélakha interdite le Chabbat, par exemple en allumant la lumière : dans le cas où il l’a fait pour les besoins d’un adulte, il est interdit de tirer profit de la mélakha – dans notre cas, de la lumière – pendant Chabbat ; dans le cas où il l’a fait pour lui-même, il est permis d’en profiter (Béour Halakha 325, 10, passage commençant par Eino Yehoudi).


[2]. Si l’adulte demande à l’enfant de faire une mélakha ou de transgresser tout autre interdit toranique, il enfreint en cela une défense toranique, car la Torah interdit de faire commettre une faute à l’enfant. Si l’adulte lui demande d’accomplir un travail interdit rabbiniquement, il enfreint par là un interdit rabbinique (Yevamot 114a, Choul’han ‘Aroukh 343, 1).

 

S’agissant du Chabbat, il y a un facteur supplémentaire de gravité car, même si l’adulte ne demande pas à l’enfant de commettre un interdit à son intention, dès lors que l’enfant exécute la mélakha pour venir en aide à l’adulte et que celui-ci ne l’en empêche pas, l’adulte enfreint un interdit de la Torah s’il est le père de l’enfant, ou un interdit rabbinique s’il est un tiers (Cha’ar Hatsioun 334, 54). Aussi, dans les cas où il est permis de demander à un enfant l’exécution d’un acte rabbiniquement interdit – cas exposés au prochain paragraphe –, il est préférable de le demander à un enfant qui ne soit pas le sien.

05. Autorisations en cas de nécessité pressante

Il arrive que, dans une situation d’ardente nécessité (cha’at had’haq), il soit permis de demander à un enfant de faire un acte rabbiniquement interdit. Mais s’il s’agit d’un acte que la Torah elle-même interdit, il est en tout état de cause défendu de demander à l’enfant de l’accomplir, car la Torah nous a mis en garde contre le fait de conduire un enfant à transgresser un interdit. De plus, elle nous met en garde spécifiquement quant à la mitsva du Chabbat : « Tu ne feras aucun travail, toi, ni ton fils, ni ta fille » (Ex 20, 10). Précisons d’abord dans quels cas il est permis de demander au mineur de passer outre à un interdit rabbinique.

Selon le Rachba et le Ran, il est permis de demander à un enfant d’accomplir un travail interdit rabbiniquement, si c’est pour les propres besoins de l’enfant. Bien que la majorité des Richonim (Maïmonide, Tossephot, Choul’han ‘Aroukh 343, 1) l’interdisent, on s’appuie en cas de nécessité pressante sur les avis indulgents (Rabbi Aqiba Eiger, Béour Halakha 343, 1, passage commençant par Midivré). Par conséquent, si l’on a par erreur allumé la lumière dans la chambre de l’enfant, et que celui-ci ait du mal à dormir de cette façon, il est permis, en cas de nécessité pressante, de lui demander d’éteindre la lumière ; en effet, l’extinction de la lumière est un interdit rabbinique[c]. Il est préférable que cela soit fait par un enfant qui n’est pas encore arrivé à l’âge de six ans ; s’il a déjà six ans, il sera préférable qu’il éteigne en apportant un changement (chinouï) à cet acte.

En cas de nécessité pressante, il est permis de demander à un enfant de faire un acte interdit rabbiniquement, même quand cela n’est pas personnellement utile à l’enfant. Comme nous l’avons vu (chap. 9 § 11), nos sages permettent l’accomplissement d’un acte sur le mode de chevout de-chevout[d] pour les besoins d’une mitsva ou en cas de nécessité pressante. Or toute l’obligation de l’enfant en matière d’observance du Chabbat a rang rabbinique ; de sorte que, si l’enfant, qui n’est pas encore tenu toraniquement à l’observance des commandements, exécute un acte qui, lui-même, n’est interdit que rabbiniquement, nous sommes dans un cas de chevout de-chevout. Toutefois, il n’est permis d’être indulgent en cela que de manière accidentelle, car alors il ne sera pas à craindre que l’enfant s’habitue à déconsidérer l’observance du Chabbat (Mordekhi, Touré Zahav 346, 6, Choul’han ‘Aroukh Harav 343, 6, Liviat ‘Hen 124)[3].

Si la lumière s’est éteinte pendant Chabbat, dans un endroit où l’on en a besoin : s’il se trouve un très petit enfant, d’environ un an, qui ne comprend pas encore que ses parents voudraient qu’il allumât la lumière, et qui, si on le plaçait à côté de l’interrupteur électrique, jouerait à le toucher, sans comprendre qu’il puisse en cela faire bien ou mal, il sera permis, en cas de nécessité, de le placer ainsi, près de l’interrupteur ; dès que l’enfant aura allumé la lumière, on l’enlèvera de là. Car dans la mesure où il ne comprend pas la signification de l’allumage ou de l’extinction, son acte n’a pas le caractère d’un interdit : l’enfant est comme mit’asseq[e] (Rachba sur Yevamot 114a, Or’hot Chabbat 24, 7-8).


[c]. Lorsque l’extinction est faite pour que la pièce ne soit plus éclairée, et non pour le produit de l’extinction même (cf. supra, chap. 16 § 5).

 

[d]. Conjugaison de deux éléments d’abstention rabbinique.

 

[3]. Dans tous les cas où il est permis de demander à un enfant d’accomplir une mélakha interdite rabbiniquement, il sera préférable que l’enfant qui s’en charge ne soit pas celui de la personne qui a besoin de cette mélakha. Nous avons vu en effet, dans la précédente note, qu’en matière de Chabbat il existe une mitsva toranique de ne point exécuter de travail par le biais de ses fils ou de ses filles. Aussi, alors même que, du point de vue de l’enfant, l’interdit n’a rang que de chevout de-chevout, il a, du point de vue des parents, rang de chevout simple [un seul élément d’abstention rabbinique : la mélakha dont il s’agit est un interdit de rang rabbinique]. Si l’un des parents est contraint de demander cela à son propre enfant, il est quelque peu préférable que la mère en fasse la demande, et non le père, car la mitsva de l’éducation incombe davantage à ce dernier. Cf. Béour Halakha 266, 5 au nom du Peri Mégadim.

 

[e]. Occupé à son activité (ici ludique), et sans conscience d’accomplir dans le même temps une mélakha.

06. Le statut de l’enfant est comparable à celui du malade

Nos sages interdisent à un Juif de demander à un non-Juif, le Chabbat, de faire à son intention une mélakha. Mais quand un enfant a grandement besoin d’une chose déterminée, son statut est comparable à celui du malade, pour les besoins duquel les sages ont permis de demander à un non-Juif d’exécuter un travail. Par exemple, si l’enfant n’a pas à manger, et qu’il ait faim, il est permis de demander à un non-Juif de lui faire cuire de la nourriture. Et s’il est très nécessaire à l’enfant d’avoir une lumière allumée, on peut demander au non-Juif d’allumer la lumière à son intention (Rama 276, 1, Michna Beroura 6 ; cf. ci-après, chap. 28 § 2). Généralement, il faut, en ces matières, être indulgent quand il s’agit de nourrissons ; mais même quand l’enfant est plus âgé, et que cela s’avère très nécessaire, on peut être également indulgent, comme on l’est pour les besoins d’un malade[4].

Quand un mineur, qui n’est pas encore arrivé à l’âge de la bar-mitsva ou de la bat-mitsva, est indisposé, même si l’indisposition dont il souffre n’est pas tellement douloureuse, il est permis de lui donner des médicaments ; car de même que l’interdit portant sur les médicaments ne s’applique pas au malade, elle ne s’applique pas non plus au mineur. À ce titre, il est permis, en cas de nécessité, de poser de la crème sur la peau d’un très petit enfant, à condition de ne pas l’étaler, mais seulement de l’y placer. Si, ensuite, la crème s’étale d’elle-même, par le biais de la couche, il n’y a pas là d’interdit, puisqu’on ne l’aura pas étalée pour la rendre homogène (cf. ci-après chap. 28, 8).


[4]. Selon certains, un enfant n’est halakhiquement comparable au malade que jusqu’à l’âge de deux ou trois ans (Melamed Leho’il au nom du Chaagat Aryé, ‘Hazon Ich 59, 3). D’autres disent que ce statut s’étend jusqu’à six ans (Tsits Eliézer VIII 15, 12, 7, d’après Mor Ouqtsi’a), d’autres jusqu’à neuf ou dix ans (Chemirat Chabbat Kehilkhata 37, 2), et d’autres encore jusqu’à treize ans (Or lé-Tsion II 36, 4). Il semble que tout dépende des circonstances ; comme l’écrit le Michna Beroura 276, 6 : si l’enfant est en grand besoin [que soit exécutée la mélakha], son statut est comparable à celui du malade. Effectivement, plus l’enfant est petit, plus nombreuses sont les choses dont il est en « grand besoin ». Le Nichmat Avraham 328, 57 et le Or’hot Chabbat 20, note 162 se prononcent de façon proche.

07. Jeux permis et interdits le Chabbat

C’est une mitsva que d’éduquer les enfants à étudier abondamment la Torah pendant Chabbat, et il est bon de les éduquer à limiter les jeux, ce jour-là, afin qu’ils ne s’habituent pas à dépenser en pure perte le temps précieux et saint du Chabbat en activités profanes. Plus ils se rapprochent de l’âge des mitsvot[f], plus il faut les encourager à étudier et à restreindre le jeu. Il est bon que les parents eux-mêmes étudient avec leurs enfants, accomplissant en cela la mitsva : « Vous les enseignerez à vos enfants, et leur en parlerez… » (Dt 11, 19). Il est également à recommander que chaque communauté institue de nombreux cours pour enfants, le Chabbat. Cela étant, il est permis aux enfants de jouer pendant Chabbat. Les règles que nous exposerons ci-après concernent donc tous les enfants qui ne sont pas encore arrivés à l’âge de la majorité religieuse. Mais une fois celle-ci atteinte, la règle change : premièrement, parce qu’il convient, a priori, de suivre l’avis des décisionnaires selon lesquels tous les jeux sont interdits aux personnes majeures pendant Chabbat (cf. ci-dessus, chap. 22 § 13) ; deuxièmement, parce que, de l’avis même de ceux qui permettent aux majeurs de jouer pendant Chabbat, certains jeux sont l’objet d’une controverse, si bien que, pour les mineurs, qui ne sont tenus à l’observance du Chabbat que pour les nécessités de leur éducation, on est indulgent, tandis que, s’agissant des majeurs, qui sont obligés à l’observance du Chabbat par la Torah elle-même, on est rigoureux. Exposons à présent les règles applicables aux mineurs ; quand les personnes majeures doivent être rigoureuses, même selon les décisionnaires qui leur permettent de jouer le Chabbat, nous le signalerons explicitement :

Il est permis de jouer aux échecs, aux dames, aux divers jeux de mémoire. De même, il est permis de jouer aux cubes et à la toupie. Mais les jeux dans lesquels le vainqueur fait un gain réel, en argent ou en nourriture, sont interdits. De même, les jeux au cours desquels on a l’usage d’écrire sont interdits (Choul’han ‘Aroukh 338, 5 ; 322, 6 ; ‘Hayé Adam 38, 11).

Certains auteurs disent qu’il est bon de s’abstenir de jouer au Monopoly® et aux autres jeux dans lesquels les gains ressemblent à des gains d’argent ou de biens. Les enfants qui veulent être indulgents en cela y sont autorisés (Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 33) ; mais il convient que les personnes religieusement majeures soient rigoureuses.

Tout jeu donnant lieu à écrire, coller, couper ou tresser est interdit le Chabbat. Mais il est permis aux enfants de faire un puzzle ou de former des mots en assemblant des lettres l’une à l’autre, ou en plaçant des lettres sur un tableau. Les personnes majeures doivent, il est vrai, être rigoureuses en la matière, mais les mineurs peuvent s’appuyer sur les opinions indulgentes, selon lesquelles l’interdit d’écrire n’est pas constitué ici, puisque toutes les lettres ou formes existaient déjà, et que l’on s’est contenté de les rapprocher l’une de l’autre de manière temporaire (cf. ci-dessus, chap. 18 § 4).

Il est interdit de construire, à partir de pièces de plastique, des avions ou des bateaux qui requièrent une grande précision, et qui sont destinés à se maintenir longtemps.

Il est permis aux enfants de jouer aux Lego®, de construire des formes à partir de ces briques et de les démonter. De même, les enfants peuvent faire des constructions en papier, telles que des bateaux ou des avions. Il convient que les adultes s’en abstiennent (cf. ci-dessus, chap. 15 § 7 et Har’havot).

Nos sages ont interdit de faire une tente temporaire, le Chabbat ; mais si l’on modifie l’ordre habituel de la construction, cela devient permis. Par conséquent, il est interdit aux enfants d’étendre une couverture sur des chaises afin de créer une tente et de s’y abriter. Mais s’ils étendent d’abord la couverture en l’air, puis qu’ils installent les chaises au-dessous d’elle, cela devient permis. De même, il est interdit de construire, avec des briques de type Lego, une maison ou un garage contenant un espace vide d’un téfa’h (7,6 cm) sur un téfa’h ; mais si l’on tient d’abord le toit, et qu’ensuite on fixe les murs en dessous, c’est permis (cf. ci-dessus, chap. 15 § 5).

Il est permis de faire un collier-jouet, qui n’est pas destiné à se maintenir longtemps ; cela, à condition de ne pas faire de nœud à l’extrémité du fil : on attachera simplement les deux branches par un nœud de rosette (Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 22).

Il est interdit de séparer deux sortes de jeux de cubes ou de cartes qui se sont mélangés, car cela relèverait de la mélakha de trier (borer). Mais quand on veut jouer avec l’une des deux sortes, il est permis d’extraire du mélange les pièces que l’on veut, car alors, il ne s’agit pas de classement exécuté sur le mode laborieux, mais sur le mode du jeu même, puisque, au commencement du jeu, il est d’usage de prendre les pièces destinées à celui-ci (cf. ci-dessus chap. 11 § 16).

Il est interdit de faire des formes en pâte à modeler ou en pâte polymère (Fimo® etc.), au titre de l’interdit d’enduire/lisser (memaréa’h, Choul’han ‘Aroukh 314, 11) ; si l’on cherche à faire une forme signifiante, s’applique, de plus, l’interdit décrire (‘Hayé Adam, Yom tov 92, 3). La pâte à modeler et la pâte polymère sont mouqtsé.


[f]. Douze ans pour les filles (bat-mitsva), treize ans pour les garçons (bar-mitsva).

08. Autres jeux ; jeux de plein air

Il est permis de tendre le ressort d’une voiture-jouet pour lui permettre d’avancer quelque peu, à condition que la voiture de klaxonne pas, et qu’aucune lumière ne s’allume (cf. plus haut, chap. 15 § 8). Tous les jeux fonctionnant avec des piles sont ainsi interdits (cf. chap. 17 § 2).

Il est interdit de gonfler un ballon, de crainte qu’on n’en vienne à l’attacher. Mais s’il s’agit d’un ballon qu’on a l’usage de fermer avec un bouchon, et non en faisant un nœud, et qu’on l’ait déjà gonflé une fois, il sera permis de le gonfler (cf. ci-dessus chap. 15 § 8).

Il est interdit aux enfants, le Chabbat, d’utiliser des instruments de musique-jouets – tels que trompette, clavier, guitare, cloche, crécelle ; ces jouets sont mouqtsé. Mais il est permis de donner à un bébé un hochet qui produit un son quand on l’agite ou quand on le presse ; pour la personne majeure, en revanche, il est interdit d’en tirer un son (Michna Beroura 338, 1, Béour Halakha, passage commençant par Aval ; Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 2-3, note 10 ; Har’havot).

Le sable est mouqtsé, mais si on l’a préparé pour que les enfants y jouent, il n’est pas mouqtsé (cf. ci-dessus chap. 23 § 3). Il est permis d’y jouer, à condition qu’il soit fin et sec, afin que l’on ne puisse y modeler des formes. Si le sable est humide, il est interdit d’y jouer, au titre de la mélakha de construire (boné), puisqu’il serait alors possible d’y marquer des creux ou de les aplanir. Il est de plus interdit de mouiller le sable, au titre de la mélakha de pétrir (lach ; cf. chap. 15 § 2).

Il est interdit de jouer aux billes sur la terre, de crainte qu’on n’en vienne à aplanir les creux afin que les billes puissent y rouler droit. Pour la même raison, il est interdit de jouer, sur la terre, à un jeu quelconque nécessitant un terrain droit. Même si le sol d’une cour est carrelé, il est interdit d’y jouer, de crainte que l’on n’en vienne à jouer sur un sol qui, lui, n’est pas carrelé, et à aplanir les creux. Mais sur le sol carrelé qui est à l’intérieur de la maison, il est permis de jouer : puisque toutes les maisons, de nos jours, ont leur sol revêtu, il n’est pas à craindre d’en venir, à partir de tels jeux, à jouer à l’extérieur, sur un sol qui n’est pas carrelé (cf. ci-dessus chap. 15 § 2).

Il est permis de jouer avec des noyaux d’abricot, comme les enfants en ont l’habitude : puisque les enfants les ont réservés à cette fin, ces noyaux ne sont pas mouqtsé comme le sont les autres noyaux de fruits. Même les noyaux qui ont été extraits de l’abricot pendant Chabbat ne sont pas mouqtsé, puisque nombreux sont ceux qui ont l’habitude de les utiliser à leurs jeux (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, note 33).

Il est permis de se balancer sur une balançoire ; mais si elle est attachée à un arbre, même par un seul côté, c’est interdit. Si elle est attachée à un pieu qui, lui, est attaché à un arbre, c’est permis (cf. chap. 19 § 7).

09. Jeux de ballon et course

Il est interdit aux enfants de jouer au football et au basketball, le Chabbat, car ce sont des jeux qui requièrent une grande attention, qui ont leurs règles et leur organisation, et qui tombent à ce titre sous l’interdit des activités profanes (‘ovdin de’hol). De plus, il arrive que ces jeux soient l’occasion d’interdits supplémentaires : préparation du terrain, voyages pour assister aux jeux, inscription, achat et vente. De même, il est interdit de regarder des joueurs de football ou de basketball pendant Chabbat, toujours au titre de l’activité profane. Il est interdit de jouer à ces jeux de ballon, même à l’intérieur de la maison ou dans une cour privée : les ballons utilisés dans ces jeux sont mouqtsé, et l’activité est considérée comme profane. Dans le même sens, il est interdit de jouer au tennis qui, lui aussi, est un jeu d’adultes et requiert une grande attention[5].

Il est permis aux enfants de se distraire avec différents jeux de course, pour le plaisir ; mais il est interdit de suivre un cours de gymnastique (cf. ci-dessus, chap. 22 § 8).

Il est permis aux enfants de jouer avec un ballon du type de ceux avec lesquels les petits enfants ont coutume de jouer ; cela, à condition de jouer à l’intérieur de la maison, ou dans une cour dont le sol est carrelé. Mais sur la terre ou sur du gazon, c’est interdit, de crainte d’en venir à aplanir les creux du sol. De même, il est permis aux enfants de jouer au tennis de table amateur, puisque l’on a l’habitude d’y jouer à la maison. Il n’est pas à craindre que, en jouant au ballon quand ils sont petits, ils s’habituent à y jouer quand ils seront grands, car la permission ne vise qu’un ballon utilisé par les petits, auquel les grands ne jouent de toute façon pas.

Quand un ballon s’est logé dans un arbre, il est interdit de l’en faire descendre, que ce soit à la main ou avec un bâton, car il est interdit de s’affairer à des choses qui se trouvent dans un arbre, de crainte de couper une branche. Mais si le ballon tombe de lui-même, il sera permis de reprendre le jeu (cf. ci-dessus chap. 19 § 7, Chemirat Chabbat Kehilkhata 16, 8).


[5]. Certains décisionnaires interdisent le football et le basketball au motif qu’il est à craindre d’en venir à aplanir le sol, à la manière de ce qu’écrivent le Choul’han ‘Aroukh 338, 5 et le Michna Beroura 308, 158. D’autres l’interdisent de crainte que l’on n’en vienne à réparer le ballon, ou à le gonfler (Qtsot Hachoul’han). En tout état de cause, l’ensemble des décisionnaires s’accordent à dire qu’il est interdit de jouer au football et au basketball le Chabbat. Il semble que le motif essentiel de l’interdit soit ‘ovdin de’hol, le fait que ces jeux relèvent d’une activité profane ; c’est pour cette même raison, semble-t-il, qu’il est interdit de faire du vélo. Gardons-nous de prendre cet interdit à la légère, car il trouve son fondement dans la Torah, comme l’explique Na’hmanide (sur Lv 23, 24) : toute fatigue, tout effort qui fait obstacle au repos et au chômage sabbatiques, dit-il, est interdit par la Torah, car il nous est prescrit de chômer.

Dans le même sens, Isaïe déclare : « Si tu retiens ton pas, le Chabbat, t’abstenant de te livrer à tes affaires en mon saint jour, et que tu appelles le Chabbat “délice”, le jour saint de l’Eternel “honoré”, que tu l’honores en t’abstenant de suivre tes chemins ordinaires, de chercher la fortune et d’en faire le sujet de tes paroles, alors tu te délecteras en l’Eternel… » (58, 13). Nos sages ont enseigné : « “En t’abstenant de suivre tes chemins ordinaires” : que ta démarche, le Chabbat, diffère de ta démarche des jours de semaine (…) “D’en faire le sujet de tes paroles” : que tes paroles, le Chabbat, ne soient pas semblables à tes paroles de semaine » (Chabbat 113a). Or puisque le football et le basketball se jouent en y prêtant une grande attention, qu’ils ont des principes et des règles, que de nombreuses personnes y sont affairées, et parfois même en tirent leurs revenus, ils relèvent en tout point de l’activité profane. Quand les sages permettent aux jeunes de courir pour le plaisir, ils visent une course libre, sans le cadre bien établi d’un jeu, ni d’un entraînement. C’est en ce sens que se prononce le Rav Kook dans Ora’h Michpat 152.

10. Vélo, trottinette et skateboard

Il est interdit de monter un vélo classique, à deux roues, car c’est une activité profane (‘ovdin de’hol ; cf. ci-dessus chap. 22 § 8). Même quand le vélo est équipé de stabilisateurs (petites roues), il est interdit de le monter. Mais il est permis aux petits enfants de monter un tricycle, car le tricycle est un véhicule conçu seulement pour les enfants, et qui est très différent du vélo classique, si bien que le monter n’est pas considéré comme ‘ovdin de’hol (cf. chap. 22 § 8, note 4).

Certains décisionnaires permettent aux enfants de rouler en trottinette ou en skateboard, le Chabbat. Selon eux, de même qu’il est permis aux enfants de courir, le Chabbat, de même leur est-il permis d’aller en trottinette ou en skateboard. D’autres l’interdisent, car, estiment-ils, quand les sages permettent aux enfants de courir, ce n’est qu’avec leurs propres jambes et non à l’aide d’appareils, qui rendraient la course plus rapide et plus « professionnelle », ce qui s’apparenterait à une activité profane.

Bien que, a posteriori, ceux qui veulent être indulgents aient sur qui s’appuyer, il est juste d’être rigoureux, car l’opinion des décisionnaires rigoureux semble, en la matière, plus convaincante : de même que les communautés juives ont pris l’usage d’interdire le vélo au titre de ‘ovdin de’hol, parce que rouler en vélo s’oppose au caractère du Chabbat, de même est-il recommandé de ne pas faire de trottinette ni de skateboard. De plus, si l’on restreint les jeux d’enfants à des formes plus simples, ils s’habitueront, devenus plus grands, à consacrer le Chabbat à l’étude de la Torah et au repos.