Pniné Halakha

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Chapitre 25 – L’office d’Arvit

01 – La lecture du Chéma et ses bénédictions

C’est un commandement de la Torah que de réciter le Chéma Israël chaque nuit et chaque matin, ainsi qu’il est dit dans les premier et deuxième paragraphes du Chéma : « Ces paroles que Je te prescris en ce jour…, tu les réciteras en te couchant et en te levant. » De même, c’est un commandement que de se souvenir jour et nuit de la sortie d’Egypte, comme il est dit : « Afin que tu te souviennes du jour où tu sortis de la terre d’Egypte tous les jours de ta vie » (Dt 16, 3). De l’expression « tous les jours de ta vie » (kol yemé ‘hayékha), utilisée par la Torah de préférence à « les jours de ta vie » (yemé ‘hayékha), les sages du Talmud infèrent que c’est une mitsva que de mentionner la sortie d’Egypte le jour et la nuit (Michna Berakhot 12b)[a]. À cette fin, on récite, la nuit comme le jour, le troisième paragraphe du Chéma, c’est-à-dire la paracha Vayomer (« Dieu parla à Moïse en ces termes : parle aux enfants d’Israël et dis-leur de se confectionner des franges aux coins de leurs vêtements… »), paragraphe à la fin duquel est mentionnée la sortie d’Egypte. Certes, le paragraphe Vayomer, qui traite du commandement des tsitsit (franges rituelles) – lequel n’est une obligation que de jour –, relève principalement du jour, et il eût été possible d’accomplir, de nuit, la mitsva du souvenir de la sortie d’Egypte en récitant d’autres versets. Néanmoins, on a l’usage, y compris la nuit, de mentionner la sortie d’Egypte par la récitation du paragraphe Vayomer, car tout le monde a l’habitude de réciter ce texte (Tossephot Yom Tov ad loc.). De plus, en ajoutant ce paragraphe aux deux premiers, on parvient à un total de deux-cent quarante huit mots (cf. chap. 15 § 12), et la récitation de l’ensemble de ces trois paragraphes témoigne d’une réception entière du joug de la royauté du Ciel (cf. chap. 15 § 3-4). Les lois de la récitation du Chéma ont déjà été exposées au chapitre 15.

Les membres de la Grande Assemblée ont institué l’ajout de deux bénédictions avant la lecture du Chéma, et de deux bénédictions après. La première d’entre elles est la bénédiction Ma’ariv ‘aravim (« qui fais descendre le soir »), éloge de Dieu pour le passage du jour à la nuit. Elle est parallèle à la bénédiction Yotser or (« qui crées la lumière… »), récitée à l’office du matin. La deuxième bénédiction est Ahavat ‘olam (« Tu as aimé ton peuple, la maison d’Israël, d’un amour éternel… »), louange pour l’amour de Dieu envers Israël et pour le don de la Torah. La troisième est Emet véémouna (« Tout cela est vérité digne de foi… »), louange pour la Délivrance. La quatrième est Hachkivénou (« Fais-nous reposer, notre Père, en paix, et relève-nous, notre Roi, pour une bonne vie et pour la paix… »), où nous demandons à Dieu de nous protéger durant la nuit et durant notre sommeil (voir aussi chap. 16 § 1). Les bénédictions du Chéma sont donc au nombre de sept : trois d’entre elles sont dites à Cha’harit, quatre à ‘Arvit. Le Talmud de Jérusalem (Berakhot 1, 5) dit à ce sujet que ces bénédictions ont été instituées en référence au verset des Psaumes : « Sept fois par jour je Te loue » (Ps 119, 164).


[a]. Cette lecture de type midrachique repose sur le principe selon lequel chaque mot de la Torah apporte un supplément d’enseignement.

02 – La ‘Amida de l’office d’Arvit

Jacob notre père institua la prière d’Arvit, et c’est sur ce fondement que les membres de la Grande Assemblée décrétèrent la récitation d’une ‘Amida durant la nuit. Ils fixèrent le temps de l’office d’Arvit en référence à l’oblation des membres et des graisses des sacrifices à l’époque du Temple. En effet tout ce que l’on n’avait pas eu le temps de placer sur l’autel pendant la journée, on le plaçait pendant la nuit (Berakhot 26b). Cependant, si l’on s’en tient à la lettre stricte du décret des membres de la Grande Assemblée, la ‘Amida d’Arvit est facultative ; ce qui revient à dire que réciter la ‘Amida du soir est une bonne action mais non une obligation. Si l’on souhaitait, à l’époque, se livrer à une autre mitsva, ou si l’on était déjà  allé se coucher, ou encore s’il était difficile de faire la prière d’Arvit pour quelque autre raison, on était dispensé de prier.  La raison de la différence entre Cha’harit et Min’ha, d’une part, et Arvit d’autre part, est que Cha’harit et Min’ha ont été institués parallèlement aux sacrifices journaliers du matin et de l’après-midi et, plus précisément, parallèlement à l’aspersion du sang de ces sacrifices. Or de même que, faute d’aspersion du sang, on ne s’acquittait pas de l’obligation du sacrifice journalier, de même est-il obligatoire de prier à Cha’harit et à Min’ha. Arvit, en revanche, a été institué en référence à l’oblation des membres et des graisses sur l’autel ; et bien que cette oblation soit obligatoire, le sacrifice auquel elle se rapporte n’est pas invalidé dans le cas où elle n’est pas faite. Aussi la prière d’Arvit est-elle facultative.

Cependant, au fil des générations, tout Israël a pris l’usage de réciter la prière d’Arvit, si bien qu’à l’époque des Richonim, on avait déjà fait de cette prière une obligation. Malgré cela, on n’y récite pas la répétition de la ‘Amida : puisque, dans son fondement, ‘Arvit est facultatif, on n’y a pas institué de répétition – dont le rôle eût été d’acquitter ceux qui ne savent pas prier (Choul’han ‘Aroukh 237, 1)[1].

Les femmes sont exemptées de la prière d’Arvit. De l’avis même de ceux qui pensent que les femmes sont tenues à toutes les prières instituées par les sages, cette exigence ne vise que Cha’harit et Min’ha, dont les sages ont fait une obligation, et non Arvit. Quant à l’usage pris par les hommes de dire la prière d’Arvit en tant qu’obligation, il n’incombe pas aux femmes.


[1]. Dans le traité Berakhot 27b, Rabban Gamliel est d’avis que la prière d’Arvit est obligatoire, tandis que Rabbi Yéhochoua pense qu’elle est facultative. Pour Abayé, c’est une obligation, pour Rava, une faculté, et telle est la règle. D’après la majorité des Richonim, parmi lesquels Tossephot, les élèves de Rabbénou Yona et le Roch (chap. 4 § 2 et 7), l’idée de « prière facultative » doit être comprise en ces termes : faire la prière d’Arvit est une mitsva, qu’il ne faut pas annuler gratuitement, mais que l’on peut annuler pour un motif léger ; et c’est le sens de ce que j’ai écrit ci-dessus [« Si l’on souhaitait se livrer à une autre mitsva, ou si l’on était déjà allé se coucher, ou encore s’il était difficile de faire la prière d’Arvit pour quelque autre raison, on était dispensé de prier »]. Cependant, pour l’auteur du Halakhot Guédolot, l’expression « prière facultative » signifie que l’on est autorisé à ne pas dire la prière d’Arvit, même s’il n’y a pas de raison à cela. Toutefois, de son propre point de vue, si l’on a personnellement l’usage de dire Arvit, cet usage a valeur contraignante et oblige à prier chaque soir.

De nos jours, c’est, comme l’écrit le Rif, une obligation que de faire la prière d’Arvit, et c’est également ce qu’écrivent le Roch et le Tour (235). Le Séder de Rav Amram Gaon signale que l’on récite le Qaddich abrégé entre la dernière bénédiction du Chéma et la ‘Amida, afin de distinguer entre la partie obligatoire de la prière (le Chéma et ses bénédictions) et la partie facultative (la ‘Amida). Cette coutume d’ajouter là un Qaddich est restée en usage, semble-t-il, conformément au décret original des membres de la Grande Assemblée. Le Bérour Halakha 4, 2 résume les opinions.

Suivant la majorité des opinions, si l’on a commencé à réciter Arvit et que l’on s’aperçoive, au beau milieu de la ‘Amida, que l’on a déjà fait cette prière, on s’interrompt immédiatement, comme pour Cha’harit ou pour Min’ha. En effet, si cette seconde prière a été commencée, c’est bien avec l’intention de s’acquitter d’une obligation, et non d’une prière facultative et volontaire (nédava) ; quand il apparaît que l’on s’en est déjà acquitté, on doit donc s’interrompre (Béour Halakha 107,פוסק  ; d’après de nombreux avis, c’est également ce qui ressort du Choul’han ‘Aroukh ad loc.). Cependant, d’après Maïmonide 10, 6, on continue sa ‘Amida comme s’il s’agissait d’une prière additionnelle volontaire. En effet, de nos jours encore, la prière d’Arvit reste, dans son principe, une prière facultative. Aussi l’aspect volontaire qui la caractérise se maintient-il (c’est aussi en ce sens que tranche le Yalqout Yossef III 236, 11). Dans le cas où l’on ne sait plus si l’on a déjà prié ou non : s’il s’agit de la ‘Amida de Cha’harit ou de celle de Min’ha, on doit répéter sa ‘Amida, mais s’il s’agit d’Arvit, les A’haronim sont partagés. Selon le Michna Beroura 107, 2, on répète sa ‘Amida en y introduisant un élément nouveau (voir plus haut, chapitre 18 § 3). D’après toutes les opinions, si l’on a oublié de dire Arvit et que l’on en a laissé passer le terme, on ajoutera une ‘Amida, à titre de Tachloumin (rattrapage), à l’office de Cha’harit. De même, si l’on a oublié de dire le passage Yaalé véyavo dans la ‘Amida du soir d’un jour de fête (yom tov), il faut répéter sa prière (cf. Bérour Halakha 27, 2).

03 – Structure de la prière d’Arvit

Les Richonim rapportent l’usage de réciter, avant Barekhou, trois versets commençant par les mots Vé-Hou ra’houm (« Lui, qui est miséricordieux, pardonnera la faute… »), afin de demander l’expiation des fautes que nous avons commises au cours de la journée. De plus, durant la nuit, la mesure de rigueur est intensifiée, et les esprits malfaisants ont davantage licence de nuire. Aussi demandons-nous à Dieu d’être « miséricordieux, de pardonner la faute… » (voir encore Tour, Beit Yossef 237 et Kaf Ha’haïm 235, 5). Le Chabbat et les jours de fête, on ne dit pas Vé-Hou ra’houm.

Selon la coutume séfarade, on dit au préalable trois versets, commençant par Hachem Tséva-ot (« Dieu des légions »). Selon la coutume ‘hassidique, on ajoute le Psaume 134 (Chir hamaalot, « Cantique des degrés »)[b]. Selon ces deux coutumes, on dit ensuite le Qaddich abrégé, suivi de Vé-Hou ra’houm. Si l’on a étudié la Torah avant la prière, et qu’à la conclusion de l’étude on ait récité le Qaddich derabbanan, il n’est pas nécessaire d’ajouter le Qaddich abrégé après les versets introductifs d’Arvit, cela afin de ne pas multiplier la récitation des Qaddich (Yalqout Yossef III 236, 1).

En récitant Barekhou, on introduit les bénédictions du Chéma ; aussi est-il interdit de parler après Barekhou, de la même façon que parler est interdit au milieu des bénédictions (Michna Beroura 236, 1 ; 54, 14 ; cf. plus haut, 16 § 4). Par conséquent, si l’on n’a pas eu le temps de dire Vé-Hou ra’houm avant Barekhou, on ne le dira pas après, afin de ne pas s’interrompre au cours des bénédictions du Chéma (cf. Yabia’ Omer II 5).

Selon la coutume d’une majorité de Séfarades, on ne répond pas amen aux bénédictions du Chéma récitées par l’officiant, afin de ne pas marquer d’interruption au milieu de ces bénédictions. Il est bon de terminer chaque bénédiction simultanément avec l’officiant, ou légèrement après lui : de cette façon, d’après toutes les opinions, il n’est pas nécessaire de répondre amen. Après la bénédiction Hachkivénou, certains répondent amen (Yalqout Yossef III 236, 6), d’autres non (Ben Ich ‘Haï, Peqoudé 5). Selon la coutume ashkénaze, on répond amen aux bénédictions dites par l’officiant, et cela n’est pas considéré comme une interruption. Toutefois, après la bénédiction Ahavat ‘olam, les Ashkénazes eux-mêmes s’efforcent de ne pas répondre amen, afin de ne pas s’interrompre entre la bénédiction et le Chéma. A cette fin, ils achèvent la bénédiction simultanément avec l’officiant, ou légèrement après lui (cf. chap. 16 § 4. Les questions relatives aux bénédictions du Chéma sont traitées au chap. 16).

A la fin de Hachkivénou, les Séfarades ont coutume de répondre amen à leur propre bénédiction, car celle-ci conclut une série de bénédictions. Les Ashkénazes ne répondent pas à leur propre bénédiction, à l’exception de la bénédiction Boné Yerouchalaïm (« qui reconstruis Jérusalem ») du Birkat hamazon (actions de grâce après le repas) (Choul’han ‘Aroukh 215, 1 ; 236, 4).

Entre les bénédictions du Chéma et la ‘Amida, l’officiant prononce le Qaddich abrégé. Après la ‘Amida, il récite le Qaddich Titqabal. Après cela, selon l’usage séfarade et sfard, on récite le Psaume 121 (Chir lamaalot, Cantique des degrés). Puis les endeuillés récitent le Qaddich des orphelins, et l’un d’entre eux dit Barekhou. Enfin, on dit ‘Alénou léchabéa’h, qui n’est pas suivi du Qaddich. Selon l’usage ashkénaze, on dit ‘Alénou léchabéa’h immédiatement après le Qaddich Titqabal ; après ‘Alénou léchabéa’h, les endeuillés récitent le Qaddich des orphelins, et l’un d’entre eux dit Barekhou.


[b]. On dit également ce bref psaume dans certaines communautés séfarades (cf. sidour Téphilat Ha’hodech).

04 – Juxtaposition de la bénédiction de la Délivrance et de la ‘Amida

La partie essentielle de la libération s’est produite de jour, car c’est alors que les enfants d’Israël sont sortis d’Egypte. Aussi, l’obligation d’enchaîner la mention de la Délivrance – qui se trouve dans la bénédiction Emetgaal Israël (« qui délivras Israël ») – à la ‘Amida, s’applique-t-elle essentiellement le matin. Néanmoins, puisque la Délivrance a commencé dès la nuit, c’est également une mitsva que d’enchaîner la mention de la Délivrance à la ‘Amida durant la nuit. Simplement, en cette matière, on n’est pas pointilleux le soir comme on l’est le matin. C’est ainsi que les sages ont pu instituer la bénédiction Hachkivénou après celle de la Délivrance, considérant que celle-ci se prolongeait en celle-là. En effet, dans la bénédiction de la Délivrance, nous bénissons Dieu pour la libération de l’ensemble du peuple, tandis que dans Hachkivénou, nous demandons la libération de l’individu face aux dangers de la nuit. Mais si l’on s’était montré strict dans l’enchaînement de la mention de la Délivrance et de la ‘Amida, il n’eût pas été possible d’insérer la bénédiction Hachkivénou après la mention de la Délivrance.

De même, on récite le Qaddich abrégé entre les bénédictions du Chéma et la ‘Amida. En effet, l’ordonnancement de la prière, tel qu’il est fixé par les sages, veut qu’à chaque changement de section à l’intérieur de l’office on dise le Qaddich. Et ce n’est qu’en raison de la stricte exigence de ne pas s’interrompre entre la Délivrance et la ‘Amida que l’on ne dit pas de Qaddich avant la ‘Amida du matin. En revanche, à Arvit, où il n’est pas nécessaire d’être si exigeant dans la juxtaposition de la Délivrance et de la ‘Amida, on récite le Qaddich entre les bénédictions du Chéma et la ‘Amida.

Dans le même ordre d’idées, il est d’usage dans de nombreux endroits que, le soir de la néoménie (Roch ‘hodech), l’administrateur de la synagogue énonce avant la ‘Amida les mots « Yaalé véyavo », afin de rappeler aux fidèles d’inclure le passage additionnel commençant par ces mots. Même chose les soirs où l’on passe de la prière pour la pluie à celle pour la rosée et vice-versa. Certes, à Cha’harit, on ne s’interrompt pas par la parole, et c’est en tapant sur le pupitre que l’officiant ou l’administrateur rappelle au public qu’il y a un ajout ou un changement apporté au texte de la ‘Amida. Mais à ‘Arvit, on est indulgent, et l’on permet de faire ce rappel par la parole (Choul’han ‘Aroukh 236, 2 ; Michna Beroura 7). Certains ont soin, même à Arvit, de taper sur le pupitre afin de ne pas s’interrompre par des paroles (cf. Kaf Ha’haïm 236, 17, Pisqé Techouva 236, 6).

Si l’on est en retard à l’office d’Arvit et que l’on trouve l’assemblée sur le point de dire la ‘Amida, on se joindra aux autres fidèles pour réciter la ‘Amida au sein du minyan, après quoi l’on rattrapera le Chéma et ses bénédictions. Et bien qu’à Cha’harit la règle veuille que l’on prie dans l’ordre du rituel, du fait que l’enchaînement de la Délivrance et de la ‘Amida de Cha’harit a priorité sur le fait de dire la ‘Amida en minyan, la priorité est inversée à Arvit : prier en minyan est plus important ; aussi récite-t-on la ‘Amida avec l’assemblée, et rattrape-t-on le Chéma et ses bénédictions seulement après (Choul’han ‘Aroukh 236, 3)[2].


[2]. Le Kaf Ha’haïm 111, 12 écrit que, selon la Kabbale, il est interdit d’inverser l’ordre, même à l’office d’Arvit. Quoi qu’il en soit, le Michna Beroura lui-même tranche conformément au Choul’han ‘Aroukh ; c’est aussi en ce sens que se prononce le Yalqout Yossef III p. 661; et telle est l’opinion du Gaon Rabbi ‘Haïm Falagi.

Une coutume ancienne voulait que l’on récitât, entre Hachkivénou et le Qaddich, une bénédiction commençant par les mots Yirou ‘einénou (« Que nos yeux voient, que notre cœur se réjouisse et que notre âme exulte en ton secours, ô notre Roi, en vérité, quand on dira à Sion : “Ton Dieu règne”… »), bénédiction comprenant dix-huit versets. Cf. Michna Beroura 236, 5, qui explique que ce texte a été institué pour venir en lieu et place de la ‘Amida [pour ceux qui n’avaient pas le temps de prier ; les dix-huit versets viennent en remplacement des dix-huit bénédictions]. Certains Richonim pensent que l’on ne disposait pas de l’autorité nécessaire pour instituer cette bénédiction après la clôture du Talmud, et qu’il n’y a donc pas lieu de la dire (Méïri). Mais nombreux sont ceux qui ont pris l’usage de la réciter. Selon les élèves de Rabbénou Yona, on avait coutume de la dire à la place de la ‘Amida d’Arvit, laquelle est facultative dans son fondement ; et même après que le peuple eut pris sur lui l’obligation de réciter cette ‘Amida, la coutume consistant à dire Yirou ‘einénou n’a pas été annulée. Certains voient dans cette récitation une preuve de ce qu’il n’est pas obligatoire, à l’office d’Arvit, de juxtaposer Délivrance et prière. C’est l’opinion de Rav Amram Gaon et, selon lui, c’est pour cette même raison que l’on récite le Qaddich après les bénédictions du Chéma : parce que cette juxtaposition n’est pas obligatoire à Arvit. Na’hmanide et le Rachbam ne disaient pas Yirou ‘einénou, ni le Qaddich, afin de ne pas marquer d’interruption entre Délivrance et prière.

En pratique, dès la fin de la période des Richonim, on n’avait plus l’usage de réciter ce texte dans les communautés séfarades, tandis que certaines communautés ashkénazes continuaient de le dire. De nos jours, en Israël, on n’a pas l’usage de le dire (cf. Kaf Ha’haïm 236, 12, Pisqé Techouva 7). En revanche, tout le monde a l’usage de réciter le Qaddich. Et bien que de nombreux Richonim pensent qu’il n’y a pas lieu de le réciter, afin de ne pas s’interrompre entre Délivrance et prière, tout le monde, en pratique, a coutume de réciter ce Qaddich. Une explication possible à cela est celle que j’ai indiquée dans le corps de l’ouvrage. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 236, 8, le Qaddich relève, lui aussi, de la notion de Délivrance, puisque nous y demandons que l’honneur du Ciel se dévoile dans le monde ; aussi ne constitue-t-il pas vraiment une interruption. Cf. Bérour Halakha, Berakhot 4b.

05 – L’heure de lecture du Chéma commence à l’apparition des étoiles

L’heure de lecture du Chéma du soir est définie dans la Torah par le terme Be-chokhbekha (« à ton coucher ») – c’est-à-dire durant la période où les gens sont couchés dans leurs lits. Cette période commence à la tombée de la nuit. Les sages nous ont donné un signe, à cet égard : l’apparition de trois étoiles moyennes. En effet, celles des étoiles qui nous paraissent grandes, telles que Vénus, Mars et Jupiter, sont également visibles de jour ou au crépuscule. En revanche, lorsqu’apparaissent les trois étoiles qui suivent les grandes – celles qui nous semblent moyennes – c’est le signe que la nuit commence (Hazmanim Bahalakha, chap. 49-50). Ce moment s’appelle tset hakokhavim (« la sortie des étoiles »). Pour que l’on ne risque pas de se tromper, et de prendre de grandes étoiles pour des moyennes, les Richonim ont donné pour instruction d’attendre d’apercevoir trois petites étoiles (élèves de Rabbénou Yona, Choul’han ‘Aroukh 235, 1).

Cependant, un doute apparaît : d’après quelle catégorie de personne doit-on fixer l’heure de l’apparition des étoiles ? Certains pensent que l’heure de tset hakokhavim est fixée d’après les meilleurs observateurs, qui savent où doivent apparaître les premières étoiles : ces observateurs exercés aperçoivent trois étoiles moyennes environ dix-huit minutes après le coucher du soleil ; parfois même, quinze minutes après le coucher du soleil. C’est ce que laisse entendre un passage talmudique (Chabbat 35b), qui estime que le temps séparant le coucher du soleil de l’apparition des étoiles équivaut au temps nécessaire pour parcourir trois-quarts de mille, c’est-à-dire entre treize minutes et demie et dix-huit minutes environ. D’autres pensent que l’on se base sur la majorité des gens, qui parviennent à distinguer trois étoiles moyennes entre vingt-cinq et trente minutes après le coucher du soleil. Tout cela est dit au sujet d’étoiles moyennes. Mais, comme nous l’avons signalé, l’heure du Chéma commence à l’apparition de trois petites étoiles ; pour cela, on doit encore attendre quelques minutes.

En pratique, nombreux sont ceux qui ont l’usage de commencer l’office d’Arvit environ vingt minutes après le coucher du soleil, car telle est la halakha selon une majorité de décisionnaires. Mais a priori, il est bon de commencer l’office d’Arvit environ trente minutes après le coucher du soleil. Et si l’on prie au sein d’un minyan où le Chéma est lu avant l’expiration de trente minutes depuis le coucher du soleil, il est bon de relire le premier paragraphe du Chéma après ‘Alénou léchabéa’h (texte de clôture de l’office), afin de sortir du doute. Ceux qui veulent être rigoureux envers eux-mêmes diront aussi le paragraphe Véhaya im chamoa (deuxième paragraphe) ; et certains ajoutent le paragraphe Vayomer (troisième paragraphe)[3].


[3]. Hazmanim Bahalakha chap. 47-51 ; Pniné Halakha (édition hébraïque) Chabbat I p. 30 et 34, notes. Au traité Chabbat 35, le Talmud explique que la période dite de bein hachmachot (« entre les soleils » ou crépuscule) dure, selon Rabbi Yehouda, le temps nécessaire pour parcourir trois-quarts de mille, tandis que, selon Rabbi Yossé, bein hachmachot ne dure qu’un bref instant (une minute environ). D’après la majorité des décisionnaires, le bein hachmachot de Rabbi Yossé se place immédiatement après celui de Rabbi Yehouda. [C’est-à-dire que les deux opinions ne s’appuient pas sur le même point de départ : pour Rabbi Yehouda, il est question du temps nécessaire pour parcourir trois-quarts de mille à partir du coucher du soleil ; pour Rabbi Yossé, la période désignée par Rabbi Yehouda appartient encore au jour ; bein hachmachot est ce bref instant qui la suit.] En pratique, on tient compte des deux opinions, c’est-à-dire que la période de bein hachmachot est considérée comme débutant au coucher du soleil, et comme s’achevant un peu après l’expiration du temps nécessaire pour parcourir trois-quarts de mille. (Certains pensent que le bein hachmachot de Rabbi Yossé a lieu quelques minutes après le bein hachmachot de Rabbi Yehouda, comme le rapporte Hazmanim Bahalakha 40, 8-11 ; selon cette vue, l’heure d’Arvit est un peu plus tardive de quelques minutes.) Nous avons vu au chap. 11 § 1 que l’on trouve trois opinions sur la durée nécessaire pour parcourir un mille : a) 18 minutes ; b) 22,5 minutes ; c) 24 minutes. D’après cela, trois-quarts de mille se parcourent entre 13,5 et 18 minutes. Afin de tenir compte du temps de Rabbi Yossé, il faut ajouter un bref instant ; si bien que l’on peut estimer que l’apparition des étoiles (moyennes) a lieu 14 minutes ou 19 minutes après le coucher du soleil.

Cependant, il faut savoir qu’il existe des différences entre les saisons : au printemps (5/3) et en automne (5/10), la lumière disparaît plus rapidement après le coucher du soleil ; aussi, on peut observer trois étoiles plus tôt. Par exemple, alors qu’en nissan on aperçoit trois étoiles 19 minutes après le coucher du soleil, ce n’est que près de 22 minutes après le couchant qu’elles nous apparaissent au plus fort de l’été (22/6 en Israël), et 21 minutes au plus fort de l’hiver.

Il faut encore savoir que, si l’on se trouve en un endroit élevé par rapport au niveau de la mer, on voit le coucher du soleil plus tard. Par exemple, si un homme se trouve au sommet d’une colline ou d’une tour de 800 mètres de hauteur au-dessus de la mer, il verra le coucher du soleil environ cinq minutes après son ami qui se trouve en bas, au niveau de la mer. Ce qui revient à dire que la voûte céleste s’assombrira également pour l’un et pour l’autre, et que l’un et l’autre apercevront les étoiles au même moment, mais que s’ils mesurent le temps écoulé entre le coucher du soleil et l’apparition des étoiles, ils trouveront entre eux une différence de cinq minutes environ. En effet, si l’on se trouve en haut, on voit le soleil pendant cinq minutes supplémentaires. Par conséquent, si les sages ont légiféré en se référant à Jérusalem, qui s’élève à environ 800 mètres au-dessus du niveau de la mer (à un endroit où les collines ne cachent pas l’horizon), il se trouve que 14 ou 19 minutes après le coucher du soleil à Jérusalem équivalent à 19 ou 24 minutes après le coucher du soleil au niveau de la mer. Cette précision permettra d’éclairer certaines questions de halakha.

En pratique, en Israël, à horizon constant et au niveau de la mer, au printemps (5/3) et en automne (5/10), 14 minutes après le coucher du soleil, le soleil ne descend qu’à 3,75° au-dessous de l’horizon. Il est donc difficile de défendre l’opinion qui veut que les étoiles apparaissent 14 minutes après le coucher du soleil, car alors, seuls les observateurs les plus exercés parviennent, et encore rarement, à distinguer trois étoiles. Cf. Hazmanim Bahalakha 41, 7, qui rapporte les solutions apportées à cette objection par certains A’haronim, selon lesquels on doit peut-être, en effet, se baser sur les meilleurs observateurs, et selon lesquels, jadis, on voyait peut-être mieux. Comme nous l’avons écrit, on peut répondre que les sages visaient précisément Jérusalem, en un endroit où les collines ne cachent pas l’horizon. Alors, le coucher du soleil se produit cinq minutes plus tard et, par conséquent, 14 minutes après le coucher du soleil à Jérusalem équivalent à 19 minutes après le coucher du soleil en rase campagne.

En revanche, pour ceux qui tiennent que les étoiles apparaissent 19 minutes après le coucher du soleil en rase campagne, le soleil descend alors à 4,8° en-dessous de l’horizon ; à ce moment-là , les observateurs exercés, qui savent où les premières étoiles doivent apparaître, peuvent voir, au mois de nissan, trois étoiles. Toutefois, durant l’été, ils doivent attendre environ 22 minutes pour parvenir à la même observation, et 21 minutes en hiver.

Selon certains, en pratique, on ne voit trois étoiles moyennes que lorsque le soleil descend à 6,2° sous l’horizon, c’est-à-dire 25,5 minutes après le coucher du soleil en nissan, 28 minutes au plus fort de l’hiver (22/12), 29,5 minutes au plus fort de l’été (22/6). Ce délai une fois expiré, la majorité des gens sont capables de voir trois étoiles. Peut-être peut-on dire que cet avis est assez semblable à celui qui situe l’apparition des étoiles 19 minutes après le coucher du soleil à Jérusalem et environ 24 minutes au niveau de la mer (et peut-être l’ajout d’environ une minute et demie peut-il s’expliquer par une moindre acuité visuelle, de nos jours, ou par le fait que la lumière électrique perturbe l’observation des étoiles ; ou peut-être encore est-il vraiment possible de distinguer les étoiles un peu avant cela).

Certains sont plus rigoureux et pensent qu’en pratique, les gens, dans leur majorité, ne voient pas trois étoiles avant que le soleil ne descende à 7,1° au-dessous de l’horizon, c’est-à-dire environ 30 minutes après le coucher du soleil au printemps et en automne au niveau de la mer, et environ 35 minutes en été. C’est cette mesure que l’on rapporte au nom du ‘Hazon Ich. Cependant, il est difficile de faire concorder cette position avec la Guémara, qui indique une mesure équivalente au parcours de trois-quarts de mille pour définir la période de bein hachmachot. Même d’après les estimations faites dans des territoires ouverts, où il n’y a pas de lumière électrique, on a pu distinguer trois étoiles avant cela. Cf. Hazmanim Bahalakha 47, 12 ; 50, 6-7. Il faut également considérer certains aspects supplémentaires, en cette matière : par exemple, le fait qu’en automne, bien que la durée du processus d’obscurcissement du ciel soit semblable à celle du printemps, on distingue les étoiles un peu plus tard, en raison de la position des étoiles dans le ciel ; et la question se pose donc de savoir si l’on va d’après les étoiles ou d’après l’obscurité ; cf. Hazmanim Bahalakha chap. 48.

Tout ce qui vient d’être dit se rapporte à l’apparition de trois étoiles moyennes. Or le Choul’han ‘Aroukh décide que, pour éviter des erreurs, on doit attendre l’apparition de trois petites étoiles, c’est-à-dire quelques minutes supplémentaires. Certains disent que, de nos jours, où l’on se base sur l’heure de la montre, il n’est pas nécessaire d’attendre ; cf. Hazmanim Bahalakha 51, 3. Quoi qu’il en soit, il est évident que, si l’on a lu le Chéma après l’apparition de trois étoiles moyennes seulement, on est quitte de son obligation.

En pratique, l’usage couramment répandu consiste à commencer l’office 20 minutes après le coucher du soleil, ce qui est correct d’après la majorité des décisionnaires ; et c’est en ce sens que se prononcent de nombreux ouvrages. A ce moment, quel que soit l’endroit, les observateurs exercés peuvent distinguer trois étoiles ; le soleil se trouve alors à 4,8° en-dessous de l’horizon. (Même en été en rase campagne, le temps de réciter le début de l’office et d’arriver au moment de la lecture du Chéma, 22 minutes en tout sont passées depuis le coucher du soleil).

Toutefois, bien que l’on puisse s’appuyer sur l’opinion de la majorité des décisionnaires et lire le Chéma 20 minutes après le coucher du soleil, il est préférable d’attendre 30 minutes. Si l’on a lu le Chéma avant cela, il est bon de le relire après la fin de l’office. Mais il n’est pas nécessaire de relire le troisième paragraphe (Vayomer). Certes, selon le Chaagat Aryé, la mention de la sortie d’Egypte, contenue dans ce troisième paragraphe, doit, elle aussi se faire à une heure qui convient à la lecture du Chéma. Mais, selon le Maguen Avraham, on peut s’acquitter de l’obligation de mentionner la sortie d’Egypte avant cela, à un moment qui convient lui-même à l’office d’Arvit (Maguen Avraham 235, 11). Par conséquent, dès lors que l’on a lu le Chéma 18 minutes après le coucher du soleil, il n’est pas nécessaire de relire le troisième paragraphe. Même à l’égard du deuxième paragraphe, la nécessité n’est pas grande puisque, selon la majorité des décisionnaires, réciter ce paragraphe est une obligation rabbinique et non toranique.

A priori, afin de tenir compte des opinions rigoureuses, il est bon de fixer l’heure d’Arvit 30 minutes après le coucher du soleil ; de cette façon, si l’on se trouve sur une colline, on est quitte tout au long de l’année, d’après les décisionnaires rigoureux (puisque le soleil se trouve alors à 7,1° sous l’horizon) ; et si l’on est en rase campagne, on est quitte tout au long de l’année d’après la majorité des opinions (6,2° sous l’horizon), et l’on est même quitte, durant la majeure partie de l’année, d’après les décisionnaires rigoureux. Et pour être toujours quitte, même d’après les décisionnaires rigoureux, quand on est en rase campagne, il faut retarder de trois minutes la récitation de Barekhou en été ; de cette façon, au moment de lire le Chéma, 35 minutes se seront écoulées.

La notion de tset hakokhavim a d’autres conséquences juridiques : pour la détermination du jour de la circoncision, quand un bébé est né à l’entrée de Chabbat. Si le bébé est né après l’apparition des étoiles, il faudra le circoncire pendant le Chabbat suivant. Mais s’il est né pendant bein hachmachot (entre le coucher du soleil et l’apparition des étoiles), il est interdit de le circoncire pendant le Chabbat : la circoncision sera reportée au dimanche suivant. La question est de savoir quand tombe exactement le moment de tset hakokhavim. Selon le Yabia’ Omer VII Ora’h ‘Haïm 41, 8, une fois que 20 minutes se sont écoulées depuis le coucher du soleil, la nuit est assurément arrivée, et l’on devra circoncire l’enfant pendant le Chabbat qui suivra. Selon le Chmirat Chabbat Kehilkhata II 46, 45 au nom du Rav Auerbach, la nuit arrive assurément au bout de 25 minutes à compter du coucher du soleil. La difficulté est que ces avis n’ont pas établi de distinction entre Jérusalem et la rase campagne, ni entre les saisons de l’année. Le Otsar Habrit 9, 5-7 mentionne des opinions selon lesquelles on exige 24 minutes pour considérer que la nuit est arrivée, d’autres opinions qui exigent 28 minutes ; et l’auteur lui-même écrit que ses maîtres lui ont donné pour instruction d’exiger non moins que 32 minutes. Là encore, l’auteur ne distingue pas entre Jérusalem et la campagne. Il semble juste de suivre l’opinion selon laquelle la nuit tombe lorsque le soleil se trouve à 6,2° en-dessous de l’horizon. D’après cela, la nuit tombe 20,5 ou 24,5 minutes après le coucher du soleil à Jérusalem, 25,5 ou 29,5 minutes en rase campagne. On peut calculer cela de façon exacte en s’aidant du programme ‘Hazon Shamayim, en se fondant sur la date civile et le lieu de la naissance, selon sa longitude et sa latitude, et selon l’altitude de l’endroit.

06 – Moment à partir duquel peut se tenir l’office d’Arvit selon les sages et selon Rabbi Yehouda

L’heure de l’office d’Arvit a été fixée en référence à l’oblation des membres et des graisses du sacrifice journalier sur l’autel. Comme nous l’avons vu (lois de Min’ha, chap. 24 § 7), la communauté des sages (‘Hakhamim) s’oppose en cette matière à Rabbi Yehouda. Selon les ‘Hakhamim, l’office de Min’ha peut se tenir jusqu’à la nuit, tandis que, à l’apparition des étoiles, commence le temps d’Arvit. Selon Rabbi Yehouda, l’heure de Min’ha s’achève avec le plag hamin’ha, c’est-à-dire une heure et quart avant la fin du jour, et immédiatement après commence l’heure d’Arvit. En pratique, on est autorisé à choisir de se conduire conformément à l’avis des ‘Hakhamim ou de Rabbi Yehouda, à condition de s’en tenir à un seul usage : si l’on suit l’avis de Rabbi Yehouda, il faut avoir soin de ne pas dire Min’ha après le plag hamin’ha ; et si l’on suit l’avis des ‘Hakhamim, il faut avoir soin de dire ‘Arvit après l’apparition des étoiles. Mais il est interdit de dire Min’ha après le plag hamin’ha comme le permettent les ‘Hakhamim, et Arvit avant l’apparition des étoiles comme le permet Rabbi Yehouda.

Certes, Rabbi Yehouda pense que l’heure de la ‘Amida d’Arvit et des bénédictions du Chéma commence avec le plag hamin’ha ; mais l’heure de récitation du Chéma lui-même commence à l’apparition des étoiles. Par conséquent, si l’on prie avant l’apparition des étoiles, il faut répéter les trois paragraphes du Chéma après l’apparition des étoiles (Choul’han ‘Aroukh 235, 1)[4].

A priori, il ne faut pas passer d’un système à un autre : chacun doit se conformer constamment à l’opinion des ‘Hakhamim ou à celle de Rabbi Yehouda. Notre coutume est de suivre l’opinion des ‘Hakhamim. Néanmoins, en cas de nécessité, on est autorisé à passer du système des ‘Hakhamim à celui de Rabbi Yehouda. Par exemple, durant l’été, quand le Chabbat commence tard, certains veulent avancer l’accueil du Chabbat, afin que les petits enfants puissent s’associer à la prière et au repas. A cette fin, on dit Arvit conformément à l’opinion de Rabbi Yehouda, avant le coucher du soleil. De même, si l’on se trouve occasionnellement dans un endroit où l’on a l’habitude de suivre l’opinion de Rabbi Yehouda, il vaut mieux prier en minyan en suivant occasionnellement cette opinion, que de conserver sa coutume et de prier seul en suivant l’opinion des ‘Hakhamim[5].


[4]. Il est vrai que Tossephot sur Berakhot 2a cite l’opinion de Rabbénou Tam, selon lequel l’heure de lecture du Chéma du soir est conforme à l’heure de la prière d’Arvit, d’où il suit que, d’après Rabbi Yehouda, on peut s’acquitter de la lecture du Chéma dès le plag hamin’ha. Tossephot cite également l’opinion de Rabbénou Yits’haq, selon lequel on peut, en cas d’urgence, être indulgent quant à l’heure de lecture du Chéma, en s’appuyant sur certaines opinions citées par le Talmud, qui permettent d’avancer cette lecture de quelques minutes par rapport à l’apparition des étoiles. Mais quoi qu’il en soit, les autres Richonim sont d’avis que l’heure de récitation du Chéma ne commence qu’à l’apparition des étoiles (tset hakokhavim) ; aussi est-on tenu de répéter le Chéma après l’apparition des étoiles ; c’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 235, 1. Les décisionnaires sont partagés sur la nécessité de répéter également le troisième paragraphe après l’apparition des étoiles. D’après le Maguen Avraham, le temps prévu pour le rappel de la sortie d’Egypte s’identifie au temps de la prière d’Arvit ; il n’est donc pas nécessaire de répéter ce paragraphe. Mais d’après le Chaagat Aryé, le temps du rappel de la sortie d’Egypte s’identifie au temps du Chéma ; il faut donc répéter le paragraphe (Michna Beroura 235, 11). En ce qui concerne les bénédictions du Chéma, on peut soutenir que leur horaire est conforme à celui du Chéma. Toutefois, en pratique, ceux qui suivent l’opinion de Rabbi Yehouda ont l’habitude de prononcer ces bénédictions avant l’apparition des étoiles, et s’acquittent par là de leur obligation de réciter les bénédictions du Chéma, comme l’expliquent le Michna Beroura 235, 7 et 11, et Chaar Hatsioun
[5]. Selon Rabbi Aharon Halévi et le Méïri, on doit suivre chaque jour une opinion unique ; mais il est permis de choisir chaque jour une autre opinion. Selon les élèves de Rabbénou Yona, le Rachba et le Roch, il faut choisir de se conformer constamment à la même opinion et ne pas en changer. Le Choul’han ‘Aroukh 233, 1, le Michna Beroura 6 et 11, et le Kaf Ha’haïm 9 et 12, tranchent : a priori, il n’y a pas lieu de changer de système, mais en cas de nécessité, on peut changer (cf. Michna Beroura 267, 3).

07 – Usage a posteriori consistant à enchaîner les offices de Min’ha et d’Arvit avancé

Dans différentes communautés, on a pris l’usage d’enchaîner les offices de Min’ha et d’Arvit, entre le plag hamin’ha et tset hakokhavim. A l’époque des Richonim (Moyen Age), cet usage était surtout adopté dans le monde ashkénaze. A l’époque des A’haronim, il s’est surtout observé dans le monde séfarade. Nombreux sont ceux, parmi les grands maîtres du judaïsme, qui ont dénoncé cet usage et tenté de le faire disparaître. En effet, cet usage repose sur une contradiction : dès lors que l’on dit Min’ha après le plag hamin’ha comme le permettent les ‘Hakhamim, il est impossible de réciter, durant la même période, la prière d’Arvit, comme le permet Rabbi Yehouda. Il convient donc de fixer un cours de Torah entre Min’ha et Arvit ; de cette façon, on a le mérite d’ajouter à l’étude de la Torah et, dans le même temps, on maintient l’office d’Arvit dans son horaire.

Quoi qu’il en soit, les A’haronim ont donné pour instruction que, lorsque l’attente de l’apparition des étoiles est susceptible d’entraîner la dispersion des fidèles et l’annulation de l’office d’Arvit, on peut être indulgent et permettre de dire Arvit immédiatement après Min’ha. Bien entendu, il revient à chaque fidèle de répéter le Chéma après l’apparition des étoiles[6].

Quand un particulier a l’habitude de toujours prier selon l’horaire des ‘Hakhamim, c’est-à-dire de dire Arvit après l’apparition des étoiles, mais se trouve occasionnellement à un endroit où l’on prie selon l’usage admis en « cas de nécessité impérieuse » (Min’ha et Arvit enchaînés avant la tombée de la nuit), les avis sont partagés. Selon certains, il vaut mieux que le particulier prie avec cette communauté, afin de prier en minyan. Selon d’autres, il fera mieux de préserver sa coutume, en disant Min’ha avec cette communauté, mais en récitant seul Arvit, après l’apparition des étoiles[7].


[6]. Tossephot sur Berakhot 2a, le Roch, les élèves de Rabbénou Yona et d’autres Richonim expriment une objection à l’égard de l’usage consistant à dire Arvit avant le coucher du soleil, car cela revient à utiliser « deux indulgences qui se contredisent l’une l’autre ». En pratique, pour tenir compte du besoin de certaines communautés, on a fini par être plus indulgent, comme le rapportent le Michna Beroura 233, 11, le Kaf Ha’haïm 12 et le Yalqout Yossef III 235, 1. Tout le monde s’accorde cependant à exiger que le Chéma soit répété après l’apparition des étoiles.

On distingue deux opinions principales sur l’attitude à adopter quand on se trouve dans un endroit où l’on récite Arvit avant tset hakokhavim. Selon Maïmonide, on dit avec la communauté le Chéma et ses bénédictions, et l’on juxtapose la bénédiction de la Délivrance (Gaal Israël) avec la ‘Amida ; puis, après l’apparition des étoiles, on répète le Chéma en tant qu’accomplissement de la mitsva en son temps. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 235, 1. Selon Rabbi Haï Gaon, on dira avec la communauté le Chéma seul (sans ses bénédictions), afin que le Chéma serve d’introduction à la ‘Amida que l’on récitera également au sein de l’assemblée ; mais les bénédictions du Chéma, ainsi que le Chéma lui-même en tant que mitsva, on les récitera après tset hakokhavim. Il semble donc que, selon Rabbi Haï Gaon, il vaille mieux réciter les bénédictions du Chéma avec le Chéma lui-même après tset hakokhavim, bien que, de ce fait, on ne puisse juxtaposer la bénédiction de la Délivrance et la ‘Amida. L’auteur du Michna Beroura 235, 12 rapporte cet usage, auquel il se conformait lui-même (cf. Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm 2, 60, Pisqé Techouva 235, 3). Selon le Gaon de Vilna, dans tous les cas, il vaut mieux dire Arvit seul après tset hakokhavim, conformément à l’avis des ‘Hakhamim, que de prier en communauté avant tset hakokhavim comme l’enseigne Rabbi Yehouda.

Dans un endroit où l’on enchaîne Min’ha et Arvit, il est préférable, si l’on peut, de veiller à dire Min’ha avant le coucher du soleil, et Arvit après. En effet, certains pensent que le temps d’Arvit commence au coucher du soleil ; et c’est ainsi que le Or lé-Tsion II 15, 6 comprend la position du Choul’han ‘Aroukh. Toutefois, quant à l’heure de récitation du Chéma, il est clair qu’elle commence à tset hakokhavim. Cependant, selon la majorité des décisionnaires, tels que le Michna Beroura 233, 9, l’heure d’Arvit même commence, selon les ‘Hakhamim, à tset hakokhavim.

[7]. Des propos du Kaf Ha’haïm 233, 12, il ressort que son auteur adopte la première opinion ; et l’on doit répéter les trois paragraphes du Chéma après la tombée de la nuit. Tandis que, des propos du Chaar Hatsioun 235, 16, il ressort que son auteur adopte la seconde opinion ; cf. Pisqé Techouva 235, 3. Mais si l’on a dit Min’ha avant le plag hamin’ha, on dira Arvit en minyan en adoptant l’une des deux méthodes rapportées dans la note précédente (celle de Maïmonide ou celle de Rabbi Haï Gaon).

08 – Heure limite de lecture du Chéma et de la prière d’Arvit

Selon la Torah, le temps de récitation du Chéma du soir s’étend toute la nuit. Il est en effet écrit que ce commandement s’accomplit durant le temps du coucher (be-chokhbekha) ; or la période où les gens sont d’ordinaire couchés dans leurs lits est la nuit. Cependant, les sages ont établi une haie protectrice autour de la mitsva, et ont fixé son terme au milieu de la nuit, afin que l’on n’en vienne pas, en repoussant la lecture du Chéma, à  s’endormir et à manquer l’accomplissement de cette mitsva. Quoi qu’il en soit, a posteriori, si l’on a transgressé la décision des sages et que l’on n’a pas lu le Chéma avant le milieu de la nuit, on doit le lire avant l’aube (‘amoud hacha’har) puisque, selon la Torah, la période propre à la lecture du Chéma s’étend toute la nuit[8].

Si, en raison d’un empêchement, on n’a pas récité le Chéma avant l’aube, on peut le réciter jusqu’au premier rayon du soleil (hanets ha’hama) (ces horaires ont été définis au chap. 11 § 1). Dans le cas où on lit ainsi le Chéma après l’aube, on récite les trois premières bénédictions du Chéma, mais non la quatrième (Hachkivénou, « Fais-nous reposer, notre Père, en paix ») : puisque l’aube s’est déjà levée, l’heure n’est plus celle du coucher. On ne dira pas non plus la ‘Amida d’Arvit une fois l’aube apparue. En effet, cette ‘Amida a été instituée pour la nuit, or après le lever de l’aube, le jour a déjà commencé (Michna Beroura 235, 34 ; Chaar Hatsioun 41)[9].

A priori, il vaut mieux réciter le Chéma et la prière d’Arvit dès l’apparition des étoiles, car les serviteurs zélés s’empressent d’accomplir les mitsvot. Toutefois, si l’on est en train d’étudier la Torah, on est autorisé a priori à repousser sa prière après la conclusion de son étude. Et tel est l’usage dans les yéchivot : on fixe l’office du soir à la fin du temps d’étude, et non immédiatement à l’apparition des étoiles. De même, si l’on préfère prier au sein d’un minyan plus tardif, parce que l’on pense pouvoir s’y mieux concentrer, on peut a priori retarder sa prière. Il est clair, par ailleurs, qu’il vaut mieux prier au sein d’un minyan tardif que de prier seul dès l’apparition des étoiles[10].


[8]. La Michna Berakhot 2a rapporte à cet égard deux opinions : selon les ‘Hakhamim (la communauté des sages), le temps de la lecture du Chéma s’étend jusqu’à minuit ; selon Rabban Gamliel, il se prolonge jusqu’à l’aube. La Guémara Berakhot 8b dit que la halakha suit l’opinion de Rabban Gamliel. C’est en ce sens que tranchent le Roch et le Rachba, selon lesquels, même a priori, on peut lire le Chéma jusqu’à l’aube. Cependant, pour le Rif, Maïmonide, le Séfer Mitsvot Gadol (Smag) et la majorité des décisionnaires, le terme de la lecture du Chéma est à minuit, et ce n’est que si l’on a transgressé cette limite en ne lisant pas le Chéma avant minuit, qu’on le lira avant l’aube. Selon ces Richonim, c’est un tel cas que vise la Guémara lorsque celle-ci dit que la halakha suit l’opinion de Rabban Gamliel (et peut-être est-ce l’opinion de Rabban Gamliel lui-même). C’est aussi en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 235, 3 ; le Béour Halakha ad loc. appuie cette décision. (Les Richonim discutent de l’intention réelle des ‘Hakhamim : pour les élèves de Rabbénou Yona, les ‘Hakhamim pensent que l’on ne récite pas le Chéma après la limite de minuit ; selon le Smag, a posteriori, on récite le Chéma après minuit. Le Gaon de Vilna explique que cette controverse oppose déjà le Talmud de Babylone à celui de Jérusalem : selon le Talmud de Babylone, les ‘Hakhamim pensent que, a posteriori, on récite le Chéma après le milieu de la nuit, tandis que selon le Talmud de Jérusalem on ne le récite pas. Cf. Bérour Halakha, Berakhot

Heure limite de la ‘Amida : selon le Dérekh Ha’haïm, il faut également réciter la ‘Amida d’Arvit avant le milieu de la nuit ; selon le Peri Mégadim, elle se récite toute la nuit, même a priori. Ces opinions sont rapportées par le Michna Beroura 108, 15. (Cf. ci-dessus chap. 17 § 13, le cas du voyageur qui doit terminer son voyage après minuit). Selon Or lé-Tsion II 15, 9, il vaut mieux prier seul avant minuit qu’en communauté après minuit. (cf. Pisqé Techouva 235, 10. L’opinion que l’on doit tenir pour essentielle est celle du Or lé-Tsion, afin de prier selon l’ordre institué a priori par les sages).

[9]. Si, en raison d’un empêchement, on n’a lu le Chéma du soir qu’après le lever de l’aube, on ne pourra, ce même jour, s’acquitter du Chéma du matin en le récitant avant le lever du soleil. En effet, une fois que l’on a considéré la période séparant le lever de l’aube du lever du soleil comme « heure du coucher », on ne peut plus le considérer à la fois comme « heure du lever » (Choul’han ‘Aroukh 58, 5 ; Michna Beroura 22). Cependant, certains disent que l’on peut, dans un tel cas, réciter le Chéma du matin dès le moment de michéyakir (où l’on peut distinguer le bleu du blanc ; Kaf Ha’haïm 58, 21).

D’après le Michna Beroura 235, 30, il aurait été possible selon la Torah de réciter le Chéma du soir jusqu’au lever du soleil. En effet, il y a encore des gens qui sont couchés jusqu’à ce moment ; par conséquent, aux instants qui précèdent s’applique encore l’expression be-chokhbekha (« à ton coucher »). Cependant, puisqu’à l’apparition de l’aube commence déjà le jour, les sages ont décidé qu’on ne lirait pas le Chéma du soir après l’apparition de l’aube. Ce n’est que si l’on n’a pu lire le Chéma avant l’aube en raison d’une contrainte, que l’on est autorisé à le lire jusqu’au lever du soleil. Selon le Rav Avraham Yits’haq Kook, dans Tov Roï 55, la limite toranique de récitation du Chéma du soir est l’apparition de l’aube, et ce sont les sages qui ont décrété, pour ceux qui auraient été contraints, la possibilité de rattraper cette lecture jusqu’au lever du soleil.

[10]. Le fondement de cet embellissement apporté à la mitsva [consistant à lire le Chéma et à prier dès l’apparition des étoiles] se trouve dans les écrits des élèves de Rabbénou Yona, et il est cité par Choul’han ‘Aroukh 235, 3 et Michna Beroura Néanmoins, d’autres Richonim ne citent pas cet embellissement et, selon le ‘Aroukh Hachoul’han 235, 18, certains sont même opposés à cela. Aussi, nombreux sont ceux qui n’exigent pas d’eux-mêmes de dire ‘Arvit dès que possible. Cf. Beit Baroukh 34, 17, Pisqé Techouva 235, 9.

09 – Choses interdites avant l’office d’Arvit

Il est interdit de manger dans la demi-heure qui précède l’apparition des étoiles ; il est même interdit de commencer un repas léger, de crainte que ce repas ne se prolonge au point que l’on se fatigue et que l’on s’endorme. De même est-il interdit de prendre une boisson enivrante. Mais il est permis de manger des fruits et des légumes. Il est même permis de prendre du pain ou des gâteaux jusqu’à la mesure de kabeitsa [volume d’un œuf ou, si l’on va d’après le poids, environ 58 grammes][11]. Mais si l’on a commencé son repas avant la demi-heure précédant l’apparition des étoiles, on peut continuer – puisque l’on a commencé à manger de façon permise –, à condition toutefois de terminer son repas à temps pour pouvoir réciter le Chéma et prier en respectant les horaires (Michna Beroura 235, 21).

Si l’on a commencé à manger pendant la demi-heure où c’était interdit, on interrompra son repas pour lire le Chéma, qui est une obligation de la Torah, mais on sera autorisé à repousser après son repas les bénédictions du Chéma et la ‘Amida, qui sont des obligations rabbiniques (Choul’han ‘Aroukh 235, 2).

Si un dîneur demande à un tiers, lequel ne participe pas au repas, de lui rappeler de lire le Chéma et de prier après le repas, ce dîneur peut même, en cas de nécessité, commencer à manger après l’apparition des étoiles (Michna Beroura 235, 18). Et si ce sont deux convives qui doivent dîner alors qu’ils n’ont pas encore dit Arvit, ils peuvent, en cas de nécessité, convenir entre eux de se rappeler mutuellement de prier ; de cette façon, il n’y a pas de risque d’oubli (cf. Michna Beroura, introduction au chap. 669. De même, si une personne est habituée à prier constamment au sein d’un minyan régulier, et sait dans son for intérieur qu’en raison de la fixité du minyan, qui lui sert de rappel, elle n’oublie pas de prier, il lui sera permis en cas de nécessité de dîner avant Arvit (cf. ‘Aroukh Hachoul’han 232, 16).

Dans de nombreuses yéchivot, on commence à dîner, en été, dans la demi-heure qui précède l’apparition des étoiles ; on s’appuie sur le fait que l’heure de la prière est fixe et connue de tous, si bien que tous les étudiants se rappellent les uns les autres de dire Arvit après le repas. Et bien qu’il convienne a priori de prendre le repas du soir après l’office, cet usage est bon, car il permet de maintenir les horaires d’étude. En effet, si l’on repoussait le repas après la prière d’Arvit, le temps d’étude de l’après-midi serait trop étiré, et le temps d’étude du soir trop court, ce qui serait susceptible d’entraîner un gaspillage du temps d’étude.

Si l’on est contraint de dîner avant la prière, que l’on ne participe pas régulièrement à un office fixe, et que l’on n’ait personne qui puisse nous rappeler de réciter le Chéma et de dire Arvit, on peut se préparer un signe pour soi-même, qui rappelle la nécessité de prier : par exemple, régler un réveil de manière qu’il sonne à la fin du repas, ou demander à son prochain qu’il veuille bien nous téléphoner pour nous rappeler de lire le Chéma et de prier (Halikhot Chelomo 2, 12). A posteriori, on peut attacher un objet à ses vêtements, de façon à ne pouvoir enlever ceux-ci avant de se coucher sans prêter attention au nœud destiné à rappeler de lire le Chéma et de prier (cf. Pisqé Techouva 235, 8).

Il est également interdit de dormir d’un sommeil dit « régulier » (cheinat qéva)[c], dans la demi-heure précédant l’apparition des étoiles. En cas d’urgence, si l’on est au début de la soirée, à une heure où tout le monde est d’ordinaire encore éveillé, on peut se désigner un « gardien » chargé de nous réveiller à l’approche de l’heure de la prière (cf. ‘Aroukh Hachoul’han 232, 17).

Si l’on a l’intention de dire Arvit seul, on ne commencera pas à étudier après l’apparition des étoiles, mais on priera d’abord et l’on étudiera ensuite. Mais si l’on se trouve avant l’apparition des étoiles, on pourra commencer à étudier, même si l’on a l’intention de continuer son étude, sans interruption, au-delà de l’apparition des étoiles. Et si l’on a l’habitude d’aller prier à la synagogue au sein d’un minyan fixe dont l’horaire est plus tardif, on pourra commencer à étudier chez soi après l’apparition des étoiles, car il n’y a pas de risque d’oublier ce qui constitue pour soi une activité régulière (Choul’han ‘Aroukh 89, 5 ; Michna Beroura 89, 30-31 ; 235, 17).

Selon certains, tout ce que les sages ont interdit avant Min’ha – tel qu’un travail susceptible de se prolonger longtemps – est également interdit avant Arvit (Rachba, Michna Beroura 235, 17). Selon d’autres, ce n’est qu’avant Min’ha que les sages ont interdit de commencer ce type de travaux car, l’après-midi, les gens ont l’usage de travailler et peuvent se laisser entraîner par leur ouvrage, oubliant de prier ; tandis que le soir, on ne se laisse pas tellement entraîner, d’ordinaire, par son labeur (‘Aroukh Hachoul’han 235, 16, se fondant sur ce que laissent entendre Maïmonide et d’autres Richonim). A priori, quand il est à craindre de se laisser entraîner par son labeur, il est bon d’être rigoureux (cf. chap. 24 § 5).


[11]. Choul’han ‘Aroukh 235, 2 ; Michna Beroura 235, 16 ; 232, 35. Le Michna Beroura 235, 34 explique que, même s’il s’agit d’un plat cuisiné fait à base de céréales, il est permis d’en manger à condition de ne pas s’en rassasier. De cela, nous apprenons que, si l’on a l’intention de se rassasier de fruits, de légumes ou de légumineuses, ces aliments eux-mêmes prennent le statut de repas, interdit avant la récitation du Chéma et la prière.
[c]. Voir chap. 8 § 6.

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