La prière d’Israël

08 – Jusqu’à quel point il est permis d’avancer la ‘Amida en cas de nécessité impérieuse

En cas de nécessité impérieuse (ou force majeure, bich’at had’haq), on peut prononcer les bénédictions du Chéma dès l’aube (‘amoud hacha’har), c’est-à-dire soixante-douze minutes avant le lever du soleil (durant les mois de nissan et de tichri, cf. note 1). Cependant, tant que l’on a la possibilité de dire ces bénédictions à partir de michéyakir, il ne faut pas les dire à l’aube. Celui qui doit voyager, par exemple, et qui peut prier tout en marchant, ou assis dans un véhicule conduit par une autre personne, devra attendre l’heure de michéyakir, et dire les bénédictions du Chéma ainsi que la ‘Amida tout en marchant, ou assis.

Si l’on est en mesure de réciter les bénédictions du Chéma en chemin, à partir de michéyakir, mais que l’on n’est pas en mesure de dire la ‘Amida en chemin, on avancera la ‘Amida à l’aube, et l’on récitera le Chéma et ses bénédictions en chemin, bien qu’il en résulte que l’on ne pourra enchaîner la bénédiction de la Délivrance[d] à la ‘Amida[9].

Quand on n’a pas la possibilité de dire les bénédictions du Chéma en chemin – par exemple quand on ne les connaît pas par cœur et que l’on n’est pas en mesure de les lire dans son sidour tout en marchant ou tout en voyageant – on peut avancer sa prière, s’il s’agit d’un cas de nécessité impérieuse. On procédera de la façon suivante : on dira les bénédictions matinales (Birkot hacha’har), le rappel des sacrifices et les versets de louange (Pessouqé dezimra) avant l’aube ; quand l’aube se lèvera, on s’enveloppera du talith sans prononcer la bénédiction correspondante, on attachera ses téphilines sans prononcer la bénédiction correspondante, on récitera le Chéma et ses bénédictions, puis la ‘Amida. Lorsque la ‘Amida sera terminée, le temps de michéyakir sera arrivé ; on palpera son talith et ses téphilines et l’on récitera les bénédictions qui s’y rapportent. Selon l’usage ashkénaze, on ne récitera pas non plus la bénédiction Yotser haméorot (« Bénis sois-Tu… qui crées les corps célestes », première bénédiction précédant le Chéma) avant l’heure de michéyakir, mais on la repoussera après la récitation de la Amida[10].


[d]. Birkat Haguéoula, bénédiction de la Délivrance : elle suit le Chéma et se termine par les mots : « Bénis sois-Tu, Eternel, qui délivras Israël ». Il importe que la ‘Amida suive sans interruption cette bénédiction. Mais dans un cas d’urgence tel que celui qui est décrit ci-dessus, on renonce à cet enchaînement.

[9]. Dans le traité Berakhot 30a, nous apprenons à quel point la récitation du Chéma et de ses bénédictions avant michéyakir correspond à une situation d’urgence : tant que l’on a la possibilité de les réciter tout en marchant, à partir de michéyakir, on doit procéder ainsi. La seule question qui reste pendante est : quand dire la ‘Amida ? Selon Rabbénou ‘Hananel, Tossephot et d’autres auteurs, on dira la ‘Amida chez soi avant michéyakir ; c’est ce que décide le Choul’han ‘Aroukh 89, 8. Selon le Halakhot Guédolot, il vaudra mieux prier en chemin, afin d’enchaîner la bénédiction de la Délivrance à la ‘Amida. En pratique, c’est ce dernier usage qui est répandu, comme l’expliquent le Michna Beroura 89, 42 et le Kaf Ha’haïm Toutefois, lorsqu’on est en mesure de dire les bénédictions du Chéma en chemin, mais que l’on n’est pas en mesure de dire la ‘Amida en chemin – par exemple si l’on connaît par cœur les bénédictions du Chéma mais non la ‘Amida, ou encore si l’on est au volant et que l’on sait être en mesure de dire les bénédictions du Chéma en conduisant, chose interdite quand il s’agit de la ‘Amida, comme nous le verrons au chap. 17 § 16 –, on se conformera alors à l’opinion de Rabbénou ‘Hananel et de Tossephot: on récitera la ‘Amida à la maison à l’aube, et l’on repoussera la récitation des bénédictions du Chéma au cours de son voyage afin de pouvoir les dire à partir de michéyakir.

[10]. Au printemps et en automne, l’aube se lève 72 minutes avant le lever du soleil (quand le soleil se trouve à 16,1° au-dessous de l’horizon) ; au plus fort de l’hiver (22/12), 78 minutes avant le lever du soleil ; au plus fort de l’été (22/6), 88 minutes avant le lever du soleil. Voir en note 1 la raison pour laquelle j’ai retenu cette convention. Il est possible, tout au plus, d’être indulgent en se fondant sur le moment de la première lueur paraissant à l’est (lorsque le soleil est à 17,5° sous l’horizon) comme expliqué en note 1. Dans de nombreux calendriers, on a indiqué, comme horaire de l’aube, des heures où n’apparaît aucune lumière à l’est, et il est très difficile de s’appuyer sur ces calendriers.

Dans la note 2, j’ai indiqué que michéyakir avait pour horaire le moment où le soleil est à 11° sous l’horizon ; il s’agit d’une position médiane par rapport aux différentes opinions et observations. Cependant ici, en cas d’urgence, si l’on est en mesure de dire les bénédictions du Chéma environ cinq minutes avant ce moment et que, grâce à cela, on a le temps de réciter la ‘Amida chez soi, il vaut mieux procéder de cette façon que de prier ensuite en marchant.

En cas de nécessité impérieuse, on peut commencer les bénédictions du Chéma depuis l’aube, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 58, 3. On peut, avant cela, mettre son talith et ses téphilines sans bénédiction, comme l’expliquent le Choul’han ‘Aroukh et le Michna Beroura (Choul’han ‘Aroukh 18, 3 et Michna Beroura 10 au sujet du talith, Choul’han Aroukh 30, 3 et Michna Beroura 11 au sujet des téphilines). Certes, selon le Kaf Ha’haïm 30, 8, on ne doit pas mettre les téphilines avant l’aube ; de même, le Choul’han ‘Aroukh (1, 6 et 47, 13) explique qu’il ne faut pas dire le paragraphe de l’offrande journalière avant l’aube. De la même façon, le Kaf Ha’haïm 89, 7 dit que l’on ne doit pas réciter les Pessouqé dezimra avant l’aube. Toutefois, nous avons déjà appris que, selon certains avis, l’aube se lève un peu plus tôt, et certains la situent 90 minutes avant le lever du soleil, comme l’écrit le Kaf Ha’haïm 89, 1. Aussi, en cas de nécessité impérieuse, pour ces questions où l’on ne risque pas de dire une bénédiction en vain (berakha lévatala), on peut se fonder sur cette ligne.

Pour de nombreux décisionnaires ashkénazes, il n’y a pas lieu de dire la bénédiction Yotser haméorot (« qui crées les corps célestes ») avant le temps de michéyakir. C’est ce qu’écrivent le Maguen Avraham, le Gaon Rabbi Chnéour Zalman, auteur du Choul’han Aroukh Harav, et le Michna Beroura 58, 17. Quoi qu’il en soit, si l’on a déjà dit Yotser haméorot avant l’heure de michéyakir, on ne répétera pas cette bénédiction à la fin de la prière, puisqu’on en est quitte selon le Choul’han ‘Aroukh et le Kaf Ha’haïm 58, 19 (Béour Halakha 58, 4 בלא).

09 – Privilégier Vatiqin quitte à prier seul, ou préférer prier en communauté ?

Les A’haronim sont partagés sur la question de savoir ce qui est le plus louable : prier solitairement à l’heure de Vatiqin, ou prier en communauté après l’heure de Vatiqin. Certains disent qu’il vaut mieux prier seul à l’heure de Vatiqin, dans la mesure où les sages louent celui qui prie à cette heure, et où ils déclarent que celui-là ne connaîtra point de dommage de la journée. D’autres disent qu’il est préférable de prier au sein d’un minyan, car la prière dite en minyan est certainement agréée. De plus, des doutes reposent sur la détermination précise de l’horaire de Vatiqin (comme nous l’avons vu au paragraphe 6) ; il n’est donc pas souhaitable qu’une qualification incertaine de Vatiqin repousse la prière collective. La consigne  donnée usuellement est de préférer la prière en minyan. Toutefois, celui qui a l’habitude de prier chaque jour à l’heure de Vatiqin en communauté et qui, pour une fois, ne peut se joindre à un minyan à cette heure, est autorisé à prier seul à l’heure de Vatiqin, ce jour-là, afin de ne pas déroger à sa coutume[11].

Celui qui se trouve face à deux possibilités, ou bien prier en minyan avant le lever du soleil – ce qui constitue un horaire de prière a posteriori –, ou bien prier seul à l’heure de Vatiqin, fera mieux, selon de nombreux avis, de prier seul à l’heure de Vatiqin. D’autres disent qu’il sera préférable de prier en communauté avant le lever du soleil, à condition de ne pas commencer les bénédictions du Chéma avant l’heure de michéyakir. En un tel cas, il y a lieu de consulter son Rav. Mais si le fait que plusieurs fidèles décident de prier seuls à Vatiqin entraînait l’annulation du minyan habituel, faute de fidèles en nombre suffisant pour constituer ce minyan, il serait préférable de prier en minyan avant le lever du soleil[12].


[11]. Pour le Mahari Schwartz, il vaut mieux prier à Vatiqin, et pour Rabbi Chelomo Kluger, dans Haelef lekha Chelomo, il est préférable de prier en minyan. Voir Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm I 4,9 et Yalqout Yossef I p. 140, qui font dépendre la règle de la kavana: si l’on se concentre bien, on priera à Vatiqin ; sinon, il vaut mieux prier en minyan. L’auteur des responsa Peri Yits’haq écrit que, puisque nous avons des incertitudes sur le moment exact de Vatiqin (comme nous l’avons vu au § 6), il vaut mieux prier en communauté que selon un horaire de Vatiqin C’est cette dernière consigne que l’on a coutume de donner. Mais puisque certains décisionnaires ne partagent pas cette opinion, un particulier qui voudrait de temps en temps prier à Vatiqin serait autorisé à se fonder sur leur avis.

Selon le Béour Halakha 58, 1, ceux qui ont soin de prier chaque jour à l’heure de Vatiqin et en communauté sont autorisés, lorsqu’ils ne peuvent prendre part à un minyan à cette heure, à prier seuls. Le Halikhot Chelomo 5, 17 explique que, dans un tel cas, on est lié par une sorte de vœu, aussi bien à l’égard de la prière de Vatiqin qu’à l’égard de la prière en minyan ; aussi est-on autorisé à choisir quelle conduite adopter.

[12]. Nous avons vu au paragraphe 4, note 4 que, selon la majorité des décisionnaires – et le Choul’han ‘Aroukh 89, 1, suivi par le Michna Beroura 4, tranche en ce sens –, le temps qui précède le lever du soleil ne convient qu’a posteriori à la ‘Amida. De plus, nous avons vu en note 11 que, selon certains auteurs, même quand le minyan prie après le lever du soleil, il vaut mieux néanmoins prier à Vatiqin. Par conséquent, il apparaît que, selon la majorité des décisionnaires, la valeur de Vatiqin est telle qu’il vaut mieux prier seul à Vatiqin, et non avant le lever du soleil en communauté. C’est ce qu’écrivent le Avné Yachfé et le Yalqout Yossef I p.137.

Cependant, nous avons vu que, selon le Roch et Rabbénou Yerou’ham, l’heure de la ‘Amida a priori était celle de michéyakir. D’autre part, le Michna Beroura 89, 1 écrit, au sujet de ceux qui veillent pendant la nuit de Chavou’ot, qu’ils peuvent prier en minyan avant le lever du soleil. Quant au Yaskil Avdi et au Or lé-Tsion, ils écrivent qu’il est préférable de prier en minyan avant le lever du soleil, dans la mesure où il s’agit d’un cas de nécessité impérieuse, puisqu’on ne trouvera pas de minyan après cela. Et c’est aussi l’opinion du ‘Hazon Ich (rapportée dans Iché Israël 13, 6).

À notre humble avis, il est préférable de donner pour consigne générale de conserver la prière en minyan, car la prière en minyan est agréée, et grande est la capacité de la communauté à préserver la régularité de la prière. Pour celui qui veut, par piété, prier à Vatiqin – et seulement pour lui –, il se peut qu’il soit préférable de prier à Vatiqin ; mais pour les autres, il vaut mieux prier en minyan avant le lever du soleil.

À plus forte raison pour un petit village, où certains fidèles doivent se rendre tôt à leur travail, et où il est impossible de rassembler un minyan à partir du lever du soleil : il s’agit d’un cas de nécessité impérieuse et il faut donc fixer le minyan avant le lever du soleil. Même en ce qui concerne les particuliers qui seraient en mesure de prier seuls plus tard, il convient qu’ils s’associent au minyan avancé. (Toutefois, s’ils veulent se lever tôt pour compléter le minyan, répondre au Qaddich et à la Qédoucha, et prier ensuite seuls à l’heure de Vatiqin, ils y sont autorisés).

10 – Les heures relatives et leurs règles

Le temps prévu pour la lecture du Chéma s’étend jusqu’à la fin de la troisième heure de la journée, et le temps prévu pour la récitation de la ‘Amida s’étend jusqu’à la fin de la quatrième heure. Il est ici question d’ « heures relatives » (chaot zmaniot). C’est-à-dire que l’on divise la journée en douze parties égales, et que chaque partie est appelée heure relative (chaa zmanit). En été, où les journées sont longues, les heures sont longues ; en hiver où les journées sont courtes, les heures sont courtes.

La question est : à partir de quand considère-t-on que la journée commence ? Selon la méthode de calcul du Maguen Avraham, les heures du jour sont celles où la lumière est perceptible : le calcul se fait depuis l’aube jusqu’à l’obscurité totale. Selon le Gaon de Vilna, en revanche, le calcul se fait selon les heures où le soleil est visible, c’est-à-dire depuis le lever du soleil  jusqu’à son coucher (cheqiat ha’hama)[13].

La différence entre l’aube et le lever du soleil est d’environ soixante-douze minutes durant les mois de nissan et de tichri. Cela signifie que la période de trois heures prévue pour la lecture du Chéma débute, d’après le Maguen Avraham, soixante-douze minutes plus tôt que d’après le Gaon de Vilna. Aussi, le terme prévu pour le Chéma et pour la ‘Amida arrive-t-il plus tôt selon le Maguen Avraham. Il n’arrive pourtant pas soixante-douze minutes plus tôt, puisque les heures sont, d’après le Maguen Avraham, plus longues. Il s’ensuit qu’à l’expiration de la sixième heure, on arrive au midi solaire d’après les deux méthodes de calcul (voir la note)[14].


[13]. Ceux qui sont d’avis de calculer à compter de l’aube sont le Teroumat Hadéchen, le Ba’h, Elya Rabba. C’est aussi ce que laissent entendre certains Richonim, parmi lesquels Rachi, Tossephot, Na’hmanide et Rachba (voir Hazmanim Bahalakha 13). Certes, le Maguen Avraham lui-même (233, 3 ; 443, 3) a hésité à établir son calcul depuis l’aube ou depuis le lever du soleil. Mais dans la mesure où la lecture du Chéma est une mitsva toranique, il a tranché dans le sens de la rigueur (58, 1), et cette méthode est désignée d’après son nom.

Face à eux, on trouve, à l’appui de la méthode du Gaon de Vilna, Rabbénou ‘Hananel, Rabbi Saadia Gaon, Rabbi Haï Gaon, Maïmonide, les élèves de Rabbénou Yona, et d’autres. Pour les A’haronim : le Levouch, Tossephot Yom Tov, le Gaon Rabbi Chnéour Zalman ; et la majorité des décisionnaires va dans ce sens. L’opinion du Gaon de Vilna (Béour Ha-Gra 459, Chenot Elyahou, début de Berakhot) repose sur l’idée que le jour et la nuit sont de durée équivalente ; aussi, les vingt-quatre heures de la journée se répartissent en douze heures diurnes et douze heures nocturnes, et le calcul des horaires de l’année dans son ensemble donne des heures de jour équivalentes aux heures de nuit. Or, cela n’est possible que si l’on calcule la durée du jour en fonction du soleil : alors, les jours et les nuits de l’ensemble de l’année s’équivalent. Cela n’est pas le cas si l’on conçoit la journée comme s’étendant de l’aube à la tombée de la nuit, car alors les jours sont plus longs que les nuits d’environ deux heures en moyenne.

[14]. Certains auteurs ont calculé les heures du jour selon la méthode du Maguen Avraham, en prenant pour limites l’aube et l’apparition des étoiles (tset hakokhavim) ; ils ont trouvé qu’avant le lever du soleil, on devait ajouter 72 minutes, tandis qu’après le coucher du soleil, seulement 18 ou 13 minutes et demie (Maamar Mordekhaï, Ben Ich ‘Haï, première année, Vayaqhel 4, Divré Yossef). Mais cette position présente une difficulté, car il résulte de leur calcul que midi (‘hatsot) arrive avant que le soleil ne parvienne au milieu du ciel, et que, dès lors, l’horaire du Maguen Avraham est en avance sur la réalité astronomique. C’est pourquoi le Rav Tikotchinsky, se fondant sur de grands maîtres de Jérusalem, a calculé le temps qui suit le coucher du soleil à l’égal du temps qui précède son lever : si l’aube précède le lever du soleil d’environ 72 minutes, on ajoute également 72 minutes après le coucher du soleil. De cette façon, les six premières heures du jour s’achèvent toujours au midi solaire, aussi bien selon la méthode du Maguen Avraham que selon celle du Gaon de Vilna.

D’après cela, on peut facilement calculer la différence entre l’heure limite selon le Maguen Avraham et l’heure limite selon le Gaon de Vilna. On calcule d’abord le temps qui sépare l’aube du lever du soleil, puis on le divise en six parties égales. Par exemple, d’après ce que l’on observe aux mois de nissan et de tichri, où l’aube précède le lever du soleil de 72 minutes, il ressort que chaque heure dure, d’après le Maguen Avraham, 12 minutes de plus que d’après le Gaon de Vilna. Par conséquent la différence entre les deux méthodes après trois heures se résume à 36 minutes. Ce qui revient à dire que, en remontant de trois heures à partir du midi solaire (où les deux systèmes se rejoignent), l’heure limite de récitation du Chéma pour le Maguen Avraham précède de 36 minutes cette même heure pour le Gaon de Vilna. Quant à l’heure limite de la ‘Amida, elle précède pour le Maguen Avraham de 24 minutes cette même heure pour le Gaon de Vilna [en effet, pour arriver à la fin de la quatrième heure, on remonte de deux heures à partir du midi solaire. La différence entre les deux avis étant de 12 minutes par heure, on compte 2 x 12’= 24’]. Toutefois, comme nous l’avons vu en  note 1, au sujet des variations d’horaire de l’aube en fonction des saisons, il apparaît qu’au plus fort de l’hiver, l’heure limite de lecture du Chéma pour le Maguen Avraham précède de 39 minutes cette même heure pour le Gaon de Vilna ; et au plus fort de l’été, la différence est de 44 minutes.

Puisqu’il est ici question d’une incertitude portant sur une mitsva toranique (safeq de-oraïtha), il paraît juste de prendre pour base, dans son calcul, le moment où le soleil se trouve à 17,5° sous l’horizon, car dès ce moment, la première lueur est perceptible, et certains auteurs pensent que c’est là qu’il faut situer l’apparition de l’aube (voir note 1). D’après cela, aux mois de nissan et de tichri, l’aube précède le lever du soleil de 78 minutes (qui se divisent en six parties égales de 13 minutes), et l’heure limite du Chéma selon le Maguen Avraham précède de 39 minutes (3 x 13) cette même heure selon le Gaon de Vilna. Au plus fort de l’hiver, la différence est de 42,5 minutes, et au plus fort de l’été de 48 minutes. Dans de nombreux calendriers, on prend pour base de calcul le moment où le soleil est à 19,75° sous l’horizon, si bien que l’horaire du Maguen Avraham précède celui du Gaon de Vilna de 45 minutes en nissan et de 56 minutes en été. J’ai déjà écrit en note 1 que cette méthode était très problématique, car à une telle heure, aucune lumière n’est visible à l’est. Certains, en plus de situer l’aube 90 minutes avant le lever du soleil, ne situent la tombée de la nuit que 18 minutes après le coucher du soleil, d’où il résulte que, selon eux, l’horaire du Maguen Avraham précède celui du Gaon de Vilna d’une heure ou davantage. J’ai écrit plus haut que cette opinion était très difficile à soutenir.

11 – Directives pratiques en matière d’heure limite du Chéma et de la ‘Amida

Le temps prévu pour la lecture du Chéma s’étend jusqu’à la fin de la troisième heure du jour car, jusqu’à ce moment, certaines personnes continuent de se lever. De cette façon, on accomplit la mitsva de dire le Chéma « en se levant » (ouvqoumékha), c’est-à-dire lorsque les gens se lèvent. Il est vrai que la majorité des décisionnaires penchent pour l’opinion du Gaon de Vilna (selon lequel les heures du jour se calculent du lever au coucher du soleil, voir ci-dessus § 10). Mais en matière de lecture du Chéma, dont l’horaire est de rang toranique, il est bon d’être rigoureux et de se conformer à l’opinion du Maguen Avraham (pour lequel la journée s’étend de l’aube à la nuit), suivant le principe : « En cas de doute sur une obligation de rang toranique, nous allons dans le sens de la rigueur » (sfeqa de-oraïtha lé’houmra). Toutefois, certains ont l’usage a priori d’adopter l’horaire du Gaon de Vilna, et il n’y a pas lieu de s’y opposer.

Bien que la lecture du Chéma soit prévue jusqu’à la fin de la troisième heure, si cette heure est passée sans qu’on ait lu le Chéma, on le lira avec ses bénédictions durant la quatrième heure, et l’on sera récompensé pour cette lecture, comme si l’on se livrait à une simple lecture de la Torah (Choul’han ‘Aroukh 58, 6).

Le temps prévu pour la lecture de la ‘Amida et des bénédictions du Chéma s’étend jusqu’à la fin de la quatrième heure, car les sages ont fixé leur temps en fonction de l’offrande journalière, qui était présentée au Temple de Jérusalem jusqu’à la fin de la quatrième heure. Puisque ces obligations sont d’ordre rabbinique, leur régime juridique est conforme à l’opinion indulgente ; on peut donc adopter l’horaire le plus tardif et s’appuyer sur l’opinion du Gaon de Vilna. Malgré cela, les hommes diligents se hâtent d’accomplir les mitsvot ; il est donc bienvenu de prier aussi tôt que le prescrit le Maguen Avraham (Michna Beroura 58, 4)[15].

Si quatre heures sont passées sans qu’on ait dit les bénédictions du Chéma ni récité la ‘Amida, il est convenu de dire que la ‘Amida pourra se réciter jusqu’au midi solaire. Il est vrai que la halakha, en cette matière, est conforme à l’opinion de Rabbi Yehouda, selon lequel la ‘Amida de Cha’harit doit se dire avant la fin de la quatrième heure, et non à celle des sages, selon lesquels on peut aller jusqu’à midi. Mais quoi qu’il en soit, Rabbi Yehouda lui-même reconnaît que, dans le cas où l’on n’aurait pas prié avant la fin de la quatrième heure, on pourrait a posteriori réciter sa prière jusqu’à midi. Et bien que l’on ne recueille pas, en cela, la rétribution de la prière dite en son temps, on recueille néanmoins la rétribution de la prière en tant que telle. En revanche, on ne peut plus dire la ‘Amida de Cha’harit après midi (Berakhot 27a ; Choul’han ‘Aroukh, Ora’h  ‘Haïm 89, 1)[16].

En ce qui concerne les bénédictions du Chéma, les décisionnaires sont partagés. D’après le Choul’han ‘Aroukh (58, 6) et la majorité des décisionnaires, ce n’est qu’à l’égard de la prière proprement dite, c’est-à-dire la ‘Amida, que l’on a été indulgent en permettant a posteriori d’en rattraper la récitation jusqu’à midi. En effet, on est en principe autorisé à réciter une ‘Amida en tout temps à titre de nédava (« offrande », prière volontaire) ; par conséquent, dans toute situation de doute, on peut dire la ‘Amida. En revanche, on ne saurait dire les bénédictions du Chéma à titre de nédava ; aussi, celui qui s’est mis en retard et ne les a pas récitées avant la fin de la quatrième heure, ne peut les rattraper. Mais, selon le Michna Beroura, si c’est en raison d’un empêchement qu’on a manqué de les dire avant la fin de la quatrième heure, on est autorisé à en rattraper la lecture jusqu’à midi (Béour Halakha, ad loc.)[17].


[15]. Certains ont avancé que la coutume ashkénaze suivait le Gaon de Vilna et que la coutume séfarade suivait le Maguen Avraham. Effectivement, le ‘Hida écrit que, dans le monde séfarade, la coutume était conforme à l’avis du Maguen Avraham ; de son côté, le Igrot Moché du Rav Moché Feinstein (Ora’h ‘Haïm 1, 24) indique qu’en Lituanie, la coutume était semblable à l’avis du Gaon de Vilna, y compris en matière de lecture du Chéma. Toutefois, le Yalqout Yossef (I p. 98) précise que l’usage séfarade n’est pas nécessairement conforme à l’avis du Maguen Avraham. Par ailleurs, en Allemagne, de nombreuses personnes étaient a priori rigoureuses en matière de lecture du Chéma, conformément à l’avis du Maguen Avraham (Michna Beroura 58, 4 ; Téphila Kehilkhata).

[16]. L’explication selon laquelle le temps prévu pour la ‘Amida de Cha’harit s’étend, a posteriori, jusqu’à midi, est présentée par le Beit Yossef, et telle est l’opinion de la majorité des décisionnaires. Cependant, certains auteurs pensent que Rabbi Yehouda ne s’accorde en rien, à cet égard, avec l’opinion des sages, et qu’après quatre heures, l’heure de Cha’harit est close ; commence alors la période dite de Tachloumin (littéralement « remboursement », cf. chap. 18 § 8-10). D’après cela, celui qui, intentionnellement, n’a pas prié avant quatre heures, ne peut plus prier à titre de Tachloumin. Telle est l’opinion du Raavan, du Peri ‘Hadach et du Gaon de Vilna. Le Michna Beroura 89, 6 tient compte de cette opinion. Aussi écrit-il que si l’on a, intentionnellement, manqué de dire la ‘Amida avant la fin de la quatrième heure, on priera avant midi à titre de nédava [littéralement « offrande », prière volontaire, non obligatoire]. (Le Rachba est plus rigoureux, et écrit dans ses responsa qu’après quatre heures on ne peut du tout réciter la ‘Amida). Cf. Bérour Halakha sur Berakhot

En ce qui concerne la demi-heure qui suit midi, voir Bérour Halakha sur Berakhot, début du chap. 4. Conformément aux propos du Beit Yossef et du Rama 89, 1, il ne faut pas dire la ‘Amida de Cha’harit durant cette demi-heure. Toutefois, si l’on a dit la ‘Amida par erreur durant cette demi-heure, on ne dira pas de seconde ‘Amida après Min’ha à titre de Tachloumin, puisque, selon certains avis, il est encore possible de dire la ‘Amida une demi-heure après midi (Michna Beroura 89, 7).

[17]. Le Choul’han ‘Aroukh tranche comme le Roch et le Tour: le temps de lecture de ces bénédictions s’étend seulement jusqu’à quatre heures. C’est aussi ce qu’écrivent le Ben Ich ‘Haï (Vaéra 5), le Rav Mordekhaï Elyahou dans son sidour, et le Yalqout Yossef I p.107. Le Michna Beroura quant à lui, base son propos, d’une part, sur l’opinion du Maïmonide et du Peri ‘Hadach, lesquels pensent que le temps des bénédictions du Chéma se prolonge toute la journée, et d’autre part, sur l’opinion du Michkenot Yaaqov, selon lequel le régime juridique de ces bénédictions est semblable à celui de la ‘Amida, si bien qu’on peut les dire a posteriori jusqu’à midi. Le Maharil écrit que telle est la coutume ashkénaze. Le Béour Halakha conclut que, dans le cas où l’on n’aurait pas dit ces bénédictions en raison d’un empêchement, on peut les dire jusqu’à midi. Certes, de nombreux décisionnaires ashkénazes – tels le Gaon Rabbi Chnéour Zalman et le ‘Hayé Adam – sont rigoureux, comme l’est le Choul’han ‘Aroukh ; mais de nombreux Ashkénazes s’appuient de toutes façons sur le Michna Beroura. C’est dans ce sens que s’expriment le Halikhot Chelomo et le Iché Israël.

Selon le Yalqout Yossef I p. 109, même en ce qui concerne les bénédictions du Chéma, il est possible d’adopter l’usage du Gaon de Vilna [qui considère que la journée s’étend du lever au coucher du soleil]. Il est vrai qu’il s’agit d’une situation de doute liée à des bénédictions et que, à première vue, il conviendrait de s’abstenir de dire des bénédictions à un moment qui est sujet à controverse, suivant le principe : « en cas de doute sur la nécessité de dire une bénédiction, on s’abstient ». Mais quoi qu’il en soit, puisque certains auteurs sont d’avis que le temps des bénédictions du Chéma se prolonge toute la journée, et que d’autres encore le fixent jusqu’à midi, on peut à tout le moins être indulgent en en fixant la limite à la fin de la quatrième heure d’après la méthode du Gaon de Vilna.

12 – La prière en communauté face à la conservation des horaires

Dans la mesure où les sages ont décrété que le Chéma Israël et ses bénédictions devaient être suivis immédiatement de la ‘Amida, nous devons a priori fixer l’heure de l’office de Cha’harit de manière à avoir le temps de lire le Chéma avant la fin des trois premières heures de la journée, telles que le Maguen Avraham les calcule.

Quand l’office communautaire est fixé à une heure tardive, et qu’il est à craindre que le Chéma soit récité après l’expiration du terme défini par le Maguen Avraham, on annonce aux fidèles qu’ils doivent s’acquitter, avant l’office, de la lecture du premier paragraphe du Chéma. Celui qui veut être scrupuleux lira l’ensemble des trois paragraphes[18].

Dans le cas où l’assemblée tarde davantage et arrive à la récitation de la ‘Amida après l’expiration du temps prévu pour celle-ci selon le calcul du Maguen Avraham, les décisionnaires sont partagés quant à la priorité à donner. Certains disent qu’il vaut mieux prier au sein du minyan à l’intérieur des quatre heures telles que les calcule le Gaon de Vilna, puisque ce mode de calcul est suivi par la majorité des décisionnaires. De plus, font-ils valoir, l’horaire de Cha’harit est d’ordre rabbinique ; or, en cas de doute en matière rabbinique, on est indulgent. Enfin, en cas d’urgence, on peut dire la ‘Amida de Cha’harit jusqu’à midi. Par conséquent, il est préférable de prier en communauté comme l’ont institué les sages, même lorsque la ‘Amida n’est dite qu’après le terme fixé par le Maguen Avraham. Certains disent, en revanche, qu’il vaut mieux prier seul dans le délai indiqué par le Maguen Avraham que de prier en minyan après l’expiration de ce délai[19].

Mais si l’usage du minyan contredit la halakha, et que la ‘Amida n’est récitée qu’après l’expiration du terme de quatre heures tel que le calcule le Gaon de Vilna, tous les avis s’accordent à dire que l’on doit prier seul avant cela[20].

Celui qui n’a pas de téphilines ne retardera pas pour autant le moment de réciter le Chéma et de prier, car a posteriori, il est permis d’accomplir sans téphilines la mitsva de lire le Chéma et celle de prier (Michna Beroura 46, 33 ; voir ci-après chap. 12 § 9).


[18]. D’après la majorité des décisionnaires, seule la lecture du premier verset du Chéma Israël constitue une obligation toranique. Aussi le Beit Yossef et le Rama 46, 9 écrivent qu’il est bon d’intercaler ce verset au sein du rappel des Sacrifices (première partie de l’office du matin), afin de s’acquitter par là de l’obligation de lecture du Chéma. Le Michna Beroura 46, 31 rapporte l’avis de certains décisionnaires, selon lesquels on doit lire tout le premier paragraphe ; d’autres requièrent les deux premiers paragraphes (car selon le Peri ‘Hadach, la lecture de ces deux paragraphes est d’obligation toranique). Le mieux est de les lire tous les trois, car selon le Peri ‘Hadach, il est bon de s’acquitter de l’obligation de mentionner la sortie d’Egypte (comme nous le faisons à la fin du troisième paragraphe) durant le temps prévu pour la lecture du Chéma lui-même.

Certes, selon le Gaon de Vilna, se fondant sur Rabbi Aharon Halévi, il ne convient pas de s’acquitter de la mitsva de lire le Chéma sans accompagner celui-ci de ses bénédictions. Mais, quoi qu’il en soit, dans le cas qui nous occupe, où il s’agit de s’acquitter de la mitsva selon l’horaire du Maguen Avraham avant que cet horaire n’expire, il vaut mieux avancer la lecture du Chéma sans ses bénédictions ; on le redira, cette fois avec ses bénédictions, au sein du minyan (Béour Halakha 46, 9 ויוצא). Si l’on voit que l’assemblée n’est susceptible de retarder la lecture du Chéma que de quelques minutes, on peut, selon le Binyan ‘olam, précéder l’assemblée dans la récitation du Chéma et de ses bénédictions, et attendre d’être rejoint par elle au moment où l’on s’apprête à dire Chira ‘hadacha (dernière partie de la bénédiction qui précède la ‘Amida). De cette façon, on pourra lire le Chéma selon l’horaire du Maguen Avraham avec ses bénédictions, et également réciter la ‘Amida en minyan.

Dans ses notes, Rabbi Aqiba Eiger écrit que celui qui n’est pas certain d’arriver à lire le Chéma avec ses bénédictions avant l’expiration du terme défini par le Maguen Avraham, le lira avant cela sans ses bénédictions en formant la condition suivante : « Si la halakha est conforme à l’opinion du Gaon de Vilna, ou si je parviens à lire le Chéma avec ses bénédictions avant l’expiration du terme du Maguen Avraham, alors je n’ai pas l’intention de m’acquitter de l’obligation de lire le Chéma par la présente lecture. Je m’en acquitterai quand je le relirai avec ses bénédictions ». Le Da’at Torah et le Oneg Yom Tov disent qu’en matière d’obligations toraniques, une telle condition est inopérante. Les A’haronim sont partagés sur la question. La majorité des décisionnaires mentionnent en pratique le conseil de Rabbi Aqiba Eiger, comme le Yalqout Yossef I p. 101-107 et le Iché Israël 18, 18.

[19]. Selon le Min’hat Yits’haq, il est préférable de prier au sein du minyan dans le délai fixé par le Gaon de Vilna, et c’est aussi l’avis du Avné Yachfé. Face à eux, le Gaon Rabbi Chelomo Zalman Auerbach (cité par le Iché Israël) pense qu’il est préférable de prier seul dans le délai du Maguen Avraham. En ce qui concerne l’usage séfarade, les décisionnaires sont aussi partagés : le Min’hat Yits’haq écrit que, pour les Séfarades également, il vaut mieux prier en minyan. En revanche, le Rav Aba Chaoul pense que la coutume des Séfarades est conforme en cela à l’opinion du Maguen Avraham, et qu’il vaut donc mieux prier seul qu’en communauté après l’expiration du temps fixé par le Maguen Avraham. Selon le Chéérit Yossef, si l’on se conforme constamment à l’opinion du Maguen Avraham en la matière, et que l’on se sait capable de se concentrer sur le sens des mots, tout au long de la ‘Amida, il est préférable de prier seul dans le délai du Maguen Avraham. Mais si l’on ne peut se concentrer très bien, il vaut mieux prier au sein du minyan car, dans ce cadre, la prière est agréée.

Il faut terminer la répétition de l’officiant avant l’expiration des quatre premières heures (Michna Beroura 124, 7). Le Or Le-Tsion écrit que l’on ne commence pas la répétition de la ‘Amida après quatre heures. Le Béour Halakha 124, 2 (שיעבור) hésite à ce sujet : il se peut, pense-t-il,  que l’on puisse dire la répétition, même après quatre heures, puisque le temps de la ‘Amida, a posteriori, s’étend jusqu’à midi. Voir Iché Israël 13.

[20]. Lorsque l’on avance sa prière par rapport à celle de la communauté en raison du retard de celle-ci, certains auteurs disent que l’on doit prier en-dehors de la synagogue. D’autres disent que, dans la mesure où la communauté ne se conduit pas selon la règle, on est autorisé à avancer sa propre prière en sa présence. Voir Michna Beroura 90, 35. Il semble que si, grâce au fait qu’un fidèle prie plus tôt en présence des autres, ces-derniers sont susceptibles d’apprendre de lui la juste règle et d’avancer eux aussi leur prière, il vaille mieux prier en leur présence. Dans le cas contraire, il vaut mieux prier seul dans un autre endroit.

01 – Saluer son prochain avant la prière

À partir de l’aube, il est interdit de se présenter chez son ami, son père ou son maître pour lui adresser son « chalom » ou quelque autre salutation, tant que l’on n’a pas prié. Procéder ainsi reviendrait à donner à cette personne davantage de considération qu’au Saint béni soit-Il, puisque avant même de louer et de prier l’Eternel béni soit-Il, on irait adresser ses salutations à son prochain (Berakhot 14a)[1].

Mais dans le cas où, chemin faisant, on passerait près de la maison de son prochain, et où les règles de politesse en usage voudraient que l’on entrât chez lui pour le saluer, on serait autorisé à le faire en lui disant « bonjour » ou « bonne matinée » (boqer tov, en hébreu). Mais on ne lui dira pas « chalom », car Chalom est l’un des noms du Saint béni soit-Il, or il ne convient pas, avant de prier, d’honorer une créature de chair et de sang par l’usage d’un nom divin (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 89, 2).

Si l’on rencontre son prochain en chemin, dans la mesure où l’on n’a pas l’intention de lui manifester de marque particulière de révérence, on peut, selon la majorité des décisionnaires, lui adresser son « chalom ». Selon d’autres, il est préférable, même dans un tel cas, de dire « boqer tov » (ou « bonjour ») et non « chalom », afin de garder à l’esprit que l’on n’a pas encore prié, et de ne pas risquer de s’attarder à des propos profanes avant la prière. Il convient de se conformer à cet avis (cf. Michna Beroura 89, 16). Et si, en route vers la synagogue, on rencontre une personne qui a déjà terminé sa prière, et que celle-ci nous adresse son « chalom », on lui répond « chalom », bien que l’on n’ait pas encore prié (Michna Beroura 89, 16).

L’interdit de se présenter chez son ami, son père ou son maître ne tient que si cette visite a pour but de l’honorer ; mais si la visite est motivée par les besoins d’une mitsva, cela devient permis. Par conséquent, si son père a besoin d’être accompagné à la synagogue, il est permis de se présenter chez lui et de l’accompagner ; a priori, on lui dira « boqer tov » et non « chalom ».

De même, quand ses parents sont sur le point de prendre l’avion pour se rendre à l’étranger, et qu’en raison de l’honneur qui leur est dû, on doit les accompagner et les assister, mais que, si l’on attend de terminer sa prière, lesdits parents devront partir entre-temps, on récitera d’abord les bénédictions du matin (Birkot hacha’har[a], puis on accompagnera ses parents à l’aéroport ; après quoi on priera. (Le père priera dans l’avion). La même règle s’applique lorsque l’on doit recevoir ses parents à leur retour de l’étranger[2].


[1]. Certes, le temps de la prière commence a priori au lever du soleil ; mais quoi qu’il en soit, puisque l’on peut a posteriori prier dès l’aube, l’interdit d’aller saluer son prochain commence dès l’aube. C’est ce qu’écrivent le Michna Beroura 89, 8 et le Kaf Ha’haïm Selon le Taz, toutefois, l’interdit ne court qu’à partir du lever du soleil.
[a]. Il se peut aussi que l’on ait à dire le Chéma avant son départ, ou sur la route, afin de ne pas manquer de le dire en son temps (cf. chapitre précédent).
[2]. Le Kaf Ha’haïm 89, 25 rapporte au nom de certains A’haronim qu’il est permis de s’occuper des nécessités d’une mitsva avant de prier, et c’est ce qu’écrit le Michna Beroura 250, 1. Accompagner son père ou son maître à la synagogue est nécessaire à l’accomplissement d’une mitsva et, selon le recueil de responsa Betsel Ha’hokhma, il est permis de les accompagner à l’aéroport. On aura soin, avant cela, de réciter les bénédictions du matin (d’après ce que rapportent Ora’h ‘Haïm et le Teroumat Hadéchen sur le Beit Yossef). (Le Chevout Yaaqov permet en tout état de cause d’adresser son « chalom » à son père ou à son maître, car la Torah ordonne de les honorer. Le Peri Mégadim l’interdit, et le Michna Beroura 89, 10 va dans ce dernier sens).

Selon le Michna Beroura 89, 9, aller saluer son prochain à la place qu’il occupe à la synagogue est également considéré comme « lui rendre visite de bon matin avant la prière ». Mais le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch tend à être indulgent en la matière. S’incliner en signe de salutation est considéré comme adresser son « chalom » (Michna Beroura 89, 13).

Téléphoner en cas de nécessité semble, à notre humble avis, relever de la même règle que celle qui s’applique lorsque l’on passe à proximité du domicile de son prochain, cas dans lequel il est permis d’entrer sans dire « chalom » ; il sera bon de dire préalablement les bénédictions du matin. Mais s’il n’y a pas de nécessité, la chose est interdite, car cela est assimilable au cas où l’on se rend, avant la prière, au domicile de son prochain dans l’intention spéciale de lui rendre visite. Cf. Iché Israël 13, note 40, d’après lequel certains décisionnaires sont plus indulgents.

02 – Ne pas se livrer à des occupations professionnelles avant la prière

À partir de l’aube, il est interdit de se livrer à son travail avant d’avoir prié, car le saint précède le profane, et l’honneur dû au Ciel précède les occupations des créatures. Aussi faut-il en premier lieu louer Dieu et prier devant Lui, puis seulement après s’adonner à ses occupations. Nos sages ont dit : « Celui qui prie puis se met en chemin, le Saint béni soit-Il fait réussir ses entreprises » (Berakhot 14a).

Il vaut mieux prier seul avant de commencer à travailler, que de commencer à travailler puis de s’interrompre pour prier en minyan. Par exemple, si l’on doit commencer son travail à 6h30, et que le seul minyan de la ville se tienne à 7h30, il vaut mieux prier seul avant de commencer son travail, afin que ce dernier ne précède pas sa prière (Michna Beroura 89, 20).

En revanche, on est autorisé à travailler avant l’aube ; en effet, le temps de la prière de Cha’harit n’est alors pas encore venu, d’où il résulte que travailler n’est pas considéré comme faire passer ses besoins avant sa prière. On veillera à dire, avant cela, les bénédictions du matin (Birkot hacha’har), car le temps de leur lecture suit immédiatement le lever. Dans la mesure où l’on a commencé à travailler avant l’heure de la prière, on est autorisé à continuer même après l’apparition de l’aube, à condition d’avoir le temps de prier avant l’expiration de l’heure de la prière (Choul’han ‘Aroukh 89, 7 ; Michna Beroura 89, 37 ; 70, 23)[3].


[3]. Maïmonide écrit (Hilkhot Téphila 6, 7) qu’il est permis de se couper les cheveux et de se rendre aux bains à l’approche de Cha’harit, c’est-à-dire avant l’aube, car les sages n’ont pas décrété d’interdiction à cet égard – contrairement au cas de l’approche de Min’ha, cas dans lequel ces activités sont plus fréquentes. C’est en ce sens que le Choul’han ‘Aroukh 89, 7 tranche. Toutefois, le Raavad pense que, durant la demi-heure qui précède l’aube, l’interdit pèse également, comme l’explique le Béour Halakha 70, 5. Certains disent que Maïmonide n’est indulgent qu’à l’égard du bain et de la coupe des cheveux, choses qui ne sont pas fréquentes avant l’aube, mais qu’il serait rigoureux à l’égard de travaux fréquemment effectués avant l’aube (Peri Mégadim, Gaon de Lissa). Cependant, dans leur majorité, les décisionnaires sont indulgents à l’égard de tous les types de travaux. Le Michna Beroura 89, 37 tient compte, quelque peu, de l’opinion rigoureuse ; aussi prescrit-il de réciter préalablement les Birkot Hacha’har (à l’égard desquelles certains ont une position indulgente, comme le rapporte le Rama 89, 3).

Celui qui a commencé à travailler après l’apparition de l’aube, dans la mesure où il a commencé de façon interdite, doit s’arrêter immédiatement pour réciter le Chéma, qui est une mitsva toranique. Pour la ‘Amida, il n’a pas besoin de s’arrêter, et il peut achever son travail à condition de ne pas dépasser l’heure limite de récitation de la ‘Amida (Michna Beroura 70, 23).

03 – Choses qu’il est permis de faire avant la prière

Il est permis, avant la prière, de s’occuper des nécessités d’une mitsva, car il ne s’agit pas des affaires personnelles de l’homme, mais des affaires du Ciel. Par exemple, s’il est à craindre qu’au retour de la prière, il ne reste pas d’aliments à acheter pour Chabbat, il est permis d’acheter avant la prière (Michna Beroura 250, 1, Kaf Ha’haïm 89, 25). En revanche, s’il ne s’agit pas des nécessités d’une mitsva, il est interdit d’acheter même un seul article. Mais s’il ne reste pas de nourriture chez soi pour le repas de ses enfants, qui s’apprêtent à partir étudier à l’école, il est permis d’acheter avant la prière les aliments nécessaires, car cela aussi fait partie des nécessités d’une mitsva.

Les petites tâches ne sont pas considérées comme des travaux ou comme la gestion de ses affaires, aussi est-il permis de les accomplir avant la prière. Par exemple, il est permis de faire son lit avant la prière. Il est aussi permis de sortir la poubelle de chez soi pour la jeter à la poubelle collective. Il est encore autorisé de feuilleter un peu son journal. De même, on peut faire un peu de gymnastique avant la prière.

Il est permis de remplir sa machine à laver de linge trié, et de la mettre en marche, car il s’agit d’une petite tâche. Mais il est interdit de trier du linge pour en remplir la machine (Halikhot Chelomo 2, 5).

Il est interdit de cuisiner ou de faire du pain avant la prière, mais il est permis d’allumer le feu sous une marmite qui a été préparée la veille, ou d’enfourner un moule dont le contenu a été préparé la veille.

Il est permis, en cas de nécessité, d’habiller les enfants et de leur préparer un sandwich avant qu’ils ne partent pour la maternelle ou l’école, car il s’agit de petites tâches, qui se rattachent, de plus, à une mitsva.

Il est permis d’écrire, avant la prière, ses commentaires originaux sur la Torah (‘hidouchim), aussi bien manuscrits que sur ordinateur. Mais il est interdit d’écrire des textes facultatifs, qui ne se rattachent pas à une mitsva (rechout)[4].


[4]. Téphila Kehilkhata 6, notes 36 et 38, Iché Israël 13, 18. Le Echel Avraham 89, 3 émet l’idée que tout travail simple ou occasionnel qui est permis à ‘Hol Hamoed est également permis avant la prière, durant l’année. Le Halikhot Chelomo 2, notes 8 et 16 émet l’idée que l’interdit vise seulement l’ordre de priorité : il est interdit de faire passer ses affaires avant sa prière, lorsque l’heure habituelle de celle-ci est arrivée. Mais, poursuit-il, si l’heure habituelle de sa prière n’est pas encore arrivée, on a le droit de travailler, bien que l’aube se soit déjà levée. Il semble en pratique que l’on puisse être indulgent dans ces circonstances, lorsque s’y associe un autre élément de doute tendant à l’indulgence : par exemple, si l’on hésite à qualifier une activité de travail ou d’acte nécessaire à l’accomplissement d’une mitsva, on peut être indulgent dans la mesure où l’heure habituelle de sa prière n’est pas encore arrivée.

04 – Bain, douche et rasage

Au titre de l’interdit de se livrer à ses activités avant la prière, il est également interdit de se couper les cheveux ou d’entrer dans un établissement de bains (Maïmonide, Téphila 6, 7). Mais il est obligatoire de se laver les mains, et il est souhaitable de se rincer le visage et de se brosser les dents, à l’approche de la prière (Choul’han ‘Aroukh 4, 17 ; 46, 1).

Il est permis de s’immerger dans un miqvé[b] avant l’office, du fait qu’il n’y a à cela aucune atteinte à l’honneur dû à la prière ; bien au contraire, il s’agit d’une préparation et d’une purification en vue de celle-ci.

De même il est permis de prendre une douche avant la prière, car le fait de se laver tout le corps au moyen de neuf kav d’eau, c’est-à-dire d’environ douze litres et demi, constitue là encore une préparation et une purification à l’approche de la prière (cf. Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 88, 1, Michna Beroura 89, 4, Min’hat Yits’haq 4, 21).

De l’avis de certains décisionnaires, il est interdit à celui qui se lave de se savonner avant la prière, car cela s’assimile au fait de prendre un bain, ce qui est interdit. Mais en pratique, celui qui se sent sale, et qui a pour intention de se nettoyer et non de se faire plaisir, est autorisé à se laver le corps au savon, à condition de ne pas arriver en retard à la prière publique[5].

Il est de même interdit de se couper les cheveux avant la prière, mais pour ce qui est de se raser, un doute apparaît : certains disent en effet que le rasage se rattache à la coupe de cheveux, laquelle est interdite. Cependant, il semble en pratique que, si l’on a l’habitude de se raser tous les jours, on soit autorisé à le faire avant la prière, car le rasage est considéré dans un tel cas comme un des actes du lever matinal et non comme le fait de vaquer à ses occupations avant la prière. En particulier, il y a lieu de le permettre si l’on fait cela comme préparation en l’honneur de la prière[6].


[b]. Miqvé : bain rituel juif.
[5]. Selon le Iché Israël 13, 21, il est interdit de se savonner. Le Chéérit Yossef II p. 274 pense qu’il n’est pas souhaitable de se laver, mais que, si le fait de se laver permet ensuite de prier avec concentration et dans la propreté, cela est permis. Le Halikhot Chelomo 2, 8 écrit qu’il ne convient pas de se savonner, car il est à craindre que cela ne conduise à prendre un bain, ce qui est interdit. Toutefois, au paragraphe 11, l’auteur écrit que, si l’heure habituelle de son office n’est pas encore arrivée, il se peut qu’il n’y ait pas d’interdit à faire précéder sa prière d’un bain (à la manière de ce qui est expliqué dans la note précédente).

Pour l’essentiel, la logique plaide pour l’indulgence. En effet, le type de bain dont parlaient les sages se prolongeait longuement et visait au plaisir ; les préparatifs du bain étaient longs eux-mêmes : faire du feu, chauffer l’eau, ou se rendre à l’établissement de bains. En revanche, une toilette rapide sous la douche a pour but essentiel d’ôter la saleté, et peut-être encore de se rafraîchir, aussi n’est-ce pas interdit. De plus, Maïmonide écrit dans Hilkhot Téphila 4, 3 qu’il faut, avant l’office du matin, se laver le visage, les mains et les pieds ; cf. Beit Yossef 92, qui explique les sources sur lesquelles se fonde Maïmonide ; et bien que le Beit Yossef écrive qu’en pratique on n’a pas l’usage de se laver les pieds, on peut néanmoins apprendre des propos de Maïmonide qu’une toilette visant à la propreté à l’approche de la prière est chose excellente. En outre, selon le Kolbo, il n’y a aucun interdit à se baigner ni à se couper les cheveux avant la prière, et ce ne sont que les autres travaux qui sont interdits. Son opinion est citée par Elya Rabba et Kaf Ha’haïm 89, 53. La logique du Kolbo semble être que l’on peut voir dans ces activités une préparation en l’honneur de la prière du matin. Bien que l’on ne tranche pas dans son sens en matière de bain à proprement parler, ni de coupe de cheveux, on peut être indulgent quand il s’agit d’une douche légère avec savon, suivant le principe : « En cas de doute en matière rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente ».

[6]. Or lé-Tsion et Halikhot Chelomo 2, 7 interdisent de se raser. Mais le Avné Yachfé, d’après le Rav Wozner, permet tout acte routinier que l’homme fait chaque matin.

05 – Yotsé ladérekh, « celui qui se met en chemin »

Avant le lever de l’aube, on est autorisé à être yotsé ladérekh, c’est-à-dire à voyager, à condition de programmer son itinéraire de façon telle que l’on aura le temps de faire la prière de Cha’harit à l’heure. Mais une fois l’aube levée, il est interdit de voyager : on doit d’abord prier, puis partir. Et même si l’on doit partir tôt, au point qu’il est impossible de prier en minyan dans son village ou son quartier, tandis que l’on pourrait, au terme de son voyage, prier en minyan à son lieu de destination, il reste malgré cela préférable de prier seul avant de prendre la route (Michna Beroura 89, 20).

Toutefois, il n’est ici question que d’un long chemin, car c’est à cela que se réfère l’expression yotsé ladérekh, « celui qui se met en route ». Une source explique qu’il est question d’un chemin que l’on parcourt en soixante-douze minutes au moins (responsa Or lé-Tsion II 7, 6). En cas de nécessité, on peut s’appuyer sur cet avis. Par conséquent, si d’une part on est contraint de partir tôt, avant l’heure de l’office communautaire fixé dans son village ou son quartier, que d’autre part on soit en mesure de prier en minyan à l’endroit où l’on se rend, et que le voyage prévu dure moins de soixante-douze minutes, il est préférable de partir préalablement puis de prier en minyan à l’arrivée. Mais si le voyage prévu dépasse soixante-douze minutes, il vaut mieux prier dans son village, seul, avant son départ.

Si le voyage est précisément prévu pour les besoins de la prière, par exemple si l’on voyage pour aller faire la prière de Cha’harit au Kotel (mur occidental de l’ancien Temple, en Vieille Ville de Jérusalem), on peut se mettre en route avant la prière de Cha’harit, bien que le voyage prévu dépasse soixante-douze minutes car, dans un tel cas, on voyage en vue de la prière et non pour ses besoins personnels (Or lé-Tsion, ad loc.)[7].


[7]. Le Avné Yachfé rapporte que, selon certains, s’il se trouve des localités sur le chemin, cela n’est pas considéré comme un « chemin » au sens où l’entend l’expression Yotsé ladérekh, mais cela doit être considéré comme une route intérieure aux villes ou aux localités. Aussi est-il permis de prendre la route qui relie Jérusalem à Tel-Aviv. Selon cela, il semble que la règle soit la même pour la route qui relie Ashkelon à Neharya, puisque toute la route est parsemée de localités. En cas d’urgence, on peut s’appuyer sur cet avis, bien qu’il soit question d’un voyage dépassant 72 minutes.

A notre humble avis, il ne faut pas, a priori, se mettre en route avant la prière, même pour un voyage d’une demi-heure. S’il y a un minyan là où l’on habite, il vaut mieux y prier plutôt que de partir à son lieu de travail et de prier là-bas. En effet, il faut craindre, a priori, que même un trajet d’une demi-heure soit considéré comme un « voyage » au sens de la halakha, en particulier si le chemin est celui que l’on emprunte pour aller à son travail.

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