La prière d’Israël

05 – Les bénédictions de la Torah sont dites en vue de l’ensemble de la journée

On récite les bénédictions de la Torah le matin, immédiatement après les bénédictions matinales (Birkot hacha’har) ; elles couvrent l’ensemble de l’étude à laquelle on s’adonnera durant la journée. Bien que l’on aille ensuite manger et travailler, on ne devra pas redire les bénédictions de la Torah quand on reprendra l’étude.

À cet égard, les bénédictions de la Torah diffèrent des autres bénédictions relatives aux mitsvot. Pour toutes les autres mitsvot, à chaque fois que l’on accomplit de nouveau la mitsva, on doit en répéter spécifiquement la bénédiction, du fait que les mitsvot ne se rapportent généralement qu’à un moment déterminé de la journée, ou à un acte particulier. Par exemple, la mitsva de la Souka (cabane que l’on construit pour la fête de Soukot) oblige à manger et à dormir dans la Souka, mais on peut, le reste du temps, aller où l’on veut. De même, on peut accomplir la mitsva du talith en un seul instant de la journée. Aussi, à chaque fois que l’on s’enveloppe de nouveau du talith, ou que l’on entre dans la Souka pour y faire un repas supplémentaire, on doit redire la bénédiction relative à cette mitsva.

En revanche, la mitsva d’étudier la Torah est une mitsva générale, qui embrasse tous les jours et toutes les heures de la vie de l’homme, comme il est dit : « Tu méditeras le livre de la Torah jour et nuit » (Jos 1, 8). Et même si l’on a étudié le matin, c’est encore une mitsva que d’étudier le soir et à toute heure de liberté (Tossephot sur Berakhot 11b, passage commençant par Chékvar). De plus, même pendant le temps où l’on n’étudie pas la Torah, celle-ci dirige notre existence, dans les domaines de la halakha, des traits de caractères à acquérir (midot) et de la foi (émouna). Lorsqu’un homme est aux toilettes ou se lave, situations dans lesquelles il est interdit de penser à des sujets de Torah, certaines règles de halakha le régissent même alors, si bien que l’on ne se détache jamais, ni en aucun endroit, de la Torah (cf. Agour chap. 1 cité par Beit Yossef 47, 11). Aussi, les bénédictions de la Torah que l’on récite le matin valent pour toute l’étude à laquelle on s’adonne au cours d’une même journée, et l’on ne considère aucun travail ni aucune occupation comme une interruption (hefseq) à leur égard (Choul’han ‘Aroukh 47, 101.

  1. Les Richonim sont partagés sur la question de savoir s’il est obligatoire d’étudier quelque peu, immédiatement après les bénédictions de la Torah. D’après Rabbénou Yits’haq (dit le Ri), l’un des maîtres tossaphistes (Berakhot 11b ד »ה שכבר), puisque les bénédictions de la Torah diffèrent des autres bénédictions relatives aux mitsvot – en ce que les premières ne sont pas destinées exclusivement à l’étude présente mais à l’étude de la Torah de l’ensemble de la journée – il n’y a pas d’obligation d’étudier précisément à la suite immédiate des bénédictions. L’obligation consiste en revanche à étudier quelque passage au cours de la journée. C’est dans ce sens que le Beit Yossef explique l’opinion du Roch et du Tour. Toutefois, Maïmonide pense que la règle qui s’applique à ces bénédictions est semblable à celle de toutes les bénédictions relatives aux mitsvot, pour lesquelles il faut juxtaposer la bénédiction à l’accomplissement. Il faut donc étudier immédiatement après les bénédictions de la Torah et, si l’on ne l’a pas fait, la bénédiction est considérée comme nulle. Le cas est comparable à celui d’un homme qui se propose de manger un gâteau, prononce la bénédiction Boré miné mézonot (« Qui crées diverses sortes de nourriture »), mais qui, au lieu de manger immédiatement, s’interrompt par d’autres paroles ; quand il veut enfin manger de ce gâteau, il doit redire la bénédiction Boré miné mézonot. Or, bien qu’il semble ressortir du Choul’han ‘Aroukh que l’opinion essentielle soit en pratique celle du Ri, c’est au contraire, de l’avis de nombreux A’haronim, l’opinion de Maïmonide qui prévaut (Michna Beroura 47, 19). Et c’est en ce sens que le Rama explique le Roch et le Tour, dans son Darké Moché.

De nos jours, la coutume largement répandue parmi tout Israël consiste à dire, après les bénédictions de la Torah, les quelques versets de la Birkat Kohanim, cette lecture étant considérée comme une étude faite à la suite des bénédictions. Après cela, nombreux sont ceux qui ajoutent la lecture de paroles des sages, Elou dévarim chéein lahem chiour… (« Voici les obligations auxquelles aucune mesure n’est assignée : le coin du champ laissé aux pauvres, les prémices etc. »), car on y trouve une citation de la Michna, mais aussi de la Baraïta, laquelle est assimilée à la Guémara (Talmud). De cette façon, chaque Juif a le mérite d’apprendre chaque jour un fragment de Torah écrite, de Michna et de Guémara.

06 – Le sommeil est-il considéré comme une interruption à l’égard des bénédictions de la Torah ?

Les décisionnaires sont partagés sur la question de savoir si le sommeil doit être considéré comme une interruption après laquelle on doit redire les bénédictions de la Torah.

Selon la majorité des Richonim, parmi lesquels le Roch, le « sommeil régulier » (cheinat qéva, sommeil d’une certaine durée1) d’une personne sur son lit est considéré, à l’égard des bénédictions de la Torah, comme une interruption (hefseq). En effet, tant que l’homme est éveillé, la Torah l’accompagne et le dirige ; mais au moment du sommeil, il ne maîtrise plus sa pensée, sa conscience s’éclipse ; aussi le sommeil est-il considéré comme une interruption à l’égard de la mitsva d’étudier la Torah. En principe, il devrait découler de cette règle une obligation de redire les bénédictions de la Torah, même après une sieste diurne. Cependant, on a coutume de considérer le sommeil diurne, même s’il se prolonge longuement, comme un « sommeil occasionnel » (cheinat ar’aï) qui n’engendre pas d’interruption. Aussi, les bénédictions de la Torah que l’on récite le matin restent efficaces après un sommeil diurne. En revanche, un « sommeil régulier » nocturne constitue une interruption ; il faut donc dire les bénédictions de la Torah au réveil. Par conséquent, celui qui doit se lever en pleine nuit pour assurer une garde, et qui a l’intention de se rendormir ensuite, dira deux fois les bénédictions de la Torah : la première fois lorsqu’il se lèvera pour monter la garde, la seconde après son second réveil. Tel est l’usage des Ashkénazes et de nombreux Séfarades (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 47, 11).

D’autres pensent que le sommeil ne doit pas être considéré comme une interruption à l’égard des bénédictions de la Torah ; pour eux, la règle qui régit les bénédictions de la Torah est semblable à celle qui régit les bénédictions matinales (Birkot hacha’har), que l’on ne dit qu’une fois par jour. Par conséquent, celui qui se lève en pleine nuit pour assurer sa garde récitera les bénédictions de la Torah après son premier lever, et ne les redira pas à son second lever (Ben Ich ‘Haï, Vayéchev 13. Pour la règle qui s’applique aux bénédictions matinales, voir chap. 9 § 5) 2.

  1. Sur cette notion, voir chap. 8 § 6, note 4, et ci-dessous note 7.
  2. Le Beit Yossef 47, 11-13 explique que, de l’avis de la majorité des décisionnaires, tout sommeil « régulier » est considéré comme une interruption. Néanmoins, il cite Rabbénou Tam, le Ram et les élèves de Rabbénou Yona, pour lesquels les bénédictions de la Torah sont efficaces jusqu’à la prière du lendemain matin. Même, disent-ils, si l’on a dormi d’un sommeil « régulier », celui-ci ne constitue pas une interruption. En pratique, le Beit Yossef décide que ce n’est que pour un sommeil diurne qu’il y a lieu de tenir compte de l’opinion qui n’assimile pas le sommeil à une interruption ; c’est ce que le même auteur rapporte dans le Choul’han ‘Aroukh 47, 13. En revanche, un sommeil « régulier » nocturne doit être considéré comme une interruption, justifiant de redire les bénédictions au réveil. C’est ce qu’écrivent le Peri ‘Hadach et de nombreux autres A’haronim, et c’est ce que décide le Michna Beroura 47, 29 d’après une nette majorité de décisionnaires. C’est aussi l’avis du Yabia’ Omer 8, 5. D’autres A’haronim ont proposé des solutions intermédiaires, consistant par exemple à réciter toutes les bénédictions de la Torah lors du premier réveil, mais une seule lors du second (Maharcham). Toutefois, d’après la majorité des décisionnaires, on doit dire l’intégralité des bénédictions de la Torah après tout sommeil nocturne « régulier ».

Quelle est la définition d’un « sommeil régulier » (cheinat qéva) ? Le Roch considère que le seul fait d’aller dormir dans son lit confère au sommeil le statut de sommeil régulier. Le Béour Halakha 4, 16 écrit que l’opinion médiane est de considérer comme sommeil régulier un somme d’environ une demi-heure. Voir note dans Yabia’ Omer ad loc.

De plus, le Michna Beroura 47, 25 écrit que celui qui redit les bénédictions de la Torah après une sieste régulière diurne ne perd rien, puisque telle est l’opinion de la grande majorité des décisionnaires. (En outre, selon la majorité des décisionnaires, les bénédictions de la Torah sont une obligation toranique, or en cas de doute sur la nécessité d’accomplir une mitsva de la Torah, on est rigoureux). Malgré cela, l’usage admis est de ne pas répéter ces bénédictions. Le Kaf Ha’haïm 25 écrit au nom du Ben Ich ‘Haï (Vayéchev) que, pour sortir du doute, il est bon de penser les mots de la bénédiction sans les prononcer. Il conseille encore de former l’intention expresse, en disant les bénédictions de la Torah le matin, que celles-ci aient toujours effet après un éventuel sommeil, car une telle intention est peut-être efficace. Le Michna Beroura 13 conseille d’avoir l’intention, en disant la bénédiction Ahavat ‘olam durant la prière d’Arvit, de se rendre quitte des bénédictions de la Torah, et de dire un verset après la prière, à titre d’étude car, comme nous l’avons vu au paragraphe 2, Ahavat ‘olam peut être considéré comme un substitut des bénédictions de la Torah.

L’opinion du Ben Ich ‘Haï (Vayéchev 13) citée par le Kaf Ha’haïm 47, 29 est que, d’après la Kabbale, la règle gouvernant les bénédictions de la Torah est semblable à celle des bénédictions du matin (Birkot hacha’har), lesquelles ne sont pas dites plus d’une fois par jour. Leur opinion s’appuie sur celle de Rabbénou Tam. Toutefois, pour Rabbénou Tam, on récite les bénédictions de la Torah à l’approche de l’office de Cha’harit, tandis que, d’après l’usage du Ben Ich ‘Haï, si l’on dort deux fois durant la même nuit, on devra dire les bénédictions au premier réveil et non au second (le matin venu, en récitant Ahavat ‘olam, on aura l’intention de se rendre quitte des bénédictions de la Torah pour la journée). On peut relever une certaine différence entre les Birkot hacha’har et les Birkot Hatorah. Les Birkot Hatorah ont en effet deux aspects : a) elles font partie des Birkot hacha’har, et à ce titre, le temps de leur récitation ne commence qu’après le milieu de la nuit (‘hatsot) ; b) ces bénédictions ont été instituées pour être dites avant l’étude de la Torah. Aussi, si l’on se lève peu de temps avant ‘hatsot, on attendra ‘hatsot et l’on dira les Birkot Hatorah avec les Birkot hacha’har. Mais si l’on se lève longtemps avant ‘hatsot, on pourra dire les Birkot Hatorah avant ‘hatsot. Certains ‘Hassidim ont toutefois l’usage, même dans ce cas, d’attendre minuit pour les dire.

07 – Si l’on reste éveillé toute la nuit

Si l’on est resté éveillé toute la nuit, par exemple la nuit de Chavou’ot, le Roch et la majorité des Richonim prescrivent de ne pas réciter les bénédictions de la Torah, avant l’office de Cha’harit, car tout le temps que l’on n’a pas interrompu son activité par le sommeil, les bénédictions de la Torah que l’on avait récitées le jour précédent sont encore efficaces. C’est en ce sens que tranchent nombre des plus grands A’haronim (Peri ‘Hadach, Gaon de Vilna, ‘Hayé Adam). Mais selon Rabbénou Tam, on récitera les bénédictions de la Torah avant l’office de Cha’harit, car ces bénédictions ne couvrent qu’une seule journée ; aussi, même dans le cas où l’on n’a pas dormi durant toute une journée, on doit redire les Birkot ha-Torah dès qu’arrive le moment de la prière de Cha’harit du jour suivant. C’est aussi ce que l’on rapporte au nom de Rabbi Isaac Louria, de mémoire bénie (Birké Yossef 46, 12, Ben Ich ‘Haï, Vézot haberakha 3, Kaf Ha’haïm 47, 26).

 

Si, avant de veiller toute la nuit, on a, pendant le jour qui précède, dormi d’un sommeil « régulier » (cheinat qéva’, au moins une demi-heure), il est admis que l’on devra réciter les bénédictions de la Torah, le matin venu (Rabbi Aqiba Eiger, Michna Beroura 47, 28). Si, de toute la journée qui précède, on n’a pas fait un somme régulier, il sera préférable, pour sortir du doute, d’écouter les bénédictions de la bouche son prochain.

 

Si personne n’est présent, qui soit sur le point de réciter les Birkot ha-Torah, on les dira soi-même. Tel est l’usage de tous les Séfarades et de nombreux Ashkénazes. Mais certains Ashkénazes ont l’usage de former l’intention de se rendre quittes des Birkot ha-Torah lorsqu’ils arrivent à la bénédiction Ahava rabba, qui précède le Chéma (Michna Beroura 47, 28) [1.Si l’on a dormi d’un sommeil « régulier » durant le jour qui précède sa veillée nocturne (au moins une demi-heure), tous les avis s’accordent à dire que l’on devra dire les Birkot ha-Torah, comme l’explique Rabbi Aqiba Eiger dans ses notes sur le Maguen Avraham 47, 2. En effet, selon le Roch, on serait même tenu de réciter ces bénédictions durant la journée, dès lors que l’on a fait un somme « régulier » ; simplement, nous tenons compte de l’avis de Rabbénou Tam, qui prescrit de ne pas réciter ces bénédictions en pareil cas. Mais dès lors que l’aube s’est levée, Rabbénou Tam lui-même est d’avis que l’on a de nouveau l’obligation de dire les Birkot ha-Torah. Par conséquent, tous les avis convergent pour dire que l’on peut les réciter. C’est ce qu’écrit le Michna Beroura 47, 28 et ce que rapportent les Minhagué ‘Hatam Sofer (p. 45), le ‘Hatan Sofer, Ora’h ‘Haïm 2, 7 et de nombreuses autres sources.

 

Dans le cas où l’on n’a pas dormi, le Michna Beroura 47, 12 précise que, aux yeux du Choul’han ‘Aroukh, on ne récitera pas ces bénédictions. C’est en ce sens que tranchent le Peri ‘Hadach 46, 8, le Gaon de Vilna 48, 1, le ‘Hayé Adam, principe 9, 9, le Choul’han Chelomo 47, 4, le Maguen Guiborim, Elef Hamaguen 15, le Michna Beroura 47, 28. Tel est l’usage d’une partie des Ashkénazes : s’il ne se trouve pas de camarade pour que l’on s’acquitte par son biais, on formera l’intention de se rendre quitte pendant la bénédiction Ahava rabba.

 

Mais pour la majorité des décisionnaires, même si l’on n’a pas dormi de toute la journée, on récitera les bénédictions de la Torah, l’aube venue. C’est l’opinion de : Birké Yossef 46, 12, Elya Rabba 47, 9, Meqor ‘Haïm de l’auteur du ‘Havot Yaïr 47, 12, Peri Mégadim, Echel Avraham 47, 12, Chtilé Zeitim 47, 15, Kissé Elyahou 47, 5, ‘Aroukh Hachoul’han 47, 23 et de nombreux autres.

 

Certes, la coutume séfarade consiste à dire les Birkot ha-Torah, même si l’on n’a pas dormi durant la journée précédente, comme le rapportent le Ben Ich ‘Haï, Vézot Haberakha 3, le Mo’ed Lékhol ‘Haï 8, 26, le Kaf Ha’haïm 47, 26 et le Yabia’ Omer 5, 6, qui ne tiennent pas du tout compte, en la matière, de l’opinion du Peri ‘Hadach, du Gaon de Vilna et des autres décisionnaires qui tranchent dans le même sens. Toutefois, il semble que, lorsque nous sommes rassemblés en terre d’Israël, il soit bon, a priori, de tenir compte de l’opinion opposée. Aussi écrivons-nous que, dans la mesure du possible, il est préférable d’entendre ces bénédictions récitées par son prochain. Certains auteurs, il est vrai, expriment des réserves à ce sujet, car accomplir la mitsva de soi-même a plus de valeur que de s’en rendre quitte par le biais de son mandataire ; ou bien encore, certains voudraient que dix hommes fussent réunis pour pouvoir rendre quitte l’auditeur (cf. Yabia’ Omer 5, 6). Mais il est préférable de tenir compte des autres décisionnaires plutôt que desdites réserves.

 

Concernant la coutume ashkénaze, le Michna Beroura et d’autres décisionnaires importants estiment, il est vrai, que, si l’on n’a pas dormi et que l’on n’ait pas de camarade présent qui ait dormi, on ne récitera pas les bénédictions de la Torah. Mais la majorité des décisionnaires ashkénazes pensent que, même si l’on n’a pas du tout dormi, on dira, le matin venu, ces bénédictions. Parmi eux : le Maguen Avraham lui-même, Rabbi Aqiba Eiger dans ses notes sur le Maguen Avraham 47, 2, Meqor ‘Haïm de l’auteur du ‘Havot Yaïr 47, 12, Peri Mégadim, Echel Avraham 47, 12, Dérekh Ha’haïm 4, 5, Choul’han ‘Aroukh Harav 47, 7, Beer Heitev 47, 12, Haelef Lekha Chelomo, Ora’h ‘Haïm 33, Maharam Shik, Ora’h ‘Haïm 1, ‘Aroukh Hachoul’han 47, 23 ; celui-ci dit que tel est l’usage simple et qu’il n’y a pas lieu d’en changer. C’est aussi l’avis de : Divré Mordekhaï (du Rav Friedburg), ‘Olat Reïya p. 59, Misguéret Hachoul’han (sur le Qitsour Choul’han ‘Aroukh 7, 5), Bérour Halakha (du Rav Zilber) 4 p. 45, Pisqé Techouva 47, 16.

 

Si l’on reste éveillé toute la nuit, on prendra soin de ne pas réciter les Birkot ha-Torah avant l’aube. Les responsa Haelef Lekha Chelomo 33 indiquent que, si on les a récitées avant l’aube, ces bénédictions sont vaines, et il faudra les répéter après l’aube. C’est la position du Kaf Ha’haïm 47, 29. Le Tsla’h sur Berakhot 11b exprime des doutes à ce sujet ; il faut aussi associer l’opinion du Roch ; aussi, on ne répétera pas ces bénédictions dans un tel cas de doute, mais on formera l’intention de s’acquitter de son obligation par la bénédiction Ahavat ‘olam (cf. Michna Beroura 47, 26, Yalqout Yossef 47, 9). Selon les kabbalistes (Ben Ich ‘Haï, Vézot haberakha 3, Kaf Ha’haïm 46, 49), ceux qui veillent toute la nuit réciteront les Birkot hacha’har dès après le milieu de la nuit, et ce ne sont que les Birkot ha-Torah que l’on repoussera après l’aube. (Cf. plus haut, chap. 9 § 6, le résumé des règles concernant celui qui est resté éveillé toute la nuit).

01 – Les horaires du matin

Le premier temps significatif de la journée, du point de la halakha, est celui de amoud hacha’har (« la colonne de l’aube »), également appelée ‘alot hacha’har (lever de l’aube). En cas de nécessité impérieuse, on peut réciter le Chéma Israël et la ‘Amida dès l’aube, mais en temps normal, c’est interdit. Les A’haronim sont partagés sur la définition exacte de ‘amoud hacha’har : est-ce la première lueur ténue qui apparaît à l’est (comme le disent le Maguen Avraham et le Peri Mégadim), ou bien un peu plus tard, quand cette lumière ténue s’étend quelque peu lorsque l’on fait face à l’est (comme le disent le Elya Rabba et le Gaon de Vilna) ?

Après le lever de l’aube, vient le temps de michéyakir, littéralement « quand on reconnaît ». À ce moment-là, la lumière s’est quelque peu répandue sur la terre, au point que l’on peut reconnaître une personne que l’on n’est pas habitué à rencontrer, à une distance de quatre coudées (quatre amot, environ deux mètres). À ce même instant, on peut distinguer la couleur bleue de la couleur blanche. Dès ce moment, de l’avis de la majorité des décisionnaires, il est permis a priori de réciter le Chéma Israël (c’est-à-dire que la chose est parfaitement permise, sans qu’il soit besoin pour cela de se trouver dans un cas de nécessité impérieuse) ; toutefois, a priori, le temps de la ‘Amida n’est pas encore arrivé.

Le temps du hanets ha’hama (« éclat du soleil ») est le moment du lever du soleil, c’est-à-dire le moment où devient visible la partie supérieure du disque solaire. À cet instant, commence le temps de la ‘Amida a priori. Celui qui récite le Chéma Israël à l’approche du hanets ha’hama, de manière à dire la ‘Amida dès le lever du soleil, est considéré comme priant suivant l’usage de Vatiqin (« les anciens ») dont nos sages font l’éloge.

Pour toutes les mitsvot qui s’accomplissent le jour, telles que la circoncision, la période d’accomplissement commence au lever du soleil (hanets ha’hama), car c’est en fonction du soleil que se définit le jour. Cependant, a posteriori, si des mitsvot relatives au jour ont été accomplies dès l’aube (‘amoud hacha’har), on en est quitte car, à certains égards, le jour commence dès l’apparition de la lumière (Méguila 20a).

02 – Calcul des horaires du matin

D’après de nombreux avis, l’intervalle entre l’aube (‘amoud hacha’har) et le lever du soleil (hanets ha’hama) équivaut, en Israël, au temps nécessaire pour marcher quatre milles, soit environ soixante-douze minutes. Plus précisément, durant les mois de nissan et de tichri, soixante-douze minutes s’écoulent entre le moment où l’orient s’éclaire et celui où le soleil se lève.

Il faut savoir que cette mesure temporelle change au gré des saisons. C’est au printemps et en automne (les 5 mars et 5 octobre) que le processus est le plus rapide : le soleil se lève à l’expiration de soixante-douze minutes après l’aube. Mais en hiver, pour des raisons qui n’ont pas lieu d’être exposées ici, le processus du lever du soleil s’allonge, au point que, au plus fort de l’hiver (le 22 décembre), soixante-dix-huit minutes s’écoulent entre l’aube et l’apparition du soleil. En été, le processus est encore plus long et, à son apogée (le 22 juin), ce sont quatre-vingt-huit minutes qui s’écoulent de l’aube à l’apparition du soleil. Afin de déterminer le moment précis de l’aube selon cette conception, il faut calculer chaque jour en combien de temps le soleil parvient à 16,1 degrés au-dessous de l’horizon ; ce moment est celui de ‘amoud hacha’har.

Ce qui vient d’être dit est conforme à l’opinion selon laquelle l’aube est le moment où le ciel s’est quelque peu éclairci dans la direction de l’est. Mais pour ceux qui pensent que l’aube est le moment où l’on voit poindre la première lumière ténue à l’est, l’horaire est plus précoce : c’est l’instant où le soleil arrive à 17,5 degrés au-dessous de l’horizon. Toutefois, pour ne pas entrer dans un sujet de controverse, il est souhaitable d’adopter l’horaire plus tardif (16,1 degrés au-dessous de l’horizon), et de considérer que le moment de ‘amoud hacha’har n’arrive que lorsque le côté oriental du ciel est un peu éclairé. À ce moment, on peut, en cas de nécessité impérieuse, lire le Chéma Israël et réciter la ‘Amida[1]

En ce qui concerne l’horaire de michéyakir, un doute plane également car, bien que nos sages aient défini ce moment comme celui où l’on peut distinguer le bleu du blanc et reconnaître à une distance de quatre coudées une personne que l’on n’est pas habitué à voir, il subsiste une incertitude quant à l’identification exacte de ce temps. En pratique, il est admis de situer ce moment environ cinquante minutes avant le lever du soleil. Sur la détermination précise de cet horaire, voir la note 2[2].


[1]. Les sages sont partagés, dans le Talmud Pessa’him 93b-94a, sur la question de savoir combien de temps s’écoule entre ‘amoud hacha’har et hanets ha’hama. Selon Oula, cette période équivaut au temps nécessaire pour marcher cinq milles, et selon Rabbi Yehouda, à la durée d’une marche de quatre milles. Les Richonim sont, quant à eux, partagés sur la définition d’un mille : certains disent qu’il s’agit de la distance que l’on parcourt en 18 minutes (Maïmonide, Commentaire de la Michna, Berakhot 1, 1), d’autres disent 22,5 minutes, et d’autres encore 24 minutes (cf. Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 459,2 et Béour Halakha). En pratique, il y a deux systèmes principaux en la matière : a) 72 minutes, durée d’une marche de quatre milles, chaque mille équivalant à 18 minutes ; b) 90 minutes, chaque mille équivalant à 22,5 minutes. C’est ce que retiennent de nombreux calendriers. Cf. Hazmanim Bahalakha du Rav Haïm Beinish.

Pour le Maguen Avraham et le Peri Mégadim, ‘amoud hacha’har est le moment de l’apparition de la première lueur à l’est ; pour le Elya Rabba et le Gaon de Vilna, ‘amoud hacha’har arrive un peu plus tard, lorsque « s’illumine la face de l’orient » (kché-héïrou pné hamizra’h) ; le Béour Halakha incline dans ce sens (58, 4 et chap. 89, 1). Il faut savoir que, pour l’une et l’autre de ces opinions, il n’est question que d’une lumière très ténue qui paraît à l’est ; or si l’on se trouve dans un lieu où l’éclairage est électrique, ou dans un endroit éclairé, les pupilles se rétractent, et il est impossible de distinguer les changements qui se produisent à l’est. De même, celui qui n’a pas l’habitude d’observer l’aube ne remarque pas cette première lueur ténue, ni même la première extension de cette lumière « sur la face de l’orient ».

L’estimation de 72 minutes est bien compréhensible, car à Jérusalem, au printemps et en automne, une luminosité s’étend à l’orient 72 minutes avant le lever du soleil. Le soleil se trouve alors à 16,1° sous la ligne d’horizon. Et il faut procéder à un calcul analogue tout au long de l’année, selon la position du soleil durant ces périodes, comme nous l’avons écrit ci-dessus. Certes, certains pensent que la mesure de 72 minutes est fixe, et valable toute l’année ; la preuve qu’ils invoquent provient de la Guémara Pessa’him, qui cite une mesure fixe de quatre milles. Cependant, cette position est difficile à tenir, car c’est le critère variable de l’aube – « l’illumination de l’est » – qui est décisif, et non un calcul temporel constant. Le Béour Halakha 261, 2 (passage débutant par שהוא) se prononce en ce sens. On est donc obligé de dire que la différence entre l’aube et le lever du soleil change au gré des saisons de l’année. Cf. Hazmanim Bahalakha, où est expliqué pourquoi cet écart change en fonction des saisons.

Il faut signaler que tous ces calculs sont valables pour Jérusalem et pour tout endroit qui se trouve sur la même latitude ; plus on se rapproche des pôles, plus l’écart entre l’aube et le lever du jour se creuse. Même en Israël, il existe des différences : à Safed, qui est plus au nord, cet écart est plus long d’environ une minute et demie qu’à Jérusalem.

Dans de nombreux calendriers, on détermine le moment de l’aube en soustrayant 90 minutes au moment du lever du soleil aux mois de nissan et de tichri, ce qui situe le soleil à 19,75° sous l’horizon. D’après ce même calcul, au plus fort de l’été, l’aube paraît 112 minutes avant le lever du soleil. Cette position est très difficile à soutenir, car à ces différents moments, aucune lueur n’est perceptible à l’est. Selon le calcul des astronomes, avant que le soleil n’arrive à 18° sous l’horizon, même les meilleurs yeux ne peuvent distinguer la moindre lumière ; à plus forte raison lorsque le soleil est encore à 19,75° sous l’horizon. Par conséquent, il est en pratique très difficile de se baser sur ces calendriers.

Certes, on peut tenter d’expliquer l’opinion selon laquelle la mesure de quatre milles équivaut à 90 minutes, en disant qu’il s’agit là du plus fort de l’été, car alors, l’orient s’éclaire environ 90 minutes avant le lever du soleil. On peut encore dire que, selon ce système, ‘amoud hacha’har se définit comme l’apparition de la première lueur ténue à l’est, laquelle est visible lorsque le soleil se trouve environ à 17,5° au-dessous de l’horizon ; l’aube précède alors le lever du soleil d’environ 78 minutes au printemps et en automne, de 85 minutes au plus fort de l’hiver, et de 96 minutes au plus fort de l’été. Peut-être a-t-on voulu dire par là que l’écart moyen entre l’apparition de la première lueur et le lever du soleil est de 90 minutes. (Il se peut, de plus, que l’on tienne compte des avis qui retardent le lever du soleil de quelques minutes, car ils prennent en considération les collines, cf. § 6 ; alors, en effet, l’aube paraît en moyenne 90 minutes avant le lever du soleil. L’opinion selon laquelle un mille équivaut à une marche de 24 minutes et quatre milles à 96 minutes peut, elle aussi, être expliquée comme se rapportant au plus fort de l’été).

En résumé, la détermination de l’aube est liée au mouvement du soleil, et l’on distingue deux systèmes : a) depuis le moment où l’orient s’éclaire, quand le soleil est à 16,1° au-dessous de l’horizon ; au printemps et en automne, l’aube paraît 72 minutes avant le lever du soleil ; b) depuis la première lueur, quand le soleil est à 17,5° au-dessous de l’horizon ; au printemps et en automne, l’aube précède le lever du soleil de 78 minutes. J’ai retenu comme principale l’opinion selon laquelle l’aube se lève lorsque l’orient s’éclaire, quand le soleil est à 16,1° sous l’horizon, car c’est en ce sens que penche le Béour Halakha, et c’est aussi ce qu’écrit le Ye’havé Da’at 2, 8 d’après Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh. De plus, en ce qui concerne la lecture du Chéma et la ‘Amida, celui qui s’en tient à cette opinion est quitte d’après tous les avis, car il est alors évident que le jour a commencé ; tandis qu’avant ce moment, la période est sujette à controverse. Pour pouvoir calculer exactement ces horaires en tout endroit, on peut s’aider du programme ‘Hazon Shamaim du Rav Eytan Tzakoni.

[2]. Dans les livres récents de halakha, plusieurs opinions sont rapportées quant à l’horaire de michéyakir : pour le Ye’havé Da’at, 66 minutes avant le lever du soleil ; pour le Kaf Ha’haïm, 60 minutes ; mais à Jérusalem, on a l’usage de fixer ce moment 50 à 55 minutes avant le lever du soleil, et en certains endroits de Bné-Brak, 45 minutes avant le lever du soleil. En pratique, de nombreux livres mentionnent 50 minutes avant le lever du soleil. C’est ce qu’écrivent le Téphila Kehilkhata et le Iché Israël. Simplement, nous avons déjà appris qu’il y avait des différences entre les saisons de l’année, et il est difficilement compréhensible que l’on n’ait pas tenu compte de ces différences. Certains des décisionnaires qui retiennent des horaires différents les uns des autres n’ont peut-être aucune divergence réelle, chacun se référant à une autre période de l’année. Voir Hazmanim Bahalakha 23, 6.

Selon les différentes observations, certains distinguent le bleu du blanc (ou reconnaissent leur prochain à 4 coudées de distance) quand le soleil atteint 12° au-dessous de l’horizon, d’autres y parviennent à 11°, et d’autres encore à 10°. En pratique, il semble que l’on doive établir son calcul selon la position du soleil à 11° sous l’horizon. Michéyakir précède alors de 48 minutes le lever du soleil aux mois de nissan et de tichri, de 52,5 minutes au plus fort de l’hiver (22/12), et de 58 minutes au plus fort de l’été (22/6). La moyenne se situe donc autour de 50 minutes durant la majorité de l’année. Quoi qu’il en soit, il est bon, a priori, de retarder le temps de michéyakir de cinq minutes supplémentaires. En cas de nécessité impérieuse, on peut au contraire l’avancer de cinq minutes.

Il faut ajouter qu’autrefois, quand on n’avait pas de montres, on se fondait évidemment sur la vision et, si le jour était nuageux, on devait attendre, afin de sortir du doute. Mais maintenant que nous avons des montres, on se fonde sur la montre, comme le disent les responsa Choel Ouméchiv 2, 162.

Signalons que, d’après la majorité des décisionnaires, le moment où se reconnaît son prochain à 4 coudées et le moment où se distingue le bleu du blanc ne font qu’un, comme l’écrit le Michna Beroura 58, 2.

03 – Horaires de la lecture du Chéma

Le temps de la lecture du Chéma du matin s’apprend du verset : « Ces paroles… tu les diras… à ton coucher et à ton lever (ouvqoumékha) » (Dt 6, 7), c’est-à-dire à l’heure où les gens ont l’habitude de se lever. Puisque certaines personnes se lèvent dès l’aube (environ soixante-douze minutes avant le lever du soleil – cf. note 1), ce temps est considéré par la Torah comme heure du lever, et l’on peut, dès ce moment, accomplir la mitsva de lecture du Chéma. La raison en est qu’il est dit ouvqoumékha (à ton lever) au singulier, ce qui laisse entendre que, même lorsque ce ne sont que certains individus qui se lèvent, le temps de la lecture du Chéma a commencé. Mais celui qui lirait le Chéma avant cela ne se rendrait pas quitte de son obligation, car sa lecture précéderait l’heure du lever.

Cependant, nos sages ont érigé une haie protectrice autour de la mitsva, et ont décidé que le Chéma ne serait lu, a priori, qu’à partir du moment où davantage de personnes ont l’habitude de se lever : moment où il y a déjà davantage de lumière sur la terre, de telle façon que l’on puisse reconnaître son prochain à une distance de quatre coudées (Choul’han ‘Aroukh 58, 1). C’est le temps appelé michéyakir (environ cinquante minutes avant le lever du soleil durant le mois de nissan, cf. note 2). En cas d’urgence, quand on ne peut lire le Chéma après l’arrivée du temps de michéyakir, il est permis de le lire à partir du lever de l’aube (‘amoud hacha’har). De même, a posteriori, si l’on s’est trompé et que l’on ait lu le Chéma à l’aube, on est quitte de son obligation. Il y a toutefois une différence : si la raison de cette lecture avancée est la contrainte (oness), on est quitte, même si l’on est obligé de faire cela tous les jours ; en revanche, si l’on a avancé sa lecture en raison d’une erreur, on n’est quitte que dans le cas où cette erreur est accidentelle (aqraï), c’est-à-dire une fois par mois au plus. Mais si l’on a fait cette erreur plus d’une fois dans le mois, les sages imposent une « pénalité » en considérant que l’on n’est pas quitte ; il faut en ce cas relire le Chéma, une fois venu le temps de michéyakir (Choul’han ‘Aroukh 58, 3-4, Michna Béroura 58, 19).

L’heure de la récitation du Chéma se prolonge jusqu’à la fin de la troisième heure du jour. En effet, certaines personnes, telles que les enfants de rois, ont l’habitude de prolonger leur sommeil jusqu’à la fin de la troisième heure ; jusqu’à l’expiration de cette troisième heure, on se trouve donc encore dans le temps d’ouvqoumékha, « à ton lever » (la fixation de l’horaire sera expliquée par la suite, §10 et 11).

Le moment le meilleur pour réciter le Chéma est conforme à l’usage des Vatiqin (les anciens), c’est-à-dire peu de temps avant le lever du soleil[3].


[3]. Selon la majorité des décisionnaires, le temps prescrit pour la lecture du Chéma Israël s’étend du moment où l’on distingue le bleu du blanc (michéyakir)  jusqu’à la fin de la troisième heure ; le moment le plus choisi correspond à Vatiqin. Telle est l’opinion des élèves de Rabbénou Yona, de Tossephot, du Roch, du Rachba, et c’est ce que décident le Tour et le Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 58, 1. C’est ce que j’ai écrit ci-dessus. On trouve toutefois d’autres opinions : selon Rabbénou ‘Hananel et Rabbénou Tam, le temps prescrit pour la lecture du Chéma s’étend du lever du soleil à la fin de la troisième heure ; selon eux, ceux qui ont l’habitude de lire suivant l’usage de Vatiqin ne suivent pas en cela la halakha, car ils récitent le Chéma un peu avant le lever du soleil. Il semble toutefois que, même selon eux, il soit possible de lire le Chéma avant le lever du soleil en cas de nécessité impérieuse (et ce n’est que d’après le Maor que l’on ne s’acquitte pas, avant le lever du soleil, de son obligation de lire le Chéma). En pratique, on ne tient pas compte de leur opinion.

Le Rif et Maïmonide pensent que le moment par excellence de la lecture du Chéma est celui de Vatiqin, c’est-à-dire un peu avant le lever du soleil. Si l’on n’a pas récité le Chéma au moment de Vatiqin, pensent-ils, on peut le réciter jusqu’à la fin de la troisième heure. Quant au temps qui précède Vatiqin, il est valable pour cette lecture en cas de nécessité impérieuse. Voir Beit Yossef ad loc. et Bérour Halakha sur Berakhot 8b, notes 2 et 3, 9b, note 1, 10b, note 4. Aux paragraphes 7 et 8, il sera expliqué ici jusqu’à quel point il est possible, en pratique, d’avancer la prière de Cha’harit. (Pour le Kessef Michné sur  Hilkhot qriat Chéma 1, 13, le temps de la lecture du Chéma selon la Torah s’étend à toute la journée, car « à ton lever » signifie « tout le temps qu’il est d’usage d’être éveillé » ; ce sont les sages qui, selon lui, ont fixé pour limite la fin de la troisième heure, afin de rattacher la lecture du Chéma à la prière. Mais ses paroles n’ont pas été adoptées : l’incertitude qui plane sur la fixation du terme de la troisième heure, comme nous le verrons au paragraphe 11, est considérée comme un safeq de-Oraïta,  incertitude sur une règle de rang toranique et non rabbinique).

04 – Horaires de la ‘Amida

Les membres de la Grande Assemblée (anché Knesset Haguedola) ont institué trois prières quotidiennes, et ont fixé leurs horaires en fonction de ceux des offrandes journalières à l’époque du Temple. L’offrande du matin était apportée à partir de l’aube ; par conséquent, l’heure de la ‘Amida du matin devrait, elle aussi, être fixée a priori à partir de l’aube. Mais  nos sages ont décrété qu’il convenait de prier une fois le soleil levé, comme il est dit (Psaume 72, 5) : « Ils te craindront avec le soleil »[a] (Berakhot 9b). Cependant, si l’on a prié dès l’aube, on est quitte, car la prière a été dite à un moment qui convenait à l’offrande journalière du matin (Choul’han ‘Aroukh 89, 1).

Le temps le plus indiqué pour dire la ‘Amida est celui des anciens (Vatiqin), qui récitaient la ‘Amida au lever du soleil (hanets ha’hama) [4].

Le temps prescrit pour réciter la ‘Amida se prolonge jusqu’à la fin de la quatrième heure ; en effet, le temps de l’offrande journalière du matin, selon Rabbi Yehouda, se prolongeait jusqu’à la fin de la quatrième heure. Et bien que, selon les sages, le temps de l’offrande journalière se prolonge jusqu’au midi solaire, la halakha est ici conforme à l’opinion de Rabbi Yehouda. En effet, dans le traité talmudique Edouyot, où chaque michna est élevée au rang de halakha, c’est l’opinion de Rabbi Yehouda qui est rapportée ; la prière de Cha’harit est donc fixée jusqu’à la fin de la quatrième heure (Berakhot 27a). Malgré cela, l’avis des Sages n’a pas été repoussé entièrement : si les quatre premières heures du jour sont passées sans que l’on ait dit la ‘Amida de Cha’harit, on peut a posteriori la réciter jusqu’à midi. Dans un tel cas, bien que l’on n’ait pas le mérite d’avoir dit la prière en son temps, on a le mérite d’avoir dit la prière en tant que telle (comme il sera expliqué ci-après, § 11).


[a]. D’après le sens premier du verset, le psalmiste s’adresse à Dieu en disant : « Le peuple Te craindra aussi longtemps qu’existera le soleil ». Dans la lecture midrachique : « Le peuple T’exprimera sa révérence par la prière au moment où brillera le soleil ».

[4] Beit Yossef 89, 1, Choul’han ‘Aroukh Harav 89, 2, Bérour Halakha 26, 1 note 8. En résumé, on trouve trois méthodes principales : a) Pour Maïmonide et Rabbénou ‘Hananel, la ‘Amida est essentiellement fixée du lever du soleil à la fin de la quatrième heure, et ce n’est qu’a posteriori que l’on peut prier depuis l’aube ; c’est dans ce sens que tranchent le Choul’han ‘Aroukh 89, 1 et le Michna Beroura 4. b) Pour le Roch, ce que la Guémara nous enseigne est que le temps de Vatiqin est le plus choisi, comme il est dit : « Ils te craindront avec le soleil ». En revanche, le temps qui précède le lever du soleil et le temps qui le suit, jusqu’à quatre heures, ont un statut égal, car tout le temps qui convenait à l’offrande journalière convient aussi à la prière de Cha’harit. (Selon le Peri Mégadim, le Roch pense que l’on ne prie à l’aube – prise comme apparition de la première lueur à l’est – qu’en cas d’urgence, tandis que l’on peut prier, même a priori, dès que la lumière s’est étendue sur la face de l’est. En effet, dans le cas de l’offrande journalière, l’horaire toranique initial était fixé dès l’aube, mais les sages décrétèrent qu’il fallait attendre que la lumière s’étendît à l’est, afin que l’on n’en vînt pas à se tromper ; c’est aussi l’opinion du Peri ‘Hadach en pratique. Le Michna Beroura et le Béour Halakha 89, 1 expliquent que la définition de l’aube est sujette à controverse – première lueur ou l’illumination de l’est ? – et qu’il y a lieu d’être rigoureux et d’attendre, des deux moments, le plus tardif). c) Pour Rabbénou Yerou’ham, de l’aube au moment de michéyakir [où l’on peut distinguer le bleu du blanc], la prière est valable a posteriori, mais de michéyakir au lever du soleil, on peut prier a priori, de même qu’après le lever du soleil. (Certains croient comprendre, d’après les termes de Rachi et du Raavan, qu’en cas de nécessité impérieuse on peut dire la ‘Amida de Cha’harit même avant l’aube, mais cette interprétation n’a pas été retenue, même en cas de nécessité impérieuse).

05 – La prière de Vatiqin au lever du soleil

Les horaires les plus indiqués pour la récitation du Chéma et pour la prière sont ceux dits des anciens, Vatiqin, qui récitaient le Chéma peu avant le lever du soleil et commençaient à prier[b] au lever du soleil (hanets ha’hama). La raison en est que celui qui prie tard est entraîné par le mouvement naturel de l’univers : ce n’est qu’après que le soleil s’est levé, que la vie recommence à battre son plein, qu’il se réveille. Il s’aperçoit alors que l’Eternel est Dieu, prend sur lui le joug de la royauté des Cieux et prie. Ceux qui adoptent l’usage des anciens, en revanche, anticipent et conduisent la nature. Avant même que le soleil ne paraisse et que la nature ne se dévoile dans toute sa beauté et toute sa splendeur, ils prennent sur eux, par l’effet de leur foi parfaite, le joug de la royauté des Cieux ; et dès que le soleil se lève, que le jour commence, ils se tiennent en prière et attirent une abondance de bénédictions sur le monde[5].

Nos sages disent que celui qui enchaîne la bénédiction de la Délivrance (qui suit le Chéma) à la ‘Amida, en respectant les heures de Vatiqin, ne connaîtra aucun dommage de la journée (Berakhot 9b, Tossephot).

Toutefois, si l’on sait que, en se levant très tôt pour s’associer à la prière de Vatiqin, on sera fatigué et l’on ne pourra pas étudier ou travailler correctement, on fera mieux de prier plus tard. De nos jours où le mode de vie a changé, et où d’importantes activités ont lieu le soir, telles que des cours de Torah et des mariages, il est préférable, pour la majorité des gens, de dormir davantage le matin et de prier après les horaires de Vatiqin.


[b]. Dans ce contexte, « prier », sans autre précision signifie réciter la ‘Amida, prière par excellence.

[5]. La Guémara Berakhot 9b laisse entendre que l’essentiel, en ce qui concerne Vatiqin, est, plus que le Chéma, la prière : celle-ci doit coïncider avec le lever du soleil. C’est ce qui ressort également des écrits de nombreux Richonim et A’haronim. Toutefois, d’après la Michna Berakhot 22b, il semble qu’il y ait également un intérêt à réciter le Chéma avant le lever du soleil. Il s’ensuit donc que l’avantage de Vatiqin est double : du point de vue du Chéma et du point de vue de la prière. Et de fait, le Choul’han ‘Aroukh Harav 58, 4 rapporte que certains s’obligent, même lorsqu’ils ne peuvent prier au lever du soleil, à dire au moins le Chéma avant le lever du soleil, cela, même s’ils n’ont pas encore attaché leurs téphilines. Le Kaf Ha’haïm 58, 8 pense que, si l’on n’a pas encore attaché ses téphilines, on ne doit pas réciter le Chéma avant le lever du soleil. Cette question dépend aussi d’une autre controverse : pour le Beit Yossef et le Rama, on peut s’acquitter a priori de la lecture du Chéma sans réciter au même moment les bénédictions qui le précèdent et le suivent (cf. chap. 16), tandis qu’aux yeux de Rabbi Aharon Halévi et du Gaon de Vilna, on ne s’en rend quitte de cette manière qu’a posteriori.

06 – Les horaires de Vatiqin et le moment précis du lever du soleil

Le hanets ha’hama (« éclat du soleil » ou lever du soleil) est le moment où le soleil paraît ; bien qu’apparemment cette définition semble simple et claire, ce n’est pas le cas en pratique.

Premièrement, la durée du lever du soleil, depuis l’instant où l’on voit la première extrémité de l’astre jusqu’à ce que celui-ci soit entièrement visible, est d’environ deux minutes et demie. Or les décisionnaires sont partagés sur ce que l’on appelle exactement le hanets ha’hama : pour la majorité d’entre eux, le moment du « lever du soleil » vient immédiatement lorsque le sommet du soleil devient visible ; c’est à ce moment, selon eux, qu’il faut commencer à dire la ‘Amida d’après l’usage de Vatiqin. D’autres disent que ce que l’on appelle « lever du soleil » correspond à l’achèvement du processus de lever du soleil. Pour d’autres encore, la notion de « lever du soleil » se prolonge pendant l’intégralité des deux minutes trente de son ascension. D’autres enfin pensent que le « lever du soleil » se prolonge pendant quelques minutes encore, tout le temps que les rayons du soleil sont encore rougeoyants.  En pratique, on s’efforce de faire coïncider le début de la ‘Amida de Vatiqin avec le début de l’ascension du soleil, mais on n’est pas trop pointilleux en la matière, car on considère également les autres opinions[6].

Un autre doute se présente : faut-il tenir compte des collines qui se dressent à l’est et qui cachent le lever du soleil, ou bien va-t-on d’après le point du jour astronomique (à horizon droit) ? Il est clair que celui qui se trouve au pied d’un rocher ou d’un immeuble élevé qui cache le côté est, ne peut prétendre que le lever du soleil est, à son égard, le moment où le soleil lui devient visible. En effet, le lever du soleil risquerait d’avoir lieu, en ce qui le concerne, vers midi. La question qui se pose est : quelle est la règle, par exemple, dans la Vieille Ville de Jérusalem, où l’horizon est caché à l’est par le mont des Oliviers et où, par conséquent, le soleil n’est visible que quelques minutes après son lever au-dessus de la ligne d’horizon ? Même pour ceux qui se trouvent sur le mont des Oliviers, les monts de Moab cachent le début de l’ascension du soleil. Certains pensent que le « lever du soleil » se dit uniquement du moment où l’on voit effectivement le soleil, c’est-à-dire quand le soleil est visible au-dessus du mont des Oliviers. D’autres pensent qu’il ne faut pas tenir compte d’une colline proche, comme le mont des Oliviers, attendu que l’on peut s’y rendre à pied, mais qu’il faut tenir compte, en revanche, des monts de Moab, qui sont plus éloignés. La différence entre les deux opinions se monte à quelques minutes.

Certains disent que l’on ne doit pas du tout tenir compte des collines qui se trouvent à l’est, et que le moment du lever du soleil se calcule à horizon fixe, c’est-à-dire d’après l’instant où il serait possible d’observer le lever du soleil s’il n’y avait pas de collines. Il existe de nos jours des programmes informatiques permettant de calculer à tout endroit le moment précis du lever astronomique du soleil, sans qu’il soit tenu compte des collines présentes à l’orient ; nombreux sont ceux qui ont l’usage de fixer l’horaire du lever du soleil d’après ce calcul[7].


[6]. Selon la majorité des décisionnaires, le temps du hanets ha’hamacorrespond au début du lever du soleil. C’est ce qu’écrivent le Béour Halakha 58, 1 (כמו) et le Chéérit Yossef 2 p. 253. Pour le Ich Matslia’h, il s’agit de la fin de l’ascension du soleil. Le Maor pense que ce temps se poursuit tout au long de l’ascension du soleil. Certains disent que quelques minutes plus tard encore, tant que le soleil est proche de la terre, s’applique le verset « Ils te craindront au soleil levant », et la lumière solaire reste alors crépusculaire. C’est ce que laisse entendre Maïmonide, responsum 255. (Cf. Hazmanim Bahalakha 24).

[7]. Selon le Divré Yossef, la fixation de l’horaire du lever du soleil dépend de la visibilité effective de celui-ci ; aussi faut-il tenir compte de l’écran constitué par le mont des Oliviers. En revanche, d’après le Maharil Diskin, cité dans Nivréchet, on ne tient pas compte de l’obstacle que constitue le mont des Oliviers, car celui-ci se trouve à moins d’un jour de marche. En revanche, on tient compte de l’obstacle des monts de Moab (toutefois, en ce qui concerne le Chabbat et la fixation de l’horaire du coucher du soleil, l’auteur ne tranche pas). On hésite encore sur la question des villes construites sur des collines. Faut-il aller, dans chaque quartier, selon la hauteur du quartier, ou bien va-t-on d’après la hauteur du quartier le plus élevé de la ville, quartier dans lequel le soleil est visible en premier ? La coutume est d’aller d’après le quartier le plus élevé. Un doute se présente encore dans le cas où se trouverait un gratte-ciel dans la ville, et où les premiers rayons du soleil brilleraient à son sommet une minute avant qu’ils ne brillent sur la terre : va-t-on d’après le premier moment ou le second ? De même, si la ville est très grande, va-t-on, même alors, d’après l’endroit le plus élevé, ou bien, en raison de la taille de la ville, chaque quartier est-il pris de façon autonome ? Cf. Hazmanim Bahalakha 7, qui mentionne ces questions et les différentes opinions en présence.

Même pour la méthode d’après laquelle on calcule le lever et le coucher du soleil à horizon fixe (sans tenir compte des collines etc.), on peut s’interroger sur la hauteur à laquelle on se place pour effectuer son calcul. En effet, plus l’endroit est élevé, plus tôt on peut observer le lever du soleil, et plus tard on peut voir le coucher du soleil. Par exemple, à une altitude de 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, on continue de voir le soleil à son coucher environ 4,6 minutes plus tard que si l’on se trouvait au niveau de la mer, et l’on peut voir le soleil environ 4,6 minutes plus tôt à son lever. Aussi, cette méthode se subdivise-t-elle en trois branches : a) Certains pensent que l’on prend en compte le lever du soleil à horizon fixe, en se référant à la hauteur de l’endroit. Quand on dit cela, le doute subsiste pour une ville où se trouveraient collines et vallées : considère-t-on chaque quartier en tant que tel, ou va-t-on d’après l’endroit le plus élevé ? b) Selon le Choul’han Aroukh Harav, on considère, en tout endroit, le lever du soleil par référence à une hauteur de 800 mètres au-dessus du niveau de la mer, conformément à l’altitude de Jérusalem. C’est aussi ce que dit le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm 1, 97. (C’est-à-dire que, même si les fidèles se trouvent en un endroit plat, situé au niveau de la mer, l’heure du « lever du soleil » serait fixée juridiquement 4,6 minutes avant de pouvoir observer effectivement le soleil). c) Selon un autre avis, on va d’après le lever astronomique, sans tenir  compte en rien de l’altitude : on considère le moment où le soleil serait visible si l’on se trouvait au niveau de la mer (qui recouvre la majorité du monde), sans collines ; c’est ce qu’écrit le Rav Isser Zalman Meltzer. Cf. Zmanim Bahalakha, chap. 7.

Le programme informatique Hazon Shamaim permet d’obtenir l’horaire astronomique précis du lever du soleil en tout endroit et pour le jour souhaité, selon la longitude, la latitude et la hauteur de l’endroit. Dans la mesure où les résultats d’un tel programme sont précis, grâce aux multiples calculs effectués sur la base d’observations, nombreux sont ceux qui ont l’habitude de calculer de cette façon l’horaire du lever du soleil. Il semble ainsi, pour tous les habitants des villages du secteur oriental des monts de Samarie, qu’ils n’ont pas besoin, en pratique, de tenir compte des collines et des vallées qui les bordent à l’est ; car s’ils en tenaient compte, ils devraient calculer un horaire différent pour chaque maison, en fonction de sa hauteur et des collines qui lui cachent le côté est, et à chaque saison selon le point d’où le soleil se lève. Aussi faut-il aller d’après l’horizon astronomique, selon l’endroit le plus élevé de la contrée. Certes, jadis, quand on vivait dans un environnement ouvert, le lever du soleil était une chose tangible, l’essentiel dépendant de la vision réelle. Mais de nos jours où la plupart des gens se trouvent au milieu d’immeubles et ne voient pas le point du jour, et où en revanche les modes de calcul sont devenus faciles, le lever du jour doit, de notre point de vue, être conçu suivant l’horizon astronomique, heure à laquelle on peut d’ailleurs voir les rayons du soleil depuis les endroits élevés de la région. Toutefois, lorsqu’il y a une chaîne de montagnes éloignées à l’orient, qui cachent de façon égale tout le côté est, comme dans la région israélienne de la Plaine côtière (Chfelat ha’hof), et que ces montagnes empêchent de voir le soleil dans toute la région pendant quelques minutes, il semble, à notre humble avis, qu’il faille en tenir compte et retarder l’horaire du lever du soleil. (L’horaire de michéyakir dépend de la luminosité, comme indiqué en note 2, ce qui correspond au moment où le soleil se trouve à 11° sous l’horizon astronomique ; cet horaire n’est pas lié au lever visible du soleil).

07 – Jusqu’à quel point il est permis d’avancer l’heure de la prière

A priori, on ne récitera pas la ‘Amida avant l’heure de Vatiqin car, d’après plusieurs décisionnaires, le temps de récitation de la ‘Amida s’étend a priori du lever du soleil (hanets ha’hama) à la fin de la quatrième heure, et le moment le plus indiqué est bien entendu immédiatement l’heure de Vatiqin. Par conséquent, pour un fidèle dont la prière durerait environ vingt-cinq minutes du début de l’office jusqu’au début de la ‘Amida, le moment de commencer la prière serait, au plus tôt, vingt-cinq minutes avant le lever du soleil.

Si l’on est contraint de partir tôt en voyage ou au travail, on est autorisé à commencer sa prière depuis le moment de michéyakir, où l’on peut reconnaître son prochain à une distance de quatre amot. En effet, à ce moment, la lumière s’est déjà quelque peu répandue sur la terre, et il est dès lors permis de réciter le Chéma et d’accomplir la mitsva des tsitsit (se couvrir du talith), ainsi que la mitsva des téphilines. Nous avons déjà vu que michéyakir tombait à peu près cinquante minutes avant le lever du soleil (durant la majorité de l’année) (cf. note 2).

Si l’on doit avancer davantage sa prière, on commencera à prier sans talith ni téphilines, jusqu’à la fin des Pessouqé dezimra[c] ; après avoir terminé la bénédiction Yichtaba’h, on attendra le moment de michéyakir pour s’envelopper du talith et attacher les téphilines, puis on continuera sa prière[8].


[c]. Pessouqé dezimra : versets de louanges, deuxième partie de l’office. Cf. chap. 14.

[8]. A priori, il ne faut pas prier avant Vatiqin car, selon la majorité des décisionnaires, parmi lesquels Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh, le temps qui sépare l’aube du lever du soleil ne convient à la prière qu’a posteriori, comme nous l’expliquions en note 4. S’agissant même de la lecture du Chéma, selon certains décisionnaires (Maïmonide et Rabbénou Tam), la période qui va de michéyakir au lever du soleil n’est valable qu’a posteriori. Cependant, pour la majorité des décisionnaires, ce temps est valable a priori pour la lecture du Chéma ; mais dans la mesure où l’on doit enchaîner la ‘Amida au Chéma et à ses bénédictions, on aura soin de ne pas dire a priori la ‘Amida avant le lever du soleil.

En cas de nécessité (bich’at hatsorekh), on pourra dire la ‘Amida depuis le temps de michéyakir, car cette heure est, d’après la majorité des décisionnaires, celle où l’on peut commencer à lire le Chéma, comme le décide le Choul’han ‘Aroukh 58, 1 et comme nous l’avons vu en note 3. Cette heure est aussi celle où l’on peut commencer à s’envelopper du talith et à attacher ses téphilines, comme l’énonce le Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 18, 3 et 30, 1. On peut terminer les Pessouqé dezimra et Yichtaba’h avant cela, et quand arrive le moment de michéyakir, mettre talith et téphilines, comme l’explique le Béour Halakha 58, 1 (זמן). Mais on n’anticipera pas davantage, car ce n’est qu’en cas de nécessité impérieuse (bich’at had’haq) qu’il est permis de lire le Chéma et ses bénédictions avant le temps de michéyakir. Pour la définition de cet horaire, cf. note 2.

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