[4]. La coutume ashkénaze en Israël, en matière de mariage, est exposée par le
Minhagué Erets Israël 18, 2 ; et le
Sidour Pessa’h Kehilkhato 12, 3 s’exprime dans le même sens. Par une telle coutume, on se rend quitte aux yeux de toutes les traditions : premièrement, il y a trente-trois jours de deuil au début de l’
omer ; par cela, on se conforme à la tradition que le Rama cite au nom de
Tossephot. Cela convient également à la tradition selon laquelle la calamité qui frappa les disciples de Rabbi Aqiba cessa à Lag ba’omer. On peut aussi, de cette façon, expliquer la version de la Guémara selon laquelle les disciples moururent jusqu’à
pros ‘atséret, en comprenant que cela désigne
environ la moitié d’un mois. De cette façon, il n’y a pas non plus de grande différence entre les coutumes séfarade et ashkénaze.
Quoi qu’il en soit, on continue de s’abstenir des grandes réceptions joyeuses, même après Lag ba’omer, conformément à la tradition selon laquelle, durant toute la période de l’omer, ceux des disciples de Rabbi Aqiba qui avaient contracté la maladie avant cette date continuèrent de mourir ; de plus, on se conforme ainsi aux propos du Touré Zahav 493, 2, selon lequel on s’abstient de telles réunions en raison des terribles événements qui eurent lieu après le trente-troisième jour.
Un autre éclaircissement sur cette coutume réside dans le fait qu’elle convient à la version de la Guémara (Yevamot 62b) dont nous disposons aujourd’hui – où l’on peut lire que les disciples de Rabbi Aqiba moururent entre Pessa’h et Chavou’ot. Cela, compte tenu des propos des Guéonim selon lesquels le deuil consiste à s’abstenir de se marier, de sorte que les mariages sont suspendus pendant toute la période de l’omer (en dehors de Roch ‘hodech sivan, seule exception à l’exacte concordance entre cette coutume et notre version de la Guémara). En revanche, les interdits de se faire couper les cheveux ou de jouer de la musique sont des usages plus tardifs ; aussi, on n’a coutume d’interdire ces activités que jusqu’à Lag ba’omer.
Une autre explication peut être proposée, conformément à la coutume de certaines communautés ashkénazes, où l’on doit observer trente-trois jours de deuil, de sorte que l’on compte trente-trois jours après Isrou ‘hag [lendemain de la semaine de Pessa’h, ici selon la date de la diaspora], jusqu’au 29 iyar (sans tenir compte des deux jours de Roch ‘hodech iyar ni de Lag ba’omer). De cette manière, tout devient permis à partir de Roch ‘hodech sivan. Certains décisionnaires permettent les mariages dès Lag ba’omer, car le mariage constitue une mitsva, et ce ne sont que les grandes réceptions joyeuses ayant un caractère facultatif (et non celles qui sont données à l’occasion d’une mitsva) qu’ils interdisent jusqu’à Chavou’ot.
Dans les pays de langue germanique, on suivait la coutume numérotée 4 dans le corps de texte, coutume selon laquelle l’essentiel est d’observer trente-trois jours de deuil, que ce soit à la fin ou au début de l’omer. Cette coutume se subdivise en plusieurs variantes. L’une observe les usages de deuil au début de l’omer (comme le veut la coutume ashkénaze en terre d’Israël) ; l’autre, du 30 nissan – qui est le premier jour de Roch ‘hodech iyar –, jusqu’au 3 sivan au matin ; la troisième, du 2 iyar jusqu’à la veille de Chavou’ot (Rama 493, 3, Michna Beroura 15 ; cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 7, 73-75).
Selon le Rama 493, 3, il ne faut pas, dans un même lieu, que soient suivies deux coutumes différentes, en raison de l’interdit de lo titgodedou (« Vous ne vous constituerez pas en petites factions », Dt 14, 1). [Ce verset signifie littéralement : « Vous ne vous ferez pas d’incision… en l’honneur d’un mort » ; mais la racine גדד peut signifier également se liguer, se constituer en factions, ce qui conduit le Talmud à mettre en garde contre le fractionnement d’une communauté en sous-groupes.] Mais quand des fidèles originaires de différentes communautés se réunissent en un même lieu, cela devient permis, comme l’écrit le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 159.
Selon la coutume ashkénaze (coutume n°4 ci-dessus, § 2), quand aucun usage bien précis n’est établi dans telle ville, on peut choisir l’un de ces différents usages. Simplement, on ne cumulera pas les indulgences de deux coutumes différentes. On pourra même, telle année, observer les usages de deuil au début de l’omer, puis, l’année suivante, ne les faire débuter qu’à Roch ‘hodech iyar. En effet, ce ne sont pas là, à proprement parler, des coutumes différentes : l’essentiel est en effet de respecter le deuil pendant trente-trois jours continus. Telle est l’opinion du ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 142, telle que l’explique le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 159, opinion citée par le Sidour Pessa’h Kehilkhato 12, 4, 23 et le Hilkhot ‘Hag Be’hag 7, 23. Cf. également Pisqé Techouvot 493, 12-13. Le ‘Hatam Sofer écrit encore que l’on peut se conformer à une coutume en matière de mariage, et à une autre quant au fait de se couper les cheveux.
De nos jours, en Israël, il n’est guère plus d’Ashkénazes qui aient coutume de se marier avant la néoménie d’iyar. Il semble préférable de dissuader ceux qui voudraient le faire, car l’usage en Israël est également basé sur la coutume n°3, rapportée ci-dessus en § 2, et il n’y a pas lieu de suivre deux coutumes différentes en un même endroit.
[5]. Des propos du Rama 493, 2, pris littéralement, il ressort que c’est seulement au matin de La ba’omer qu’il est permis de se marier et de se faire couper les cheveux, tandis que cela reste interdit durant la nuit. La raison en est qu’il faut observer trente-trois jours de deuil, or le Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 295, 1 décide qu’une petite partie du jour peut être considérée comme son intégralité, conformément à l’opinion du Maharam de Rothenburg, et contrairement à l’avis de Na’hmanide, selon qui une petite partie de la nuit elle-même peut être considérée comme l’intégralité de la journée qui suit. C’est ce qu’écrit le Gaon de Vilna, et c’est en ce sens que penche le Michna Beroura 10.
Mais nombreux sont ceux qui estiment que l’autorisation s’étend à toute la trente-troisième journée ; c’est le cas du Ma’adané Yom Tov, du ‘Hoq Ya’aqov, du Mor Ouqtsi’a et d’autres. La raison en est que Lag ba’omer, dans sa nuit et sa journée, est un temps de joie, car la mortalité qui avait frappé les disciples de Rabbi Aqiba cessa ce jour-là. Mais il est difficile, en ce cas, d’expliquer comment on obtient le résultat de trente-trois jours de deuil à observer. Si l’on s’en tient à l’usage qui veut que l’on s’abstienne de se marier de Lag ba’omer à Roch ‘hodech sivan, il n’y a pas de difficulté : on compte plus de trente-trois jours de deuil durant cette période. De même, pas de difficulté si l’on s’en tient à la version du Maharil dont nous disposons – selon laquelle, en matière de coupe de cheveux, il n’est besoin d’observer que trente-deux jours de deuil –, car l’auteur écrit que, s’agissant de mariage, l’abstention court durant toute la période de l’omer.
Selon le Choul’han ‘Aroukh Harav 493, 5, la règle est ici liée à la question de savoir si l’on récite les Ta’hanounim (supplications) à l’office de Min’ha qui précède Lag ba’omer. En effet, selon ceux qui estiment que l’on ne récite pas les Ta’hanounim, le deuil ne dure que trente-deux jours ; or on a précisément coutume de ne pas dire les Ta’hanounim (cf. ci-après, chap. 5, note 1). Et si l’on soutient qu’il faut, malgré tout, respecter trente-trois jours de deuil, sans considérer les jours qui suivent Lag ba’omer, on peut s’appuyer, peut-être, sur Na’hmanide, selon lequel une petite partie de la nuit vaut l’intégralité du jour, si bien que, quelques instants après le début de la nuit de Lag ba’omer, il est déjà permis de se marier et de se faire couper les cheveux (comme l’écrit le Peri ‘Hadach). Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 7, 71, qui conforte cette opinion ; cf. encore Sidour Chabbat Kehilkhato 12, 12.