Pniné Halakha

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Zmanim

10. Mitsva de la lecture ; que faire quand on manque un mot

La mitsva de la lecture de la Méguila consiste, nous l’avons vu, à lire celle-ci dans un rouleau valide, c’est-à-dire écrit à l’encre sur parchemin. Si on l’a récitée par cœur, ou qu’on en ait fait la lecture à partir d’un livre imprimé, on n’est pas quitte de son obligation (Choul’han ‘Aroukh 690, 3). Si on en a lu l’essentiel dans un rouleau valide, et une partie dans un livre imprimé, ou qu’on ait récité par cœur une partie du texte, on est quitte, à condition d’avoir effectivement récité tout le texte, sans en retrancher un seul mot (comme nous l’avons vu au paragraphe précédent).

Mais si le lecteur a omis un mot, ou qu’il se soit trompé sur un mot, de telle sorte que l’erreur modifie le sens du mot, la majorité des décisionnaires estiment qu’il n’est pas quitte de son obligation : le lecteur doit répéter sa lecture de la Méguila, de façon cette fois conforme à la halakha[12].

Même quand le lecteur a lu tous les mots de façon conforme à la halakha, si l’auditeur, lui, n’a pas entendu l’un des mots, cet auditeur n’est pas quitte. C’est là, en pratique, la règle la plus importante parmi celles de la Méguila car, du fait de la présence d’enfants à la synagogue, le bruit est fort, et certains fidèles ne parviennent pas à entendre tous les mots. En particulier, le risque s’accroît lorsque le nom d’Haman est recouvert du bruit des crécelles : il arrive que le lecteur poursuive sa lecture alors que les enfants font du bruit ; ceux qui sont assis au fond de la synagogue ne peuvent entendre tel mot, perdant ainsi le bénéfice de toute la lecture.

La solution consiste, quand on a manqué d’entendre un ou plusieurs mots, à compléter immédiatement les mots manquants en les lisant (de manière articulée, à voix basse), dans le livre que l’on a face à soi. Si, entre-temps, l’officiant a poursuivi sa lecture, on continuera de lire à voix basse jusqu’à ce qu’on atteigne l’endroit où le lecteur se trouve. Il est vrai que le livre imprimé, qui est placé face à soi, n’est pas valide pour y lire la Méguila au titre de la mitsva ; mais puisque l’on aura entendu la majorité du texte, lu dans un rouleau valide, on pourra, a posteriori, compléter pour soi-même les mots manquants en les lisant dans un livre imprimé. Par contre, lorsqu’on entend correctement les mots chantés par le lecteur, on ne les articulera pas en même temps, en suivant dans son livre imprimé[13].


[12]. Si le lecteur a omis un mot, le Rachba et le Ran estiment que l’on n’est point quitte. Selon Rabbi Yechaya A’haron zal, tant que la signification n’est pas modifiée, on est quitte. Si l’on a prononcé un mot de manière défectueuse, et que cela ait modifié le sens – par exemple, si le lecteur a dit nafal (il tomba) au lieu de nofel (il tombe) –, le Rachba, le Ran et le Or’hot ‘Haïm pensent que l’on n’est point quitte ; mais on peut inférer des propos du Tour et du Choul’han ‘Aroukh 690, 14 que, selon certains, on est quitte ; et telle est peut-être l’opinion de Maïmonide. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 690, 20, a posteriori, si l’on n’a pas fait répéter le lecteur, on est quitte. En pratique : pour la majorité des décisionnaires, dans les deux cas, on n’est point quitte, et il faut répéter la lecture, comme le disent le Michna Beroura 690, 5 et le Béour Halakha 690, 14.

Dans le cas où le lecteur a omis un mot, et que cette omission modifie le sens, tout le monde s’accorde à dire que l’on doit répéter la lecture. [Dans tout cas d’erreur ou d’omission, on doit reprendre le lecteur de façon qu’il corrige sa lecture.] Cf. Torat Hamo’adim 5, 26 et 28 ; Hilkhot ‘Hag Be’hag 12, 7.

À notre humble avis, si la modification est telle que la plupart des auditeurs ne comprennent pas la différence de sens, il n’est pas nécessaire, a posteriori, de répéter, puisque, de toute façon, le public n’aura pas compris un faux sens.

Certains ont coutume de lire certains mots de la Méguila deux fois, en raison du doute dont ils sont l’objet. Par exemple, au chap. 3, verset 4 : ké-omram (כאמרם) se lit bé-omram (באמרם), et certains lisent donc le mot sous ces deux formes. Même chose pour laharog (להרג) et vé-laharog (ולהרג) (8, 11), bifnéhem (בפניהם) et lifnéhem (לפניהם) (9, 2) ; mais le fait de ne pas mentionner ces deux formes n’invalide pas la lecture. Cf. Torat Hamo’adim 5, 38, Pisqé Techouvot 690, 3.

[13]. Ceux qui apportent un supplément de perfection à la pratique de cette mitsva achètent une Méguila valide, afin que, s’ils manquent d’entendre un mot, ils puissent le rattraper en le lisant dans une véritable Méguila ; ils seront alors quittes, conformément aux usages les plus rigoureux (Michna Beroura 689, 19). Toutefois, si l’on ne sait pas lire, au sein d’une Méguila, en respectant la vocalisation juste [laquelle n’apparaît pas, puisque les voyelles n’y sont pas écrites], y lire les mots manquants reviendrait à perdre d’un côté ce que l’on gagne de l’autre. En effet, comme nous l’avons vu, une erreur de prononciation ayant pour effet de changer le sens du mot invalide la lecture.

Le Choul’han ‘Aroukh 690, 4 et le Michna Beroura 13 expliquent pourquoi, tout au long de son écoute, l’auditeur ne devra pas subvocaliser, en suivant des yeux le texte dans son livre imprimé.

11. Règles de la lecture

Quand il est fermé, le rouleau est disposé de la fin au début. Mais, comme le livre d’Esther est appelé iguéret (« lettre »), on a coutume, avant sa lecture publique, de dérouler la Méguila et de la replier, feuille sur feuille, afin de publier le miracle. Après la lecture, on enroule de nouveau la Méguila, de la fin jusqu’au début, car c’est l’honneur que l’on doit à cet écrit que de ne pas le laisser ouvert ; ce n’est qu’après avoir terminé cet enroulement que l’officiant récitera la bénédiction Harav et rivénou (Choul’han ‘Aroukh 690, 17, Michna Beroura 55-56, Kaf Ha’haïm 102-105).

La mitsva d’écouter la Méguila s’accomplit assis ou debout ; seul celui qui donne lecture au public (le ba’al qria) a l’obligation de se tenir debout, en raison de l’honneur dû à l’assemblée (Choul’han ‘Aroukh 690, 1). Quand les bénédictions sont lues, la majorité des communautés ont coutume de se lever (Michna Beroura 690, 1, Ben Ich ‘Haï, Tetsavé 4, cf. Kaf Ha’haïm 2).

On lit la Méguila en respectant les signes musicaux (te’amim) ; a posteriori, quand personne ne sait assurer la lecture en chantant selon le te’amim, on peut lire la Méguila sans cela (Choul’han ‘Aroukh 690, 1).

Il faut lire la Méguila dans l’ordre où les versets sont écrits. S’ils ont été lus dans le désordre, on n’est pas quitte. Par exemple, si l’on n’a pas entendu un mot, ou un verset, lu par le lecteur, on ne se dira pas : « Continuons d’écouter la Méguila jusqu’à la fin ; je compléterai ensuite ce que j’ai manqué. » On devra combler le manque immédiatement, jusqu’à ce qu’on rejoigne l’endroit où se trouve le lecteur, puis continuer d’écouter la lecture, dans l’ordre, jusqu’à la fin de la Méguila[14].

Si l’on s’est assoupi au cours de la lecture de la Méguila, on n’est pas quitte, car il est certain que certains mots n’auront pas été entendus (Choul’han ‘Aroukh 690, 12). Comme nous l’avons vu (§ 9), même si l’on ne comprend pas l’hébreu, on s’acquitte de son obligation en écoutant la Méguila dans sa version originale hébraïque.

A priori, il faut lire la Méguila de manière continue. A posteriori, si l’on s’est interrompu tout en restant silencieux, et même si l’on a parlé, on n’a point perdu le bénéfice de ce que l’on a lu, et l’on pourra poursuivre à partir de l’endroit où l’on s’était interrompu (Choul’han ‘Aroukh 690, 5 ; cf. Michna Beroura 18 et Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 65).

Si l’on écoute la Méguila par le biais d’appareils électriques, tels que le téléphone, la radio, un haut-parleur, de nombreux décisionnaires estiment que l’on n’est pas quitte. En effet, ces appareils recueillent le son en tant que signaux électriques, puis le retraduisent en tant que son nouveau ; cela reviendrait à écouter une Méguila enregistrée, cas dans lequel on ne s’acquitte pas. A priori, il y a lieu de tenir compte de cet avis[15].


[14]. Si l’on est en retard à la synagogue, et que, au moment où l’on arrive, la lecture de la Méguila ait déjà commencé, on ne se dira pas : « J’écouterai la Méguila, puis je comblerai les premiers versets », car cela reviendrait à lire le texte dans le désordre (lémafré’a). Si l’on craint de ne pas avoir, par la suite, de possibilité d’entendre la Méguila, on récitera immédiatement les bénédictions, puis on commencera à lire les versets à voix basse, de manière articulée, dans un livre imprimé, jusqu’à ce que l’on rejoigne le lecteur ; puis on écoutera la suite, de la bouche du lecteur. Cela, à la condition que l’on entende la majorité de la Méguila de la bouche du lecteur.

Si l’on craint que, le temps de rechercher le texte des bénédictions, le lecteur avance tellement dans sa lecture que l’on ne puisse le rattraper avant le milieu du texte, et que, d’autre part, on ne trouve pas d’autre possibilité d’accomplir ensuite la mitsva, il sera préférable d’entreprendre immédiatement la lecture de la Méguila, sans réciter les bénédictions introductives, afin de rejoindre le lecteur avant que celui-ci n’ait atteint la moitié du texte. Ainsi, on accomplira la mitsva (cf. Béour Halakha 690, 3 ד »ה ודווקא).

[15]. Cf. Pniné Halakha, Berakhot (Lois des bénédictions) 12, 10, où il est dit que les décisionnaires sont partagés à cet égard : pour le Rav Kook, en Ora’h Michpat 48, et le Rav Tsvi Pessa’h Frank, en Miqraé Qodech 11, on s’acquitte ainsi. C’est aussi en ce sens que penche le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm II 108 et IV 91, 4. Face à eux, le Michpeté Ouziel, le Min’hat Chelomo I 9 et le Ye’havé Da’at III 54 estiment que l’on n’est point quitte. A priori, il ne faut pas s’acquitter de la mitsva à l’aide d’appareils électriques. Faute de choix, on pourra s’appuyer sur les tenants de l’opinion indulgente, afin d’accomplir, au moins selon leurs vues, la mitsva.

12. Les bénédictions et l’ordonnancement de la lecture

Trois bénédictions sont récitées, avant la lecture de la Méguila faite le soir : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bemitsvotav, vétsivanou ‘al miqra méguila (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as ordonné la lecture de la Méguila ») ; Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, ché’assa nissim la-avoténou, bayamim hahem, bazman hazé (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui produisis des miracles pour nos ancêtres, en ces jours-là, à pareille époque ») ; Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, chéhé’héyanou véqiyemanou véhigui’anou lazman hazé (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as fait vivre, nous as maintenus et nous as fait parvenir à cette époque »).

Les bénédictions sont une préparation à la mitsva : par elles, le lecteur et les auditeurs forment l’intention, en leur for intérieur, d’accomplir la mitsva et d’en comprendre l’objet, qui est de se souvenir du miracle que l’Eternel produisit en faveur de nos ancêtres, et de le publier. Cependant, si l’on a fait la lecture sans réciter les bénédictions, on est quitte, à condition d’avoir formé l’intention d’accomplir la mitsva (Choul’han ‘Aroukh 690, 14)[16].

S’agissant de la bénédiction Chéhé’héyanou du matin, les coutumes divergent. Suivant la coutume séfarade, on ne dit pas Chéhé’héyanou le jour, car cette bénédiction, déjà récitée la veille au soir, est efficace pour toute la journée de Pourim. Suivant la coutume ashkénaze, il faut répéter Chéhé’héyanou avant la lecture du matin, car celle-ci est une mitsva en elle-même ; de plus, des deux lectures faites à Pourim, celle du matin est la plus importante, de sorte qu’elle ne peut être « annexée » à la lecture faite le soir (Choul’han ‘Aroukh 692, 1).

Il convient, au moment de la bénédiction Chéhé’héyanou, récitée avant la lecture de la Méguila, de viser, en pensée, toutes les autres mitsvot du jour : l’envoi de mets à des amis, les dons aux pauvres, le repas festif. Les Séfarades forment cette intention le soir, les Ashkénazes le matin (Michna Beroura 692, 1).

Après la lecture de la Méguila et son enroulement, jusqu’au début du parchemin, on a coutume de réciter Harav et rivénou, bénédiction de louange et de reconnaissance. Selon la majorité des décisionnaires, cette bénédiction ne se dit que lorsqu’on a récité la Méguila au sein d’une assemblée de dix hommes ou de dix femmes ; si le groupe est moins nombreux, on ne récite pas cette bénédiction[17].


[16]. Les Richonim sont partagés quant au fait de savoir si l’accomplissement des mitsvot requiert une intentionnalité (kavana). Le Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 60, 4, tranche, en pratique, qu’une intentionnalité est en effet requise. C’est aussi ce qu’écrit le Choul’han ‘Aroukh, quant à la Méguila, au chapitre 690, 13-14. Pour les mitsvot rabbiniques elles-mêmes, de nombreux A’haronim estiment qu’il faut une kavana, et que, si l’on n’a pas formé l’intention d’accomplir l’acte en tant que mitsva, on n’est point quitte.

A priori, la kavana doit consister en une pensée spécifique [par exemple, penser : je m’apprête à accomplir la mitsva de mettre les téphilines, ou : je m’apprête à accomplir la mitsva de la lecture de la Méguila (en écoutant l’exécution qu’en fait le lecteur)]. Cependant, celui-là même qui n’aurait pas eu une telle intention spécifique, et qui, si on lui demandait pourquoi il a écouté la Méguila, répondrait : « pour accomplir la mitsva », bénéficierait tout de même d’un certain degré de kavana, comme l’explique le Michna Beroura 60, 10. Aussi, toute personne qui se rend à la synagogue pour y écouter la Méguila, ou qui a récité les bénédictions avant de lire celle-ci, est certainement considérée comme ayant une kavana, et est quitte de son obligation. Ce n’est que dans le cas où, se trouvant chez soi, on entend la lecture de la Méguila, faite dans la synagogue voisine, que l’on ne sera pas quitte, si l’on n’a pas formé l’intention de s’en acquitter.

[17]. Harav et rivénou n’est pas une obligation comme le sont les bénédictions précédant la lecture ; elle est une bénédiction de louange et de reconnaissance, dont le fondement est coutumier, comme le dit la Michna : « En un lieu où l’on a coutume de la réciter, on la récite ; en un lieu où l’on n’en a pas la coutume, on ne la récite pas » (Méguila 21a). De nos jours, toutes les communautés ont coutume de la dire.

Le Or’hot ‘Haïm, au nom du Talmud de Jérusalem, écrit qu’on ne la récite qu’au sein d’un minyan. Le Beit Yossef et le Rama 692, 1 citent cette source et tranchent en ce sens. Toutefois, selon Rachi, le Maharam et le Radbaz, on la récite même si l’on fait une lecture individuelle [c’est-à-dire au sein d’un nombre inférieur à dix]. C’est aussi ce qu’écrit le Ben Ich ‘Haï, Tetsavé 13, et tel est l’usage de ceux qui se conforment à ses décisions. Selon le Béour Halakha 692, 2 et le Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm VIII 56, puisque c’est un cas de doute, il ne faut pas dire la bénédiction. (D’autant que, pour le Halakhot Guedolot et le Mahari Weil, les bénédictions introductives elles-mêmes ne sont pas récitées dans le cas d’une lecture individuelle.) L’usage le plus répandu est de ne pas réciter la bénédiction Harav et rivénou dans le cas d’une lecture individuelle ; mais si le lecteur veut la réciter, il n’y a pas lieu de protester.

Un point douteux est de savoir si les femmes s’ajoutent aux hommes pour constituer une assemblée de dix (Rama 690, 18). Le Peri ‘Hadach et le Peri Mégadim écrivent que le doute porte strictement sur le fait de savoir si leur nombre s’additionne à celui des hommes ; en revanche, s’il s’agit d’un minyan de femmes (assemblée de dix femmes), on dit la bénédiction. Bien que certains aient l’usage de ne point la dire en un tel cas, la halakha veut qu’on la dise pour une assemblée de dix femmes, comme l’écrivent le Rav Tsvi Pessah Frank en Miqraé Qodech, Pourim 35 et le Yabia’ Omer VIII 56, 4. Cf. Pisqé Techouvot 692, 4. En pratique, il semble que, a posteriori, on puisse également additionner les femmes et les hommes, puisque, de toute manière, de nombreux décisionnaires estiment qu’un particulier lui-même est autorisé à réciter cette bénédiction. Cf. Torat Hamo’adim 5, 14, Hilkhot ‘Hag Be’hag 1-4.

13. Se venger d’Haman et de ses dix fils

Un des thèmes principaux du livre d’Esther est l’exécution d’Haman et de ses dix fils, le fait que la justice fut rétablie, et que les méchants, qui s’étaient dressés contre le peuple juif pour le détruire, furent punis et mis à mort. Quiconque se dresse contre Israël, peuple de l’Eternel, béni soit-Il, se dresse et se révolte contre l’Eternel Lui-même, béni soit-Il, Créateur de l’univers, et qui maintient l’univers ; il n’est que justice que cet ennemi disparaisse entièrement. Plusieurs règles illustrent la thématique particulière qu’est l’exécution d’Haman et de se fils.

Premièrement, dans le rouleau d’Esther, le passage relatant l’exécution des dix fils d’Haman apparaît sous la forme d’un cantique (chira). À la différence des autres cantiques – comme celui de la mer rouge (Ex, chap. 15), où l’écriture se mêle aux espaces –, l’exécution des dix fils d’Haman se présente de manière directe et ordonnée, un mot de chacun des deux côtés de la ligne, un espace séparant les deux mots, de sorte que les dix noms des fils d’Haman apparaissent tous du côté droit de la ligne, et le mot ואת (vé-et), qui introduit chaque complément d’objet et relie ces différents noms, figure du côté gauche (Méguila 16b, Choul’han ‘Aroukh 691, 3). Le Maharal (Or ‘Hadach 9, 10) explique que les autres cantiques expriment le soulagement (reva’ha) éprouvé par les enfants d’Israël, de sorte que, dans le texte écrit, la ligne ménage des espacements (reva’h), et les mots s’étendent et s’étagent. Dans le cas du « cantique » sur l’exécution des fils d’Haman, par contre, ce qui s’exprime est la joie de voir nos ennemis anéantis, un jugement droit leur ayant été appliqué. Aussi, ce passage s’écrit-il sous forme de ligne fermée de part et d’autre, et droite.

Il faut s’efforcer de lire tous les noms des fils d’Haman d’un seul souffle, afin de faire allusion au fait que tous expirèrent ensemble ; a posteriori, si on n’a pas lu les dix noms d’un seul souffle, on est tout de même quitte. La lettre ו du nom Vaïzata s’écrit en caractère plus grand que les autres lettres, pour faire allusion au fait que les dix fils furent tous pendus ensemble (Méguila 16b, Choul’han ‘Aroukh 690, 15 et 691, 4). Le Maharal enseigne que le fondement de la foi d’Israël est la reconnaissance du Dieu un ; or les Amalécites s’opposent à la foi en l’unicité divine, et haïssent Israël. Quand les Amalécites sont anéantis, l’unité divine se dévoile donc dans le monde. C’est pourquoi, quand les fils d’Haman furent punis, ils moururent tous en un instant unique, car leur mort révéla la foi en l’unité divine (Or ‘Hadach 9, 10).

Après la lecture, il faut dire : Arour Haman, baroukh Mordekhaï, aroura Zérech, beroukha Esther, arourim kol harcha’im, beroukhim kol hatsadiqim, végam ‘Harvona, zakhour létov (« maudit soit Haman, béni soit Mordekhaï, maudite soit Zérech, bénie soit Esther, maudits soient tous les méchants, bénis soient tous les justes, ainsi que Harvona, de bonne mémoire ») (Talmud de Jérusalem, Méguila 3, 7, Choul’han ‘Aroukh 690, 16).

À l’époque des Richonim (au Moyen Âge), la coutume a commencé de se répandre parmi les enfants, et même parmi les adultes, de « frapper » (conspuer) les mentions du nom d’Haman (en agitant des crécelles quand ce nom est lu). On a voulu exprimer par-là, à ce qu’il semble, la haine des méchants et la joie de les voir chuter. Bien que cette coutume n’ait pas de source écrite, le Rama note : « Il n’y a lieu d’annuler aucune coutume, ni de s’en moquer, car ce n’est pas vainement que les coutumes ont été fixées » (690, 17). Cependant, certains Richonim n’avaient pas cet usage. Et, parmi les A’haronim, certains se sont même déclarés contre, parce que le bruit risque d’empêcher les auditeurs de s’acquitter de leur obligation d’écouter la Méguila (comme nous l’avons vu, § 10). En pratique, on pourra perpétuer cette coutume, à condition d’avoir soin de laisser à l’ensemble du public présent la possibilité de bien entendre l’intégralité du texte[18].


[18]. Cette coutume est davantage répandue dans les communautés ashkénazes. Toutefois, le Maharil n’en avait pas l’usage. Cf. Torat Hamo’adim 5, 10 et Hilkhot ‘Hag Be’hag 12, 16. Dans notre village, la coutume est, le soir de Pourim, que se tiennent deux minyans : un minyan principal, où l’on tape une seule fois du pied, et où l’on ne s’arrête presque pas à cela, afin de ne pas interrompre la fluidité de la lecture ; un autre minyan, où l’on s’attarde à conspuer Haman. Le jour, tout le monde lit ensemble, en grande assemblée, à la yéchiva, et l’on fait un peu de battage. (Cf. ci-dessus § 6 et note 5, où l’on voit que, selon certains, la recommandation de faire la lecture en présence d’une grande assemblée s’applique à la lecture du matin.)

14. ‘Al hanissim, lecture de la Torah, éloge funèbre et Ta’hanounim

Nos sages ont institué la lecture d’un texte spécial, ‘Al hanissim (« Pour les miracles »), afin de louer Dieu pour le secours qu’il prodigua au peuple juif durant les jours de Pourim. On récite ce texte au sein de Modim (bénédiction de la reconnaissance), dix-huitième bénédiction de la ‘Amida, ainsi que dans Nodé lekha, deuxième bénédiction du Birkat hamazon (actions de grâce qui suivent le repas). Par contre, dans la bénédiction Mé’ein chaloch[d], on ne mentionne pas Pourim.

Si l’on a oublié de réciter ‘Al hanissim dans la ‘Amida ou dans le Birkat hamazon, on est néanmoins quitte de son obligation. Si, toutefois, on s’en souvient avant que d’achever la bénédiction où se récite ‘Al hanissim, on reviendra en arrière pour dire ‘Al hanissim. Mais si l’on a déjà prononcé le nom divin dans la formule finale de ladite bénédiction, on ne reviendra pas en arrière. Simplement, il sera bon de réciter ‘Al hanissim dans la conclusion de la ‘Amida, après avoir achevé de réciter les bénédictions : là, il est en effet permis d’ajouter des supplications, ou des paroles de reconnaissance, sans limite. De même, si l’on a oublié de réciter ‘Al hanissim au sein du Birkat hamazon, il sera bon de dire ce texte dans la conclusion de cette prière, avec les phrases commençant par Hara’haman : à ce moment, il est en effet permis d’ajouter, à volonté, des paroles de reconnaissance (Rama 682, 1, Michna Beroura 4)[19].

Si l’on a commencé le festin de Pourim, et qu’on l’ait prolongé longtemps, jusqu’après la tombée de la nuit, on ira d’après le commencement : on récitera donc ‘Al hanissim dans le Birkat hamazon (Choul’han ‘Aroukh 695, 3, cf. Michna Beroura 16).

Nos sages ont décrété que trois appelés monteraient à la Torah, à Pourim, pour y lire le passage Vayavo Amaleq (« Amaleq vint ») (Ex 17, 8-16). Bien que l’une des décisions d’Ezra le scribe fût de ne pas lire moins de dix versets, lors d’une lecture publique de la Torah, on ne lit que neuf versets à Pourim, car le récit de l’attaque amalécite se déploie en neuf versets seulement. Certains ont coutume de lire le dernier verset deux fois, de manière à atteindre le nombre de dix versets (Choul’han ‘Aroukh 693, 4). D’autres estiment qu’on ne le lit pas une seconde fois (Rama ad loc.).

La brièveté de cette lecture porte en elle, de manière allusive, un enseignement : tant que le nom d’Amaleq n’est pas effacé, le nom du Saint béni soit-Il ne se révèle pas dans sa plénitude ; aussi, lors de la lecture du passage Vayavo Amaleq, on ne lit que neuf versets.

Bien que, à Pourim, le peuple d’Israël connût un grand salut, les sages n’ont pas prescrit de réciter le Hallel en ce jour. Le Talmud mentionne trois raisons à cela : selon Rabbi Yits’haq, on ne dit pas le Hallel pour célébrer un miracle qui s’est produit en dehors de la terre d’Israël. Selon Rava, si on ne le récite pas, c’est parce que les Juifs restèrent assujettis à Assuérus, or on ne dit le Hallel qu’en cas de délivrance telle que nous accédons, par elle, à l’état d’hommes libres. Pour Rav Na’hman, la lecture de la Méguila, en elle-même, nous est comptée en lieu et place du Hallel, aussi n’était-il pas nécessaire d’instituer la lecture du Hallel en ce jour (Méguila 14a)[20].

Les 14 et 15 adar, il est interdit de prononcer un éloge funèbre, ainsi que de jeûner. Cet interdit s’applique aussi bien à ceux qui habitent les villes ouvertes qu’à ceux qui vivent dans les villes fortifiées. Ce n’est que si le défunt était un érudit (talmid ‘hakham, « disciple des sages ») qu’il sera permis de dire un éloge funèbre en son honneur, devant lui, pendant la cérémonie d’enterrement (Choul’han ‘Aroukh 696, 3, Yoré Dé’a 401, 5).

On ne récite pas les Ta’hanounim (supplications qui suivent la ‘Amida), ni Lamnatséa’h (psaume 20, entre le second Achré et Ouva lé-Tsion) pendant ces deux jours de Pourim (Choul’han ‘Aroukh 693, 3). Même à l’office de Min’ha du jeûne d’Esther, quand il précède immédiatement Pourim, on ne récite pas les Ta’hanounim (Michna Beroura 131, 33).

On a coutume, durant la soirée et la journée de Pourim, de porter des vêtements de Chabbat et de fête (Rama 695, 2, Kaf Ha’haïm 13).


[d]. Brève bénédiction d’action de grâce, récitée après la consommation d’une mesure déterminée de pâtisserie, de vin ou de fruits spécifiques à la terre d’Israël.

[19]. Les règles applicables au passage ‘Al hanissim, dans la ‘Amida de Pourim, sont identiques à celles qui régissent ce même passage durant ‘Hanouka, comme l’expliquent le Choul’han ‘Aroukh et le Rama 693, 2 et 682, 1. Ces règles sont exposées ci-dessus, chap. 11 § 8. Quant au Birkat hamazon, il y a une différence : à ‘Hanouka, l’insertion de ‘Al hanissim dans le Birkat hamazon est seulement coutumier, tandis que, à Pourim, il s’agit d’une obligation. Certains auteurs estiment que, si l’on oublie ‘Al hanissim lors du festin de Pourim, on doit répéter le Birkat hamazon, puisque c’est une obligation, à Pourim, que de faire un repas festif comprenant du pain (Maharchal, Chné Lou’hot Habrit et Touré Zahav). D’autres estiment que l’on ne répète pas le Birkat hamazon, car il n’est pas obligatoire, selon eux, de manger du pain lors du festin de Pourim (Teroumat Hadéchen, Maguen Avraham, Elya Rabba). D’autres encore pensent que, bien que l’on ait l’obligation de manger du pain au festin de Pourim, le statut de ‘Al hanissim lors de ce festin n’est pas plus sévère que durant la ‘Amida, où l’on ne se répète pas (‘Aroukh Hachoul’han 695, 7 et 12). Selon le Michna Beroura 695, 15, en pratique, on applique le principe qui veut que, en cas de doute, on ne se reprenne pas.

[20]. Selon le Méïri et le Manhig, si l’on se place du point de vue de ce troisième motif (la lecture de la Méguila tient lieu de Hallel), celui qui n’aurait pas de rouleau pour y lire, à Pourim, devrait réciter le Hallel. Il semble ressortir des propos de Maïmonide (3, 6) que ce troisième motif est le principal. Cependant, d’autres auteurs estiment que l’essentiel se trouve dans les autres motifs. A priori, il sera bon, dans le cas où l’on ne dispose pas d’une Méguila et où l’on ne peut en écouter la lecture, de réciter le Hallel, mais sans prononcer les bénédictions qui l’accompagnent ; par cela, on se rendra quitte aux yeux de tous. Cf. Torat Hamo’adim 5, 41.

15. Travailler à Pourim

Jadis, les sages n’avaient pas fait de Pourim un jour de fête chômée, où toute œuvre profane est interdite. Cependant, au cours des générations, en vertu de l’honneur dû à ce jour, et de sa sainteté, les Juifs ont adopté l’usage de ne point travailler ; et cette coutume a force obligatoire. Nos maîtres déclarent même que quiconque travaille pendant Pourim ne verra jamais de signe de bénédiction provenant de ce travail (Beit Yossef, Choul’han ‘Aroukh et Rama 696, 1).

Par conséquent, il est interdit de se rendre à son travail habituel pendant Pourim. Si l’on occupe un emploi tel que, si l’on n’accomplissait pas sa tâche le jour de Pourim, on en subirait – soi-même ou l’affaire dont on a la charge – une grande perte, il sera permis d’accomplir cette tâche. De même, il est permis à un pauvre, qui n’aurait rien à manger sans cela, de travailler à Pourim (Cha’ar Hatsioun 696, 2-3).

Il est permis d’accomplir, à Pourim, un travail réjouissant. Par exemple : préparer la maison à l’approche du mariage de son fils, ou planter des arbres d’agrément dans le jardin de sa maison. De même, il est permis d’accomplir un travail participant d’une mitsva, par exemple écrire de nouveaux enseignements de Torah (‘hidouchim). Il est également permis de faire des travaux faciles, comme l’écriture d’une lettre. Cela, à condition que ces occupations ne dissipent pas de la joie de Pourim et de ses mitsvot (Choul’han ‘Aroukh 696, 1, Michna Beroura 6).

Il est permis de se couper les ongles, à Pourim, car c’est un travail facile, tandis que laver du linge à la main, coudre ou se faire couper les cheveux sont choses interdites (Ben Ich ‘Haï, Tetsavé 21). Mais, pour les besoins de Pourim, il est permis de faire des travaux importants, parmi lesquels : lessiver à la main, coudre ou se faire couper les cheveux (Rama 696, 1).

Si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de s’occuper de commerce, à Pourim, car faire de bonnes affaires peut réjouir. Cependant, il est juste d’être rigoureux en la matière, car l’occupation mercantile risque de se prolonger, au détriment de la joie de la fête. Aussi, convient-il de n’ouvrir que les magasins où sont vendus des articles nécessaires à Pourim (Michna Beroura 696, 3, Kaf Ha’haïm 5).

La coutume d’interdire le travail à Pourim s’applique à la journée seulement, et non à la nuit qui précède. Certains A’haronim, il est vrai, sont rigoureux, et interdisent également de travailler la nuit ; mais du fait même que les décisionnaires sont partagés quant à la nuit, il est évident qu’il n’y a pas de coutume bien établie, interdisant de travailler la nuit de Pourim. Par conséquent, il n’y a pas d’interdit de travailler durant cette nuit (cf. Béour Halakha 696, 1).

Il est permis à ceux qui habitent des villes ouvertes de travailler le 15 adar, jour où les villes entourées de murailles fêtent Pourim ; de même, il est permis à ceux qui habitent dans des villes fortifiées de travailler le 14, jour où les villes ouvertes fêtent Pourim (Choul’han ‘Aroukh 696, 2).

01. La joie et la bienfaisance

C’est une mitsva, à Pourim, que de « faire de ces jours des jours de festin, de joie, d’envoi de mets d’une personne à l’autre, et de dons aux pauvres » (Est 9, 22).

La mitsva de la joie de Pourim est très particulière, car elle se traduit également par les aspects matériels de la vie. De même que le décret funeste d’Haman visait à la fois les esprits et les corps, de même la joie que nous tirons de notre sauvetage doit se traduire spirituellement et matériellement.

Aussi, en plus de la mitsva de lire la Méguila, qui exprime le côté spirituel de l’homme, c’est une mitsva que de préparer un repas festif, pour y boire et s’y réjouir. L’accent est mis sur le fait de boire du vin, jusqu’au stade où l’on perd un certain degré de conscience ; cela, afin de donner expression au fait qu’Israël est saint, et que, même dans le cas où nous perdons une part de notre conscience, nous restons liés et attachés à l’Eternel, béni soit-Il.

La joie doit passer par un supplément d’amour et d’unité au sein du peuple juif. Telle est la joie véritable, qui reflète l’expansion de la vie et sa diffusion, par le biais de l’amour du prochain. Par contre, celui qui mangerait et boirait pour lui seul témoignerait, par son attitude, d’une personnalité restreinte, limitée, seulement préoccupée de la satisfaction de ses désirs : celui-là ne peut jamais parvenir à une joie véritable. Aussi nous est-il ordonné de faire parvenir des mets à notre prochain.

Il ne faut pas se contenter de faire régner l’amour entre camarades ; il faut encore se préoccuper des pauvres, qui n’ont pas les moyens de se réjouir. Aussi nous est-il enjoint de donner des cadeaux aux pauvres, afin qu’eux aussi partagent la joie de Pourim. Quiconque ferme les yeux sur la souffrance des pauvres, quoi qu’il lui semble être heureux en compagnie de ses amis, ne fait rien d’autre, en réalité, que de se dépraver, car il se détourne de la vie véritable. Il fuit la pensée de la souffrance en ce monde, et c’est seulement par ce biais qu’il réussit à s’égayer pour quelque temps. Mais la dure réalité ne disparaît point pendant qu’il boit du vin et se grise. Aussi, dans son for intérieur, il sait qu’il ne mérite pas d’être joyeux. Il reste donc triste. En revanche, quand on se soucie de réjouir les pauvres et les malheureux, la vie a de la valeur, et l’on peut se réjouir véritablement, et à bon droit. C’est pourquoi il nous est ordonné de donner, à Pourim, des cadeaux aux pauvres.

02. L’unité d’Israël à Pourim

Pourim est un jour particulier, propice à la révélation de l’unité du peuple juif. Le décret du méchant Haman visait tout Israël, sans distinction entre les justes et les impies, les pauvres et les riches. De cette tendance funeste, qui agite les ennemis d’Israël, on peut apprendre que le particularisme d’Israël existe au sein de chaque Juif ; et c’est pour cette raison que nos ennemis voulurent tuer tous les Juifs. Le Saint béni soit-Il nous sauva tous, et transforma, en notre faveur, la détresse en joie. Aussi la joie de Pourim doit-elle inclure tout Israël ; il nous est donc prescrit d’envoyer des mets à notre prochain et de donner des cadeaux aux pauvres.

De plus, c’est en raison de la division que connaissait le peuple juif qu’Haman put lancer contre nous son réquisitoire, comme y font allusion les paroles qu’il adressa au roi Assuérus : « Il y a un peuple dispersé, disséminé entre les peuples, dans tous les pays de ton royaume… Si tel est le bon plaisir du roi, qu’il soit ordonné par écrit de les détruire… » (Est 3, 8-9). À l’inverse, l’abolition du décret fut rendue possible par l’unification des Juifs, comme le dit Esther à Mordekhaï : « Va, rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Suse, et jeûnez à mon intention, ne mangez ni ne buvez pendant trois jours, nuit et jour » (Est 4, 16). Grâce à cela, le décret fut annulé.

L’unité est la condition de la réception de la Torah, comme il est dit au moment du don de la Torah : « Israël campa là, face à la montagne » (Ex 19, 2) ; nos sages expliquent : « [Israël campa se dit au singulier,] comme un seul homme, d’un seul cœur » (Rachi ad loc.). « [Il fallait qu’il en fût ainsi] afin que les Hébreux s’aimassent l’un l’autre et pussent recevoir la Torah » (Mékhilta ad loc.). Alors le Saint béni soit-Il dit : « Voici le moment venu pour Moi de donner la Torah à mes enfants » (Lévitique Rabba 9, 9).

De même qu’un rouleau de la Torah dont il manquerait une seule lettre serait invalide, de même, s’il avait manqué un seul des six cent mille Hébreux présents lors du don de la Torah, nous n’aurions pu mériter de la recevoir. Dans le même ordre d’idées, à Pourim, le décret funeste eut pour effet l’unification de tout Israël, grâce à quoi nous fûmes délivrés, et nous eûmes même le mérite de recevoir la Torah de nouveau. Ainsi que l’enseignent nos sages, de mémoire bénie, Israël, au temps d’Assuérus, fit téchouva (repentir) et reçut la Torah par amour (Chabbat 88a). Ainsi de chaque année : grâce à l’unité qui se révèle à Pourim, nous pouvons revenir à Dieu et recevoir la Torah dans la joie.

03. Dons aux pauvres (matanot la-evionim)

C’est une mitsva pour chaque Juif que d’offrir, à Pourim, des cadeaux aux pauvres (matanot la-evionim). Par deux cadeaux – un cadeau (matana) à chaque pauvre –, on s’acquitte de son obligation ; mais quiconque multiplie les cadeaux faits aux pauvres est digne d’éloge. Le don peut consister en argent ou en aliments ; mais on ne donnera pas de vêtements ni de livres, à Pourim, car, selon certains auteurs, les cadeaux doivent être tels qu’on en peut jouir pendant le festin de Pourim. Aussi faut-il donner de la nourriture, ou de l’argent – avec lequel on peut acheter de la nourriture. Bien que le don doive être de nature à aider au festin de Pourim, le pauvre qui l’a reçu, lui, a le droit d’en faire ce qu’il veut. Il n’est pas tenu de s’en servir précisément pour les nécessités du festin (Choul’han ‘Aroukh 694, 1, Rama 2, Michna Beroura 2).

La valeur de chaque don, s’il s’agit d’argent, doit suffire à acheter des aliments simples, qui rassasient, comme le fait un petit et simple repas ; par exemple, une part de fallafels, ou un sandwich. Si l’on donne la valeur d’un shekel, pour chaque don, on s’acquitte de son obligation, car on peut acheter, avec cette somme, un volume de pain équivalent à trois œufs (à peu près trois tranches de pain), nourriture par laquelle on peut se rassasier tout juste. Mais, comme nous l’avons dit, quiconque multiplie les cadeaux faits aux pauvres est digne d’éloge (cf. ci-après, § 8).

Il ne faut pas donner ces matanot la-evionim en prélevant sur la somme dont on doit s’acquitter au titre de la dîme d’argent (ma’asser kessafim), car on n’est pas autorisé à s’acquitter d’une obligation par le biais d’une somme d’argent que, par ailleurs, on doit donner au titre de la tsédaqa[a]. Ce qui est en revanche possible, c’est de consacrer un shekel à chacune des matanot la-evionim, et d’y ajouter de l’argent pris sur sa dîme, de manière à augmenter le cadeau.

Un evion (pauvre ayant vocation à bénéficier de matanot la-evionim) est un pauvre qui n’a pas assez d’argent pour couvrir les besoins indispensables de sa famille. Tout est relatif, à cet égard, à l’époque et au lieu. Il fut des époques où celui qui n’avait que du pain à manger et deux habits à porter était déjà considéré comme pauvre. De nos jours, celui-là même qui possède quatre habits, ainsi que du pain et du fromage, est encore considéré comme pauvre.

On peut également donner le cadeau à un enfant pauvre, à condition qu’il ait assez de jugement pour ne pas perdre cet argent. Si l’on donne la mesure de deux cadeaux à un couple pauvre, on est quitte du don des deux matanot la-evionim. De même, si l’on a donné la mesure de deux cadeaux à une veuve et à son petit enfant, qui dépend d’elle pour se sustenter, on est quitte des deux matanot la-evionim.

Par contre, si l’on donne les deux cadeaux à un seul pauvre, même si on les lui a donnés l’un après l’autre, on n’est point quitte, car il faut donner à deux pauvres[1].

Si l’on ne connaît pas de pauvres, ou si l’on est gêné de leur donner de tels cadeaux, on les donnera à un administrateur d’une caisse de tsédaqa, qui soit une personne convenable ; cet administrateur distribuera, en tant que mandataire, les cadeaux aux pauvres. Les administrateurs de caisse de tsédaqa doivent s’efforcer de distribuer les cadeaux aux pauvres de manière telle que cela augmente leur joie lors du repas de Pourim[2].


[a]. Tsédéqa : charité, ou plus littéralement justice. Donner une part de son revenu régulier aux œuvres de bienfaisance est un acte visant à l’établissement de la justice sociale.

[1]. Le Ma’haziq Berakha écrit au nom du Zéra’ Ya’aqov 11 que la valeur de chaque matana (don, cadeau) doit correspondre au prix d’un aliment d’un volume de trois œufs, car tel est le repas minimal. Mais il est bon que le don soit d’une mesure telle que son destinataire puisse acheter un repas simple, tel qu’un petit pain et du yaourt blanc aigre (leben), ou une part de fallafels ou tel autre plat semblable. Quoi qu’il en soit, on s’acquitte déjà de son obligation avec une quantité de pain d’un volume correspondant à trois œufs.

Le Michna Beroura 694, 2, citant le Ritva, écrit que même une pièce minimale (perouta) est considérée comme matana. Or la contrevaleur d’une perouta est, de nos jours, environ trois agorot [l’agora (plur. agorot) est le centième du shekel, monnaie israélienne]. Toutefois, puisqu’il s’agit d’un cas de doute portant sur une prescription des livres prophétiques, il faut être rigoureux. De plus, de nos jours, on ne peut plus rien acheter avec la contrevaleur d’une simple perouta. Peut-être le Ritva lui-même conviendrait que, de nos jours, on n’est point quitte avec l’équivalent d’une perouta. (Tel est le doute qu’exprime le Meor ‘Einayim, ‘Hochen Michpat 88, 2, quant à la question de savoir s’il est possible d’épouser une femme en lui remettant une simple perouta ; de même, le Sifté ‘Haïm, Yoré Dé’a 294, 16, exprime ces doutes quant aux fruits qui ont poussé dans la quatrième année d’un arbre – néta’ revaï – [leur sainteté peut-elle être convertie en une si petite somme ?]). Par conséquent, il faut donner une quantité d’argent par laquelle le pauvre pourra acheter quelque chose, ce qui avoisine le shekel. Cf. Kaf Ha’haïm 694, 7-12, Torat Hamo’adim 10 § 2 et § 12.

[2]. Autrefois, les administrateurs de la caisse de bienfaisance achetaient des veaux et les abattaient pour les besoins du repas de Pourim que prenaient les pauvres. Ils n’étaient pas autorisés à restreindre les dépenses nécessaires à l’achat des veaux afin de laisser de l’argent de côté pour d’autres besoins des pauvres : on préparait de la nourriture en abondance pour les besoins du repas de Pourim ; et s’il restait de l’argent, on le consacrait, après Pourim, à d’autres besoins éprouvés par les pauvres (Baba Metsia 78b, Choul’han ‘Aroukh 694, 2).

04. Envoi de mets à son prochain (michloa’h manot)

C’est une mitsva pour chacun, à Pourim, que d’envoyer à une autre personne deux mets (mana, plur. manot), afin d’accroître l’affection entre soi et son prochain. Le développement de l’amour au sein du peuple juif tient de l’essence même du jour de Pourim, en ce que, ce jour-là, se révéla la sainteté d’Israël, attaché à l’Eternel et à sa Torah ; or une étincelle de cette sainteté existe en chaque Juif. Aussi convient-il, à Pourim, d’exprimer concrètement l’amour qui relie l’homme à son prochain (cf. ci-dessus, § 2).

Les manot sont des présents alimentaires, destinés à accroître la joie de Pourim. Or il est connu que, lorsqu’on mange des mets de qualité, savoureux, préparés par autrui, l’amour se renforce entre l’homme et son prochain. Autre motif de cette mitsva : certaines personnes, sans être réellement pauvres – car elles peuvent acheter les aliments nécessaires à un repas de base –, ne peuvent acheter d’aliments de très bonne qualité pour faire un agréable repas de fête. Par l’envoi de manot, on peut leur offrir, de manière honorable, de bons mets pour le repas de Pourim.

La règle veut que, en envoyant deux mets à son prochain, on s’acquitte de son obligation. Nos sages prescrivent d’envoyer à tout le moins deux mets, afin d’exprimer ainsi son affection. En effet, par un seul met, on peut être simplement utile à son prochain, de manière qu’il ne reste pas affamé ; mais lorsqu’on lui envoie deux mets, on veut qu’il profite également de la variété des aliments. Cela est le minimum prescrit ; mais quiconque envoie de nombreux mets à autrui, afin d’ajouter à l’affection, à la fraternité, à la paix et à l’amitié entre soi-même et les autres, est digne d’éloge[3].


[3]. La raison d’être principale de la mitsva de michloa’h manot est d’attiser l’amour et la fraternité, qui sont le thème du jour. C’est ce qu’écrivent le Maharal dans Or ‘Hadach 9, 22 et Rabbi Salomon Alkabetz dans Manot Halévi. Selon le Teroumat Hadéchen 111, les mets envoyés sont destinés à servir au festin de Pourim, et à aider ceux qui manquent de nourriture.

Selon les responsa Binyan Tsion 44, il faut, a priori, envoyer les mets par l’intermédiaire d’un tiers (chalia’h, « mandataire ») [car le livre d’Esther parle de michloa’h manot : littéralement, envoi de mets, ce qui laisse entendre une médiation entre l’expéditeur et le destinataire] ; mais de nombreux décisionnaires ne formulent pas cette exigence. Cf. Torat Hamo’adim 9, 23. Le Rama 695, 4 écrit que, si l’on a envoyé les mets à son prochain, et que celui-ci n’ait pas voulu les recevoir, on est quitte. La raison en est que l’on a déjà, par cet envoi, exprimé son affection. Mais le Peri ‘Hadach et le ‘Hatam Sofer ne partagent pas cet avis. Et la majorité des décisionnaires ont tendance à être rigoureux à cet égard. Il convient de signaler que, de l’avis de certains A’haronim, il faut faire parvenir à son prochain les deux mets ensemble [dans le même panier ou envoi] (Kaf Ha’haïm 695, 36, Torat Hamo’adim 9, 11).

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