Les Jours redoutables

06. Signification du jeûne

C’est une mitsva que de jeûner le jour de Kipour ; ce jeûne est lié à l’expiation des fautes, ainsi qu’il est dit : « Ce sera pour vous une loi perpétuelle : le septième mois, au dixième jour du mois, vous mortifierez vos personnes, et vous ne ferez aucun ouvrage, l’indigène ni le prosélyte qui réside parmi vous. Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 29-30). De prime abord, il y a lieu de s’interroger : si la Torah voulait fixer pour nous un jour de repentir et d’expiation des fautes, n’eût-il pas été préférable que nous mangions et buvions quelque peu, afin que notre esprit soit parfaitement clair, et que nous puissions nous concentrer convenablement sur la prière et sur la téchouva ?

Mais par le biais du jeûne, se révèle une chose plus profonde. Tout au long de l’année, l’âme est recouverte par une enveloppe matérielle, par divers désirs du corps, qui conduisent l’homme à oublier son aspiration profonde, et à fauter. L’Éternel nous a ordonné de jeûner le jour de Kipour, afin que notre âme se détache quelque peu des chaînes du corps et de la matière, et que toutes ses aspirations vraies et bonnes se libèrent et se révèlent. Par cette mise en rapport supérieure avec la racine de son âme, les fautes se séparent de nous et sont jetées à Azazel (Dérekh Hachem IV 8, 5).

Bien que, en raison du jeûne et des autres mortifications, il nous soit, plus que les autres jours, difficile de nous concentrer, un savoir profond nous éclaire progressivement : notre volonté véritable est de nous attacher à Dieu et de réparer le monde à la lumière de la Torah et de sa conduite. Grâce à cela, nous opérons une profonde téchouva, chacun selon son niveau.

Aussi, celui-là même qui est contraint de s’allonger sur son lit pour pouvoir continuer le jeûne ne doit pas s’en affliger, car il a le mérite de faire sien le fondement principal de Yom Kipour. Lors même qu’il est étendu sur son lit, il peut entretenir en soi-même de bonnes pensées, et décider d’ajouter à son étude de Torah, à sa pratique des mitsvot et à la construction de sa famille.

Il faut encore savoir que le jeûne est comparable à un sacrifice. À l’époque du Temple, l’homme apportait un animal en sacrifice ; la graisse et le sang de la bête étaient élevés sur l’autel et apportaient à l’homme l’expiation. Le jour de Kipour, par le biais du jeûne, les Israélites apportent leur propre graisse et leur propre sang, et l’Éternel fait expiation sur eux. Aussi chaque Juif doit-il se représenter, lors du jeûne de Kipour, que c’est d’une certaine façon lui-même qu’il offre sur l’autel, et que sa graisse, que son sang – qui diminuent à ce moment – lui apportent l’expiation. Par le fait qu’ils s’élèvent en délectable odeur vers l’Éternel, l’homme s’élève au degré suprême, qui dépasse tout entendement, toute conception, et où seul demeurent le savoir simple et la volonté d’accomplir la volonté de notre Père qui est au Ciel (cf. Berakhot 17a ; Recanati sur Lv 16, 29 ; Zohar sur Ruth 80a).

Dans une certaine mesure, le Chabbat est d’un degré de sainteté supérieur à celui de Kipour, car la peine prévue[d] pour sa transgression est la lapidation (seqila), tandis que, pour Yom Kipour, la peine est le retranchement (karet). La supériorité du Chabbat se manifeste également par le nombre d’appelés à la Torah : le Chabbat, on fait monter sept appelés, seulement six à Kipour (Méguila 22b). Cela, parce que le Chabbat unifie l’âme et le corps, et, par l’un et l’autre associés, révèle la sainteté. Le jour de Kipour est en revanche plus élevé d’un point de vue spirituel, car on s’y abstient de toutes les délices de ce monde-ci ; bien plus, dans le cas même où Kipour tombe un Chabbat, on jeûne, car il y a à cela une grande nécessité pour l’expiation de la collectivité d’Israël[2].


[d]. Peine prévue par la Torah, applicable seulement au temps du Sanhédrin et dans des conditions restrictives (mise en garde préalable, témoignages…).

[2]. Le Talmud explique au traité Méguila 23a, que, selon Rabbi Ichmaël, on appelle six personnes à la Torah, à Kipour, et sept le Chabbat ; en effet, la peine applicable pour la profanation du Chabbat est plus lourde : la lapidation (seqila) ; tandis que, pour une violation du Yom Kipour, on est passible seulement de retranchement (karet) (ibid. 22b). Selon Rabbi Aqiba, on fait monter six appelés le Chabbat, sept à Kipour (parce que le chômage de Kipour inclut également le jeûne, et que le service accompli au Temple atteint à un plus haut degré de sainteté). Au traité Chabbat 113a, nous apprenons que, selon Rabbi Ichmaël, il est permis de faire, le jour de Kipour, des préparatifs en vue de Chabbat, car celui-ci est plus important que Kipour. Selon Rabbi Aqiba, on n’y fait point de préparatifs. La halakha suit Rabbi Ichmaël sur le premier point : à Kipour, on appelle six personnes au séfer-Torah, et sept le Chabbat ; elle suit Rabbi Aqiba sur le second : pendant Kipour, on ne prépare pas Chabbat.

La question présente, sur le plan kabbalistique, deux facettes : le jour de Kipour ressortit à la séfira de Bina ; car c’est de cet attribut que proviennent la téchouva et la liberté. Bina est liée au sept séfirot inférieures, car c’est d’elle que dépend leur expiation et leur pardon (Cha’aré Ora 8). Le Chabbat est, quant à lui, plus élevé, car il appartient à la séfira de ‘Hokhma, par laquelle se dévoile l’unité divine dans le monde – unité dont la sainteté se révèle dans l’âme et dans le corps à la fois. En revanche, la racine de Kipour se trouve dans l’attribut de Kéter, qui exprime la volonté divine suprême, fondement de l’alliance entre Dieu et Israël. Aussi le jour de Kipour est-il le jour de l’âme (néchama), de sorte que ce jour a davantage la faculté de purifier les fautes, dont la racine est corporelle, et de les absoudre.

Le Chné Lou’hot Habrit (Yoma, Torah Or 138) écrit ainsi : « Le Tola’at Ya’aqov (Sitré Yom Hakipourim) enseigne : “Le jour de Kipour est le jour du dévoilement du luminaire supérieur [n.d.a. : ce qui fait allusion à la séfira supérieure de Kéter, qui rayonne et influe sur toutes les autres, ce que, par la compréhension (bina), l’on peut connaître…] luminaire à partir duquel les autres luminaires éclairent. C’est le secret du monde futur…” De prime abord, la peine encourue pour une transgression de Yom Kipour aurait dû, d’après cela, être plus sévère. Mais puisque en ce jour se révèle la lumière supérieure, qui blanchit les fautes d’Israël, la peine elle-même est conçue de façon miséricordieuse » (Chné Lou’hot Habrit ibid., au nom du Maguid Mécharim).

07. Choses qui ne sont pas expiées le jour de Kipour

Comme nous l’avons vu, au jour de Kipour, se révèle la racine sainte des âmes d’Israël ; par cela, la pureté et l’expiation s’épandent depuis la racine de l’âme vers ses ramifications ; et plus l’homme accomplit la téchouva, plus il se trouve purifié, et ses fautes et péchés sont absous. Cependant, il y a des fautes que la purification de l’homme et le repentir de Kipour n’achèvent pas de réparer. Et tant que l’on n’aura pas achevé de les réparer, on devra en subir la sanction en ce monde-ci ou dans le monde futur (cf. ci-dessus, chap. 1 § 7).

Par conséquent, celui qui commet une transgression pour laquelle la peine prévue est d’apporter un sacrifice expiatoire (‘hatat) ou délictif (acham), devra apporter son sacrifice ; même si l’on passe Yom Kipour, et que l’on accomplisse une entière téchouva, la dette du sacrifice demeure, tant qu’on ne l’a pas offert (ce n’est que du sacrifice d’acham talouï[e] que l’on est quitte). De même, si l’on a commis une transgression telle que, dans le cas où l’on aurait été vu par des témoins et mis en garde, on aurait encouru la peine de malqout (trente-neuf coups) ou la peine de mort prononcée par le tribunal rabbinique (mitat beit din), le jour de Kipour ne dispense pas des peines administrées par ce tribunal (Keritot 25b-26a ; Maïmonide, Chegagot 3, 9). Certes, la téchouva sera utile à l’amendement de l’âme, mais on demeure obligé d’accomplir l’expiation ou d’endurer la peine que prévoit la Torah. Faute de cela, on s’exposera à une peine en ce monde-ci ou dans le monde futur. De nos jour, où il n’est pas possible d’offrir des sacrifices, ni de subir des peines prononcées par le beit din, la réparation consiste à donner de la tsédaqa (dons aux œuvres charitables) et d’augmenter son étude de Torah, dans la mesure qui convient à la faute commise. Autrefois, on multipliait aussi les jeûnes, en fonction de la gravité des fautes ; de nos jours, la directive couramment donnée est de multiplier tsédaqa et étude à la place de ces jeûnes individuels.

Nos sages enseignent dans la Michna :

Des fautes que l’homme commet à l’égard de Dieu, le jour de Kipour fait expiation ; des fautes qu’il commet à l’égard de son prochain, le jour de Kipour ne fait pas expiation, tant que l’on n’a pas apaisé son prochain (Yoma 85b).

Il est dit en effet : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 30). En d’autres termes : c’est précisément pour les fautes que l’homme commet « devant l’Éternel » que le jour de Kipour apporte l’expiation, car le but de la téchouva est de réparer la faute. Aussi, quand la faute a été commise contre l’honneur du Ciel, on obtient, par une complète téchouva accomplie devant Dieu, que le défaut engendré soit entièrement corrigé. Mais quand la faute a été commise envers son prochain, tant que l’on n’a pas rasséréné celui-ci, la faute demeure à sa place. Aussi la téchouva de Kipour n’a-t-elle pour utilité, en pareil cas, que d’atténuer la gravité de la faute, de la faire passer du statut de faute intentionnelle (mézid) à celui de faute inintentionnelle (chogueg), ou de celui de faute inintentionnelle à celui de cas de contrainte (ones) ; de cette manière, on est purifié à la racine de son âme, mais, tant que son prochain n’est pas apaisé, le défaut demeure dans les ramifications de l’âme.

Nos sages disent encore, dans la Michna :

Celui qui dit : « Je fauterai, puis je me repentirai ; je fauterai encore, puis je me repentirai encore », on ne lui donne pas le moyen d’accomplir la téchouva. S’il dit : « Je fauterai, et le jour de Kipour m’apportera l’expiation », le jour de Kipour ne lui apportera pas l’expiation (Yoma 85b).

La raison à cela est claire : la téchouva est destinée à aider l’homme à réparer ce qu’il a endommagé ; mais quand l’homme faute en s’appuyant sur le fait qu’il s’en repentira par la suite, il se trouve que l’idée même de repentir est ce qui l’a conduit à ajouter au nombre de ses fautes. Aussi ne lui donne-t-on pas « le moyen d’accomplir la téchouva ». En d’autres termes, on rend plus difficile l’éveil, en lui, propice à l’amendement de ses fautes. Toutefois, si, malgré ces difficultés, l’on s’évertue à accomplir la téchouva, celle-ci sera agréée.

De même, celui qui faute en se fondant sur le fait que le jour de Kipour lui apportera l’expiation, montre par lui-même qu’il n’a rien compris à la profondeur de la sainteté du jour, qui révèle la racine du bien se trouvant en son âme. En d’autres termes, alors que le souvenir de Yom Kipour devrait empêcher l’homme de fauter, cet homme fait le contraire : c’est précisément en invoquant le jour de Kipour qu’il ajoute à ses fautes. Puisqu’il en est ainsi, puisqu’il a porté atteinte à la sainteté même du jour, Kipour ne lui apporte point l’expiation, dût-il multiplier les prières et les pleurs. Ce n’est que s’il s’évertue fortement à faire téchouva, s’il comprend combien grande était son erreur, et s’il prend sur lui de ne plus fauter, que sa téchouva sera agréée.


[e]. Sacrifice que doit apporter celui qui a commis involontairement (bé-chogueg) une transgression elle-même incertaine.

08. Opinion de Rabbi Yehouda Hanassi

Comme nous l’avons vu, au jour de Kipour, se révèle le lien absolu qui unit l’Éternel à l’Assemblée d’Israël ; par cela, expiation et pureté sont dispensées à l’Assemblée d’Israël, et cela se produit quand bien même la téchouva ne serait pas accomplie. Par ce biais, le monde se maintient et avance vers sa Délivrance. Simplement, les sages sont partagés quant au jugement de l’individu. Selon Rabbi (Rabbi Yehouda Hanassi), l’expiation fondamentale de Yom Kipour parvient à chaque individu d’Israël : même s’il ne se repent pas, et même s’il profane le jour de Kipour en mangeant et en travaillant, il est quitte des châtiments célestes (tels que le retranchement, karet, ou la mort par décret céleste, mita biyedé Chamaïm) dès lors qu’il a traversé le Yom Kipour (cf. Keritot 7a). Cela, parce que l’expiation est une décision divine, inséparable du lien éternel existant entre Dieu et son peuple Israël. Aussi, à celui-là même qui dirait : « Je ne veux pas que le jour de Kipour m’apporte l’expiation », le jour de Kipour apporterait l’expiation, malgré lui. En effet, aucun homme ne peut dire au roi : « Je ne veux pas que tu règnes sur moi » (Talmud de Jérusalem, Chevou’ot 1, 6). Le Saint béni soit-Il a décidé d’effacer les fautes d’Israël le jour de Kipour, et c’est ce qui se produit.

Certes, il est clair que, de l’avis même de Rabbi, toute faute que l’homme commet abîme son âme, l’empêche, dès lors, de se rapprocher de Dieu, et de se délecter de la splendeur de la Présence divine en ce monde et dans le monde futur, dans la mesure du défaut que cet homme aura causée à son âme. Sans téchouva ni épreuves, ces défauts ne sont pas effacés, bien que l’on ait traversé le jour de Kipour. Cependant, il faut savoir qu’il existe trois modalités d’épreuves en ce monde-ci :

  1. a) des épreuves destinées à purifier l’homme et à le laver de ses péchés ;
  2. b) des épreuves destinées à l’éveiller au repentir, et à l’orienter dans une bonne voie ; ce sont, pour l’essentiel, des épreuves émanant de l’amour divin. S’agissant de ces deux catégories d’épreuves, il n’y a pas de controverse entre la collectivité des sages (‘Hakhamim) et Rabbi ; de l’avis même de celui-ci, si de telles épreuves sont nécessaires, le jour de Kipour ne les annule point, puisqu’elles visent le bien de l’homme. Plus on se purifiera au jour de Kipour, par l’effet de la téchouva, mieux on pourra échapper à ces épreuves, puisque celles-ci ne seront alors plus nécessaires.

Telles sont les deux catégories d’épreuves au sujet desquelles il n’y a pas de controverse entre Rabbi et les sages.

  1. c) La troisième modalité d’épreuves, ce sont les punitions décidées par loi divine. Dieu a en effet créé le bien et le mal, ainsi que des forces du bien, auxquelles il a donné autorité pour prodiguer récompense à ceux qui accomplissent les mitsvot, et des forces du mal, auxquelles il a donné autorité pour punir les pécheurs. Il existe en la matière des principes nombreux et détaillés, chaque peine étant fixée d’après la gravité de la faute. Certes, par ces peines également, l’homme se purifie, et elles aussi peuvent le guider dans le bon chemin ; mais le propos principal de ces peines est d’exécuter la sentence et la justice, et de punir les pécheurs, qui portent atteinte à l’honneur du Ciel, et abîment le monde. Parfois, si l’on repoussait la punition d’un homme, il pourrait faire téchouva et réparer ses atteintes ; mais puisque, d’après les principes du droit, il faut le sanctionner, on ne prend pas davantage en compte ce qui est bon pour lui : on le punit plutôt, conformément à la dure mesure de justice. Or selon Rabbi, ces peines sont levées à Kipour, même pour ceux qui n’ont pas fait téchouva. Si l’on était passible de retranchement (karet), de mort par le biais du Ciel (mita biyedé Chamaïm), ou de quelque autre peine, ces peines sont annulées dès lors que Kipour est passé : l’homme peut alors ouvrir une nouvelle page de son existence, sans que l’on doive le punir pour les transgressions qu’il avait commises. Seul ce qui lui est le plus profitable, d’après la mesure de rigueur comprise dans son orientation bénéfique – afin de l’amender et de le purifier – lui sera appliqué.

Toutefois, de l’avis même de Rabbi, si tel individu renie l’un des trois fondements de la foi d’Israël, le jour de Kipour ne lui apporte pas une expiation telle qu’il serait renoncé à la troisième catégorie d’épreuve, comme il est dit : « Car il a méprisé la parole de l’Éternel, et il a violé son commandement : elle sera certainement retranchée, cette personne, son péché est en elle » (Lv 15, 31). Ces trois transgressions fondamentales sont ici : 1) le fait de « secouer le joug » (poreq ‘ol), c’est-à-dire de renier le Dieu d’Israël ; 2) expliquer la Torah de manière non conforme à la halakha (mégalé panim ba-Torah chélo ka-halakha), c’est-à-dire oser fausser et mépriser les paroles de la Torah ; 3) « annuler l’alliance de chair » (méfer berit bassar), c’est-à-dire ne pas circoncire son fils, ou faire étirer la peau de son membre afin de cacher sa circoncision. En d’autres termes, celui qui renie Dieu, ou méprise la Torah, ou désavoue son identité juive, le jour de Kipour ne lui apporte point l’expiation (Yoma 85b, Chevou’ot 13a)[3].


[3]. Nous empruntons à notre maître le Rav Tsvi Yehouda Kook – que la mémoire du juste soit bénie – dans ses Si’hot [« causeries »  sur le Pentateuque et divers sujets] l’essentiel de notre explication de Rabbi Yehouda Hanassi, ainsi qu’à Rabbi Tsadoq Hacohen de Lublin en ses ouvrages, par exemple le Ressissé Laïla 54, 22. Il faut ajouter que, de l’avis même de Rabbi, le jour de Kipour n’apporte pas l’expiation à celui qui dit : « Je fauterai, puis le jour de Kipour expiera ma faute », comme l’explique le traité Yoma 87a. De même, Kipour n’expie point les fautes commises envers son prochain (Beer Chéva’, Min’hat ‘Hinoukh, Mahari Engel).

Il est question des deux premières catégories d’épreuves – a) celles qui visent à l’expiation et à la purification, b) celles qui visent à susciter la téchouva – dans le Cha’aré Téchouva 2, 3-5 et le Dérekh Hachem de Rabbi Moché Haïm Luzzato, II 3, 5. Il semble évident que Rabbi s’accorderait à dire que le jour de Kipour n’annule pas ces deux premières catégories, puisqu’elles sont destinées à l’amendement de l’homme. Dans le même ordre d’idées, il est écrit dans les Tossephot Yechanim (sur Yoma 85b ד »ה תשובה) que, selon Rabbi lui-même, le jour de Kipour n’apporte pas une entière expiation sans téchouva. Dans le même sens, le ‘Hasdé David sur la Tossephta (Yoma 4, 8) estime que l’expiation de Kipour, selon Rabbi, empêche la catastrophe de survenir dans ce monde-ci, mais que la punition est réservée pour le monde futur ; il faut entendre par-là : pour les besoins de la purification de l’homme.

De la troisième catégorie, il est question dans toutes les sources qui traitent de l’accusation du Satan et de ses armées, les forces du mal, que Dieu créa afin que l’on élimine le mal du monde. Ces forces témoignent des mauvaises actions des hommes, et réclament leur condamnation. Ainsi de ce qu’enseigne le Zohar, Ra’ya Méhemna III 98b : l’Accusateur a le droit de faire obstacle à l’abondance au début de l’année et de réclamer le jugement ; mais l’Éternel a donné un conseil à Israël : sonner du chofar (cf. cette source). C’est dans le même sens que s’exprime Hamabit Beveit Eloqim, Cha’ar ha-téchouva, chap. 9. C’est aussi ce qu’écrit le Néfech Ha’haïm I 12.

Il semble juste d’expliquer, s’agissant de la collectivité d’Israël, qu’en vertu de sa grande sainteté, tout ce qui lui arrive vise sa purification et l’amendement du monde. Même quand les Juifs sont livrés entre les mains de l’autre côté (la sitra a’hara, monde du mal et de l’impureté), qu’il semble, pour ainsi dire, que Dieu a abandonné la terre, et que les punitions paraissent être une vengeance, émanant de la dure mesure de rigueur, sans qu’il soit distingué entre le juste et l’impie, c’est en réalité par l’effet du conseil du Très-Haut que viennent toutes ces épreuves, qui émanent de la source de la bienfaisance (‘héssed) et de la miséricorde (ra’hamim), pour les besoins de la purification et de la réparation. De ce point de vue, à sa racine, il en est ainsi du jugement de l’individu juif.

09. Opinion des sages (‘Hakhamim)

Selon les sages, bien que le jour de Kipour apporte l’expiation au peuple d’Israël, cette expiation ne préserve pas l’individu du jugement et de la peine qui s’appliquent à lui selon les principes du droit. Même s’il y a une chance pour que la personne, dans le cas où sa peine serait repoussée, parvienne au cours des années suivantes à s’éveiller au repentir, et à réparer sa faute, le jugement s’applique à lui dès lors qu’il ne s’est pas repenti au jour de Kipour. Toutefois, de l’avis même des ‘Hakhamim, l’expiation de Kipour ne requiert pas nécessairement un repentir complet (une téchouva chelema), telle que Celui qui connaît les secrets du cœur témoigne de ce que l’on ne fautera plus. Le fait même que l’individu jeûne, qu’il s’abstienne de tout travail, qu’il prie, et qu’il révèle par-là sa volonté profonde d’être bon et de ne plus fauter, le sauve des peines auxquelles les strictes règles du jugement l’auraient condamné (cf. ci-dessus, chap. 3 § 5, d’après le Chné Lou’hot Habrit sur Roch Hachana, Torah Or 17).

En pratique, les Richonim écrivent que la halakha est conforme à l’opinion des ‘Hakhamim : le jour de Kipour ne donne l’expiation qu’à celui qui fait téchouva. Quoi qu’il en soit, en prenant profondément conscience de l’enseignement de Rabbi sur le lien absolu qui unit l’Éternel à l’âme de chaque Juif, chacun doit s’éveiller, au jour de Kipour, à une téchouva émanant de l’amour[4].


[4]. La halakha suit l’opinion des ‘Hakhamim, comme l’écrivent Maïmonide (Téchouva 1, 3), Tossephot sur Keritot 7a ד »ה ובפלוגתא, Rama, Ora’h  ‘Haïm 607, 6. De prime abord, il y a lieu de se demander pourquoi ces auteurs optent pour l’opinion des ‘Hakhamim ; en effet, « cette opinion-ci comme celle-là sont les paroles du Dieu vivant » (élou vé-élou divré Eloqim ‘haïm) ; ce n’est que lorsqu’il est question de halakha pratique qu’il est nécessaire de trancher. Il y a toutefois à cela une portée fondamentale : que l’homme ne s’en remette pas au jour de Kipour, mais qu’il fasse téchouva. (Bien que Maïmonide tranche comme les ‘Hakhamim, il ajoute que le bouc émissaire expie les fautes légères, même sans téchouva.)

Sur un point, tous les avis convergent : celui qui doute s’il a commis une faute justifiant d’un sacrifice expiatoire (‘hatat), et qui doit normalement apporter un délictif conditionnel (acham talouï), est dispensé de le faire dès lors que Kipour est passé. Même s’il ne fait pas téchouva, et même s’il a profané le jour de Kipour en mangeant et en travaillant, le fait qu’il ait traversé ce jour le dispense de ce délictif (Keritot 25b ; Maïmonide, Chegagot 3, 9).

10. Les différents degrés d’expiation

L’expiation complète, par laquelle on se nettoie de son péché au point qu’aucune atteinte n’en demeure, est une question complexe, où interviennent le niveau de gravité de la faute, et le degré de téchouva que l’on effectue. Par exemple, pour une mitsva positive (obligation de faire), on peut, par un complet repentir, parvenir immédiatement à la pleine expiation. Mais une transgression grave, qui se caractériserait par une profanation du nom divin, ne s’expie complètement que par la téchouva, le jour de Kipour, les épreuves et la mort.

Il faut ajouter que la téchouva ordinaire émane de la crainte (yira), c’est-à-dire de la crainte que l’on éprouve à l’égard de la punition dans ce monde-ci et dans le monde futur. Et puisque, par la téchouva opérée par l’effet de la crainte, les fautes volontaires prennent le statut de fautes involontaires, il faut, pour effacer la trace de ces fautes involontaires, que l’expiation inclue le regret, la peine et les épreuves, selon la grandeur de la faute. Nombreux étaient ceux qui, à l’époque des Richonim, avaient coutume de multiplier les jeûnes et les mortifications, afin que l’expiation fût complète. Plus l’homme augmentera son assiduité à l’étude de Torah, ses dons de tsédaqa et sa pratique de la bienfaisance (gmilout ‘hassadim), moins il aura besoin d’épreuves pour se nettoyer de la faute (Cha’aré Téchouva 4, 11). Si l’on a fauté par profanation du nom divin (‘hiloul Hachem), on accomplira de nombreux actes contribuant à la sanctification du nom divin (qidouch Hachem) et faisant honneur au Ciel (Cha’aré Téchouva 1, 47 ; 4, 16).

À un plus haut degré, il existe une téchouva opérée par amour (ahava), qui émane de l’amour que l’on voue à Dieu, de notre identification avec les idéaux divins et de notre souci du peuple juif. Cette téchouva se fait par le biais de l’étude de la Torah, afin de réparer le monde à la lumière de celle-ci, par le biais du don de tsédaqa et d’actes de bienfaisance, afin d’aider les pauvres à se sustenter, par le biais également de l’édification de la terre d’Israël, de la sanctification du nom divin, et d’autres actes ayant pour effet de hâter la Délivrance et la résidence de la Présence divine sur terre. Pour celui qui fait téchouva de cette manière, les fautes volontaires elles-mêmes se muent en mérites ; dès lors, son expiation est entière. Toutefois, en général, celui-là même qui réussit à s’élever à une téchouva faite par amour, parce qu’il n’atteint pas de manière parfaite ce degré suprême, a besoin aussi d’une téchouva émanant de la crainte, qui comprend également des privations. Il est cependant préférable de décider que ces privations consisteront dans l’effort d’étude toranique, et dans le fait de se contenter de peu afin de multiplier la tsédaqa[5].


[5]. Tossephta Yoma 4, 6-8 : « Rabbi Ichmaël dit : Il y a quatre sortes d’expiation : si l’on a transgressé une mitsva positive (commandement de faire) et que l’on ait fait téchouva, on obtient un pardon immédiat, comme il est dit : “Revenez, fils rebelles, je vous guérirai de vos reniements” (Jr 3, 22). Si l’on a transgressé une mitsva négative (commandement de ne pas faire), la téchouva suspend l’application de la peine, et le jour de Kipour apporte l’expiation, comme il est dit : “Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous…” (Lv 16, 30). Si l’on a transgressé un interdit pour lequel on encourt le retranchement (karet) ou une peine de mort infligée par le tribunal rabbinique (mitot beit-din), et que l’on ait fait téchouva, la téchouva et le jour de Kipour suspendent l’application de la peine, et les épreuves endurées pendant les autres jours de l’année nettoient de la faute, comme il est dit : “Je châtierai par la verge leur péché…” (Ps 89, 33). Mais celui par qui le nom divin serait profané en raison d’une faute intentionnelle, et qui aurait fait téchouva, il n’est pas dans le pouvoir de sa téchouva de suspendre la peine, ni dans le pouvoir de Kipour de lui donner l’expiation ; mais la téchouva et le jour de Kipour expient sa faute au tiers, les épreuves l’expient au tiers, et la mort, avec les épreuves, achève de la laver. C’est à ce sujet qu’il est dit : “[Je jure] que ce péché ne sera point expié pour vous jusqu’à votre mort” (Is 22, 14), ce qui nous apprend que le jour de la mort nettoie le péché. » La Guémara Yoma 86a va dans le même sens.

Les Richonim sont partagés quant au fait de savoir si l’expiation, pour la transgression d’une mitsva positive ou d’une mitsva négative, est entière ou non [par l’effet de Kipour] (Tossephot sur Chevou’ot 12b ד »ה לא ; Roqéa’h, Téchouva 28; Cha’aré Téchouva 4, 6). De même, ils discutent du sens des paroles talmudiques, selon lesquelles la transgression d’une mitsva négative ne s’expie pas par la seule téchouva, mais qu’il faut y ajouter le passage de Yom Kipour. En effet, selon Maïmonide, dans son commentaire de la Michna, cet enseignement ne vise que le cas où la faute a été commise intentionnellement ; tandis que, pour le Min’hat ‘Hinoukh, cela vise également la faute involontaire. On trouve encore différentes mitsvot dont les Richonim discutent le degré ; par exemple, une mitsva positive dont la transgression entraînerait le retranchement (karet) (cf. Maïmonide, Téchouva 1, 4 ; Tosséphet Yom Hakipourim 85, 2). Le disciple du Rachba (‘Inyanim chonim 12) écrit encore que ces distinctions ne sont pas absolues ; en effet, il y a des mitsvot positives et des mitsvot négatives d’une particulière gravité, comme le fait de faire honte à son prochain en public, fautes pour lesquelles l’expiation s’obtient aussi difficilement que dans un cas de retranchement. De même, il y a parfois des fautes graves, qui n’entraînent pourtant pas de profanation publique du nom divin – comme le fait de violer l’alliance de la circoncision, ou d’expliquer la Torah de manière non conforme à la halakha, transgressions dont la gravité est semblable à celle de fautes entraînant une profanation du nom divin.

Le Roch (Yoma 8, 17) écrit encore que celui qui multiplie les transgressions légères est jugé comme s’il s’agissait de transgressions sévères. Selon le Méïri (86, 1), la classification des différents types d’expiation n’a qu’une portée générale, mais il se peut qu’une entière téchouva s’accomplisse sans passer par les étapes décrites par nos sages, de mémoire bénie. Selon Hamabit (Beit Eloqim, Cha’ar Hatéchouva, fin du chap. 2), à une époque où le Temple est détruit, la gravité des fautes est moindre, puisque la Présence divine est en exil, de sorte que l’atteinte portée à l’honneur du Ciel n’est pas du même ordre.

Il faut encore savoir que l’essentiel de la téchouva se produit dans l’intériorité de l’homme ; aussi, les sages disent-ils que si un homme épouse une femme en stipulant « à la condition que je sois un juste », le mariage est valable, même si cet homme est un parfait impie, « car il se peut qu’il ait décidé de faire téchouva, en son for intérieur » (Qidouchin 49b). Toutefois, ce que conçoit ici le Talmud est une validité sujette au doute, puisque nous ne savons pas avec certitude si cet homme a émis l’intention de faire téchouva (Maïmonide, Ichout 8, 5).

Il faut encore expliquer un principe très important : toutes les catégories d’expiation sont relatives à la téchouva émanant de la crainte ; tandis que, lorsque la téchouva émane de l’amour, les fautes sont plus rapidement expiées. C’est ce qu’enseignent le Séfer ‘Harédim 65, le ‘Hida en de nombreux endroits, notre maître le Rav A. Y. Kook (‘Olat Reïya II p. 357). Le Rav Kook ajoute que, par une téchouva émanant de « l’amour éternel » (ahavat ‘olam), les fautes volontaires se changent en mérites, mais qu’il reste une empreinte de la faute ; et que, par une téchouva émanant d’un « grand amour » (ahava rabba), la faute est annulée rétroactivement (Méorot Hareïya, Yaréa’h Haétanim p. 33). Nos maîtres disent encore qu’ajouter à son étude de Torah, pratiquer la tsédaqa et la bienfaisance (‘hessed), sont choses très utiles pour l’expiation des fautes (Roch Hachana 18a ; Vayiqra Rabba 25, 1 ; Cha’aré Téchouva 4, 11). De même, l’étude de la section relative aux sacrifices est utile, à la place desdits sacrifices (Mena’hot 110a).

Puisque, dans les dernières générations, les grands maîtres d’Israël ont beaucoup encouragé la téchouva procédant de l’amour, nous ne sommes pas entré ici dans le détail de toutes les catégories d’expiation obtenues par la téchouva émanant de la crainte, catégories qui sont très nombreuses et dépendent de différents facteurs, tels que la gravité de la faute, le degré d’intention, la grandeur du regret, la mesure des épreuves, l’état de la génération. Bien que tous ces détails soient de grande importance, leur étude n’a pas sa place dans celle de la téchouva de Yom Kipour, qui est essentiellement celle de la collectivité, priant pour le dévoilement de la gloire divine dans le monde et pour l’amendement du monde par Israël ; téchouva qui se prolonge dans celle de l’individu, par la réception du joug de la Torah et des mitsvot considérées sur un plan collectif, par le regret et par le repentir de ses fautes sur un plan individuel.

11. Le jubilé, le repentir et la liberté

Par la téchouva (repentir), l’homme se libère des entraves qui l’enserrent, et son âme peut se dévoiler librement. Car la téchouva est l’aspiration à l’émancipation et à la liberté divine, qui ne s’accompagnent d’aucune servitude (Orot Hatéchouva 5, 5 ; 7, 4).

Dans l’ordre habituel du monde, l’homme est attiré par ses mauvais penchants, la passion physique et l’orgueil, la colère et la jalousie, la paresse et la quête des honneurs, car ces penchants lui promettent des satisfactions immédiates. Dès lors que l’homme a commencé d’être attiré par ces passions, il leur devient asservi. Certes, dans son intériorité, il garde la nostalgie de la vérité et du bien, mais il lui est très difficile de donner à sa bonne volonté une expression tangible, car il éprouve déjà une dépendance à l’égard de ses penchants négatifs et de leur satisfaction ; son âme est enchaînée, et se tourmente de ses chaînes.

Par la téchouva, l’homme accède à la liberté, dévoile sa véritable volonté. Son âme se libère des chaînes du penchant au mal, commence d’éclairer son chemin, et la vie que l’homme porte en lui-même se renforce. Nos sages disent à ce sujet : « Il n’est d’homme libre que celui qui s’adonne à la Torah » (Maximes des pères 6, 2). Car la Torah guide l’homme sur le chemin de la vérité et du bien ; en empruntant ce chemin, il pourra réaliser toutes ses aspirations au bien, les idéaux divins auxquels aspire son âme.

Par conséquent, le jour de Kipour est également jour de liberté, et c’est ce que nous apprenons de la mitsva du jubilé. Dans l’ordre commun des choses, à cause de la paresse, de la passion matérielle, ou d’autres tourments, on se trouve quelquefois contraint de vendre son champ ; parfois même, on est contraint de se vendre soi-même comme esclave. La Torah guide cependant les hommes dans la voie de l’assiduité, afin qu’ils ne cèdent pas à leur penchant au mal ni ne s’assujettissent à des dettes. Mais il y a des personnes qui sont vaincues par leur penchant au mal ; elles hypothèquent leur avenir pour un présent éphémère, de sorte que, finalement, elles doivent vendre leur champ, voire s’asservir elles-mêmes. Or l’Éternel a pitié de ces personnes, et plus encore de leur famille, et nous ordonne d’observer la mitsva du jubilé (le yovel), chaque cinquantième année. Cette année-là, tous les esclaves recouvrent leur liberté, et tous les champs reviennent à leurs propriétaires initiaux. Il est dit ainsi :

Tu compteras sept cycles de sept ans, sept fois sept ans, de sorte que ces sept cycles de sept ans feront quarante-neuf ans. Tu feras entendre la sonnerie du chofar au septième mois, le dixième jour du mois ; c’est au jour des expiations que vous ferez entendre le chofar dans tout votre pays. Vous consacrerez la cinquantième année, et vous proclamerez la libération dans le pays pour tous ses habitants. Ce sera pour vous le jubilé ; vous retournerez (vé-chavtem) chacun à sa possession, et chacun à sa famille vous retournerez (tachouvou). (…) En cette année du jubilé, vous retournerez (tachouvou) chacun à sa possession (Lv 25, 8-13).

Le jour que la Torah a fixé pour affranchir les esclaves et pour restituer les terres à leurs propriétaires initiaux est le jour de Kipour, comme il est dit : « Tu feras entendre la sonnerie du chofar au septième mois, le dixième jour du mois » (verset 9). Comme l’écrit Maïmonide :

Depuis Roch hachana jusqu’à Yom Kipour, les esclaves n’étaient pas encore rendus à leurs foyers, mais ils n’étaient plus assujettis à leurs maîtres ; et les champs ne revenaient pas encore à leurs propriétaires initiaux. Mais les esclaves mangeaient, buvaient et se réjouissaient, coiffés d’une couronne. Dès lors qu’arrivait le jour de Kipour, le beit-din procédait à la sonnerie du chofar. Alors, les esclaves étaient rendus à leurs foyers et les champs revenaient à leurs propriétaires initiaux (Chemita vé-yovel 10, 14).

En souvenir de la sonnerie du jubilé, les Juifs ont pris l’usage de sonner du chofar à l’issue de Kipour (Rav Haï Gaon). Car durant toute la journée de Kipour, Israël jouit de la liberté, à l’instar de l’année jubilaire. La libération de l’asservissement aux mauvais penchants est du même ordre que la libération des esclaves quittant la maison de leur maître ; et la restitution du corps à l’âme est du même ordre que le champ retournant à son propriétaire. Car lorsque l’homme est entraîné par ses penchants au mal, le corps se détache de l’âme, s’assujettit aux passions étrangères et, par la transgression, remet sa propre force entre les mains de forces étrangères. Mais par la téchouva de Yom Kipour, le corps est rendu à l’âme, pour s’éjouir avec elle par la joie de la mitsva, et pour dévoiler la parole de Dieu dans le monde. Par ce biais, l’homme hérite d’une bonne vie, d’une vie bénie.

12. Les chidoukhim

Nos sages enseignent :

Il n’y avait de jours plus festifs pour Israël que le 15 av et que le jour de Kipour. Car en ces jours, les filles de Jérusalem sortaient en habits blancs qu’elles avaient empruntés – afin de ne pas faire honte à celles qui n’avaient point d’argent. (…) Et les filles de Jérusalem sortaient et dansaient parmi les vignes ; or que disaient-elles ? « Jeune homme ! Lève les yeux et considère ce que tu choisis. Ne prête pas attention à la beauté, prête attention à la famille. “Mensonge que la grâce, et vanité que la beauté ! Une femme qui craint Dieu, c’est elle qui sera glorifiée” (Pr 31, 30) ; et il est dit : “Donnez-lui du fruit de ses mains, et ses œuvres la loueront aux portes de la ville” (ibid. 31) » (Michna Ta’anit 26b).

De prime abord, il y a lieu de s’interroger : est-il possible que le jour du jeûne, jour saint et redoutable, on s’occupât de chidoukhim (rencontres à visée matrimoniale) ? Cependant le lien du mariage est une affaire sainte ; et, comme l’enseignent les sages à l’égard de l’homme et de la femme qui ont le mérite d’être fidèles l’un à l’autre, la Présence divine (Chékhina) repose parmi eux (Sota 17a). Par leur fidélité et leur amour, ils révèlent l’unité divine ; aussi l’Éternel a-t-Il prescrit d’effacer son propre nom, afin de rétablir la paix entre époux[f] (Nédarim 66b). Dans le même ordre d’idées, Rabbi Isaac Louria a enseigné que la mitsva « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18), que Rabbi Aqiba tenait pour être un « grand principe de la Torah » (Sifra ad loc.), s’accomplit de la manière la plus parfaite entre les membres du couple.

De plus, le lien et l’unité entre époux présente une proximité avec le lien suprême qui unit le Saint béni soit-Il et le peuple d’Israël, ainsi qu’il est dit : « Tel l’époux se réjouit de l’épousée, ainsi ton Dieu se réjouira de toi » (Is 62, 5).

Rabbi Aqiba a dit : le monde entier ne vaut pas autant que le jour où le Cantique des cantiques fut donné à Israël ; car tous les Hagiographes sont saints, mais le Cantique des cantiques est saint entre les saintetés (Tan’houma, Tetsavé 5).

Nous voyons également que les chérubins (kerouvim) qui étaient placés dans le saint des saints, sur l’arche d’alliance, avaient la forme d’un homme et d’une femme disposés à l’accomplissement de la mitsvat ‘ona (mitsva de l’union intime) ; cela, pour nous apprendre que la sainteté ne limite pas l’existence, mais la renforce. Or quand Israël cessa d’accomplir la volonté divine, les chérubins se séparèrent et tournèrent leur face vers l’intérieur du sanctuaire (Baba Batra 99a).

C’est là ce qui fondait la coutume des filles et des jeunes gens d’Israël, de trouver leur conjoint le jour de Kipour : à partir de l’unité régnant entre Dieu et l’assemblé d’Israël, il s’agit de faire advenir l’union et l’amour entre époux, afin de bâtir des maisons saintes parmi le peuple d’Israël. Et les époux eux-mêmes doivent faire téchouva, le jour de Kipour, pour ne pas s’être aimés et réjouis l’un l’autre comme il eût convenu. Certes, le jour de Kipour, les époux doivent se séparer comme durant la période de nida (séparation mensuelle ; cf. ci-après, chap. 9 § 7). Mais dans leur âme, grâce à la sainteté du jour, ils se lient plus encore. Cela rejoint ce que nous disions, plus haut, du Grand-prêtre, qui devait se séparer de son épouse sept jours avant le jour de Kipour, mais qui était en revanche inapte au service de Kipour dans le cas où il n’était pas marié (cf. ci-après, chap. 10 § 4).

En pratique, il était de coutume de sortir et de danser parmi les vignes après le renvoi du bouc émissaire à Azazel, car alors les fautes d’Israël étaient expiées, et la joie était grande. Cet usage, nous pouvions l’observer lorsque la Présence divine reposait sur Israël, et que le Temple unissait les cieux et la terre. Mais depuis la destruction du Temple, un éloignement s’est produit entre les cieux et la terre ; de sorte que, si l’on s’occupait de chidoukhim au jour de Kipour, on perdrait l’essentiel de la sainteté révélée en ce jour[6].

Malgré cela, il convient à chaque célibataire, garçon ou fille, de penser à son mariage, le jour de Kipour, et de prier pour sa survenance. Car c’est précisément par l’effet de la sainteté propre à ce jour que l’on peut trouver son conjoint véritable. En effet, bien souvent, les mauvais traits de caractère, tels que l’orgueil et la passion physique, nous empêchent de trouver le bon conjoint. Or le jour de Kipour, où se révèle l’âme pure, nous pouvons réfléchir, d’un point de vue juste, à nos aspirations dans l’existence, à la personne qui nous convient véritablement, et avec laquelle nous pourrons appliquer la Torah et les mitsvot, et ajouter, ensemble, à la joie et à la vie.


[f]. Lors de la cérémonie de la sota (femme soupçonnée d’adultère), une formule de malédiction était inscrite sur un parchemin. Cette formule était ensuite effacée dans les eaux amères que l’on donnait à boire à la femme, afin que fût révélée son innocence ou sa culpabilité. Or ladite formule comprenait le nom divin, qu’il est d’habitude interdit d’effacer.

[6]. La phrase de la Michna, « Il n’y avait de jours plus festifs pour Israël que le 15 av et que le jour de Kipour, car en ces jours, les filles de Jérusalem sortaient… » (Ta’anit 26b) signifie clairement que telle était également la coutume à Kipour. C’est aussi ce qu’explique le Talmud de Jérusalem, Ketoubot 2, 1, ce qu’écrivent le Ritva (Baba Batra 121a) et le Maharchal (Yam Chel Chelomo, Guitin 1, 18), et ce que prouvent les propos de nombreux commentateurs et décisionnaires. Certes, de nombreux livres citent les paroles de Rav Haï Gaon et de Rav Cherira Gaon, pour qui c’est seulement le 15 av que les jeunes filles sortaient parmi les vignes, et non à Kipour. C’est aussi ce qu’écrit le Tiféret Israël sur la Michna Ta’anit 4, 8.

Pour tenter de lever l’apparente opposition entre ces deux points de vue, peut-être peut-on dire que, à Kipour, les jeunes filles ne se rendaient certes pas aux vignes, mais que l’on s’occupait de chidoukhim. Selon le Birké Yossef, elles se rendaient aux vignes à l’issue de Kipour. Le Rav Chelomo Goren (Mo’adé Israël, pp. 65-66) explique que les choses étaient différents à l’époque du premier Temple : alors, la Présence divine résidait de manière manifeste sur le Temple, et la bandelette de laine cramoisie (lachon chel zehorit) blanchissait toujours [cette bandelette oblongue, attachée aux cornes du bouc émissaire, et dont une moitié était coupée pour être fixée à un rocher dans le désert, devenait blanche si les péchés d’Israël obtenaient l’expiation]. Alors, le texte de la prière publique n’avait pas encore été établi ; les gens sortaient de chez eux, au moment où le Grand-prêtre se livrait à son service et à sa confession (Vidouï) ; la joie était grande, et les jeunes filles allaient danser parmi les vignes. À l’époque du deuxième Temple, où la Présence divine n’était pas manifeste, où la bandelette de laine cramoisie ne blanchissait pas toujours, et où les sages avaient établi le texte de la prière à l’intention de tout le peuple, l’aspect redoutable du jugement divin à Kipour était davantage accentué ; dès lors, on ne s’occupait plus, ce jour-là, de chidoukhim. Le Rav Haïm David Halevi, en Meqor ‘Haïm IV 208, s’exprime dans le même sens ; cependant, la distinction qu’il fait sépare, non le premier Temple du deuxième, mais l’époque du Temple de l’époque qui suivit sa destruction.

Michna Ta’anit 26b : « “Le jour de ses noces” (Ct 3, 11) : c’est celui où fut donnée la Torah. » Rachi explique de quel jour il est ici question : « Le jour de Kipour, où furent données les secondes tables de la loi. » Selon Rabbi Tsadoq Hacohen de Lublin, à Chavou’ot, la Torah fut donnée par l’effet d’un « éveil d’en haut » (it’arouta dil’eila), et les tables de la loi furent brisées ; mais le jour de Kipour, les secondes tables furent données grâce à « un éveil d’en bas » (it’arouta diletata), et les tables se maintinrent. C’est là le fondement de ce mariage : par le biais des secondes tables, un espace fut laissé aux sages de la Torah orale, afin de délivrer de nouveaux enseignements, et de prendre des directives législatives (taqanot).

01. L’honneur dû au jour

Comme les Chabbats et les fêtes, le jour de Kipour est, lui aussi, appelé « convocation sainte » (miqra qodech), ainsi qu’il est dit : « Cependant, le dix du septième mois est le jour des expiations (Yom hakipourim), ce sera pour vous une convocation sainte » (Lv 23, 27). S’agissant des Chabbats et des jours de fête, la mitsva consiste à se délecter du jour et à l’honorer, ainsi que l’enseignent nos sages (Sifra, Emor 12, 4) « Par quoi sanctifies-tu ce jour ? Par la nourriture, par la boisson et par une tunique propre » (Maïmonide, Yom tov 6, 16 ; Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 529, 1). Mais le jour de Kipour, où l’on doit jeûner, ce qui demeure de la mitsva de sanctifier le jour est de l’honorer par des vêtements propres. Comme l’enseignent les sages au traité Chabbat 119a, le verset dit, au sujet de Kipour : « Le jour saint de l’Éternel, digne d’honneur[a] » (Is 58, 13). « Car ce jour est dépourvu de repas et de boisson. La Torah prescrit donc : honore-le par une tunique propre » (Rif et Roch sur Yoma 8, 9).

Nombreux sont ceux qui, le jour de Kipour, ont coutume de porter des vêtements blancs, beaux et honorables, à la manière des anges de service. Car à Kipour, nous ne sommes pas entraînés par les passions corporelles, et nous sommes nets de faute, comme les anges de service. De même, de nombreuses femmes ont coutume de porter des vêtements blancs ; et même celles qui ne s’habillent pas en blanc ont coutume de ne point se parer de bijoux ni de vêtements ornés d’accessoires, à Kipour, en raison de la crainte qu’inspire le jour du jugement (Mordekhi, Rama 610, 4 ; Michna Beroura 16-17). De nombreux hommes d’origine ashkénaze ont coutume de porter un kitel, tunique blanche qui fait allusion à deux notions. La première est d’être vêtu à l’exemple des anges de service ; la seconde est de rappeler le linceul mortuaire : par cela, le cœur se brise, se soumet et s’éveille à la téchouva. Quand on porte le kitel, on ne va pas aux toilettes pour y faire ses « grands besoins », car ce vêtement est particulier à la prière ; mais il est permis de le garder pour ses « petits besoins » (Maté Ephraïm 12 ; Michna Beroura 18).

C’est une mitsva que de nettoyer la maison en l’honneur de Kipour, et d’étendre une belle nappe sur la table, comme on en a l’usage à l’approche de Chabbat (Mordekhi, Rama 610, 4 ; ‘Aroukh Hachoul’han 2). Et c’est une mitsva que de se laver, en l’honneur de Kipour, comme on le fait à l’approche de Chabbat. Certains ont également l’usage de s’immerger au miqvé (bain rituel ; cf. ci-dessus, chap. 5 § 10).

C’est une mitsva que de nettoyer la synagogue, et de l’apprêter, à l’approche de Kipour, de la façon la plus belle et la plus honorable. De même, c’est une mitsva que d’allumer toutes les lumières de la synagogue en l’honneur du jour, ainsi qu’il est écrit : « Aussi, par des lumières, honorez l’Éternel » (Is 24, 15 ; Choul’han ‘Aroukh 210, 3-4, Michna Beroura 9).

À la différence du jeûne du 9 av (tich’a bé-av), où l’on ne respire pas de parfums – en raison du deuil pour la destruction du Temple (Choul’han ‘Aroukh 559, 7, Cha’ar Hatsioun 556, 1) – on a coutume, à Kipour, de respirer des parfums et de prononcer la bénédiction qui s’y rapporte ; car ce jour est considéré comme jour de fête (Yom tov) ; or tout ce qui contribue à l’honorer, du moment que cela n’est pas interdit au titre des mortifications propres au jeûne, c’est une mitsva que de le faire.


[a]. Si l’on s’en tient au sens obvie du verset d’Isaïe, c’est du Chabbat qu’il est question ; mais l’élaboration talmudique (dracha) rapporte ce passage au jour de Kipour.

02. L’interdit du travail (mélakha) et la mitsva du chômage (chevita)

C’est une mitsva « positive » (mitsvat ‘assé, obligation de faire) que de chômer, le jour de Kipour, de tout ouvrage (mélakha), comme il est dit : « C’est un Chabbat solennel[b] pour vous » (Lv 23, 32). Et quiconque y accomplirait un travail, en plus d’enfreindre cette obligation positive, transgresserait dans le même temps une mitsva « négative » (un interdit), comme il est dit : « Vous n’y ferez aucun travail[c] » (ibid. 23, 28). Par conséquent, l’intégralité des trente-neuf travaux interdits le Chabbat[d] sont également interdits le jour de Kipour. Celui qui accomplit un travail intentionnellement est passible de retranchement (karet) ; celui qui accomplit un travail de manière non intentionnelle est tenu à l’offrande d’un sacrifice expiatoire (‘hatat). Ce n’est qu’à un égard qu’il y a une différence entre Chabbat et Kipour : celui qui, le Chabbat, accomplirait un travail de façon intentionnelle et en présence de témoins, qui l’auraient préalablement mis en garde, serait passible de lapidation[e] (seqila) ; pour le même acte accompli à Kipour, il serait passible de karet, comme il est dit : « Toute personne qui accomplirait un quelconque travail en ce jour, J’anéantirai cette personne-là du sein de son peuple » (ibid. 23, 30 ; Maïmonide, Chevitat hé’assor 1, 1-2 ; Choul’han ‘Aroukh 611, 2).

À l’instar du Chabbat, la mitsva de chômer à Kipour oblige à ne pas traiter ce jour comme un jour profane. En d’autres termes, en plus de l’interdit pesant sur le travail proprement dit, c’est une mitsva que de se garder de toute activité fatigante et de tout effort : on n’ouvrira donc pas son magasin, et l’on ne transportera pas de charges[f] en prévision des travaux de la semaine ouvrée. Et quoique, en faisant cela, on n’accomplisse aucun des trente-neuf travaux interdits, on ferait échec à la mitsva de chômer, le jour de Kipour, ainsi qu’il est dit : « C’est un Chabbat solennel pour vous » (ibid. 32), verset par lequel on apprend que c’est une mitsva que de préserver la sainteté du jour et son caractère, de sorte que notre démarche et nos paroles ne soient pas semblables à ce qu’elles sont en semaine (Pniné Halakha, Les lois de Chabbat II 22, 1). Le principe est le suivant : toutes les règles afférentes au Chabbat s’appliquent aussi à Kipour, et, à ces règles, s’ajoute la mitsva de se mortifier[g], de sorte que Kipour se caractérise par une cessation plus grande, un abandon plus complet des affaires de ce monde.


[b]. L’expression biblique est Chabbat chabbaton, ce que l’on pourrait encore traduire par « cessation absolue ». La racine שבת exprime l’arrêt, l’abstention, le retrait, le repos.

[c]. Une même réalité est donc envisagée, juridiquement, sous deux facettes, dont chacune constitue une mitsva : le devoir de chômer, et l’interdit de travailler. Un même acte, l’accomplissement d’un travail quelconque, sera donc constitutif de deux transgressions.

[d]. Cf. Pniné Halakha, Les Lois de Chabbat I, chap. 9.

[e]. Cela n’est possible que lorsque le Sanhédrin fonctionne. Même à l’époque où le Sanhédrin fonctionnait, les conditions d’application de cette loi étaient si restrictives qu’il lui était presque toujours fait échec.

[f]. Même dans un domaine délimité par un érouv, où il est en principe permis de porter des objets.

[g]. Par le jeûne et les interdits qui l’accompagnent, cf. ci-après, chap. 8 et 9.

03. La mitsva du Vidouï (la confession)

Puisque le jour de Kipour est un temps de pardon et d’expiation – comme il est dit : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (Lv 16, 30) –, c’est une mitsva pour chacun que de se repentir (faire téchouva), et de confesser ses fautes en ce jour (Maïmonide, Téchouva 2, 7).

Par le biais du Vidouï, confession explicite en paroles, la téchouva parvient à son achèvement. Tel est en effet tout notre travail en ce monde-ci : donner une expression concrète aux bonnes intentions qui sont enfouies dans l’esprit et dans le cœur. Par l’effet d’une confession explicite en mots, les pensées et les sentiments qui accompagnent la téchouva deviennent clairs et manifestes ; les regrets sont profonds, déterminés, et le pécheur se renforce dans sa décision de ne plus fauter. C’est pourquoi la Torah ordonne aux pécheurs ayant offert un sacrifice de confesser leur faute, ainsi qu’il dit : « Parle aux enfants d’Israël : homme ou femme, qui commettra une quelconque faute envers autrui, fraudant contre l’Éternel, cette personne-là sera coupable. On confessera la faute que l’on aura commise… » (Nb 5, 6-7). Il est dit également : « Lorsqu’il aura commis l’une de celles-là[h], il se confessera pour ce qu’il aura fauté en cela » (Lv 5, 5). De même que celui qui apporte un sacrifice expiatoire doit confesser sa faute, de même quiconque fait téchouva a l’obligation de confesser sa faute ; par cela, sa téchouva est accomplie (Maïmonide, Téchouva 1, 1).

C’est ainsi qu’il faut se conduire tout au long de l’année : si l’on commet une faute de manière non intentionnelle (chogueg), on dira devant Dieu : חטאתי (‘hatati, c’est-à-dire « j’ai fauté ») ; si l’on commet une faute de manière intentionnelle (mézid), on dira : עוויתי (‘aviti, « j’ai failli ») ; et si l’on a fauté par rébellion (méred), on dira : פשעתי (pacha’ti, « j’ai péché »). Par cela, on aura accompli la mitsva du Vidouï, la confession, quoique l’on n’ait pas dit en détail en quoi a consisté sa faute. Cependant, il est généralement préférable de dire précisément en quoi a consisté sa faute ; mais dans certains cas, il est préférable de ne pas le dire précisément (Choul’han ‘Aroukh 607, 2 ; Michna Beroura 5, Cha’ar Hatsioun 11 ; cf. ci-après, § 4-6, les cas dans lesquels il est préférable de citer sa faute, et ceux dans lesquels il vaut mieux ne pas le faire[1]).


[h]. L’une des fautes décrites dans les versets précédents.

[1]. De l’avis de nombreux décisionnaires, le Vidouï fait partie des principes constitutifs de la téchouva : par son biais la téchouva devient accomplie (Cha’aré Téchouva 1, 40, Na’hmanide, Séfer Mitsvot Qatan, Séfer ‘Harédim). Na’hmanide (sur Lv 1, 9) explique que la téchouva doit s’accomplir par la pensée, la parole et l’acte. La pensée, c’est le regret (‘harata) ; la parole, c’est la confession ; l’imposition des mains (semikha) sur l’animal offert en sacrifice, c’est l’acte. C’est aussi ce qu’écrit le Séfer Ha’iqarim (4, 26).

De nos jours, où nous ne faisons pas de sacrifices, le Vidouï que l’on prononce de ses lèvres inclut aussi la partie acte (Yad Qetana). De plus, on a coutume de réciter le Vidouï en se tenant debout, incliné, et en se frappant la poitrine au niveau du cœur (Choul’han ‘Aroukh 607, 3, Michna Beroura 10) ; en cela aussi, le corps participe à la téchouva. Maïmonide écrit : « Quand on fera téchouva et que l’on se repentira de sa faute, on aura l’obligation de se confesser devant Dieu, béni soit-Il » (Téchouva 1, 1). De nombreux commentaires estiment que, selon Maïmonide, faire téchouva n’est pas compté parmi les mitsvot positives (mitsvot ‘assé), car cette obligation va de soi ; c’est en revanche une mitsva, lorsque l’on fait téchouva, que de se confesser (Peri ‘Hadach, Min’hat Hinoukh, Michpat Cohen 128). D’autres pensent que Maïmonide lui-même considère la téchouva comme une mitsva positive, et que le Vidouï est une partie de cette mitsva (Qiryat Séfer, écrit par Rabbi Moché, fils de Rabbi Yossef di Trani, dit Hamabit).

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