Pniné Halakha

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Les Jours redoutables

02. Fondement de la coutume des Seli’hot

De nombreux Juifs, dès l’époque des Guéonim, ont pris coutume de se lever avant l’aube, durant les dix jours de pénitence, pour réciter des prières appelées Seli’hot. Le propos essentiel de cette coutume est de s’éveiller au repentir, de demander pardon et absolution, et de supplier l’Eternel de prendre en miséricorde son peuple, plongé dans l’exil et la détresse ; qu’Il ne considère pas les péchés et les fautes, mais qu’Il se souvienne de l’alliance qu’il conclut avec nos patriarches et avec notre peuple, et qu’Il se rappelle la ligature d’Isaac et le sacrifice de tous les saints qui livrèrent leur vie pour la sanctification du nom divin. Il s’agit encore de prier pour le rassemblement des exilés, pour la reconstruction de la terre d’Israël, de Jérusalem, pour l’édification du Temple et pour le retour de la Présence divine (la Chékhina) à Sion. C’est pendant cette période, précisément, que l’on a coutume d’implorer le pardon divin, parce que la prière y est davantage agréée, et que, durant ces jours, Israël est jugé. Il convient à tout particulier de se joindre à la collectivité, d’abonder en prière pour le peuple juif, pour l’établissement de la Présence divine, et pour la sanctification du nom de Dieu, béni soit-Il, dans le monde. C’est précisément par cela que ses prières personnelles seront agréées.

De même, nous voyons que les prophètes ont exhorté Israël à se rassembler en temps de détresse, pour jeûner et pour prier, et pour supplier l’Eternel d’avoir pitié de son peuple et de sa terre ; comme il est dit :

Sonnez du chofar dans Sion, ordonnez un jeûne, convoquez un rassemblement. Réunissez le peuple, invitez l’assemblée, regroupez les anciens, réunissez les nourrissons et ceux qui tètent le sein maternel. Que le jeune marié sorte de sa chambre nuptiale, l’épousée de son alcôve. Entre l’enceinte et l’autel, que pleurent les prêtres, serviteurs de l’Eternel, et qu’ils disent : « Aie pitié, Eternel, de ton peuple, et n’expose pas ton héritage à l’opprobre, à être la fable des nations ! Pourquoi dirait-on, parmi les peuples : Où est leur Dieu ? » Et l’Eternel fut pris de jalousie pour sa terre, et épargna son peuple (Joël 2, 15-18).

Conjointement à la prière et aux Seli’hot, il faut s’éveiller à la téchouva et à l’amendement de ses actes. Et telle est la coutume d’Israël, durant ces jours, que de réciter les Seli’hot, d’étudier des ouvrages de moussar (morale), et de fixer des drachot (homélies) exhortant au repentir. Certains ont l’usage de prononcer, avant même les Seli’hot, une homélie d’éveil et d’admonestation.

03. Les Seli’hot, de nos jours

De nos jours aussi, il faut se renforcer par la récitation des Seli’hot, car, après que Dieu nous a pris en pitié et a commencé de nous délivrer, par le rassemblement des exilés et le peuplement juif du pays, il nous revient d’éveiller plus encore notre âme à l’accomplissement de la téchouva, et de supplier l’Eternel d’avoir pitié de nous ; lui demander de continuer, dans sa grande miséricorde, à rassembler nos exilés, et à nous installer dans le pays qu’Il donna à nos ancêtres et à nous-mêmes ; qu’Il nous fasse revenir à Lui en une pleine téchouva, et que nous ayons le mérite de grandir au sein de la Torah, de nous sanctifier par les mitsvot, de reconstruire le Temple et d’éclairer le monde entier à la lumière de sa foi et de sa Torah.

À l’instar de notre situation présente, il y avait aussi, parmi ceux qui s’en revenaient de Babylonie à l’époque du premier retour à Sion, de difficiles problèmes spirituels. Mais grâce à leur repentir, ils eurent le mérite de voir construit le deuxième Temple, comme le dit Ezra le scribe. Celui-ci monta de Babylonie à la terre d’Israël, et constata que nombre de Juifs qui étaient demeurés dans le pays avaient pris des femmes étrangères, et que des princes ou des gouverneurs commettaient eux-mêmes ce péché :

Quand j’entendis cette chose-là, je déchirai mon vêtement et mon manteau, m’arrachai des cheveux de la tête et de la barbe, et m’assis, stupéfait. À moi se rassembla quiconque craignait les paroles du Dieu d’Israël, déplorant la trahison des fils de l’exil ; et je restai assis, stupéfait, jusqu’à l’offrande du soir. À l’heure de l’offrande du soir, je me relevai de ma mortification et, le vêtement et le manteau ainsi déchirés, je m’agenouillai et étendis les mains vers l’Eternel mon Dieu. Et je dis : « Mon Dieu, j’ai honte et suis confus d’élever, ô mon Dieu, la face vers Toi, car nos péchés se sont accrus au point de nous submerger, et notre culpabilité a atteint jusqu’au ciel. Depuis les jours de nos pères, nous sommes coupables, jusqu’à ce jour, et c’est à cause de nos péchés que nous fûmes livrés, nous, nos rois et nos prêtres, aux rois des nations, par l’épée, par la captivité, par le rapt et dans la honte comme en ce jour. Et maintenant, pour quelque instant, la pitié de l’Eternel notre Dieu s’est manifestée, afin de laisser subsister un reste d’entre nous, et de nous donner un point d’appui en son lieu saint, pour éclairer nos yeux, ô notre Dieu, et nous accorder quelque rétablissement en notre servitude. Car nous sommes asservis, mais dans notre servitude notre Dieu ne nous a pas abandonnés ; Il nous a concilié la grâce des rois de Perse, afin de nous restaurer, d’ériger la maison de notre Dieu, de relever ses ruines, et de nous donner une clôture en Judée et à Jérusalem. Et maintenant, que dirons-nous, ô notre Dieu, après cela ? Car nous avons abandonné tes commandements. (…) Après tout ce qui nous est advenu, à cause de nos mauvaises actions et de notre grande culpabilité – quoique Toi, notre Dieu, Tu nous aies préservés sous la mesure de nos iniquités, et que tu nous aies accordé une délivrance telle que celle-ci –, recommencerons-nous à violer tes commandements et à nous allier à des peuples adeptes de ces abominations ? Ne t’irriterais-tu pas contre nous, jusqu’à la destruction, sans laisser ni reste ni réchappés ? Eternel, Dieu d’Israël, Tu serais juste, car nous sommes restés des réchappés comme en ce jour, et nous apparaîtrions devant Toi dans notre culpabilité ; or on ne peut subsister devant Toi ainsi (Ezra 9, 3-15).

Le chagrin, le jeûne et la prière d’Ezra éveillèrent le peuple au repentir, comme il est dit :

Comme Ezra priait et se confessait, pleurant et se prosternant devant la maison de Dieu, une très nombreuse assemblée d’Israélites se joignit à lui, hommes, femmes et enfants ; car le peuple pleurait abondamment (ibid. 10, 1).

Alors les Israélites prirent sur eux l’alliance de l’Eternel, et ne gardèrent pas auprès d’eux celles des femmes et ceux des enfants qui ne voulaient point se convertir.

Ezra se leva et fit jurer aux chefs des prêtres descendants de Lévi et aux chefs de tout Israël d’agir de la sorte, et ils jurèrent (ibid. 10, 5).

Toutefois, comme de nombreux Israélites ne se repentirent pas alors, et ne revinrent pas au pays d’Israël, mais restèrent en Babylonie, la Présence divine ne vint pas s’établir sur le deuxième Temple comme elle résidait sur le premier ; de sorte que lui aussi fut détruit en raison des fautes.

Certes, il se trouve dans les Seli’hot des phrases qui conviennent à la période de l’exil, si bien qu’il est difficile à certaines personnes de s’identifier à elles. Selon ces personnes, il serait même à craindre qu’il n’y ait une part de mensonge à les prononcer. Toutefois, si l’on considère le peuple d’Israël comme peuple unitaire, vivant en toutes ses générations, de sorte que chacun d’entre nous est véritablement lié à tous les Juifs qui vécurent dans toutes les générations et dans tous les pays, nous pourrons dire ces passages en nous y identifiant profondément. Nous aussi étions avec nos ancêtres, qui vivaient en diaspora et souffrirent de redoutables épreuves, de dures humiliations, au point que notre espoir était presque perdu. Nous étions avec les saints et les suppliciés quand sévirent tous les décrets de persécution, dans les croisades et les caves de l’Inquisition, les massacres musulmans et les émeutes de 1648 en Ukraine (dits décrets de Ta’h et de Tat), et, dernière de toutes ces catastrophes, dans la terrifiante Choa, qui ne s’est achevée qu’il y a soixante-dix ans environ. Comment serions-nous assez insouciants pour affirmer que les Seli’hot ne nous concernent pas, alors que vivent encore des milliers de rescapés, qui connurent les camps d’extermination et les ghettos, et alors que le monde est encore plein de pervers, qui proclament haut et fort leur aspiration à poursuivre l’œuvre des nazis ? On peut donc encore réciter les supplications des Seli’hot en se sentant profondément concerné par ces paroles.

04. Le texte des Seli’hot

Puisque nos sages n’ont pas institué de manière explicite l’obligation de réciter les Seli’hot, celles-ci ne sont pas dotées d’un rituel nettement défini : chaque communauté a ajouté, au cours des générations, ses propres supplications et poèmes liturgiques. Cependant, on trouve un cadre général, qui vaut pour toutes les communautés, comme le rapporte le Séder de Rabbi Amram Gaon[b] :

On commence par la récitation d’Achré (« Heureux ceux qui sont assis dans ta Maison… » suivi du psaume 145, Téhila le-David, louange de David) ; il est en effet d’usage de commencer toute prière par des louanges à Dieu. Après cela, on dit le Qaddich abrégé, puis les textes commençant par Lekha Hachem hatsedaqa, vélanou bochet hapanim (« À Toi, Eternel, le bon droit, et à nous la tête basse », Daniel 9, 7) et par Choméa’ téphila, ‘adékha kol bassar yavo-ou (« Ô Toi qui écoutes la prière, jusqu’à Toi parvient toute chair », Ps 65, 3), suivis par d’autres versets de requête et de supplication. On récite ensuite les treize attributs de miséricorde (Cheloch-‘esré midot ra’hamim), la confession (Vidouï), et le texte Achamnou mikol ‘am (« Nous sommes plus coupables que tout autre peuple »). Peu avant la conclusion, on dit la supplication ‘Anénou Avinou ‘anénou… (« Réponds-nous, ô notre Père, réponds-nous… »), ainsi que le texte Hachem, ‘assé lema’an chemékha… (« Eternel, agis en faveur de ton nom… »). À la fin des Seli’hot, on récite la Néfilat apayim et l’on conclut par le Qaddich titqabal.

En plus de ce rituel de base, Rabbi Amram Gaon écrit que, si l’on veut, on peut ajouter des versets, des prières pour l’obtention du pardon et des poèmes liturgiques, parmi ceux qu’ont écrits les poètes. C’est ainsi que les communautés juives ont pris coutume d’inclure dans les Seli’hot de nombreux poèmes, entre lesquels on récite les treize attributs de miséricorde. Dans ce choix de poèmes, des différences existent entre Séfarades et Ashkénazes. Autre différence : selon la coutume séfarade, on récite le même rituel tous les jours, tandis que, selon la coutume ashkénaze, on ajoute au rituel de base des poèmes différents chaque jour.

Si les fidèles disposent de peu de temps, ils omettent une partie des poèmes liturgiques : ils récitent la partie essentielle des Seli’hot, telle que nous l’a transmise Rabbi Amram Gaon, et s’efforcent d’ajouter ceux des poèmes qui éveillent le plus la téchouva[2].


[b]. L’un des Guéonim du neuvième siècle, en Babylonie. Son Séder (litt. ordre) est l’ancêtre de notre sidour, rituel de prières.

[2]. Selon certains, il est interdit de réciter des poèmes contenant des requêtes adressées aux différents anges, car ce n’est qu’à Dieu, béni soit-Il, qu’il est permis d’adresser sa prière (Maïmonide, Na’hmanide). Aussi ne faut-il pas dire Makhnissé ra’hamim, hakhnissou ra’hamim lifné ba’al hara’hamim (« Vous qui accueillez la miséricorde, introduisez notre quête de miséricorde auprès du Maître de miséricorde »), texte que l’on trouve dans le Séder de Rabbi Amram Gaon (et que les Ashkénazes ont l’usage de réciter à la fin des Seli’hot). De même, selon eux, on ne dit pas le poème Midat hara’hamim, ‘alénou hitgalgueli, vélifné Qonekha te’hinaténou hapili, ouv’ad ‘amekha ra’hamim chaali (« Attribut de miséricorde, épanche-toi sur nous ; devant ton Créateur porte notre supplication, et pour ton peuple requiers la miséricorde »).

Mais la majorité des décisionnaires estiment qu’il est permis de réciter ces poèmes, qui furent rédigés par de grands et anciens maîtres, et qu’Israël a pris l’usage de dire, durant de nombreuses générations. En effet, tant que le fidèle sait que tout est dans la main du Saint béni soit-Il, il est permis de demander aux anges, créés pour élever les prières et pour rappeler nos mérites devant Lui, de remplir leur mission (Rav Cherira Gaon, Rabbi Eléazar de Worms, auteur du Roqéa’h, Chibolé Haléqet 252, Mahari Bruna). Et tel est l’usage de la majorité des communautés juives que de ne pas supprimer ces poèmes du sidour. D’autres décisionnaires partagent l’opinion des auteurs rigoureux, mais, pour ne pas annuler la récitation de ces poèmes, que tant de communautés ont coutume de dire, ils modifient quelque peu le texte, de manière que la prière soit adressée à Dieu seul, à qui l’on demande d’ordonner aux anges préposés à la transmission des prières de lui présenter les nôtres (Maharal, Netiv Ha’avoda 12 ; tel était l’usage du Rav Tsvi Yehouda Kook). Certains s’étendent dans les prières qui précèdent ces poèmes, de sorte que, en pratique, il ne leur reste plus de temps pour les réciter ; pour autant, ils n’annulent pas la possibilité pour les fidèles de les dire (‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 166). Cf. Mo’adim Le-sim’ha, Eloul-tichri, p. 37-62.

05. Jours où sont récitées les Seli’hot ; leur degré d’obligation

À l’époque des Guéonim[c], on avait coutume de réciter les Seli’hot durant les dix jours de pénitence. Tel était l’usage dans les deux grandes académies talmudiques de Babylonie[d] ; et dans certaines contrées, peu nombreuses, on avait également coutume de les réciter durant tout le mois d’éloul.

À la fin de la période des Richonim[e], la coutume consistant à dire les Seli’hot durant tout le mois d’éloul et les dix jours de pénitence avait été adoptée dans les communautés séfarades (Choul’han ‘Aroukh 581, 1). Mais le jour de Roch ‘hodech éloul lui-même, on ne récite pas de Seli’hot (Rabbi Mena’hem Azaria da Fano 79, Kaf Ha’haïm 1). Plus on se rapproche de Roch hachana, plus nombreux sont ceux qui ont soin de se lever pour participer aux Seli’hot ; en particulier, on est minutieux à cet égard pendant les dix jours de pénitence (de Roch hachana à Kipour).

La coutume ashkénaze consiste à commencer la récitation des Seli’hot à l’issue du Chabbat précédant Roch hachana, à condition de pouvoir ainsi réciter les Seli’hot quatre jours au moins avant la fête. En d’autres termes, si Roch hachana tombe le jeudi ou le Chabbat, on commence les Seli’hot à l’issue du Chabbat précédant Roch hachana. Mais si Roch hachana tombe un lundi ou un mardi, on commence à les réciter à l’issue du Chabbat encore antérieur[3].

Bien que les Richonim n’aient pas prescrit d’obligation formelle de réciter les Seli’hot, telle est la coutume d’Israël. Toutefois, celui à qui il serait difficile de se lever assez tôt pour réciter les Seli’hot n’y est pas obligé pendant le mois d’éloul. Mais pendant les dix jours de pénitence, il s’efforcera d’être plus minutieux à cet égard, car ces jours sont davantage propices à la téchouva et à l’expiation (cf. Roch Hachana 18a, Maïmonide, Hilkhot téchouva 2, 6).

Si l’on ne peut se coucher tôt, et que le fait de se lever pour les Seli’hot soit de nature à engendrer une fatigue telle que l’on ne pourrait plus remplir ses obligations dans son travail, il sera préférable, même durant les dix jours de pénitence, de ne pas aller aux Seli’hot. On s’efforcera alors, au lieu de cela, de réciter des psaumes, et, si l’on veut, on pourra dire, dans le courant de la journée, les parties des Seli’hot qu’il est permis au particulier de réciter (cf. ci-après, § 7).

Il est admis de recommander aux érudits de la Torah eux-mêmes, qui ont l’habitude d’étudier assidument, de consacrer le temps nécessaire à la récitation des Seli’hot (Birké Yossef, Choul’han ‘Aroukh 581, 1). Tel est l’usage dans toutes les yéchivot que de réciter les Seli’hot, bien que le temps nécessaire à cela soit pris sur le temps de l’étude. Toutefois, celui à qui un lever si précoce causerait une perte de temps d’étude supérieure à la durée même de la récitation des Seli’hot – parce que le changement de l’emploi du temps habituel le conduirait ensuite à manquer de concentration – fera mieux de ne pas y participer.


[c]. Du 6ème au 11ème siècle.[d]. Soura et Poumbedita.

[e]. Du 11ème siècle au 16ème.

[3]. Si l’on a soin de réserver quatre jours, c’est parce que de nombreuses personnes ont l’usage de jeûner dix jours, au titre de la téchouva, comme nous le verrons ci-après, § 9. Or, pendant les dix jours de pénitence, on ne peut jeûner que six jours (puisque c’est une mitsva que de manger lors des deux jours de Roch hachana, le Chabbat Chouva et la veille de Kipour) ; on a donc ajouté quatre jours de jeûne avant Roch hachana, et l’on y récitait les Seli’hot. Et bien que, de nos jours, l’usage courant ne soit plus de jeûner dix jours, on perpétue la coutume quant aux Seli’hot elles-mêmes.

De plus, l’homme doit se « sacrifier » devant le Saint béni soit-Il [lui faire don de sa personne], à Roch hachana ; or nous voyons que, en matière de sacrifices, il fallait préparer les animaux destinés au sacrifice et vérifier qu’ils n’étaient affectés d’aucun défaut, cela quatre jours avant leur oblation, à tout le moins. Et pour que les gens ne fassent aucune confusion, on a fixé l’issue de Chabbat comme premier jour de la récitation des Seli’hot (Tour et Rama 581, 1, Michna Beroura 6). Autre raison pour laquelle on fixe le commencement des Seli’hot à l’issue de Chabbat : afin de commencer sa supplication en étant encore empreint de la sainteté du Chabbat. En effet, le Chabbat, tout le monde a l’habitude d’étudier, dans la joie et la délectation ; or la Présence divine ne réside qu’au sein de la joie du commandement (Léqet Yocher).

06. Horaires des Seli’hot

Le temps indiqué pour la récitation des Seli’hot est l’approche de l’aube, c’est-à-dire vers la fin de la nuit, car c’est un temps de miséricorde et de grâce céleste, une période où l’on attend de voir poindre la lumière et se révéler la parole de l’Eternel dans l’univers. Pendant cette période, tout le monde dort, le monde est silencieux, propre de pensées et d’actes mauvais ; la prière émane du plus profond du cœur, perçant toutes les cloisons qui se dressent devant elle, et est agréée. Néanmoins, dès le milieu de la nuit (‘hatsot), commence la période propice à la récitation des Seli’hot, car dès ‘hatsot commence l’attente de l’aube, et c’est un temps de grâce et de miséricorde.

Dans les dernières générations, les gens ont l’habitude d’aller se coucher à des heures tardives de la nuit, et l’heure de lever considérée comme normale se situe entre six et sept heures, environ deux heures après l’aube. S’ils se levaient à l’approche de l’aube, les gens seraient fatigués durant toute la journée ; leurs travaux et leur étude risqueraient de s’en trouver affectés. Aussi, nombreux sont, de nos jours, ceux qui ont l’usage de se lever, pour les Seli’hot, une heure ou une demi-heure seulement avant le moment habituel à leur prière de Cha’harit. Et bien qu’alors l’aube soit déjà levée, l’heure est encore propice à la récitation des Seli’hot. Mais s’il leur est possible de réciter les Seli’hot après le milieu de la nuit, c’est préférable. Quoi qu’il en soit, il faut prendre garde que la récitation des Seli’hot n’entraîne une telle fatigue qu’elle porterait atteinte à sa capacité d’accomplir ses obligations, quant à son travail ou à son étude.

Selon certains, une communauté qui ne parviendrait pas à s’organiser pour que ses membres se réunissent tôt, afin de réciter les Seli’hot, est autorisée – en raison des circonstances – à organiser leur lecture à dix heures du soir, bien que ce soit avant le milieu de la nuit (cf. Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm II 105). Cependant, en pratique, il est préférable de dire les Seli’hot individuellement à l’heure requise. En effet, selon les Kabbalistes et de nombreux décisionnaires, la période précédant le milieu de la nuit ne convient pas à la récitation des Seli’hot, car alors la mesure de rigueur est tendue sur le monde, et l’atmosphère du monde est emplie des tracas et des souillures charriés par toutes sortes de pensées et d’actes qui ne sont pas bons (Birké Yossef 581, 1-2, Cha’aré Techouva 1, Michna Beroura 565, 12).

Certains pensent qu’il faut bien se garder de dire des contre-vérités pendant la récitation des Seli’hot. En effet, dans certains poèmes, on lit : « Nous nous sommes levés à l’approche de l’aube » (Qamnou bé-achmoret) ; celui qui récite les Seli’hot après la venue de l’aube, ou près du milieu de la nuit doit donc omettre ces poèmes-là (‘Aroukh Hachoul’han 581, 4). L’usage est cependant de ne pas être pointilleux à cet égard, car le rituel a été fixé à l’intention de tout Israël ; et puisque, chaque jour, il y a des Juifs qui se lèvent à l’approche de l’aube, chaque Juif est autorisé à dire, grâce au mérite de ceux-là, « Nous nous sommes levés à l’approche de l’aube ».

07. Quelques règles relatives aux Seli’hot

On dit les Seli’hot dans le cadre d’un minyan[f], car les treize attributs de miséricorde sont un texte appartenant à la catégorie des devarim ché-biqdoucha (« paroles saintes[g] »), qui nécessitent, pour être récitées, la présence d’un minyan (Choul’han ‘Aroukh 565, 5) ; et, bien entendu, il faut un minyan pour réciter le Qaddich abrégé qui amorce les Seli’hot, ainsi que le Qaddich Titqabal qui les conclut. Si, au moment fixé pour la récitation des Seli’hot, le minyan n’est pas encore constitué, on commencera par lire Achré/psaume 145, puis on passera aux supplications et aux poèmes liturgiques, en omettant les treize attributs de miséricorde ainsi que leur introduction. Puis, quand le minyan sera enfin constitué, on dire trois versets, suivis du Qaddich abrégé ; à partir de là, on commencera à inclure, dans la suite des Seli’hot, les treize attributs de miséricorde, entre les prières et poèmes liturgiques (Michna Beroura 581, 4).

Si l’on se trouve en un lieu où il n’y a pas de minyan pour réciter les Seli’hot, on pourra, si on le veut, les réciter individuellement ; on omettra alors les treize attributs de miséricorde, qui nécessitent la présence d’un minyan, ou bien encore on les récitera, mais en chantant la mélodie traditionnelle selon les te’amim[h], comme si l’on faisait une lecture de la Torah. Certains auteurs estiment que l’on doit encore omettre, si l’on prie sans minyan, les prières rédigées en araméen (Choul’han ‘Aroukh 565, 5, Michna Beroura 581, 4) ; d’autres ont coutume de les réciter individuellement (Kaf Ha’haïm 581, 26 ; cf. Har’havot).

Bien qu’il n’y ait pas de mitsva de revêtir un talith pendant la nuit, l’officiant des Seli’hot doit, selon la coutume ashkénaze, porter un talith ; il est en effet de coutume, dans le monde ashkénaze, que l’officiant porte un talith en l’honneur de la prière et de l’assemblé (Maguen Avraham 18, 2, Cha’ar Hatsioun 581, 3). Suivant l’usage yéménite, chaque fidèle porte un talith.

Suivant la coutume séfarade, il n’est pas nécessaire que l’officiant porte un talith : cela n’est pas une obligation à Min’ha, à plus forte raison n’en est-ce pas une à Arvit ou aux Seli’hot, qui ont lieu la nuit. Cependant, quand l’officiant n’est pas vêtu d’habits distingués – par exemple s’il n’a pas de costume –, il est juste qu’il porte un talith (Rav Mordekhaï Elyahou, Miqraé Qodech 1, note 35).

Si la prière a lieu de nuit, l’officiant qui met un talith ne récite pas la bénédiction y afférente (Baroukh Ata… acher qidechanou bemitsvotav vétsivanou léhit’atef betsitsit), car il existe un doute à ce sujet : selon le Roch, il faut dira, même la nuit, la bénédiction du talith, tandis que selon Maïmonide on ne la récite pas ; or, en cas de doute portant sur une bénédiction, on est indulgent[i] (Levouch 581, 1 ; cf. Michna Beroura 6).Certains ont soin d’utiliser le talith d’un camarade, tout en ayant l’intention de ne pas l’acquérir ; puisque le talith emprunté est dispensé de tsitsit, tout le monde s’accorde à dire que l’on ne récitera pas de bénédiction à son propos (Touré Zahav 581, 2).

Même quand un nouveau marié (‘hatan) ou l’un des partenaires d’une circoncision[j] (ba’al berit) se joignent aux Seli’hot, on récite le Vidouï (la confession) et la Néfilat apayim[k]. Bien qu’il y ait des auteurs qui soutiennent le contraire, telle est la coutume. Et puisque la récitation des Seli’hot n’est pas une pleine obligation, il est préférable que le nouveau marié ou le ba’al berit ne se joigne pas à la récitation des Seli’hot ; de cette façon, la communauté ne se trouvera pas dans un cas de doute.

L’usage séfarade est de réciter certains passages des Seli’hot en étant assis, d’autres passages en se tenant debout. L’usage yéménite est de dira assis la majorité des Seli’hot. L’usage ashkénaze est de réciter toutes les Seli’hot debout. Ceux à qui il est difficile de rester debout seront autorisés à s’asseoir ; ils s’efforceront simplement de se lever quand seront récités le Vidouï et les treize attributs de miséricorde, et quand on ouvrira l’arche sainte. Les personnes âgées, faibles ou malades à qui cela même serait difficile, seront autorisées à rester assises pendant tout l’office de Seli’hot (cf. ci-après, chap. 12).


[f]. Assemblée de dix hommes âgés de treize ans ou plus.[g]. Paroles empreintes d’une particulière sainteté, telles que le Qaddich, Barekhou, la Qédoucha.

[h]. Les signes musicaux, placés en-dessous ou au-dessus des mots du verset.

[i]. C’est-à-dira que l’on s’abstient.

[j]. C’est-à-dira le père de l’enfant, le mohel (circonciseur) et le sandaq (celui qui porte l’enfant pendant la circoncision).

[k]. Néfilat apayim : littéralement chute de la face. De nos jours, la coutume consiste, en étant assis, à incliner le visage sur l’avant-bras, dans une attitude de soumission et d’épanchement, afin d’adoucir la rigueur et d’éveiller la miséricorde divine. Le terme Néfilat apayim désigne également le texte qui se dit alors, même dans les communautés où l’on a l’habitude de lire le texte sans marquer le geste. Durant les offices ordinaires de l’année, à Cha’harit et à Minh’a, dans le cas où un nouveau marié, dans les sept jours de ses noces, ou un ba’al berit est présent, on ne récite ni le Vidouï, ni Néfilat apayim, ni aucune partie des Ta’hanounim.

08. Les treize attributs de miséricorde

Le sommet de l’office de Seli’hot est la récitation des treize attributs de miséricorde (Cheloch-‘esré midot ra’hamim), qui sont les attributs suprêmes par lesquels l’Eternel dirige le peuple juif. Ces attributs (midot) ont été révélés à Moïse notre maître après que l’Eternel eut pardonné à Israël la faute du veau d’or. Alors, Moïse avait demandé : « Révèle-moi, de grâce, ta gloire » (Ex 33, 18). L’Eternel lui répondit : « Je ferai passer toute ma bonté devant ta face et J’énoncerai le nom YHWH devant toi » (ibid. 19) ; en d’autres termes : Je te révélerai les attributs par lesquels Je conduis le peuple d’Israël.

L’Eternel descendit dans la nuée, et Il se tint là avec lui ; et Il énonça le nom YHWH. L’Eternel passa devant sa face et énonça [l’Eternel énonça et révéla ses attributs à Moïse] : « YHWH est YHWH, Dieu miséricordieux et clément, lent à la colère et abondant en bonté et en vérité ; Il maintient sa bonté envers des milliers de générations, pardonne la faute, la rébellion, le crime, et absout… » (Ex 34, 5-7).

Ce sont là les treize attributs de miséricorde.

Rabbi Yo’hanan a dit [à ce sujet] : « N’était-ce ce verset explicite, il serait impossible de le dire ; cela nous enseigne que le Saint béni soit-Il s’enveloppa [dans la nuée] comme un officiant [dans son talith] et montra [à Moïse] l’ordonnancement de la prière. Il lui dit : “Chaque fois qu’Israël fautera, que l’on suive devant Moi ce rituel, et Je leur pardonnerai” » (Roch Hachana 17b).

Aussi, durant les Seli’hot, aux jours de jeûne et à Kipour, on mentionne de nombreuses fois, au cours de la prière, les treize attributs de miséricorde.

C’est précisément à la suite de cette terrible faute du veau d’or, qu’il apparut clairement que le lien unissant Dieu à Israël est éternel, et qu’aucun péché n’est susceptible de le défaire. Certes, les fautes entraînent des punitions et de dures épreuves, mais, du point de vue de l’intériorité, le lien qui unit l’Eternel au peuple juif reste invariable ; aussi peut-on toujours faire retour, téchouva. Grâce à la récitation des treize attributs de miséricorde, nous nous élevons dans la foi (émouna) et nous relions à l’Eternel de manière si profonde et sublime que les fautes se révèlent marginales et extérieures ; aussi devient-il particulièrement facile de s’en repentir. Et puisque, par le biais de ces treize attributs, se dévoile la grandeur de l’assemblée d’Israël, c’est seulement au sein d’un minyan qu’il est permis de les réciter (Choul’han ‘Aroukh 565, 5 ; nous avons vu au § 7 la règle applicable au particulier)[4].


[4]. Pour comprendre l’importance des treize attributs, il faut expliquer qu’il existe deux degrés de conduite du monde par Dieu : Ze’er anpin (litt. « petit visage ») et Arikh anpin (« grand visage »), ou, dans la terminologie de Rabbi Moché Haïm Luzzato (dans son ouvrage Da’at Tevounot 134 et en de nombreux autres endroits), la conduite du jugement (hanhagat hamichpat) et la conduite de l’unification (hanhagat hayi’houd). La conduite divine habituelle, par laquelle Dieu dirige Israël, est la « conduite du jugement », d’après laquelle tout dépend des actes de l’homme : s’il choisit le bien, il jouira de la bénédiction ; s’il choisit le mal, l’abondance divine lui fera défaut. Cependant, au-delà de la « conduite du jugement », existe une conduite supérieure et cachée, la « conduite de l’unification », d’après laquelle le monde avance constamment et s’élève vers sa Délivrance ; en effet, du sein même des situations de faute et de punition, Dieu détermine secrètement la poursuite de l’élévation du monde. Or cette conduite dépend de l’alliance que l’Eternel conclut avec Israël, laquelle trouve son expression dans les treize attributs de miséricorde. Plus nous nous relions à la « conduite de l’unification », plus nous grandissons dans la foi et relions le monde à son but. À la faveur de ce processus, une grande téchouva se met en œuvre, ce par quoi le pardon et l’indulgence sont attirés en ce monde ; les accusations s’annulent et la bénédiction s’épanche sur le monde.

09. Jeûnes favorisant le repentir

Nombreux sont ceux qui ont pris l’usage de jeûner, la veille de Roch hachana : épreuve destinée à contrer l’action des fautes. En effet, les souffrances que le pécheur prend sur soi-même au titre de la téchouva font expiation sur lui, et le dispensent des graves peines auxquelles il s’est exposé par ses fautes. Il en va de même pour les jeûnes collectifs : ils apportent l’expiation des fautes et exemptent la communauté de sa peine.

Nos sages enseignent :

À quoi cela ressemble-t-il ? À une province qui devait un fort impôt au roi. Le roi mandatait des émissaires pour aller le collecter, mais cette province ne payait point, parce que sa dette était grande. Que fit le roi ? Il dit à sa cour et à son armée : « Debout, allons leur rendre visite ! » Après que le roi et sa suite eurent parcouru environ dix milles, les gens du pays entendirent la nouvelle et prirent peur. Que firent-il ? Les grands notables de la province se mirent en marche, allant à la rencontre du roi. Celui-ci [les apercevant] leur demanda : « Qui êtes-vous ? » Ils répondirent : « Nous sommes des gens de telle province, vers qui tu as mandaté des émissaires pour percevoir notre impôt. » Il leur demanda : « Et quelle est votre requête ? » Ils répondirent : « S’il te plaît, fais-nous grâce, car nous n’avons pas de quoi payer. » Il leur dit : « Pour vous, je renonce au tiers de la somme. » Alors qu’il approchait de la ville, les moyens personnages de la province vinrent à sa rencontre. Il leur demanda : « Qui êtes-vous ? » Ils dirent : « Nous sommes des gens de telle province, vers qui tu as mandaté des émissaires pour percevoir notre impôt ; or nous n’avons pas la force d’affronter un tel paiement. Aussi, de grâce, prends-nous en miséricorde. » Le roi renonça au deuxième tiers. Tandis qu’il marchait et s’approchait encore, tous les gens du pays vinrent à sa rencontre, grands et petits. « Que demandez-vous ? » leur dit-il. Ils répondirent : « Notre seigneur le roi, nous n’avons pas la force de payer ce que nous te devons. » Il renonça à toute la somme (Midrach Tan’houma, Emor 21).

Le roi, c’est le Roi des rois, le Saint béni soit-Il, que son nom soit béni et exalté ; les gens de la province, ce sont les Juifs, qui amassent les fautes chaque jour de l’année. Que fait le Saint béni soit-Il ? Il leur dit : « Faites téchouva dès Roch hachana. » Que font-ils ? La veille de Roch hachana, les grands de la génération jeûnent, et le Saint béni soit-Il remet le tiers des fautes d’Israël. De Roch hachana à Kipour, certains particuliers jeûnent, et les Saint béni soit-Il remet un deuxième tiers. Le jour de Kipour, tout Israël jeûne et demande miséricorde, hommes, femmes et enfants, et le Saint béni soit-Il leur remet toute leur dette, ainsi qu’il est dit : « Car en ce jour, il sera fait expiation sur vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes, devant l’Eternel vous vous purifierez » (Lv 16, 30).

Puisque nos sages ont déclaré que jeûner à la veille de Roch Hachana est très utile, la majorité des communautés prirent l’usage, à l’époque des Richonim, de jeûner ce jour-là (cf. paragraphe suivant). Le Choul’han ‘Aroukh écrit ainsi : « On a coutume de jeûner, la veille de Roch hachana » (581, 2). Cependant, ce jeûne n’est pas aussi capital que ceux que nous faisons en souvenir de la destruction du Temple ; aussi, nombreux sont ceux qui ont coutume de jeûner jusqu’à ‘hatsot hayom seulement (le midi solaire), ou jusqu’au plag hamin’ha[l] ; quoi qu’il en soit, on a l’usage de ne pas jeûner jusqu’à la fin du jour, afin de ne pas entrer dans la fête à jeun (Rama ad loc. ; Michna Beroura 562, 10).

Certains avaient l’usage de jeûner dix jours, comme l’écrit le Rama : « Les personnes strictes ont coutume de jeûner, chacune, dix jours, et il est juste d’agir ainsi » (ibid.). Certains jeûnaient six des dix jours de pénitence, puisque l’on ne jeûne ni pendant les deux jours de Roch hachana, ni le Chabbat, ni la veille de Kipour. Et pour arriver à dix jeûnes, ils en ajoutaient quatre dans les jours qui précédaient Roch hachana.

Dans les dernières générations, les personnes observant ces jeûnes sont devenues beaucoup moins nombreuses. Même à la veille de Roch Hachana, la majorité des Juifs n’ont pas l’usage de jeûner. Certains pensent qu’une faiblesse s’est emparée du monde, que les gens sont devenus vulnérables, de sorte que l’on ne saurait exiger qu’ils s’affligent en observant des usages de piété (‘Hayé Adam 138, 1). De grands maîtres du ‘hassidisme estiment que, dans ces générations, le service divin essentiel doit consister dans la joie ; aussi y a-t-il lieu de s’abstenir des usages  tendant à altérer celle-ci. Celui qui voudrait observer la coutume du jeûne facultatif, mais à qui il serait difficile de jeûner, fera bien de racheter le jeûne par de la tsédaqa[m], en versant le montant qu’il eût été prêt à payer pour ne pas avoir à jeûner, ou tout au moins la contre-valeur des aliments qu’il a l’habitude de consommer durant la journée.


[l]. Une heure solaire et quart avant la fin du jour.

[m]. Don d’argent, que l’on verse à une institution de bienfaisance ou d’étude toranique.

10. Veille de Roch hachana

Comme nous l’avons vu au paragraphe précédent, à l’époque des Richonim, la majorité des Juifs prirent l’usage de jeûner à la veille de Roch hachana (Choul’han ‘Aroukh 581, 2 ; Michna Beroura 16). De nos jours, l’usage de la majorité d’Israël est de ne pas jeûner, et seul un petit nombre ajoute à sa pratique un supplément de perfection, en jeûnant jusqu’à ‘hatsot (midi solaire) ou jusqu’au plag hamin’ha (une heure solaire et quart avant la fin du jour). Certains ont coutume de racheter ce jeûne par un don de tsédaqa.

La coutume ashkénaze consiste à réciter de nombreuses Seli’hot, la veille de Roch hachana, davantage que les autres jours. Si l’on a commencé les Seli’hot avant l’aube, on dit la Néfilat apayim en conclusion des Seli’hot ; mais à Cha’harit, on ne dit pas la Néfilat apayim, car c’est veille de fête. Et si l’on a commencé les Seli’hot après l’aube, on ne dit pas la Néfilat apayim à la fin des Seli’hot (Michna Beroura 581, 23)[5].

La veille de Roch hachana, on ne sonne pas du chofar, afin de marquer une différence entre les sonneries facultatives du mois d’éloul et les sonneries obligatoires de Roch hachana (Choul’han ‘Aroukh 581, 3, Levouch). Certains auteurs interdisent même de s’entraîner, ce jour-là, à sonner du chofar en vue de Roch hachana ; mais en pratique, celui qui veut s’entraîner est autorisé à le faire dans une pièce fermée (Maguen Avraham 14, Elya Rabba 4, Michna Beroura 24).

Puisque Roch hachana est appelé miqra qodech (« convocation sainte », fête), il faut l’honorer comme on honore les Chabbat et les fêtes, et s’y préparer en nettoyant la maison, en lavant les vêtements, en se lavant soi-même, en cuisinant de bons mets et en dressant la table. Si l’on a besoin de se faire couper les cheveux ou de se raser, c’est une mitsva que de se préparer ainsi en l’honneur de la fête (Choul’han ‘Aroukh 581, 1 ; cf. ci-après, chap. 3 § 4).

On a coutume d’apprêter des mets particulièrement choisis, pour Roch hachana, et cela constitue un bon signe pour toute l’année, afin qu’elle soit bonne et abondante. Telle était la coutume ancestrale d’Israël que d’égorger des bêtes en nombre, à la veille de Roch hachana, en vue des repas de la fête, au point que ce jour fut considéré comme l’un des quatre jours pendant lesquels plus de bêtes étaient abattues que durant tout le reste de l’année. Il fallait donc avoir grand soin de ne pas tuer le même jour la mère et son petit (‘Houlin 83a).

Certains ont l’usage de s’immerger au miqvé (bain rituel), la veille de Roch hachana, pour se purifier à l’approche du jour du jugement (Rama 581, 4). Celui qui voudrait accomplir cette pieuse coutume, mais à qui il serait difficile d’aller au miqvé, pourra verser sur lui-même neuf qav d’eau, c’est-à-dire environ onze litres (Michna Beroura 26). On se tient alors debout dans sa douche, et l’on fait verser de l’eau sur soi, de manière continue, dans la mesure de neuf qav, en veillant bien que cette eau lave tout son corps (Pniné Halakha, Mo’adim 1 § 16, note 8[n]).

On a coutume, la veille de Roch Hachana, d’organiser une annulation des vœux (hatarat nédarim), et d’annoncer d’avance la nullité de ses vœux à venir (comme nous le verrons au chap. 5 § 11-12).


[5]. Certains ont coutume d’aller au cimetière, la veille de Roch hachana, et de donner de la tsédaqa aux pauvres (Rama 581, 4). Cela, afin que le mérite des justes qui sont enterrés là aide à l’acceptation de la prière. Simplement, celui qui se rend au cimetière doit avoir soin de ne pas demander aux morts de prier pour lui ; il s’adressera à Dieu seul en sa prière (Maharil, Maharal, Netiv Ha’avoda 12, ‘Hayé Adam 138, 5 Michna Beroura 581, 27). Selon certains auteurs, il est permis de demander aux justes défunts d’intercéder en sa faveur auprès de Dieu (Peri Mégadim 581, Maharam Shik, Ora’h ‘Haïm 293). Il est bon que chacun poursuive la coutume de ses ancêtres. Selon le Rama, certains ont l’usage d’aller également au cimetière à la veille de Kipour (605, 1). Mais en pratique, presque personne n’a gardé cet usage, car la veille de Kipour possède une certaine dimension festive. Même la veille de Roch hachana, cette coutume n’est plus guère répandue.[n]. À paraître sous le titre Fêtes et solennités juives, vol. 2.

11. L’officiant des jours redoutables

L’officiant a un rôle central, qui est de conduire la prière. Parfois, toute l’assemblée récite la prière avec lui, tandis qu’il en fixe le rythme ; d’autres fois, lui seul récite le texte, au nom des fidèles, et l’assemblée répond amen, comme on le fait dans la répétition de la ‘Amida ou la récitation des Qaddich. C’est pourquoi l’officiant est appelé chelia’h tsibour, l’envoyé de la collectivité.

Il faut donc s’assurer très attentivement que l’officiant convient bien à son rôle sacré. Il doit être un homme convenable, c’est-à-dire ne pas avoir de péchés à son passif, en particulier ne pas avoir commis de vol. Son renom doit être bon : il ne faut pas que sa réputation ait été entachée, même en sa jeunesse, par des fautes commises intentionnellement. Il doit être modeste, agréé par la communauté, puisqu’il en est le délégué. Il devra avoir l’habitude de réciter la prière, cela avec précision, et devra être également habitué à l’étude de la Torah et des paroles des sages. Il devra savoir exécuter comme il le faut les mélodies traditionnelles ; sa voix doit être agréable. Ainsi, il honorera son Créateur par sa voix, tout en entraînant et en élevant les fidèles, afin que ceux-ci soient concentrés dans leur oraison. Si l’on ne trouve pas une personne dotée de toutes ces qualités, on choisira le meilleur de l’assemblée, par sa sagesse et par ses bonnes actions (Ta’anit 16a, Choul’han ‘Aroukh 53, 4-5).

Si l’on a deux possibilités : d’un côté, un homme âgé, ignorant, qui ne comprend pas le sens des mots de la prière et les estropie, mais dont la voix est agréable, et que les fidèles désirent entendre ; ou bien un jeune homme de treize ans, qui ne connaît pas les mélodies, mais qui comprend le sens de la prière, c’est le jeune homme qui est préférable.

Les jours de jeûne qui étaient fixés pour demander la pluie, dans le cas où celle-ci s’était arrêtée, on s’efforçait de trouver un officiant qui, en plus de réunir toutes les qualités que nous venons d’indiquer, fût pauvre, occupé par ses enfants, qui n’eût pas de quoi les sustenter, qui se livrât aux travaux des champs, et souffrît grandement de la sécheresse. De même, quand on priait pour être délivré de quelque autre malheur, on s’efforçait de choisir l’officiant parmi ceux qui souffraient personnellement du malheur en question, ou d’opter pour un des dirigeants de la communauté, qui portent le joug de celle-ci (Ta’anit 16a, Michna Beroura 581, 10).

En outre, il convient que l’officiant soit marié, de même que le grand-prêtre devait l’être. Il convient aussi qu’il soit âgé d’au moins trente ans, de même que les lévites ne commençaient leur service qu’à cet âge (Rama 581, 1). Un étudiant de Torah célibataire et jeune a cependant préséance sur un ignorant marié et âgé de trente ans (Michna Beroura 13). Si l’on a déjà retenu quelqu’un comme officiant, et que l’on ait ensuite trouvé un officiant meilleur que lui, on ne destitue pas le premier de sa fonction, à moins que l’on ait trouvé un défaut en lui (Choul’han ‘Aroukh 53, 25).

À l’époque talmudique, il était interdit d’écrire des rituels de prière (sidour) ; seule la Torah écrite, c’est-à-dire les différents livres de la Bible, pouvait être copiée, mais non la Torah orale, qui comprend les prières et les bénédictions fixées par nos sages (Temoura 14b). À cette époque, l’officiant devait réciter toute la prière à haute voix, afin d’acquitter ceux des fidèles qui ne la connaissaient pas par cœur. On avait alors l’usage d’appointer un officiant fixe pour toute l’année, et l’on veillait à ce qu’il possédât bien toutes les qualités mentionnées ci-dessus. Nos sages déclarent, à ce propos, que quiconque favorise la nomination d’un officiant qui ne convient pas à sa mission lèse l’assemblée, et devra rendre des comptes pour cela (Séfer ‘Hassidim 758, Michna Beroura 581, 10).

Au cours des générations, nos maîtres ont autorisé la mise par écrit de la Torah orale ; avec l’apparition de l’imprimerie, les rituels de prière (sidourim) sont devenus accessibles à tous, de sorte qu’il ne fut plus nécessaire de nommer un officiant fixe, pour toutes les prières, chacun pouvant prier de soi-même en lisant dans son sidour. Aussi a-t-on désormais l’usage de nommer, pour chaque office, un officiant différent, et l’on n’est pas si pointilleux quant à ses qualités.

Cependant, s’agissant des offices des jours redoutables, où nous présentons nos supplications au Saint béni soit-Il afin qu’Il nous pardonne nos fautes, nous épargne tout malheur et hâte notre Délivrance, il y a lieu de bien veiller à tout cela. En particulier, il faut être exigeant quant à l’office de Moussaf, car à Roch hachana, on sonne du chofar pendant ledit office, et, à Kipour, on y récite le cérémonial du service qu’accomplissait le grand-prêtre. Nos maîtres conseillent à celui qui sait ne pas convenir à ce rôle de s’abstenir d’être officiant car, au Ciel, on se hâte de punir, pour les fautes qu’il a à son passif, l’officiant qui ne convient pas (Elya Rabba, Michna Beroura 581, 10).

Si l’on a choisi quelqu’un qui ne convient pas, il importe de ne pas créer de controverse à ce sujet ; premièrement, en raison de la gravité de la faute consistant à causer ou à alimenter une controverse ; deuxièmement parce que, en pratique, même à Roch hachana, chacun prie pour soi-même dans son rituel de prière (le ma’hzor), et ce n’est pas par le biais de l’officiant que l’on s’acquitte de son obligation (‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 205, Michna Beroura 581, 11).

L’agrément et la qualité de la voix sont très nécessaires au chant synagogal ; mais l’officiant doit, quand il chante, orienter son intention vers l’honneur dû au Ciel, et ne pas étendre sa cantillation à l’excès, pour s’enorgueillir de sa belle voix. S’il versait dans ce défaut, à lui s’appliquerait le verset de Jérémie (12, 8) : « Elle a donné de la voix contre Moi, aussi l’ai-Je prise en haine. » En revanche, si l’officiant agrémente la prière par sa voix agréable et par de belles mélodies, pour l’honneur du Ciel et afin d’éveiller la concentration (kavana) des fidèles[o], il sera béni pour cela, et sa récompense sera très grande (Rachba, Choul’han ‘Aroukh 53, 11).


[o]. Le mot kavana signifie littéralement la direction de l’esprit. Prier avec kavana, c’est avoir conscience que l’on s’adresse à Dieu, et penser au sens des mots que l’on prononce. Nous traduisons, selon le contexte, par concentration, attention, intention… ou écrivons simplement kavana sans le traduire.

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