Pniné Halakha

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Les Jours redoutables

04. La coutume des cent sonneries

C’est une coutume très ancienne, attestée dès l’époque des Guéonim, que de faire entendre cent sonneries. À l’époque des Richonim, la majorité des communautés n’avaient pas adopté cet usage : on faisait entendre trente sonneries[g] à l’assemblée assise, avant Moussaf, puis, à Moussaf même, on faisait entendre dix sonneries dans certaines communautés, et dans d’autres trente. À l’époque des A’haronim, sous l’influence de Rabbi Isaac Louria – qui a formulé des kavanot (pensées à entretenir pendant que l’on entend le chofar) conformes à l’enseignement de la mystique juive, cela pour cent sonneries –, la coutume se répandit dans toutes les communautés juives de produire cent sonneries en tout ; au point que, de nos jours, on a coutume de produire cent sonneries dans presque toutes les communautés[2].

Les cent sonneries sont ainsi ordonnancées : pendant les « sonneries que l’on fait assis », avant la prière de Moussaf, on produit trente sonneries, réparties en trois fois tachrat, trois fois tachat, trois fois tarat. On exécute encore trente sonneries lors de la répétition de la ‘Amida de Moussaf ; elles s’ordonnancent ainsi : à la suite de la bénédiction des Malkhouyot, dix sonneries, que sont tachrat, tachat, tarat ; même chose après la bénédiction des Zikhronot, et même chose après celle des Chofarot.

S’agissant de la ‘Amida de Moussaf dite à voix basse, les usages divergent : certains ont coutume de sonner y compris à ce moment, de même que l’on sonne pendant la répétition de la ‘Amida ; la raison en est que, lorsque la sonnerie du chofar se mêle à la prière, l’une et l’autre sont davantage agréées. Tel est l’usage des Séfarades et des Hassidim. Pour ceux qui partagent cet usage, c’est le sonneur (le toqéa’) qui fixe le rythme de la prière, et les fidèles s’efforcent de prier au même rythme que lui, afin d’écouter les différentes sonneries à l’endroit propre à chacune d’entre elles, en conclusion des trois bénédictions centrales. À cette fin, le toqéa’ doit prier à un rythme modéré et constant ; et le fidèle qui termine une bénédiction avant le toqéa’ fera bien d’attendre, avant de poursuivre, que le toqéa’ fasse entendre le chofar. Quoi qu’il en soit, ceux qui veulent prier plus vite ou plus lentement y sont autorisés ; ils diront alors Hayom harat ‘olam (« Aujourd’hui est la naissance du monde… ») en conclusion de chacune des trois bénédictions centrales ; et, lorsqu’ils entendront le chofar, ils s’interrompront pour l’écouter, bien qu’ils se trouvent au milieu de quelque autre bénédiction, puis ils poursuivront leur prière (cf. Maté Ephraïm 591, 13).

D’autres ont coutume de ne pas faire entendre le chofar au moment de la ‘Amida à voix basse, car, selon eux, la directive consiste essentiellement à sonner du chofar pendant la prière de la communauté elle-même, c’est-à-dire pendant la répétition de l’officiant. De plus, la nécessité d’ajuster le rythme de la prière aux sonneries successives risque de perturber la concentration des fidèles, leur kavana. Telle est la coutume ashkénaze[3].

Pour ceux qui ont coutume de sonner également pendant la ‘Amida dite à voix basse, on aura donc produit, jusqu’à la fin de la répétition de l’officiant incluse, quatre-vingt-dix sonneries. On y ajoute dix sonneries au moment du Qaddich Titqabal.

Pour ceux qui n’ont pas coutume de sonner pendant la ‘Amida dite à voix basse, il manque encore quarante sonneries après l’achèvement de la répétition de l’officiant : on en fait trente après ‘Alénou léchabéa’h, et dix encore après le cantique An’im zémirot (Michna Beroura 592, 4).


[g]. Cf. § 2 ci-dessus.

[2]. On recense quatre coutumes, à l’époque des Richonim, quant à l’ordonnancement des sonneries dans la prière de Moussaf : 1) Pendant la bénédiction des Malkhouyot, on sonne suivant le modèle de tachrat ; pendant celle des Zikhronot, suivant le modèle tachat ; pendant celle des Chofarot, tarat (Rif, Maïmonide, Tossephot sur Roch Hachana 33b, Roch, première opinion exposée en Choul’han ‘Aroukh 592, 1). C’est la coutume des Yéménites et de quelques communautés ashkénazes. 2) Pour chacune de ces trois bénédictions, on sonne selon l’ordre tachrat (Rabbénou Tam en Tossephot sur Roch Hachana 33b, Rama 592, 1). L’objection que l’on peut soulever contre ces deux opinions, c’est que la sonnerie essentielle est celle qui se fait debout, pendant la ‘Amida de Moussaf ; or nous avons vu que, en raison du doute qui repose sur l’exacte manière d’exécuter la terou’a, il faut produire trois fois chacun des modèles de sonnerie. Rabbénou Hananel explique, en se fondant sur l’opinion de Rav Haï Gaon, que, si l’on s’en tient à la seule obligation toranique, on peut, même de nos jours, s’acquitter de son obligation par l’une quelconque des trois séries de sonneries. Le Rif et Maïmonide expliquent que, après avoir sonné selon les trois méthodes devant l’assemblée assise, et avoir ainsi accompli la mitsva selon la Torah, il n’est plus nécessaire de lasser le public en suivant chacune des trois méthodes pendant les sonneries écoutées debout (cité par Beit Yossef 590, 2). 3) On sonne trois fois tachrat pendant les Malkhouyot, trois fois tachat pendant les Zikhronot, et trois fois tarat pendant les Chofarot (selon le Choul’han ‘Aroukh 592, 1, telle est la coutume). 4) La coutume aujourd’hui répandue consiste à sonner tachrat – tachat – tarat après chacune des trois bénédictions. Cela, parce que nous voulons sonner, à chaque bénédiction, selon chacune des séries en usage. Telle est l’opinion du ‘Aroukh, du Riaz et du Radbaz.

L’usage de produire cent sonneries est mentionné par le ‘Aroukh au nom du Talmud de Jérusalem (signe 272), et cité par Tossephot sur Roch Hachana 33b, ainsi que par le Raavia et le Chibolé Haléqet. Rabbi Isaac Louria a conçu ses kavanot en fonction de ce modèle, comme l’écrit le Chné Lou’hot Habrit.

[3]. Selon la coutume ashkénaze, on ne sonne pas du chofar pendant la ‘Amida dite à voix basse ; c’est ce qu’écrivent le Maguen Avraham, le Michna Beroura 592, 1, le Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 445. Cela, afin de ne pas introduire de confusion chez les fidèles, dont certains sont lents et d’autres rapides. Bien entendu, selon la coutume des Guéonim (Rav Cherira et Rav Haï), pour lesquels la prière dite à voix basse ne comprend que sept bénédictions, on ne sonnait pas non plus du chofar pendant la prière dite à voix basse. Et même si l’on se réfère à ce que tranchèrent Rabbi Yits’haq Ibn Ghiyat, le Tour et le Choul’han ‘Aroukh 591, 1, d’après lesquels la ‘Amida dite à voix basse comporte neuf bénédictions, nombreux sont ceux qui n’ont point l’usage de sonner pendant ladite ‘Amida, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 592, 1-2. Le Radbaz et le Knesset Haguedola s’expriment en ce sens. En revanche, conformément au ‘Aroukh et à ceux qui partagent son avis – d’après lesquels on produit cent sonneries –, nombreux sont ceux qui sonnent du chofar également pendant la ‘Amida dite à voix basse. Et tel est l’usage si l’on se réfère aux kavanot de Rabbi Isaac Louria, et au Chné Lou’hot Habrit. Tel est l’usage séfarade et hassidique.

05. La bénédiction, la mitsva et l’intention (kavana)

Avant de commencer à sonner du chofar, le sonneur (toqéa’, ou ba’al-teqi’a) dit deux bénédictions : a) Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bemitsvotav, vétsivanou lichmoa’ qol chofar (« Béni sois-Tu, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as ordonné d’écouter le son du chofar ») ; b) Baroukh Ata…, chéhé’héyanou, véqiyemanou, véhigui’anou lazman hazé (« Bénis sois-Tu… qui nous as fait vivre, nous as maintenus et nous as fait parvenir à cette époque »). Le second jour, selon la coutume séfarade, on ne répète pas la bénédiction Chéhé’héyanou ; selon la coutume ashkénaze, on la répète ; si possible, il est bon que le toqéa’ mette à cette occasion un vêtement neuf, et qu’il applique également sa pensée à ce vêtement au moment de dire cette bénédiction (Choul’han ‘Aroukh 600, 3, Michna Beroura 7).

Nos sages conçurent avec précision la formule de la bénédiction : lichmoa’ qol chofar, « écouter le son du chofar » ; la mitsva consiste donc à écouter le chofar, et non à sonner du chofar (Choul’han ‘Aroukh 585, 2). Par conséquent, un sourd, qui n’entend pas du tout, est dispensé de la mitsva, bien qu’il soit capable de sonner. Si son audition est seulement déficiente, mais que, en pratique, il puisse entendre le son du chofar, il est tenu d’accomplir la mitsva ; et il peut même sonner et acquitter d’autres personnes de leur obligation. S’il utilise un appareil auditif électrique, il doit l’ôter de son oreille, afin d’entendre le son du chofar lui-même[4].

Puisque la mitsva est d’entendre le son du chofar, celui qui sonnerait du chofar en direction d’un puits ou d’un abri, s’il entendait le son du chofar avec l’écho provenant du puits ou de l’abri, ne serait pas quitte, puisqu’il entendrait un son brouillé. Mais ceux qui se trouveraient à l’intérieur du puits ou de l’abri, puisqu’ils n’entendraient point l’écho, s’acquitteraient ainsi de leur obligation (Roch Hachana 27b, 20a ; Choul’han ‘Aroukh 587, 1-2, Michna Beroura 10).

Un muet, puisqu’il entend, est tenu à la mitsva, et peut même en acquitter d’autres. Ce sera alors un des auditeurs qui prononcera les bénédictions à sa place. Un dément est exempté de toutes les mitsvot, ce qui comprend la mitsva du chofar (Choul’han ‘Aroukh 589, 2, Michna Beroura 4).

Si le toqéa’ s’est déjà acquitté de son obligation, et qu’il s’apprête à sonner pour d’autres, qui n’ont pas encore accompli leur mitsva, il est préférable que l’un des fidèles n’ayant pas encore accompli la mitsva récite les bénédictions. Toutefois, il est fréquent, dans un tel cas, que ce soit le toqéa’ qui les récite ; et ceux qui font ainsi ont sur qui s’appuyer (Beit Yossef, Rama 585, 2, Michna Beroura 5).

La pratique des mitsvot requiert une intentionnalité (mitsvot tsrikhot kavana). Par conséquent, celui qui s’entraîne à sonner du chofar, et qui émet, en s’entraînant, une série valide de sonneries, n’est pourtant pas quitte de la mitsva. De même, si l’on se trouve chez soi, et que l’on entende la sonnerie du chofar, provenant de la proche synagogue, on n’est point quitte, si l’on n’a pas formé l’intention d’accomplir, par cette écoute, la mitsva. Il est nécessaire qu’aussi bien le toqéa’ que l’auditeur forment l’intention d’accomplir la mitsva. Aussi, le toqéa’ doit avoir l’intention d’acquitter de leur obligation tous les auditeurs, et non pas seulement ceux qu’il voit devant lui ; car il se peut qu’il y ait, à l’extérieur de la synagogue, ou dans quelque maison proche, des personnes qui souhaitent accomplir la mitsva ; or, si le toqéa’ avait pour seule intention d’acquitter ceux qui se trouvent en sa présence, les personnes qu’il ne voit pas ne seraient pas quittes de leur obligation (Choul’han ‘Aroukh 589, 8-9).

A priori, le toqéa’ doit former l’intention expresse d’acquitter tous les auditeurs ; et les auditeurs doivent former l’intention expresse d’accomplir la mitsva. Néanmoins, a posteriori, même si l’on n’a pas eu cette intention expresse, et que l’on ait eu néanmoins une « intention en veille » (kavana redouma), on sera quitte de son obligation. Qu’appelle-t-on kavana redouma ? C’est une intention telle que, si l’on demandait au toqéa’ pourquoi il sonne, il répondrait : « Pour acquitter tous les auditeurs de leur obligation ! » ; et que si l’on demandait à l’auditeur pourquoi il est venu écouter le son du chofar, il répondrait : « Pour accomplir la mitsva ! » (cf. La Prière d’Israël 15, 8).


[4]. Certes, selon Rabbénou Tam et le Séfer Mitsvot Gadol, la bénédiction est ainsi libellée : Baroukh… ‘al teqi’at chofar (« Béni sois-Tu… qui nous as ordonné la sonnerie du chofar »). Mais le Roch (Roch Hachana 4, 10) écrit, conformément aux propos du Halakhot Guedolot, que la mitsva est d’écouter, et qu’il faut donc dire lichmoa’ qol chofar (« qui nous a ordonné d’écouter le son du chofar »). Telle est aussi l’opinion du Raavia, du Or Zaroua’ et de nombreux autres décisionnaires, et c’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 585, 2.

Si, pour entendre, on s’aide d’un appareil auditif électrique introduit dans le pavillon de son oreille, on ne s’acquitte pas ainsi de la mitsva, de l’avis de la majorité des décisionnaires. Certains expliquent cela par le fait que le son émis par l’appareil électrique n’est pas le son même du chofar : l’appareil recueille le son en tant que signal électrique, puis le reproduit en tant que son nouveau ; cela n’a donc du son de chofar que le nom (Michpeté Ouziel, Ora’h ‘Haïm 21, seconde édition 34 ; Teroumat Hagoren 1, 22, du Rav Goren ; Rav Chelomo Zalman Auerbach en Min’hat Chelomo 1, 9).

D’autres estiment que, pour les autres mitsvot, l’écoute par le biais d’un appareil est valide, mais qu’en matière de chofar il y a lieu d’être rigoureux ; en effet, nous tenons que le fait d’entendre l’écho du chofar ne rend pas quitte de la mitsva (Rav Kook, Ora’h Michpat 48 ; c’est en ce sens qu’inclinent le Rav Frank en Miqraé Qodech, Pourim 11, Beit Avi 3, 92 et Igrot Moché, Even Ha’ézer III 33).

Certains, il est vrai, sont indulgents, et considèrent l’écoute du chofar par le biais d’un appareil électronique comme une écoute ordinaire (Rav Orenstein, Assia 77-78, Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm VII 18 ; c’est aussi en ce sens qu’incline le Min’hat Yits’haq III 11 ; cf. Pniné Halakha, Bénédictions 12, 9).

En pratique, puisque, pour la majorité des décisionnaires, on ne s’acquitte pas par le biais d’un appareil auditif électrique, celui qui a un tel appareil à son oreille devra l’en ôter ; en effet, tout le temps que l’appareil est dans son oreille, ce n’est pas le son originel du chofar qu’il peut entendre. Si l’on ne peut pas entendre le son du chofar sans l’aide de l’appareil, on l’écoutera avec l’appareil, puisque, de l’avis de certains décisionnaires, on accomplit en cela la mitsva. Mais on ne pourra pas, en pareil cas, être toqéa’, puisque, selon la majorité des décisionnaires, on n’est point tenu en ce cas à la mitsva. Telle est aussi la règle pour les personnes à qui l’on a posé un implant cochléaire. (Il semble que lorsque, avec l’aide de Dieu, on réussira à améliorer l’implant, de manière telle que le son du chofar sera entendu aussi bien que l’entend un homme ordinaire, on pourra adopter la thèse du Rav Orenstein, selon lequel cette écoute doit être considérée comme une écoute ordinaire.)

06. Temps de la mitsva ; règle applicable aux femmes, aux enfants

Le temps qui convient à l’accomplissement de la mitsva est le jour, comme il est dit : « Le septième mois, le premier du mois (…), ce sera pour vous jour de fanfare (yom terou’a) » (Nb 29, 1). Par conséquent, le temps de la mitsva court à partir du lever du jour (hanets ha’hama), c’est-à-dire depuis le moment où le soleil commence à se lever ; si l’on a sonné du chofar à partir de l’aube (‘amoud hacha’har), c’est-à-dire le moment où se voit la première lueur à l’est, on est quitte. Si l’on n’a pas sonné avant le coucher du soleil (cheqi’at ha’hama), on le fera au crépuscule (bein hachmachot), mais sans réciter les bénédictions (Méguila 20b ; Choul’han ‘Aroukh 588, 1, Michna Beroura 1-2 ; sur les différents temps définis par la halakha, cf. La Prière d’Israël 11, note 1, Les Lois de Chabbat 3, note 1).

Comme nous l’avons vu (§ 3), nos sages ont prescrit de sonner publiquement pendant la ‘Amida de Moussaf ; celui-là même qui ne peut prier en communauté, et qui ne peut donc pas écouter (ou sonner) le chofar à la suite immédiate des bénédictions de la ‘Amida de Moussaf (Malkhouyot, Zikhronot et Chofarot), il convient qu’il attende l’expiration des trois premières heures solaires du jour pour sonner ou écouter le chofar, écrivent les décisionnaires ; car alors le jugement s’adoucit (Maté Ephraïm, Michna Beroura 588, 2 ; cf. ci-dessus, chap. 3 § 10).

Les hommes sont tenus d’accomplir la mitsva du chofar, tandis que les femmes en sont dispensées. En effet, il s’agit d’une mitsva « positive » (obligation de faire) conditionnée par le temps (mitsvat ‘assé ché-hazman grama). Cependant, les femmes qui veulent écouter le chofar accomplissent, ce faisant, une mitsva, et Dieu les récompensera pour cela. La coutume de la majorité des femmes juives est d’être volontaires pour accomplir la mitsva.

Les Richonim sont partagés quant à la question de la bénédiction du chofar (cf. La Prière juive au féminin 2, 8 ; 23, 2). Certains estiment qu’elle n’a été instituée que pour les hommes, qui sont tenus d’accomplir la mitsva, mais qu’une femme qui sonne pour elle-même ne dira pas la bénédiction. De même, quand un homme sonne pour des femmes, il ne dira pas la bénédiction. Telle est la coutume des femmes séfarades. D’autres estiment que, bien que les femmes soient dispensées de la mitsva, il leur faut dire la bénédiction avant la sonnerie du chofar, puisqu’elles accomplissent une mitsva en écoutant. Telle est la coutume ashkénaze : la femme qui sonne pour elle-même dit la bénédiction ; de même, quand c’est un homme qui sonne pour des femmes, une des femmes dira la bénédiction pour toutes les autres.

Un enfant parvenu à l’âge de l’éducation, c’est une mitsva que de l’éduquer à l’observance de ce commandement. À partir de quand considère-t-on que l’enfant parvient à cet âge ? À partir du moment où il comprend que c’est une mitsva que d’entendre trois fois la série tachrattachattarat. Avant qu’il ne parvienne à cette compréhension, il n’y a pas de mitsva particulière à l’initier à ce commandement. Malgré cela, dès lors qu’il est capable de se tenir en silence, sans déranger les fidèles, il est bon de le mener à la synagogue pour qu’il y entende le chofar, afin qu’il s’imprègne de saints souvenirs. Par contre, un petit enfant qui a du mal à rester tranquille, il est interdit de l’amener à la synagogue au moment de la sonnerie du chofar, ou de la prière ; cela, afin qu’il ne dérange pas les autres fidèles (Michna Beroura 587, 16).

Après que l’on a accompli la mitsva du chofar, il est interdit de sonner sans nécessité, car ce serait un acte profane (ma’assé ‘hol). Mais ce décret d’interdiction ne vise pas les enfants : au contraire, on encourage les enfants parvenus à l’âge de l’éducation à sonner du chofar, quelle que soit l’heure du jour, afin qu’ils sachent sonner quand ils seront grands (Rama 596, 1). Simplement, il leur faut avoir soin de ne pas sonner quand des gens dorment.

07. Règles et coutumes relatives à la sonnerie

On a coutume de choisir un homme juste, étudiant la Torah, et auteur de bonnes actions, pour le nommer toqéa’, chargé d’acquitter le grand nombre des fidèles de leur obligation. Mais il ne faut pas pour autant polémiquer à cette occasion (Michna Beroura 585, 3).

Il est bon, quand c’est possible, de sonner du côté droit de la bouche. De même, on a coutume de diriger vers le haut la partie évasée du chofar, ainsi qu’il est dit : « Dieu monte au milieu de la fanfare (terou’a), l’Éternel au son du cor (chofar) » (Ps 47, 6 ; Rama 585, 2).

À l’époque où les fidèles avaient l’habitude de prier par cœur, on avait soin que l’officiant de Moussaf ne sonnât pas lui-même du chofar pendant la ‘Amida, de crainte qu’il ne se trouble et n’ait du mal à revenir à sa prière. De nos jours, où l’on prie à l’aide d’un ma’hzor (livre de prières), on ne craint plus que l’officiant se trouble ; l’officiant peut donc être également le toqéa’ (Choul’han ‘Aroukh 585, 4, Michna Beroura 14).

On ne répartit pas les différentes sonneries entre plusieurs personnes ; ce doit être une seule et même personne qui produise toutes les sonneries, car celui qui commence l’accomplissement d’une mitsva, on lui dit : « termine ! » (Rama 585, 4). Toutefois, en un lieu où il est d’usage de distribuer les sonneries entre plusieurs personnes, on pourra continuer d’observer sa coutume, car celle-ci exprime, somme toute, l’affection qu’on porte à la mitsva (Michna Beroura 17).

Puisque la bénédiction qui est récitée avant les « sonneries produites devant l’assemblée assise » (teqi’ot dimeyouchav) vaut également pour les sonneries produites pendant Moussaf, il faut avoir soin de ne pas s’interrompre par des paroles, jusqu’à la fin des sonneries de Moussaf (Choul’han ‘Aroukh 592, 3).

Dans de nombreuses communautés, il est de coutume que le rabbin, ou l’un des érudits, dicte au toqéa’ l’ordre des sonneries qu’il doit exécuter, mot à mot, afin qu’il ne se trompe pas (Rama 585, 4). Il est même d’usage de le faire pour la première sonnerie, bien qu’il ne soit pas à craindre que le toqéa’ se trompe alors ; car certains auteurs pensent que cette manière de dicter les divers modes de jeu ajoute à la concentration (la kavana) (Chné Lou’hot Habrit ; cf. Cha’ar Hatsioun 585, 31).

Il faut écouter tous les sons, du début à la fin. Celui qui aurait manqué le début ou la fin n’est pas quitte. Par conséquent, l’assemblée doit garder un silence complet au moment de la sonnerie. Celui qui aurait besoin de tousser se retiendra jusqu’à la fin de la sonnerie du chofar (Michna Beroura 587, 16).

Dans les communautés ashkénazes, on a coutume de prolonger la dernière teqi’a (note tenue) de la série des trente premiers sons, qui sont exécutés « devant l’assemblée assise » ; de même pour la dernière teqi’a de la série des cent. Cette longue teqi’a s’appelle teqi’a guedola (« la grande sonnerie ») ; elle fait allusion à la foi, qui est infiniment grande. Selon l’usage séfarade, on fait encore une longue terou’a (notes tremblées) à la fin de l’office, afin de désorienter l’Accusateur (Choul’han ‘Aroukh 596, 1). Cela fait allusion au fait que, si nous connaissons encore des crises, celles-ci se transforment pour le bien.

Si le toqéa’ faiblit et n’est plus en mesure de continuer, un autre sonneur s’avancera pour poursuivre à sa place. S’il a entendu les bénédictions du premier, il n’aura pas besoin de les réciter à son tour, puisqu’il s’est rendu quitte des bénédictions par celles qu’aura récitées le premier toqéa’ (Choul’han ‘Aroukh 585, 3).

De nombreux sonneurs s’équipent de deux chofars, afin que, s’ils devaient avoir du mal à sonner l’un, ils puissent continuer avec l’autre. En ce cas, il n’est pas nécessaire de répéter les bénédictions avant de sonner du second chofar, puisque la bénédiction dite d’abord s’applique aux deux chofars. A posteriori, même si le toqéa’ a un seul chofar, et qu’il n’ait pas réussi à le faire sonner, il n’aura pas besoin de redire la bénédiction sur le second chofar qu’on lui apportera (Michna Beroura 585, 4)[5].

Il est permis de rincer le chofar à l’eau, et même au vin, au vinaigre ou à l’arak, afin de rendre sa sonorité plus claire ; ce n’est pas considéré comme un acte profane, interdit le Yom tov (Choul’han ‘Aroukh 586, 23).

Certains suivent la coutume du Ari zal (Rabbi Isaac Louria) et du Chné Lou’hot Habrit, consistant à réciter une confession (Vidouï) et des prières entre les séries de sonneries ; d’après cette coutume, le toqéa’ s’interrompt à cette fin. Mais d’après de nombreux décisionnaires, il n’y a lieu de s’interrompre pour aucune prière ou confession au milieu des trente sonneries. Chacune de ces deux coutumes a sa place dans la halakha ; mais en tout état de cause, il est interdit de s’interrompre pour réciter la prière Yehi ratson (« Que telle soit ta volonté… ») entre la bénédiction et le début de la sonnerie (Michna Beroura 592, 12, Cha’ar Hatsioun 15)[6].


[5]. Il arrive que le toqéa’ n’arrive pas à poursuivre sa sonnerie avec le premier chofar, et y parvienne avec le second, parce que le premier s’est empli de salive, ce qui rend difficile de le jouer. D’autres fois les muscles des lèvres sont faibles, de sorte qu’ils se fatiguent au cours de la sonnerie, et les lèvres ne parviennent plus à se contracter comme il convient pour produire les sons. Mais avec un autre chofar, parce que l’embouchure est différente, la forme de contraction nécessaire à la production du son différera elle aussi, sollicitant d’autres muscles, qui ne se sont pas encore tellement fatigués.

[6]. Il est préférable, à choisir, d’aller dans un lieu où l’on a l’assurance de s’acquitter de l’obligation d’écouter le chofar, bien que la prière y soit moins parfaite et qu’il soit plus difficile de s’y concentrer, plutôt qu’en un lieu où la prière est tenue en grand honneur et où l’on peut se concentrer comme il convient, mais où le toqéa’ n’est pas très compétent, au point qu’il soit à craindre de ne pas s’acquitter par son biais de la mitsva. En effet, la mitsva de sonner du chofar est toranique, tandis que celle des offices de prière est rabbinique (Roch Hachana 34a, Choul’han ‘Aroukh 595, 1). La règle est la même le second jour, puisque le fondement même de la sonnerie du chofar est toranique (Michna Beroura 1).

08. Qidouch avant la sonnerie du chofar et Moussaf

Certains ont l’usage de faire le Qidouch sur du vin et de manger quelque chose, après la prière de Cha’harit, afin de se fortifier quelque peu avant la prière de Moussaf. Cet usage est principalement répandu dans les maisons d’étude (yéchivot), où l’on étend la prière au-delà du milieu du jour (‘hatsot). Grâce au Qidouch, les fidèles pourront continuer de prier de façon concentrée et joyeuse.

De prime abord, il y a lieu de s’interroger : nous apprenons par ailleurs qu’il est interdit de manger avant d’avoir accompli une mitsva dont le temps d’accomplissement est arrivé ; c’est pourquoi, à Soukot, on ne mange pas avant d’avoir accompli la mitsva du loulav. Bien plus, si je n’avais pas de loulav, que j’aie commencé à manger et que l’on m’ait apporté un loulav au cours de mon repas, je dois interrompre celui-ci – le premier jour de Soukot où la mitsva de loulav est toranique –, afin d’accomplir la mitsva (Souka 38a, Choul’han ‘Aroukh 652, 2). Dans ces conditions, comment se peut-il que l’on mange, a priori, avant la sonnerie du chofar ?

Cependant l’interdit consiste à faire un véritable repas (liqboa’ sé’ouda, « fixer un repas »), avant l’accomplissement de la mitsva. Cela est interdit, de crainte de se laisser entraîner par ce repas et d’en oublier d’accomplir la mitsva. En revanche, quand on fait le Qidouch et que l’on goûte à quelque nourriture, l’oubli de revenir à la synagogue pour y écouter le chofar n’est pas à craindre. En particulier, quand tout le monde attend la mitsva, et que tous les fidèles se rappellent les uns aux autres de l’accomplir, il n’est pas à craindre de laisser entraîner son attention par le repas. De plus, même pour ceux qui sont rigoureux et s’interdisent de manger une légère collation, il est permis d’être indulgent quand la chose est nécessaire. D’après cela, en un lieu où la prière n’est pas particulièrement longue, il est préférable de ne pas l’interrompre par un Qidouch avant la sonnerie du chofar.

A priori, on se contentera de manger, au Qidouch qui précède la sonnerie, un kabeitsa[h] de pâtisserie (mézonot), et pas davantage, afin de n’être pas considéré comme « fixant un repas » véritable ; mais si l’on veut être indulgent et manger un peu plus, on a sur qui s’appuyer. S’agissant de fruits, de produits laitiers ou d’autres nourritures légères, on peut en manger davantage, à condition de n’en pas manger beaucoup, de crainte que cette collation trop abondante ne soit fatigante, et que l’on n’ait du mal à se concentrer ensuite dans sa prière, de sorte que le préjudice l’emporterait sur l’avantage[7].


[h]. Volume équivalent à un œuf, ou poids d’environ 56 grammes.

[7]. Le Teroumat Hadéchen 109 interdit, à Pourim, de goûter même un peu de nourriture avant la lecture de la Méguila. Aussi certains A’haronim écrivent-ils que c’est seulement en cas de nécessité qu’il est permis de manger quelque chose avant la mitsva du loulav à Soukot (Maguen Avraham 692, 7, Michna Beroura 652, 7). La position est du même ordre, s’agissant de manger avant la sonnerie du chofar (Maté Ephraïm 588, 2, Choel Ouméchiv, troisième édition I 120). D’autres disent au contraire que, même sans nécessité, il est permis de manger, car l’interdit a pour raison d’être la crainte d’être entraîné par son repas, et d’en venir à oublier la mitsva ; tandis qu’ici, où tous se rappellent l’un à l’autre la mitsva à venir, et ont l’habitude de retourner à la prière après cette interruption, cette crainte n’a pas lieu d’être (Tsits Eliézer VI 7).

Nombreux sont ceux qui interdisent de manger plus d’un kabeitsa, car cette mesure est considérée comme mesure minimale d’un repas véritable (« fixe »), en matière d’obligation de manger sous la souka pendant Soukot (Halikhot Chelomo II 1 ; Rav Mordekhaï Elyahou ; ‘Hout Chani p. 54). Notre maître Rav Avraham Shapira autorisait de manger jusqu’à la quantité [non incluse] définissant un repas « fixe » [sé’oudat qéva’, littéralement repas « fixe », par opposition à sé’oudat ar’aï, repas « occasionnel », petite collation], qui est d’un volume équivalent à trois œufs (Miqraé Qodech du Rav Harari 7, note 26). D’après les explications que nous avons apportées dans le corps de texte, il n’est pas à craindre d’être entraîné par sa collation, si l’on mange, en pâtisserie (mézonot) moins d’un volume de trois œufs. Toutefois, afin de garder à sa prière à suivre tout son sérieux, il faut avoir soin de ne pas manger abondamment.

09. Roch hachana ayant lieu un Chabbat, à l’époque du Temple

Si l’on s’en tient à l’obligation toranique, même quand Roch hachana a lieu le Chabbat, c’est une mitsva que d’y sonner le chofar. Cependant, nos sages ont décrété qu’il ne serait point procédé à la sonnerie quand Roch hachana tombe un Chabbat. En effet, chacun est tenu d’accomplir la mitsva du chofar, mais tout le monde n’est pas connaisseur en matière d’interdit de porter des objets, le Chabbat, dans le domaine public.

Il est donc à craindre que certains, qui ne savent pas très bien sonner, transportent leur chofar pour se rendre chez un bon sonneur, afin que celui-ci leur apprenne à sonner conformément à la halakha ; ce faisant, ils transporteraient leur chofar sur une distance d’au moins quatre amot dans le domaine public, transgressant ainsi un grave interdit sabbatique (Roch Hachana 29b, Choul’han ‘Aroukh 588, 5).

Toutefois, au Temple, on procédait à la sonnerie du chofar, même quand Roch hachana tombait le Chabbat ; car les décrets des sages ne s’étendent pas au Temple. À Jérusalem même, et dans ses environs immédiats, on sonnait du chofar, tout le temps que siégeaient les membres du beit-din, car, grâce à l’influence du beit-din, les habitants de Jérusalem et de ses environs prenaient garde à l’interdit de porter le Chabbat (Maïmonide, Lois du chofar 2, 8-9)[8].

Bien que cette directive, défendant de sonner du chofar un Roch hachana tombant Chabbat, soit rabbinique, on peut en trouver une allusion dans la Torah ; car, dans un verset, il est dit : « jour de fanfare (yom teroua’) » (Nb 29, 1), tandis que dans un autre il est dit : « Repos solennel (Chabbaton), commémoration par une fanfare (zikhron teroua’, littéralement « souvenir de fanfare ») (Lv 23, 24). Cela laisse entendre que, lorsque Roch hachana a lieu un jour de semaine, c’est à proprement parler un yom terou’a, jour de fanfare (c’est-à-dire de sonnerie du chofar), tandis que, lorsque cela a lieu un Chabbat, c’est un Chabbaton zikhron terou’a, repos solennel où l’on se souvient de la fanfare, mais où l’on ne sonne pas en pratique (Talmud de Babylone, Roch Hachana 29b)[9].

Les maîtres de la mystique expliquent que, selon l’enseignement kabbalistique, lorsque Roch hachana a lieu le Chabbat, il n’est pas tellement nécessaire de sonner du chofar, car presque tous les degrés de sainteté que l’on atteint à Roch hachana par le biais du chofar, on les atteint alors grâce à la sainteté du Chabbat. Certes, il y aurait encore une élévation supplémentaire dans le fait de sonner ; mais ce degré-là est très élevé, au point de n’être presque pas intégré ni éprouvé par les auditeurs. Au Temple et au beit-din antique, en revanche, on percevait cela, et c’est pourquoi on ne sonnait le chofar que dans ces seuls lieux (Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, Liqouté Torah, Devarim 56, 1 s.).


[8]. Michna Roch Hachana 29b : « Quand le Yom tov de Roch hachana avait lieu le Chabbat, on sonnait au Temple (miqdach), mais non dans le pays. » Selon Maïmonide, toute la ville de Jérusalem est appelée miqdach (« sanctuaire »). Mais selon Rachi, Jérusalem a même statut, à cet égard, que le reste du pays. Or cette opinion semble ne pas s’accorder avec la suite de la michna : « De plus, Jérusalem avait pour avantage (…) que toute ville d’où l’on pouvait voir et entendre [Jérusalem], qui fût proche, et dont les habitants pussent  se rendre [à Jérusalem] sonnait [elle aussi du chofar]. » Mais le Ritva explique que cette michna fut enseignée après que le Sanhédrin fut déplacé de l’enceinte du Temple (plus précisément de la partie appelée lichkat hagazit, « salle des pierres taillées ») à l’intérieur de Jérusalem : alors les sages autorisèrent à sonner dans toute la ville de Jérusalem et ses environs proches.

[9]. Le Talmud de Babylone, traité Roch Hachana 20b, explique que, suivant la norme toranique, il faut sonner du chofar à Roch hachana, même quand cette fête a lieu un Chabbat. Et bien qu’il existe un interdit rabbinique de jouer d’un instrument de musique le Chabbat – ce qui inclut le fait de sonner du chofar – (Les Lois de Chabbat II 22, 17), cet interdit rabbinique ne peut pourtant pas repousser les mitsvot de la Torah. Toutefois, en raison de la crainte que le chofar ne soit transporté dans le domaine public, les sages ont ordonné de ne point sonner le Chabbat. C’est aussi la raison pour laquelle on ne fait pas la mitsva du loulav un jour de Soukot tombant le Chabbat, et l’on ne lit pas la Méguila un jour de Pourim tombant le Chabbat. C’est ce qu’écrit Maïmonide, Chofar 2, 6.

Face à cela, le Talmud de Jérusalem, Roch Hachana 4, 1, explique que, du point de vue même de la Torah, on ne sonne pas le chofar un Roch hachana ayant lieu un Chabbat ; car la précision que l’on relève dans les versets vaut enseignement explicite et a force exécutoire. On objecte : en ce cas, pourquoi sonnait-on du chofar au Temple ? La réponse est que l’examen des versets fait par nos sages permet de conclure que, en un lieu où l’on sait exactement quand tombe le premier jour du mois, et où l’on offre le sacrifice du jour, on procède à la sonnerie, même le Chabbat.

Les sages élaborent également le verset du Lévitique (25, 9) relatif au jubilée (le Yovel) : « Tu feras entendre la sonnerie tremblante du chofar, au septième mois, le dixième jour du mois ; au jour des expiations, vous ferez entendre le chofar dans tout votre pays. » Nous apprenons de ce verset que c’est précisément le jour de Kipour (jour des expiations) que l’on fait entendre le son du chofar dans tout le pays ; tandis qu’à Roch hachana, quand cette fête tombe le Chabbat, on ne le fait entendre que dans les environs du beit-din. C’est aussi ce qu’enseigne le Sifra, Behar 2. Il faut signaler que, dans le texte de la prière tel que la halakha l’a établi, il est en effet prévu de dire, quand Roch hachana tombe un jour de semaine, yom terou’a (jour de fanfare), et, lorsque cela tombe un Chabbat : zikhron terou’a (« souvenir de fanfare ») (Choul’han ‘Aroukh 582, 7) ; contrairement à l’avis de Rav Haï Gaon, de Maïmonide et d’autres Richonim, selon lesquels on dit toujours yom terou’a.

10. Roch hachana ayant lieu un Chabbat, après la destruction du Temple

Après la destruction du Temple, Rabban Yo’hanan ben Zakaï décida que, le Chabbat, il serait procédé à la sonnerie du chofar en tout endroit où serait établi le tribunal rabbinique (beit-din). Ce qui est visé ici est le beit-din central de la génération, où se proclament les mois, et dont les juges sont intronisés de maître à disciple, en droite ligne jusqu’à Moïse notre maître. En quelque endroit qu’il se trouve, que ce soit à Yavné ou ailleurs, et tant que ses membre siègent à leur poste, on sonne du chofar. Et dès lors que ses membres n’y siègent plus, il devient interdit de sonner (Maïmonide, Chofar 2, 9).

Selon le Rif (Rabbi Yits’haq Alfassi), qui était l’un des plus illustres Richonim, même après que l’ordination (semikha) fut annulée, il y a lieu de sonner en présence de tout beit-din important. C’était la coutume du Rif lui-même : dans son beit-din, on sonnait à Roch hachana qui tombait le Chabbat. Cependant, tous les autres Richonim étaient opposés à cet avis, et estimaient que la directive talmudique consistait à sonner exclusivement dans un beit-dit dont les juges étaient ordonnés, de maître à disciple, depuis Moïse notre maître ; de sorte que, de nos jours, il n’est plus possible de sonner, en aucun beit-din. Les grands disciples du Rif, eux-mêmes, ne continuèrent pas à sonner dans leurs tribunaux rabbiniques, comme il le faisait[10].

Il y a environ cent ans, après que Jérusalem eut commencé d’être reconstruite, Rabbi Aqiba Yossef Schlesinger voulut rétablir, à Jérusalem, la sonnerie du chofar à Roch hachana tombant le Chabbat. Cette position était fondée sur l’idée que la règle d’origine, datant de l’époque du Temple, et d’après laquelle il est permis de sonner à Jérusalem et dans ses environs, reste en vigueur, même après la destruction du Temple. De plus, des paroles des sages, nous pouvons inférer que ceux-ci n’ont pas voulu abolir entièrement la sonnerie du chofar à Roch hachana tombant le Chabbat ; aussi, de nous jours, où nous n’avons point de juges ordonnés, il faut sonner en présence du beit-din de Jérusalem. En outre, puisque la mitsva de sonner du chofar et de rang toranique, et que l’annulation de la sonnerie le Chabbat est d’institution rabbinique, il faut, en tout cas de doute, préférer l’accomplissement de la mitsva toranique. Le Rav Schlesinger fit encore valoir de nombreux raisonnements, selon lesquels, dans les conditions où il proposait que fût accomplie la sonnerie, il n’était pas à craindre de porter dans le domaine public. Mais bien que plusieurs autorités rabbiniques aient apporté un certain soutien à sa position, ceux qui s’y opposaient l’emportèrent, et la sonnerie n’eut pas lieu le Chabbat. La raison principale à cela était qu’il n’est permis de sonner, un Roch hachana tombant le Chabbat, qu’auprès d’un beit-din dont les membres sont ordonnés, et qui constitue l’institution judiciaire centrale de la génération. La preuve en est qu’agirent ainsi tous les grands maîtres des générations successives qui habitèrent à Jérusalem après la destruction du Temple : ils ne procédaient pas à la sonnerie du chofar quand Roch hachana avait lieu le Chabbat (‘Ir Haqodech Véhamiqdach III 20).


[10]. Les Tannaïm sont partagés, dans la Michna, quant au beit-din en présence duquel il était permis de sonner du chofar. Selon le Rif (tel que l’explique le Ran), Rabbi Eliézer exige que le grand Sanhédrin de soixante-et-onze anciens soit réuni ; mais pour le Tanna qui lui donne la réplique (« On lui répondit »), il suffit du Sanhédrin de vingt-trois membres ; quant au premier Tanna qui ouvre le débat (le Tanna qama), il suffit d’un beit-din de trois membres, même si ceux-ci n’ont pas reçu l’ordination. Et c’est dans le sens du Tanna qama que le Rif tranche la question.

Mais selon Maïmonide (Chofar 2, 9), la halakha veut que l’on ne sonne, le Chabbat, qu’en présence d’un beit-din qui consacre les mois, c’est-à-dire un beit-din dont les juges sont ordonnés, et qui constitue la juridiction centrale de la génération. Selon certains Richonim qui commentent ce passage talmudique, il n’est pas nécessaire que le beit-din soit l’institution centrale d’Israël, où l’on consacre les mois : selon eux, le Tanna qama et le dernier Tanna exigent l’un et l’autre un beit-din de vingt-trois membres ordonnés (compétents pour juger des affaires criminelles). Telle est l’opinion de Rabbénou Hananel, de Rachi tel que l’explique Na’hmanide, et du Roch. Cf. Mo’adim Le-sim’ha, chiffres 5-6.

11. Définition de la terou’a proprement dite, et des chevarim

La terou’a consiste en sonorités courtes, détachées et qui se suivent immédiatement (un trémolo), à l’exemple de la sonorité de pleurs. En halakha, on nomme ces sons troumitin, terme qui désigne les sons les plus brefs (notes piquées[i]). Certains disent que la terou’a consiste dans trois sons piqués (trois troumitin) (Rabbénou Hananel, Rachi) ; d’autres disent qu’il doit y en avoir neuf (Rivam, Riva, Séfer Mitsvot Gadol). En pratique, on produit neuf sons ; et si, a posteriori, on n’en a produit que trois, on est quitte. On peut ajouter des notes piquées au-delà des neuf réglementaires, à condition que toutes ces notes se succèdent immédiatement, sans interruption (Choul’han ‘Aroukh 590, 3, Michna Beroura 12 ; cf. note ci-dessous, quant à l’usage yéménite)[11].

Les chevarim consistent en trois sons de durée moyenne, semblables à un gémissement ou à des soupirs, la durée de chacun de ces trois sons équivalant à trois troumitin. A priori, il ne faut pas ajouter au nombre de trois chevarim ; mais a posteriori, si l’on en a joué plus de trois, on n’a pas invalidé pour autant ses chevarim (Choul’han ‘Aroukh 590, 3, Michna Beroura 11). Certains ont coutume de donner à chacun des trois chevarim une allure brisée : tou-ou-tou ; ou encore : ou-tou, à la manière de gémissements, car celui qui gémit a la voix brisée (coutume de Lituanie).

Si l’on a fait des chevarim d’une durée de deux troumitin à chacun des trois sons, on est quitte, puisque l’on reconnaît encore la ressemblance avec des gémissements – et non avec des pleurs – ; en effet, chaque son dure deux fois plus de temps que chacun des sons piqués de la terou’a. Mais si l’un des chevarim est d’une durée inférieure à deux troumitin, on n’est pas quitte. Si chacun de ses trois chevarim est d’une durée de quatre troumitin, on est quitte, car cela ressemble encore beaucoup aux chevarim habituels. Même si l’on a prolongé davantage le son, de sorte que chacun des trois dure l’équivalent de six troumitin, on est encore quitte a posteriori[12].


[i]. Le mot, qui semble à la fois proche de t(e)rou’a et de trompe/trompette, a une allure onomatopéique.

[11]. La coutume la plus couramment admise, pour jouer la terou’a, est de produire des sonorités proches des pleurs, c’est-à-dire des sons courts et détachés. Au Yémen, en revanche, on jouait des sonorités proches d’un gémissement : au lieu d’une succession de sons détachés, des sons tremblés et vibrants [un vibrato], où chaque tremblement est considéré comme un son en soi. Quand on y prête attention, il apparaît que la terou’a dans les communautés ashkénazes et séfarades ressemble à l’irruption de pleurs, entrecoupés sans qu’on les puisse maîtriser, tandis que la terou’a yéménite est à l’exemple d’une complainte, qu’on élève comme expression de pleurs et de deuil, mais de façon maîtrisée. En pratique, chaque communauté poursuivra selon sa coutume. Certains poussent la perfection jusqu’à écouter, après la prière, la terou’a exécutée suivant toutes les communautés.

[12]. Certains estiment qu’un chéver (son brisé, singulier de chevarim) d’une durée de trois troumitin est invalide. En effet, la teqi’a (son tenu) doit avoir une durée équivalente à la terou’a (sons tremblés) ; or, selon Rabbénou Hananel et Rachi, une terou’a de trois troumitin est encore valide ; de sorte que trois troumitin sont la durée de la teqi’a dans la série tarat. Selon cette position, dans la série tachrat – où la teqi’a doit avoir une durée équivalente à la somme de chevarim + terou’a –, si chaque chéver équivaut à trois troumitin, ce chéver sera déjà considéré comme un teqi’a, puisque, dans la série tarat, trois troumitin sont la durée d’une teqi’a (Tour, d’après l’opinion de Tossephot et du Roch ; première opinion présentée par le Choul’han ‘Aroukh 590, 3).

Selon le Rivam, le Riva et le Séfer Mitsvot Gadol, la terou’a comporte neuf troumitin. Dès lors, a posteriori, un chéver inférieur à neuf troumitin est nécessairement valide (seconde opinion citée par le Choul’han ‘Aroukh).

D’autres estiment qu’il n’y a pas de relation entre les différentes séries : dans chacune d’elles, la teqi’a doit avoir une durée équivalente à celle des sonneries qui se trouvent en son centre. Par conséquent, dans la série tachrat, la teqi’a doit avoir la durée de chevarim + terou’a, tandis que, dans la série tachat, elle équivaut à la durée des chevarim seulement. Dès lors, suivant la thèse de Rabbénou Hananel et de Rachi eux-mêmes, si le chéver que l’on produit dans ces séries dépasse la durée de trois troumitin, ce sera valide (Mordekhi, Hagahot Achré, Rama). Et c’est bien ce que l’on fait en pratique (Michna Beroura 590, 15).

Certains auteurs pensent cependant qu’il faut tenir compte de la première opinion, et, au moins lors des trente premières sonneries, faire en sorte que le chéver ait une durée inférieure à trois troumitin (Maguen Avraham 2 ; cf. Qol Terou’a 8).

À notre humble avis, il n’y a pas lieu d’être pointilleux en la matière, ce pour plusieurs raisons : 1) Parce que trois doutes se conjuguent ici (sfeq sfeq sfeqa) pour incliner vers l’indulgence : a) la halakha est peut-être conforme à l’avis de ceux qui pensent qu’une terou’a équivaut à neuf troumitin ; b) même si l’on se réfère à l’avis selon lequel la terou’a équivaut à trois troumitin, il se peut que la halakha suive le Mordekhi et le Hagahot Achré, d’après lesquels il n’y a pas de relation organique entre les différentes séries ; c) il se peut que la halakha soit conforme à l’avis de Maïmonide, selon qui la durée d’une teqi’a est celle d’une demi-terou’a ; et peut-être la halakha suit-elle le Raavad, qui estime que la teqi’a a toujours une valeur de neuf troumitin. 2) Il est très difficile d’être précis en ce domaine, car la différence entre un chéver de deux troumitin et un chéver de trois est d’environ un quart de seconde, et il est difficile de respecter une si mince différence ; or la Torah n’a pas été donnée à des anges de service. 3) Si l’on essayait de produire un son équivalent à deux troumitin, on risquerait de l’écourter, de sorte que ce son serait un peu inférieur à deux troumitin ; le chéver serait alors réduit à l’équivalent d’une terou’a, et l’on ne serait pas quitte selon tous les avis. Il semble donc que, dès lors que les chevarim sont reconnaissables comme sons proches d’un gémissement, ils soient a priori valides. D’après certains auteurs, ceux qui jouent les chevarim selon la coutume lituanienne échappent au doute : puisque les sons qu’ils produisent sont brisés, il est impossible de les confondre ni de les considérer comme une teqi’a (cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 12, note 64).

Jusqu’à quel point peut-on prolonger le son du chéver ? Selon ceux qui estiment que la terou’a proprement dite équivaut à 9 troumitin, c’est de cette même durée que doit être la teqi’a ; dès lors, le chéver doit simplement durer moins que cela (Choul’han ‘Aroukh 590, 3, pour la seconde opinion). Toutefois, la question mérite d’être approfondie, car avec une telle durée, le chéver est déjà très proche de la teqi’a joyeuse. Aussi écrivons-nous ci-dessus qu’un chéver valide a posteriori vaut à tout le moins 6 troumitin (cf. Maté Ephraïm 11, Elef Lamaté 14). Si l’on suit le système de Maïmonide, d’après lequel la teqi’a équivaut à la moitié de la terou’a, un son de 4,5 troumitin sera déjà considéré comme une teqi’a. Dès lors, le chéver devra équivaloir à 4 troumitin au plus. A priori, il y a lieu de tenir compte de son avis.

12. Mesure des sonneries

La teqi’a est un son prolongé et continu, dont la durée doit être équivalente à tout le moins à celle des sonneries médianes. Toutefois, il existe trois modèles de sonneries médianes : a) chevarim-terou’a ; b) chevarim ; c) terou’a. Or la halakha veut que, pour chaque série, la teqi’a soit d’une durée équivalente à la durée des sonneries médianes de cette même série[13].

Par conséquent, dans la série tachrat, la teqi’a doit avoir une durée d’environ dix-huit troumitin, puisque les chevarim valent environ neuf troumitin, et la terou’a neuf également. Même si l’on a prolongé sa terou’a, et que l’on y ait ajouté des sons, on ne sera pas tenu de prolonger la teqi’a au-delà des dix-huit troumitin, puisque telle est la durée des sonneries médianes, par laquelle on s’acquitte de son obligation d’après toutes les opinions.

Dans les séries tachat et tarat, la teqi’a doit équivaloir à neuf troumitin, puisque telle est la durée des chevarim, d’une part, de la terou’a d’autre part.

Le troumit (singulier de troumitin) est le son le plus bref que le sonneur tire de son chofar, et c’est l’addition de ces sons brefs qui forme la terou’a. Cette mesure de base change selon le sonneur et le chofar : les sonneurs les plus rapides produisent neuf troumitin en une seconde et quart, les plus lents en deux secondes et demie. La halakha veut que chaque sonneur prolonge sa teqi’a et ses chevarim en fonction de la durée de ses propres troumitin. Si l’on veut être quitte selon toutes les opinions, on fera, pour la série tachrat, des teqi’ot de cinq secondes chacune ; et, pour les séries tachat et tarat, des teqi’ot de deux secondes et demie chacune[14].

Dans le cas où la teqi’a est bien continue, mais où sa sonorité a changé en cours de route, soit que d’aigue elle soit devenue grave, soit l’inverse, soit que de lisse elle soit devenue rauque, soit l’inverse, elle n’en reste pas moins valide. Même si de tels changements se sont produits plusieurs fois au cours d’une même teqi’a, tant que le son se prolonge continument, la teqi’a reste valide ; car tous les types de sonorités sont valables, en matière de chofar. Ceux qui veulent apporter à leur pratique un supplément de perfection s’efforcent de produire une teqi’a non seulement continue, mais homogène, sans montées dans les aigus ni descente dans les graves, et sans changements[15].


[13]. Michna Roch Hachana 33b : « La mesure de la teqi’a est semblable à celle de trois terou’ot. » La Guémara demande : « N’est-il pourtant pas dit, dans une baraïtha, que la mesure de la teqi’a est semblable à celle de la terou’a ? Abayé a dit : “Notre Tanna [le maître qui a enseigné notre michna] vise la teqi’a de l’ensemble des trois séries (…), tandis que le Tanna de la baraïtha vise la teqi’a d’une série, et pas davantage [de sorte qu’il n’y a pas de contradiction entre les deux sources].” » La majorité des décisionnaires expliquent ce passage dans le sens de ce que nous écrivions ci-dessus : la durée d’une teqi’a équivaut à celle des sonneries médianes de la série où elle prend place. Telle est l’opinion de Rachi, de Tossephot, du Roch, du Tour et du Choul’han ‘Aroukh 590, 3 ; Michna Beroura 15. Selon Maïmonide (3, 4), la durée de deux teqi’ot (plur. de teqi’a) est égale à celle des sonneries qui se trouvent au milieu d’elles ; par conséquent, la durée de la teqi’a vaut la moitié de celle de la sonnerie intermédiaire. On est donc obligé de dire que, pour Maïmonide, la terou’a est de 9 troumitin et non de 3 ; car il n’est pas vraisemblable que la teqi’a fasse un troumit et demi. Si la terou’a à laquelle se réfère Maïmonide est semblable à celle qui est en usage au Yémen, chaque troumit est bien plus long que le troumit habituel ; alors, la position de Maïmonide est plus facile à comprendre. Mais selon le Raavad, la valeur de la teqi’a est constante : 9 troumitin.

[14]. Choul’han ‘Aroukh 590, 3 : « Des valeurs rythmiques minimales, c’est ce que l’on appelle troumitin » ; ce sont les valeurs dont se composent la terou’a, comme l’auteur l’indique. Simplement, les sonneurs chevronnés peuvent produire 9 troumitin en une seconde et quart, tandis que les plus lents les jouent en deux secondes et demie environ. Or la teqi’a doit toujours être de longueur équivalente à celle des sonneries intermédiaires ; de même les chevarim doivent être de durée semblable à celle de la terou’a. Quoi qu’il en soit, même pour les sonneurs lents, on est a posteriori quitte, dans la série tachrat, avec un teqi’a de deux secondes et demie. En effet, a posteriori, on est quitte de la terou’a avec 3 troumitin, et des chevarim avec 6 troumitin. Quant aux séries tachat et tarat, on est quitte, a posteriori, avec une teqi’a d’une seconde et demie.

[15]. Tous les types de sonorité sont valides (Roch Hachana 27b ; Choul’han ‘Aroukh 586, 6). Ce principe inclut aussi les cas où, au milieu de la teqi’a, le son se modifie : tant qu’il reste continu, il est valide. Certains auteurs ont inféré des propos du Ritva qu’il était interdit de modifier la sonorité du chofar en cours de route. Tout le propos du Ritva était pourtant de dire qu’il ne faut pas, intentionnellement, émettre une forme de brisure en fin de teqi’a. Cependant, certains apportent à leur sonnerie ce supplément de perfection : ils veillent à ce que le son de la teqi’a ne se brise pas au milieu (Rav Harlap) ; mais si l’on s’en tient à la stricte règle, une telle variation n’invalide pas la sonnerie (c’est l’opinion de tous les décisionnaires, et c’est ce qu’écrit notamment le Rav Chelomo Zalman Auerbach, Halikhot Chelomo II 9). Toutefois, il semble que si le son de la teqi’a s’est véritablement brisé, ou ait varié plusieurs fois de hauteur au point qu’il ait l’apparence de chevarim, il soit juste de reprendre.

Les Yéménites ont coutume, a priori, de produire une sorte de glissando ascendant à la fin de la teqi’a. Si l’on y prête attention, on comprend que, selon eux, cette ascension exprime, dans la teqi’a, le sommet de la joie, et dans la terou’a le sommet de la peine. Il faut dire encore que, selon la coutume yéménite, il faut avoir soin de bien distinguer le teqi’a de la terou’a : le son de la teqi’a doit être très stable, celui de la terou’a vraiment vibrant. Dans le cas où le son varierait au milieu de la teqi’a, le sonneur doit encore avoir soin, suivant la coutume yéménite, qu’elle ne prenne pas l’allure d’une terou’a.

13. Ordonnancement des sonneries et des respirations

A priori, il faut sonner suivant l’ordre fixé par nos sages : trois séries de tachrat, trois de tachat, trois de tarat ; et a posteriori, si l’on a modifié cet ordre, on est quitte. Par exemple, si l’on a exécuté deux tachrat, puis que l’on ait fait les tachat et les tarat, on pourra ajouter à la suite le troisième tachrat (Choul’han ‘Aroukh 590, 9, Michna Beroura 35).

Si l’on s’est trompé dans l’exécution d’une des sonneries, il faut, dans certains cas, revenir à la sonnerie où s’est produite l’erreur, et dans d’autres cas revenir à la première sonnerie de l’unité considérée. Par « unité », nous désignons ici un tachrat, ou un tachat, ou encore un tarat, tandis que nous appelons ici « série » un ensemble de trois unités. Puisque chaque unité existe en propre, celui qui se trompe doit, tout au plus, revenir à la teqi’a par laquelle elle commence ; mais il n’est en aucun cas nécessaire de revenir au début de la série.

Dans toute unité, il faut marquer, entre la première teqi’a et les chevarim ou la terou’a qui lui font suite, un arrêt d’une durée égale à une respiration. De même, il faut marquer un arrêt d’une telle durée entre les chevarim ou la terou’a et la dernière teqi’a. La raison en est que la teqi’a est une expression de joie et de paix, tandis que la terou’a et les chevarim expriment les pleurs et les gémissements, or il ne faut pas unir les deux (Levouch). Si, par erreur, on n’a pas observé cette pause de la durée d’une respiration, certains disent que l’on est quitte, d’autres disent qu’on ne l’est pas. Bien que l’opinion indulgente soit, en l’occurrence, la principale, il est juste, pour les trente premières sonneries, d’être rigoureux, et de reprendre à la première teqi’a de l’unité où l’erreur s’est produite (Choul’han ‘Aroukh 590, 5, Choul’han ‘Aroukh Harav 9)[16].

Les chevarim doivent être enchaînés ; de même la terou’a doit être continue. Si, par confusion, on s’est interrompu, au milieu des chevarim ou de la terou’a, pendant le temps d’une respiration, on n’est pas quitte, car on aura partagé les chevarim ou la terou’a en deux parties qui ne s’associent pas l’une à l’autre. On devra donc recommencer à les sonner (Michna Beroura 590, 16, Cha’ar Hatsioun 14)[17].

Quant à la séquence chevarim-terou’a, que l’on trouve dans la série tachrat, les Richonim sont partagés. Nombre d’entre eux pensent qu’il faut sonner cette séquence d’un seul souffle, puisqu’ils forment une seule et même mitsva. En effet, au sein de la série tachrat, la séquence chevarim-terou’a tient lieu de ce que la Torah nomme terou’a[j] ; aussi est-il interdit de s’interrompre au milieu par une respiration ; et si l’on s’est interrompu ainsi, on n’est pas quitte. Cependant, on marquera entre les deux une interruption minimale, afin de distinguer entre ces deux parties de ce que la Torah nomme terou’a (Rabbi Yits’haq Ibn Ghiat, Roch, Rachba, Ran, Rivach ; Beit Yossef, Michna Beroura 18). D’autres disent qu’il faut, a priori, marquer entre les deux une interruption d’une durée d’une respiration, puisque telle est la façon dont un homme gémit et pleure : il ne le fait pas d’un seul souffle (Rabbénou Tam). Toutefois, si l’on ne s’est pas interrompu, on est quitte a posteriori, selon cette vue même.

Afin d’être quitte selon toutes les opinions, on a coutume, pendant les « sonneries écoutées assis » (teqi’ot dimeyouchav) – par lesquelles on s’acquitte de son obligation – de ne pas marquer d’interruption dont la durée soit d’une respiration, entre chevarim et terou’a. Et pendant les trente sonneries écoutées debout, on a coutume de marquer entre les deux une interruption de la longueur d’une respiration (Choul’han ‘Aroukh 590, 4 ; Cha’ar Hatsioun 18).


[16]. Il est interdit de prolonger le son de la dernière teqi’a d’une unité, dans la mesure de deux teqi’ot, dans le but de s’acquitter également par-là de la première teqi’a de l’unité suivante. Si l’on a fait cette jonction, le son ainsi produit est considéré comme la dernière teqi’a de l’unité précédente ; on devra donc sonner de nouveau pour faire entendre la première teqi’a de l’unité suivante (Maïmonide, Na’hmanide, Rachba, Roch). Certains auteurs sont rigoureux : puisque l’on a eu pour intention qu’un même son vaille pour deux teqi’ot, on ne s’est rendu quitte d’aucune des deux. En effet, chaque teqi’a requiert un commencement et une fin ; or, si l’on analyse l’intention que l’on aura émise, il se trouve que la première teqi’a n’a pas de fin, tandis que la seconde n’a pas de commencement. Et puisque la teqi’a que l’on a ainsi jouée est invalide, c’est toute l’unité précédente que l’on a invalidée, de sorte que l’on doit recommencer au début de ladite unité (Tour, d’après le Talmud de Jérusalem). Mais la halakha est conforme à l’opinion indulgente (Michna Beroura 590, 25 d’après Elya Rabba et le Gaon de Vilna ; selon le Beit Yossef, il est bon de tenir compte de l’opinion rigoureuse).

[17]. Selon la majorité des décisionnaires, Richonim comme A’haronim, si l’on a fait une interruption de la durée d’une respiration au milieu des chevarim ou de la terou’a, on n’est pas quitte, comme l’explique le Cha’ar Hatsioun 590, 14. Toutefois, certains sont indulgents a posteriori (Taz, Maguen Avraham).

[j]. Cf. ci-dessus, § 2.

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