Pniné Halakha

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09. Grama (travail indirect)

Du verset : « Tu ne feras aucun travail » (Ex 20, 9), nos sages apprennent que ce que la Torah interdit, c’est précisément le fait de faire un travail. Mais si le travail se fait de lui-même, quand bien même l’homme en aurait causé (garam) l’accomplissement, ce travail s’appelle grama (« causé, entraîné ») ; la Torah ne l’interdit pas elle-même, et il est permis de l’accomplir pour répondre à une grande nécessité (tsorekh gadol). Par exemple, si un incendie se déclare, il est permis de disposer des récipients remplis d’eau autour du lieu où le feu a pris, de manière que, quand le feu parviendra à leur niveau, les récipients brûleront, se fendront, et que l’eau qu’ils contenaient se répandra, éteignant le feu (Chabbat 120b ; Choul’han ‘Aroukh 334, 22). Il est convenu de dire que la permission de grama ne joue que pour éviter une perte, ou pour les nécessités d’une mitsva, ou encore pour une autre grande nécessité. Mais s’il n’y a pas de grande nécessité, il est interdit de causer l’accomplissement d’un travail le Chabbat (Rama 334, 22).

Certains travaux ont pour particularité de s’accomplir, par nature, de façon indirecte ; par conséquent, les accomplir, même sur ce mode indirect, expose à la sanction. Par exemple, si je vanne du blé, bien que la séparation entre l’épi et la tige se fasse par le vent et que, pour ma part, je ne fasse que l’entraîner, je transgresse un interdit toranique, car c’est de cette façon que s’accomplit ordinairement ce travail (cf. Baba Qama 60a). De même, si je place une casserole sur le feu, bien que je ne fasse qu’entraîner la cuisson de l’aliment par l’effet du feu, je transgresse un interdit toranique, car telle est la manière habituelle de cuire. En d’autres termes, la permission de procéder par grama en certaines circonstances ne vaut que si le travail se fait d’une façon inhabituelle : alors, si ce travail se fait sur le mode de grama, c’est-à-dire sans qu’il y ait intervention directe de l’homme, la Torah ne l’interdit pas, et il est permis d’user de ce procédé pour répondre à une grande nécessité.

On peut poser pour principe que, tant que l’on peut reconnaître que l’acte est directement dérivé de l’intervention humaine, cet acte est considéré comme la propre réalisation de l’homme, et il est interdit par la Torah même. Quand, en revanche, il n’est pas manifeste[j] que l’acte est le produit de l’intervention humaine, mais qu’il paraisse seulement causé par celle-ci, cela relève de la catégorie de grama. Par exemple, quand on ôte une digue et que l’eau, qui a commencé à couler, réalise un travail : si ce dernier se produit à proximité, il sera regardé comme l’effet direct de l’action humaine et appelé koa’h richon (« première force ») ; il sera alors pleinement considéré comme l’œuvre de l’homme. Mais si le travail se réalise en un endroit éloigné, il sera appelé koa’h chéni (« deuxième force »), et considéré comme grama. Dans le même ordre d’idées, si l’ouvrage se fait immédiatement, il est regardé comme l’œuvre directe de l’homme, et la Torah l’interdit. Mais si l’activité humaine a pour conséquence, après coup, qu’un ouvrage se réalise, celui-ci s’appelle grama.  En tout état de cause, si c’est de cette même manière que l’ouvrage s’exécute les jours de semaine – l’acte humain entraînant la réalisation du travail dans un endroit éloigné ou après un délai –, on ne considère plus ce travail comme relevant de grama, mais comme intégralement exécuté par l’homme et interdit à ce titre, puisque tel en est le mode d’exécution normal. Car grama, et c’est un principe intangible, se dit du fait de causer d’une manière inhabituelle l’accomplissement d’un ouvrage[5].


[j]. Nikar : littéralement « reconnaissable », visible, manifeste.

 

[5]. Certains décisionnaires autorisent a priori d’accomplir un travail sur le mode de grama, le Chabbat (Taz 514, 10, Gaon de Vilna 314). Nombreux sont ceux qui ne l’autorisent que pour éviter une perte, ou pour les nécessités d’une mitsva, ou encore pour une autre grande nécessité, ou pour les besoins d’un malade (Rabbénou Yoël, Mordekhi, Rama 334, 22, Maguen Avraham). En ce qui concerne les jours de fête, les décisionnaires sont nombreux à autoriser grama a priori (Maamar Mordekhaï, Cha’ar Hatsioun 514, 31 ; cf. Fêtes et solennités juives, vol. 2, chap. 5 § 5 et note 6 [paru en hébreu sous le titre de Pniné Halakha – Mo’adim, à paraître en français]).

 

La notion de grama est définie au traité Sanhédrin 77b à partir de ce cas [qui n’est pas lié à la question du Chabbat] : celui qui attache son prochain puis ouvre une digue, libérant l’écoulement de l’eau qui provoque la mort du prochain, est passible de sanction. Cela, à condition que l’eau à l’origine de la mort soit de « “première force”, koa’h richon [écoulée à la suite immédiate de l’action de l’homme] ; en revanche, si l’écoulement d’eau à l’origine de la mort était de “seconde force” (koa’h chéni), cela relève de grama. »

 

De même, nous voyons au traité ‘Houlin 16a le cas d’un abatteur rituel, qui ôte une digue afin que l’écoulement d’eau entraîne la rotation d’une roue équipée d’un couteau d’abattage venant trancher la gorge d’une bête placée face à elle. Si l’écoulement d’eau entraînant le mouvement de la roue est la conséquence immédiate de l’acte de l’homme (koa’h richon), l’abattage est cachère, car le retrait de la digue est considéré comme acte d’abattage. Mais si l’écoulement entraînant la rotation de la roue n’est que la conséquence seconde du mouvement humain (koa’h chéni), la bête n’aura été abattue que de façon indirecte ; elle est donc considérée comme névéla (cadavre animal) et interdite à la consommation.

 

Sur Sanhédrin 77b, Rachi explique que ce que l’on appelle koa’h chéni est « quelque peu éloigné ».  Selon le Ramah (Rabbi Méïr Halévi Aboulafia), quand l’eau s’écoule directement, cela s’appelle koa’h richon ; et quand l’eau est retenue dans sa course par un obstacle placé sur son cours, son statut est de koa’h chéni. Dans le même                                                                                                                                                                                                        ordre d’idée, l’eau qui jaillit au début de l’intervention humaine est considérée comme provenant de koa’h richon, tandis que ce qui s’écoule ensuite relève de koa’h chéni.

 

Dans ce même passage de Sanhédrin, on explique encore que, si on lance une pierre en l’air, et que celle-ci retombe droit par terre, on considère que la pierre tombe par l’effet d’une force dérivée (grama), force d’attraction terrestre, et non par la force de celui qui l’avait lancée. En revanche, si elle tombe de côté, c’est par l’effet du lanceur, car bien que la chute soit l’effet de la force d’attraction terrestre, on peut encore percevoir quelque peu, en ce que la chute est latérale, l’intervention humaine.

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