Pniné Halakha

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Chapitre 30 – Zones d’habitation (te’houmin)

01. Généralités sur les zones d’habitation

Le besoin de vagabonder sur les routes et de voyager d’endroit en endroit provient du manque qu’éprouve l’homme, qui ne trouve satisfaction ni subsistance là où il réside, au point de se voir obligé d’errer, et de sortir de son périmètre. Cependant, le propos du Chabbat est que tout le peuple d’Israël se repose de la fatigue et de l’inquiétude, qu’il médite à la perfection intérieure de la création, qu’il exprime sa reconnaissance envers Dieu, qui nous a choisis d’entre tous les peuples et nous a donné sa Torah, et qu’il se délecte en l’Eternel et en sa bonté.

C’est à cette fin que nos sages ont institué la notion de te’houm (secteur, périmètre), zone d’habitation dans laquelle il est permis de se promener durant Chabbat, et au-delà de laquelle il est interdit d’aller. Le te’houm de Chabbat est constitué de l’endroit où l’homme a élu domicile pendant Chabbat, auquel s’ajoutent deux mille ama dans chaque direction. Deux mille ama, ce sont deux mille pas d’un homme moyen, ce qui fait environ 912 mètres[1].

Si un homme passe Chabbat dans les champs, on considère que l’endroit où il est installé pendant Chabbat est de quatre amot sur quatre, mesure équivalente à l’espace que l’on occupe lorsqu’on s’étend sur le sol en déployant les bras et les jambes ; au-delà de cette mesure, il lui sera permis de marcher deux mille ama dans chaque direction[2]. Si l’on passe Chabbat en ville, ou dans un village, tout le périmètre de la ville ou du village est considéré comme un seul et même lieu, et l’on y ajoute deux mille ama au-delà dudit lieu (cf. § 8).

Pour Maïmonide et le Séfer Mitsvot Gadol, le fondement de l’interdit de dépasser le périmètre sabbatique[a] est toranique ; simplement, l’interdit de la Torah porte sur le fait de dépasser de plus de douze milles (24 000 ama) le lieu où l’on est établi pendant Chabbat, ce qui fait près de onze km (10 944 mètres), mesure correspondant à la taille du camp d’Israël dans le désert, ainsi qu’il est dit : « Que chacun demeure où il est, que personne ne sorte de son endroit le septième jour » (Ex 16, 29). Mais selon Na’hmanide, le Roch, le Rachba et la majorité des Richonim, ce verset concerne l’interdit de porter un objet dans le domaine public, tandis que, s’agissant de dépasser le périmètre sabbatique, l’interdit n’est que rabbinique, même au-delà de douze milles[3]

Dans le cas où l’on doit sortir, pendant Chabbat, au-delà du te’houm, afin de se joindre à un repas en l’honneur d’un mariage, ou pour écouter un cours, nos sages ont fixé la procédure suivante : on déposera un ‘érouv te’houmin (« jonction des zones »)[b], grâce à quoi on prolongera son périmètre dans la direction voulue (comme nous le verrons ci-après, § 12-14).

Si l’on sort du périmètre sabbatique, on perd le bénéfice dudit périmètre : il ne reste plus, pour marcher, que quatre amot sur quatre (comme nous le verrons, § 11).


[1]. Selon le Rav ‘Haïm Naeh, qui se fonde lui-même sur Maïmonide (avec lequel s’accordent la presque totalité des décisionnaires), une ama équivaut à 48 cm, si bien que deux mille ama font 960 mètres. Mais selon le ‘Hazon Ich, une ama fait 57,6 cm, et deux mille ama font donc 1152 mètres. Or, il est apparu que la drachme turque, sur laquelle le Rav ‘Haïm Naeh avait basé son estimation de la ama maïmonidienne, était en réalité plus grande que la drachme du temps de Maïmonide. Il faut donc adopter une estimation plus précise, bien que celle-ci aboutisse à une plus grande rigueur. Par ailleurs, la mesure du volume doit correspondre à celle de la longueur. En effet, nos sages ont indiqué que le volume de quarante séa entre dans un parallélépipède d’1 ama sur 1 ama sur 3 amot [amot est le pluriel d’ama, mais il ne s’emploie pas pour de grands nombres, où l’on dit simplement ama ; exemple : 1 ama, 3 amot, mais 2000 ama]. Par conséquent, le Rav Beinish écrit, dans son Séfer Midot Véchi’ouré Torah 5, 24, que, selon Maïmonide, l’ama fait 45,6 cm, et 2000 ama font 912 m. L’ama fait donc, en pratique, environ 45 cm. Cf. Pniné Halakha, Berakhot (Bénédictions) 10, note 11. Nous nous conformerons à ce calcul pour toutes les estimations à suivre. Cf. ci-dessus, chap. 29, note 1.

 

[2]. Selon le Choul’han ‘Aroukh 396, 1, la place occupée par un homme est de 4 x 4 amot, concept que nous rencontrons également dans les règles relatives au port d’objets dans le domaine public ou dans le domaine de karmelit. Selon le Rama, en matière de te’houm, certains décisionnaires estiment qu’il faut en réalité compter 4 amot dans chaque direction, ce qui fait ensemble 8 x 8 amot.

[a]. Ce que l’on appelle « interdit de te’houmin » (issour te’houmin, litt. « interdit des zones »), c’est-à-dire l’interdit de dépasser son te’houm.

 

[3]. Les sages débattent quant au fait de savoir si l’interdit du dépassement de la zone s’applique à une hauteur supérieure à dix téfa’him : peut-être n’y a-t-il à cette hauteur aucun interdit, puisque ce n’est pas un lieu convenant à la marche. En pratique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente, puisque le doute a pour objet une règle rabbinique. Par conséquent, dans les mers, les rivières, pour lesquelles Maïmonide lui-même reconnaît qu’il n’y a pas d’interdit toranique – puisqu’y marcher ne peut se comparer à la marche dans le désert –, si l’on se trouve embarqué au-delà de dix téfa’him par rapport au sol, il n’y a pas d’interdit de te’houmin (‘Erouvin 43a, Choul’han ‘Aroukh 404, 1). Selon le Choul’han ‘Aroukh 248, 2, on mesure les 10 téfa’him depuis la base du bateau jusqu’au fond marin ; pour le Réem, on mesure depuis ses pieds jusqu’au fond marin. Le Choul’han ‘Aroukh Harav et le Michna Beroura 248, 14 écrivent que, en cas de nécessité, on peut être indulgent. Mais sur la terre ferme, dans le cas où l’on se situe au-delà de 10 téfa’him, plusieurs décisionnaires estiment qu’il faut être rigoureux, comme l’est Maïmonide au-delà de 12 milles (Rama 404, 1).

[b]. Le mot érouv est à prendre, dans cette phrase, dans son sens alimentaire : on dépose une certaine quantité de pain à l’approche de l’expiration du périmètre, afin de manifester que l’on est également établi à cet endroit, et de prolonger ainsi le périmètre.

02. Carré du te’houm

Le lieu où l’homme est établi pendant Chabbat, tel que nos sages le déterminent, est un quadrilatère ; de même, le périmètre sabbatique (te’houm Chabbat) est un quadrilatère. Cela signifie que, si un homme passe Chabbat dans les champs, cas dans lequel le « lieu » de l’homme consiste dans ses quatre amot, la mesure dudit lieu ne consiste pas dans un cercle dont le rayon serait de quatre amot ; le « lieu » de l’homme sera un carré de quatre amot de côté, de sorte que l’on gagne les coins. Si l’on passe Chabbat dans un village ou dans une ville, quelque arrondie que puisse être leur forme, on les fait entrer dans un carré ou un rectangle, de manière que l’on gagne les coins (‘Erouvin 53a : Michna).

Après cela, on compte deux mille ama dans chaque direction, et de nouveau l’on crée un carré ou un rectangle, lequel constituera le te’houm, le périmètre sabbatique ; il ressort de cela que, par l’effet de ce nouveau quadrilatère, on gagne une fois encore les coins[4].

 

Cette règle, d’après laquelle on transforme la ville en « carré », nous l’apprenons des territoires que l’on donna aux Lévites à l’extérieur de leurs villes, ainsi qu’il est dit : « Vous compterez, à l’extérieur de la ville, deux mille coudées (ama) du côté de l’orient, deux mille du côté du midi, deux mille du côté de l’occident, deux mille du côté du nord, avec la ville au centre » (Nb 35, 5).

La raison simple pour laquelle on fait de la ville un carré, c’est qu’il est très difficile de mesurer et de tracer un périmètre arrondi, car il serait nécessaire, presque pour chaque point, de mesurer séparément les deux mille ama ; alors que, si l’on veut tracer un périmètre carré, il suffit de faire quatre mesures, correspondant aux quatre points cardinaux, puis de tracer une ligne droite dans chacune des quatre directions, pour délimiter la zone sabbatique.

On peut ajouter à cela une raison spirituelle : l’homme et sa vie se meuvent dans un espace circulaire ; la forme même de ses organes est courbe, et c’est également ainsi que se manifestent ses volontés et pensées. Le cercle fait allusion à l’infini, car il n’a ni commencement ni fin. Aussi est-il difficile à l’homme de réaliser ses aspirations. La solution à cela est de faire entrer les idées, circulaires, infinies, dans un cadre carré, qui aidera l’homme à les réaliser. Telle est la zone sabbatique, destinée à donner un réceptacle à la sainteté du Chabbat et à sa bénédiction, afin qu’elles soient bien intériorisées en nous. C’est la même thématique que l’on trouve dans les villes des Lévites – lesquels sont destinés à révéler la foi dans le monde : elles sont entourées d’un périmètre carré.


[4]. Quand on mesure deux mille ama depuis le village ou la ville, Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh 398, 5 estiment que cette mesure se fait depuis la limite des maisons de la ville ou du village, ou encore depuis la limite de l’érouv (comme le pense la communauté des sages – ‘Hakhamim – au traité ‘Erouvin 57a). Selon le Roch et le Rama, cependant, on ajoute à la ville un qarpef (litt. un « enclos »), c’est-à-dire une place suffisante à ménager des cours en avant des maisons, dont la mesure est de soixante-dix ama et deux tiers (environ 32 mètres), et dont le statut est identique à celui de la ville elle-même. C’est de là que l’on compte deux mille ama (comme le pense Rabbi Méïr, ibid. Cf. Michna Beroura 398, 21, Béour Halakha ד »ה וכן). (Cf. ci-après, § 8, où il est dit que, dans le cas de deux villes voisines, le Choul’han ‘Aroukh lui-même admet que l’on ajoute un qarpef.)

03. Le périmètre sabbatique est particulier à chaque personne

Le te’houm sabbatique est particulier à chaque personne en fonction du lieu où il s’établit pour Chabbat. Si deux personnes habitent dans les champs, et que leurs maisons soient éloignées l’une de l’autre de mille ama, chacun aura son propre périmètre sabbatique, dont une partie sera superposée à celui de son prochain, et une partie sera distincte.

Les lois du périmètre sabbatique s’appliquent également aux animaux et aux biens de l’homme, qu’il soit Juif ou non. Par conséquent, si un homme marche, avec son talith, jusqu’à l’extrémité de son périmètre, et que son ami, dont le périmètre est différent, veuille lui emprunter ce talith, il sera interdit au second de marcher, avec ce talith, au-delà du périmètre sabbatique du premier, propriétaire du talith (Choul’han ‘Aroukh 397, 3).

Si l’un et l’autre sont solidairement propriétaires du même talith, ils ne peuvent marcher, avec ce talith, qu’à l’intérieur du périmètre sabbatique qui leur est commun (Choul’han ‘Aroukh 393, 9).

04. Elire domicile dans la ville, élire domicile en dehors de la ville

Si l’on s’établit pour Chabbat dans une ville, ou dans un village, qu’il y habite des Juifs ou des non-Juifs, tout le territoire habité continument est considéré comme un seul et même lieu, et l’on compte deux mille ama à l’extérieur de l’agglomération. Même s’il y a un espacement entre les maisons, dès lors qu’elles sont entourées d’une clôture ou d’un érouv, tout le territoire entouré est considéré comme un seul et même lieu, et l’on mesure deux mille ama au-delà de ce lieu (comme nous le verrons ci-après, § 8).

Simplement, tout cela ne vaut que si je passe le Chabbat à l’intérieur de la ville, ou à l’intérieur du carré dans lequel elle s’inscrit. Mais si je passe le Chabbat dans la campagne qui est à proximité de la ville, je ne dispose que de deux mille ama dans chaque direction[c], et si ces deux mille ama se terminent au milieu de la ville, c’est là que s’achèvera mon périmètre sabbatique, et l’on ne dira pas que toute la ville est, à mon égard, comparable à mes quatre amot[5].


[c]. Au-delà de mes quatre amot personnelles. 

[5]. Mais si toute la ville (ou tout le village) s’inscrit dans mes deux mille ama, alors c’est toute la ville qui sera considérée comme « quatre coudées », et l’on comptera également les deux mille ama au-delà de la ville (Choul’han ‘Aroukh 408, 1), comme la figure suivante le montre :

05. Manière de mesurer, à l’époque talmudique et de nos jours

Nos sages ont fixé des règles quant à la façon de mesurer le périmètre sabbatique, d’une manière qui soit aussi proche que possible de la mesure exacte. Ils disent : « On ne mesure qu’au moyen d’une corde de cinquante coudées, ni plus, ni moins » (‘Erouvin 57b). En effet, si l’on faisait la mesure avec une corde plus longue, il serait difficile de la tendre, en raison de son poids, si bien que la mesure serait réduite ; et si l’on mesurait au moyen d’une corde plus petite, il serait à craindre qu’on ne la tende davantage, d’où il suivrait que la mesure serait agrandie. Les sages disent encore qu’il faut tenir la corde à hauteur de poitrine, car, si l’un des mesureurs tenait la corde à hauteur de la tête, et l’autre à hauteur des jambes, la mesure en serait réduite (Choul’han ‘Aroukh 399, 1-3). Ils précisent également que, si l’on arrive à une vallée, les deux mesureurs devront se tenir des deux côtés de la vallée, et la mesurer en ligne « aérienne ». S’il y a une colline, on élèvera des pylônes assez hauts pour pouvoir tendre la corde au-dessus de la colline. Si la vallée ou la colline est large de plus de cinquante ama, excédant la capacité d’une corde d’une telle longueur, on la mesurera avec une corde de quatre amot, comme suit : celui qui se trouve en haut la tiendra au niveau de ses jambes, et celui qui est en bas la tiendra au niveau de la poitrine. Si la pente est plus abrupte, au point qu’il soit difficile de prendre la mesure de cette manière, on l’évaluera approximativement. S’il y a là un rocher dont la largeur soit inférieure à quatre amot, on n’en tient pas du tout compte (‘Erouvin 58a-b, Choul’han ‘Aroukh 399, 4-5).

Nos sages précisent encore qu’en cette matière, on ne se fie qu’à la mesure prise par un « spécialiste », c’est-à-dire celui qui sait bien effectuer ces calculs. Si deux « spécialistes » ont mesuré le périmètre et ont obtenu des résultats différents, on suit celui qui a obtenu la mesure la plus grande, car les règles des périmètres sabbatiques sont rabbiniques, et en cette matière la halakha est conforme à l’opinion indulgente (‘Erouvin 58b-59a, Choul’han ‘Aroukh 399, 7-9). Si l’on se trouve en un endroit où l’on n’a pas mesuré le te’houm sabbatique, et que l’on ait besoin de marcher pour les nécessités d’une mitsva, on fera deux mille pas moyens, car cela correspond à peu près à la mesure de deux mille ama (‘Erouvin 42a, Choul’han ‘Aroukh 397, 2, Michna Beroura 5).

De nos jours, il est préférable de fixer le périmètre sabbatique sur la base de cartes établies d’après des photos aériennes, ou à l’aide d’appareils de mesure par satellite, moyens par lesquels on peut mesurer des distances de façon très précise. Il n’y a pas lieu de dire que les mesures doivent précisément être prises de la manière que les sages avaient décidée, car tout le propos des sages était de se rapprocher de la mesure la plus précise, grâce aux instruments dont ils disposaient, sans causer trop de dérangement aux mesureurs. Mais de nos jours, où nous disposons de modes de mesure plus précis, et plus commodes, nous devons réaliser les mesures de cette façon.

06. Orientation du monde et quadrature de la ville

Comme nous l’avons vu (§ 2), on inscrit dans un carré le lieu où l’homme s’installe pour y passer le Chabbat : si l’on passe Chabbat dans les champs, on considère ses propres quatre amot sur quatre ; et si l’on passe Chabbat en ville, on inscrit la ville à l’intérieur d’un carré (ou d’un rectangle). C’est à partir de ce quadrilatère que l’on mesure deux mille ama dans chaque direction.

Il faut ajouter à présent que, lorsqu’on inscrit une ville, ou un village, dans un carré (ou autre rectangle), il faut orienter ce carré selon les points cardinaux (Choul’han ‘Aroukh 398, 3)[6]. Toutefois, si le village s’inscrit naturellement dans un carré orienté autrement que selon les points cardinaux, il faudra tracer ce carré suivant cette orientation naturelle (Choul’han ‘Aroukh 398, 1).

Exemples d’inscriptions dans un carré, conformément à l’orientation du monde (c’est-à-dire selon les points cardinaux) :

Exemples de cas dans lesquels il est admis d’inscrire une ville dans un carré dont l’orientation ne soit pas celle du monde :

Lorsqu’une ville possède une inclinaison générale s’inscrivant dans un carré, mais que ce carré a une orientation différente de celle du monde, les décisionnaires sont partagés sur la manière de dessiner le carré. Certains pensent que c’est seulement dans le cas où l’on est obligé de ne pas se baser sur l’orientation du monde qu’il sera permis de se baser sur la carrure de la ville (Choul’han ‘Aroukh Harav 398, 3, ‘Hayé Adam 76, 14). Selon la majorité des décisionnaires, dès lors qu’il existe une inclinaison claire dans un sens déterminé, on suit cette inclinaison, bien qu’elle ne soit pas conforme à l’orientation du monde (cf. note 7). En tout cas de doute, c’est au rabbinat local de trancher.

Exemples de cas intermédiaires, dans lesquels il existe une inclinaison claire dans un sens autre que celui des points cardinaux, soit parce qu’un côté est droit, tout au long de la ville (fig. 1 ci-dessous), soit parce que la ville possède un angle droit (fig. 2 ; dans ce cas, on se base sur l’angle droit, et non d’après les points cardinaux)[7]:

Il faut encore savoir que celui qui passe le Chabbat dans les champs, et dont le « lieu » personnel est un carré de quatre amot sur quatre, est autorisé à choisir librement l’orientation du carré. En fonction de l’orientation qu’il se sera choisie, sera également déterminée l’orientation du carré que constituera le périmètre sabbatique (cf. ci-après, § 12).


[6]. Les habitants ne peuvent décider – afin de pouvoir gagner les angles dans la direction où ils souhaitent marcher –, d’inscrire leur ville dans un carré orienté autrement que selon l’orientation générale du monde. Car la règle veut que l’on inscrive le lieu dans un carré orienté conformément aux points cardinaux, comme il est dit au sujet de la quadrature des villes de refuge : « Vous compterez, en dehors de la ville, deux mille coudées du côté oriental, deux mille du côté du midi, deux mille du côté occidental, et deux mille du côté du nord, la ville étant au milieu » (Nb 35, 5) – on se fonde donc sur les points cardinaux. C’est ce que laissent entendre Maïmonide (28, 7) et le Choul’han ‘Aroukh (398, 3), et ce qu’écrivent le Michna Beroura 398, 7 et le ‘Hazon Ich 110, 23.

Toutefois, certains estiment que les habitants sont autorisés à décider d’inscrire leur ville dans un carré orienté autrement, et que le particulier devra se conformer à la décision collective (Rabbénou Yehonatan, ‘Erouvin 16a ד »ה אם, Pericha 398, 1, Markévet Hamichna sur Maïmonide, Hilkhot Chabbat 27, 2, Noda’ Biyehouda, deuxième édition, Ora’h ‘Haïm 51).

[7]. Fig. 1 : la ville possède un côté droit, sur toute sa longueur. Or nos maîtres apprennent du cas d’une ville en forme d’arc que, dans un cas semblable, c’est à partir de la corde que l’on inscrit la ville dans un carré (Méïri 55, 1) ; c’est aussi dans ce sens que s’exprime le ‘Hazon Ich, Ora’h ‘Haïm 80 et 110.

 

Fig. 2 : pour la majorité des Richonim et des A’haronim, on tient compte de l’angle pour tracer le carré dans lequel s’inscrira la ville (c’est l’avis du Rachba, du Ran, du Ritva et du Méïri pour ce qui concerne une ville bâtie en angle droit). Certains auteurs estiment que, aussi bien dans le cas de la figure 1 que de la figure 2, il faut que le carré soit orienté selon les points cardinaux (Choul’han ‘Aroukh Harav 398, 3, ‘Hayé Adam 76, 14). D’autres encore pensent que, dans tous les cas douteux, il faut choisir celui des carrés qui ajoutera le moins possible de terrain à la ville (‘Hazon Ich 110, 23). La halakha suit cependant le premier avis, qui est celui de la majorité des décisionnaires – comme le montrent les dessins ci-dessus. Toutefois, quand l’angle n’est pas net, le rabbinat local peut décider de s’appuyer sur ceux des décisionnaires qui estiment qu’il faut tracer le carré conformément aux points cardinaux.

07. Dans quels cas on n’inscrit pas la ville dans un carré

Comme nous l’avons vu, on inscrit la ville dans un carré (ou autre rectangle), grâce à quoi l’on gagne les coins. Cependant, nos sages enseignent que, dans certains cas, il est impossible de tracer une quelconque ligne droite, qui permettrait de définir un carré dans lequel toute la ville pourrait s’inscrire. C’est le cas lorsque la ville est enclavée par une trop grande superficie de terrain non habité, par exemple lorsque la ville est bâtie en forme d’arc, ou d’équerre (à la manière de la lettre grecque gamma : Γ). Le principe est le suivant : quand quatre mille ama séparent deux côtés de l’enclave, on n’inscrit pas la ville dans un carré pour en compter le périmètre.

Terrain enclavé dans une ville bâtie en angle droit :

Terrain enclavé dans une ville bâtie en arc[8] :

[8]. Certes, pour Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh 398, 4, on compte deux mille ama depuis l’entrée des maisons, de manière que le périmètre sabbatique s’arrondit. Mais selon Tossephot (55b ד »ה ואם לאו), le Roch, la majorité des Richonim et le Rama, on trace une ligne droite à l’endroit où l’amplitude de l’arc est inférieure à quatre mille ama. La halakha est conforme à la majorité des décisionnaires, d’autant plus que les règles du périmètre sabbatique sont de rang rabbinique, cas dans lequel la halakha suit l’opinion indulgente. Il est vrai que le Tour est plus indulgent encore, mais les autres décisionnaires ne l’ont pas suivi à cet égard, comme l’écrit le Béour Halakha ד »ה וי »א. Il subsiste cependant un doute quant à la manière de mesurer la partie où l’arc s’élargit, atteignant une amplitude de quatre mille ama et au-delà. On peut simplement adopter, en cela, la méthode de Maïmonide et du Choul’han ‘Aroukh, qui veut que le périmètre s’arrondisse. C’est la position du ‘Hazon Ich (Ora’h ‘Haïm 110, 10). Cf. Har’havot.

08. Jonction de villes

Tant que les maisons de la ville se présentent de façon ininterrompue, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas éloignées l’une de l’autre de plus d’un qarpef (un « enclos »), mesure comparable à celle d’une grande cour, ce qui représente environ 32 mètres, elles sont considérées comme contiguës. Si elles sont séparées d’une mesure supérieure à celle-là, les maisons ne s’adjoignent pas les unes aux autres, et chacune aura son propre périmètre[9].

Si les maisons de la ville sont contiguës, comme on vient de le décrire, mais qu’une des maisons sort du rang : tant que cette maison n’est pas éloignée de plus de 32 mètres de la maison la plus proche, elle grandit le périmètre du carré (ou du rectangle). De même, si, après cette maison isolée, se trouve une autre maison, puis une autre, même si tout ce territoire représente plusieurs journées de marche : tant que ces maisons ne sont pas éloignées de plus de 32 mètres l’une de l’autre, on étire le périmètre rectangulaire afin de les y inclure elles aussi. Par contre, si une maison est éloignée de plus de 32 mètres, on ne l’inclut pas dans le rectangle.

Quand deux quartiers sont proches l’un de l’autre : si la distance entre eux est supérieure à la mesure de deux cours, c’est-à-dire supérieure à 64 mètres, chaque quartier doit être regardé comme un bourg indépendant, que l’on inscrit dans son propre carré, séparément l’un de l’autre ; à partir du carré propre à chaque bourg, on compte deux mille ama dans chaque direction. Si la distance séparant les deux quartiers ne dépasse pas la taille de deux cours, soit environ 64 mètres, les deux quartiers sont considérés comme un même lieu : on les inscrit dans le même carré. Pour qu’un groupe de maisons soit considéré comme un quartier, il faut qu’il y habite au moins cinquante personnes (‘Erouvin 60a. S’il n’y a pas cinquante personnes, mais qu’il y ait trois cours, réunissant chacune deux maisons, ou qu’il y ait même six maisons, chacune dotée d’une cour, on considérera l’endroit comme un quartier ; Michna Beroura 398, 38, ‘Hazon Ich, Ora’h ‘Haïm 110, 19).

Si le lieu est entouré d’une muraille ou d’un érouv, toutes les maisons et quartiers qui se trouvent à l’intérieur sont considérés comme un seul et même lieu, bien que la muraille ou l’érouv soit éloigné des dernières maisons de plus d’un qarpef, et bien qu’il y ait parfois une grande distance entre maisons ou quartiers.


[9]. La mesure d’un qarpef est de 70 ama et 4 téfa’him, ce qui représente, en mètres, suivant l’évaluation corrigée : 32,224 m (cf. note 1) ; la mesure double de qarpef est de 64,448 m. Toutefois, pour alléger la lecture, nous écrirons dans le corps de texte que la mesure d’un qarpef est de 32 m, et que la mesure double d’un qarpef est de 64 m.

09. Inclusion des rectangles

Lorsque le rectangle (ou carré) d’un village se superpose à celui d’un autre village – et quoiqu’il n’y ait pas d’érouv pour les assembler –, les rectangles, parce qu’ils s’interpénètrent, joignent les villages l’un à l’autre, leur composant un nouveau rectangle, qui inclut les deux rectangles initiaux en un seul. Il sera donc permis aux habitants des deux villages de marcher deux mille ama à l’extérieur de ce rectangle commun.

S’il y a, entre les coins des deux rectangles, plus de quatre mille ama, on n’inscrit pas l’ensemble dans un rectangle (comme nous l’avons vu au § 7), mais on compte deux mille ama dans chaque direction à partir de chaque coin.

10. Statut des grandes villes

Quand une route passe par une ville, que cette route est large de plus de 64 mètres et qu’elle traverse toute la ville, on considère qu’elle partage celle-ci en deux parties, et qu’il faut donc calculer le périmètre sabbatique de chacune de ces deux parties séparément. De même, les territoires ouverts, tels que les jardins d’agrément et les parcs, quand ils sont larges de plus 64 mètres et qu’ils traversent toute la ville, partagent celle-ci en deux blocs, et il faut calculer le périmètre sabbatique de chacun séparément.

De prime abord, d’après cela, l’autoroute 20 (autoroute Ayalon) devrait partager Tel Aviv en deux villes ; mais puisqu’un érouv entoure tout Tel Aviv et les villes limitrophes, ledit érouv joint toutes ces parties ensemble. De plus, dans le cas même où une large route coupe la ville en deux, si les rectangles dans lesquels s’inscrivent les deux parties qui sont de part et d’autre de la route s’interpénètrent, ils deviennent un seul et même domaine : on les inscrit donc dans un unique rectangle commun, comme nous l’expliquions ci-dessus. En outre, il y a lieu de dire que ces routes sont destinées à l’usage de tous les habitants de la ville ; de même, les lieux ouverts qui sont à l’intérieur de la ville, tels que les jardins publics, sont prévus pour l’usage de tous ses habitants. Aussi peut-on avancer qu’il faut les considérer comme partie intégrante de la ville, et qu’ils ne partagent pas celle-ci.


Certains auteurs, toutefois, sont d’un autre avis, et estiment que l’érouv, l’intégration des rectangles et l’usage de tous les habitants n’ont pas pour effet d’assembler les deux blocs qui sont de part et d’autre de la route ou du jardin, quand ces derniers traversent la ville sur toute sa longueur. Mais l’opinion principale est ici celle des décisionnaires indulgents. Toutefois, il est recommandé d’être rigoureux sur un point : dans le cas où l’on traverse la large route, on ne s’éloignera pas d’elle de plus de douze milles. En effet, certains auteurs pensent que, au-delà de douze milles, l’interdit est toranique (cf. ci-dessus, § 1)[10].


[10]. Nous l’avons vu, quand deux villes sont séparées par 64 mètres (chené ‘ibourim, littéralement : mesure de « deux faubourgs »), on ne considère pas qu’elles s’assemblent (Choul’han ‘Aroukh 398, 7). De même, le Rama (ad loc.) écrit que, si la ville est percée, sur toute sa longueur, par une voie de cette taille, on la considère comme partagée en deux villes. De même, si un jardin d’une largeur de 64 mètres traverse toute la ville, les deux parties seront considérées comme deux villes. Le Rav Buchwald, dans son ouvrage Qiryat Ariel, écrit, d’après les enseignements du Rav Yossef Chalom Elyachiv, que l’autoroute Ayalon, la route Namir, du nord au fleuve Yarkon, ainsi que le Yarkon lui-même, sont chacun larges comme deux faubourgs, et partagent donc Tel Aviv en cinq villes.

Cependant, il semble qu’à différents points de vue, ces routes, ainsi que le Yarkon, ne partagent pas la ville. Premièrement, l’érouv, qui entoure toutes ces parties, les associe en une ville unique. En effet, quand nos sages disent qu’une ville traversée par une voie d’une certaine largeur se divise, ils visent le cas où la muraille qui l’entoure, elle aussi, est pénétrée par une brèche. Mais si la ville est entièrement entourée d’une cloison, on la considère comme unifiée. On peut avancer que, même dans le cas où l’érouv est déchiré, et qu’en pratique il est interdit de porter, la ville reste unifiée tant que l’érouv existe. C’est l’opinion du Or’hot Chabbat 28, note 163, au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach, qui fonde sa position sur le cas des sacrifices « mineurs » (qodachim qalim) : dans ce dernier cas, une cloison dont la partie pleine est majoritaire par rapport à la partie ébréchée suffit à maintenir la validité desdits sacrifices (Tossephot sur Baba Metsia 53b).

 

Si la voie qui traverse la ville n’est pas droite, il apparaît que les rectangles des deux parties s’interpénètrent, unifiant la ville, même s’il n’y a pas d’érouv. C’est la position du Tiqoun ‘Erouvin (5, 39 et note 156). Selon le Ma’hazé Avraham, Ora’h ‘Haïm 70, même si les rectangles ne se touchent pas l’un l’autre, mais que la distance qui les sépare est inférieure à la mesure de « deux faubourgs », on considère qu’ils s’assemblent.

 

Il y a un autre motif d’indulgence : quand les sages ont dit que « deux faubourgs » font l’équivalent de 64 m, il faut prendre en compte la fréquentation ordinaire, à leur époque, d’une voie d’une telle largeur ; en comparaison, lorsque l’usage est plus intense, il y a lieu de considérer tout l’espace dont les habitants se servent effectivement comme l’extension même de la ville. C’est ce que l’on peut apprendre du cas d’une ville sise près d’un fleuve : s’il s’y trouve une avancée large de quatre amot, tout le fleuve est considéré comme partie intégrante de la ville, et l’on mesure le te’houm de la ville depuis la rive opposée ; ce qui laisse entendre que l’on suit la même règle lorsque la largeur est supérieure à 64 m. Le Michna Beroura 398, 46, au nom du Ritva (61, 1, ד »ה ור »ח), écrit que, puisque « ce fleuve borde toute la ville et que tous les habitants ont vocation à l’utiliser, et quoiqu’il soit impropre à servir d’habitation, on l’annexe à la ville. »

 

Il faut ajouter le raisonnement du Maguen Avraham 398, 13, qui se demande s’il ne faudrait pas tirer du statut du fleuve une règle permettant d’adjoindre tout endroit qu’utilisent les habitants. Si c’est le cas, les routes urbaines, même très larges, devraient être considérées comme partie de la ville, puisqu’elles sont à la disposition des habitants. Même chose pour les jardins publics. Le Rav Bleicher, dans son ouvrage Te’houm Chabbat Oumdidato, p. 24, s’exprime dans le même sens.  Toutefois, ce n’est pas d’après l’appartenance à la municipalité qu’il faut considérer deux blocs comme une seule et même ville, mais d’après sa configuration physique, et les règles halakhiques qui s’y appliquent (Rama 398, 7).

 

En pratique, puisqu’on est là dans le champ de la norme rabbinique, on peut être indulgent, aussi bien en se fondant sur la présence de l’érouv que sur l’intégration des rectangles en un même ensemble, chacun de ces motifs étant suffisant à lui seul ; à plus forte raison lorsque les deux motifs sont réunis. Même au-delà de douze milles, cas dans lequel une partie des Richonim estiment que l’interdit de sortir du périmètre est toranique, on peut être indulgent en se fondant sur les susdites raisons. Mais s’il n’y a pas à cela une grande nécessité, il est recommandé de tenir compte de l’opinion rigoureuse.