Chabbat

04. Honorer le Chabbat par ses vêtements

C’est une mitsva que de faire honneur au Chabbat, comme il est dit : « Tu appelleras le Chabbat “délice”, le jour saint de l’Eternel “honoré” » (Is 58, 13). Parmi les éléments qui concourent à l’honneur du Chabbat, il y a le fait de ne pas être habillé, ce jour-là, comme en semaine (Chabbat 113a) ; les vêtements de Chabbat seront plus beaux, et devront être propres. Les décisionnaires ont écrit au nom de Rabbi Isaac Louria, de mémoire bénie, qu’il est bon de ne rien porter, le Chabbat, de ce que l’on a porté durant les jours profanes (Maguen Avraham 262, 2). En d’autres termes, que les vêtements soient spécifiques au Chabbat et aux fêtes, et que l’on change de sous-vêtements à l’approche de Chabbat, pour des sous-vêtements propres et lessivés. Certains sont rigoureux et achètent même des souliers particuliers pour Chabbat (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, note 206). Même si l’on se trouve seul pendant Chabbat, c’est une mitsva que d’honorer ce jour par de beaux vêtements, car ces vêtements ne sont pas portés pour faire honneur à ceux qui nous voient, mais pour faire honneur au Chabbat (Michna Beroura 262, 6).

Si l’on se trouve, par l’effet des circonstances, en un endroit où l’on ne dispose pas de vêtements spécifiques pour Chabbat, ou si l’on est un pauvre qui ne dispose que d’un seul habit, on s’efforcera d’embellir son habit autant que possible à l’approche du saint jour. C’est ainsi que le Talmud de Jérusalem raconte : un jour, Rabbi Simlaï fit un exposé public, dans lequel il dit que chacun devait disposer de deux vêtements, l’un pour les jours de semaine, l’autre pour le Chabbat. Les élèves pleurèrent devant lui et lui dirent : « Nous sommes pauvres, et nous n’avons qu’un habit. » Il leur répondit : « Malgré tout, vous devez embellir votre habit à l’approche de Chabbat » (Péa 8, 7). De même, les soldats doivent porter durant Chabbat un uniforme de catégorie alephc ; faute d’autre possibilité, ils arrangeront et nettoieront leurs vêtements comme il leur sera possible.

L’un des dix règlements que prit Ezra le scribe prescrit de laver son linge le jeudi (Baba Qama 82a). Cette disposition a deux objets : 1) on ne doit pas porter, le Chabbat, de vêtements qui ne soient propres ; c’est pourquoi Ezra a ordonné de nettoyer son linge en l’honneur de Chabbat ; 2) dans la mesure où la lessive était un travail pénible, Ezra a prescrit de la faire le jeudi, afin que le vendredi restât disponible pour y préparer les plats de Chabbat et la maison. Cependant, de nos jours, où la lessive est faite par une machine, il est permis de faire de la lessive le vendredi, car cela n’entraîne pas de grande fatigue ni ne gêne les préparatifs de Chabbat. Toutefois, en ce qui concerne les vêtements de Chabbat eux-mêmes, il est bon de les laver dès le jeudi, conformément au règlement d’Ezra.

En règle générale, on peut apprendre de la décision d’Ezra qu’il faut prendre soin de ne pas transformer le vendredi en journée chargée de travaux pénibles et de tracas, mais de garder ce jour relativement libre, afin de pouvoir se préparer au Chabbat dans la sérénité et le calme (comme nous l’avons vu au paragraphe 2).


[4]. Catégorie « A » : uniforme ordinaire, soigné, que l’on porte quand on rentre chez soi. On n’exige pas, le Chabbat, un uniforme de cérémonie. En revanche, on veut éviter la catégorie beit (« B »), réservée aux classes, à l’entraînement et aux opérations de terrain.

05. Honorer le Chabbat par la préparation du corps et de la maison

De même qu’il faut, à l’approche de Chabbat, préparer des vêtements beaux et propres, de même faut-il se préparer corporellement, et cela aussi fait partie de la mitsva d’honorer le Chabbat. Aussi nos maîtres ont-ils enseigné qu’il est obligatoire de se laver à l’approche de Chabbat. La toilette doit se faire à l’eau chaude, car cela nettoie bien le corps ; tandis que, si l’on se lave à l’eau froide ou tiède, on n’aura pas accompli la mitsva (Choul’han ‘Aroukh 260, 1). Autrefois, quand il était difficile d’apporter de l’eau pour se laver, la mitsva consistait à se laver le visage, les mains et les pieds, et à se shampooiner la tête, tandis que ceux qui apportaient à leur pratique un supplément de perfection se lavaient tous le corps à l’eau chaude. Mais de nos jours où nous disposons de douches et de cumulus (chauffe-eau électriques), la mitsva consiste à se laver tout le corps à l’eau chaude. Puisqu’on a l’habitude de se laver tout le corps quand on s’apprête à une sortie en société, à plus forte raison faut-il se laver de la façon la plus parfaite quand on se dispose à rencontrer la reine Chabbat.

Il ne faut pas se laver trop peu de temps avant le Chabbat, afin de ne pas en venir à le profaner en allumant la lumière et le cumulus : on perdrait d’un côté ce que l’on aurait gagné de l’autre.

Si l’on a besoin de se faire couper les cheveux, c’est une mitsva que de le faire le vendredi, à l’approche de Chabbat. Si l’on a l’habitude de se raser, on devra le faire à l’approche de Chabbat. De même, c’est une mitsva que de se couper les ongles en l’honneur du Chabbat. Il est préférable de se raser et de se couper les ongles la veille de Chabbat après le milieu du jour (‘hatsot hayom), car alors il est plus manifeste que l’on se livre à des préparatifs de Chabbat ; mais le vendredi avant le milieu du jour est aussi un bon moment pour les préparatifs. Si l’on sait que l’on sera affairé le vendredi, on se coupera les cheveux et les ongles le jeudi (Choul’han ‘Aroukh 260, 1 ; ‘Aroukh Hachoul’han 260, 6).

Il faut également préparer la maison en l’honneur du Chabbat : la nettoyer, dresser la table, en y mettant une belle nappe, disposer les chaises autour. Il faut aussi veiller avec soin, tout au long du Chabbat, même entre les repas, à ce que la maison et la table soient ordonnées comme il convient (Choul’han ‘Aroukh 262, 1). De même, il convient de dresser la table du Chabbat, avant chacun des repas, avec de jolies assiettes, de jolis couverts, de beaux verres.

En général, les gens pensent que la sainteté se manifeste uniquement dans les choses de l’esprit, telles que l’étude et la prière, tandis que les besoins du corps, comme la nourriture, le sommeil, les soins de beauté ou l’entretien corporel, seraient opposés à l’élévation spirituelle et la contrarieraient. Aux yeux de certains, il serait préférable de mortifier son corps, puisque c’est dans le corps qu’est la racine du penchant au mal. Or voici que vient le Chabbat, qui nous apprend qu’il est possible de sanctifier aussi la matérialité. La sainteté peut se révéler aussi par une nourriture délectable, de beaux vêtements et une maison ordonnée. Mieux : la perfection vient précisément quand la sainteté se dévoile dans toutes les composantes de la réalité, la spirituelle et la matérielle. Aussi nous saluons-nous par les mots Chabbat chalom (Chabbat de paix), car le Chabbat établit la paix entre l’esprit et la matière ; et ainsi s’établit la paix entre l’homme et sa femme, entre l’homme et son prochain (cf. ci-dessus chap. 1 § 16).

C’est à ce propos que nos sages disent : « Deux anges de service accompagnent l’homme le soir de Chabbat, de la synagogue à chez lui ; l’un est bon, l’autre mauvais. Quand, de retour chez lui, l’homme trouve les lampes allumées, la table dressée, son lit fait, le bon ange dit : “Que telle soit la volonté divine qu’il en soit ainsi le prochain Chabbat.” Et le mauvais ange répond, malgré lui, amen. Dans le cas contraire, le mauvais ange dit : “Que telle soit la volonté divine qu’il en soit ainsi le prochain Chabbat.” Et le bon ange répond, malgré lui, amen » (Chabbat 119b). Le Chabbat, il est possible de révéler avec perfection les valeurs de la sainteté, dans l’esprit et dans la matière tout ensemble. Aussi, quand la maison et la table sont préparées comme il convient, le mauvais ange lui-même est contraint de répondre amen.

Toutefois, même quand la maison et la table n’ont pas été correctement ordonnés, quand les plats du Chabbat sont abîmés, il faut prendre grand soin de ne pas se mettre en colère ni de se disputer, car c’est un honneur dû au Chabbat que les membres de la famille soient en paix les uns avec les autres. Comme il est dit : « Mieux vaut un plat de légume là où règne l’amour qu’un bœuf engraissé où règne la haine » (Pr 15, 17) ; « Mieux vaut du pain sec, dans la tranquillité, qu’une maison remplie de viandes de querelle » (ibid. 17, 1). L’auteur du Séfer ‘Hassidim (863) commente :

« Mieux vaut un plat de légume » – le Chabbat ; « là où règne l’amour » – entre l’homme et son épouse, ainsi qu’avec les autres membres de sa famille ; « qu’un bœuf engraissé où règne la haine » : que l’homme ne dise pas : “J’achèterai de délicieux mets sabbatiques”, alors qu’il sait qu’il se disputera avec sa femme, ou son père et sa mère, ou quelque autre membre de la famille… C’est à ce propos qu’il est dit : « Tu l’honoreras » – on honorera le Chabbat en ne s’y disputant point.

06. La mitsva de participer aux préparatifs de Chabbat

    Il est dit : « Le sixième jour, ils prépareront ce qu’ils auront apporté » (Ex 16, 5). De là, nous apprenons que c’est une mitsva que de préparer, le vendredi, le nécessaire du Chabbat. Or même un homme riche et honoré, qui a des serviteurs pour lui préparer tout ce dont il a besoin, et qui, dans la semaine, « ne remue pas le petit doigt » chez lui, doit s’efforcer de faire quelque chose par lui-même en l’honneur du Chabbat. Il ne dira pas : « Comment pourrais-je me fatiguer à des travaux ordinaires, et porter ainsi atteinte à mon honneur ? » Qu’il sache que c’est précisément son honneur que de se préparer au saint Chabbat et de l’honorer. Même celui qui est assidu à l’étude de la Torah, et dont le Chabbat est préparé par d’autres, a l’obligation de participer personnellement à quelque préparatif, à l’approche de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 250, 1 ; Rama 251, 2).

Le Talmud raconte que les grands maîtres d’Israël, les plus hautes figures de toutes les générations, participaient personnellement aux préparatifs du Chabbat : Rava salait les poissons ; Rav ‘Hisda coupait finement les légumes ; Rabba et Rav Yossef fendaient du bois pour alimenter le feu du fourneau ; Rabbi Abahou et Rabbi Zeira allumaient le feu pour les besoins de la cuisine ; Rav Houna et Rav Papa préparaient les lumières de Chabbat ; et Rav Na’hman nettoyait la maison, installait les meubles nécessaires au Chabbat et rangeait les meubles dont il n’avait l’usage qu’en semaine (Chabbat 119a).

Ce n’est pas le lieu de rapporter en détail quelle était la stature de chacun des grands maîtres d’Israël que nous venons de mentionner. Signalons simplement qu’il s’agissait de personnalités on ne peut plus éminentes, qui n’avaient pas leur pareil en leurs générations. C’étaient de grands sages de la Torah et des chefs du peuple. Rabba et Rav Yossef, par exemple, assumaient la charge de directeurs spirituels (roch yéchiva, plur. raché yéchivot), des deux principales académies de Babylonie ; en ces temps, les directeurs spirituels des deux grandes yéchivot babyloniennes qu’étaient Soura et Poumbedita gouvernaient, concurremment avec l’exilarque (rech galouta), tout le monde juif. Dans la région qui était placée sous la responsabilité du directeur spirituel de telle yéchiva, nul ne pouvait être nommé à un emploi public sans son accord, nul règlement, nulle décision sur la perception d’impôt n’était prise sans son autorisation. Et ce sont ces mêmes hommes, parés de tout leur honneur et de toute leur grandeur, qui coupaient du bois, personnellement, en l’honneur du Chabbat. Rav Houna, lui aussi, ainsi que Rav ‘Hisda, Rav Papa et Rava, servirent comme raché yéchivot en Babylonie, tandis que Rabbi Abahou était à la tête du judaïsme de la terre d’Israël.

Nos sages ont enseigné : « Il y a trois choses que l’homme doit dire en sa maison, à la veille de Chabbat, à l’approche du coucher du soleil : 1) demander si l’on a prélevé les dîmes (ma’asserot) des fruits ; si les gens de sa famille ne l’ont pas fait, on le fera soi-même ; 2) demander si l’on a procédé à la jonction des cours que l’on veut rendre communes pendant Chabbat (‘érouv ‘hatsérot)d ; si les membres de sa famille ne l’ont pas fait, on le fera soi-même ; 3) rappeler que l’on doit allumer les lumières au temps prescrit. De nos jours, en général, les fruits que nous achetons ont déjà fait l’objet des prélèvements requis ; quant à la jonction des domaines, ce sont en principe les administrateurs de la communauté (gabbaïm) qui se chargent d’y procéder ; aussi n’est-il pas nécessaire d’interroger sa famille là-dessus. En revanche, chacun doit vérifier que sa maison est bien agencée pour Chabbat : que les minuteries de Chabbat, qui commandent à la lumière électrique, au climatiseur et au chauffage, sont bien programmées, que les plats mijotent bien sur le chauffe-plats électrique (plata)e, que l’ampoule du réfrigérateur est éteinte, et, pour les nouveaux réfrigérateurs, qu’on les a réglés sur position « Chabbat » (cf. ci-après chap. 17 § 8-9). De même, il est juste, la veille de Chabbat, de séparer les pots de plastique sécables des produits laitiers (cf. chap. 15 § 14) et d’ouvrir les bouteilles qui ont un bouchon métallique (15 § 13).  Il est bon, également, d’ouvrir, avant Chabbat, les boîtes de conserve et les paquets alimentaires qui servent à conserver pendant plusieurs jours la nourriture qu’ils contiennent (15 § 11-12).


[5]. Cf. chapitre 30.

[6]. Ou, pour des feux allumés au gaz, sur la plaque de tôle dont on les recouvre (cf. chap. 10).

07. L’interdit de faire un grand repas, la veille de Chabbat

Le vendredi est un jour durant lequel on doit se préparer au Chabbat. Aussi nos sages ont-ils interdit d’y faire un repas (sé’ouda) ou un festin (michté) qui soit plus copieux que l’ordinaire des jours ouvrables. En effet, si l’on mangeait un grand repas le vendredi, on n’aurait plus d’appétit pour le repas du soir de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 249, 2). De plus, cela porterait atteinte à l’honneur du Chabbat, car on semblerait vouer un égal honneur au Chabbat et aux jours de la semaine (Peri Mégadim). Par ailleurs, il est à craindre que le fait de se livrer à un grand repas ne contrarie les préparatifs de Chabbat (Maguen Avraham au nom de Rabbénou ‘Hananel). S’agissant même d’un repas fait à l’occasion d’une mitsva (sé’oudat mitsva) – si l’on veut, par exemple, préparer un grand repas en l’honneur de la clôture de l’étude d’un traité talmudique (siyoum massékhet) –, cela reste interdit le vendredi. Toutefois, il est permis de faire un repas normal, avant le milieu du jour (‘hatsot hayom, midi solaire), en l’honneur de la clôture du traité.

Le Talmud raconte qu’une certaine famille de Jérusalem avait l’habitude d’organiser d’importants repas le vendredi. Pour cette faute, cette famille déchut et s’éteignit (Guitin 38b).

Toutefois, quand la mitsva à laquelle est dédié le repas est assortie d’un temps fixe, comme c’est le cas, par exemple, pour un repas donné à l’occasion d’une berit mila (circoncision), qui a lieu le huitième jour de la vie du nourrisson, ou pour un repas de pidyon haben (rachat du premier-né), qui a lieu le trentième jour, il est permis d’organiser ce repas le vendredi. En effet, puisque le temps fixé pour de telles cérémonies est établi par la Torah elle-même, et qu’il est obligatoire de donner, en leur honneur, un grand repas, l’organisation dudit repas ne porte pas atteinte à l’honneur du Chabbat. Il est juste, cependant, de fixer un tel repas avant le milieu du jour (‘hatsot), afin de ne pas gêner les préparatifs du Chabbat, et afin que les participants aient de l’appétit lors du repas du soir de Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 249, 3 ; Michna Beroura 13 et 695, 10 ; Béour Halakha, passage commençant par Moutar)2.

Quand nous disons que nos sages interdisent de fixer un repas le vendredi, nous ne parlons là que d’un grand repas (sé’ouda guedola). En revanche, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de prendre un repas simple (arou’ha reguila) tout au long de la journée de vendredi ; simplement, nos sages enseignent que nous devons nous abstenir de prendre un repas accompagné de pain durant les trois heures qui précèdent immédiatement le Chabbat, afin d’avoir de l’appétit pendant le repas du soir de Chabbat. En revanche, on peut manger un peu de gâteau, un peu de fruits, jusqu’à l’heure d’entrée de Chabbat, à condition que leur consommation ne nuise pas à l’appétit que l’on doit avoir lors du repas sabbatique du soir.

Certaines personnes pieuses, autrefois, avaient adopté l’usage rigoureux consistant à ne rien manger de toute la journée de vendredi ; en effet, elles sentaient en elles-mêmes que, si elles mangeaient, leur appétit au moment du repas de Chabbat en serait affecté. Si l’on souffre de jeûner, il ne convient pas d’adopter un tel usage, afin de ne pas entrer en Chabbat en état de souffrance (Choul’han ‘Aroukh 249, 2-3 ; Michna Beroura 18). En tout état de cause, il convient à chacun de programmer ses ingestions du vendredi de façon à entrer en Chabbat armé d’un bon appétit, pour que l’on puisse se délecter du repas sabbatique du soir.


[7]. Selon le Maguen Avraham 249, 3, il est permis d’épouser une femme (en lui conférant les qidouchin [anneau nuptial ou autre objet d’une valeur déterminée]), le vendredi, afin de ne pas s’exposer au risque qu’un autre homme ne l’épouse à sa place. D’après cet auteur, il est même permis d’organiser le vendredi les nissouïn (comprenant l’entrée de l’épousée sous le dais nuptial et dans la vie commune), afin de se hâter d’accomplir la mitsva de procréation. [À l’époque talmudique, le mariage se célébrait en deux temps, qui pouvaient être séparés d’un an : les eroussin, au cours desquels l’épousée était consacrée à son mari par la remise de la bague, puis les nissouïn, cérémonie marquant le début de la vie commune. De nos jours, les deux parties se succèdent immédiatement.] Il ressort de cela qu’il est permis d’organiser, le vendredi, un mariage comprenant à la fois les eroussin et les nissouïn. C’est aussi ce qu’écrivent d’autres décisionnaires, parmi lesquels le Gaon de Vilna et le Ben Ich ‘Haï (deuxième série, Lekh Lekha 21).

À l’inverse, de nombreux autres décisionnaires estiment qu’il est interdit d’organiser un repas de mariage le vendredi, et ce n’est que lorsqu’il est impossible de repousser le repas à un autre jour qu’il devient permis de procéder au mariage le vendredi (Elya Rabba, Even Ha’ezer 64, 3, ‘Aroukh Hachoul’han). Si bien que, de nos jours où l’on détermine la date d’un mariage longtemps à l’avance, et où l’on peut choisir un jour autre que le vendredi, il est clair qu’il n’y a pas lieu de fixer au vendredi un mariage ni le repas qui le suit. C’est la position du ‘Hazon ‘Ovadia pp. 32-34. D’après le Michna Beroura 249, 9, si l’on s’en tient à la stricte règle de droit, il est permis de se marier le vendredi, mais il est bon et juste, a priori, de repousser le mariage à un autre jour, si cela est possible.

 

Il faut signaler que ce débat n’a pas de rapport avec la coutume qui était observée jadis, principalement parmi les pauvres, de se marier le vendredi après-midi. En effet, à l’époque, on ne fixait pas le repas de mariage le vendredi après-midi, mais bien le vendredi soir, conjointement avec le repas de Chabbat, de manière à ne pas faire doubles dépenses.

08. L’interdit de faire des travaux, la veille de Chabbat

Nos sages ont interdit de se livrer à des travaux, la veille de Chabbat, depuis l’heure de la prière de Min’ha ; et celui qui ferait alors des travaux n’y verrait pas de bénédictionf. Le temps où s’applique l’interdit court à partir de l’heure de Min’ha qétana, c’est-à-dire deux heures solaires et demie avant le coucher du soleil (Rachi). Certains décisionnaires, il est vrai, sont rigoureux, et estiment que l’interdit commence dès le moment de Min’ha guédola, c’est-à-dire une demie heure solaire après le milieu du jour (Maharam). Toutefois, dans la mesure où cette règle est de rang rabbinique, on peut s’appuyer sur l’opinion indulgente, et travailler jusqu’à deux heures et demie avant Chabbat (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 251, 1 ; Michna Beroura 3). Même si l’on a terminé tous ses préparatifs de Chabbat, il reste interdit de travailler durant ce laps de temps, car, de la part d’un Juif, ce ne serait pas faire honneur au Chabbat que de se livrer, au seuil du saint jour, à des travaux qui ne sont pas liés aux préparatifs sabbatiques (cf. Har’havot).

Le travail qu’ont interdit nos sages, durant ces heures, est un travail de type dit « régulier » (mélekhet qéva’) ; en revanche, il est permis d’accomplir un travail dit « contingent », « occasionnel » (mélakha ara’it). Par conséquent, il est interdit de s’adonner, durant ces heures, à un travail de menuiserie, de couture, d’électricité, à de grands travaux dans son jardin, à un travail informatique, à l’écriture d’un rouleau de la Torah, de téphilinesg, d’une mézouzah, de corriger des manuscrits de façon rémunérée, car toutes ces activités sont considérées comme régulières. En revanche, il est permis à un spécialiste de se livrer à une activité courte, telle que de poser un piège pour attraper des bêtes, de tremper des végétaux pour fabriquer des couleurs, de donner pour instruction à un ordinateur d’exécuter un travail élaboré, car ces travaux sont considérés comme contingents. De même, il est permis d’exécuter, durant ces heures, des travaux qui ne requièrent pas de spécialisation, tels que l’arrosage de son jardin, le ménage des chambres, une lessive en machine, recoudre des boutons, ou encore l’écriture de commentaires originaux (‘hidouchim) sur la Torah, que ce soit sous forme manuscrite ou sur ordinateur. Il est aussi permis de recevoir, pour de tels travaux non spécialisés, un paiement. Mais si le commanditaire paie afin que ces travaux soient exécutés chaque vendredi, et bien qu’ils ne requièrent pas de connaissances spécialisées, il redevient interdit de les accomplir, car le salaire et la régularité font de ces activités des travaux réguliers (cf. Rama 251, 1, Béour Halakha, passage commençant par « Iguéret », Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, 38-39 et note 133).

Pour les besoins du Chabbat, il est permis d’effectuer un travail régulier, et même de percevoir pour cela un salaire, à la condition qu’il soit reconnaissable (nikar) que le travail est fait pour les besoins de Chabbat. Par exemple, il est permis de coiffer de façon rémunérée, car il est clair aux yeux de tous que les gens viennent se faire coiffer en l’honneur de Chabbat. De même, il est permis à un chauffeur de conduire des personnes avant Chabbat, car cela aussi fait partie des préparatifs du saint jour. Dans le même sens, il est permis à un électricien de procéder à des réparations rémunérées, pour les besoins du Chabbat. En revanche, il est interdit à un tailleur de coudre un vêtement neuf contre argent, durant ces heures, même pour les besoins du Chabbat, parce qu’il n’est pas reconnaissable qu’il se livre à ce travail pour les besoins du saint jour ; en effet, il se peut que ce vêtement soit destiné à être porté un autre jour. Mais s’il travaille gratuitement, il lui est permis de faire un travail de couture, pour lui-même ou pour autrui, à l’approche de Chabbat. À plus forte raison est-il permis à un homme qui n’est pas un tailleur professionnel de coudre ou de retoucher des vêtements gratuitement, en l’honneur de Chabbat, durant ces heures (Choul’han ‘Aroukh 251, 2 ; Michna Beroura 7 ; Béour Halakha, passage commençant par « Létaqen »).

Nos sages ont été indulgents dans deux cas supplémentaires en permettant d’effectuer un travail régulier durant ces heures : a) il est permis à un pauvre qui n’a pas à sa suffisance pour le Chabbat de continuer de travailler pendant ces heures (Michna Beroura 251, 5) ; b) afin d’éviter un dommage ou une perte. Il est ainsi permis à un artisan de terminer son ouvrage, lorsqu’il est à craindre que, s’il ne le termine pas, il perde ses clients (Béour Halakha 251, 2, passage commençant par « Véeino ». De même, tout ce qu’il est permis de faire à ‘Hol hamo’edi, il est permis de le faire durant ces heures ; Michna Beroura 5).

Le commerce, de l’avis de nombreux décisionnaires, n’est pas inclus dans l’interdit de travailler, et il est donc permis aux magasins et boutiques de vendre durant ces heures. Quoi qu’il en soit, il faut fermer une demi-heure au moins avant l’entrée de Chabbat, afin d’avoir le temps de se laver et de s’habiller à l’approche de Chabbat. De nos jours, on a coutume d’être rigoureux et de fermer les boutiques plusieurs heures avant Chabbat ; seules les boutiques qui vendent des articles nécessaires au Chabbat restent ouvertes peu de temps avant celui-ci (Michna Beroura 251, 1, 4 ; Béour Halakha, passages commençant par « Ha’ossé » et « Véeino »).

Si l’on doit voyager avant Chabbat, il faut programmer son voyage de manière à pouvoir arriver à destination au moins une demi-heure avant l’entrée de Chabbat, afin de pouvoir s’organiser sur place en faisant ses derniers préparatifs. Si le voyage doit être long, il faut prendre en compte les éventuels contretemps qui peuvent survenir en chemin. Le Rav Mordekhaï Elyahou – que la mémoire du juste soit bénie – conseillait de prévoir un temps double de la durée générale du trajet. Si le trajet est habituellement de deux heures, on prendra la route quatre heures avant l’entrée de Chabbat.


[8]. C’est-à-dire qu’il ne verrait pas de réussite dans l’ouvrage effectué, ou dans son produit financier, durant la période où court l’interdit.

[9]. Téphilines : boîtiers contenant des fragments bibliques écrits sur parchemin, que les hommes s’attachent au bras et à la tête durant la prière du matin.

 

[10]. Mézouza : étui contenant un parchemin où sont écrits deux paragraphes bibliques, que l’on attache au montant de sa maison et de ses chambres.

[11]. ‘Hol hamo’ed : jours intermédiaires de Pessa’h et de Soukot. Ces jours possèdent un caractère festif mais ne sont que partiellement chômés. Pour les travaux permis à ‘Hol Hamo’ed, cf. Pniné Halakha, Mo’adim (encore inédit en version française), volume où sont exposées les règles de Yom tov et de ‘Hol hamo’ed.

09. Travaux qui commencent avant Chabbat et se poursuivent pendant Chabbat

Il est permis, le vendredi, d’exécuter des travaux qui se termineront d’eux-mêmes au cours du Chabbat. Par exemple, il est permis de poser sur une plaque électrique brûlante (plata) une marmite contenant des aliments qui ne sont pas encore cuits, afin qu’ils continuent de cuire au cours du Chabbat, à la condition que, depuis l’entrée de Chabbat et jusqu’à ce que le plat soit suffisamment cuit, on ne remue pas le contenu de la marmite et l’on n’augmente pas sa chaleur (cf. ci-après chap. 10 § 16). De même, il est permis de placer des étoffes à l’intérieur de récipients contenant une substance colorante, afin qu’elles en absorbent la couleur au cours du Chabbat. En effet, les interdits du Chabbat ne s’appliquent qu’aux actes que l’homme accomplit, pendant le Chabbat, par lui-même, et non aux processus qui se font d’eux-mêmes au cours du Chabbat. Certes, selon la maison d’étude de Chamaï, de même qu’il est prescrit à l’homme de faire cesser à sa bête tout travail pendant Chabbat, ainsi lui est-il ordonné que ses outils cessent, eux aussi, tout travail ce même jour. Mais la halakha est tranchée conformément à l’opinion de la maison d’étude de Hillel, selon laquelle les interdits de Chabbat ne s’appliquent pas aux outils de l’homme. Aussi est-il permis d’utiliser ses outils pour entamer des travaux, le vendredi, travaux qui s’achèveront d’eux-mêmes pendant Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 252, 1).

Par conséquent, il est permis, le vendredi, de programmer une minuterie qui éteindra et allumera la lumière, suivant ses besoins, durant le Chabbat (cf. chap. 17 § 6). De même, il est permis d’actionner, avant l’entrée de Chabbat, des robinets et des tuyaux d’arrosage ; car bien que l’arrosage soit interdit pendant Chabbat (cf. 19 § 4), il n’y a plus d’interdit quand l’arrosage est mis en marche avant Chabbat. La règle est semblable pour les machines industrielles, qui fonctionnent continument durant de nombreux jours : tant qu’il n’est pas à craindre qu’un Juif ait besoin de les actionner ou de les réparer durant Chabbat, il n’est pas obligatoire d’en interrompre le fonctionnement avant Chabbat (Heikhal Yits’haq 19).

En revanche, s’agissant d’un travail très bruyant, comme celui des moulins à blé, les décisionnaires sont partagés : certains sont rigoureux et pensent que la poursuite d’un tel travail est interdite pendant Chabbat, en raison de l’honneur dû au jour. D’autres estiment que, dans la mesure où la mise en marche elle-même a eu lieu avant Chabbat, tandis que, pendant Chabbat, aucun travail humain n’est fait, la chose n’est pas interdite. C’est en ce dernier sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh (252, 5). Selon le Rama, il faut être a priorij rigoureux, et ne pas enclencher un travail qui sera bruyant pendant Chabbat ; toutefois, dans le cas où cette abstention entraînerait une perte, ou en cas de grande nécessité, on peut être indulgent3 (cf. ci-après, chap. 22 § 19, où l’on voit qu’il est interdit d’écouter la radio ou de regarder la télévision, le Chabbat).


[12]. Lékhat’hila : a priori, par opposition à bédi’avad, a posteriori. Nous retrouverons ces notions, dans leur sens halakhique, tout au long du livre. Dans le cas présent, ces termes caractérisent une situation : la situation a priori est simple, elle permet l’application de tous les termes de la loi ; c’est le cas, par exemple, quand l’arrêt d’une machine bruyante n’entraînerait pas de perte financière, ou quand son fonctionnement ne répond pas à une grande nécessité. Dans une situation a posteriori, les circonstances peuvent gêner l’application de la loi dans toute sa rigueur, ce qui peut amener les décisionnaires à modifier leurs exigences ; c’est le cas, ici, quand l’arrêt de la machine entraînerait une perte ou quand son fonctionnement répond à une grande nécessité : le Rama est indulgent dans la situation a posteriori, mais rigoureux a priori.

 

[13]. Au traité Chabbat 18a, nous apprenons que, selon Rabba, un travail bruyant, comme celui des moulins, est interdit en raison de l’honneur dû au Chabbat. C’est en ce sens qu’ont tranché Rabbénou ‘Hananel, Tossephot, le Roch, le Séfer Mitsvot Gadol (Smag). Selon Rav Yossef, en revanche, ce travail est permis, et c’est en ce sens que se prononcent le Rif, Maïmonide, Rabbénou Tam et le Choul’han ‘Aroukh 252, 5. Le Rama est rigoureux a priori, et indulgent dans un cas qui entraînerait une perte. D’après cela, les A’haronim ont écrit que, dans l’optique du Choul’han ‘Aroukh, il est permis de mettre en marche les anciens lave-linge peu de temps avant l’entrée du Chabbat, bien qu’ils soient bruyants, tandis que la chose est interdite dans la perspective du Rama. Mais en cas de nécessité – par exemple pour un soldat qui rentre de l’armée le vendredi, dont les vêtements ont besoin d’être lavés et qui doit immédiatement retourner à sa base le samedi soir – il devient permis, même de l’avis du Rama, de mettre en marche ces machines à la veille de Chabbat (cf. Ye’havé Da’at III 18, Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, 43). Quant aux nouveaux lave-linge, qui ne font presque pas de bruit, il se peut qu’il soit permis de les mettre en marche a priori, même du point de vue du Rama.

10. Embarquer dans un bateau dont le voyage doit se poursuivre pendant Chabbat

Les interdits de Chabbat s’appliquent seulement pendant le Chabbat lui-même ; aussi, de prime abord, il semblerait permis de partir, le vendredi, en excursion dans un endroit où il serait dangereux de rester, de poursuivre sa route jusqu’à la dernière minute précédant Chabbat, puis, lorsque commence le Chabbat, d’arguer que l’on se trouve en un lieu dangereux, que la protection de la vie a priorité sur le Chabbat, et que, pour se préserver du danger, on est contraint de poursuivre son voyage jusqu’au lieu habité le plus proche. Toutefois, en pratique, si l’on se trouve déjà dans un lieu dangereux durant Chabbat, il sera certes permis et même obligatoire de profaner le Chabbat afin de se préserver ; mais il est interdit au Juif de se mettre a priori dans une situation où il sera obligé, après coup, de profaner le Chabbat. Les sages ont enseigné, à ce sujet, que les activités auxquelles on projette de se livrer à partir du mercredi doivent être programmées, de façon telle que l’on ne se mettra pas soi-même en situation de profaner le Chabbat.

Par conséquent, à partir du mercredi, nos sages ont interdit de prendre la mer pour les besoins d’une activité facultative, telle qu’un voyage d’agrément ; l’interdit vaut également quand l’équipage est composé de non-Juifs (Chabbat 19a). Il y a plusieurs raisons à cela : il est à craindre que l’on ne se trouve, au cours du voyage, dans une situation de danger pour l’intégrité des personnes, et que le Juif doive accomplir des travaux interdits par la Torah elle-même afin d’aider à la remise à flot du navire (Rabbi Zera’hia Halévi). Dans le cas même où il n’y a aucun risque que l’équipage demande de l’aide au Juif, et dès lors que la moitié des passagers sont Juifs, il se trouve que l’équipage travaillera pour eux pendant Chabbat ; or il y a un interdit de rang rabbinique à ce qu’un Juif profite du travail que fait un non-Juif à son intention pendant Chabbat (Na’hmanide). Même lorsque les passagers du bateau sont non-Juifs dans leur majorité, il reste que, dans le cas où le bateau navigue en eaux peu profondes – quand il y a moins de dix tefa’him (c’est-à-dire moins de 80 cm) entre le bateau et le fond de la mer, on enfreindrait l’interdit de sortir de la zone de déplacement autorisé pendant Chabbat (te’houm Chabbat) (Rabbénou ‘Hananel). Et quand bien même le bateau naviguerait en eaux profondes, ou jetterait l’ancre, le Chabbat, en pleine mer, il resterait un interdit : nombre des passagers d’un bateau souffrent du mal de mer, durant les premiers jours ; un tel voyage empêcherait donc le voyageur Juif de réaliser la mitsva de se délecter du Chabbat (‘oneg Chabbat) (Rif).

Mais quand aucun de ces motifs n’est à craindre – si l’équipage et la majorité des passagers sont non-Juifs, qu’il n’y ait aucun risque que l’on demande de l’aide au Juif, que l’on voyage en eaux profondes, que le navire soit grand et stable, de façon que l’on n’aura vraisemblablement pas le mal de mer et que l’on pourra accomplir la mitsva de se délecter du Chabbat –  il sera permis de prendre la mer, même une minute avant l’entrée de Chabbat, et même si le voyage se fait dans un but d’agrément4.

Les trois premiers jours de la semaine, il est permis de prendre la mer pour les besoins d’une activité facultative ou pour un voyage d’agrément, même s’il y a lieu de craindre d’en venir à transgresser le Chabbat ; en effet, ces jours-là, il n’est pas besoin de limiter ses activités de crainte que celles-ci n’entraînent, par la suite, une profanation du Chabbat ou un empêchement aux délices sabbatiques. (Dans le cas où il est certain que l’on en viendra à profaner le Chabbat, les avis sont partagés : selon Rabbi Zera’hia Halévi, le Rivach et le Choul’han ‘Aroukh 248, 4, il est permis d’embarquer durant les trois premiers jours, mais selon le Maharival et le Radbaz, c’est interdit. Cf. note 7.)


[14]. Comme exemple de voyage en bateau qui n’empêche pas la réalisation du délice sabbatique, les décisionnaires citent le voyage fluvial, car il n’y a pas de vagues sur un fleuve. Toutefois, de nos jours, dans les bateaux vastes et modernes, il n’est presque pas à craindre de souffrir du mal de mer ; c’est un fait que l’on y voyage pour l’agrément, et seuls les plus sensibles risquent d’y être malades.

 

Il faut encore signaler que les Richonim discutent quant au fait de savoir si l’interdit s’applique trois jours avant Chabbat, c’est-à-dire à partir du mercredi (ou, plus précisément, à partir de la nuit de mardi à mercredi, qui constitue le début de la journée de mercredi), ou bien s’il s’applique seulement à partir du jeudi, car on considèrerait que le Chabbat fait partie du compte des trois jours. Cf. Beit Yossef 248, Michna Beroura 4. À ce qu’il semble, il faut distinguer selon les motifs de l’interdit : dans le cas où il est à craindre d’avoir à transgresser un interdit de Chabbat – en devant exécuter par soi-même un travail, ou parce que l’équipage non-juif l’exécutera pour les passagers juifs, ou encore parce qu’il est à craindre que l’on dépassera le te’houm Chabbat – l’interdit s’applique dès le mercredi, car les trois jours qui précèdent Chabbat sont appelés qamé chabta (jours qui précèdent le Chabbat, Guitin 77a), si bien qu’il faut prendre garde d’y faire quoique ce soit qui puisse conduire à une profanation du Chabbat. Mais si la crainte est d’empêcher la délectation du Chabbat, l’interdit ne s’applique qu’à partir du jeudi, car plusieurs des Richonim qui ont mentionné cette crainte (parmi lesquels le Roch) ont aussi écrit que l’interdit courait à partir du jeudi ; la raison en est que, le troisième jour, le voyageur s’habitue déjà à la mer, et peut donc se délecter du Chabbat. Cf. Menou’hat Ahava I 1, 2.

 

Il importe aussi de signaler que l’exigence selon laquelle la majorité des passagers doit se composer de non-Juifs s’applique seulement dans le cas où le bateau prend la mer après qu’un certain nombre de places ont été réservées ; mais si le bateau prend la mer selon des horaires fixes, qu’il y monte de nombreux passagers ou qu’il en monte peu, et même s’il apparaît que la majorité des passagers sont juifs, il n’y a pas d’interdit (du point de vue de ladite exigence) à embarquer dans les trois jours qui précèdent Chabbat, puisque, indépendamment même des Juifs qui s’y trouvent, les matelots non-juifs auraient fait leur travail (Chemirat Chabbat Kehilkhata 30, 66).

11. Prendre la mer pour les besoins d’une mitsva ; embarquer dans un bateau juif

Quand nous disons qu’il est interdit de prendre la mer durant les trois jours qui précèdent le Chabbat, afin de ne pas en venir à transgresser celui-ci ou à empêcher la délectation propre à ce jour, nous parlons précisément du cas où le voyage est entrepris pour des besoins autres que ceux d’une mitsva. Mais si le voyage répond aux besoins d’une mitsva et que le bateau appartienne et soit conduit par un équipage de non-Juifs, il sera permis de partir en mer, même le vendredi. Selon certains avis, il faut préalablement émettre, auprès du commandant du bateau, la condition selon laquelle il devra jeter l’ancre le Chabbat ; et s’il refuse, il est interdit de voyager dans son bateau. Mais selon la majorité des décisionnaires, même si le non-Juif refuse de jeter l’ancre le Chabbat, il est permis de voyager avec lui pour les besoins d’une mitsva5.

Le Chabbat lui-même, il est interdit de prendre la mer, même dans un bateau non-juif et pour les besoins d’une mitsva, car nos sages ont ordonné de ne pas naviguer le jour du Chabbat, de crainte d’avoir à réparer le bateau (Beitsa 36b ; Choul’han ‘Aroukh 339, 2). Si l’heure du départ est fixée pour Chabbat, il est cependant permis, pour les nécessités d’une mitsva, de monter dans le bateau avant l’entrée du Chabbat et d’y rester jusqu’au moment du départ. Certains auteurs sont indulgents et permettent à ceux qui auraient accueilli Chabbat sur le bateau à l’arrêt de rentrer ensuite chez eux, puis de retourner sur le bateau à l’approche du départ. Il n’y a pas lieu de protester devant ceux qui ont cet usage (Choul’han ‘Aroukh et Rama 248, 3).

Jusqu’ici, nous avons traité du cas d’un voyage en mer dans un bateau non-juif. Mais si le bateau appartient à des Juifs qui transgressent le Chabbat, est-il permis d’y voyager ? Les décisionnaires sont partagés sur ce point. Selon certains, il est permis, les trois premiers jours de la semaine, d’y embarquer, car, ces jours-là, il n’est pas obligatoire de programmer ce qu’il en sera du Chabbat (Tsits Eliézer V 7). Mais en pratique, il est interdit de prêter main forte à la profanation du Chabbat ; il est donc interdit d’embarquer, même durant les trois premiers jours de la semaine, dans le bateau de Juifs qui profanent le Chabbat (Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson de Loubavitch, ainsi que Min’hat Yits’haq III 39 et Ye’havé Da’at VI 16)6.


[15]. Au traité Chabbat 19a, les Tannaïm controversent : selon Rabbi, il faut émettre auprès du non-Juif la condition selon laquelle il jettera l’ancre le Chabbat ; selon son père, Rabban Chim’on ben Gamliel, il n’est pas nécessaire d’émettre une telle condition. Les Richonim controversent à leur tour pour déterminer selon qui est fixée la halakha : Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh tranchent selon l’avis de Rabbi ; Rabbénou ‘Hananel et le Tour comme Rabban Chim’on ben Gamliel. Les A’haronim discutent encore quant à l’intention exacte de Rabbi, quand celui-ci dit : « Et l’on conclut avec lui que l’on s’arrêtera le Chabbat, même s’il ne s’arrête pas ». Cela signifie-t-il que, selon Rabbi, le refus explicite de la condition émise soit un motif d’empêchement ? Selon le Maguen Avraham, c’est un motif d’empêchement : si le non-Juif dit qu’il continuera de naviguer pendant Chabbat, le Juif n’a pas le droit de monter sur le bateau pendant les trois jours qui précèdent immédiatement Chabbat, même pour les besoins d’une mitsva ; ce n’est que s’il reste un doute – peut-être jettera-t-il l’ancre pendant Chabbat, peut-être non – qu’il est permis d’y monter. Selon le Elya Rabba et le Choul’han ‘Aroukh Harav, Rabbi estime que l’obligation consiste, pour le Juif, à demander préalablement que l’on s’arrête pendant Chabbat, mais même dans le cas où le non-Juif s’y refuse explicitement, il est permis de voyager avec lui. Le Michna Beroura 248, 2 et le Cha’ar Hatsioun 1 notent que tel est l’avis de la majorité des décisionnaires.

 

Qu’appelle-t-on besoins d’une mitsva ? Etudier la Torah, rassembler des fonds pour la bienfaisance, et autres activités semblables. Le Rama 248, 4 écrit que, selon certains avis (Rabbénou Tam et le Raavia), un voyage entrepris pour les besoins de sa subsistance est, lui aussi, considéré comme répondant aux besoins d’une mitsva, même si l’on a déjà de quoi subsister et que l’on voyage pour gagner davantage. Ceux qui veulent être indulgents ont, à cet égard, sur qui s’appuyer. Selon le Michna Beroura 248, 36, si la coutume du lieu ne consiste pas à être indulgent en la matière, il n’est pas souhaitable, a priori, de l’être, car plusieurs décisionnaires estiment que c’est seulement pour les besoins d’une mitsva proprement dite qu’il est permis d’embarquer durant les jours qui précèdent Chabbat. Emigrer en terre d’Israël (faire son alya) est évidemment considéré comme une mitsva. Quand un Juif de diaspora se rend en Israël pour une simple visite, le Peri Mégadim estime qu’il s’agit, là encore, d’une mitsva, tandis que le Maguen Avraham ne considère pas cela comme une mitsva justifiant de prendre la mer.

 

[16]. Dans le cas d’un bateau juif qui part en mer pour plus d’une semaine, la règle est que, si d’un point de vue sécuritaire on peut jeter l’ancre pour une durée d’un jour, on devra cesser le voyage pendant Chabbat. Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson écrit à ce sujet qu’il a vérifié la question auprès de spécialistes, et qu’il apparaît qu’il est possible de jeter l’ancre en pleine mer sans danger. Ses propos ont été rapportés par le Min’hat Yits’haq III 39 et le Ye’havé Da’at VI 16. Cependant, certains spécialistes pensent au contraire que la chose est dangereuse et que l’on est obligé de poursuivre la navigation pendant Chabbat. Or en considérant l’hypothèse que ces derniers disent vrai, et dans le cas où il est impossible de jeter l’ancre dans un port le jour de Chabbat, le Tsits Eliézer V 7 décide que, pour les besoins d’une mitsva, il est permis d’embarquer durant les trois jours qui précèdent le Chabbat ; mais si ce n’est pas pour les besoins d’une mitsva, il est permis d’embarquer durant les trois premiers jours de la semaine. Cette position est fondée sur l’opinion de Rabbi Zera’hia Halévi et du Rivach, qui pensent que, bien qu’il soit clair que l’on sera contraint de profaner le Chabbat afin de préserver l’intégrité physique des personnes, il est permis d’embarquer pendant les trois premiers jours de la semaine pour les besoins d’une activité facultative, car alors il n’est nullement nécessaire de prévoir ce qu’il en sera de Chabbat. Quant aux trois jours précédant Chabbat, il n’est permis de prendre la mer que pour les besoins d’une mitsva car, durant ces jours, il faut prévoir ce qu’il en sera de Chabbat ; or lorsque l’on se livre à l’accomplissement d’une mitsva, on est quitte de telles prévisions. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 248, 4. Cf. Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 39.

 

Cependant, à ce qu’il semble, il est en réalité possible de jeter l’ancre en pleine mer pour une durée d’un jour. Dès lors, il faut prendre soin de ne pas prêter assistance à ceux qui commettent des fautes. De plus, de l’avis du Radbaz et du Maharival, il y a un interdit rabbinique à prendre la mer si l’on est certain que l’on en viendra à profaner le Chabbat, même dans les premiers jours de la semaine, et même pour les besoins d’une mitsva ; et certains A’haronim estiment qu’il faut être rigoureux à leur suite (Min’hat Yits’haq III 39). Cf. paragraphe suivant.

12. Voyages en avion ou en train, la veille de Chabbat

Il est interdit, le vendredi, de prendre un train ou un avion dont le trajet ou le vol va se poursuivre pendant Chabbat. Même quand le conducteur ou le pilote n’est pas juif, la chose est interdite pour plusieurs raisons :

  1. a) En raison de l’interdit de sortir de la zone de déplacement (te’houm, périmètre sabbatique) ; en effet, nos sages ont interdit, le Chabbat, de dépasser deux mille amot (environ un ancien mille, soit 912 mètres) après être sorti des limites d’une ville. Et si l’on dépasse de plus de douze milles les limites de la ville, on transgresse, de l’avis de plusieurs décisionnaires, un interdit de la Torah (cf. chap. 30 § 1). Par conséquent, prendre l’avion ou le train pour voyager en dehors des limites de la ville aurait pour effet de transgresser, durant Chabbat, l’interdit de sortir de la zone de déplacement.
  2. b) Un tel voyage ferait échec à la mitsva de se délecter du Chabbat : dans un avion ou dans un train, on est ballotté, les places assises elles-mêmes sont généralement serrées, et il est difficile, de cette manière, de faire du Chabbat son délice.
  3. c) Les sages ont interdit de s’asseoir dans une charrette conduite par un non-Juif, car il est à craindre que le Juif ne cueille une branche pour aider à la conduite de la bête ; et même quand il n’y a pas de risque de cet ordre, l’interdit reste en vigueur.
  4. d) Un tel voyage serait la marque d’un certain mépris pour le Chabbat et l’honneur qui lui est dû : un voyage de ce type est un acte caractéristique des jours profanes (‘ovdin de’hol) ; or le ‘Hatam Sofer (VI 97) a écrit, se fondant sur Na’hmanide, que quiconque ne chôme pas et se conduit, pendant Chabbat, comme il le fait les jours ouvrables, transgresse la mitsva toranique de cesser son activité pendant Chabbat (cf. ci-après 22 § 1 ; cf. 30 § 11 au sujet de la règle gouvernant la zone d’habitation sabbatique, dans le cas où l’avion atterrit ou le bateau jette l’ancre pendant Chabbat)7.

[17]. Cf. Che’arim Metsouyanim Bahalakha 74, 1 et 74, 4; Tsits Eliézer I 21 au sujet des voyages en avion ; Yalqout Yossef 248, 3-5.

 

Quand le voyage est projeté pour les besoins d’une mitsva, la règle est apparemment l’objet d’une controverse : selon Rabbi Zera’hia Halévi, le Rivach 17, le Tachbets 1, 21, le Choul’han ‘Aroukh 248, 4, même quand il est clair que tel voyage en caravane de chameaux aurait pour effet d’entraîner la profanation du Chabbat, cela est permis du moment que l’on prend la route un jour ouvrable et pour les besoins d’une mitsva. C’est ce qu’écrivent le Tsits Eliézer V 7 et le Yabia Omer, Yoré Dé’a V 23, 1. En revanche, selon le Radbaz 4, 77 et le Rival, la permission n’est donnée que dans le cas où il n’est pas certain que l’on aura besoin de profaner le Chabbat ; mais s’il est clair qu’on sera amené à profaner le Chabbat en transgressant un interdit toranique, la chose est interdite. C’est la position du Michna Beroura 248, 26 et du Min’hat Yits’haq II 106, d’après le ‘Hatam Sofer 6, 97. (Cette controverse est liée à une autre : la halakha est-elle conforme à l’opinion de Rabbi ou à celle de Rabban Chim’on ben Gamliel, controverse mentionnée plus haut en note 5 ? Ceux qui suivent Rabban Chim’on ben Gamliel, en principe, penseront comme Rabbi Zera’hia Halévi, tandis que ceux qui suivent Rabbi pourront aussi bien s’inscrire dans la ligne de Rabbi Zera’hia Halévi que dans celle du Radbaz).

 

De prime abord, en vertu des principes de la halakha, nous devrions être indulgents, conformément à l’opinion de Rabbi Zera’hia Halévi et de ceux qui partagent son avis car, de l’avis même du Radbaz, l’interdit d’entreprendre un voyage le vendredi est rabbinique (et c’est bien ce qu’écrit le Tossephet Chabbat, paragraphe 5).  De plus, il n’est pas sûr que, au cours du vol ou du voyage en train, on enfreigne un interdit toranique (cf. Har’havot) ; aussi, de l’avis même du Radbaz, il y aurait lieu d’être indulgent. Cependant, il semble en pratique que, de l’avis de tous – et cela comprend également Rabbi Zera’hia Halévi –, il y ait aujourd’hui lieu d’être rigoureux. En effet, selon le Chibolé Haléqet (Chabbat 111), la permission émise par les sages, de l’avis de Rabbi Zera’hia Halévi, n’a cours, fondamentalement, qu’en cas de contrainte ; en effet, en dehors d’un tel cas, il était autrefois très difficile de partir en mer ou en caravane ; tandis que, de nos jours, tout vol, tout voyage en train, même vers les destinations les plus lointaines, peut commencer et se terminer pendant les jours ouvrables, si bien qu’il n’y a plus ici de motif de permission. On peut ajouter que les sages n’ont accordé leur permission que pour des cas rares, répondant à une nécessité occasionnelle, car ce n’était que rarement que l’on voyageait en bateau et en caravane. Mais quand il s’agit de voyages et de vols fréquents, comme ils le sont de nos jours, la permission n’a plus lieu d’être. (C’est en ce sens que se prononce le Michné Halakhot 3, 37. Cf. Har’havot).

02. Lieu de l’allumage, et à qui s’applique la mitsva

La mitsva consiste à ce qu’il y ait de la lumière dans toutes les pièces dont on doit avoir l’usage le soir de Chabbat, afin que les membres de la maisonnée ne trébuchent pas sur leur chemin. Cependant, la mitsva essentielle consiste à allumer des veilleuses dans la salle à manger car, en faisant le repas du soir à leur lumière, on fait honneur (kavod) au Chabbat et l’on en tire délice (‘oneg) ; c’est donc sur de telles veilleuses que l’on prononce la bénédiction de l’allumage (Rama 263, 10 ; Michna Beroura 2). Quant aux autres pièces, si elles bénéficient de l’éclairage électrique propre à la maison ou des réverbères de la rue, il n’est pas nécessaire, en pratique, d’y allumer de veilleuses.

Les veilleuses doivent brûler jusqu’à la fin du repas ; et a priori, il faut veiller à ce qu’elles puissent donner leur lumière jusqu’à ce qu’on aille se coucher (Chemirat Chabbat Kehilkhata 43, 17). De nos jours, où il est possible d’allumer des ampoules électriques, il faut veiller a priori à ce que des lampes ou veilleuses restent allumées tout au long de la nuit, afin que ceux qui se lèveraient pendant la nuit ne trébuchent pas en marchant.

La mitsva de l’allumage s’applique à tout Israël, hommes et femmes, personnes mariées et célibataires, puisque tout le monde a l’obligation d’honorer le Chabbat et d’en faire son délice. Simplement, parmi les membres de la famille, la femme a priorité pour l’accomplissement de cette mitsva, parce qu’elle est la maîtresse de maison, et qu’elle est responsable de sa direction, si bien que le mérite lui revient d’accomplir la mitsva destinée à la paix du foyer. Par l’allumage que fait la femme, tous les membres de la maisonnée se rendent quittes de la mitsva. Toutefois, si la femme est retardée et que le moment de l’allumage se rapproche, il est préférable que son mari ou quelqu’un de ses enfants allume les veilleuses à sa place, et que l’on n’entre pas dans une situation de doute, dans lequel l’allumage des veilleuses entraînerait peut-être une profanation du Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 263, 2 ; Michna Beroura 262, 11).

Du fait que la femme a préséance sur l’homme pour accomplir la mitsva d’allumer les veilleuses, nous pouvons apprendre que c’est d’elle que la paix du foyer dépend principalement. La lumière de la Torah et de la foi elle-même règne sur la maison grâce au mérite de la femme car, par l’effet de sa connaissance intime et particulière, celle-ci sait éclairer son mari et ses enfants dans la voie de la foi, et elle les conduit à étudier la Torah avec assiduité. Comme l’ont dit nos sages : « Grande est la promesse que fit le Saint béni soit-Il aux femmes, plus que celle qu’Il fit aux hommes » ; car les femmes envoient leurs enfants apprendre la Torah à la synagogue, encouragent leur mari à prolonger leur étude au beit-hamidrach (maison d’étude) et attendent patiemment son retour (Berakhot 17a). Toutefois, quand la femme ne peut allumer les veilleuses elle-même, c’est le mari qui le fera a posteriori, puisque lui aussi peut faire régner la paix sur son foyer, et établir en sa maison une ambiance de foi et de Torah.

Si sa femme est absente – par exemple si elle est à l’hôpital, ou si elle est en voyage pour une autre raison – et qu’il reste chez lui, l’homme aura l’obligation d’allumer lui-même les veilleuses, en récitant la bénédiction. Même s’il a une grande fille, c’est à l’homme qu’incombe la mitsva d’allumer les veilleuses, car c’est lui qui est le maître de maison. S’il le veut, toutefois, il pourra demander à sa fille d’allumer les veilleuses à son intention, ainsi qu’à celle de toute la famille (Chemirat Chabbat Kehilkhata 43, note 46).

Dans certaines familles, il est de coutume qu’en plus de l’allumage que fait la mère, toutes les filles parvenues à l’âge de l’éducation[a] allument, elles aussi, des veilleuses et récitent la bénédiction. Tel est l’usage des ‘Hassidim de ‘Habad (Loubavitch). Toutefois, de l’avis de la majorité des décisionnaires, seule la mère de famille allume les veilleuses, et telle est la coutume observée dans toutes les autres communautés juives. Il convient que chaque femme poursuive l’usage de sa famille[1].


[a]. Précision de l’auteur pour l’édition française : l’âge de l’éducation (guil ‘hinoukh) débute quand l’enfant commence à développer sa compréhension. Dans de nombreux domaines, on vise par-là l’âge de six ou sept ans, mais dans les domaines où les enfants développent plus tôt leur compréhension, l’âge de l’éducation commence lui aussi plus tôt.

[1]. Si l’on se place du point de vue même de la coutume ‘Habad, il serait préférable, de prime abord, que chaque fille fasse l’allumage dans une pièce différente (comme nous l’expliquerons au paragraphe 6, ainsi que dans les Har’havot 4 § 2, 3 et 4). C’est ce qu’écrit le ‘Aroukh Hachoul’han (263, 7). Mais la coutume des ‘Hassidim de ‘Habad est que toutes allument dans la salle à manger. Le Rabbi de Loubavitch – que la mémoire du juste soit bénie – encouragea beaucoup l’adoption de cette coutume, afin que chaque fille, dans le cas même où elle s’éloignerait ensuite considérablement de la Torah et des mitsvot, conservât le souvenir de l’allumage des veilleuses de Chabbat.

 

En pratique, l’usage de la majorité des Juifs veut que seule la mère allume les veilleuses en récitant la bénédiction. Certains décisionnaires pensent même qu’il faut craindre, en la matière, de commettre l’interdit d’une bénédiction vaine. En effet, puisque la mère récite la bénédiction, elle acquitte par-là tous les membres, garçons et filles, de sa maison ; à plus forte raison rend-elle quitte tout le monde de l’allumage de la salle même où elle allume, la salle à manger. Telle est l’opinion du Choul’han ‘Aroukh 263, 10 ; et c’est en ce sens que se prononce le Ye’havé Da’at II 32.

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