Pessa’h

04. Comment on accomplit la mitsva d’élimination du ‘hamets

L’élimination (hachbata) du ‘hamets de notre domaine s’accomplit de deux manières : en pensée et en acte ; en d’autres termes, de manière spirituelle, et de manière physique. L’élimination en pensée se fait par le biais de l’annulation (bitoul) du ‘hamets, par le fait de l’abandonner, et de le considérer comme la poussière de la terre. En effet, c’est seulement quand le ‘hamets nous appartient et quand il a quelque importance à nos yeux que l’on est susceptible d’enfreindre les interdits de bal yéraé (« il n’en sera pas vu ») et de bal yimatsé (« il ne s’en trouvera pas ») ; en revanche, si l’on annule le ‘hamets et qu’on le considère comme de la poussière, on ne commet pas de transgression. De même, si l’on s’en dessaisit juridiquement, en déclarant le laisser à l’abandon (hefqer), on ne commet pas de transgression, puisque ce ‘hamets n’est plus sien.

À côté de cela, nous éliminons le ‘hamets de manière physique : dans la nuit du 14 nissan, nous inspectons toute notre maison pour y rechercher le ‘hamets, et dans la journée du 14, nous le détruisons.

Bien que, selon la Torah elle-même, il suffise d’emprunter l’une de ces deux voies, nos sages ont décrété, pour plus de sûreté, qu’il faut éliminer le ‘hamets des deux façons : en faisant une déclaration d’annulation, et en le détruisant physiquement, hors de nos maisons[6].

Cela, parce que les sages n’ont pas voulu se fier à la seule annulation du ‘hamets, de crainte qu’il n’y ait des Juifs qui n’annulent pas leur ‘hamets d’un cœur entier, et qui le conservent chez eux afin de le manger à l’issue de Pessa’h ; or, dans la mesure où ils ne l’auraient pas annulé d’un cœur entier, ils transgresseraient, en le conservant, les interdits de bal yéraé et de bal yimatsé (Rachi sur Pessa’him 2a). Les sages ont également craint que, si l’on conservait du ‘hamets chez soi, on n’en vienne à le manger par erreur. Par conséquent, ils ont prescrit que le ‘hamets soit détruit physiquement, hors de chez soi (Tossephot ad loc.).

De même, les sages n’ont pas voulu se fier à la seule recherche du ‘hamets, de crainte que des Juifs ne réussissent pas à trouver tout le ‘hamets qui est chez eux, puis, une fois la fête commencée, qu’ils ne le voient, et que ce ‘hamets ne reste chez eux quelque instant avant qu’ils ne le brûlent, parce qu’ils auraient pitié de leur ‘hamets l’espace d’un moment ; entre-temps, ils enfreindraient les interdits de bal yéraé et de bal yimatsé. En revanche, s’ils déclarent la nullité de leur ‘hamets avant Pessa’h, même si du ‘hamets devait, pendant Pessa’h, rester chez eux quelque instant avant d’être brûlé, ils ne transgresseraient pas d’interdit (Michna Beroura 424, 6)[7].


[6]. Selon la majorité des décisionnaires, la Torah n’exige d’éliminer le ‘hamets que de l’une des deux façons, soit par l’annulation, soit par l’inspection et la destruction ; selon eux, ce sont les sages du Talmud qui ont décrété que les deux voies étaient exigées, comme nous l’écrivons ci-dessus, en nous fondant sur le Ran 1, 1, cité par le Beit Yossef 431. Toutefois, il semble ressortir du Tour que la méthode essentielle, pour la Torah, est l’annulation, et que les sages y ont ajouté l’exigence d’inspecter sa maison et de détruire le ‘hamets, pour les raisons citées ci-après dans le corps de texte.

[7]. Selon le Maguen Avraham 434, 5, se fondant sur le Tour, si l’on a bien inspecté sa maison, et que, malgré cela, il y reste un kazaït de ‘hamets, on enfreint les interdits de bal yéraé et de bal yimatsé (c’est pourquoi, à ses yeux, l’obligation toranique essentielle est d’annuler le ‘hamets). Mais selon Maïmonide, le Roch et les autres décisionnaires, dès lors que l’on a inspecté sa maison comme il faut, et quoique l’on n’ait pas réussi à trouver tout le ‘hamets, on ne transgresse aucun interdit, puisque la recherche du ‘hamets a été menée correctement. C’est seulement dans le cas où l’on voit le ‘hamets  pendant Pessa’h, et où on le laisse un peu chez soi parce qu’on en a pitié, quelque instant, que l’on transgresse ces interdits. Selon le Touré Zahav, le Tour lui-même pense ainsi ; et c’est dans ce sens que nous présentons la halakha ci-dessus.

05. Nature essentielle de la mitsva

Une question fondamentale se pose quant à la nature de la mitsva d’éliminer le ‘hamets : cette mitsva consiste-t-elle principalement dans le fait de prendre le ‘hamets et de le détruire, ou bien dans le fait qu’il ne reste plus de ‘hamets dans le domaine du Juif ?

Suivant la majorité des Richonim (Na’hmanide, le Mahariq et d’autres), la mitsva d’élimination (hachbata) tient principalement dans le fait que le domaine de l’homme soit débarrassé de tout ‘hamets ; celui qui possède du ‘hamets doit donc le détruire, et celui qui n’en a pas dans son domaine a déjà accompli la mitsva par le fait que son domaine est exempt de ‘hamets.

Mais certains Richonim (Tossephot, le Ran) laissent entendre que seul celui qui possède du ‘hamets est assujetti à cette mitsva : lorsqu’il détruira le ‘hamets, il accomplira alors la mitsva ; tandis que celui qui n’a pas de ‘hamets est dispensé de la mitsva. Toutefois, même selon cette opinion, nous ne voyons nulle part, dans les écrits des Richonim, suggérer l’idée d’acheter du ‘hamets afin de pouvoir accomplir la mitsva de l’éliminer. Malgré cela, certains A’haronim estiment que, si l’on n’a pas de ‘hamets en son domaine avant Pessa’h, il convient  de pousser le scrupule jusqu’à s’en acheter, afin d’accomplir, en le détruisant, la mitsva d’élimination du ‘hamets, telle que la conçoivent ceux pour qui il faut détruire activement celui-ci.

En pratique : le peuple juif est saint, et s’efforce d’apporter à sa pratique un supplément de perfection ; on veille donc à avoir, en son domaine, du ‘hamets le 14 nissan, afin d’accomplir la mitsva d’élimination du ‘hamets suivant toutes les opinions. Bien plus, on pousse le scrupule jusqu’à éliminer le ‘hamets précisément en le brûlant ; en effet, selon certains décisionnaires, c’est là le mode le plus parfait d’élimination du ‘hamets (cf. ci-après, chap. 5 § 4)[8].


[8]. Le Min’hat ‘Hinoukh examine les différents aspects de cette controverse, et conclut que : pour Rachi, Maïmonide et le Séfer Ha’hinoukh, la mitsva peut s’accomplir sur le mode passif dit chev vé-al ta’assé (« assieds-toi et ne fais rien ») ; et c’est aussi la position de Na’hmanide, au début du traité Pessa’him, et du Mahariq (174). Pour Tossephot et le Ran, en revanche, la mitsva s’accomplit sur le mode actif dit qoum ‘assé (« lève-toi et agis ») ; selon cela, celui qui n’a pas de bon ‘hamets devra, pour accomplir la mitsva de tachbitou (« vous détruirez »), acheter du ‘hamets. (Rabbi ‘Haïm de Brisk nous apprend que cette controverse est la prolongation d’une autre, celle qui oppose Rabbi Yehouda aux sages [‘Hakhamim] : selon Rabbi Yehouda, c’est une mitsva que d’éliminer le ‘hamets, précisément, en le brûlant, tandis que, pour les sages, on peut l’éliminer de multiples façons. Selon Rabbi ‘Haïm de Brisk, les décisionnaires qui tranchent conformément à la position de Rabbi Yehouda pensent aussi qu’il existe une obligation positive de détruire le ‘hamets. Cela mérite approfondissement ; cf. ci-après, chap. 5, note 3).

Parmi les A’haronim, le Maharash Engel, le ‘Helqat Yoav, le Meqor ‘Haïm pensent qu’il y a une mitsva d’avoir du ‘hamets par devers soi, afin de le détruire, tandis que le Choul’han ‘Aroukh Harav 436, 21, le Divré ‘Haïm 1, 9 et 18, 4 ainsi que le Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 318 estiment qu’il n’y a pas de mitsva à se procurer du ‘hamets afin de le détruire. Comme on l’a vu, la coutume est d’apporter à sa pratique un supplément de perfection en détruisant activement du ‘hamets, afin d’être quitte d’après tous les avis. Le Michna Beroura 445, 10 écrit, lui aussi, qu’il est bon de laisser un kazaït de ‘hamets afin d’accomplir activement la mitsva d’élimination.

Quand nous disons ci-dessus que, pour accomplir activement la mitsva, il faut la mesure d’un kazaït, cela s’explique par le fait que, selon de nombreux décisionnaires, seule la quantité d’un kazaït oblige à un acte de destruction (cf. Michna Beroura 442, 33). Même pour les décisionnaires rigoureux, selon lesquels une quantité plus petite qu’un kazaït requiert aussi d’être détruite, il se peut que cette rigueur procède seulement du souci d’éviter que l’on n’en vienne à consommer cette faible quantité, transgressant ainsi l’interdit de consommer du ‘hamets, interdit qui existe également dans le cas d’une mesure inférieure à celle d’un kazaït. Mais s’agissant des interdits de bal yéraé (« il n’en sera pas vu ») et de bal yimatsé (« il ne s’en trouvera pas »), la grande majorité des décisionnaires estiment que l’interdit toranique n’est pas constitué si l’on n’a chez soi qu’une mesure inférieure à un kazaït, comme l’écrivent le Dagoul Mérevava 442, le ‘Hakham Tsvi 86 et le Chaagat Aryé 81. Or la mitsva d’éliminer le ‘hamets, selon de nombreux auteurs, est liée à celles de bal yéraé et de bal yimatsé. (Cf. ci-après, chap. 5 § 4, note 3, où il est dit que certains apportent à leur pratique un supplément de perfection (hidour), en ne versant pas d’essence ou de pétrole sur le ‘hamets lui-même. Mais d’autres estiment que ce n’est pas un hidour.)

06. À partir de quel moment courent les interdits de consommation et de jouissance du ‘hamets

La mitsva d’élimination (hachbata) du ‘hamets doit, selon la Torah, être accomplie avant le milieu du 14 nissan ; si un Juif conserve du ‘hamets après le midi solaire, il contrevient à tout moment à la mitsva positive d’éliminer son ‘hamets. C’est aussi au milieu du jour que débute l’interdit toranique de consommer du ‘hamets et d’en tirer profit (Maïmonide, ‘Hamets Oumatsa 1, 8, cf. § 1 ci-dessus).

Afin de nous éloigner de la transgression, les sages ont ajouté une heure à l’interdit de tirer profit du ‘hamets, et deux heures à l’interdit de consommation. En effet, les jours nuageux, on risque jusqu’à deux heures d’erreur.

On calcule ces horaires de la façon suivante : on divise la journée en douze parties égales ; chaque partie est appelée heure relative (cha’a zmanit). Dès le début de la cinquième heure, le ‘hamets est interdit à la consommation ; au début de la sixième heure, le ‘hamets est interdit à la jouissance ; à l’entrée de la septième, commence l’interdit toranique, portant concurremment sur la consommation et sur la jouissance du ‘hamets.

Nous voyons donc qu’en pratique, les quatre premières heures du jour du 14, il est permis de consommer du ‘hamets ; durant la cinquième heure, il est rabbiniquement interdit d’en consommer, mais il est encore permis d’en tirer profit – par exemple, on peut en nourrir ses bêtes ou le vendre à un non-Juif – ; à l’entrée de la sixième heure du jour, il devient rabbiniquement interdit de tirer profit du ‘hamets. Dès lors, le ‘hamets n’est plus considéré comme faisant partie du patrimoine du Juif ; par conséquent, il est impossible de le vendre à un non-Juif ou de l’annuler : ce n’est qu’en le détruisant par le feu, ou en l’émiettant et en le jetant à la mer ou au vent, que l’on peut l’éliminer (Choul’han ‘Aroukh 443, 1).

Simplement, les décisionnaires sont partagés sur le moment à partir duquel on calcule les heures du jour. Selon le Maguen Avraham, on fait débuter le jour à l’aube (‘alot hacha’har), c’est-à-dire au moment où se montre la première lueur à l’orient ; selon le Gaon de Vilna, le jour commence au lever du jour (hanets ha’hama), c’est-à-dire au moment où l’on peut distinguer le soleil lui-même à l’orient. La différence entre l’aube et le lever du jour est de plus d’une heure. Aussi, pour toutes les règles dépendant des heures du jour, les calendriers rapportent deux horaires, le plus précoce selon le système du Maguen Avraham, le plus tardif selon le Gaon de Vilna. Ainsi de l’heure limite de lecture du Chéma, qui doit se lire avant la fin de la troisième heure du jour ; ainsi également de l’heure limite de la ‘Amida du matin, prière qui doit se réciter avant la fin de la quatrième heure (cf. La Prière d’Israël 11, 10, note 14).

En pratique, puisque l’heure-limite de consommation du ‘hamets, ainsi que l’heure-limite de jouissance, de vente et d’annulation du ‘hamets sont fixées rabbiniquement, la halakha est conforme à l’opinion indulgente ; nous avons en effet pour principe que, en cas de doute portant sur les paroles des sages, la halakha suit l’avis indulgent. Malgré cela, quand la chose est possible, il est bon, a priori, d’être rigoureux (Michna Beroura 443, 8)[9].


[9]. Si l’on se trouve en Amérique, et que son ‘hamets se trouve en Israël, un doute se présente quant à l’heure jusqu’à laquelle on pourra annuler et vendre son ‘hamets : faut-il prendre en compte la fin de la cinquième heure à l’endroit où se trouve le ‘hamets, ou bien à l’endroit où l’on se trouve soi-même, c’est-à-dire environ sept heures après l’heure-limite d’annulation du ‘hamets en Israël. Selon la majorité des décisionnaires, on se fonde sur l’endroit où se trouve la personne ; mais certains pensent que l’on se fonde sur l’endroit où se trouve le ‘hamets. A priori, on tient compte de l’heure la plus précoce ; a posteriori, on considère l’endroit où se trouve la personne, comme l’écrit le Igrot Moché IV 94-95. Cf. Pisqé Techouvot 443, 1.

La première méthode est couramment désignée du nom du Maguen Avraham, bien que cet auteur lui-même exprime des doutes à cet égard. Cf. Rama 443, 1, Michna Beroura 9, où il est dit que, selon le Teroumat Hadéchen, les heures dont il s’agit sont des heures fixes (de soixante minutes), et que, pour éviter une grande perte financière, on peut se fonder sur cet avis.

07. Comment on réalise l’élimination du ‘hamets

Comme nous l’avons vu au paragraphe 4, nous éliminons le ‘hamets de nos maisons par l’acte ainsi que par la pensée. Le processus d’élimination est composé de quatre étapes : la recherche du ‘hamets (bediqa), l’annulation (bitoul), la destruction (bi’our), et de nouveau l’annulation (bitoul). Revenons sur ces différentes phases. Le processus d’élimination commence par la recherche du ‘hamets, qui a lieu le soir du 14 nissan. Par cette recherche, nous vérifions qu’il n’y a plus de ‘hamets dans notre domaine, à l’exception du ‘hamets que nous gardons pour les besoins de notre consommation immédiate, et pour les besoins de la destruction. Tout de suite après la recherche, nous faisons une première déclaration verbale d’annulation ; par cela, nous éliminons le ‘hamets en pensée. Le lendemain matin, nous détruisons activement le ‘hamets restant dans notre domaine, et l’on a coutume de le faire en le brûlant. Après cette mise au feu, nous déclarons une nouvelle fois verbalement l’annulation du ‘hamets. Par cela, on achève son élimination en pensée.

On peut se débarrasser de son ‘hamets de deux manières supplémentaires : en le vendant à un non-Juif, ou en le rendant hefqer, c’est-à-dire en l’abandonnant. Nous avons vu, en effet, que nous ne sommes susceptibles d’enfreindre les interdits de bal yéraé (« il n’en sera pas vu ») et de bal yimatsé (« il ne s’en trouvera pas ») qu’à l’égard de notre propre ‘hamets ; et c’est donc seulement notre propre ‘hamets que nous avons l’obligation de détruire. Par conséquent, si l’on vend son ‘hamets à un non-Juif, ou si on l’abandonne, on n’enfreint aucun interdit en ne le détruisant pas.

Nous voyons donc que la recherche, la destruction et l’annulation sont des actes dirigés « contre » le ‘hamets, dans le but de le réduire à néant. Tandis que l’abandon du ‘hamets ou sa vente ne sont point des actes dirigés contre le ‘hamets, mais des actes visant à exclure celui-ci de notre possession, afin de ne pas transgresser les interdits liés au ‘hamets. Par la recherche, la destruction et l’annulation, nous « combattons » le ‘hamets, tandis que, par la vente et l’abandon, nous nous dérobons à lui. Par ces différents moyens, on peut éliminer le ‘hamets.

À présent que nous avons appris les bases de la mitsva d’élimination du ‘hamets, nous allons étudier, dans les prochains chapitres, le détail des règles de cette même mitsva. Nous commencerons par les règles relatives à la recherche du ‘hamets, par laquelle nous inaugurons notre « campagne » contre le ‘hamets ; puis nous étudierons les règles de l’annulation et de la destruction du ‘hamets ; après quoi, nous traiterons des lois de la vente du ‘hamets à un non-Juif, pour ceux qui souhaitent préserver la valeur de leur ‘hamets et se soustraire à la nécessité de le détruire.

01. Temps de la recherche : début de la nuit du 14 nissan

Comme nous l’avons vu en examinant au chapitre précédent les règles de l’élimination du ‘hamets, la personne dans le domaine de laquelle se trouve du ‘hamets à Pessa’h enfreint deux interdits : bal yéraé (« il ne [te] sera pas vu de pâte levée », Ex 13, 7) et bal yimatsé (« il ne s’en trouvera pas », Ex 12, 19). Pour ne pas enfreindre d’interdits toraniques, il faut éliminer le ‘hamets de chez soi. Certes, si l’on s’en tient à la seule norme de la Torah, on peut éliminer le ‘hamets par l’effet d’une annulation verbale (bitoul) : une fois que j’ai déclaré nul le ‘hamets qui est en mon domaine, ce ‘hamets est considéré, à mon égard, comme de la poussière, ou comme du ‘hamets qui ne m’appartient pas ; si bien que je ne transgresse pas ainsi les interdits de bal yéraé et de bal yimatsé. Cependant, nos sages ont décrété qu’il ne faut point se contenter de la seule annulation : il faut encore éliminer physiquement le ‘hamets de la maison. Cela, pour deux raisons : on craint d’abord que certains n’annulent leur ‘hamets que verbalement, extérieurement, tandis que, dans leur cœur, ils souhaitent en profiter après Pessa’h ; faute d’avoir annulé leur ‘hamets d’un plein assentiment, ils transgresseraient les interdits de bal yéraé et de bal yimatsé. Ensuite, il est à craindre que, après avoir annulé son ‘hamets, on n’aperçoive chez soi quelque beau gâteau, et, oublieux que c’est Pessa’h, qu’on n’en vienne à le manger. Par conséquent, nos sages prescrivent d’organiser, en plus de l’annulation, une recherche (bediqa) du ‘hamets, afin d’éliminer tout le ‘hamets de son domaine.

De prime abord, le temps qui conviendrait à la recherche devrait être la journée du 14 nissan, à l’approche de midi, car c’est peu avant midi que vient le moment de détruire le ‘hamets. Mais nos sages ont prescrit de procéder à la recherche au commencement de la nuit du 14[a], car, le jour, les gens sont occupés par leurs affaires, de sorte que, si l’on repoussait la recherche à la matinée du 14, il serait à craindre que l’on n’oublie de rechercher le ‘hamets. De plus, pour bien inspecter les creux et les fentes de la maison, il est bon d’utiliser la lumière d’une bougie, qui est bien adaptée aux besoins de la recherche. Or, le jour, la bougie n’éclaire pas significativement ; en effet, l’œil, en raison de la lumière solaire, ne se focalise pas sur la faible lumière de la bougie. C’est pourquoi les sages ont décidé que le ‘hamets serait recherché au début de la nuit du 14 : la nuit, les gens sont, d’ordinaire, chez eux, et la lumière de la bougie se prête alors bien à la recherche (Choul’han ‘Aroukh Harav 431, 5).

Toutefois, en général, au début de la nuit, les gens ont l’habitude de dire la prière d’Arvit. Aussi, on priera d’abord, car il s’agit là d’une mitsva permanente, et il convient donc de lui donner la préséance ; puis on se hâtera de rechercher le ‘hamets (Michna Beroura 431, 8). Si l’on a l’habitude de prier au sein d’un minyan plus tardif, on procèdera à la recherche du ‘hamets à la tombée de la nuit, puis on ira prier à l’heure habituelle.

L’obligation de la recherche incombe au chef de famille. Mais s’il lui est difficile de procéder à la recherche, en raison de sa faiblesse ou parce qu’il ne voit pas bien, il déléguera sa femme, ou l’un des autres membres (majeurs) de la famille, pour qu’ils procèdent à la recherche à sa place. Il n’y a pas de différence, à l’égard de cette mitsva, entre homme et femme. On choisira donc pour délégué une personne fiable, dont on sait qu’elle inspectera la maison de façon responsable, conformément à la loi (cf. ‘Aroukh Hachoul’han 437, 7). Lorsque le chef de famille est capable de faire la recherche comme il convient, mais qu’il est contraint, ce jour-là, de rentrer chez lui à une heure tardive, il nommera un remplaçant, qui procédera à la recherche à sa place, à l’heure normale, c’est-à-dire au début de la nuit. A posteriori, si personne ne peut faire la recherche à sa place et à l’heure normale, le chef de famille fera lui-même la recherche, quand il rentrera chez lui[1].


[a]. La journée juive commence le soir, à la tombée de la nuit.

[1]. Un auteur conseille, si l’on désire ardemment mener soi-même la recherche, de nommer un membre de la famille, chargé de réciter la bénédiction et d’inspecter toute la maison à l’heure normalement prévue, à l’exception d’une pièce que ce délégué n’inspectera pas ; puis, quand on rentrera, plus tard dans la nuit, on pourra inspecter cette pièce et dire même la bénédiction. Au moment de déléguer cette mission, on demandera à ses proches : « Rappelez-moi que je dois inspecter cette pièce, quand je rentrerai ; et si je ne rentre pas, faites-y vous-même la recherche plus tard » (Pisqé Techouvot 431, 5). Toutefois, il nous semble que, s’il y a chez soi une personne capable de faire la vérification à sa place, il soit préférable de la déléguer pour qu’elle inspecte, à l’heure régulière, toute la maison.

Cette question dépend d’une autre, qui est de principe : les sages ont-ils voulu décréter que la recherche se fasse au début de la nuit ? ou bien faut-il penser que le temps de la recherche, aux yeux des sages, court toute la nuit – car alors, la lumière de la bougie  convient bien – mais que, pour éviter que l’on n’oublie de faire cette inspection, ils ont interdit de faire quelque autre travail ou de manger auparavant ? Pour la majorité des décisionnaires, le temps de la recherche est, essentiellement, le début de la nuit ; c’est ce que pensent le Touré Zahav, le Peri ‘Hadach, le Gaon de Vilna et le Choul’han ‘Aroukh Harav 431, 5. Face à eux, le Maguen Avraham et le Meqor ‘Haïm estiment que le temps de la recherche court toute la nuit ; par conséquent, si l’on s’en tient à leur avis, on peut être plus indulgent, et repousser la recherche au moment où l’on nous rappellera de la faire, par la suite. Dans le corps de texte, nous nous exprimons dans le sens de la majorité des décisionnaires ; dans le même sens, nous écrivons, au prochain paragraphe, qu’il convient de ne pas manger, même des fruits que l’on prendrait de façon informelle, dès lors que l’heure de la recherche du ‘hamets a sonné ; cela, afin de ne pas retarder la recherche, dont l’heure prescrite est le début de la nuit.

02. Activités que les sages ont interdites avant la recherche

Afin que rien ne soit susceptible de faire oublier l’obligation de la recherche du ‘hamets, nos sages ont décrété de ne point commencer de travail, ou de repas, une demi-heure avant le début du temps prescrit pour mener cette recherche. On craint en effet, si l’on commence un travail ou un repas, d’être entraîné à le poursuivre, et d’en venir à oublier la recherche du ‘hamets. En revanche, il est permis de faire une collation légère (dérekh ar’aï) de fruits ou de gâteaux. De même, il est permis de faire de petites tâches, qui ne prennent qu’un temps court.

Quand arrive le moment de la recherche elle-même, il ne convient plus de faire aucune tâche, ni de manger, même des fruits, et même de façon informelle. Il faut en effet se presser d’accomplir la mitsva de la recherche du ‘hamets en son temps (Béour Halakha 431).

Il faut même s’abstenir de commencer une étude de Torah, dès lors que sonne l’heure de la recherche du ‘hamets. Si l’on a commencé d’étudier avant l’heure de la recherche, certains enseignent que l’on peut continuer son étude (Beit Yossef). De toute façon, de l’avis de nombreux décisionnaires, même en un tel cas, il sera préférable d’interrompre son étude à la tombée de la nuit, afin d’accomplir la mitsva de recherche du ‘hamets en son temps (Michna Beroura 431, 11, Kaf Ha’haïm 23).

Quand un cours régulier de Torah se tient en public, il est cependant préférable de ne pas l’annuler. En effet, le maintien du cours n’entraînera pas l’annulation de la mitsva de rechercher le ‘hamets, puisque l’on pourra mener, même après le cours, cette recherche ; tandis que, si l’on annulait le cours, on perdrait le bénéfice d’un enseignement public de Torah (Choul’han ‘Aroukh Harav 431, 9). En ce cas, il sera bon que les participants se rappellent l’un à l’autre de se hâter de rechercher le ‘hamets à la fin du cours.

03. La bénédiction

Avant de commencer la recherche du ‘hamets, on récitera la bénédiction : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bemitsvotav, vétsivanou ‘al bi’our ‘hamets (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements, et nous a ordonné de détruire le ‘hamets »). Bien que la destruction effective du ‘hamets ne soit prévue que le lendemain – par la combustion et par l’annulation –, nous incluons dans la bénédiction, dès le soir du 14, la formule « détruire le ‘hamets », car, par la recherche, nous amorçons le processus de destruction du ‘hamets, aux fins de l’exclure de la maison[2].

Il ne faut pas parler entre la bénédiction et le début de la recherche. Si l’on s’est interrompu par des paroles portant sur d’autres questions, qui ne sont pas liées à la recherche du ‘hamets, on a perdu le bénéfice de sa bénédiction, et l’on devra la répéter avant d’entreprendre la recherche. Mais si l’on a déjà commencé la recherche, et que l’on ait ensuite parlé d’autres sujets, on n’a pas perdu le bénéfice de la bénédiction, puisque celle-ci est déjà relative à ce que l’on a pu inspecter entre-temps. Toutefois, a priori, il ne convient pas de parler, au cours de la recherche, de sujets autres ; cela, afin que l’on se concentre sur sa recherche (Choul’han ‘Aroukh 432, 1 ; Michna Beroura 5-6).

Si l’on possède plusieurs maisons, il faut les inspecter toutes. On récitera la bénédiction avant d’inspecter la première. Même si elles sont éloignées l’une de l’autre, on ne dira la bénédiction qu’une fois[3].

Si l’on doit voyager avant le 14 nissan, et que l’on ait déjà inspecté sa maison l’une des nuits qui précèdent celle du 14, cette recherche est halakhiquement efficace ; mais pour autant, on ne récitera pas la bénédiction sur cette recherche. En effet, on ne dit la bénédiction que si la recherche s’effectue à la tombée de la nuit du 14, ou par la suite, car alors il s’agit d’une recherche qui précède de peu la destruction effective, puisque tout le ‘hamets que l’on trouve dans la nuit du 14 sera détruit le lendemain matin. De même, si l’on n’a pu faire la recherche dans la nuit du 14 et qu’on l’ait faite dans la journée du lendemain, voire à Pessa’h même, on prononcera la bénédiction, car tout le ‘hamets que l’on trouvera, on le brûlera immédiatement : sur une telle recherche, une bénédiction consacrée à la destruction du ‘hamets a sa raison d’être (Rama 436, 1, Béour Halakha ad loc., Michna Beroura 435, 5)[4].


[2]. Si l’on a oublié de dire la bénédiction avant la recherche, et que l’on s’en souvienne au cours de celle-ci, on récitera la bénédiction, à condition qu’il y ait encore, à ce moment, des endroits à inspecter. Si l’on ne s’en souvient qu’après avoir terminé la recherche, certains décisionnaires estiment que l’on dira la bénédiction avant de détruire le ‘hamets, dans la journée du 14 (Maguen Avraham, Touré Zahav et d’autres ; c’est en ce sens qu’incline le Michna Beroura 434, 4). D’autres estiment que c’est sur la recherche que porte la bénédiction instituée par le sages, et non sur la destruction ; par conséquent, si l’on a oublié de dire la bénédiction avant la fin de la recherche, on a perdu la possibilité de la dire (Baït ‘Hadach, Choul’han ‘Aroukh Harav et d’autres). Or, en cas de doute portant sur une bénédiction, nous avons pour principe d’être indulgent, c’est-à-dire de ne pas la prononcer ; on s’abstiendra donc. Quant à l’annulation en tant que telle, il est certain qu’elle ne fait pas l’objet d’une bénédiction, car on ne dit pas de bénédiction sur des dispositions qui relèvent seulement du cœur.

[3]. Les décisionnaires sont partagés sur ce point, comme le rapporte le Michna Beroura 432, 7 : selon le Peri ‘Hadach et le ‘Hayé Adam, se rendre en un lieu éloigné est considéré comme une interruption de la recherche, si bien qu’il faut répéter la bénédiction. Tandis que le ‘Hoq Yossef et le Maamar Mordekhaï estiment que le fait de se rendre dans un autre endroit n’est pas considéré comme une interruption. Telle est la position du Kaf Ha’haïm 432, 22. Là encore, nous sommes en présence d’un doute portant sur une bénédiction ; on s’abstiendra donc. Les A’haronim sont également partagés lorsque le chef de famille inspecte une partie de sa maison et délègue une autre personne pour inspecter une autre partie, mais que cette autre personne n’a pas entendu la bénédiction du chef de famille : doit-elle dire la bénédiction pour ce qu’elle recherchera ? Cf. Cha’ar Hatsioun 432, 9.

[4]. Certes, selon Rabbi Aharon Halévi et le Peri ‘Hadach, quiconque inspecte sa maison parce qu’il y est halakhiquement obligé récitera la bénédiction ; en effet, le but de la recherche est de s’assurer que l’on n’enfreindra pas, par la suite, les interdits de bal yéraé et de bal yimatsé ; or, puisque les sages ordonnent à celui qui doit voyager avant la nuit du 14 de faire sa recherche durant la nuit précédant son voyage, il dira la bénédiction. Quant au Ritva et au Baït ‘Hadach, ils estiment que l’on ne dira la bénédiction qu’à la condition que la recherche se fasse dans les trente jours précédant Pessa’h. Toutefois, le Colbo et le Rama 436, 1 sont d’avis que la bénédiction de la recherche se rapporte également à la destruction qui, elle, n’aura lieu que le lendemain ; c’est aussi ce qu’écrit le Gaon de Vilna, et ce à quoi semblent s’accorder les A’haronim, le Maguen Avraham, le Touré Zahav et d’autres. Or, en cas de doute portant sur une bénédiction, on s’abstient ; c’est aussi ce qui semble ressortir du Béour Halakha ad loc.

L’auteur du ‘Itour rapporte que, de l’avis de certains, il faut également dire la bénédiction Chéhé’héyanou avant la recherche (« … qui nous as fait vivre, nous a maintenus, et nous a conduits jusqu’à cette époque »), puisque c’est une mitsva périodique, que l’on n’accomplit qu’une fois par an ; d’autres prescrivent de ne pas la réciter. Le Roch tranche en disant de ne pas la réciter, car la recherche se fait pour les besoins de la fête de Pessa’h ; or, durant la fête elle-même, on dira la bénédiction Chéhé’héyanou. Le Choul’han ‘Aroukh ne mentionne même pas cette bénédiction dans les lois de la recherche. Cependant, certains A’haronim mentionnent un usage permettant d’apporter un supplément de perfection (un hidour) à la mitsva : prendre un fruit nouveau, ou un vêtement nouveau, et dire sur ce fruit ou sur ce vêtement la bénédiction Chéhé’héyanou avant la recherche (Kaf Ha’haïm 432, 9).

04. Endroits nécessitant une inspection

Tout endroit se trouvant dans le domaine d’un Juif, et où il est à craindre que se trouve le volume d’un kazaït de ‘hamets, requiert inspection. Par conséquent, la cuisine, le salon, où l’on mange, doivent faire l’objet d’une recherche. De même, toute pièce, remise, terrasse, où entre parfois du ‘hamets, requiert d’être inspectée (Choul’han ‘Aroukh 433, 3-4).

Les armoires à linge, que l’on n’a pas l’habitude d’utiliser au moment du repas, ne requièrent pas de recherche. Mais s’il se trouve, à la maison, des petits enfants, il faut également inspecter les armoires à linge, car il est à craindre que les enfants ne se soient amusés à ouvrir les armoires tandis qu’ils avaient du ‘hamets en main ; peut-être même y ont-ils caché des aliments ‘hamets. Les armoires hautes, auxquelles la main des enfants ne peut avoir accès, ne requièrent pas de recherche.

De même, il faut inspecter sa voiture, les cartables, dans lesquels on met parfois de la nourriture. Les adultes, s’ils n’ont pas l’usage de mettre de la nourriture dans leurs poches, sont dispensés d’inspecter celles-ci. Mais on doit vérifier les poches des petits enfants. Les vêtements qui ont été lavés avant Pessa’h, et dont on a vidé les poches avant le lavage, n’ont pas besoin d’être vérifiés dans la nuit du 14 (cf. ci-après, § 8). Si l’on n’a pas de maison, on ne récitera pas la bénédiction pour le seul fait d’inspecter sa voiture ou ses poches, car nos sages n’ont institué de bénédiction que pour l’inspection de la maison (Kaf Ha’haïm 433, 91).

L’escalier d’un immeuble commun se trouve être dans le domaine de tous les locataires. L’obligation d’y rechercher le ‘hamets incombe donc à tous. Ils nommeront donc l’un d’eux pour assurer la recherche. Il n’est pas nécessaire d’inspecter les cours ouvertes car, même s’il s’y trouvait du ‘hamets, il est vraisemblable que les animaux l’aient mangé. Mais si la cour comprend des niches, des renfoncements dans lesquels on a pu fourrer du ‘hamets, on devra vérifier ces endroits, car il se peut que les animaux n’y pénètrent pas pour le manger. De même, si l’on sait qu’il se trouve du ‘hamets dans la cour, dans la nuit du 14, on aura l’obligation de vérifier celle-ci, car on ne peut être certain que des animaux mangeront le ‘hamets avant le milieu de la journée du 14 (Michna Beroura 433, 27, suivant l’avis du Meqor ‘Haïm). Une terrasse enclose, même si elle possède une ouverture vers une cour, requiert inspection.

Les endroits abandonnés à tous ne requièrent pas d’inspection car, même s’il s’y trouve du ‘hamets, ce seul fait ne contrevient à aucun interdit, car ces endroits ne font pas partie du domaine d’un Juif déterminé. En effet, l’interdit de conserver du ‘hamets ne s’applique que dans le domaine d’un Juif, et non dans un lieu abandonné à tous (Choul’han ‘Aroukh 445, 3, Michna Beroura 18. La règle applicable aux poubelles sera exposée par la suite, chap. 5 § 5).

05. Bougie, lampe-torche électrique

Les sages ont décrété que la recherche du ‘hamets se ferait à la lumière d’une bougie, car cette lumière est bien focalisée, et convient bien à la recherche. C’est aussi pourquoi les sages ont prescrit de mener cette recherche la nuit, car la nuit, la lumière de la bougie ressort mieux, et éclaire bien les orifices et les fentes, vers lesquels va l’essentiel de la recherche. Le jour, en revanche, la lumière forte du soleil ternit la lumière de la bougie, et il est difficile à l’œil de se concentrer sur l’inspection des orifices et des fentes à cette faible lumière (Pessa’him 8a).

Il ne faut pas faire la recherche à la lumière d’une torche, c’est-à-dire d’un flambeau dont la flamme part de deux mèches distinctes ou davantage. En effet, la flamme d’une torche est grande, et risque de brûler des objets de la maison ; on serait donc préoccupé par la crainte que rien ne soit brûlé, et l’on ne pourrait se concentrer sur sa recherche. Si l’on a, par erreur, fait la recherche à l’aide d’une torche, on n’est pas quitte. De même, il ne faut pas faire la recherche à la lumière d’une lampe à huile, car on craindrait que de l’huile ne se renverse sur ses affaires ou ses vêtements, et l’on ne pourrait donc introduire la lampe dans les endroits étroits afin de bien voir les creux et les fentes. A priori, il ne faut pas faire la recherche à la lumière d’une bougie de paraffine, car là encore, il serait difficile de l’introduire dans des endroits étroits, de crainte que la bougie ne goutte et ne salisse ses affaires. Aussi, on a coutume d’utiliser des bougies de cire, qui ne gouttent presque pas (Choul’han ‘Aroukh et Michna Beroura 433, 2).

Si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de faire la recherche à la lumière d’une lampe-torche électrique. En effet, la raison même pour laquelle il a été prescrit de faire la recherche à la lumière d’une bougie est, comme on l’a vu, que sa lumière est bien focalisée ; or c’est aussi le cas d’une lampe-torche électrique. Celle-ci présente même un avantage : il n’est pas à craindre qu’elle brûle ou qu’elle salisse quelque objet ; de plus, s’il s’agit d’une lampe de qualité, sa lumière sera plus puissante et plus concentrée que celle d’une bougie. Toutefois, certains auteurs, rigoureux, ne permettent pas de rechercher le ‘hamets à la lumière d’une lampe-torche, car c’est de versets que nos sages ont appris qu’il convient que la recherche se fasse à la lumière d’une bougie (Pessa’him 7b). On peut répondre à cela que la lampe-torche électrique peut, elle aussi, être assimilée à la bougie : le filament incandescent est comparable à la mèche, et la pile à l’huile (Che’arim Metsouyanim Bahalakha 111, 4 ; Ye’havé Da’at I 4, Sidour Pessa’h Kehilkhata 13, 10).

En pratique, chacun est autorisé à choisir sa façon de mener la recherche, soit avec une bougie, comme les Juifs en ont l’usage depuis toujours, soit avec une lampe-torche électrique, dont la lumière est meilleure à cet égard. On peut aussi commencer la recherche à l’aide d’une bougie, suivant la coutume de nos ancêtres, et continuer avec une lampe-torche électrique, qui est plus efficace. Dans les endroits où l’on a quelque crainte que la flamme de la bougie ne provoque un incendie, ainsi que dans le cas où l’on ne voit pas bien à la lumière de la bougie, il sera préférable d’effectuer la recherche à l’aide d’une lampe-torche électrique.

06. Faut-il rechercher des miettes d’un volume inférieur à un kazaït ?

Ce à quoi vise la recherche, c’est à trouver des morceaux de ‘hamets d’une mesure égale ou supérieure à un kazaït, car c’est lorsque l’on a du ‘hamets d’une telle mesure, déposé en un même lieu chez soi, que l’on transgresse les interdits de bal yéraé (« il n’en sera pas vu ») et de bal yimatsé (« il n’en sera pas trouvé ») ; tandis que ces interdits ne s’appliquent pas à un ‘hamets d’une mesure inférieure à un kazaït. Nous l’avons vu, tout endroit où l’on entre parfois avec du ‘hamets requiert une inspection ; et, quand il y a des petits enfants, il faut mener sa recherche en tout endroit accessible aux mains des enfants (même si l’on n’y entre jamais avec du ‘hamets) ; mais des armoires ou étagères élevées, inaccessibles aux enfants, ne requièrent pas d’inspection.

Certains auteurs, rigoureux, estiment cependant que la recherche vise à ce qu’il ne reste plus aucune miette de ‘hamets comestible chez soi ; car s’il se trouvait même une seule miette, il serait à craindre que l’on n’en vienne à la trouver à Pessa’h et à la manger, transgressant ainsi un interdit toranique. Et quoique l’on ne soit pas punissable pour une consommation de ‘hamets d’un volume inférieur à un kazaït, l’interdit toranique de consommation existe, même pour une mesure inférieure. Selon cette opinion, il faut inspecter toute la maison de façon très méticuleuse, et prêter également attention aux petites miettes, de crainte qu’elles ne soient de ‘hamets. Une telle recherche, dans une maison ordinaire, doit prendre tout au moins deux heures. Cependant, de l’avis même de ces décisionnaires rigoureux, il n’est pas nécessaire de rechercher de toutes petites miettes, qui ne sont pas reconnaissables pour être de la nourriture ; de même, il n’est pas nécessaire de rechercher des miettes souillées, qui ne sont pas dignes d’êtres mangées. Par exemple, il n’est pas nécessaire de gratter dans les rainures qui sont entre les carreaux ou les dalles, puisque les débris qui s’y trouvent sont dégoûtants, et ne sont pas mangeables.

En pratique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente ; car l’obligation de rechercher le ‘hamets est de rang rabbinique. En effet, si l’on s’en tient à la seule Torah, il suffit de former, en soi, l’intention d’annuler le ‘hamets pour être quitte de l’interdit du ‘hamets, et il n’est plus nécessaire alors d’inspecter la maison ; ce sont les sages qui ont décrété, en plus de l’annulation, l’obligation de rechercher le ‘hamets et de le détruire. Or quand on se trouve en présence d’une controverse sur une norme de rang rabbinique, l’opinion indulgente l’emporte.

Tout ce que nous venons de dire concerne la maison prise en général. Mais tous les endroits qui entrent en contact avec des aliments destinés à Pessa’h doivent être bien nettoyés, afin qu’il n’y reste pas même une seule miette de ‘hamets, car même une quantité infime de ‘hamets rendrait interdits les aliments à Pessa’h. Par conséquent, on se doit de bien nettoyer la table à manger, le plan de travail de la cuisine, les placards de la cuisine, jusqu’à ce qu’il ne reste plus la moindre miette de ‘hamets[5].


[5]. Le Choul’han ‘Aroukh Harav 446 (Qountras A’haron 1) explique que, pour la majorité des Richonim, il n’est pas nécessaire de détruire un ‘hamets d’un volume inférieur à kazaït. (Cf. Bérour Halakha 45, 1, sur la question de la pâte présente dans les fissures du récipient d’argile où l’on pétrissait, à l’époque talmudique.) Le Michna Beroura 442, 33 rapporte une controverse entre décisionnaires, quant au fait de savoir si l’on doit détruire un ‘hamets dont la mesure est inférieure à kazaït. Certains pensent que, puisque l’on enfreindrait un interdit en le mangeant pendant Pessa’h, il faut le détruire ; d’autres sont indulgents. Le Cha’ar Hatsioun 52 dit que l’on a coutume d’être rigoureux et de le brûler. Mais il ne dit pas s’il faut rechercher les petites miettes, inférieures à un kazaït ; or, à considérer le Cha’ar Hatsioun 442, 60, il semble que la recherche soit essentiellement destinée à trouver les morceaux d’un kazaït. C’est aussi l’avis du Peri ‘Hadach et de nombreux autres décisionnaires. Face à eux, le ‘Hayé Adam 119, 6 est rigoureux, et prescrit de rechercher même les petites miettes. C’est aussi l’avis du ‘Hazon Ich, Ora’h ‘Haïm 116, 13 et 18.

De prime abord, on peut rapporter cette question à celle de la raison même qui préside à la recherche du ‘hamets. Pour Rachi, la recherche a pour but de prévenir la transgression des interdits de bal yéraé et bal yimatsé ; or, de l’avis de presque tous les décisionnaires, on ne transgresse pas ces interdits par un volume inférieur à un kazaït. Comme l’explique le Chaagat Aryé 81, un volume inférieur à un kazaït n’est pas susceptible, en cette matière, de s’additionner à un autre volume inférieur à un kazaït, contrairement à la règle applicable en matière de consommation interdite. Le ‘Hakham Tsvi, chap. 6, estime que l’on ne saurait attribuer à de telles quantités une importance, même subjective, dans la mesure où il n’y a pas ici d’acte, qui serait de nature à leur conférer de l’importance. En revanche, pour Tossephot, la raison d’être de la recherche consiste dans la crainte que l’on ne mange du ‘hamets qui resterait dans la maison. Si l’on se place dans cette perspective, il faut de prime abord rechercher également les petites miettes comestibles, car celui qui les mangerait transgresserait un interdit de la Torah.

Or nous tenons compte des deux avis – comme l’écrit le Ran – ; et dans ces conditions, peut-être faudrait-il être rigoureux ? Cependant, il semble que, même en se plaçant du point de vue de Tossephot, on puisse dire ceci : la recherche instituée par les sages, en sus de l’annulation prescrite par la Torah, est entièrement motivée par la crainte que le ‘hamets ne soit pas annulé d’un cœur entier, ou par la crainte que l’on ne trouve un gâteau et que l’on n’en vienne à le manger ; or tout cela ne concerne qu’un morceau d’un kazaït, car alors ce morceau a une certaine importance, et éveille le désir de le manger (ce qui aurait pour effet d’être punissable de karet, retranchement). En revanche, si l’on trouvait un petit crouton à soupe jeté dans un coin, il n’est pas vraisemblable qu’on le mangerait, car il serait jeté en un lieu où l’on n’a pas l’usage de conserver de la nourriture. (Et même si un individu en venait à le manger, on peut dire qu’il n’aurait pas véritablement l’intention de s’alimenter : il serait plutôt occupé à ôter les miettes pour nettoyer la pièce, mais, au lieu de les jeter à la poubelle, il les introduirait dans sa bouche. Dans un tel cas, il n’y a pas d’interdit toranique ; or ce n’est pas par crainte de transgresser un interdit rabbinique que la recherche a été instituée. Toutefois, il se peut que, si l’on a l’habitude d’introduire des miettes dans la bouche, il convienne d’être rigoureux, et de suivre l’opinion du ‘Hazon Ich).

Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 6, note 2, qui rapporte les deux opinions, et présente une forme de preuve à l’appui de l’opinion indulgente : du traité Pessa’him 4a, on peut inférer que la durée de la recherche est de moins d’une heure. Cf. Sidour Pessa’h Kehilkhato 13, note 39, qui est rigoureux, et prescrit de rechercher les miettes. Mais puisqu’il s’agit d’une controverse relative à une règle rabbinique, la halakha suit l’opinion indulgente. Toutefois, il faut distinguer la maison, prise dans son ensemble, de ceux des endroits qui seront en contact avec de la nourriture – de même que l’on distingue la cachérisation des ustensiles de cuisine, d’une part, de la recherche du ‘hamets d’autre part.

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